Darth Hope
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L’intérieur de la roulotte de Zoraida était encombré. Dana dut se pencher pour éviter des grigris qui pendaient du plafond. Ils avaient la forme de squelettes de mammifères, de crânes polis par le temps et l’air sec de la pièce. La fumée que dégageaient certaines bougies à la cire parfumée lui piqua les yeux et elle se retint de tousser. Les autres sources de lumières étaient des ampoules nues, entrelacées dangereusement aux talismans qui se balançaient mollement dans les airs. Elle aperçut un lit dans un alcôve aux rideaux à moitié fermés. Il y avait également un angle où trônait un ersatz de cuisine mais le plus gros de l’espace était occupé par une grande table derrière laquelle Zora s’était assise, dans un fauteuil confortable. Dana se contenta du siège en osier qui lui faisait face. Un bouquet de plantes séché flirtait avec l’arrondit de son épaule, suspendu depuis le plafond, comme le reste.

Dans un coin de la roulotte, le droïde s’occupait de la poussière, déplaçant les nombreux objets de décorations à l’esthétique parfois malaisants. L’Inquisitrice détourna le regard, s’entêta à observer ses mains qu’elle avait croisé sur ses cuisses.

-Ca fait beaucoup de règles enfreintes ce soir, constata la doyenne en délogeant des cigarras étranges d’un étui en or.

La vue des bâtonnets de toxines raviva le feu du manque dans ses veines, que l’adrénaline avait un temps chasser. Elle sentait sa bouche sèche et sa tête devenait douloureuse. Elle aurait tué pour une cigarra. La matriarche retira lentement son masque et le déposa sur la table. Shar découvrit une figure défigurée par des traces de brûlures passées mais encore vive. On distinguait à peine ses yeux de ses joues, son nez de ses lèvres. Tout était affreusement mutilé. Ce qu’il restait de bouche pinça une cigarette. Les doigts noueux de Zora attrapèrent un briquet proche.

-La forêt est interdite. On ne fréquente pas un homme en privé. Et on ne fait pas boire une femme qui attend un enfant.
-Ouais ben désolée, fit Dana, un peu sur la défensive, Mais je me considère pas faire partie de votre petite bande. Les règles, je les façonne et au besoin je les brise.
-Quel caractère…plein d’insoumission pour une….femme de ménage, sensée obéir.
-J’suis pas une…
-Je sais. Qu’es-tu alors ? Tu as les Magie des Rois. Je le sais, parce que je l’ai moi-même.

Une odeur de cigarra, avec un arrière-goût mentholé satura bientôt l’air, tançaient les nerfs de Dana.

-Juste une collègue.
-Tu as accepté notre hospitalité, tu es donc considérée comme sous notre responsabilité, comme l’une des nôtres.
-Je m’en vais demain, ok ? Si vous voulez je reste dans une roulotte jusque là. J’ai pas demandé à danser ou à porter ces fringues ridicules.
-Es-tu vierge ?
-Pardon ?! s’offusqua-t-elle, non pas à cause de ce que l’interrogation sous-entendait, mais parce qu’elle n’avait aucun rapport avec le sujet.
-Est-ce que tu as déjà cou..
-C’est quoi le rapport ? Ca se fait pas de poser ce genre de question.
-Tu peux tirer des cartes, déclara finalement Zoraida en indiqua de la pointe de sa cigarette une série de cartes holographiques dispersées entre elles. Shar fit la moue. Elle ne comprenait plus rien. Trois, précisa-t-elle.

La Sith s’exécuta d’un geste rapide, pressée d’en finir avec toutes ces superstitions. Elle sélectionna au hasard rois cartes qu’elle poussa devant l’ancienne avec un dédain manifeste. Mais cette dernière ne s’encombra pas de l’impolitesse de l’humaine. Elle pencha sa tête vers les cartes. Sur son front trônait une corne encore intacte, l’autre n’était plus. Elle retourna les trois choix et admira les illustrations qui brillaient, jetant sur ses rides brûlées des halos bleutés. Piquée par une curiosité qui envenima son orgueil, Shar se pencha discrètement pour admirer les cartes. Elle remarqua que la première représentait une femme couronnée, habillée richement et aux longs cheveux. La seconde lui présenta un tableau qu’elle ne saisissait pas bien. Et sur la troisième, on voyait une étoile qui resplendissait mais dont l’image était inversée.

-C’est une divination vieille comme la Galaxie, je l’ai appris de ma mère qui l’a appris de sa mère, enfin, tu sais jusqu’où ça peut remonter. Je sens un sang noble couler en toi. Comme si tu étais fille de Roi.
-C’est quoi ?
-Je ne te le dirai pas, sourit-elle en se confortant dans son fauteuil, inspirant une bonne bouffée de sa cigarra. Mumkin est mon petit-fils. Il est la chair de ma chair, de mon sang. J’ai compris que tu avais enfreint les lois, mais que tu lui avais sauvé la vie. J’ai vu, grâce à la Magie des Rois, que tu l’avais tiré de la gueule des Loups de Darren Saphir.
-Ce n’est pas moi qui ai fait ça. Ils sont partis tous seuls.
-Les Loups de Darren sont coriaces. Ils ne lâcheraient pas leur proie sans un ordre de leur Maître. On dit que ce dernier voit à travers leurs yeux, grâce à la Magie des Rois. Mais ce soir, j’ai peur que les choses ne soient allées trop loin. Trop d’enfants ont disparu dans la Forêt. Tout cela finira dans un bain de sang.
-Pourquoi vous me dîtes ça ?
-Parce que tu as un sans doute un rôle à jouer là-dedans. Tu peux disposer, Dana. Et n’oublie pas que je vois tout ce qui se passe sous mon toit, dans ce camp.
-Ouais, c’est ça.

Vieille folle d’alien.

Dehors, le froid de la nuit mordit ses cuisses dénudées et son cou sans protection. Elle hâta le pas, croisa un Vaklu à la figure ensanglantée qui se dirigeait d’un pas mauvais vers la roulotte de la vieille. Les convocations s’enchaînaient on dirait.









-Je veux voir ma fille.

Devant la roulotte de Ruth l’ombre de Kalon s’agitait, pâle comme un linge. Son épouse lui tenait tête, fière et digne, le regard intransigeant malgré tout l’amour qu’elle portait à l’homme. Dana se rapprocha.

-Elle va bien, Kalon. Ils vont bien tous les deux. C’est un garçon. Tu les verras demain.

L’humain finit par soupire un sourire, les yeux brillants d’émois. Ruth lui attrapa le bras, bienveillante et tendre avant de l’éloigner, le rassurant encore. Ruth avait brodé un mensonge. Mercy s’était réveillée pendant la nuit, suite à la perte de ses eaux et Dana avait plus que mis la main à la pâte. En réalité, Ruth et Kashiina s’étaient éveillées comme un seul homme, saisies d’horreur par un intuition qui se confirma en voyant les lits vides à côtés. La première avait prié fort, dans un coin de sa roulotte devant un autel dressé pour ses dieux et ses ancêtres. Prier pour le retour de sa belle-fille, de Dana en qui elle voyait une sœur. Et Kashiina avait discrètement fait le tour du camp, sans succès avant de se résoudre à prévenir Zoraida.









Dana s’éloigna de la caravane pour prendre la direction de la plage. Elle avait envie de dormir, mais elle savait que ce serait impossible enrobée de sang et de sueur. Et il lui semblait que l’étendue d’eau qui brillait sous la lune l’appelait. Ce serait le plus grand bain de sa vie, plus immense que les thermes de la Forteresse des Shar, mais l’idée lui plaisait. Elle se déchaussa en chemin, semant ses espadrilles. Le sable frais s’insinua entre ses orteils. Elle vit les tables encore dressées, déjà prête pour les festivités qui reprendraient une fois l’aube annoncée. Le grand feu, toujours vigoureux, qui crépitait sous les dais levés. Elle se rappela avoir dansé avec Svan. Elle se rappela aussi que Lloyd avait dansé non loin. Le bruit d’une gifle résonna dans ses souvenirs et ses pas convergèrent vers le rivage.

L’eau noire était trop froide, mais son corps encore échauffé par les dernières épreuves traversées. Elle s’immergea, progressivement. D’abord les cuisses, puis la taille, puis la courbe de ses seins. Elle défit sa robe qu’elle abandonna tout près du sable et disparut complètement. Elle laissa les profondeurs du lac nettoyer ses plaies superficielles et atteindre celles plus profondes, qui labouraient son âme. Elle trouvait l’eau douce contre ses courbes, et le silence absolu absorba même les battements de son cœur. Quand elle refit surface, elle plaqua ses longs cheveux en arrière. La pénombre nocturne découpait sa silhouette. Elle était nue, à l’exception de sa fidèle culotte en dentelle noire. Elle aspergea de nouveau son cou, ses bras, son visage. L’eau était douce, encore.

Et elle se détourna vivement vers le rivage en sentant une présence à cinq mètres de sa position. Elle croisa les yeux de Svan, le sourire de Svan qui était planté là, assis sur le sable, la surveillant ou l’admirant. Elle eut du mal à ressentir de l’indignation. Elle se contenta de reculer un peu plus dans l’eau, pour cacher sa poitrine, sa taille.

-Je peux te rejoindre ? demanda-t-il avec insolence.
-Non ! s’exclama-t-elle.
-OK ! Alors je vais juste rester là ! J’ai une bière et tout mon temps ! répliqua-t-il en levant une bouteille, pour la mettre en évidence.
-J’allais m’en aller de toute façon !
-Sans ça ?

Et de son autre main, il brandit fièrement la robe de Dana, ou du moins ce qu’il en restait après sa dernière excursion dans les bois.

-Rends-moi ça !
-J’ai tout mon temps ! répéta-t-il, avec un sourire goguenard.

Elle se détourna les joues rougies de contrariété et de honte. Elle se sentait honteuse de se retrouver dans une situation aussi puérile. Elle finit par étirer un sourire et reporta son attention sur lui. Dana leva sa main et la robe frémit entre les doigts de Svan qui en fut dépossédé lentement. Le vêtement flotta dans les airs, traversa la surface de l’eau, jusqu’à atterrir entre les doigts de sa propriétaire légitime qui avait un petit air triomphant.

-Et ça, c’est Lloyd aussi qui l’a fait ? la taquina-t-il à propos de la prouesse.
-D’accord, céda-t-elle en émergeant et même s’il l’avait voulu, il n’aurait pu détourner son regard de la vision qu’offrait Dana sortant des eaux. Elle s’était revêtue de sa robe avant même d’atteindre le rivage. Et il observait les gouttes d’eau qui dévalaient l’intérieur des cuisses galbées de l’étrangère. C’était moi.

Il leva la tête vers elle au moment où elle se penchait sur lui.

-Ca restera notre secret, souffla-t-elle en lui subtilisant sa bière.

Svan eut à peine le temps de trouver les lèvres de l’Inquisitrice ou de s’enivrer de son odeur qu’elle avait déjà remis une distance plus que raisonnable entre eux.

-T’es une magicienne, comme Zora alors.
-Qu’est-ce que ça change ?
-Rien. Que tu sois une étrangère, ça change rien non plus, déclara-t-il très sérieusement.
-Il est tard, tu devrais dormir.
-J’ai pas envie de dormir.

Comment l’aurait-il pu, alors qu’elle était là, à embrasser le goulot d’une bouteille à laquelle il avait bu. A briller sous la lune, la peau perlée d’une eau fraîche, qui fondait sur ses courbes sulfureuses.

-Moi j’en ai envie. Je suis crevée.

Elle le dépassa, lui rendant sa bière au passage et regagna le camp.




Elle s’effondra dans le lit en hauteur, emmitouflée dans un pull à capuche familier qu’elle avait enfilé dès qu’elle se fut séchée convenablement. Elle avait toujours envie de crever pour une cigarra, mais la douceur du pull apaisait son manque. On disait toujours qu’un manque chassait l’autre. Et en dehors d’une profonde bouffée de cigarra, il manquait quelque chose à Dana. Elle se sentait vide à l’intérieur, froide à l’extérieur. Le sourire de Svan n’avait pas réussi à la remplir. Son regard brûlant n’avait pas réussi à la réchauffer. Et elle sombrait dans la solitude, comme à chaque nouvelle nuit. Ruth était absente, sans doute dormirait-elle dans les bras de Kalon cette nuit. Seuls persistaient les souffles endormis de Mercy et de son bébé, juste sous elle. Elle rabattit la couverture sur son corps, trouvant un peu de réconfort dans la chaleur relative de la literie au parfum agréable. Le sommeil ne mit guère de temps à la cueillir.


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Quand ils entendirent Ruth se rapprocher de la sortie de la roulotte, Kashiina bondit sur ses pieds, laissant l’épaule de Lloyd froide et vide. Ruth était apparue.

- Ça devrait aller, comme ça. Vous dormez là aussi ?
- Je préfère, oui.
- Bien. Je vous ai laissé une bassine d’eau chaude. Il faut que je me dépêche, je dois rejoindre Mercy, avant que mon mari n’enfonce la porte de notre roulotte.
- Merci. Merci pour lui, aussi.

Ruth acquiesça d’un geste simple du visage. Kashiina disparut avec elle comme si rien ne s’était passé entre eux. Question de Code d’Honneur.

Le hapien resta un moment-là, avec sa tasse vide. Quand il fut certain d’être seul, il fit le tour de la roulotte. Il n’y avait rien de dissimulé nulle part, bien sûr, c’était juste une vieille habitude idiote. Ses yeux se portèrent vers la plage et au loin, il aperçut quelqu’un assis au bord de l’eau. Il allait l’ignorer mais il perçut une autre silhouette, un peu plus loin.

Dana. Il lui semblait qu’elle était nue. Et c’était donc Svan qu’elle laissait l’admirer ainsi. Il sentit quelque chose s’écraser douloureusement dans son thorax et il détourna le regard avec une inspiration laborieuse.

Il avait dit qu’il la laisserait tranquille.

-------

-------

-------- Nan, nan, plus à droite, là.
- Ça marche pas, je te dis.
- Essaie un peu plus fort !
- Je vais le péter si j’y vais plus fort.

Sur la plage, le moteur d’une motospeeder avait été presque complètement démonté en petites pièces qu’on avait alignée sur un grand drap usé. Un soleil timide était sorti entre les nuages humides et jetait sur la nuque de Lloyd ses rayons brûlants. Pieds nus, à genoux dans le sable, le hapien manipulait depuis un long moment une pièce rectangulaire dont il essayait de faire sauter un mécanisme grippé. A deux pas de lui, Mumkin avait été installé sur un transat en plastique et un minuscule droïde doté d’un ventilateur soufflait sur son visage un petit vent frais. Le dévaronien était pâle mais bien éveillé. Ses blessures avaient été recouvertes du même bandage récent qui couvrait désormais le bras et les mains de Lloyd.

- Il est mort ce carburateur, dis-leur d’en racheter un autre.
- Ça fait aller vachement loin pour un carbu !

Ordinairement, c’était à Mumkin qu’on demandait pour les réparations, quand il était là. Mais vu son état, Lloyd s’était proposé pour aider Lartokh à faire la révision des véhicules du camp. Mais le dévaronien voulait absolument assister à ce qui se passait dehors, alors Lartokh et le hapien l’avaient aidé à s’installer sur ce transat, à proximité des festivités. D’ailleurs, si Lloyd s’était tenu à l’écart, visiblement les membres du clan avaient recommencé à s’amuser dès le matin : on faisait griller des choses à grignoter à l’aide de petites perches sur le feu de camp, on organisait des jeux pour les enfants, et certains profitaient de l’éclaircie pour se baigner dans le lac.
Lloyd et Mumkin s’étaient éveillés très tard. Le hapien ne savait pas à quelle heure il s’était couché, mais cela faisait plusieurs heures que tout le camp était debout quand il avait émergé. Des femmes avaient apporté une grosse assiette qu’elles avaient déposé sur les marches de la roulotte, ainsi que tout un tas d’objets étranges : des grigris, un bouquet d’herbes sèches, une bouteille d’alcool fort, et même quelques vêtements propres. Il y avait aussi un foulard bleu, parfumé. Lloyd savait très bien de qui il venait. Kashiina avait probablement contribué à ce qu’il eût dès le matin de quoi se sustenter. Il avait soupiré en emportant le tout à l’intérieur de la roulotte.

Il ne savait pas ce qui était arrivé à Mia. Apparemment, le Clan avait renvoyé le jeune zabrak et Mia avait été ramenée à sa famille. Elle avait l'air d'être interdite de sortie, puisqu'elle n'était pas parmi les adolescents qui s'amusaient au bord de l'eau.

Désormais, sur la plage, l’après-midi était déjà avancée, et Mumkin essayait de ne pas bouger trop rapidement pour ne pas se faire. Néanmoins, quand il ne voulait pas conseiller Lloyd sur ses manipulations, il jetait des regards vers le feu de camp. Les femmes avaient changé leurs tenues. Des robes colorées se faisaient de plus en plus nombreuses. L’alcool n’était pas encore de la partie.

- Hé, ça va bientôt commencer ! commenta-t-il au bout d’un moment.

Lloyd releva le nez.

- Qu’est-ce qui va commencer ?
- Les jeux ?
- Allons bon, grogna-t-il en se hâtant de s’intéresser de nouveau à son matériel.
- Oui, aujourd’hui c’est les jeux, ce soir c’est les enterrements de vie d’puceau, puis demain ce sera le grand moment solennel. J’vais enfin pouvoir revoir ma frangine. Elle va être vachement contente que j’sois venu.
- Ah, ça…
- Merci, hein.
- Ouais.
- Par contre, va falloir que tu participes pour moi ?
- A quoi ?
- Aux jeux.

Lloyd leva les yeux au ciel.

- J’ai l’air d’un joueur ?
- Attends, aux épreuves d’athlétisme, tu vas rafler toutes les mises, d’habitude c’est toujours Kinuux qui gagne tout !
- Mmh.
- Allez, ça va.
- On verra, j’ai mal partout.

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-------

-------- WOUUUH ! VAS-Y KALON !!

Ruth sautait de joie en tapant des mains. Kalon était entré dans le cercle tracé dans le sable et retroussait ses manches avec un sourire provocateur. En face de lui, Rilc poussa un cri qui ressemblait à un cri de guerre. Le jeu était simple : les deux lutteurs devaient réussir à mettre au sol son adversaire et à l’y maintenir pendant trois secondes. Il y avait déjà eu plusieurs tours, comme un championnat, et Lloyd s’était désisté sur les premières luttes, non sans s’attirer les reproches de Mumkin.

- Celui qui gagne, il remporte une pierre de Saffia et il doit l’offrir à la femme qu’il veut ! Mais tu peux aussi la gagner et la garder, et après on la vend et on s’fait un max de… Aïe !

Kinuux avait donné une tape à l’arrière du crâne de Mumkin.

- On plaisante pas avec ça, les pierres de Saffia elles doivent rester dans la famille Mum !
- Bouais, grogna Mumkin.

La lutte entre Kalon et Rilc dura de longues minutes. Le public criait des encouragements, applaudissait les témérités, lâchait des « oooh » pour accompagner la chute de l’un ou l’autre des lutteurs. Au bout d’un moment, Rilc l’emporta et Kalon accepta sa défaite de bon cœur, mais en gratifiant le dévaronien de quelques avertissements concernant un prochain tournoi.
Kinuux prit sa place dans le cercle : il avait déjà remporté quelques luttes depuis le début de l’après-midi, et les dévaroniennes à prendre le couvaient du regard. Il se battait torse nu, exhibant ses cicatrices. Rilc ne fit pas le poids longtemps : Kinnux parvint à le renverser à l’intérieur du cercle et l’écrasa de tout son poids avec un rire guttural qui provoqua l’hilarité de la foule. Trois secondes plus tard, Rilc sortait du cercle en jurant.

- Alors, qui va oser affronter Kinuux ? cria Ruth.
- J’en connais un qui sait bien s’battre ! clama Mumkin avec enthousiasme, et les autres dévaroniens suivirent son regard.
- Non mais…

Russoc, Zekh et Lartokh poussèrent sans ménagement le hapien vers le cercle avec des cris qui couvrirent ses protestations. Et comme toute la foule applaudissait – on voulait voir le Sith se battre – Lloyd consentit à retirer sa chemise pour faire face, en débardeur, à un Kinuux qui malaxait ses poings en l’attendant.

Le silence se fit, et la lutte commença.

Lloyd commença par éviter d’être attrapé par Kinuux. Le dévaronien était une masse de muscles trop lentes pour un Sith comme lui, à qui la Force soufflait à l’avance certains de ses gestes. Il y eut des rires dans l’assemblée, puisque Kinuux referma plusieurs fois ses bras dans le vide. Dès qu’il le put, Lloyd parvint à attraper la jambe du dévaronien et tâcha de le faire chuter, mais Kinuux pivota sur lui-même et, sans tomber, réussit à attraper Lloyd par la taille. Tous deux tombèrent dans le sable avec un Oooh de surprise du public. Ils roulèrent au sol, tâchant à tour de rôle de se maintenir à terre sans sortir du cercle. Lloyd se retrouva à terre, mais réussit à se dégager à la force de ses bras et de ses jambes et après une brève mêlée, ils se séparèrent tous les deux pour se relever. Il y eut des applaudissements à cette première tentative ratée, puis le dévaronien fonça sur Lloyd pour l’emporter. Ils basculèrent en projetant des gerbes de sable autour d’eux. Un instant, on crut que le hapien serait enseveli aussi efficacement que Rilc, mais soudain Lloyd passa sa tête sous le bras de Kinuux et au prix d’un grognement d’effort, le renversa à son tour. Kinuux se débattit, mais Lloyd maintenait ses jambes coincées entre les siennes, et les trois secondes s’écoulèrent, entonnées par le public.
Puis il y eut des applaudissements, qui tirèrent au hapien un sourire. Kinuux lui serra la main avant de quitter le cercle, on poussa quelqu’un d’autre pour lui faire face.

Les autres opposants furent faciles à vaincre. Malgré son bras blessé et sa fatigue, son entraînement à l’académie et son expérience au combat lui donnaient un avantage qui le faisait se sentir coupable de remporter la victoire sur Zekh, puis sur Lartokh, puis même sur Russoc, même si ce dernier se montra de loin son opposant le plus coriace. Tous ces dévaroniens avaient une grande force, mais ils étaient prévisibles et manquaient de tactique.

- Ooooh c’était déjà le dernier combat ? s’exclama Ruth à quelques pas du cercle.
- Tout le monde l’a défié ? Il a gagné ? demanda innocemment Liam qui était accroché à la robe de sa belle-mère.
- Nan, nan, j’y vais !

Le hapien eut une sensation désagréable quand il vit le dernier opposant qui avait posé le pied à l’intérieur du cercle.

Svan.

Merde. Il avait promis à Mumkin. Et plus ou moins à Dana. Il prit une longue inspiration, soutenant le regard de Svan qui le défiait avec bravoure. Il avait une belle gueule, quand on le regardait bien. Pas de brûlure, pas ou peu de cicatrices, bien plus jeune que lui. Lloyd attendit avec appréhension que l’humain s’attaqua à lui.

Ce serait facile : Svan n’était pas aussi musclé que les dévaroniens qu’il avait affronté un peu plus tôt, et il n’avait certainement pas l’entraînement militaire du hapien. Il n’en ferait qu’une bouchée.
Le problème n’était pas là.

Svan et Lloyd tournoyèrent à l’intérieur du cercle, sous les cris d’encouragements de la foule. Le hapien refusa de chercher Dana du regard. Il lui avait promis de la laisser tranquille. Mais si Svan voulait en découdre, il n’avait pas promis de ne pas se défendre.
Svan attaqua le premier. Il tenta un coup de pied dans les jambes pour faire chuter Lloyd, mais ce dernier s’écarta facilement. Alors il riposta en tentant de lui attraper le cou, mais Lloyd en profita pour l’attraper par la taille et le faire basculer au sol. Svan plaqua sa main contre le visage de Lloyd. Sa brûlure s’éveilla mais il tâcha de tenir bon, mais Svan gigota et lui échappa comme une anguille tandis qu’il l’aveuglait. L’instant suivant, ils étaient de nouveau tous les deux debout à se faire face, sous les cris de soulagement du public.
Encore une fois, Lloyd attendit que son adversaire vînt à lui : il ne voulait pas être accusé d’avoir été trop violent, d’avoir initié les hostilités ; il lui semblait que Svan avait été plus vindicatif qu’un simple combat amical. Ou bien peut-être se faisait-il des idées en s’imaginant être agressé directement.
Quoiqu’il en fût, Svan réitéra son attaque en fonçant vers son adversaire. Lloyd encaissa le choc de l’épaule de Svan dans son ventre et en profita pour se pencher pour attraper l’humain à son tour. Les deux hommes luttèrent un moment debout. Svan attrapa Lloyd par le cou et celui-ci suffoqua un bref instant. Pour se libérer, il faucha brutalement d’un pied les jambes de Svan et celui-ci tomba à terre avec un hoquet de stupeur. Le hapien était en train de se laisser tomber sur lui quand la douleur dans son bras fut fulgurante : Svan venait de l’attraper par sa blessure de la nuit et il glissa dans le sable à côté de son adversaire. Aussitôt, l’humain se jeta en travers de son torse.

Trois secondes.


Il avait trois secondes pour prendre une décision simple : soit il retournait Svan une dernière fois, et l’humiliait pour se venger de la douleur. Soit il le laissait gagner. Et Svan remporterait la pierre de Saffia pour l’offrir à Dana.

- UN ! cria la foule.








Dana nue dans ses bras, contre lui, au fond d’une cellule. Sa peau brûlante contre la sienne, son souffle indécent à son oreille, son cri dans ses cheveux. C’était le meilleur choix.









- DEUX !









Dana nue sur la plage, sous les yeux d’un autre. T’aurais dû refuser.

J’ai promis.











- Eeeeeet TROIIIIS !


Svan se redressa en hurlant sa joie, bientôt suivi des applaudissements de la foule, qui empiétèrent sur le cercle pour féliciter le gagnant.

Lloyd resta un moment allongé sur le dos dans le sable humide.













A qui aurait-il offert une pierre précieuse maintenant, de toute façon ?

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Un pleur enfantin déchira le jour et déchira ses songes. Elle sursauta, ouvrant les yeux à la hâte avant de basculer dans le vide. Mercy, qui tentait vainement de calmer son enfant, vit une masse sombre heurter le sol avec fracas. Un gémissement de douleur plus tard et elle reconnut Dana, échouée entre les lits superposés, le visage marqué d’une grimace endolorie. Elle n’avait pas pour habitude de dormir en hauteur. Le petit hybride s’époumonait toujours.

Magnifique réveil.

-Dana, ca va ?

Quelque part, installée à table, Kashiina eut un léger ricanement moqueur.

-Ouais…souffla-t-elle en se massant le bas du dos qui avait le plus souffert de sa chute brutale.
-Mercy, lança la belle brune, Tu ne sais pas calmer ton petit ? Donne-lui le sein, il crève de faim, ça s’entend.
-Eh j’ai pas de conseils à recevoir de toi, t’auras jamais d’enfants, tu sais pas ce que c’est !

Coup bas. Même Dana trouva que ce fut une remarque basse. Mercy sembla regretter de s’être emporté la seconde suivante. Kashiina demeura sans réaction, comme si l’insulte ne l’avait pas atteinte. Shar pressentit la lassitude et l’ndifférence de celle qui était habituée aux brimades sur son « handicap ». Ouais, pensa-t-elle, c’est comme les coups. A force d’en manger, on n’en sent plus la saveur. Elle se pencha vers le lit inférieur dans lequel reposaient la mère et son nouveau-né qui avait enfin fini de brailler après avoir trouvé un téton à disposition. La rouquine semblait fatiguée, plus pâle que la veille.

-J’suis trop deg’ de louper les jeux, bougonna-t-elle.
-T’es vraiment encore une enfant, s’agaça Kashiina qui avait suivi du regard la Sith. Cette dernière s’était agenouillée sur les coussins, devant la table et observait ce qu’il y avait au petit-déjeuner. Et beaucoup de choses se présentaient à ses yeux mal réveillés, encore plissés d’un sommeil salvateur. Des mets de différentes couleurs, aux odeurs variés, des aliments qui brillaient par leur douceur, par le miel qui les recouvraient et dont elle se saoulait du parfum tiède et sucré.

-Mange, l’invita l’autre humaine. Derrière la roulotte, on a notre bain, tu pourras y faire un tour.

Dana ne répondit pas et s’octroya un gâteau à la forme rebondie qu’elle savoura d’une bouchée gourmande. C’était délicieux et encore chaud. Elle aimait manger chaud. Kashiina déposa ses coudes sur la table, son menton sur ses mains nouées et fixait la « femme de ménage » de ses grands yeux magnifiques. La beauté qui s’en dégageait coupa soudainement l’appétit à Dana. Cette dernière avait constaté que les lèvres de sa rivale s’affranchissaient de toute cicatrice, dévoilant une charnure parfaite. Sa peau était semblable aux sucreries douces qui garnissaient la tablée. Elle était comme Mat’aenna. Elle était innocente.

-La cicatrice à ta lèvre, c’est lui aussi ?

De bon matin. C’était rude.

-Non. C’était un accident.
-T’as l’air bien maladroite, rit-elle dans un souffle incrédule.

L’envie de manger lui était définitivement passée. Converser avec Kashiina l’éprouvait pour des raisons qu’elle ignorait. Elle ne souhaitait pas se confronter à sa perfection. Elle ne voulait pas souffrir d’une comparaison ridicule. Heureusement, l’arrivée de Ruth permit de renouveler l’air qui se viciait dans la roulotte. La femme de Kalon resplendissait. Elle avait noué un turban mauve aux broderies dorés dans sa chevelure. Des mèches aux reflets cuivrés s’en échappaient, brillant à la lumière. Sa narine droite était parée d’un bijou en or à l’arrondi précieux. Et puis, il y avait ses yeux verts qui pétillaient sans cesse, qui chassaient les nuages et portaient sur le monde un regard toujours bienveillant.

-Vous êtes toutes réveillées, c’est parfait ! On a du travail ce matin ! Faut nettoyer les roulottes, préparer le linge, le repas, après seulement place à la fête ! Vous savez bien comment est Zora.
-Ruth est toujours merveilleusement en forme après une nuit passée avec Kalon, commenta Kashiina.

La concernée rougit et fronça les sourcils, poings sur les hanches, pour fustiger théâtralement sa protégée du regard.

-Ca m’a manqué, voilà tout. Tu comprendras ce que c’est le manque, quand tu auras trouvé le tien.

Elle se mit à rire et s’installa à la hâte près de Dana, se pressant contre elle pour lui communiquer son hilarité. L’Inquisitrice réussit à tirer un sourire, bercée par la fragrance apaisante qui émanait de Ruth.

-Et toi aussi. Vous saurez toutes les deux, fit-elle avec un petit air taquin. Alors, Dana…il paraît que Zora t’a tiré les cartes mh, mh ? Et tu caches ça ?
-Bah, c’est-à-dire qu’elle m’a surtout engueulé. Et j’ai rien compris à ces histoires de cartes.
-Attends, dis ce que tu as tiré, Kashiina et moi, Zora nous a un peu appris.
-Y’avait une femme avec une couronne et des longs cheveux….tâcha de se souvenir Dana.
-L’Impératrice ! s’exclama Ruth avant de hocher la tête, satisfaite. Bon présage. (Et elle déposa une main familière sur le ventre de Shar, amusée.) Un présage d’abondance. La création. Mais aussi l’ascension. Et après ?
-Une…c’était une scène avec un homme qui avait les yeux bandés et une vibrolame dans sa main droite, et autre chose dans la gauche mais j’me rappelle plus trop. Mais il était à l’envers.
-La Justice, décréta sérieusement Kashiina. Si tu l’as tiré à l’envers alors Cela augure le déni. L’erreur de jugement.
-Une carte bonne, contre une mauvaise. C’est la troisième qui va être déterminante !
-Bah, c’était une étoile, à l’envers aussi.

Ruth retira sa paume tiède du ventre de Dana et échangea une œillade avec son autre protégée qui se contenta de hausser les épaules.

-De toute façon, ce sont des conneries. J’comprends pas comment vous pouvez croire à ça.
-Les prédictions de Zora se sont toujours avérées vraies, annonça Ruth avec assurance. Les dieux lui ont donné ce pouvoir et cette sagesse. Elle nous a toujours dit que si l’on acceptait pas son destin, on finissait brisé par lui.
-Ah ouais ? siffla Dana, mauvaise. Donc on vous tire trois cartes et vous devez accepter ces conneries, sans broncher et vous vous dîtes que ce sera ça votre vie ?! Faut vraiment pas être bien. Ce sont des trucs de vieilles femmes.
-Dana…
-Qu’est-ce que je te disais Ruth ? Une étrangère restera toujours une étrangère. J’suis pas étonnée que ton patron te fracasse, vu ton manque de respect permanent pour ce qui t’entoure, pour des choses aussi simples que les règles.
-Il fait quoi ? s’indigna l’autre.
-La ferme ! fit-elle vers Kashiina. Plus un mot sur lui. Et de là où je viens, la seule loi qui compte est celle du plus fort..
-Mais on s’en fiche de là d’où tu viens. L’essentiel, c’est là où tu es maintenant. On est tous là, dans ce camp, d’accord ?!

Kashiina avait un peu élevé la voix, surprenant Mercy et sa belle-mère. Mais elle ne s’arrêta pas là. Elle pointa un doigt accusateur vers Dana.

-Tu viens faire ta donneuse de leçon, parce que madame vient d’ailleurs ? Redescends un peu ! Tu n’as pas le quart des qualités qu’ont les femmes du clan ! Si j’avais été dans cette forêt à ta place hier, j’aurais su comment faire accoucher Mercy ! J’aurais su soigner Mumkin ! J’aurais fait en sorte de bander le bras de Lloyd mieux que ça ! Et il n’aurait pas eu à se charger comme un bantha de traite. Tu es orgueilleuse et complètement inutile ! Svan s’en rendra compte. Tout le monde s’en rendra compte. Ils pensent tous ce que tu as sauvé Mumkin, que tu as sauvé Liam. Tu t’es comportée comme un homme, peut-être. A courir aux devants du danger, avec ton inconscience crasse. Mais t’as mis en danger plus de personnes que t’en as sauvé. Alors arrête avec tes jugements. Arrête, parce que c’est insupportable et puéril ! T’as même pas été reconnaissante envers Ruth. Elle t’a accueillie, nourrie, vêtue et tu craches sur ses croyances, comme ça. Si t’es pas contente, y’a un sentier qui démarre du camp. Huit heures de marche et tu es à la ville la plus proche. Retourne d’où tu viens.

L’Inquisitrice s’était figée. Chaque phrase lancée par son interlocutrice fut comme une flèche qui se plantait dans sa chair et il y en avait eu des phrases. Elle sentait la haine agiter ses tripes, la colère se former dans son Esprit. Elle eut bientôt la Force autour d’elle et le désir d’en finir une bonne fois pour toute avec Kashiina, de raser ce camp. La noirceur gagna son âme. C’était comme une purée de poix ténébreuses qui s’insinua dans ses bronches. Tout s’envola quand Ruth déposa une main maternelle sur son bras tremblant.

-Vous avez un fort caractère toutes les deux. Essayez de vous entendre, plutôt que de vous affronter, leur dit-elle, tentant de calmer la tension. Nous marions une des nôtres, les cœurs doivent être à la joie.
-Quelle importance. Je dois y aller, j’ai des choses à préparer pour Lloyd et Mumkin avec les autres femmes.

Le départ de Kashiina laissa un grand vide. Ruth ne sut quoi faire ou dire. Alors elle alla tirer un coffre qui sommeillait sous le lit de Mercy. Malgré les cris, malgré les reproches qui avaient volé, cette dernière s’était endormie avec son bébé.

-Ce sont les affaires de la mère de Mercy. Elles seront plus adaptées à ta taille.
-T’es pas obligée, Ruth. Elle a raison.
-Arrêtez de dire des bêtises toutes les deux. C’est rude, quand on vient d’ailleurs et qu’on doit se plier à des lois étrangères. C’est rude, quand on est là depuis toujours et qu’on rêve d’ailleurs. Kashiina et toi vivez sous mon toit, je vous considère comme des sœurs, parce que vous mangez ma nourriture, partagez mes vêtements, et bien d’autres choses. Les origines ne comptent pas. Il y a tellement d’autres choses qui comptent. Ah, j’ai trouvé !


Comme des sœurs.
Dana se mordit la lèvre inférieure, laissant ses pensées vagabonder vers Damaya qui lui manquait cruellement.



Derrière la roulotte, des draps colorés avaient été suspendus, comme des murs souples, pour délimiter une zone de toilette, à l’abri des regards indiscrets. C’était là que Dana put bénéficier d’un bain revigorant avec tous les produits nécessaires à l’hygiène et à la beauté. Tapie dans l’eau parfumée d’une grande bassine en fer, elle admirait les ombres qui se détachaient derrière les draps, sans qu’aucun ne cherche jamais à en écarter un pan. Tout le monde suivait les règles. Heureusement, elle avait ce bout de ciel qui se détachait. Il était bleu aujourd’hui, sans un nuage à l’horizon. Peut-être pourrait-elle lâcher prise, juste une seule fois et prétendre à la normalité ?

-Ce tatouage, intervint la voix de Ruth qui était venue perturber sa tranquillité pour lui apporter une tenue propre et du linge sec. Il a une signification ?

Elle pointait le sein de Dana et cette dernière se dépêcha de plonger un peu plus dans l’eau pour cacher sa nudité sous le sourire amusé de son aînée.

-Pas vraiment…broda-t-elle sans conviction.
-Dépêche-toi, l’encouragea-t-elle, les jeux d’athlétisme vont bientôt commencer et Mercy m’a supplié de te demander de la remplacer pour l’épreuve des femmes. Elle y participait à chaque mariage.










Elle se fondait dans le décor, sous le soleil clément. Dana se rapprochait de la foule à grandes enjambées, peu habituée à la lourdeur des jupons bariolés qui composaient sa robe. Ils étaient frappés d’un millier de couleurs et fondaient autour de ses jambes en couches successives qui s’envolaient au moindre coup de vent, au moindre mouvement trop brusque. Son abdomen était nu, ses hanches soulignées par une ceinture de bijoux et sa poitrine recouverte d’un court bustier aussi coloré que ne l’était sa jupe. Elle ramassa cette dernière pour aller plus vite, car elle était en retard. Elle avait mis trop de temps à étendre le linge que lui avait demandé Ruth. Alors que les cris emplissaient l’air, elle se fraya un chemin à travers la foule pour arriver près du cercle des combattants, là où les luttes faisaient rage. Là où Lloyd ou et Svan venaient tout juste d’entamer un combat. On la bouscula un peu, parce qu’autour d’elle, les spectateurs se déchaînaient, encourageaient leur champion. Et elle, elle se laissait balloter au gré de leur agitation, aussi molle qu’un corps sans âme.

Svan avait réussi à s’imposer, plaquant l’hapien à terre et elle avait espéré que Lloyd ferait quelque chose. Qu’il ferait tout. Qu’il tenterait, au moins. Mais pas qu’il demeure au sol. Elle eut un picotement dans sa gorge et sa mâchoire se contracta. Il ne pouvait pas laisser Svan gagner. Laisser Svan gagner, ce serait l’abandonner, elle.

Il laissa Svan gagner.

Les cris résonnaient forts et hauts dans le ciel.
Mais il n’y avait qu’une seule chose qui faisait écho dans son cœur, dans son esprit : c’était la lâcheté bruyante de Lloyd Hope.

Elle recula de quelques pas, avant que la foule ne l’engloutisse dans cet engouement insensé. Elle recula encore. Elle aurait aimé reculer jusqu’au sentier dont lui avait parlé Kashiina. Reculer puis marcher huit heures et disparaitre.








-C’est très simple. C’est un bête concours de natation. Tu vois Rilc là-bas ?

Elle voyait Rilc là-bas, à une centaine de mètres du rivages, sur une barque-speeder un peu rouillée. Il n’était presqu’un point dans l’étendue azurée qui brillaient sous le soleil de plomb. L’eau qui lui avait paru si noire hier resplendissait désormais, aussi claire que le ciel. Ruth l’aidait à se défaire de ses jupons, sous les regards concentrés de la foule.

-Il délimite le point à atteindre. Il faut l'atteindre avant les autres. La gagnante…reçoit un prix spécial.

Le long du rivage, des dizaines d’autres femmes se préparaient, comme elle. Kashiina en faisait partie. Elle était déjà en sous-vêtements, et son corps de sirène magnétisait tous les regards présents.

-Kashiina a gagné les trois derniers mariages. C’est une nageuse hors pair.
-Ben voyons…Je fais ça uniquement pour faire plaisir à Mercy.
-Voilà, ponctua Ruth une fois que l’Inquisitrice fut également en sous-vêtements. Son aînée lui avait prêté une brassière qui était dépareillée avec la culotte que l’on ne présentait plus.
-Dana !

Svan s’approcha en courant, un sourire immense aux lèvres.

-Bon courage, pour la course. Et…fais attention.

Ruth attrapa le bras de son beau-fils pour le faire reculer et regagner la ligne de spectateurs. Dana se rapprocha du rivage. L’eau mouillait ses pieds nus. Il y eut bientôt un signal, des hurlements et comme toutes, elle s’élança.

L’eau était plus belle qu’hier, mais plus froide encore. Le soleil n’avait pas encore eu le temps de la tempérer en cette fin de matinée. Sa température frappa douloureusement son cops, mais sitôt qu’elle n’eut plus pieds, elle plongea.







Mumkin apporta une paire de jumelles à ses yeux et émit un sifflement avant de donner un coup de coude à Lloyd.

-Kashiina et Dana sont en tête, ça se joue à un poils de cul près, moi j’te dis. D’ailleurs en parlant de cul…ahm.

Il régla l’appareil pour avoir un zoom optimal sur l’anatomie de l’une ou l’autre, qui émergeait de l’eau au gré des puissants mouvements de nage.

-J’arrive pas à les départager pour ça. Mais j’ai pas vu celui de Kashiina d’aussi près que celui de Dana. Tu pourras ptetre me dire toi.
-Eh de quoi vous parlez ? s’invita Kinuux. On s’en fiche de qui va gagner, on est là pour…

Des dizaines de bouches l’interrompirent pour hurler le nom de Kashiina qui semblait avoir pris définitivement la tête de la course.
De Dana, plus aucune trace.






Elle avait tenu la distance sur cinquante mètres. Plongeant souvent pour nager sous la surface, là où elle était le plus rapide et le plus à l’aise. Dana n’avait pas regardé son positionnement par rapport aux autres concurrentes. Elle utilisait cette épreuve pour exorciser toute la colère qui l’avait saisie depuis ce matin. Parfois, elle n’avait plus envie de remonter, mais il le fallait bien quand ses poumons réclamaient de l’oxygène, indifférents à ses états d’âme. Elle en était à mi-parcours. Rilc se rapprochait, il n’était plus ce point vague à l’horizon. Puis elle fut happée.
Quelque chose s’était saisi de sa cheville et l’avait entraîné. Depuis le rivage, beaucoup crurent qu’elle avait replongé comme depuis le début de la course. Elle paniqua, saisie d’horreur, entourée du silence des profondeurs. Elle écarquilla les yeux pour remarquer les contours flous d’un tentacule enroulé autour de son pied. Elle s’agita pour s’en défaire, le cœur battant. Au-delà de ce qu’elle pouvait difficilement voir, c’étaient les ténèbres. Mais il y avait un écho dans ces ténèbres, porté par la Force.

Manger. Manger. Dévorer. Humain.

Elle vit dans son esprit une gueule ronde, dégueulante de crocs entre lesquels étaient logées des algues. Elle la vit aussi clairement qu’elle entendait l’écho et elle voulut hurler. Son cri encombra sa poitrine et elle mit plus de force et d’énergie. Au prix d’un effort considérable, elle réussit à tracter sa tête hors de l’eau pour reprendre une bouffée d’air, mais elle fut attirée de nouveau. Elle agita son pied, encore. Sa cheville lui brûlait affreusement. Elle porta une main à sa chevelure que Ruth avait façonné en chignon à l’aide d’aiguilles à tricots. Elle se saisit de l’une des aguilles. Ses cheveux furent libérés, flottèrent autour de son visage pâle et elle fit de son mieux pour planter l’outil dans la chose gluante qui s’était épris de sa jambe. Ce fut efficace. Le tentacule se rétracta immédiatement sous la douleur et elle se dépêcha de remonter. Il lui avait semblé avoir passé des heures sous l’eau, à se battre, mais juste une minute s’était écoulée. A peine suffisant pour alerter qui que ce soit. Alors que l’eau dégoulinait sur sa figure encombrée de mèches brunes, elle entendait les cris de joie. Kashiina avait atteint Rilc. Les autres concurrentes firent demi-tour et elle suivit le mouvement, tremblante.

Dana rampa sur le sable, toussant l’eau qu’elle avait avalé dans sa lutte. Elle porta une œillade vers sa cheville marquée d’une trace rouge. Elle n’arrivait pas à calmer les tremblements de ses muscles, encore choqués. Elle n’arrivait pas à mettre des idées claires sur ce qu’il s’était passé. Un monstre ? Sous l’eau ? Pourquoi toutes les autres filles étaient encore en vie ? Elles n’avaient pas été attaquées, elles.

Mercy allait sûrement être déçue de cette défaite.



Lloyd Hope
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- Lloyd ? Lloyd où tu vas ?!

Mumkin s’égosillait pour rien. Le hapien avait bondi vers le lac dans un réflexe surprenant.

Il n’avait pas pu s’empêcher. Dès qu’il lui avait semblé qu’elle était sous l’eau depuis trop longtemps, il avait tendu son esprit vers elle. Il avait ressenti, sur le fil ténu de Force qu’ils arrivaient parfois à tendre entre eux, la vibration lointaine de l’effroi, de la panique, du danger.

Il courut vers la rive, l’eau avala ses jambes jusqu’à mi-cuisse lorsqu’il cessa sa course : Dana était réapparue. Kashiina l’avait emporté, et les femmes revenaient déjà vers la rive. Il se sentit idiot, mais il était certain d’avoir ressenti quelque chose, et il voulait en avoir le cœur net. Il sortit de l’eau tandis que plusieurs femmes s’extrayaient elles aussi en discutant vivement pour certaines. Kashiina passa près de lui et lui offrit une œillade fière, qu’il se contenta d’accueillir d’une manière absente. Puis Dana s’échoua dans le sable à quelques mètres et il avala la distance qui les séparait d’un pas raide.

- Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-il d’une voix abrupte.

Il considéra son pied rouge et allait se baisser vers elle quand Ruth soudain apparut et s’interposa entre eux. Sa voix claqua dans l’air, sèche et autoritaire.

- Llord, laisse-la tranquille, elle a fait ce qu’elle a pu.

Le hapien tourna vers Ruth un regard hébété, figé dans son geste. Cette dernière lui administra des yeux durs mais loyaux. Ce n’était pas une réprimande : elle se positionnait seulement là sans animosité, en arbitre impartiale – ou au moins le pensait-elle sincèrement.
Lloyd consentit à reculer d’un pas, et Ruth parut soulagée. Elle se baissa près de Dana pour la féliciter pour son effort, et toutes deux discutèrent de son pied. Lloyd entendit le mot « méduse », et il recula encore, avant de faire demi-tour et de remonter le long de la plage pour rejoindre Mumkin.

Qu’avait donc dit Dana de lui pour que Ruth exigeât une telle distance ? Qu’elle en avait marre de ce pauvre con alcoolique ?

Le dévaronien le suivit avec un regard suspicieux. Lloyd l’empêcha de faire un quelconque commentaire avec un regard noir, mais Mumkin passait déjà à autre chose.

- Kinuux, je suis sûre qu’elle va te choisir, comme l’année dernière.
- Traditionnellement, la gagnante choisit quand même le gagnant de la lutte.
- Kashiina aime bien surprendre.
- Les morsures, les morsures, les morsures ! criaient plusieurs personnes et Lloyd se retourna en s’asseyant, afin de voir ce dont il s’agissait.

Mais Kashiina avait l’air d’avoir décidé de faire durer le suspense. Beaucoup d’hommes dardaient sur elles leurs regards concupiscents, les membres du clan s’étant mélangés pour former un cercle autour d’elle. Kashiina tournait autour du feu en leur rendant un à un leur regard avec un petit sourire provocateur. Les gouttelettes d’eau sur son corps dégoulinaient sur ses sous-vêtements et disparaissaient, évaporées par les flammes qui réchauffaient sa peau.

- Elle doit faire quoi ? demanda Lloyd à Mumkin, en repoussant d’un geste le petit droïde-ventilateur dont le sifflement aigu l’agaçait.
- Elle doit choisir un homme, pour lui faire les trois morsures.

Lloyd se tendit. Il repensa immédiatement à leur conversation de la nuit passée, au foulard qu’elle avait laissé sur une marche à l’entrée de la roulotte.
Kashiina posa soudain son regard sur lui comme si elle avait lu dans ses pensées, et il sut qu’elle avait déjà fait son choix.

- Je choisis Lloyd, déclara-t-elle avec aplomb.

Il y eut des applaudissements, des cris et on répéta son nom. Kinuux et les autres dévaroniens regardèrent Lloyd avec insistance et le hapien se leva et fut de nouveau poussé dans le sable. Le cercle près du feu était encore à peine visible, et il le traversa mais afficha un air impuissant.

- Je n’sais pas ce qu’il faut faire, annonça-t-il à la cantonade, non sans une certaine appréhension.

Heureusement, Rilc vint à son secours, tout en séchant son torse humide avec un linge coloré. Il attrapa Lloyd par le bras pour le positionner en face de Kashiina, qui affichait un petit sourire amusé.

- Alors c’est facile, tu dois lui faire les morsures des trois serpents. La morsure de l’honneur, la morsure de la vengeance et la morsure de la fortune. La morsure de l’honneur, tu dois tracer à l’encre sur son ventre un serpent. L’encre est spéciale, elle va rester plusieurs jours. La morsure de la vengeance, tu prends ton couteau et tu lui fais une incision sur la nuque. Petite, hein, juste pour avoir une perle de sang, que tu devras avaler. Et enfin, la morsure de la fortune.

Rilc sourit. Kashiina regarda ailleurs.

- Un baiser sur la bouche.

Lloyd leva les yeux au ciel. Il aurait dû refuser. C’était trop tard, maintenant que tout le clan s’excitait autour d’eux. Le hapien baissa ses yeux sur la belle Kashiina. Il voyait sur son visage une certaine excitation. Elle avait l’air d’avoir l’habitude d’être adulée : elle avait une posture confiante et elle se baissa pour s’asseoir, puis s’allonger dans une posture lascive. Lloyd comprit qu’il fallait s’asseoir à ses côtés et une femme âgée lui apporta un petit pot d’une encre noire et épaisse. C’était une humaine à la peau sombre, un voile clair dissimulait ses cheveux gris et des rides creusaient dans son visage des sillons soucieux. Elle s’agenouilla près de lui et, plutôt que de lui expliquer en parlant, elle mima le geste avec ses doigts : plonger deux doigts, et dessiner le serpent sur le ventre. Était-elle muette ? Elle désigna un serpent représenté sur un grand tissu étendu sur l’une des tables, et Lloyd comprit qu’il s’agissait du modèle. Il jeta un coup d’œil à Kashiina avant de se mettre au travail : la jeune femme avait croisé les bras sous sa tête et regardait le ciel en se mordant la lèvre inférieure sans pouvoir se départir d’un sourire de volupté.

Lloyd plongea deux doigts dans l’encre. Le liquide était chaud et épais. Il le laissa goutter quelques instants, puis s’appliqua à tracer le serpent en suivant à peu près le modèle. Il traça la ligne d’un serpent qui se lovait autour du nombril de Kashiina, dont la peau chaude et brune, souple et douce, frémit sous ses doigts. Il évita de regarder le visage de la jeune femme, dont il devinait les grimaces tandis qu’elle résistait à l’envie de bouger sous ses doigts qui la chatouillait, mais il devinait tout cela grâce aux commentaires et aux rires autour d’eux. Plusieurs personnes s’étaient assises pour regarder, en particulier des enfants qui ne pouvaient s’empêcher de se pencher au-dessus de Kashiina.
Le hapien reprit un peu d’entre pour terminer la tête, un forme oblongue d’où émergeait une langue à deux branches.

- Voilà, conclut-il en regardant son œuvre.
- Bravo ! le félicita-t-on gentiment tandis qu’il grimaçait en constatant que le serpent était difforme.
- Il est un peu tordu non ?
- Tu dessines trop bien Llord !

Il sourit à la petite fille spontanée qui lui avait fait ce compliment. C’était une petite dévaronienne aux minuscules cornes de quatre ou cinq ans qui le regardait avec des yeux admiratifs. En réalité, son serpent n’était pas très élégant. Ce n’était pas comme s’il avait pu tellement s’entraîner à ce genre de choses dans sa vie.

Bientôt, Kashiina se redressa et s’assit en tailleur.

- La morsure de la vengeance ! dit quelqu’un à Lloyd pour le remettre sur la voie. Ton couteau !

Il sortit le couteau de sa poche. La lame était propre. Il ne restait pas la moindre trace de sang. Il se souvenait néanmoins du cordon ombilical. Il se déplaça à genoux, pour se positionner derrière Kashiina qui baissa la tête et attrapa ses cheveux sur le côté pour dévoiler sa nuque. L’on devinait sur la peau noire plusieurs minuscules cicatrices : Kashiina avait gagné de nombreuses fois. Elle avait vécu la morsure de la vengeance plusieurs fois. Pourquoi n’était-elle pas mariée, à son âge ? Elle devait avoir le même âge que Dana. C’était étonnant.

Lloyd eut les doigts plus assurés pour cette épreuve. D’un geste bref et précis, il dessina une petite encoche sur la nuque de la jeune femme, puis se rapprocha d’elle pour cueillir la perle de sang pourpre qui se formait sur la blessure. Ses lèvres effleurèrent la peau nue et marquée un bref instant, et plusieurs autres femmes autour d’eux émirent des cris aigus pour célébrer le processus autant que pour exprimer leur excitation.

Enfin, ils se relevèrent tous les deux. Kashiina se retourna vers Lloyd, les yeux brillants et un sourire provocateur aux lèvres. La petite foule les encouragea. Le hapien n’avait plus qu’un simple baiser à déposer sur ses lèvres, et il serait libéré. Il s’approcha d’elle et, sans la toucher, se pencha sur le visage délicat de Kashiina.

Leurs lèvres se rapprochèrent. Si près que leurs souffles se mélangèrent. Il ferma les yeux pour réduire à néant la distance entre leurs deux visages, et…

- Aow !

Lloyd avait reculé brusquement en portant une main à sa bouche, sous les rires hilares du petit groupe qui les entourait. Visiblement, que Kashiina l’ait mordu n’avait surpris personne, mais des applaudissements retentirent. Kashiina se détourna en riant et disparut dans la foule. Lloyd suçait sa lèvre meurtrie et retourna lui aussi dans le groupe de dévaroniens qui le gratifièrent de grandes tapes dans l’épaule.
Darth Hope
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Ses mains tremblantes se battaient avec l’attache des jupons qu’elle essayait de raccorder du mieux qu’elle pouvait. Elle se pencha pour ramasser la ceinture faîtes de pierres précieuses et de perles pour en parer ses hanches, le geste toujours fébrile. Son corps entier manquait de basucler à chaque mouvement.

-Dana, tu es sûre que ça va ? La brûlure de méduse ne te fait pas trop mal ? C’est étrange, habituellement elles viennent pas dans ce coin-là. Je peux chercher de l’onguent.
-Non !

Sa voix était dure et elle s’en rendit compte. Elle se dépêcha de nouer le bustier, de passer ses bras faibles dans les courtes manches à la dentelles fleuries.

-Désolée..je veux dire, ça ira…merci. Merci, mais ça ira…

Ca n’allait pas du tout.

Ruth lui envoya un regard plein d’affection et passa un bras autour de ses épaules encore humides.

-Je ne le laisserai pas te frapper ici, tu sais.
-Quoi ? souffla-t-elle.
-Allez, viens on rejoint le feu. Kashiina va recevoir son prix. Mais tu t’es bien débrouillée !


Elle s’était assise sur le sable, près du feu, parmi les ombres excitées qui constituaient la foule d’admirateurs de Kashiina. Liam était près d’elle et tendait le cou pour voir le spectacle. Dana ramena ses jambes contre sa poitrine, les enserra dans ses bras et son menton tomba sur ses genoux. Les billes d’or de son regard se figèrent sur la gagnante qui pavanait devant les siens, échauffée par le feu, échauffée par le soleil qui ne semblait briller que pour elle. Et quand le nom de Lloyd tomba entre ses lèvres brillantes, l’Inquisitrice eut un sentiment qui s’apparenta à de la résignation. A ses côtés, le garçon s’exclama :

-Moi j’voulais que ce soit toi qui gagnes Dana ! J’aime pas Kashiina, elle est trop méchante. Elle fait que m’engueuler tout le temps.

Elle avait envie de se battre, mais le sentiment de résignation s’était étendu, grignotant son âme, parcelle par parcelle alors que les doigts du Sith traçaient une forme sur le ventre plat de Kashiina. Un ventre vide. Un ventre maudit. Un ventre qui avait fait d’elle un poids pour la communauté. Malgré tout, elle n’arriva pas à éprouver la moindre compassion pour l’autre brune. Cette dernière avait malgré tout pour elle, la beauté, une famille, un foyer. Elle avait la chaleur des autres pour la protéger des dures réalités. Elle avait la chaleur de Lloyd qui s’apprêtait à l’embrasser. Il était inutile de lui envier tout ça et pourtant, il était tellement difficile d’assister à ça.

Ca représentait plus qu’une défaite ou une fierté mal placée. Ca ébranlait tout ce qu’elle avait construit et qui n’avait jamais existé si ce n’était dans son esprit, dans ses fantasmes, dans ses faiblesses. Ca percutait les souvenirs, les chamboulait tellement qu’elle crut vomir. Elle voulait vomir, régurgiter le poison de sa mémoire, se libérer de tout. Elle dévia sa figure colorée de tristesse vers le campement, là où elle aurait souhaité se réfugier et attendre. Attendre que Jabiim ne soit plus qu’un souvenir parmi tant d’autres et qu’il secrète plus de poison encore. Son regard rencontra la silhouette masquée de Zoraida qui veillait sur les festivités. Derrière le métal du masque, elle se remémora les traces de brûlures dans lesquelles fondaient les rides, les lèvres qui n’en étaient plus, les yeux sans paupières. Elle crut croiser les prunelles trop claires de l’ancienne, qui la dardaient, aussi perçantes et lucides que des aiguilles.

Qu’est-ce qu’elle faisait ici ? C’était sûrement la question que Darth Runà lui aurait posé.
Et elle n’avait aucune réponse satisfaisante à donner.

Progressivement, les itinérants du clan des Serpents s’étaient dispersés. Elle avait aperçu Lloyd repartir avec les oncles et cousins de Mumkin. Lui n’avait pas l’air d’un étranger. Elle enfonça ses pieds nus dans le sable tiédi par le feu proche. Elle ne devait pas oublier Ch’Hodos, la guerre civile. Il ne lui restait plus que son héritage qu’elle devait sauver. Il ne lui restait plus que le sang sith qui coulait en elle et auquel elle se raccrochait pauvrement pour ne pas sombrer. Mais elle n’arrivait pas à oublier les doigts de Hope qui glissaient sur une peau stérile. Elle n’arrivait pas à voir autre chose que ça.


-Tiens !

Elle releva son attention sur la silhouette de Liam à contre-jour. Le visage du gamin resplendissait d’une petite mine à la fois contrite et fière. Il tendait vers elle un bouquet composé de pauvres fleurs chinées ci et là dans les végétations alentours. Mais il se refusait à la regarder, comme si cela aurait pu rendre le geste trop tendre. Il voulait faire plaisir à Dana, mais il ne souhaitait pas qu’on le traite de bébé, encore. Alors il regardait ailleurs, patientait qu’elle voulût bien de son modeste présent. Elle hésita, d’abord par surprise, puis par incertitude.

-Prends-les, insista-t-il en reniflant bruyamment, avant de passer le dos de sa main libre contre son nez aux tâches de rousseurs. C’est le lot de consolation pour la deuxième place.

Dana tendit ses doigts et récupéra les fleurs, partagée entre l’amusement, la reconnaissance et la pitié.

-Et bien, merci. commenta-t-elle.
-Y’a encore d’autres jeux hein, laisse pas Kashiina gagner.

Et il partit en courant, avant que ses copains ne le surprennent à offrir des fleurs à une fille et à s’en moquer.

Laisse pas Kashiina gagner.


Laisse pas Ch’Hodos entre les mains de Ramken et d’Akusha.

Laisse pas Damaya être déshonorée.

Tout se mêlait. Toutes ses certitudes. Tout ce qu’elle ne voulait pas voir arriver.










-Eh les concurrentes pour l’épreuve des Serpents c’est maintenant, s’exclamait Ruth auprès des jeunes filles.

Dana voulut fuir. Assez de jeux pour aujourd’hui. mais elle la repéra assez aisément.

-Hep hep ! Je te vois tenter de fuir ! T’as pensé que ça crevait le cœur de Mercy si tu te débinait ? On a qu’une seule volontaire, c’est plus drôle quand elles sont plusieurs.
-Plusieurs pour quoi ?

Et ce fut ainsi que la Sith se retrouva allongée sur le sable, à fixer le ciel. A sa droite, Kashiina était étendue aussi, plus sereine qu’elle. A sa gauche, une autre femme avait bien voulu se prêter à au jeu de cette tradition. Elle prit une grande inspiration.

-Bien ! fit Ruth en tapant dans ses mains, satisfaite. Tu as le panier Rilc ?
-Ouais !
-L’épreuve des Serpents. Un serpent pour chacune d’entre elle. Chaque morsure vous rapprocher de l’élimination. Trois morsures et c’est fini. Celle qui été le moins mordue remporte l’épreuve ! J’te rassure Dana, ils ne sont pas vénéneux. L’épreuve dure quinze minutes !

Et l’aînée souleva le couvercle du grand panier en osier que Rilc avait apporté. Elle prit dans entre ses doigts sertis de bijoux, un premier reptile à la longueur impressionnante et aux écailles aussi blanches que la neige. Il avait des yeux rouges et sa langue sifflait dans l’air.

-Kashiina ? Prête ?
-Oui.

La belle brune détourna sa figure vers Dana et lui accorda un sourire insolent alors que Ruth enroulait le serpent autour de ses courbes. Visiblement, elle avait l’habitude. Puis vint son tour. La femme de Kalon la toisait, un nouveau serpent entre ses mains fines. Il avait une crête dorée et ses écailles de couleurs sombres reflétaient dangereusement la lumière du jour. L’Inquisitrice donna son assentiment silencieux et le serpent se lova bientôt contre elle. Elle comprit sa longueur quand elle le perçut autour de son cou, autour de sa taille, autour de sa cuisse droite. Elle tentait de se maîtriser pour ne pas trembler, de se convaincre qu’elle avait vécu pire, de ne pas anticiper la douleur de la morsure..si morsure qu’il y avait. Elle voyait mal comment elle pourrait y échapper vu son état de nervosité.

Elle sentait la tête du reptile courir dans ses cheveux, la fourche de sa langue frôler sa nuque. Elle aurait voulu se relever et hurler, mais elle ne fit rien. Seuls ses ongles s’enfonçaient dans le sable témoignant de ses muscles contractés.

-Détends-toi Dana, sinon le serpent va le sentir et te mordre, souffla Ruth.

Un silence quasi-religieux s’était abattu autour d’elles. Celles et ceux qui assistaient au spectacle suspendaient leur souffle. Et Dana s’efforçait de fixer le ciel, son bleu quasi-pur. Une rareté sur Jabiim. Elle tentait de faire le vide dans son esprit, d’y faire venir la Force, pour penser à autre chose. Et soudainement, la bête fut au-dessus de son visage. Elle eut un sursaut, mais les yeux dorés et froids la fixaient, faisant écho aux siens. Elle hésita. La Force résonnait toujours et plus elle résonnait, plus l’animal demeurait immobile au-dessus d’elle.

Laisse pas Kashiina gagner.

Ne me mords pas. Je t’offrirai des souris après, ou des gros rats. J’sais pas.

C’était ridicule, elle se mettait à parler avec un serpent. Dans sa tête. Il fallait vraiment que ce mariage prenne fin.

-Et trois morsures pour Tara !

La femme à sa gauche se redressa sitôt qu’on la libéra de son supplice. Elle n’avait pas bronché en se faisant mordre. Elle pourrait aller voir Zoraida. Il paraissait que cette dernière savait faire de la divination en fonction des morsures du serpent, de leur profondeur, de l’endroit où elles étaient arrivées. Dana tenta de ne pas se laisser déconcentrer. Le serpent finit par fondre sa tête contre sa joue et retourner dans ses cheveux. Lui mordrait-il la nuque ?

A sa droite, Kashiina émit une légère plainte quand son serpent la mordit au niveau de l’épaule.

Rilc attendit encore quelques secondes avant d’arrêter le chronomètre qui défilait sur son datapad. L’épreuve était terminée.

On lui retira le reptile, elle put se redresser, soulagée. Pas soulagée d’avoir gagné. Mais soulagée parce qu’elle n’avait pas ressenti à quoi pouvait ressembler une morsure de serpent. Autour d’elle, un silence gênant. On se regardait puis on la contemplait. L’air était empreint de superstition. Ruth s’approcha.

-La dernière à avoir passé cette épreuve sans être mordue, c’était Zora, y’a environ cinquante ans, dit-elle. Kashiina s’en est toujours sortie avec une morsure, lui permettant de remporter l’épreuve. On excite les serpents avant, pour s’assurer qu’ils mordent.
-Ah ok. Et on gagne quoi ?
-Bah, rien, juste le respect du Clan. C’est fou, on aurait dit que tu parlais au serpent.
-Ouais, j’ai cru aussi. Mais il était pas très bavard.
-Tu veux le garder ? la taquina-t-elle.
-Non merci, répliqua Dana avec un sourire amusé en voyant le reptile retourner dans son panier.

Elle ramassa le bouquet de fleurs qu’elle avait dû délaisser pour l’épreuve et soupira.
C’était fini les jeux maintenant.





Lloyd Hope
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- Ils sont pas venimeux.
- T’es sûr ?
- Ben ouais.
- Sûr-sûr.
- Mais ouiiii, assura Mumkin pour la troisième fois sur un ton exaspéré.

Lloyd avait suivi de loin le jeu auquel se soumettaient plusieurs femmes, dont Kashiina et Dana. Les serpents lui paraissaient énormes ; il n’avait jamais réellement côtoyé ce genre de bêtes sauvages et cela ne lui disait rien qui valût. Le hapien tâcha néanmoins de faire confiance à Mumkin, qui braillait qu’il n’y voyait rien, et qu’il voulait qu’on l’aide à se rapprocher. Kinuux et Lartokh se chargèrent de déplacer son transat, et Lloyd dériva lentement vers le lac en gardant un œil sur l’épreuve, sans s’approcher.

Laisse-la tranquille, elle a fait ce qu’elle a pu.

Les mots de Ruth sonnaient toujours désagréablement à son oreille, tandis qu’il essayait de rincer l’encre sur ses doigts en s’accroupissant sur la rive. Mais le noir semblait s’être incrusté dans sa peau, et il avait beau frotter, il garderait ces traces. Il soupirait quand l’épreuve à quelques pas de là se terminait et que l’on commença à admirer Dana car aucun serpent ne l’avait mordue.

Au moins ça.

Après ce dernier jeu, les membres du clan se dispersèrent. Lloyd rejoignit les dévaroniens, non sans un pincement désagréable : Svan s’était mêlé à eux. Tout le groupe d’hommes se regroupa autour d’une table, un peu plus loin. On tapait dans le dos du jeune Svan, qui avait réussi l’épreuve, et on narguait Lloyd sur l’épreuve des trois morsures. Ils grignotèrent parmi les plats que toutes ces femmes avaient préparés.
Au bout d’un moment, Svan tira de sa besace un objet étrange, noir et luisant sous le soleil timide.

- Wouaah, s’exclama Zekh. T’as fait ça bien !
- Ouais ! Puis là tu vois, je vais le cisailler comme ça, et en-dessous je vais sertir la pierre. Non parce que j’ai taillé tout ça dans de la roche noire locale, quand même, et je l’ai polie.

Il y eut des sifflements admiratifs. Le hapien voulait se garder d’intervenir, mais bientôt il fut perdu.

- C’est que là, elles iront se balader que ce soir, donc on pourra s’introduire nulle part avant la fin de l’après-midi, à peu près.
- Ah, moi, c’est facile, j’ai prévu le coup : j’ai piqué un truc à l’avance.
- Oh, moi, vous savez, je vais plutôt fabriquer un truc pour ma fille.
- Et toi Lloyd ? … Ah ben, j’imagine que personne t’a expliqué le gage…

Le hapien se renfrogna. Allons bon, encore un gage ?

- C’est quoi, cette fois ?
- Oh, c’est facile, faut juste fabriquer un bijou, et voler un truc.
- Hum…
- Naaaan mais t’explique pas ça bien, Zekh ! Voilà, c’est un dernier jeu la soirée, que font les hommes pour célébrer un peu tout ce que les femmes font pour eux, en gros. Bon, le jeu il est simple, tu dois fabriquer un bijou, mais pour offrir ton bijou, il faut que d’une part tu aies volé un objet à la femme en question, et d’autre part qu’elle choisisse ton bijou, tu vois. Alors c’est rigolo parce qu’il y a des femmes qui sont dégoutées parce que personne prépare rien pour elles. Puis aussi évidemment il y a des femmes à qui des hommes offrent tout un tas de trucs mais bon, elles doivent choisir un seul bijou alors des fois, tu te casses un peu le cul pour rien. Moi quand j’en fais pour rien, après, je donne à mes sœurs.
- Mmh-mmh.

Voler un objet, offrir un bijou. Laisse-la tranquille.
Lloyd soupira pour lui-même. Il faisait vraiment ça pour Mumkin. Bon, au moins, ce serait simple : il avait un foulard dans sa roulotte. Il ne lui restait plus qu’à trouver un bijou.

Lloyd accepta un premier verre qu’on lui offrit. Alcoolique.

-------

-------

-------L’après-midi s’écoula tranquillement. Pour beaucoup de membres du clan, il y avait un horaire où l’on faisait la sieste, et beaucoup s’étaient réfugiés dans leurs roulottes. Lloyd, lui, était retourné s’occuper des motospeeders avec Lartokh. L’idée était notamment d’en reconstruire un à partir de pièces détachées récupérées afin de l’offrir au marié, alors le hapien essayait de nettoyer les pièces et vérifier celles qui étaient encore fonctionnelles, avec l'aide d'une jeune et jolie dévaronienne.

En l’espace d’une heure à peine, Tih était devenue sa plus dévouée prétendante. Elle le couvait du regard, lui apportait un outil quand il en avait besoin, lui racontait les histoires du camp. Elle avait des cornes sombres qui contrastaient avec sa peau jaune clair et portait une robe carmine élégante. Lloyd la trouvait très agréable, même si parfois, elle posait beaucoup de questions. Il répondait évasivement.

- Et après, tu vas faire quoi ?
- Après, je vais tout rincer.
- Mais non, je veux dire, après le mariage, tu repars ?
- Ah ben oui. Mumkin, Dana et moi, on doit aller combattre.
- Ooooh.

Tih était très impressionnée par Lloyd. Ce qui n’était pas étonnant : elle avait cinq ans et demi, et n’avait jamais quitté le camp.

- Tih, arrête de l’embêter, beugla Lartokh à quelques pas de là.
- Je l’embête pas, je regarde, c’est tout. Même, je peux l’aider. Qu’est-ce que je peux faire, Llord ?
- Lloyd.
- Llo-ïd.
- Voilà.
- Qu’est-ce que je peux faire Llo-ïd ?

Le hapien soupira. S’il pouvait lui trouver une activité qui lui permettrait de replonger dans son mutisme habituel pour un moment, ça l’aurait arrangé. Soudain il eut une idée, puis se pencha vers Tih. Celle-ci tendit son oreille, et il lui confia une mission.

Tih tapa dans ses mains et se mit à courir ramasser des herbes.

- T’éloignes pas trop, Tih !

-------

-------

-------Quand vint la fin de l’après-midi, les femmes rentrèrent d’une longue balade au bord de l’eau. On les voyait revenir par petits groupes, leurs robes flottants au vent, les couleurs de leurs chevelures se reflétant sur l’eau du lac. Lloyd apercevait de loin la silhouette de Kashiina, dont le serpent laissé à l’air libre grâce à sa robe qui dévoilait son nombril, dansait au rythme de sa démarche élégante. Quelques pas derrière elles, en compagnie d’autres femmes, il apercevait également Dana, à qui quelqu’un avait offert des fleurs. Les pétales commençaient à faner et elle les semait sur l’eau sans les voir.

Les hommes, eux, revenaient de leurs siestes ou leurs activités. Pour une fois, c’étaient eux qui avait travaillé : les pères avaient changé les enfants pour la soirée, avaient alimenté le feu, avaient rangé les plats, avaient dressé une longue table qu’ils avaient recouvert d’une nappe blanche, avait tendu un dais supplémentaire, comme les nuages revenaient assombrir le ciel et menaçait d’inonder une nouvelle fois leurs festivités.

Comme l’on touchait à la fin de l’après-midi, la musique avait fait son retour. Des couples se reformaient, s’enlaçaient. Les enfants formaient des groupes pour jouer. Puis les membres du clan se réunirent autour de la table à la nappe blanche. Lloyd avait enfoncé ses mains dans ses poches.

- Les bijoux ! les bijoux ! criaient des adolescentes qui n’avaient qu’une hâte : savoir si un garçon avait osé, cette année, leur préparer quelque chose.

Il y eut des surprises, et des attendus. Lartokh ouvrit la danse : il avait apporté un pendentif ; une petite pierre brillante accrochée à une très fine chaîne dorée. Tout le monde avait trouvé l’objet très beau, et on le pressa de sortir l’objet qu’il avait volé dans l’après-midi pour que l’on essayât de deviner pour qui Lartokh avait pu fabriquer un bijou si délicat, lui dont l’épouse était décédée plusieurs années auparavant. Avec un geste solennel, il sortit alors de sa poche une toute petite chaussette.
Tih ne put retenir le secret et se mit à crier de joie, car c’était bien sa chaussette. Tout le monde se mit à rire et l’on expliqua à l’enfant qu’elle ne devait pas normalement accepter le cadeau tout de suite, qu’elle devait attendre que tous les cadeaux soient exposés pour choisir celui qui, parmi tous ceux qui s’offriraient à elle s’il y en avait d’autres, elle préférait. Elle bouda, avant de diriger un regard attentif vers Lloyd. On ria encore de ce que le hapien faisait chavirer les cœurs, si jeunes.

Kalon découvrit une magnifique bague, achetée en ville, et fit lui aussi rire tout le monde en déposant sur la table un soutien-gorge de Ruth. Les objets s’étalèrent. On s’attendrissait, on essayait parfois de deviner à qui appartenaient les objets quand on ne les reconnaissait pas.

Enfin, ce fut le tour de Svan. Lloyd suivit les gestes de l’humain d’un regard en biais. Svan sortit de sa besace l’objet qu’il avait montré un peu plus tôt à ses camarades, mais terminé : c’était un collier magnifique. Il était composé de quatre pièces de roches noires en arc de cercle, reliées entre elles de façon rigide, polies à tel point qu’elles brillaient. Et surtout, sur l’une de ces pièces, une pierre d’une couleur dorée, lumineuse comme le soleil, lumineuse comme les yeux de Dana, y était sertie : la pierre de Saffia.

A côté, le bijou que Lloyd avait préparé et qu’il sortit à son tour paraissait bien pauvre, et il fit la moue en le déposant sur la table. Il y eut quelques rires. Il avait fabriqué, à l’aide de petits tubes nettoyés qui provenaient des motospeeders, trois petits serpents qui se mêlaient les uns aux autres. Attachés entre eux, ciselés à la pointe du couteau pour tracer le contour de leurs yeux, les herbes qu’avaient ramassées Tih passaient dans de petites boucles de métal de façon à pouvoir être noués comme un bracelet ou bien attachés dans les cheveux.

- Désolé, j’ai fait avec ce que j’avais sous la main.
- Moi j’trouve que c’est trop mignon, intervint Tih.
- Mais… Il y a quand même quelque chose d’intéressant : la tête du premier serpent active le klaxon d'une motospeeder à distance.

Les dévaroniens s’esclaffèrent bruyamment et on tapa dans le dos de Lloyd, en lui disant qu’il avait de l’humour, à défaut d’avoir un talent pour les arts. Mais bientôt, on s’intéressa de nouveau activement à Svan, car tout le monde voulait savoir à qui il destinait son magnifique collier, et le hapien perdit son sourire.

Svan fouilla une nouvelle fois sa besace, et sortit avec fierté la robe à demi déchirée que Dana avait porté la veille. Plusieurs femmes la reconnurent et sifflèrent. Svan rougit et chercha Dana du regard en tâchant d’assumer. Il y eut des « ouuuuh » tandis qu’on demandait déjà à Dana si elle acceptait l’objet. Mais avant de choisir, il fallait terminer le tour de table, alors on poussa Lloyd du coude pour qu’il se décide à sortir l’objet qu’il avait volé. Il pinça les lèvres, enfermant dans sa poche, entre ses doigts, l’élément qui ne lui avait pas demandé beaucoup d'efforts à récupérer. Puis il se décida et sortit sa main mais l’objet était enfermé entre ses doigts et on ne le voyait pas. Il chercha quelqu’un des yeux dans la foule.

Il trouva les yeux qu’il cherchait, qui soutenait son regard et leva son poing entre leurs yeux, même si la distance était de quelques pas.











Et soudain, une petite flamme jaillit.










D’un briquet chipé dans un pull gris abandonné sur une couchette, dans une roulotte.








Allez, approche, que j’t’allume.

Et ne mets pas ce collier de l’enfer.

Darth Hope
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Ce qu’il restait du bouquet lui échappa des mains. Les fleurs n’eurent le temps d’atteindre le sable, trop légères, déjà fatiguées par le poids d’avoir été arrachées à la terre, elles s’envolèrent vers le lac, portées par la brise du crépuscule. Les yeux de Dana admiraient la flamme du briquet qui supportait ce vent timide, sans faillir. Et au-delà de sa chaleur, elle tombait dans le regard émeraude de Lloyd. Ses lèvres tressaillirent alors que les autres poussaient de nouvelles exclamations curieuses. A qui pouvait bien appartenir ce briquet ? Elle étira un sourire qui fit rougir ses joues, qui la fit fondre dans le décor. Elle ressemblait à n’importe quelle jeune femme de la communauté, à la fois gênée et ravie, qui cachait du mieux son embarras derrière ce sourire.



L’heure du choix était enfin venue. Les soupirs impatients se bousculaient sur toutes les bouches.

Kashiina se retrouvait devant un monticule de bijoux, mais sa mine était fermée car celui façonné par le Sith ne s’y trouvait pas.

Ruth et Tih furent les premières à choisir, sous les acclamations ravies des leurs. On entendit la voix de Ruth réprimander faussement Kalon pour le spectacle du soutien-gorge. On voyait Lartokh s’agenouiller près du petit bout qu’était la seule femme restante dans sa vie, pour nouer le collier autour de son cou.

Dana s’avança sous le dais coloré, face à la table où étaient placées les œuvres de Lloyd et Svan. Tous les regards se tournèrent vers elle. Tous savaient qu’elle choisirait le collier. Quelle femme le refuserait ? Il faudrait être folle.

Ou déjà éprise d’un autre homme.

-C’est mon briquet, articula-t-elle vers Lloyd, comme si elle cherchait une confirmation malgré le manque d’interrogation dans sa phrase. Tu…t’es encore dit que je fumais trop ?

Elle avait ce souvenir des doigts de Hope qui glissait contre sa taille, vers sa poche, alors qu’elle mourait de fièvre dans un atelier de réparation, dans un district, dans un immeuble, dans une mort trop proche et certaine. Des éclats de surprises jaillirent des poitrines de ceux qui avaient entendu Dana. Les yeux étaient ronds et écarquillés, la tension à son comble. Svan et Lloyd se retrouvaient de nouveau en compétition. Certains se détournèrent vers Mumkin qui depuis son transat observait la scène via ses jumelles. Il se sentit obligé de maugréer :

-Ouais ouais c’est bien son briquet, j’le reconnais.

Son patron était con, parfois. Souvent. Il ne put réprimer un profond soupir de dépit.

-Il faut choisir maintenant ! réclama une vieille dévaronienne dans la petite assemblée.

Et des échos d’approbations succédèrent sa demande.

L’Inquisitrice eût un sursaut, soudainement bousculée par cette pression. Sa main se tendit vers la table. Et elle saisit le bracelet, ou ce qui s’y apparentait. Elle n’avait pas même pas regardé le collier. Elle n’avait même pas eu une seconde d’hésitation. Nouveau fracas de surprise. Svan serra le poing, encaissant le choc. Les prunelles dorées de Dana se levèrent vers le hapien. Elle souriait encore mais ce sourire ne dura pas et elle se détourna vers son concurrent.

-Je ne pouvais pas choisir ton collier. Cela aurait été contraire aux règles.

Depuis quand Dana Shar suivait-elle les règles ?

-Qu…quoi ? souffla-t-il, atterré.
-Cette robe ne m’appartient pas, déclara-t-elle avec assez d’aplomb pour que tous puissent l’entendre. Je l’ai porté, mais la robe est la propriété de Ruth. Ce briquet est mon bien. Il était dans mes vêtements avec lesquels je suis arrivée hier. Les règles sont importantes n’est-ce pas ?

Un silence et les visages transis de stupeur fixèrent Svan. Comment avait-il pu faire une erreur aussi grossière ? Dana n’avait pas tort. Elle reposa son attention sur l’objet qu’elle tenait entre ses doigts. Trois tubes, des gravures grossières faite à la pointe d’un couteau, des lianes d’herbes. Elle en avait vu des bijoux, sertis de joyaux. Elle en possédait sur Ch’Hodos, dans un grand coffre précieux, au cœur de sa chambre. Elle en avait porté. Ils avaient brillé sur sa peau, rendant fiers ceux qui les avaient créé comme des chefs d’œuvres pour la descendante de Shar Dakhan. Toutefois, ce morceau fait quelques bouts de métal et d’un peu d’herbes, il était….

-HEY ! s’exclama Mumkin, avec un rictus goguenard qui sentait le piège à plein nez. Faut vous embrasser maintenant ! C’est la tradition !

Elle tressaillit. Autour d’elle, on hocha gravement la tête. Elle jeta un coup d’œil aux alentours. Tih était en train d’embrasser la joue de son père qui la serrait dans ses bras. Ruth n’avait toujours pas repris son souffle au creux des lèvres passionnées de Kalon. Même Kashiina, qui s’était portée par dépit sur un bijou issu des mains de Kinuux, avait posé sa bouche sur celle du dévaronien.

-C’est…ahm…obligé ? risqua-t-elle.
-Ce sont les règles ! Tu sais celles auxquelles t’as l’air de tenir, gigota Mumkin, trop impatient, trop heureux de les avoir enfin coincés tous les deux.

Elle se dirigea vers Lloyd, avala la distance ridicule qui les séparait. Ils étaient en bout de table, à la limite entre le dais et le ciel nuageux. Elle gardait ses yeux bas pour garder un semblant de contrôle. Ses joues lui brûlaient, elle les sentait encore rouges et maudissait son corps d’être plus expressif que tout le reste. Le long de leurs corps, ses doigts frôlèrent ceux du Sith et elle releva la figure.

Tu peux m’allumer ?

Elle essayait de dire quelque chose, mais il n’y avait rien à dire. Ils devraient se passer de mots, encore une fois. Ce n’était qu’un baiser et ils n’étaient plus des enfants. Ce serait l’affaire….d’une minute.

Elle confondit son souffle dans le sien. Plus bas, ses doigts étaient remontés dans une caresse fugace contre le poignet de Hope, flottant à la surface de ses bandages récents.

Ce soir, les lèvres de Lloyd Hope eurent un autre goût.
Pas de slick.
Pas de sang.
A peine une touche d’alcool.

Elle se promit de garder immobiles les siennes, mais quelque chose en elle protesta, s’indignant de cette promesse ridicule. Quelque chose voulait saisir l’occasion. Juste une minute. Alors ses lippes eurent un mouvement, glissèrent contre celles du Sith, retrouvant leur texture presque familière. Elle se souvint d’un autre soir, où elle avait basculé de la falaise et où son corps s’était fracassé contre celui du blond. Elle se souvint de tout.

Et l’averse tomba brutalement, comme une félicité étrange.





Lloyd Hope
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Le baiser avait été d’une simplicité qui laissait son corps endolori par les efforts qu’il faisait pour s’empêcher d’attraper Dana par la taille, s’empêcher de l’écraser contre lui, s’empêcher de se souvenir des autres baisers, du souffle chaud, de l’odeur de sa peau. Il aurait voulu être moins crispé, moins fébrile, avoir la décontraction de celui qui cueille un fruit parmi d’autres, avec l’assurance et l’indifférence de celui qui a fait un geste gracieux envers sa femme de ménage, pour l’humour, pour la générosité.
A la place, il avait répondu doucement de ses lèvres fiévreuses, les yeux clos, en faisant glisser lentement ses lippes contre les siennes, comme une caresse pleine de retenue, juste une minute.

Quand Dana s’écarta, et qu’il sentit que les doigts qui effleuraient son poignet allaient l’abandonner définitivement, il ne put s’empêcher d’attraper soudainement sa main pour l’empêcher de s’éloigner. Leurs yeux se croisèrent et il lut la surprise dans l’étendue dorée, mais il n’y avait aucune animosité. Elle ne lui en voulait pas. Comme il sentait sur eux les regards et que la jeune femme attendait, il remonta la main de Dana entre eux, où le bijou se logeait, pour qu’elle le lui montrât. Alors il la lâcha pour s’occuper du bijou. Il le retourna du bout des doigts, dans la main de Dana au-dessus de laquelle ils étaient penchés, pour qu’elle vit ce que dissimulaient les ventres des serpents de métal. Sous la tête de chaque serpent aux extrémités, il y avait un bouton. Sous le bouton de droite, il y avait un klaxon maladroitement schématisé à la pointe du couteau et sous le bouton de gauche, quatre chiffres.

122-6.

- Si besoin, dit-il à voix basse, tu…

Il eut brusquement une vague d’il-ne-savait-trop-quoi dans la gorge et il fut obligé de se taire.

Il aurait voulu lui dire ce qui s’était broyé en lui lorsqu’il l’avait vue sur la plage avec Svan.

Ou lui dire quelque chose de plus cohérent, du style : si l’humain t’ennuie tu n’as qu’à appuyer sur ce bouton.

Mais il ne pouvait rien dire.

Il s’en alla brusquement.

-------

-------

-------- Alors ?

Lloyd était directement retourné près de Mumkin et avait attrapé quelque chose à fourrer dans sa bouche. N’importe quoi. Il n’en sentit pas le goût.

- Alors quoi ?
- C’était bien ? C’était doux ? C’était sucré ?
- Ta gueule, Mum. C’était juste pour la libérer de Svan.
- Ben voyons.

Mumkin se mit à discuter avec Kinuux, que Kashiina avait gratifié d’un baiser langoureux. Ils plaisantèrent sur une répétition qui n’avait pas de sens : Kashiina et Kinuux n’étaient pas de la même espèce. La jeune femme à la beauté fatale s’approcha de Lloyd à son tour, tout en grignotant elle aussi des petites choses glanées ça et là.

- C’est le pire serpent qu’on m’ait jamais dessiné, déclara-t-elle en désignant son ventre, sur un ton badin.

Lloyd laissa échapper un souffle amusé. Il devait admettre que malgré son appréhension et la nuit terrible qu’ils avaient passé, ces jeux lui paraissaient soudain divertissants. Mumkin notamment avait l’air satisfait de voir son patron se détendre. Ou bien était-ce les perspectives de pouvoir chambrer son patron avec ce baiser pendant des semaines à venir qui le faisait sourire ainsi.

- Tu as un faible pour ta femme de ménage, ou c’est parce que tu te sentais coupable de l’avoir défigurée ?

C’était lui ou Kashiina était devenue légèrement acide ?

- Ni l’un ni l’autre.
- Pourquoi tu lui as offert ça, alors ?

Lloyd haussa les épaules.

- On m’a dit que ce gage, c’était pour remercier tout ce que les femmes font pour nous. Dana mérite de vrais remerciements pour… Attention danger – changer de sujet ? Ça avait une signification, que tu m’aies mordu ?

Kashiina eut un rire cristallin, qui la détendit. Très différent de celui que Dana avait eu sous le pont.

- Pas qu’un peu. Si la femme accepte le baiser, ça veut dire qu’elle se soumet à lui, qu’elle reconnait sa domination. Si elle le mord, ça veut dire qu’elle pense que c’est elle qui domine. Et s’il y a une union ensuite, ça donne le ton de la relation, en quelque sorte. D’habitude, l’homme sait le risque qu’il prend, de se faire mordre, alors l’approche donne toujours lieu à une danse étrange, c’est presque une lutte sauf si la femme a décidé de se soumettre. Mais avec toi, qui te doutais de rien, c’était drôle. Entre ça et ton bijou de pacotille, tu as beaucoup amusé tout le monde.
- Ça, ça m’arrive pas souvent.
- Avoue, que c’était pour te venger que je t’aie mordu.

Le hapien secoua négativement la tête en riant. Il était d’une humeur douce. Il n’aurait peut-être pas besoin d’aller voir Goshgosh, finalement ? En même temps, il tâchait de ne pas se faire d’illusion. Ses bons moments étaient rares. Il aurait tôt fait de retomber dans ses travers habituels. Kashiina le laissa là, le gratifiant d’un sourire bon enfant.
Elle n’était pas mauvaise joueuse. Svan, lui, encaissait différemment son échec. Le collier magnifique était toujours dans ses mains, et il s’était assis dans le sable avec une mine triste.


-------

-------

-------Le temps s’écoula tranquillement. Lloyd avait décidé de s’asseoir un peu seul, non loin du feu, à regarder danser les quelques couples qui profitaient du coucher de soleil pour s’enlacer ou s’agiter en rythme. Il n’avait pas recroisé le regard de Dana. Il avait préféré regarder ailleurs. Tih lui apportait parfois une jolie pierre, qu’il alignait par terre, avec les précédentes.

La présence qu’il sentit derrière lui était familière. Bien sûr, Mamy Zora possédait la Force, elle aussi. Elle n’avait juste pas été formée comme Dana et lui. La vieille femme s’assit près de lui, et d’une main embrassant le clan rassemblé, lui demanda s’il avait réfléchi. Lloyd ne répondit pas. Ses yeux parcoururent les femmes aux robes colorées, s’arrêtèrent un instant sur celle sur qui il avait dessiné un serpent. C’aurait pu être un choix, dans une autre vie. Mais il avait cette vie-ci.
Zora avait suivi son regard.

- Vous ne feriez pas le bon choix, avec Kashiina, décréta Mamy d’une voix simple. Vos tempéraments ne colleront pas.

Lloyd haussa les épaules. Faisait-il le bon choix ? Il avait fait le meilleur choix. Il n’y avait plus d’autres choix à faire pour le moment : ça suffisait, de se faire souffrir avec des choix qui se révélaient être une malédiction ensuite.

- C’est à dire que je n’avais pas prévu d’arriver devant un catalogue en arrivant sur Jabiim. Je suis simplement venu accompagner Mumkin au mariage de sa sœur.
- Je ne vois pas en quoi cela vous empêche de profiter des opportunités et de faire des affaires là où il y en a.
- Vous comprendrez sûrement que les affaires que je fais ne laissent pas beaucoup de place à une épouse. N’importe laquelle de ces jeunes femmes que je pourrais choisir se retrouverait enfermée dans un vaisseau. Je ne souhaite la vie de Mumkin à aucune d’entre elles.

Ni la mienne, d’ailleurs.

- Pas forcément. Elle pourrait garder votre pied à terre, ici, et vous passeriez quand ce serait possible. Nous avons besoin de sang neuf, et de sang solide. Votre contribution au clan serait d'une importance capitale et ici, vous auriez le respect et la sécurité que vous n'aurez peut-être pas toujours, chez les Sith.

Le hapien leva les yeux au ciel. Quand Mamy avait décidé quelque chose, rien ne pouvait l’arrêter, visiblement.

- Kashiina est stérile, poursuivit-elle, et Lloyd ne releva pas. Une femme plus jeune se pliera en outre davantage à votre volonté.
- A ce compte-là, autant se payer une esclave, grogna le hapien.
- Vous m’avez l’air d’un rêveur, dit-elle comme si elle ne l’avait pas entendue. Mais vous savez, avec un bon choix de partenaire, les sentiments s’installent… Par la suite. Et ils sont souvent plus stables et durables, basés sur une expérience commune de solidarité, que les idylles qui ne reflètent qu’une passion passagère.

Lloyd émit un sifflement désapprobateur entre ses dents. Une passion passagère. C’était mal le connaître. La seule chose passagère, chez lui, c’étaient ses moments de lucidité.

- Arrêtez de vous fatiguer, Zora. Vous voyez bien que ça ne m’intéresse pas.

Mamy Zora soupira à travers son masque. Il y eut un moment de silence, puis elle parut accepter sa réponse.

- Le temps n’est peut-être pas encore venu, alors. Mais un jour vous reviendrez au clan comme dans votre famille : je l’ai su dès que je vous ai vu mettre les pieds ici, dit-elle en se levant avec dignité. Et vous aurez une épouse au bras, et vous me remercierez. Vous verrez.

Zoraïda le laissa sans autre forme de procès, vaquant à ses occupations.

- Vieille folle, murmura Lloyd en la regardant s’éloigner.
Darth Hope
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Dana s’était éclipsée, un plateau garni de mets succulents entre les mains. Elle avait gravi le sentier qui remontait de la place jusqu’au camp où quelques âmes – les plus vieux habitants, erraient encore en préparatifs. Elle se demandait dans quelle roulotte se trouvait la mariée, la fameuse sœur de Mumkin et songea à son supplice d’attendre autant d’heures coupée du monde, coupée de celui auquel elle devait s’unir. Des poulets et autres joyeusetés volèrent dans ses jambes avec un fracas assourdissants et elle dut en chasser quelques-uns à grands renforts de mouvements du pied, excédée. Elle crut entendre leur indignation et s’en amusa.  

Quelques marches plus tard, elle retrouvait le confort de la caravane de Ruth et elle ne put s’empêcher que Lloyd s’y était invité à la recherche d’un objet lui appartenant. Elle aurait volontiers plongé son visage dans un bac à glace pour faire disparaître cette rougeur persistante sur ses joues.

-Dana, c’est toi ?
-Oui, souffla-t-elle vers Mercy qui s’était un peu redressée dans son lit. Je viens t’apporter de quoi manger.
-J’me demandais bien, j’avais trop faim.

L’Inquisitrice déposa le plateau sur les genoux de Mercy et la libéra du poids de son nouveau-né en le prenant entre ses bras. Elle sentit bientôt le souffle fragile et chaud du bébé contre la peau de son décolleté. Il dormait, il avait l’air paisible. Il avait l’air vulnérable. La rouquine avisa le poignet gauche de Dana, elle y vit, ourlé et serré, un bijou qui semblait artisanal et bon marché.

-Le gage des bijoux est déjà passé ! T’as accepté celui de Llord alors ?
-J’ai…juste suivi les règles, fit-elle, évasive avant de s’asseoir au bord du lit, prenant garde à ne pas se cogner la tête contre le chambrant de la couchette supérieure.
-Il était là tout à l’heure, il a cru que je dormais, mais je l’ai bien vu chipoter dans ton lit. Eh. Il a failli réveiller le bébé !
-D’ailleurs, il n’a pas de nom ce…bébé ?
-J’peux pas lui donner de nom, ni le montrer aux autres, tant que le père l’aura pas vu. C’est comme ça, expliqua-t-elle en grignotant un bout.

Elle était encore trop pâle, remarqua Dana. Plus que pâle, même. Son teint habituellement rosé avait pris une teinte jaune et la racine de ses cheveux étaient grasse de sueur. La Sith se demanda si elle allait si bien que ça.

-Et le père ?
-J’dirais rien, mais l’année dernière, au gage des bijoux, il m’a offert ça.

Et elle souleva sa chevelure flamboyante pour dévoiler une paire de boucles d’oreilles qui scintillaient. Elle en semblait fière. Shar eut un sourire fugace avant de grimacer. Le bambin venait de refermer ses minuscules doigts autour d’une mèche de ses cheveux de jais qui avaient pendu devant son visage comme un mobile. Il gargarisait des petits sons, semblait sourire. Il avait les joues si grosses, si rondes. Il avait les joues de sa mère.

-Tu voudrais bien t’occuper un peu de lui, j’suis…j’suis fatiguée depuis l’accouchement. J’sais pas. Les tisanes de Kashiina ne me font rien.
-D’accord…tu veux que j’appelle Ruth ?
-Nan, nan pas nécessaire. Juste cinq minutes. J’sais qu’il peut rien lui arriver avec toi.

Elle se dégagea du lit, aida d’une main à se débarrasser du plateau et elle alla s’installer sur les coussins, près du radiateur afin qu’il puisse avoir un peu de chaleur. Elle passa un index délicat sur les lèvres de l’hybride. Des lèvres intactes, sans cicatrice. Des lèvres innocentes.

Personne n’est innocent, lui reprochait Damaya.

Elle avisa les vêtements qu’il portait, s’assura qu’ils étaient bien noués.

-On va laisser ta mère dormir un peu et on va essayer de pas faire de bruits, ok ?

Evidemment, on ne lui avait pas appris à materner sur Korriban. On lui avait enseigné comme ôter la vie chez les Lames Rouges, mais pas comment la donner. C’était un contraste étrange de voir qu’il y avait autre chose que la brutalité, la guerre, la mort. C’était perturbant pour elle, de découvrir ces autres vies et une normalité quasi-banale, mais qui lui paraissait extraordinaire. Le bébé commença à s’agiter. Elle le vit tordre sa bouche pour tenter d’exprimer sa contrariété soudaine par des pleurs. Elle paniqua et tendit ses doigts vers l’un des colliers de Ruth qui gisait sur la commode. Elle le fit flotter jusqu’à eux. Et le Force permit d’émerveiller les yeux sombres du bambin alors qu’il admirait curieusement toutes ces perles briller et tournoyer au-dessus de lui, à un rythme qui ne tarda pas à le bercer.









Kashiina s’installa sur le sable et riva ses yeux délicats vers l’horizon, jusqu’aux lumières timides qui éclairaient, tout au loin, le camp de ses Saphir. A côté d’elle, Svan avait le même panorama. Ils étaient proches, assez proches pour sentir le parfum l’un de l’autre.

-Tu n’avais pas confectionné de bijou l’année dernière, ni celle d’avant. Je me rappelle que ta seule et unique tentative, ce fut au mariage de Lartokh y’a dix ans. Tu avais fait….quelque chose qui…ressemblait vaguement à un bracelet, déclara-t-elle avec un ton taquin.
-On était que des gamins, répliqua-t-il la voix blanche.
-Et t’avais chipé un de mes foulards. On avait failli te surprendre parce que tu t’y étais pris trop tôt, les femmes étaient pas encore parties se promener.

Elle fixait encore l’horizon et souriait.

-Tu ferais mieux de courir après l’Sith. Il va t’offrir ce que tu cherches. Ptetre qu’avec sa Magie des Rois, celle qu’ont les Siths est puissante, il pourra faire de toi une mère. C’est ce que t’espère ?  

Kashii arrêta de sourire et abaissa ses prunelles vers l’eau qui clapotait doucement sur le rivage, à quelques mètres de leurs pieds.

-Et la femme de ménage, qu’est-ce que t’espère qu’elle fasse de toi hein ?

Il ne répondit pas et posa ses yeux sur le collier qui brillait encore malgré la pénombre, malgré la pluie qui en frappait les pierres et qui ruisselait sur leurs deux corps.

-A mon âge, la plupart des autres femmes sont mariées. Elles ont aidé à l’agrandissement de la communauté. Je les ai vu soupirer de souffrance en mettant au monde. Il n’y en a pas une que je n’ai pas envié. Peut-être que je n’ai simplement pas ma place ici.
-T’es douée pour plein de trucs, Kashii, déclara-t-il soudainement en fronçant les sourcils. Tu fais la meilleure médecine du clan. Tu es…

Et il détourna enfin son visage vers elle.

-Qu’est-ce qu’on s’en fiche du reste.
-J’ai peur d’être comme une étrangère
-Pourquoi tu dis ça ? Tu vis parmi nous, tu es l’une des nôtres.

A son tour, elle ne répondit pas. Svan finit par se lever et partir. Mais il avait laissé à sa place, tout près de la main de Kashiina, le collier magnifique et la pierre de Saffia semblait avoir changé de couleur. La jeune femme baissa les yeux vers le bijou et elle y vit briller tous les souvenirs de son enfance qu’elle avait passé avec Svan. Un temps où on ne la regardait pas encore comme une beauté maudite. Un temps où elle n’était qu’une enfant qui s’amusait, qui grandirait, qui aimait. Voulait-elle vraiment partir ?



Lloyd put sentir sa présence avant d’entendre sa voix. Et il put inhaler son parfum familier. Elle s’était agenouillée près de lui, laissant glisser ses jupons de couleurs sur le sable. Et elle jetait des regards suspicieux vers la vieille silhouette de Zora qui traînait dans le coin puis avisa les pierres alignées devant lui.

-J’ai ma réponse.

Il aurait pu se demander à quelle question elle avait la réponse. Et elle observait le feu qui jetait sur son nouveau bijou des reflets orangés, donnant presque vie aux serpents de fer qui s’entrelaçaient. Elle empêcha ses lèvres de sourire.

-A quoi aurait ressemblé ma vie, sans la Force, sans l’Empire. J’pense qu’elle aurait ressemblé à ça. Mercy m’a dit qu’elle trouvait ton bracelet très joli.

C’était faux, Mercy n’avait rien dit à ce sujet, mais Dana le pensait. Elle n’osait simplement pas l’exprimer directement. Elle dévia sa figure colorée par le feu, par les ombres des participants à la fête qui s’amusaient non loin, vers le hapien et saisit son regard. Et elle ne s’était pas attendue à ce que ce regard soit si proche, au point qu’elle chute profondément dedans.

-Tu veux danser ?

Elle s’était entendue le proposer comme si son corps et ses décisions ne lui appartenaient plus. Elle souhaita se rétracter, inventer une excuse. Elle voulait dire « manger » en fait. Elle pourrait aller chercher un morceau de ce pain farci à la viande qui semblait être une spécialité locale. Un vide déplaisant franchit ses lèvres et elle détourna les yeux. Avec un peu de chance, il n’avait pas entendu. Heureusement Tih s’était précipitée sur Lloyd pour lui présenter de nouvelles pierres. Puis elle bailla avec intensité et ses paupières semblèrent lourdes. Elle ploya son petit corps pour le déposer tout contre Hope et s’y lover sous le regard légèrement surpris de Dana qui s’apprêtait à faire une remarque quand la silhouette de Vaklu émergea devant elle. Elle crut qu’il s’adresserait à Lloyd, comme d’habitude, mais ce fut pour elle que tombèrent des mots un peu secs.

-Suis-moi Dana.

Elle jeta un regard plein d’interrogation vers le hapien et se redressa.

-Et pour aller où ?
-Ca, tu verras avec Mamy Zora. Par ici.



Vaklu la guida loin des festivités, vers le cœur du campement, à l’ombre des roulettes et de leurs tentures. Il tira un jeu de clés magnétiques de sa poche et bifurqua vers une caravane au métal sombre qu’il déverrouilla à la hâte, un peu lassé. Il l’invita à y entrer et gravit les quelques marches pour s’y engouffrer, à la fois curieuse et pressée d’en finir pour rejoindre les autres. L’intérieur était décoré avec soin, sobrement miais il y avait tout ce qu’il fallait : un lit à la literie luxueuse, un coin pour cuisiner, des meubles, des coussins, une table.

-C’est ta nouvelle roulotte, fit-il sobrement.
-Hein ? Je ne dors plus chez Ruth ?
-Nan, Mamy Zora veut que tu crèches ici maintenant.
-Euh…d’accord.

Elle s’apprêtait à regagner la sortie mais il recula dehors et lui claqua la porte au nez. Elle entendit le bruit d’un verrou et se figea, les sangs glacés par un mauvais pressentiment.

-Eh ! Qu’est-ce qui se passe !
-Mamy Zora va venir te voir après ! lui lança-t-il au travers de la porte.
-Pourquoi t’as verrouillé cette porte bordel ?!
-Pour ta sécurité !
-Quoi ?! Ouvre-moi ! s’exclama-t-elle en frappant sur la porte, excédée.

Plus de réponse. Elle se détourna à la recherche désespérée d’une fenêtre, n’importe quoi. Mais la roulotte était aveugle. Aucune fenêtre ne donnait sur l’extérieur. Dana fit de se mieux pour se calmer, respirer, contrôler l’incompréhension et la peur qui grandissaient dans son esprit. Cela devait être une lubbie de l’autre vieille folle. Pas de quoi s’inquiéter. L’ancienne viendrait, lui ferait sûrement un speech sur leurs dieux, le destin, n’importe quoi et ce serait fini. Sans doute une énième tradition, une autre règle. Pas de quoi s’inquiéter. On lui expliquerait. Elle alla s’asseoir sur le lit.

Elle s’inquiétait vachement quand même.

Lloyd Hope
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- Tu veux danser ?

Lloyd leva vers Dana ses yeux émeraudes, chargés de doute. Plaisantait-elle ? Se moquait-elle de lui en repensant à leur dernière danse ? Il voyait les flammes du feu se refléter dans l’étendue dorée des prunelles de la jeune femme. Les flammes dansaient et même quand elle détourna le regard, Lloyd continua à contempler silencieusement le crépitement qui se jouait sur ses iris, les couleurs chaudes qui illuminaient son visage, la petite cicatrice qui fendait la lèvre dont il se rappelait parfaitement la texture.

Elle partit avant qu’il pût répondre.
Il la regarda s’en aller avec Vaklu.

Tih, qui s’était recroquevillée contre lui, bailla avant de lever vers lui ses yeux fatigués.

- Moi aussi, je l’ai trouvé trop joli le bracelet.
- Mmh, fit Lloyd pensivement.

Quand il parvint enfin à détacher ses yeux de la silhouette de Dana, qui disparaissait entre les roulottes dans la nuit tombante, il baissa le regard vers la gamine, qui le fixait curieusement.

- C’est un peu grâce à toi, en fait. On l’a fait à deux.

Elle sourit de satisfaction.

- Je voudrais bien être comme Dana. Les serpents, on dirait qu’ils dorment sur son poignet. Comment tu as su que ce bijou-là la rendrait belle ?

Lloyd regarda le lac et fit non de la tête.

- Je savais pas. Elle a pas besoin de bijou pour ça. Et le serpent tout à l’heure, il pensait pareil. C’est pour ça que lui aussi, il a dormi sur elle.

Tih parut considérer sérieusement sa remarque. Puis ses yeux se fermèrent doucement.

-------

-------

-------Lloyd ramena Tih à son père quand celle-ci se fut endormie. Lartokh la prit sur ses genoux, au milieu du groupe de dévaroniens avait commencé la soirée, et on servit à Lloyd un deuxième premier verre, avant que celui-ci n’aidât Mumkin à se mettre debout. Le pilote pouvait marcher tout seul, ses jambes n’avaient pas été attaquées par les loups, mais il avait besoin d’aide dans certaines positions car son épaule et l’un de ses bras avaient été rudement endommagés. Les deux comparses déambulèrent entre les roulottes, croisèrent Vaklu qui leur fit un signe bref avant de rejoindre la plage.

- C’est par là, indiqua Mumkin de sa démarche raide, et ils bifurquèrent dans une allée où les roulottes étaient moins proches les unes des autres.

Tout au bout de cette allée, derrière des tas et des tas de caisses, un drôle d’engin, constitué de plusieurs morceaux de roulotte assemblés ensemble, de taules qui couvraient des interstices et un réacteur en guise de cheminée, rappela à Lloyd le genre d’habitation du camp Piya. On comprenait aisément pourquoi cette roulotte-là était un peu plus loin que les autres : il s’échappait d’un conduit une fumée épaisse, mais Mumkin parut trouver cela normal et fit signe à Lloyd de taper sur la porte pour les annoncer : il ne pouvait pas lever son bras lui-même.

Clong, clong, clong.

Rien.

CLONG. CLONG. CLONG.

On entendit des pas à l’intérieur de la roulotte, puis la porte s’ouvrit avec fracas, si bien que Lloyd eut un mouvement de recul. En haut des marches de métal jaillirent deux cornes noires et un visage émacié, couvert de tatouages.

- C’est qu… MUMKIN !!
- GOSHGOSH !!

Le dévaronien sauta à terre, un sourire dément fendant son visage, pour serrer son cousin dans ses bras.

- T’es enfin rentré !
- Et toi t’es enfin là !
- Ouais, j’avais du retard, mais j’allais pas manquer le mariage de ta frangine.
- J’pensais bien aussi. T’étais où ?
- Oh, écoute, j’avais trouvé une putain de cargaison en provenance de Formos : des cornes de Gluk. C’est réglementé maintenant dans l’Empire, mais j’arrive facile à refourguer ça vers Sembla à un super prix.
- Une putain d’affaire !
- Une putain d’affaire. Sauf que le bâtard qui me l’a vendu, il m’a livré les caisses complètement trempées et la moitié de la marchandise était à jeter ! Le bâtard !
- Le bâtaaard !
- Ouais, alors j’lui ai tout ramené pour qu’il constate et qu’il me rembourse, c’était tendu, mais il était obligé tu vois, sinon j’lui prenais pas ses prochaines cargaisons…
- Pas con.
- C'est qui lui ?
- C’est mon patron.
- Ouuuh. Le Sith ?
- Le Sith. Lloyd, Goshgosh.
- On est cousins.
- Ouais, vous avez… un air de famille.

L’intérieur de chez Goshgosh était tout à son image : un ensemble de bric et de broc désordonné, une machine qui ronronnait au fond d’une pièce où se côtoyait une cuisine et une couchette. Le dévaronien sortit bien sûr immédiatement une bouteille, puis il repoussa tout un tas de pièces farfelues de sa table pour y réussir à y poser trois verres.

- Chez nous, commença Goshgosh, on refuse jamais le premier verre.
- Jamais. Mais il sait, il a juré.
- Sur son sang.
- Sur son sang.
- Cool. Bienvenue chez nous, bienvenue au clan.

Lloyd se pencha pour aller s’asseoir avec les deux dévaroniens, histoire d’éviter une cage suspendue au plafond, dans laquelle ne se trouvait aucun animal. Il trinqua avec eux deux, avant d’avaler d’un trait. Une autre gnôle immonde. Lloyd commençait à les soupçonner de fabriquer eux-mêmes leur alcool. Ou bien, c’était au goût des dévaroniens.

- Bon, Goshgosh, on est venus te voir pour parler affaires.
- Pour parler affaires, tu sais que j’suis le meilleur pour ça.
- Ouais, le meilleur. Bah justement, on a une commande à faire. Mais discrétos, tu vois le genre.
- Discrétos. Pas la marchandise commune.
- Nan, pas la commune.

Lloyd cligna plusieurs fois des yeux. Il commençait à regretter d’être venu. En plus, Dana allait finir par l’engueuler, pour une fois qu’elle avait été contente de ce qu’il avait fait. Il contempla le fond de son verre. Est-ce qu’elle avait vraiment voulu danser ou pas ?

- Bon alors, j’ai des bâtons d’la mort du feu de dieu, en c’moment.
- Nan, pas ça, il nous faut du slick.
- Du slick. Ah. Parce que j’ai de la très bonne épice, en stock. Elle vient direct de Ryloth, elle est fine comme tout, on dirait de la farine.
- Ouais mais nan, il nous faut du slick.
- Du slick. Franchement, maintenant, j’le conseille plus trop à mes clients. L’épice, ça va vachement plus vite, c’est moins fort et ça fait planer plus longtemps, puis le slick ça se vend moins bien parce que quand même, à appliquer c’est spécial…
- Ouais mais nan, il nous faut du slick.
- Du slick. Parce que sinon…
- Bon, intervint Lloyd en posant brusquement son verre. Je veux rien d’autre, ok ?
- Ça marche pas, le reste, on a essayé.
- Bon bon, d’accord. Il doit me rester quelques bidons, mais c’est tout.
- Combien ?
- Ah là par contre, faut qu’on discute sec, parce que c’est quand même hyper dur de se les procurer et…
- Nan je m’en fous du prix, je veux savoir combien de litres tu as.

Goshgosh pencha la tête sur le côté en consultant Mumkin du regard. Ce dernier étrécit les yeux en posant une main sur le bras de Lloyd.

- Pas si vite, moi je veux le prix d’abord.

Goshgosh écarta les bras.

- Il doit me rester onze ou douze litres. On ira peser après si vous voulez. Je vous le fait 1000 creds le litre.
- TSSSS, t’abuses, j’suis ton cousin, j’ai dit à Lloyd que tu pouvais avoir un bon prix dans ma famille.
- Ah la la, je sais pas sur quoi tu t’es engagé moi. Je peux vous le faire à 950, mais les temps sont durs, Mum. Tu sais que la famille c’est la famille, lui il fait pas partie de la famille.
- Il fait partie du clan, c’est tout comme. Il a sauvé mes fesses cette nuit.
- Ca vous regarde ce que vous faites ensemble entre vous la nuit, moi j’ai rien contre, j’dis juste que j’peux pas baisser en ce moment, les affaires… 950 ou rien.
- T’abuses ! 400.
- 950.
- 400 et Lloyd te bénit avec la Magie des Rois.
- Il a la Magie des Rois ?
- Hein ?
- Chut Lloyd, je négocie. Ouais, il a la Magie des Rois. 400 et il te bénit avec.
- Nan nan, je marche pas. 800, il me bénit avec la magie des rois et vous me passez une nouvelle cargaison de casquettes.
- QUOI ?!
- CHUT LLOYD, on négocie !

Le hapien se renfrogna. L’échange se poursuivit ainsi, jusqu’à ce que les deux dévaroniens se mettent d’accord pour 578 crédits le litre, 3 cargaisons de casquettes Aarona Klova passées dans l’Empire, mais pas tout de suite parce que là ils transportaient une Inquisitrice, mais il fallait pas le dire parce que personne était au courant, un message à apporter en ville à leur départ, ainsi qu’une petite livraison à faire au camp des Loups de Saphirs et c’était réglé. Et bien sûr Lloyd devait bénir Goshgosh et un nouveau-né avec la Magie des Rois.
Quand ils furent d’accord, Mumkin assura au hapien qu’ils avaient fait une très belle affaire, et le trio s’enfonça dans la deuxième partie de la roulotte, pour vérifier la marchandise.
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Elle ne sut combien de trmps elle demeura assise sur ce lit, entourée de vides, avec pour seule compagnie ses pensées. Sans fenêtre, sans échappatoire, une éternité semblait avoir coulé. Elle n’aurait jamais dû suivre ce dévaronien. Foutus aliens. Elle savait qu’il ne fallait pas leur faire confiance, elle avait eu tort d’endormir sa vigilance. Elle avait eu tort d’avoir pensé qu’ici, il y avait des sœurs et d’autres gens qui s’apparentaient à des alliés, à une….



Famille.



Dana se sentit bête et coupable. Elle se mordit la lèvre inférieure avec intensité pour s’empêcher de hurler.



Finalement, la porte céda. Le son étouffé des festivités qui parvenait du lointain s’engouffrèrent à la suite de Zoraida. Cette dernière fit un signe. La porte claqua, le verrou s’enclencha. L’inquiétude creusa encore profondément la poitrine de l’Inquisitrice. L’ancienne portait un petit plateau d’argent entre ses mains couverte de bracelets et de bagues. Une asse de cuivre fumait dessus.



-Qu’est-ce que ça veut dire ? S’impatienta-t-elle.
-C’est un rituel, tu n’as rien à craindre.
-Je ne suis pas craintive !



La vieille s’approcha et lui tendit le plateau, l’invitant à se saisir de son contenu. Dana avisa la tasse, l’odeur d’herbes infusées qui s’en degageait. Elle finit par céder et ses doigts glissèrent contre le cuivre chaud.



-C’est quoi ?
-Une infusion réparatrice. Pour ton pied, répondit-elle en designant la cheville de Shar, toujours striée d’une marque rouge et vive. La longue marche au bord de l’eau n’avait pas arrangé l’état de son articulation et elle ne s’en était pas rendu compte, emportée par d’autres préoccupations. La Sith avait encore un millier de questions, mais elle sut qu’elle n’aurait aucune réponse tant qu’elle ne boirait pas. Alors, elle but. Elle sentit fondre sur sa langue et son palais le sucre du miel, l’arôme des plantes, les épices encore chaudes et un profond reconfort chassa l’inquiétude. La boisson était si bonne.

-C’est bien, approuva Zora tandis que l’humaine reposait sa tasse vide sur le plateau. Tu vas faire un long voyage aujourd’hui parce que nous avons besoin de toi. De la fille de Roi qui a la Magie.
-Hein ? Un voyage ?
-J’ai parlé à Darren Saphir. Tu pars pour son campement. Grâce à toi, les enfants seront désormais en sécurité et la paix entre les clans pourra être rétablie.



Dana aurait voulu répliquer, mais sa gorge était comme endormie. A l’image de tout le reste de son corps. Ses paupières pesaient un poids énorme. Alors seulement, après le sucre, les herbes, les épices arriva le goût familier du vinsha. Mais il était déjà trop tard et elle s’effondrait sur le lit, emportée par l’inconscience. La doyenne demeura une minute à ses côtés, témoignant de son souffle régulier, de sa tranquillité. Satisfaite, elle alla frapper à la porte et Vaklu lui ouvrit avec prudence. Il jeta un coup d’œil à l’intérieur de la roulotte, aperçut la silhouette étendue de la femme de ménage.



-C’est bon ?
-Oui mon fils. Tu peux la mener de l’autre côté du lac.
-Mumkin et Lloyd risquent de poser des questions.
-Dana est partie. Voilà ce qu’il faudra répondre s’ils en posent.



Il approuva d’un hochement de tête et se recula pour aviser le landspeeder noir qui tractait la caravane. Le visage grave de Rilc apparut à la vitre baissée, côté conducteur.



-Direction le campement de ces enfoirés Rilc.
-Sûr ?
-Je préfère leur filer une étrangère plutôt que Mia. C’est le deal si on veut éviter le carnage durant le mariage.
-Ok, ok.



Parfois, mieux valait ne pas trop poser de questions. Mamy Zora avait pris la tête de cette tribu à la mort de son époux, le chef Vashek, le père de Vaklu, le père de bien d’autres. Elle avait toujours pris les bonnes décisions et avait la légitimité nécessaire pour que ses volontés soient appliquées à la lettre. Qui sait, au cœur de sa roulotte, devant un vieil holocommunicateur, quel genre de pacte elle avait passé avec les Saphirs ce soir pour leur épargner une vengeance, un bain de sang, de la violence.







Une secousse la projeta hors du lit.

Au sol, elle retrouva à peine ses esprits, engourdie par la racine de vinsha qui l’avait plongé dans un sommeil sans rêves. Elle se sentit ballotée, compris vaguement que la roulotte était en mouvement. Et ce fut le noir à nouveau.









Pour atteindre le clan des Loups sans traverser la forêt, il fallait se diriger vers l’ouest du lac, traverser les prairies où le clan des Serpents faisaient paître des bantha et autres bétails pour les revendre une fois l’an aux cités alentours. Après les prairies, il y avait le désert et l’horizon s’étendait à perte de vue, mais le lac bordait cet infini. Deux heures de route en landseeper étaient nécessaires pour atteindre l’autre extrémité de l’étendue d’eau. Passer par la forêt prenait moins de temps, il existait des raccourcis mais en roulotte, les sentiers étaient impraticables et la route la plus courte n’était pas la plus sûre. Loin de là.



Rilc eut droit au petit comité d’accueil. Vetchet se dressait de toute stature à l’entrée du camp. Dès que le véhicule s’était arrêté, il fit un signe vers le devaronien qui alla déverrouiller la porte sans un mot. L’humain balafré s’engouffra fiévreusement dans la caravane et à la lueur des ampoules, constata la présence de Dana, allongée à même le sol et qui s’éveillait péniblement. Un rictus triomphant déforma ses lèvres blanches.

Le premier coup la tira à peine de sa léthargie.

Ce fut le deuxième qui brisa les nerfs de son visage qui dissipa définitivement les effets du vinsha.

Et elle eut à peine le temps de comprendre qu’un troisième coup de phalanges s’abattit sur sa figure. Elle gémit de douleur et crut s’effondrer mais Vetchet la retint par la gorge et la plaqua contre la paroi sombre de la roulotte. Elle sentait ses ongles s’enfoncer dans son cou et la masse de ses muscles s’écraser contre elle. Elle n’avait plus de souffle et balançait vainement ses jambes dans l’espoir de le frapper.



-Comme on se retrouve.



Elle n’arriva à répondre qu’un gargouillis de mots incompréhensible qui auraient formé une longue série d’insultes. Il y avait son propre sang qui coulait le long de sa joue, ouverte par le premier coup. Elle attrapa difficilement la main qui enserrait sa gorge, tentant de l’éloigner, sans succès. Le souffle désagréable de Vetchet saisit sa bouche. Elle agita davantage ses jambe. Il serrait trop fort. Elle n’arrivait plus à respirer.



-Vetchet ! Intervint une voix depuis l’extérieur. Darren veut la voir.



L’air s’engouffra douloureusement dans sa gorge quand il la libéra.

Nouvelle droite, histoire de poursuivre ce que le vinsha avait cessé de faire et elle traînée dehors.

Rilc fit semblant de ne pas voir son état, ni les yeux injectés de haine qu’avait Vetchet. On lui remit un paiement et il repartit sans un mot.





Darren Saphir avait la cinquantaine bien entamée et des longs cheveux gras plaqués en arrière. Il portait un riche costume sombre, élégant si l’on excluait ses petits yeux enfoncés dans leurs orbites et sa peau grisâtre. Il était assis sur un trône, sur une petite estrade dressée devant son immense roulotte. Trois immenses loups dormaient à ses pieds, sous le dais noir étendu au-dessus de sa tête. Ici pas de musique, pas de fedtivites, juste l’odeur de la terre battue par la pluie et des roulottes fermées. Dana fut apportée devant lui. Elle avait du mal à ouvrir l’œil droit, gonflé et son visage ensanglanté ne lui rendait pas honneur.



-Vetchet, ils l’ont apportée dans cet état ?
-Ouais, ricana-t-il.
-Vraiment, on peut faire confiance à aucune de ces vipères quand il s’agit d’affaires.
-Des enfoirés, ponctua solennellement l’humain.
-Mais peu importe. Le Grand Esprit de la Forêt ne regarde pas à la beauté. Ce qui compte c’est le sang de sa future épouse. Un sang dans lequel coule la Magie des Rois, et la noblesse de ces derniers. Elle fera un sacrifice magnifique. Le dernier sacrifice n’a pas suffi à apaiser sa colère. Preparez-là. Et faites-la boire pour la rendre plus docile.





Darren observa la femme être emportée vers une caravane, pensif. Il espérait que cette sorcière de Zoraida ne venait pas de lui refourguer de la viande avariée.





Dana fut laissée entre les mains de femmes dont les cheveux étaient parcourus de laines tressées et colorées. Elles avaient des visages graves malgré la curiosité qui brillaient dans leur regard. Ici, plus que chez les Serpents, elles avaient l’air soumises. On présenta d’abord des verres d’alcool à l’Inquisitrice, qui, groggy par une douleur lancinante but sans poser de questions. Elle ne sut combien de verres on l’encouragea à ingurgiter mais la souffrance fit bientôt place à une allégresse étrange. Alors on fit brûler de l’encens et on la déshabilla tout en chantant. Il eut bientôt des rires quand on découvrit son sein tatoué et des exclamations de surprise. Les mains curieuses se perdaient dans ses cheveux. Les regards avisaient son corps nu et quelques commentaires fusèrent. C’étaient la première fois que certaines voyaient une étrangère d’aussi prêt. On enduit sa peau d’une huile parfumée, et on lui trouva une tunique si légère qu’elle donnait l’impression d’être transparente. On sertit sa taille d’une ceinture en or et on noua ses cheveux. Une des femmes voulut lui retirer son bracelet mais Dana protesta, ramenant son bras contre elle dans un rire léger.



-C’est à moi ! S’indigna-t-elle.
-Il est très moche ce bracelet, je pense pas qu’il plaira au Grand Esprit.
-A moi il me plaît, souffla Dana avec un peu d’agressivité et les autres n’insistèrent pas. Et puis qui êtes-vous ?!
-On est les épouses de Darren ! Dirent-elles d’une seule et même voix. Tu peux boire encore de la liqueur si tu veux !



Et elle but un autre verre, parce qu'il lui semblait que cela faisait passer la douleur et l'aidait à clarifier ses pensées. La tête lui tournait. Trop de coups, trop de vinsha, trop de liqueur.



Puis on la mena dehors alors que la pluie avait cessé et que la lune perçait déjà les nuages, jetant sur elle sa lumière pâle. D’autres femmes branchaient des guirlandes lumineuses pour affronter la soirée. Petit à petit le camp prenait vie. Il eut des piaillements d’enfants et d’animaux.



Lloyd Hope
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- Tu veux la tester ?
- Non.

Lloyd avait dû reculer vivement. Au fond d’un compartiment de l’étrange roulotte de Goshgosh, les deux dévaroniens et le hapien s’étaient penchés sur l’un des bidons. L’odeur avait brusquement éveillé dans le cerveau de Lloyd l’alarme de la soif. Dans un instant, s’il respirait encore cette odeur, il sentirait ses mains trembler et résister serait trop difficile. Heureusement, Goshgosh n’insista pas et referma le bidon. Le hapien se hâta de sortir à l’air libre, pendant que Mumkin et Goshgosh discutaient sur les aspects pratiques de stockage et de transport de l’huile.
Dehors, il marcha quelques pas dans le sable en respirant. Une douce bruine lui rafraîchit la nuque, s’insinuant dans son cuir de chevelu. Il prit une longue inspiration.

Ça faisait des semaines qu’il n’y avait pas touché.
L’odeur l’avait brutalement transporté dans une cellule, où on avait versé l’huile sur le corps d’une femme.
A cause de lui.

------

------

------Lorsque Lloyd et Mumkin reparurent à la fête, le soleil disparaissait à peine derrière l’horizon des collines. La musique avait repris et Kashiina dansait seule, sous des paires d’yeux de convoitise. Le hapien marcha dans le sable le long de la rive pour rejoindre le feu, avec cet espoir un peu idiot de retrouver Dana, de lui demander si elle voulait danser, mais Dana n’était pas là. Svan non plus. L’image de Dana nue sur la plage revint au galop, avec la sensation d’écrasement au fond de sa poitrine et l’envie de slick. Il résista.
Lloyd alla rejoindre Lartokh, qui faisait manger sa fille à un buffet. Les deux hommes conversèrent un moment, évoquèrent ce qui restait à faire sur les motospeeders le lendemain. Tih posait des questions à chaque fois qu’ils utilisaient un mot qu’elle ne connaissait pas. Quand elle serait grande, elle voudrait démonter des motospeeders, elle aussi. Lartokh lui promit de lui apprendre et elle partit jouer. Leur conversation s’éteignit et le hapien laissa courir son regard sur les festivités. On faisait des jeux en couple, désormais, et Kalon portait Ruth pour la jeter dans l’eau du lac. Leurs rires se répercuta jusqu’à eux.

Aurait-il pu former ce genre de couple, s’il n’y avait pas eu la Force, l’Empire, les Sith ? Avec Mat’aenna ou avec Dana ? Aurait-il réellement pu faire le bonheur de l’une ou de l’autre ? C’était difficile à envisager.

- C’pauvre gamin, il est un peu livré à lui-même, commenta soudain Lartokh.

Lloyd suivit son regard. Liam avait chipé un gros morceau de pain à la viande et était parti le manger tout seul, assis sur le sable, sous le dais coloré qui avait protégé Dana et Lloyd de l’averse pendant qu’ils avaient échangé un baiser, juste une minute. Et qu’elle l’avait regardé sans animosité.
Le hapien fronça les sourcils. Soudain, il avait eu un bref éclair de lucidité. Comme s’il avait compris quelque chose à Dana en regardant le gamin isolé, sous ce dais. Mais cette sensation de lucidité s’évanouit aussitôt, et il ne fut plus sûr de réellement avoir saisi quoique ce fût.

- Mais on dirait que Svan a décidé de s’occuper un peu de lui, tiens. C’est nouveau, j’imagine qu’il a eu les j’tons de perdre son p’tit frère, hier.

Svan était en effet arrivé près de Liam, et lui ébouriffait les cheveux.

Svan ? Svan n’était donc pas avec Dana ? Lloyd chercha l’Inquisitrice des yeux, mais il ne la trouva toujours pas. Il tendit son esprit à travers la Force, pour retrouver le fil qui se tendait parfois entre eux.

- Lartokh, tu as vu Dana ? demanda-t-il soudain.
- Ah non, pas depuis un moment.

Le hapien se leva.

-------

-------

-------Dans la roulette, Mercy avait sursauté quand il était entré.

- Hé ! Tu pourrais frapper avant, quand même. Ok pour tout à l’heure, mais là y’a pas l’excuse du gage des bijoux. T’es pas censé être…
- Pardon. Où est Dana ?

Mercy tenait son bébé dans ses bras. Elle était assise sur sa couchette, le teint pâle et les yeux rougis. Elle regardait Lloyd, qui s’était immobilisé à l’entrée de la roulotte, les yeux sur la couchette vide. Il y avait toujours son pull gris en boule. Mercy haussa les épaules.

- J’me disais aussi, qu’tu venais pas parce que quelqu’un s’inquiétait pour moi, évidemment.

Le hapien fut un instant mal à l’aise. Il n’avait pas le temps d’être très poli.

- Désolé. Je trouve plus Dana. Elle t’a pas dit qu’elle allait quelque part ?
- Non. Je l’ai pas vue depuis qu’elle m’a apporté une assiette, mais c’était y’a deux heures, au moins. Et après elle a dit qu’elle allait danser un peu. Bon, tu devrais t’en aller. Si quelqu’un sait que t’es là, seul avec moi et à voir le bébé alors que le père l’a pas vu…

Lloyd baissa les yeux sur l’enfant. Il devait bénir un bébé avec la Magie des Rois. On ne lui avait pas dit lequel. Dana avait vraiment voulu danser ? Le hapien quitta la roulotte sans un mot.

Il déambula quelques minutes entre les roulottes. La Force restait tristement silencieuse, et la nuit était cette fois-ci tout à fait tombée. Des guirlandes lumineuses aidaient l’une des lunes de Jabiim à éclairer son chemin. Les roulottes étaient toutes sombres ; tout le monde était à la fête, dont la musique lui parvenait avec un rythme enlevé. Seule une roulotte affichait, entre des rideaux colorés, une lumière depuis l’intérieur. Des silhouettes cornues étaient visibles et des éclats de voix parvenaient au hapien. C’était la roulotte dans laquelle il avait bu et juré à son arrivée. Lloyd se dirigea vers elle et entra sans frapper.
Les voix se turent dès qu’il apparut en haut des trois petites marches de métal. A l’intérieur de la roulotte, l’atmosphère était saturée de la fumée de pipe. Vaklu fumait l’herbe de jash en compagnie de Mumkin, Zekh, Kinuux et Rilc. Des cartes étaient éparpillés sur la petite table et chacun tenait un jeu de quelques autres cartes en main.

- Hé Lloyd ! Viens t’asseoir avec nous, fit joyeusement le pilote tandis que Kinuux se décalait pour le laisser passer.
- Vaklu. Où est Dana ?

Lloyd n’avait pas pris la peine de la moindre politesse : au moment où il était entré, il avait cru voir des échanges de regard crispés, cru voir le visage de Rilc se tendre. A moins qu’il ne fut parano ? Le dévaronien qui se désignait naturellement comme le chef de la bande eut un bref regard de côté, fuyant, avant de soutenir plus bravement les yeux durs du Sith à travers la fumée. Il afficha un sourire innocent, mais Lloyd ne lui rendit qu’un regard assassin et Vaklu sembla abandonner l’idée de jouer les irréprochables.

- Zora et elle ont discuté et elle est partie, dit-il avant de baisser les yeux sur son jeu de cartes, comme s’il réfléchissait à son prochain mouvement.

Lloyd fronça les sourcils.

- Comment ça, partie ? Partie où ?
- Partie, c’est tout. Zora lui a demandé quelque chose et elle est partie, sur sa demande, donc.

Le hapien eut un bref moment d’incrédulité. Dana avait-elle pu vouloir rendre un service ? Elle serait partie comme cela, sans prévenir ? Pour aller où ? Il n’y avait rien à des kilomètres à la ronde, à part ce camp. Partie à pied ? Partie avec Svan ?

- Partie où, avec qui, pourquoi, dit posément Lloyd, mais son ton était sans appel.
- Ça n’te regarde pas.

Le hapien réduisit d’un pas la courte distance entre eux et fit voler les cartes de Vaklu dans la roulotte, avant de se pencher par-dessus la table et attraper Vaklu par le col. Il le plaqua brutalement contre la paroi juste derrière. Il y eut aussitôt des cris. On essaya d’arracher Lloyd à sa prise, mais il repoussa brusquement quiconque essayait de le dissuader.

- Lloyd ! s’insurgea Mumkin, sans pouvoir rien faire.
- Ça m’regarde complètement.
- C’t’une étrangère, et elle a rompu le Code plusieurs fois, persifla Rilc en sortant un couteau, dont il tendit la pointe vers le cou du hapien, qui l’ignora.
- Considérez qu’elle est sous ma protection, cracha Lloyd tandis qu’il maintenait Vaklu pressé contre la taule. Si vous vous en prenez à elle, vous avez affaire à moi. Et les conflits se règlent avec les poings, non ?
- T’avais pas prévenu qu’elle t’appartenait, grogna Vaklu en essayant en vain de se dégager.

Lloyd lui envoya brusquement son front dans la figure. Le nez de Vaklu craqua et le dévaronien cria de douleur.

- T’es suffisamment prévenu, là ?

Aussitôt, le champ de vision de Lloyd fut brouillé par plusieurs bras qui l’arrachèrent enfin à sa proie. Kinuux en particulier réussit à maintenir Lloyd à l’écart, et Mumkin s’affolait en se dandinant à côté d’eux. Heureusement, il avait attrapé la main de Rilc avant que celui-ci ne décidât d’enfoncer la lame dans la gorge de son patron.

- Attendez attendez ! brailla-t-il paniqué. C’est moi qui vous ai pas dit, j’aurais dû ! Mais c’est vrai, le patron il l’a achetée, la femme de ménage, elle est à lui !

Le hapien réussit à se dégager de Kinuux, et les autres dévaroniens se mirent à échanger des regards interrogateurs, non sans rester entre lui et Vaklu, qui tenait dans sa main son visage ensanglanté.

- Ok ok, ça va. On va aller voir Zora, grogna le petit chef de bande.
Darth Hope
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Une mèche sombre s’échappa de la coiffure qu’on lui avait faite et coula sur son regard. Les femmes de Darren avaient utilisé tous leurs talents pour farder son minois et estomper un peu les marques laissées par les coups de Vetchet. Elles avaient assombri l’autre œil avec un maquillage aux teintes violacées afin d’avoir une symétrie. C’était ironique, mais elles avaient travaillé de bons cœurs et selon les desideratas du chef de clan. Derrière le voile de son ivresse, Shar en avait décompté six, peut-être huit. On avait dressé un grand feu au centre du campement, devant la roulotte imposante du meneur. Les loups avaient quitté leur sommeil pour demeurer près de Dana. Pour la surveiller. Ils étaient devenus ses liens, ses chaînes bien que dans son état, elle n’aurait su faire grand-chose. L’alcool avait engourdi ses réflexes et embrumé son esprit, excitant les molécules de vinsha qui avaient déjà faits leur nid dans son métabolisme. Elle peinait à se remémorer son propre nom, sa propre identité.

Etrangement, les Saphir évitaient la plage. Souvent, ils jetaient vers l’eau des regards suspicieux. Leurs roulottes avaient été installées au plus proche de la Forêt et l’ombre des arbres s’étendaient sur elles comme une bénédiction. Devant l’estrade et autour du feu, une grande table avait été dressée, couverte de napperons colorés. Vetchet était en pleine discussion avec deux zabraks mes ses yeux sévères ne quittaient pas la prisonnière du regard.

Darren apparut, attirant l’attention. A ses côtés, une zabrak âgée, vêtue d’une toge rouge au liserai noir leva ses bras vers le ciel où les lunes de Jabiim brillaient. Elle s’adressait à l’humain avec clarté :

-Ce soir est un bon soir Darren. Cette nuit est douce et le Grand Esprit fait résonner sa Magie partout dans la nature.
-Tu as vu la femme ? Zoraida nous a-t-elle trompé ? interrogea-t-il pensivement en lui désignant la Sith.

La vieille s’approcha. Sa figure cramoisie était recouverte de signes, si bien que l’on ne distinguait plus ses rides. Elle jeta une poudre carmine sur l’Inquisitrice, puis une autre, plus translucide, sous un silence de plomb.

-Zoraida a beaucoup de défauts, mais ce n’est pas une menteuse. La fille convient.
-Oh les conneries…. ! s’esclaffa Dana qui ne comprenait rien, mais qui se sentit l’âme d’intervenir. Si vous êtes des traîtres à l’Empire…je vais m’occuper de vous…
-Elle a beaucoup bu, grimaça-t-elle en sentant l’haleine empestée par la liqueur ingurgitée.
-De la liqueur avec un peu de vinsha. C’est pour nous assurer de sa docilité.
-Alors mène-la dans la Forêt sans plus tarder. Et procède au sacrifice.

Une tête de loup poussa sèchement Dana pour lui montrer la voie à suivre. Darren fit signe à Vetchet.

Il était l’heure.











-Si tu touches à un de ses cheveux, on te saigne ! prévint sérieusement Vaklu avant de frapper contre la porte de la roulotte de Zora.

Rilc et les autres dévaroniens paraissaient nerveux. Ils s’inquiétaient pour leur ancêtre. Ils trouvaient que ce n’était pas une bonne idée de lui amener Lloyd dans cet état de colère. On jetait des regards assassins à Mumkin aussi, parce qu’il avait menti par omission. Il avait oublié de dire que la femme de ménage était plus l’esclave du Sith. La porte grinça et s’ouvrit. Ils laissèrent le hapien s’y engouffrer et firent le guet, prêt à intervenir au moindre bruit.

Zoraida trônait sur son fauteuil opulent. Elle avait retiré son masque, offrant la vue de sa face défigurée par le feu ou l’acide à Hope. D’entre ses lèvres fondues s’échappait la fumée d’une cigarra. Elle lui fit un geste pour qu’il prenne place face à elle, devant la table.

-Je t’attendais. Si c’est Dana que tu cherches, elle est chez Darren Saphir. Au camp des Loups.

Elle le vit faire un mouvement, peut-être pour s’en retourner et courir vers l’autre rive du lac.

-Mais. Il est sans doute trop tard. Il compte la sacrifier. Il y a des siècles de cela, bien avant la naissance de ma mère et de la mère de ma mère. Un Seigneur Sith s’était établi dans la forêt qui borde le lac. Il y a construit sa base. Les miens, comme tous les itinérants de Jabiim craignaient sa puissance. C’était un dieu. Alors chaque année, les communautés revenaient sur les bords du Lac et lui offraient leurs meilleurs enfants, comme esclaves. Et le Sith mourut. On dit qu’il est enterré dans la Forêt, profondément. Plus profondément que les racines des arbres. Nous les Serpents, avons abandonné la coutume du sacrifice. Progressivement les autres clans l’abandonnèrent aussi. Les Saphir refusèrent, car ils craignaient l’esprit du Sith. Ils souhaitaient que nous continuons à lui sacrifier les meilleurs d’entre nous. Ils ont continué. Darren a même sacrifié sa soeur, il y cinq ans. Ils disaient que nous enlevions ses enfants par jalousie. Et nos enfants disparaissaient dès qu’ils approchaient trop de la Forêt.

Elle laissa planer un silence et agita un bouquet d’herbes séchées au-dessus de ses cartes.

-Il souhaitait répondre à votre petit guet-apens de l’autre soir dans la Forêt. Un acte insensé qui a été commis sans mon accord. Il souhaitait rassembler ses hommes et venir mettre ce camp à feu et à sang. Il m’a contacté pour un ultimatum. Il voulait le meilleur d’entre nous pour un sacrifice. Je lui ai indiqué ta « femme de ménage ». Parce qu’elle a la Magie des Rois, mais aussi leur sang. Même si elle avait été ma fille, je l’aurais donné à Darren. Je souhaite que ce mariage se fasse dans la paix. Des femmes de ménage, des amantes, peu importe ce qu’elle était. Tu en trouveras d’autres. Si elle t’appartenait, tu peux prendre l’une des nôtres en compensation. J’ai lu son avenir de toute manière. Et à tes côtés, il n’y avait que sa mort. Et à ses côtés, il n’y avait que toi. J’ai vu comment elle mourrait. Elle était condamnée.









Après une longue marche dans la Forêt, Dana, Vetchet et les loups arrivèrent devant les ruines d’une ancienne construction. Elle leva les yeux sur la pierre sombre que dévorait les plantes corrompues. Elle les voyait se mouvoir lentement sous la lueur lunaire. La marche avait refroidi son sang, l’alcool se dissipait progressivement, mais son corps demeurait engourdi. Elle était exténuée et avait trop marché. Les linteaux gravés de symboles anciens protégeaient des portes de métal noir. Tout était noir. Il n’y avait rien de lumineux et elle le sentit. Ce qui lui restait d’acuité et de Force l’alerta.

Elle ne devait pas entrer.

Alors elle recula d’un pas et Vetchet lui attrapa brusquement le poignet pour la tirer. Ils furent bientôt avalés par ce Temple de corruption et de mort. L’intérieur semblait un peu entretenu. Des braseros rougeoyants éclairaient un hall immense et silencieux que seuls leurs présences perturbaient. Le clan des Loups avait visiblement l’habitude de venir prier ici et entretenir les lieux pour s’attirer les bonnes grâces du Seigneur qui y gisait.

-On va descendre, indiqua-t-il dans un petit sourire satisfait. Sous le lac. C’est là qu’est le tombeau du Grand Esprit.

Vetchet avait hâte. Il avait hâte de pouvoir grimper sur ce corps délicieusement frêle et de refermer ses doigts sur sa gorge pour l’étouffer. Il avait toujours été désigné pour les sacrifices. Ca lui procurait un peu de paix et de piété.

Dana réussit à échapper à sa poigne. Elle souhaita se retourner pour fuir mais une gueule pleine de crocs s’opposa. L’un des loups la menaçait, grognant sa colère. Elle battit en retraite vers son geôlier qui, agacé, la saisit de nouveau, non sans l’avoir frappé au préalable pour s’assurer de sa soumission. Et elle n’avait pas l’énergie requise, ni l’esprit assez clair pour invoquer la Force.

-Lloyd..souffla-t-elle, la gorge étreinte par la peur alors qu’ils descendaient un long escaliers qui s’enfonçait toujours plus dans les entrailles de la terre. Lloyd

Ses yeux avisèrent, dans la pénombre, le plafond voûté, semblable à celui qu’elle avait admiré dans la cachette, en cherchant Liam. Bientôt, de l’eau s’écoulait de fissures anciennes. Ils étaient sous le lac. Elle tenta une nouvelle résistance, chercha à frapper Vetchet d’un coup de pied, mais aguerri, il bloqua aisément la tentative et lui envoya son genou dans l’abdomen. La douleur fut si forte, le choc si rude, qu’elle se plia en deux avant de sombrer. Il rattrapa son corps et le jeta par-dessus son épaule.


Lloyd Hope
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- Vous… avez fait… QUOI ?!

Le hapien n’en croyait pas ses oreilles. Il se tenait debout, le visage ahuri, dans la roulotte de Zoraïda où pendaient des grigris et brûlaient des bougies aux senteurs parfumées. La vieille femme au visage bardé de cicatrices soutenait son regard.

- J’ai fait ce que je devais pour protéger le clan. Je le répète. Vous prendrez celle qui vous conviendra.
- Alors c’est ainsi que vous fonctionnez ? Vous troquez la vie des uns et des autres, comme ça ? On achète, on vend, on sacrifie ? Il est beau votre Code d’Honneur !
- Elle n’avait ni père, ni frère, ni mari.
- Elle avait moi !

Pour ce que ça vaut.
Il avait crié fort et les dévaroniens massés à l’entrée de la roulotte s’agitèrent.

- Je croyais les Sith moins sensibles à l’attachement que ça, se moqua Zoraïda.

Le visage du hapien se crispa de fureur. Il fit deux pas vers la femme, prêt à l’attraper par le cou pour le lui tordre, mais soudain deux énormes serpents jaillirent de sous les coussins et s’interposèrent en ouvrant leurs gueules béantes. Leurs longs crochets luisaient à la lueur des bougies et Lloyd s’immobilisa, surpris.

- Ceux-là sont venimeux, précisa la vieille dévaronienne avec un regard dur. Vous faites trop cas de cette femme.
- Je vais aller la chercher. Si elle est déjà morte, ce ne sont pas les Saphirs qui viendront mettre votre camp à feu et à sang, mais moi.

Zoraïda s’agita dans son siège pour se redresser.

- Si vous la tirez des griffes de Darren, non seulement vous condamnez ce camp, mais vous vous condamnez vous-même ! s’exclama-t-elle, le ton aussi venimeux que ses serpents. Il n’y aura que le malheur et la mort sur votre chemin si vous la gardez à vos côtés !

Lloyd faillit s’approcher mais l’un des serpents siffla en oscillant en travers de son chemin. Lloyd pointa malgré tout un doigt vers Zoraïda.

- Le malheur et la mort, parfait : je connais déjà bien. Et je ne crois pas à vos présages, vieille folle. Je pars la récupérer. Que votre clan se prépare, soit à venir m’aider, soit à se défendre contre les Saphirs ou contre moi.

Le hapien vit volte-face pour sortir de la roulotte d’un pas furieux, poussant les dévaroniens à l’entrée pour s’éloigner. Aussitôt Mumkin s’accrocha à son bras en essayant de l’arrêter.

- Attends Lloyd ! Attends ! Qu’est-ce que tu vas faire ? Lloyd ! Lloyd c’est ma famille ! l’implora le pilote, mais le hapien se dégagea brutalement de son étreinte.
- Ta famille vient d’envoyer Dana être sacrifiée, Mumkin ! Je n’vais pas laisser faire ça !

Et brusquement Lloyd cessa de marcher et se tourna vers le dévaronien. Celui-ci se figea sur place.

- Tu étais au courant ?
- Non.

Le hapien avait planté ses yeux émeraudes dans ceux du pilote, qui recula d’un pas.

- Non, non Lloyd, répéta le dévaronien qui comprenait le soupçon soudain que le hapien avait contre lui.
- J’ai sauvé ta putain de vie cette nuit. Et d’autres fois avant ça.
- Je te jure, je te jure. J’étais pas au courant. J’savais rien. J’t’aurais dit, sinon, j’sais bien qu’tu tiens à elle.

Il y eut un moment de silence, durant lequel Lloyd parut peser la crédibilité des propos du pilote. Mumkin s’était tassé sur lui-même, effrayé de la fureur qu’il lisait dans les yeux du Sith.

- Dans ce cas, soit tu les fais changer d’avis, soit quand je reviens, on n’est plus alliés et je t’ouvre en deux comme les autres. C’est clair ?
- Mais… Mais Lloyd… glapit Mumkin.

Le dévaronien avait l’air d’avoir les larmes au bord des yeux. Le hapien se détourna et partit au pas de course vers l’extérieur du camp.

-------

-------

-------Lloyd s’efforçait de garder les yeux ouverts malgré l’air et les branches qui lui cinglaient le visage, penché sur le motospeeder qu’il avait subtilisé au camp. Il allait aussi vite qu’il le pouvait, longeant la rive en s’efforçant d’éviter les troncs d’arbres épais de la forêt. Il avait vite abandonné l’idée de passer par l’autre côté du lac pour rejoindre le camp des Saphirs : le détour était tel que cela lui aurait pris une heure, peut-être plus. Il n’avait pas le temps.

Pourquoi tu m’as pas appelé, Dana ? Pourquoi t’as pas appuyé sur ce putain de bracelet ?

La végétation se densifiait. Il était parfois forcé de ralentir l’allure et jurait entre ses dents. C’était sa putain de faute si Dana était sur Jabiim. Il ne pouvait pas lui arriver quelque chose maintenant. Il lui sembla que le trajet était beaucoup trop long, mais enfin la forêt s’éclaircit et il aperçut les lueurs du camp des Saphirs. Il accéléra, mais ralentit presque aussitôt en apercevant une silhouette qui allait à sa rencontre. Ou plutôt, qui allait vers la forêt et qui s’immobilisa en entendant le motospeeder arriver dans sa direction. L’appareil glissa de côté, jetant des gerbes de sable tandis que Lloyd immobilisait l’appareil. Ils étaient à quelques dizaines de mètres du camp et l’on entendait de l’animation, mais personne ne semblait regarder dans leur direction. Lloyd tendit son esprit vers le camp : sans succès. Il ne sentait pas l’aura familière de Dana. Etait-elle déjà… ?

- Hé !

Le hapien sortit son couteau et sauta du speeder. Il aurait agressé n’importe qui ; mais à peine avait-il empoigné le col du jeune zabrak qu’il reconnut son visage. Le gamin avait un sac sur son épaule. L’amant de Mia. Il appuya la lame contre la gorge du gamin, qui se mit à trembler comme une feuille, livide.

- Le sacrifice ! Il a eu lieu ou pas ?
- Hein ? Quel sacrifice ? J’sais-sais pas moi, bégaya le zabrak, terrifié.

Un bref instant, Lloyd se demanda si la vieille Zoraïda avait pu lui mentir, pour l’envoyer sur une fausse piste, pour l’éloigner pendant que Dana était ailleurs.

- Aasan ? Aasan !

Une voix de femme leur parvenait depuis le campement.

- C’est toi, Aasan ?

Le zabrak fit oui de la tête avec précipitation.

- Ok Aasan. Vous faites des sacrifices des fois ou pas ?
- Je, je… J’dois pas parler de ça.
- C’est ça où tu meurs et ensuite je vais poser la même question à ta mère qui t’appelle là-bas et si elle répond pas non plus je l’égorge aussi.
- Oh, ok, glapit Aasan. Oui, oui Darren organise des sacrifices, des fois. Ce-ce soir, il prépare une fête je suppose que… J’suppose que ses épouses ont préparé la sacrifiée et que Vetchet l’a emmenée. Ça s’passe comme ça d’habitude !
- L’a emmenée où ?
- Au Temple souterrain, mais moi j’suis jamais rentré…
- C’est où ?
- L’en-l’entrée est dans la forêt, par là.

Le hapien jeta un regard dans la direction indiquée. Il n’y avait qu’un seul moyen d’être sûr de ne pas se tromper sur le chemin.

- Tu viens avec moi, lui annonça-t-il avant de tirer le zabrak vers le motospeeder.

-------

-------

-------Il sentait le corps du gamin tressauter contre le sien. Le zabrak était secoué de sanglots silencieux, coincé entre le guidon du motospeeder et le hapien tandis qu’une nouvelle fois, l’appareil traversait la forêt avec des courbes brusques, au fil des embardées brutales que Lloyd faisait pour éviter les troncs. Il lui semblait, encore une fois, que malgré sa hâte, il perdait un temps fou. C’était trop long, il arriverait trop tard.

- Enc… Encore à droite, gémit Aasan, mais sa voix était à peine audible à travers le ronronnement du motospeeder et du vent qui sifflait à leurs oreilles.
- QUOI ?
- ENCORE A DROITE.

Lloyd fit faire un nouvel écart au motospeeder, avant de ralentir l’allure : une lueur orangée était apparue dans son champ de vision et il lui avait semblé que la puissance obscure s’agitait, loin en-dessous d’eux.

Ils s’arrêtèrent en trombe devant les ruines. Lloyd descendit du motospeeder en y abandonnant l’adolescent et se mit à courir vers les portes noires. Il ne voyait pas le bâtiment, ni les inscriptions, il sentait seulement l’obscurité sous ses pieds.

Il se heurta au métal. Les portes étaient closes. Il essaya de forcer ; sans succès. Il se retourna brusquement.

- AASAN ! Ramène-toi, grouille !

Le zabrak descendait à peine du motospeeder, incertain.

- Aasan, comment ça s’ouvre ?!

Le garçon parut hésiter, mais Lloyd ne voyait pas bien son visage. Le zabrak se rapprocha en trottinant.

- Ben, ben… c’est que… Je crois que… Y’a que les loups, qui peuvent ouvrir.
- Quoi ?! Comment ça ?
- C’est un genre de… De magie. Ça s’ouvre quand les loups s’approchent.

Le hapien sentit le désespoir enserrer ses tripes. Non, ce n’était pas possible. Il se retourna vers les portes de métal. Des barreaux laissaient apparaître les braseros qui s’alignaient au bout d’une allée sombre, en bas d’une série de marches. Le hapien essaya de se concentrer, étira la Force pour cueillir ce qui se passait dans cette direction.

Un fil ténu. Minuscule. Qui menaçait à tout instant de se briser. Dana était là, quelque part.

Lloyd agrippa les barreaux et se mit à tirer de toutes ses forces. La Force. Il savait augmenter ses capacités mais… Les combats de Khar Delba, l’alcool de la veille. Il n’était pas enforme.

- PUTAIN DE MERDE ! éclata-t-il brusquement en relâchant la porte.

Lloyd donna un coup de pied dans les portes et celles-ci grincèrent, sans céder. Le zabrak était figé à ses côtés comme un rongeur surpris par un loup au milieu de la forêt. Le hapien l’attrapa brusquement par la gorge.

La vie du garçon commença aussitôt à s’échapper de son corps, pour alimenter celui de Lloyd.



Darth Hope
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Vetchet n’avait pas toujours été l’homme bourru, insensible et cruel d’aujourd’hui. Avant d’acquérir les nombreuses cicatrices qui balafraient son crâne, il avait même été un jeune garçon plutôt insouciant et plein de bonne volonté. Il avait perdu ses parents à l’âge où on avait le plus besoin d’eux et le clan ne l’avait pas laissé tomber. Le père de Darren l’avait adopté. Et puis il avait épousé la sœur de Darren. Il avait profondément aimé cette dernière. Jusqu’au dernier moment. Même en lui ôtant la vie, dans ce tombeau qu’il parcourait l’âme vide, il avait continué de l’aimer. Il s’était ensuite désigné volontaire pour tous les autres sacrifices, car il avait considéré qu’un père ne devait jamais avoir à tuer sa fille, un fils sa mère, un époux, sa femme. Les siens le respectaient pour ce sacrifice de soi. Et ils l’avaient vu sombrer au fil des morts, au fil des excursions dans ce caveau qui l’avait à chaque fois un peu plus corrompu.

Le corps de Dana devenait lourd, mais il poursuivait.

Enfin, l’ultime pièce du Temple l’accueillit. C’était la fin du voyage.
La pièce était circulaire, avalée par une végétation noire et dense de laquelle ruisselait l’eau du lac qui avait érodé la pierre. Les pieds de l’humain pataugeaient d’ailleurs dans une eau boueuse. Des lumières ocres étaient suspendues au plus haut, éclairant l’endroit une vague pénombre ; suffisante pour se déplacer. Mais Vetchet connaissait les lieux par cœur. Il savait comment se diriger pour atteindre le sarcophage éventré par les lianes ténébreuses. Il déposa la victime sur son couvercle de marbre sombre. Elle gémit un peu et ses yeux s’ouvrir péniblement. Dans sa vision troublée, elle hallucina voir Lloyd penché au-dessus d’elle et elle eut un sourire qui réveilla la douleur de son visage meurtri. L’homme prit le soin d’arranger la tunique et la coiffure de celle qui devait être sacrifiée.

Les loups veillaient à l’entrée, soumis à la puissance ténébreuse qui sommeillait en ces lieux. A travers leurs regards acérés, Darren voyait tout. Shar protesta mollement quand Vetchet dégagea quelques mèches de sa figure à la fois maquillée et marquée. Elle sentait une odeur rance, de pourriture, de sang, d’eau croupie. Elle avait l’impression de suffoquer. Elle cherchait de l’air en vain. Elle cherchait ses pensées. Elle cherchait la Force, seule sensation rassurante dans sa solitude soudaine. Elle entrevit un peu de Force, un peu d’air, un peu de pensées. Et elle entendit des voix qui n’en formaient en réalité qu’une. Vetchet entendait aussi.

-Tu plais au Grand Esprit. Oh oui tu lui plais….peut-être que ton sacrifice sera l’bon. Que les autres seront pas mortes pour rien.

Il glissa une main tremblante le long de la poitrine féminine, retenant son souffle.

-Il va prendre ton corps, p’tetre.

Dana dévia sa figure vers le plafond, dont les moulures fissurées laissaient passer l’eau du lac. Cette dernière se frayait un chemin, brillait à la lueur des candélabres suspendus. Damaya disait toujours que j'étais comme l'eau. L'eau se fraye toujours un chemin, même à travers la pierre. Et quand elle est prise au piège, elle trouve toujours une fissure par où s'échapper. Derrière le voile de sa léthargie, son cœur battait fort. Le tout est de survivre.

Alors survis.

Mais comment ? Son corps ankylosé répondait difficilement aux sollicitations de son cerveau. Ses prunelles dorées étaient toujours fixées sur le plafond et elle crut distinguer un mouvement, entre les lianes. Quelque chose de plus gros. La douleur à son pied se réveilla et elle fut frappée d’un éclair de lucidité si soudain qu’elle eut l’impression que sa tête se déchirait. Dans les ténèbres, il y avait une gueule ronde, bourrée de crocs.

Manger humain.

La Force revenait à elle.

-JE SUIS LA ! hurla-t-elle et son cri déchira les voix et les oreilles de Vetchet qui s’immobilisa de surprise. VIENS ME DEVORER !

Il y eut un grondement sourd. Les murs furent ébranlés par plusieurs secousses qui agrandirent les fissures. Plus d’eau s’en écoula. Vetchet serra les dents et gifla Dana si fort qu’elle crut perdre conscience une seconde fois.

-T’utilises la Magie des Rois ?! J’vais en finir tout de suite.

Il tira une vibrodague de sa ceinture et le peu de lumière saisit le métal tranchant. Les loups s’étaient mis à grogner alors que la pièce tremblait toujours. Vetchet abattit son bras armé. La pointe de la lame visa l’abdomen de Dana.

Sans jamais s’y planter.

Un tentacule avait jailli d’une faille et avait emprisonné le cou de Vetchet. Shar écarquilla les yeux et roula sur le côté, dans un effort lucide. Elle échoua lourdement au sol, dans l’eau, dans la boue, dans ce que recrachaient de sève sombre la nature corrompue. Elle rampa vers la sortie mais les loups lui barrèrent le chemin. D’autres tentacules surgissaient, les murs menaçaient de s’effondrer, l’eau qui n’avait été que ruisseaux tranquilles se transformait en torrents furieux. Elle fut bientôt trempée. Derrière elle, l’humain poussa un hurlement alors qu’il était entraîné. Il donnait de grands coups de couteau dans les membres de la créature dont on ne voyait ni le corps, ni la gueule. L’un des loups se jeta sur elle. Elle leva ses avant-bras devant sa figure, dans une tentative désespérée de se protéger, mais aucune morsure ne vint. Des glapissements gutturaux, des grognements. Et elle assista au spectacle étonnant des monstres qui se battaient entre eux. Le loup aux yeux bleus et à l’oreille coupé avait pris sa défense, il avait empêché son frère de déchiqueter l’humain et maintenant les deux autres cherchaient à l’abattre. Dana profita de ce répit pour ramper encore vers la sortie. Elle y était presque, elle voyait l’ouverture qui menait aux escaliers. Bientôt la première marche.

Un tentacule s’enroula brutalement autour de sa cheville déjà blessée et elle cria de douleur. Elle se sentit tracter en arrière. Elle n’avait plus la force. Elle voulut lâcher prise, mais un bras jaillit de l’obscurité des escaliers et agrippa son poignet. Elle leva sa figure pleine d’eau, de sang, de maquillage et ses yeux tombèrent dans les émeraudes de Lloyd Hope. Si elle avait encore pu penser par elle-même, elle aurait ressenti de la surprise. Et l’eau du lac se déversait toujours dans la salle et le monstre qui en habitait les profondeurs continuait de tirer sur la jambe de la Sith, menaçant d’emporter le hapien avec elle.

-Lloyd..lâche-moi…ca sert à rien…de crever tous les deux.

Et le poignet humide glissait sous les doigts de Hope. Elle le sentit raffermir sa prise.

-Je suis soulagée que tu aies survécu, à Khar Delba.

D’autres tentacules aux ventouses noircies apparurent derrière elle. Une seconde s’enroula autour de sa taille. Cette fois la traction était trop fort, son poignet échappait à la main du Sith. Tout se passait si vite. Elle aurait voulu avoir plus de temps, plus de mots.

-Je voulais pas te perdre.

Crac.

Crac.

C’était la glace de son esprit qui se fissurait de nouveau.

C’étaient les murs de la salle et son plafond qui s’effondraient.

Tout le Temple vacillait et la partie immergée fut emportée.
Les blocs de pierres étaient tombés sur les tentacules, obligeant la créature à les rétracter de douleur.

Et ce fut le noir.







Les pans de sa tunique flottaient autour d’elle. Dana tentait de se mouvoir, de nager, mais la surface paraissait si loin, c’était à peine si elle en percevait la lumière. Les ruines avaient emporté le monstre au loin, éloignant sa menace. Des vestiges d’escaliers, de pierres, de chandeliers, de loups noyés, dérivaient dans l’eau.

Lloyd Hope
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Plac ploc plac ploc plac ploc.

Le hapien avait réussi faire céder l’un des barreaux d’une porte après s’être servi de l’énergie vitale du zabrak qui avait glissé au sol. Il ne savait pas s’il l’avait tué ou non. Si l’adolescent était mort, il aurait payé pour le sang versé par son camp, voilà tout. Dans l’Empire, on ne s’en prenait pas aux Sith. Les Saphirs n’avaient qu’à être mieux informés.

Dès qu’il avait pu se glisser à l’intérieur, Lloyd avait dévalé les marches, courut entre les braseros sur la piste unique qui s’ouvrait devant lui. Le sol tremblait étrangement sous ses pieds et son cœur battait à tout rompre. La pierre était humide, et bientôt l’eau ruisselante sur le sol se transforma en une grande flaque qu’il éclaboussait à chacun de ses pas effrénés.

Plac ploc plac ploc plac ploc.

Il crut entendre une voix.

- DANA ?!

Sa voix se répercuta dans l’édifice, mais personne ne lui répondit. Des grognements. Le grondement du caveau dont les murs antiques se fragilisaient sous la pression. Le corridor s’enfonçait dans la pénombre, et l’eau montait dangereusement vite autour du hapien.

Flash, flosh, flash, flosh, flash, flosh.

Il ne pouvait plus courir correctement. L’eau était montée jusqu’à ses genoux.

- DANA ! appela-t-il encore, mais il savait que c’était inutile.

Soudain il eut un sursaut : un loup venait de surgir mais, au lieu de l’attaquer, la bête rebroussait chemin. Elle passa près de lui dans une course folle, l’éclaboussant au passage. Il parvint à des escaliers : l’eau s’y écoulait comme une rivière et le hapien distinguait à peine les marches à travers le courant. Il s’y élança en glissant, à demi emporté par les flots. Cette fois, les jets d’eau qui perçaient entre les murs bruissaient si violemment qu’il n’entendait plus sa propre voix, qui appelait toujours fébrilement l’Inquisitrice.

La pièce au bout des escaliers était immergée sur plus d’un mètre. L’endroit était sombre, seule une végétation fluorescente diffusait une luminosité blanchâtre, que les torrents d’eau noyaient dans l’ombre.

Une main, un bracelet.

Le hapien fit abstraction de tout le reste. Une nouvelle faille venait de céder et déversa sur lui une douche glaciale tandis qu’un loup à ses côtés tentait de surnager en poussant des glapissements terrifiés. Il tendit la main vers celle de Dana pour l’attirer à lui. Il entendit à peine ce qu’elle lui disait. L’eau formait entre eux de gros bouillons et les séparaient. Il resserra sa main, tira encore le corps de Dana jusqu’à lui, incapable d’avancer plus à contre-courant.

- Dana ! Accroche-toi à moi ! lui cria-t-il, mais la fin de la phrase fut noyée dans le fracas de l’effondrement du Temple.

D’énormes blocs de pierre glissèrent les uns contre les autres et l’eau s’engouffra.

Le noir recouvrit tout.











Plus de vision, plus de respiration, plus de son sauf ces grondements.











Son corps s’agrippait follement à un bras qui menaçait à tout instant de lui échapper. Des pierres râpèrent son dos, ses jambes. Il eut un choc sur le crâne – une masse lourde avait percuté l’arrière de sa tête et il sentit une douleur fulgurante déferler entre ses deux oreilles.
Il faillit lâcher le poignet. Il resserra et tira. Cette fois le corps féminin de Dana ne résista pas et il put la ramener à lui. Il enroula ses bras autour de sa taille et l’une de ses mains plaqua la tête de Dana contre sa poitrine.









Ils allaient mourir là ?











Le hapien rouvrit les yeux. Il ne vit rien. L’air lui manquait. Il n’y avait rien autour d’eux qu’un flou total. Il ne savait pas dans quelle direction la surface du lac se trouvait ni même s’il n’y avait pas encore une voûte de pierre au-dessus d’eux qui les enfermait définitivement.











Mais au loin, il croyait voir une lumière blanche.

Etait-ce son esprit qui s’inventait une sortie au bout du tunnel ?












Ou bien une lune. Une lune de Jabiim.













Le hapien se propulsa dans cette direction en prenait appui sur une pierre.

Nager, nager, nager. Douleur. Dana. Y avait-il encore de la vie dans ce corps qu’il pressait contre le sien ? Il nageait mais restait-il quelque chose à sauver ?
Je voulais pas te perdre.
Moi non plus. Pourquoi tu as pas appuyé sur le bracelet ?
J’espère que tu as mon… briquet…
Approche que j’t’allume.

















Je peux plus respirer.
Tu as mon oxygène entre tes lèvres ?
























Soudain la main libre de Lloyd jaillit hors de l’eau, puis il sentit l’air frais sur son visage. Il ouvrit grand la bouche, essaya de respirer. Il eut un haut le cœur et se à mit à éructer. De l’eau sortait de ses bronches et ses jambes s’agitaient pour rester à la surface. Enfin, après plusieurs tentatives avortées, l’air entra brusquement dans ses poumons et ses pensées s’éclaircirent.

- Dana.

La tête de la jeune femme était hors de l’eau mais il tremblait tellement et dans sa panique, il n’arrivait pas à voir si elle respirait, il n’arrivait pas à sentir son pouls non plus malgré sa main qui cherchait un battement de cœur, du bout de ses doigts glacés. Il n’arrivait pas non plus à mobiliser la Force.

- Dana ?

Il la secoua faiblement.

- Dana respire !

Activer ses réflexes. Comment ? Brusquement il écarta les mâchoires de la jeune femme et inséra deux doigts dans sa bouche. Le plus loin possible.
Le corps de Dana se convulsa contre le sien et elle se mit à régurgiter brusquement. Elle vomit par à-coups toute l’eau qui s’était infiltrée dans son œsophage et dans ses bronches. Les vomissements se transformèrent en toux et il la tenait de nouveau de ses deux bras serrés contre lui.

- Voilà, c’est bien, s’entendit-il dire d’une voix fébrile. C’est très bien.

Elle respirait. Laborieusement, mais elle respirait. L’eau les ballotait doucement dans la nuit, et le hapien caressait les cheveux trempés de Dana. Il la serrait trop fort. Mais une impression persistait dans ses tripes : s’il la lâchait, elle allait disparaître encore, elle ne penserait pas à appuyer sur le bracelet, et elle mourrait.

Il lui fallut plusieurs minutes à respirer avidement pour retrouver un peu ses esprits. Le froid les faisait grelotter l'un contre l’autre et ses jambes, qui battaient l’eau régulièrement pour les maintenir à la surface, accusaient désormais une fatigue certaine. L’adrénaline allait bientôt cesser son effet.
Le hapien jeta un regard circulaire. Les lueurs des deux camps étaient visibles, de part et d’autre du lac. Des débris flottaient sur l’eau, vestiges réchappés comme eux de l’effondrement du caveau. Le hapien consentit à lâcher Dana d’un bras, pour attirer à lui un morceau de bois. Il lui fallut quelques secondes encore pour surmonter le sentiment panique et finalement il se sépara de Dana pour glisser le segment sous elle. Il essaya de la mettre en travers du bois mais c’était compliqué. Il voulait qu’elle s’accrochât, elle n’avait pas l’air d’en avoir la force il s’assura seulement que ses bras restaient du bon côté de leur bouée de sauvetage pour ne pas qu’elle glissât. Il s’accrochât à son tour, entreprit de retirer ses chaussures à l’aveugle pour perdre un peu de ce poids qui le tirait vers les profondeurs.

Ils restèrent un moment-là, à dériver, grelottant l’un à côté de l’autre. Le silence n’était perturbé que par les clapotis des débris qui s’entrechoquaient et par leurs respirations haletantes.







Au bout d’un moment, il vit que la lune se reflétait dans les prunelles dorées de Dana et supposa qu’elle arrivait à maintenir sa conscience à flots.

- J’suis venu pour dire ok, dit-il.

Il croisa son regard.

- Pour danser : ok.

Il voulut sourire mais fut pris d’une nouvelle toux désagréable, alors il détourna le regard vers le camp.

Nouveau silence. Lloyd joua un moment du bout des doigts avec le bracelet. Ce faisant il caressait lentement son poignet, l'air de rien.

- Pourquoi t'as pas appuyé sur le bracelet ? demanda-t-il soudain sérieusement.





Il n'entendit pas la réponse : quelque chose attrapa son pied et il fut brusquement tiré sous l’eau.

Il cria mais seules des bulles s’extirpèrent de sa gorge tandis que la surface disparaissait loin au-dessus de lui. Il chercha une arme, mais ses poches étaient désespérément vides.
Son couteau. Il avait perdu son couteau.



Darth Hope
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La lumière diurne baignait les jardins suspendus de la Citadelle de Shar Dakhan. Sa blancheur avalait tout : les arbres exotiques, les plantes carnivores. Dana reconnaissait l’odeur des épices brutes qui poussaient sur les plantes et que les esclaves viendraient récolter au bon moment de l’année. Elle sentait la caresse du vent tiède, charrié par le fleuve au lointain qui serpentait dans les étendues arides et provenaient des montagnes à l’autre bout de la planète. Ses petits poignets d’enfants éaient cernés de bracelets trop lourds, trop précieux. Et elle, elle ne pensait qu’à s’amuser en allant salir sa toge dans le sable, au-delà des murailles. Mais son père ne la laisserait pas.

-Tends la main, lui ordonna la voix rauque du Seigneur de Ch’Hodos.
-Non ! Il va m’la manger ! refusait-elle alors qu’elle reculait.

Et il la repoussa vers la cage du Nexu qui bordait l’une des grandes allées du jardin. La bête féroce s’était approchée des barreaux, avait reconnu son Maître, mais ses immenses yeux sauvages contemplaient la petite chose à ses côtés, dont la viande fraîche était emballée dans une tunique luxueuse. Il dévoila une rangée de dents acérées parfaitement alignées, à la teinte jaunâtre.

-Tu es fille de Shar Dakhan, s’exaspéra le Sith en la poussant sans ménagement vers la cage. S’il te dévore le bras, c’est que tu n’es pas digne de mon sang.

Et les yeux de Dana s’étaient emplis de larmes qui, bientôt, roulèrent le long de ses joues rebondies. Elle était terrorisée. Elle était seule.




















-Lloyd…

Elle vomit encore un peu d’eau, tout contre lui, frémissante. Pune douleur épouvantable lui lancina les poumons, la cheville, le visage. Toutes ces plaies retrouvaient l’air libre et elle crut paniquer avant de sentir l’odeur mouillée de Lloyd Hope, ses muscles contre son corps choqué, sa voix à son oreille attentive.

Elle était à bout de forces, mais bercée par les clapotis de l’eau et par les doigts du hapien qui frôlaient sa peau à un rythme régulier, agitant faiblement son bracelet. Elle avait souri à la lueur de la lune, croisé son regard vert aussi profond que le lac sur lequel ils dérivaient. Et son sourire était aussi beau que la fin de toute chose.

- Pourquoi t'as pas appuyé sur le bracelet ?

Elle aimait sa voix. Même quand elle était aussi sérieuse.
Les mots se rassemblaient dans son esprit agité, reconnaissant, épris et effrayé. Ils formèrent une réponse qui n’eût guère le temps de franchir ses lèvres, car il avait disparu, avalé par l’eau.

La réponse se mût en cri silencieux. L’adrénaline afflua à son cerveau pour circuler dans son sang et battre à son cœur affolé. Son regard saisit un morceau de candélabre, dont le métal noir luisait sous les reflets lunaires. Le débris formait une pique ténébreuse et ses doigts s’en saisirent avec moins de fermeté qu’elle ne l’aurait souhaité. Sa bouche s’ouvrit pour prendre une grande inspiration et elle plongea vers les abysses du lac. Dès qu’elle se fut assez éloignée de la surface, l’obscurité reprit ses droits et elle déploya la Force, comme elle le put, puisant dans ses tripes, creusant dans son esprit. Rien ne comptait davantage que retrouver le Sith. Alors elle suivait chaque écho du fil rouge qui le liait à lui. Et chaque écho allait toujours plus profond. Elle ressentit la présence d’une faune aveugle et inconnue. Des poissons sans yeux lui effleurèrent les jambes, des méduses fluorescentes passèrent non loin, éclairant rapidement une ombre, un mouvement. Et elle n’était qu’un monstre issu de la surface pour eux tous. C’est ce qu’ils disaient. Un monstre drapé d’un blanc fantasmagorique, à l’odeur étrange. Elle les comprenait à travers la Force.










Tends la main.











Tends la main.








Il a emmené l’humain.
Toujours plus profond.






Dévorer. Manger. Humain.




D’un large mouvement de bras, elle fit un écart et tendit sa main. Ses doigts échouèrent dans une chevelure flottant au gré des courants du lac. Elle les enracina profondément, se tracta jusqu’àu hapien, le sentit attiré par une force vive. Alors, elle prit ce qu’elle pouvait d’élan. Il put percevoir la paume de Dana s’accrocher à sa chemise, descendre contre sa hanche. Elle leva le débris de candélabre et s’aidant de la Force l’abattit dans les ténbères.

Il y eut un hurlement dans les profondeurs qu’elle fut seule à entendre.
Un cri de douleur et de haine.

Elle frappa encore, moins fort, parce que ses forces l’abandonnaient.

Du tentacule qui avait saisi la cheville de Lloyd jaillit un sang noir. Il se rétracta.
Et elle manquait d’air et si elle manquait d’air, le blond devait en manquer aussi. Elle chercha sa main à tâtons et l’empoigna.





La surface du lac était paisible, comme n’importe quelle autre nuit.
L’étendue d’eau avait avalé le caveau et sa corruption, les emportant dans ses profondeurs infinies. Qui sait jusqu’à quel point s’enfonçait le lac dans la terre de Jabiim. Qui sait quelles autres créatures s’y terraient. Ils avaient nagé, puis dérivé, puis nagé encore, l’un contre l’autre, handicapés par leur proximité, par leurs mains qui refusaient de se lâcher. Dana avait lutté contre l’inconscience. Lloyd avait combattu la fatigue. Et quand leurs corps échouèrent sur le rivage qui bordait la forêt, Shar recracha encore de l’eau. Ses poumons lui brûlaient, inspirer était douloureux, mais elle était vivante. Elle était étendue sur le sable, à quelques centimètres de lui, ses doigts lovés dans les siens. Elle l’admirait avec attention.

-Ce n’était pas une méduse….

Sa tunique détrempée lui collait à la peau indécemment. Ce n’était plus qu’un voile d’impudeur que l’on avait jeté sur ses courbes et que la lune sublimait. Elle respirait fort, et sa poitrine se soulevait, frôlait celle du Sith. Elle avait toujours cet œil au beurre noir, mais la douleur n’avait plus d’importance.

Elle voulut parler.
Merci ?

-J’appuierai sur le bracelet la prochaine fois, promis.

Silence.

-Quand je voudrais danser, j’appuierai dessus aussi, murmura-t-elle encore.

Une goutte échoua sur sa joue, puis une autre sur son front.
La pluie s’annonça tandis que les nuages étouffaient la lune. S’ils étaient arrivés plus tôt, ils n’auraient jamais vu l’astre lunaire transpercer la surface du lac sous lequel ils avaient été prisonniers.

Lloyd Hope
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Le sable s’était creusé sous leurs corps, moulant leur empreinte tandis que Lloyd toussait encore. La tête lui tournait. Tout s’était passé si vite sous l’eau : la brûlure sur sa jambe, la panique, ses cris inutiles, la Force qui ne répondait plus, et soudain la main de Dana, sa silhouette plongeant plus bas et la libération.

Sa respiration haletante siffla encore quelques instants tandis que la tête du hapien reposait dans le sable. Il sentait l’eau dégouliner de ses cheveux assombris par l’humidité, et sa chemise collait désagréablement à sa peau frémissante. De sa nuque suintait du sang, épais et sombre, et la douleur à l’arrière de son crâne l’élançait au rythme des battements de son cœur qui ralentissait péniblement l’allure.

Mais il était vivant, et Dana aussi.

- Quand je voudrais danser, j’appuierai dessus aussi.

Lloyd ouvrit les yeux. L’Inquisitrice était allongée devant lui et il tenait toujours sa main. La lune éclairait son corps, recouvert d’une tunique qui épousait ses formes comme un voile transparent : le voile ne cachait rien, et le hapien fut un bref instant suffoqué. La beauté de Dana l’avait giflé comme une réalité trop brutalement mirifique. Ou comme un rêve trop cruellement réaliste.
Il avait manqué plusieurs marches, cette fois.

- Dana, fut-il seulement capable de prononcer, sidéré par cette image inattendue.

Pourquoi tu voudrais danser avec moi ?

Les mots ne franchirent pas ses lèvres. Il lâcha sa main.






Pour passer son bras par-dessus les épaules de Dana et la ramener contre lui. Il cala son menton sur le cuir chevelu de la jeune femme et ses yeux furent libérés de cette vision indécente, qu’il ne méritait pas. Il sentait le souffle chaud de Dana dans son cou, et un léger parfum cérémonial lui parvenait, qui n’était pas son odeur habituelle. Était-ce Darren qui lui avait administré ce coup au visage ? Une telle blessure, sur un corps si parfait… Et c’était parce qu’il l’avait amené sur Jabiim qu’elle avait vécu ça. Un sentiment pénible enfla dans sa poitrine et il la serra un peu plus contre lui en silence. Il écrasa ses lèvres sur le haut de son crâne en fermant ses yeux humides, et espéra qu’elle ne s’en rendrait pas compte.

Dana n’avait pas résisté à son étreinte. Elle devait être épuisée, comme lui, et frigorifiée. Il n’avait rien pour la réchauffer. Il se tordit le cou pour essayer d’apercevoir le camp des Serpents, où un feu aurait pu tiédir son corps éblouissant. Les lumières des festivités leur parvenaient de loin. Il faudrait marcher un long moment. Mais qu’allait-il arriver ?

Mumkin.

Il laissa retomber sa tête dans le sable avec un soupir.

- J’crois qu’j’y ai été un peu fort.

Il cligna des yeux ; il fixait une branche échouée à leur côté sans la voir.

- Je vais te ramener au camp, Dana, et m’assurer qu’on s’occupe bien de toi. Et ensuite, je vais aller régler son compte à Darren. Il faut que j’agisse avant la fin de la nuit.

Il n’y avait qu’ainsi qu’il pouvait solutionner le conflit dans lequel ils étaient empêtrés. En tout cas le pensait-il. Peut-être Mumkin viendrait-il l’aider. Ce serait une opération comme une autre : aller tuer dans le sommeil un chef ennemi, se débarrasser de ses principaux lieutenants. Ou bien leur faire face. Mais il avait la Force. Il pouvait faire ça. Il trouverait le bon moyen, le moyen le plus efficace d’amener le malheur et la mort, pour préserver ailleurs la vie et l’avenir. N’était-ce pas son job, de toutes les manières ? Ce serait vite fait.

Ils grelottaient tous les deux quand Lloyd relâcha son étreinte. Il s’efforça de mettre à genoux, puis d’aider Dana à se lever avec des gestes tremblants. Il essayait d’éviter de la regarder, mais il ne cessait d’apercevoir des détails incongrus : une égratignure sur sa peau, la forme d’un téton qui se devinait sous la tunique, un bleu sur sa gorge qui aurait pu être un doigt de Raidun ou Darren, le dessin de ces courbes qui se découpait dans la lueur blanche projetée par la lune. C’était beaucoup trop pour lui à cet instant et il se détourna pour marcher devant dès qu’il le put. Il eut un vertige.

- Le…. Le motospeeder, j’ai dû le laisser par-là, balbutia-t-il.

Ils s’enfoncèrent entre les arbres. Les pas entre la mousse blanche, pour ne pas s’empoisonner. Ils marchaient en titubant, leurs pieds nus s’enfonçant dans une boue désagréable. La jungle était presque silencieuse, paisible. Des insectes grésillaient au-dessus de leurs têtes, et le vent agitait parfois les fourrés et glissait fraîchement sur leurs corps, leur arrachant des frissons.

Au bout d’un moment, ils aperçurent le contour des ruines, et essayèrent de hâter le pas. Ils retrouvèrent la machine et le hapien trébucha en s’en approchant. Leurs yeux ne purent s’empêcher d’aller vers les portes noires de l’entrée du caveau mais celles-ci étaient closes. S’étaient-elles refermées après le passage des loups ou bien les loups avaient-ils été noyés ?
Le hapien cligna des yeux : le corps du zabrak n’était pas là. Soit on l’avait emmené, soit Aasan était vivant. Il ne savait que faire de cette information, mais le sac de l’adolescent jonchait toujours le sol et Lloyd alla le ramasser. A l’intérieur, il y avait quelques vêtements, un couteau, une gourde, des papiers. Aasan avait dû vouloir rejoindre le camp des Loups pour venir y vivre avec Mia. Où était-il allé maintenant ? Prévenir les Saphirs de ce qui s’était passé ?

Le hapien releva ses yeux vers Dana, qui était laborieusement montée à califourchon sur le motospeeder. Il déglutit en la regardant mais finalement s’approcha d’elle avec le sac à la main, il tira un tshirt du zabrak du sac et le lui tendit.

- Faut qu’tu mettes ça avant qu’je fasse une bêtise, dit-il, et il posa le vêtement sur le motospeeder devant elle. Tu sais conduire ça ?

Il chancela en s’approchant – marcher pieds nus dans la forêt était pénible et il n’avait pas les idées très claires. C’était une longue, longue nuit.

- Il faut… Les étriers, là.

Le hapien se saisit d’une cheville de Dana, et inséra son pied dans l’encoche prévue. Elle savait sûrement, mais il avait eu envie de faire glisser ses doigts sur cette cheville, envie de retirer un peu la boue de petit pied qui ne méritait pas autant de salissure. Il releva vers elle un regard incertain, dans lequel la lune de Jabiim jetait la lumière sur la déraison qui semblait l’habiter.

- Ecoute, je vais pas pouvoir te ramener. J'suis désolé. Rentre au camp. Trouve Mumkin et dis-lui que je m’occupe des Saphirs. Mumkin. Personne d'autre. Ne fais confiance à personne d’autre, ok ? Qu’il s’inquiète pas. Il saura quoi faire, il va t’aider.

Il sait que j’tiens à elle.
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Sur le rivage frappé par une ondine régulière, elle n’avait pas résisté à son étreinte. Elle s’y était abandonnée, s’était noyée dans les bras du hapien, contre ses muscles frigorifiés. Elle aurait bien pu cesser de respirer à ce moment-là. Rien n’avait plus d’importance que leurs corps lovés. Elle était épuisée. Elle avait résisté au reliquat de vinsha dans son métabolisme, aux effluves de l’alcool qui persistaient, mais maintenant que l’adrénaline n’était plus, elle se sentait fondre d’épuisement. Qu’y avait-il de mal à apprécier une étreinte si réconfortante, si sécuritaire ? Même pour une Sith. Même pour une Inquisitrice. Même pour la descendante de la prestigieuse lignée de Shar Dakhan. Tout cela existait à peine entre les bras de Lloyd. Elle était protégée du monde, protégée des coups, protégée de tout ce qui viendrait enserrer sa gorge pour la laisser suffoquer.

Juste une minute n’était plus suffisant.






Entre les arbres aux troncs noircis d’une sève peu commune, sous les feuillages immenses et exotiques, au milieu d’un silence paisible, la température s’était légèrement réchauffée. Elle avait marché dans les pas prudents de Lloyd. Plusieurs fois, elle avait manqué d’enjamber une racine et avait perdue l’équilibre, mais la présence du sith l’avait aidé. Et désormais assise sur le motospeeder, elle l’écoutait depuis un autre monde. Darren, Mumkin, les Saphirs. Tous ces noms lui semblèrent soudainement sans importance. Son attention n’avait pas quitté la chevelure blonde assombrie par toute l’eau qu’elle avait absorbé. Ses yeux n’avaient pas regardé ailleurs que le corps encore humide du hapien qu’une rare pénombre sublimait. Et si elle l’écoutait, c’était parce qu’elle buvait sa voix. Elle eut un léger sursaut quand il toucha sa cheville pour la sécuriser sur l’un des étriers du véhicule.

Et elle avait encore trébuché dans son regard où s’alliaient l’émeraude de ses prunelles et les reflets lunaires. Elle ne sut que dire, que répondre. Elle avait simplement envie qu’il remonte sa main. Que ses doigts franchissent sa cheville, s’insèrent sous sa tunique pour glisser le long de sa jambe, pour conquérir chaque parcelle de sa peau, la réchauffer. Elle eut un nouveau mouvement et les mots lui revinrent. Elle se pencha vers lui.

-On est une équipe, tu te souviens ?

Sa paume avait échoué dans les cheveux blonds et atteint la blessure à l’arrière de son crâne avec assez délicatesse pour ne pas le faire souffrir davantage.

-Et tu es blessé.

Les reproches de Kashiina volèrent un court instant dans son esprit.

J’aurais fait en sorte de bander le bras de Lloyd mieux que ça ! Et il n’aurait pas eu à se charger comme un bantha de traite. Tu es orgueilleuse et complètement inutile ! Svan s’en rendra compte. Tout le monde s’en rendra compte. Est-ce que Lloyd s’en était rendu compte ?

-Je te suis. Chez les Saphirs, chez Mumkin, peu importe.

Elle se redressa et attrapa le T-shirt avant de le considérer un court instant. Puis elle glissa une œillade vers Hope.

-Le spectacle te plaisait pas ? sourit-elle et son sourire disparut un instant sous le tissu tandis qu’elle enfilait le vêtement.












Malgré la vitesse, malgré le vrombissement assourdissant du moteur, elle s’endormait. Sa joue reposait contre le dos du Sith et elle avait encerclé sa taille de ses bras pâles. La végétation dense avait défilé sous son regard au début éveillé et elle avait vite eu l’impression qu’ils tournaient en rond. Cette maudite jungle n’était qu’un labyrinthe et chaque arbre se ressemblait. Les repères se confondaient. Où peut-être avait-elle juste un sens de l’orientation lamentable. Peu importait, Lloyd savait sûrement quel chemin emprunter. Elle ferma les yeux, satisfaite. Il savait où aller, et elle le suivrait.

Une ombre blanche surgit des fourrées. La motospeeder fit un écart pour l’éviter et Dana se réveilla en sursaut pour reconnaître la fourrure d’un des loups géants de Darren. Son cœur loupa plusieurs battements. Puis elle reconnut le regard azuré de la bête, son oreille coupée. Son pelage formait par endroit des traces sombres et épaisses, là où ses pais l’avaient mordu, dans le caveau. Il s’en était réchappé. Les prunelles bleutées croisèrent l’étendue dorée des yeux de Dana tandis qu’il courait.

-Lloyd…souffla-t-elle. Lloyd, suis-le ! Il te montre la route !

Était-ce un piège de Darren ? Mais elle avait perdu le contact visuel.










Le campement était silencieux. La table dressée autour du feu, devant l’estrade supportait encore le poids des mets succulents et des boissons, mais personne n’y était installé. Pas de rires, pas de chants, pas de discussions qui montaient jusqu’au ciel. Toutes les roulottes étaient fermées, gardant jalousement leurs habitants. De Darren, aucune trace non plus. Son trône était vide. Le loup s’était arrêté et grognait dans une direction, à l’entrée du camp. Un coup d’accélérateur plus tard et ils traversèrent le silence du campement, faisant paniquer les poules et les chats domestiques. Sous les roues du véhicule jaillissaient des gerbes de terre meuble et tout s’arrêta à l’entrée du camp.

Deux groupes s’y faisaient face. Darren était accompagné de la zabrak au visage tatoué, mais autour de lui il y avait d’autres hommes, d’autres zabrak. Et face à eux, Zoraida était entourée des siens. Ils purent reconnaître Mumkin, Vaklu, Kinuux, et bien d’autres. Ils virent aussi, à la faveur d’un rayon lunaire, les blasters qui reluisaient dans les mains des uns et des autres, prêts à être engagés.

-Arrêtez ! s’écria rageusement Dana.

Elle trébucha en descendant et s’étala au sol dans un râle de douleur. Mais ses ongles griffèrent la terre et elle trouva la force de se redresser pour courir vers ce no man land’s que la confrontation avait créé. Le loup la suivit pour se positionner à ses côtés.

-L’Esprit Sith qui vous tourmentait n’est plus ! s’exclama-t-elle, prise d’une lucidité soudaine. Son caveau a disparu, ok ?! Ce n’était pas les uns et les autres qui volaient les enfants. Ils se faisaient dévorer par la créature qui gardait son tombeau après que l’Esprit les y attirait ! Plus de sacrifice ! Plus de guerre !

La zabrak se pencha à l’oreille de Darren pour murmurer quelques mots. Zoraida fit le même geste vers Vaklu. L’humain et le dévaronien lancèrent un signe vers leurs hommes respectifs. Le loup grogna, enveloppant Dana Shar de son corps puissant et blessé, protecteur. Ce serait un carnage. Soit les blasters parleraient et elle se retrouverait dans un feu croisé dont elle ne pourrait se protéger car elle n’était plus capable d’invoquer la Force. Soit….

Lloyd Hope
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Le spectacle te plaisait pas ?

Sur le motospeeder, le hapien avait des vertiges. Il lui semblait que la forêt lui jouait des tours : étaient-ils enfermés là, dans un labyrinthe ? Il sentait contre son dos la présence de l’Inquisitrice, se maintenait à flots de conscience parce qu’il fallait la mener à bon port.




------Lloyd avait senti un soulagement libérer sa poitrine dès qu’ils étaient arrivés : voir Mumkin et ses comparses venus en découdre avec le clan, peu importait l’issue de la bataille, signifiait qu’il n’aurait pas à tenir une parole qu’il ne voulait pas tenir contre son pilote. De loin, il croisa le regard du dévaronien, tandis que Dana prenait les devants, dans ce tshirt trop grand pour elle, ses jambes moulées dans la tunique humide et ses pieds nus dans le sable. Et devant elle, les lueurs des torches et des guirlandes de l'entrée du clan éclairaient des visages tordus par l'appréhension et la douleur.
Il y avait un silence glacé entre ces deux factions qui se faisaient face, mais Zoraïda le déchira d’une voix tranchante, tandis que Lloyd glissait à son tour du motospeeder.

- Darren, vous l’avez entendue. Elle dit vrai, je l’ai senti : l’âme du Seigneur Sith n’est plus. Nous pouvons encore éviter ce carnage : renoncez !
- Vous venez attaquer mon camp après avoir trahi un pacte passé dignement ! Et c’est moi qui devrais renoncer ? Et Vetchet ? Vetchet est mort par votre faute !
- Non, Darren. Vetchet a été le dernier sacrifice d’une longue lignée ! Nos enfants comme les vôtres ont été offerts à cette âme damnée, aujourd’hui est le jour où nous pouvons arrêter cette machine infernale !
- La disparition du Seigneur Sith n’engendrera que des malheurs sur cette terre. Nos deux clans en périront et vous êtes responsables ! s’obstina encore le chef de clan, les yeux furieux. Aujourd’hui devra plutôt être le jour de notre dernier affrontement !
- Rends-toi à l’évidence : tu ne contrôles plus loups. Elle le fait, dit Zoraïda en pointant un doigt vers l’Inquisitrice. Et sans eux, tu ne pourras nous vaincre.

Comme pour confirmer ses dires, le loup qui les avait guidés jusque-là s’assit aux pieds de Dana, et dévoila un instant ses crocs. Darren recula d’un pas, mais la haine déformait ses traits. Si le carnage n’avait pas lieu aujourd’hui, quel poison coulerait dans les veines de ce clan jusqu’à ce qu’ils puissent assouvir leur soif de vengeance ? Zoraïda savait que s’ils arrivaient à éviter le combat, ce ne serait pas suffisant.

La vieille femme masquée s’avança entre les siens, pour les dépasser de quelques pas. Cela rendait nerveux Vaklu, dont le canon du blaster visait directement Darren, mais il ne dit rien.

- Nos Codes d’Honneur sont semblables, Darren, pour une bonne raison : nous sommes tous les enfants de cette terre.

La voix de la matriarche s’était étrangement adoucie. Lloyd sentait la Force agir. Zoraïda n’avait jamais eu de formation : elle avait appris par elle-même ou par les siens ce que signifiait d’avoir cette malédiction, à l’inverse de Dana et lui. Cependant, elle avait la longue expérience de la vie, et pensait pouvoir user de son influence morale pour empêcher les hostilités de se poursuivre.

- Un œil pour un œil, notre honneur fonctionne ainsi. Vous avez perdu l’un des vôtres, ce soir. Si vous souhaitez une vengeance, nous organiserons un duel. Mais pas ce soir : ce soir, Darren, notre clan célèbre une union. Bientôt, pour enterrer la hache de guerre, nous pourrons en célébrer une autre : celle de Mia et Aasan. Cela mettra fin à nos hostilités.

Il y eut un silence. Darren parut sur le point de refuser, mais l’une de ses épouses avait posé sur l’avant-bras du chef de clan une main insistante.

- Un zabrak et une humaine ? Ce serait une union stérile !
- Peut-être que leur destin est de produire un unique enfant qui s’appellera la Paix. En cela elle ne sera pas stérile.

Il y eut des murmures parmi le clan des Saphirs. Darren jeta un coup d’œil autour de lui. Il parut considérer les remarques qu’il en entendait parmi les siens : il aurait voulu en découdre ; répondre au sang par le sang, mais l’attrait de la fin des sacrifices attirait son peuple.

- Nous allons y réfléchir, dit-il. Mais rendez-nous les loups. Ou bien, au moins, libérez-les. Les Loups sont notre âme, en les asservissant, vous nous humiliez.

Lloyd, comme les autres, jeta un regard curieux en direction de Dana. Il venait de réaliser à quel point la créature paraissait soumise à la jeune femme ; c’était un talent qu’il ne lui connaissait pas. Zoraïda, elle aussi, toisait l’Inquisitrice. A travers son masque, il était difficile de déchiffrer les sentiments qui l’animaient.

- Dana, rendez-leur les Loups, maintenant.

Le hapien baissa le regard sur la créature. Après les serpents qui l’avaient épargnée, les loups. Comme une réponse silencieuse, la bête sauvage leva elle aussi ses yeux bleus vers Lloyd. C’était celui qui s’en était pris à son bras.

Tu t’es bien défendu, le Loup.


Il y eut des échanges de paroles entre Dana et les autres, mais ils ne parvinrent pas aux oreilles du hapien. D’un air absent, il voulut tendre une main vers la crinière claire, et du bout des doigts traverser le poil soyeux. Mais il ne sentait rien sous sa peau glacée. Et les yeux bleus de la bête le toisaient toujours, lui demandaient ce qu’il fichait là.

- Je sais pas, répondit-il dans un souffle.

Et soudain ce fut le noir complet.








Lloyd s’était effondré dans le sable comme un poids mort, face contre terre. De sa nuque dégoulinait toujours, lentement, un sang épais et poisseux.
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Dana avait écarquillé les yeux quand on lui avait ordonné de rendre les loups. Ou plutôt, le seul loup ayant réchappé au carnage du naufrage. Elle fronça les sourcils et s’adressa à Zoraida comme si elle lui devait des comptes. L’autorité naturelle de la matriarche avait bien son effet sur la Sith.

-Je ne le contrôle pas ! se défendit-elle.
-Mensonge ! persiffla Darren.
-Il est libre de partir…ou même de revenir à vos pieds, j’le contrôle pas, insista-t-elle, le ton agacé.

Et elle se détourna vers la créature. Ses yeux coulèrent au-delà, sur la silhouette de Lloyd dont il ne resta bientôt plus qu’un corps inerte sur la terre humide de Jabiim. Elle sentit son sang se pétrifier, comme si la vie la quittait d’un coup. L’adrénaline revint furieusement à son cerveau, déliant ses muscles épuisés et elle se précipita vers le hapien, s’agenouillant à ses côtés, terrifiée.

-Lloyd…Lloyd !

Une de ses mains était passée sous sa nuque pour le relever un peu. Du sang poisseux marqua ses doigts. La blessure. Son cœur s’emballa à l’idée qu’elle fut mortelle. Du côté de l’attroupement, il y eut un mouvement et Mumkin se détacha des siens pour se précipiter à son tour sur son patron, inquiet.

-Qu’est-ce qu’il a ?!
-Je sais pas…je sais pas…articulait-elle, paniquée et impuissante.

Le loup s’était détaché de la scène, indifférent à leurs états d’âme. Il échangea une longue œillade avec Darren et d’un bond puissant, dispart dans l’obscurité de la nuit, loin des guirlandes colorées, en direction de la forêt. L’averse qui avait suspendu sa chute, reprit de plus belle. Bientôt leurs corps furent trempés, dégoulinant de cette eau fraîche qui tombait des cieux nocturnes. La lune s’était effacée. Et la pluie ruisselait sur le visage de Dana, emportant ce qui lui restait de maquillage, emportant les larmes brûlantes qui coulaient de ses yeux dorés. Elle refusa qu’on la touche lorsque des mains se saisirent d’elle pour l’éloigner du blond. Elle se débattit avec la force qu’il lui restait, mais ils furent plus nombreux et sa paume glissa, s’éloignant de Lloyd Hope.

S’éloignant de Ch’Hodos. S’éloignant de tout.






















On lui avait mis une épaisse couverture de laine sur les épaules et une tasse de thé brûlant entre ses mains gelées. Elle avait hésité à boire, par méfiance. Et se contentait de réchauffer ses paumes à travers le métal du gobelet. Dana campait fermement devant une roulotte, assise sur la dernière marche. Son regard tentait de percer le ciel invisible que couvrait un dais coloré. Une musique parvenait à ses oreilles fatiguées, depuis une plage proche où des festivités se poursuivaient malgré la noirceur de cette nuit. Et un ressentiment grandit au fond de sa poitrine. Comment pouvaient-ils encore danser ? Boire ? S’enlacer ? Elle serra les dents et la tasse, brûlant ses doigts. Mais la douleur n’importait plus. Elle sentait l’onguent au parfum fort dégouliner autour de son œil, marqué du poing de Vetchet. C’était moins efficace que du kolto, mais moins douloureux que du kolto synthétique. Une présence émergea à ses côtés et elle consentit à boire. Après tout, le thé pouvait bien être empoisonné, cela n’avait plus d’importance. L’odeur de carburant et de sueur se mêla aux effluves du bois qui brûlait au loin. Elle reconnut Mumkin avant de le voir. Il s’assit au sol avec une grimace de douleur, non loin de ses pieds et fixait la terre d’un air grave. Il en avait eu assez de faire les cent pas autour de la roulotte, sans doute.

-C’est un mariage, j’ai pas envie que ca devienne l’enterrement de mon patron.
-La ferme. Dis pas ça. C’est un véritable Sith. Il va s’en sortir.

Mais elle croisa le regard du dévaronien et y lut la même culpabilité que celle qui colorait le sien. Si elle avait appuyé sur ce foutu bracelet, peut-être que tout cela ne serait jamais arrivé ? Pourquoi n’avait-elle pas appuyé ? La pluie battait inlassablement les tentures étendues en l’air. L’air était humide, suffoquant. Elle n’avait jamais vécu cette sensation en pleine air : celle d’étouffer. Malgré une brise légère et l’étendue du campement, sa claustrophobie lui tordait les tripes. Ou peut-être que c’était autre chose.

-Il est là-dedans depuis trop longtemps, fit-elle. Pourquoi on l’a pas emmené à la ville la plus proche ?! Y’a des centres de soin là-bas ! Des droïdes médicaux, des vrais médecins !
-C’est trop loin, répliqua-t-il. C’était déjà risqué de faire la route entre les Saphirs et ici.
-J’aurais pas dû grimper, souffla-t-elle en plaquant la tasse contre son front, fermant les yeux pour s’abandonner à son désarroi. J’aurais pas dû grimper sur le vaisseau.

Mumkin ne dit rien. Il avisa un instant l’Inquisitrice drapée d’amertume et de détresse, enrobée dans un plaid grossier, échevelée et pâle comme une lune. Elle ne lui faisait plus peur ce soir. A peine lui inspirait-elle un peu de pitié. Et il songea au Grand Temple de Kaas City, quand il l’avait vu monter dans le landspeeder. Il se rappelait encore ses joues rougies, souillées de khôl et de fards. Il avait l’impression de mettre le doigt sur quelque chose, mais il renonça. Et ils demeurèrent silencieux à partager la même inquiétude, à respecter le désarroi l’un de l’autre. Après un temps relatif, le dévaronien fouilla dans sa poche et tendit une cigarra ainsi qu’un briquet vers Dana. Cette dernière parut surprise. Il n’avait rien d’autre pour la réconforter. Pas de mots, pas de geste. Il savait que demain, quand Lloyd irait mieux, elle se remettrait à lui foutre les jetons. Elle déglutit et ses doigts au vernis impeccable saisirent le tout.

Une seconde plus tard, la flamme du briquet illumina sa figure que Mumkin regarda encore. Une figure qui semblait plaire à son patron. Une figure à laquelle Lloyd tenait. Puis le visage féminin fut de nouveau avalé par la pénombre et elle emplissait ses bronches d’une bouffée de toxine qui apaisa superficiellement ses émois. Deux jours sans cigarette. Entre deux inspirations nocives, elle buvait une gorgée du stim-thé qui avait tiédi. Il avait un goût amer et anisé à la fois. Pas de miel, pas de sucre pour camoufler du vinsha. C’était une vraie boisson réparatrice.

-Puis t’sais, reprit-il comme s’ils avaient toujours parlé. Vaklu et Rilc, ils sont désolés. Moi aussi.
-J’leur en veux pas, décida-t-elle sans savoir s’il était sincère.

Tout ce qu’elle voulait, c’était que Lloyd aille mieux.













Une ombre familière était penchée au-dessus de lui. Était-ce le sourire de Mat’aenna qui illuminait ainsi les ténèbres ? Ou étaient-ce les yeux lumineux de Dana qui cisaillaient la nuit dans laquelle il était prisonnier ? Était-ce la voix de la Twi’lek qui l’appelait ? Etaient-ce les doigts de l’humaine qui glissaient dans sa chevelure ?










Bientôt, Svan les rejoignit, accompagné de Liam et de Tih. Puis Lartokh. Puis Rilc et Kalon. Ruth vint aussi. Autour de Dana qui veillait à la porte de la roulotte dans laquelle on soignait le Sith, ils furent bientôt des dizaines. Elle les reconnut presque toutes et tous. Tih lâcha la main de Liam pour s’approcher de Dana et lui tendre un bouquet composé de brins d’herbes et de fleurs sauvages aux têtes déjà alourdies par la mort prochaine.

-On l’a fait avec Liam, pour Llo-ïd. Tu lui donneras ?

L’Inquisitrice déposa la tasse de sim-thé à moitié vide sur le haut des marches et ses doigts s’ourlèrent autour du présent. Elle ne sut que dire.

-Kashiina est notre meilleur médecin, intervint Svan d’une voix qui se voulait rassurante. Il va s’en sortir, elle le laissera pas mourir.

Et Ruth approcha, tassa un peu Dana pour venir s’asseoir à côté d’elle. Elle passa un bras protecteur autour des épaules de la Sith et la serra contre elle, lui partageant sa chaleur. Et la brune se souvint que la dernière à l’avoir étreint avec autant d’affection fut Damaya Shar. Ruth la prit tout contre elle, en silence, elle lui partagea qu’elle savait tout. Le sacrifice. Darren. Zoraïda leur avait tout expliqué dès que les hommes avaient quitté le campement pour aller en découdre. Elle avait laissé la responsabilité de ceux qui restaient à Ruth et Kashiina afin que les festivités puissent se poursuivre. Elles avaient prétexté au reste de la communauté que les hommes s’étaient enfin décidé à partir enterrer la vie de garçon du marié. L’humour avait fonctionné et rien n’avait entaché l’ambiance festive. Mais pour tous ceux qui savaient, qui étaient réunis autour de Dana cette nuit, le cœur n’était pas à la fête. Elle avait l’impression qu’ils….compatissaient ?

Elle se mit à pleurer. Comme quand elle pleurait dans les bras de Damaya étant petite, quand elle souhaitait se cacher de son père qui la terrifiait. Dana cacha son visage dans les cheveux de Ruth et épancha silencieusement ses larmes. L’épouse de Kalon la serra davantage.

-J’ai compris, murmura-t-elle. J’ai compris, t’en fais pas va.

Dana se sentait tellement seule malgré tout, tellement perdue. Elle aurait voulu appuyer sur le bracelet. Mais il était trop tard pour ça.





L’aube menaçait de chasser la nuit.
Dana avait refusé de dormir, malgré la fatigue qui pesait sur chaque parcelle de son corps. Progressivement, ils étaient tous partis se coucher, avec parfois un mot gentil pour elle, ou une œillade pleine d’empathie. Mumkin fut le dernier à quitter les lieux, non sans hésiter. Dans son dos, la porte de la roulotte grinça enfin et l’ombre de Kashiina s’étendit dans la pénombre de l’entre nuit et jour. Des cernes alourdissaient son regard, mais n’entachaient pas sa grande beauté. Shar se redressa immédiatement, renversant la tasse désormais vide et froide. La pluie avait cessé.

-Je suppose que je pourrais pas t’empêcher de rentrer.

Non, en effet. Tu seras un rancor enragé, que tu m’empêcherais pas d’entrer.

-Je vais prévenir Mamy Zora et Mumkin.

Dès que Kashiina s’éloigna, elle se précipita à l’intérieur. Les rideaux étaient fermés sur toutes les fenêtres. Une seule lampe diffusait une lumière tamisée. Et il y avait cette odeur d’onguent et d’herbes médicinales antiseptique qui prenaient à la gorge. Mais à travers ces odeurs, perçait le parfum familier de Lloyd et ses timides et lents battements de cœur. Avec moins de précipitation qu’elle n’en avait eu pour entrer, Dana s’approcha de son chevet. Il était assis sur la couchette, un tas de coussin soutenaient son dos. Elle décrivit le chemin des bandages qui entouraient proprement une partie de son crâne pour faire tenir un cataplasme que Kashiina avait appliqué sur la blessure. Il eut un mouvement et ses prunelles émeraudes vinrent chahuter dans les siennes.

La couverture avait glissé au sol, découvrant son corps encore humide. Le tshirt du zabrak avait collé à ses courbes par endroit. Elle s’assit sur le bord de sa couchette, tout près de lui et elle lui tendit les fleurs qui n’avaient plus trop de vie.

-De la part de Tih et de Liam.


Et dès qu’il s’en saisit, elle se pencha lentement pour déposer ses lèvres tièdes contre sa bouche pâle. Elle les pressa juste assez pour s’assurer qu’il était bien vivant, juste pour se remémorer leur goût. Et dès qu’elle s’écarta, elle ponctua d’une voix calme.

-Et ça, c’est de ma part.





Lloyd Hope
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Lloyd ? Lloyd, qu’est-ce que tu fais ?
Rien, rien.
Tu vas où, comme ça ?
Qu’est-ce que ça peut t’faire ?
Tu veux dire, je suis censée rester là à t’attendre ?
Tu fais c’que tu veux.
Tu sais ce que je vais faire ? Tu vas t’en mordre les doigts jusqu’à la fin de tes jours.
Y’aurait qu’une salope pour

- AAH !





- Stop stop, sshhhh… ça y est, j’ai presque fini, ne bouge pas.

Le hapien ignora la remarque et ses mains cherchèrent follement à se raccrocher à quelque chose, n’importe quoi. Il renversa une tasse, griffa le montant de la couchette, agrippa le pan d’une robe en suffoquant. Kashiina ne dégagea pas le tissu entre ses doigts serrés si forts qu’il s’en blanchissait les phalanges. Peu à peu, ses yeux s’habituèrent à l’obscurité et l’intérieur de la roulotte, baignée d’une lueur tamisée, effaça les images odieuses qui avaient lacéré son esprit. De ses yeux écarquillés, il contempla bêtement quelques instants les rainures du bois sur le panneau devant lui, mordit dans le coussin contre lequel il écrasait son menton pour supporter la douleur. Il sentait les doigts de Kashiina s’agiter doucement sur sa nuque, descendre parfois brièvement sur son dos nu alors qu’il était allongé, à plat ventre, dans cette couchette rigide. On l’avait débarrassé de sa chemise, mais il n’avait pas froid. La douleur intense qui l’avait éveillé s’évanouissait peu à peu.

- Là, là, c’est fini, entendit-il encore tandis que la main de Kashiina pressait doucement son épaule.
- Qu’est-ce qui s’est… Ah.

Il s’était fait mal en tournant la tête. Kashiina l’aida à se redresser sur la couchette, arrangea les coussins derrière lui. Il s’y installa avec lenteur pour éviter de tirer sur le cataplasme qu’elle lui avait appliqué. Ses mains tremblaient et il croisa fébrilement les bras pour cacher cette faiblesse gênante. Rien n’était net autour de lui : les contours des objets semblaient osciller, les grigris suspendus au-dessus de sa couchette tanguer doucement. Il leva son regard vers la jeune femme, et elle le regardait avec des yeux tristes.

- On se repose : ça veut dire pas de question, et tu bouges pas. Tout va bien dehors. Ta femme de ménage t’attend sur les marches. Mais pour ton prochain achat : tu ferais mieux d’investir dans un droïde médical.

Le hapien déglutit avec difficulté. Il ne se souvenait de rien. Tout n’avait été obscurité depuis le camp des Saphirs jusqu’à…

- Merci, croassa-t-il.

Kashiina acquiesça en silence, et disparut, arrachant doucement de son poing fermé le pan de sa robe qu’il tenait toujours, sans s’en être rendu compte.

-------

-------

-------Lloyd était resté un long moment plongé dans les yeux dorés de Dana après avoir senti le goût de ses lèvres. Elle dût en être gênée, car elle détourna le regard au bout d’un moment mais il s’obstina.

- Dana.

Sa voix était sérieuse, peut-être même un peu dure. Les mains du hapien tenaient les quelques fleurs collectées par les enfants, mais il fronçait les sourcils.

- Tu as failli mourir à cause de moi. Encore.

Quelques heures plus tôt, il avait cru avoir compris quelque chose à Dana en regardant Liam grignoter dans le sable. Cette sensation-là lui revenait comme un filament qu’il n’arrivait pas à attraper : son esprit était embrumé de ce que Kashiina lui avait donné à boire, pour calmer la douleur. Il ne savait pas très bien s’il délirait ou s’il comprenait à nouveau ce qu’il avait compris plus tôt. Mais ça n’était pas quelque chose qu’il arrivait à formuler. Alors il soupira, détournant lui aussi le regard dans ce silence gêné. Mais comme elle restait là, il lâcha les fleurs d’une main, pour l’approcher vers le visage de Dana. Il eut une mine triste en parcourant du bout des doigts le contour de la trace violette qu’elle portait autour de l’un de ses yeux. Son pouce souligna sa paupière inférieure. Ca aussi, c’était de sa faute.

- Dis, souffla-t-il si bas qu’elle aurait pu avoir de la peine à l’entendre, est-ce que ta vie était différente, avant Artorias ? Je veux dire…

Il passa sa langue sur ses lèvres sèches, celles qui avaient reçu ce cadeau inattendu.

- Je veux dire…




J’espère que tes blessures ne sont pas trop graves. Il vaudrait peut-être mieux qu’on n




J’ai réfléchi à ce qui s’est passé la dernière fois et je voulais te di




De la tempe lisse de Dana, sa main passa subitement à sa chevelure et il l’attrapa par la nuque pour l’attirer contre lui. Les fleurs volèrent au sol, désordonnées, tandis qu’il l’entourait de ses bras épuisés, emprisonnant ses bras, espérant qu’elle ne se débattrait pas. Connards de mots qui ne voulaient jamais venir. Il n’avait rien de mieux. Il posa sa joue sur ses cheveux, complétant une cage improvisée.

- J’veux dire, tu sais que tu fais un sacré effet aux bêtes sauvages ? dit-il subitement comme si de rien n’était, comme si elle n’était pas là lovée contre lui, comme s’il ne sentait pas son souffle effleurer son épaule à intervalles réguliers, comme s’ils étaient parfaitement distants l’un de l’autre, une relation professionnelle ou rien n’avait dérapé. Les serpents, les loups…

Le spectacle te plaisait pas ?

- Moi.

J’suis un con mais pas une bête. Peut-être que si.

- Désolé, je crois qu’j’ai pas les idées claires.

Silence.

- Dana. Tu dois pas être tendre avec les types comme moi. Ok ? J’ai failli te faire tuer ici, et sur Kaas aussi.

Sans compter ce qu’elle avait encaissé sur Artorias. D’hommes comme Raidun. C’était ça aussi sa vie avant, ou c’était lui qui avait apporté tout ce désastre ?

- Arrête maintenant. Ok ?


Darth Hope
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-Arrêter quoi ? Dit-elle tout contre lui.

Il la sentit bouger, échapper aux barreaux que son corps avait formé autour du sien. Sa chevelure de jais glissa sur ses lèvres, puis sous sa mâchoire alors qu’elle se redressait. Son regard doré accusa le sien. Elle avait cette moue sévère malgré le rouge qui avait chassé la pâleur de ses joues. Ses doigts aux ongles pourpres pincèrent le tshirt qu’elle portait pour le retirer d’un geste audacieux.

-Arrêter d’être ton genre ?

D’un mouvement sensuel et souple, elle grimpa sur lui, s’installant sur ses cuisses avec une aisance provocatrice. A la lueur qui se diffusait doucement dans la roulotte, il put concevoir clairement chacune de ses courbes que sa tunique humide dévoilait. Il put voir la tâche floue que formait le tatouage le long de son sein gauche, sous le tissu clair.

-Arrêter de te faire un sacré effet ?

Il glissa les mains sur ses hanches rebondies. Peut-être qu’elle l’avait incité à le faire. Il n’était pas le seul à ne pas avoir les idées très claires. La fatigue, le contrecoup de l’alcool, du vinsha, de l’adrénaline perturbaient la raison de l’Inquisitrice. Mais pressés l’un contre l’autre dans l’intimité d’une caravane, ils semblaient coupés du monde et de la réalité. Sa voix formait un murmure qui échouait beaucoup trop près des lippes du hapien. Le souffle de Dana était tiède. Il y avait un léger effluve de cigarra et une forte odeur de stim-thé qui rappelait toutes les plantes que Kashiina avait utilisé pour le soigner cette nuit.

-Tu te trompes. Yavait pas de vie avant Artorias. Yen a pas eu après. Ca a toujours été la même putain de vie depuis le caveau sur Korriban, ok ?

Ses doigts féminins butèrent contre les reliefs de cicatrices anciennes, profondes, qui côtoyaient des marques plus récentes. Ils s’attardèrent sur chacune d’entre elles comme un promeneur savourait une balade hors du temps. Seuls les battements de son cœur trahissaient sa précipitation, l’envie de lui, de son corps, d’une étreinte qui la laisserait suffocante. Dana voulait qu’il imprime une nouvelle marque indélébile en elle.




-Est-ce que je suis tendre ? s’enquit-elle d’un ton plein de langueur et de défi, en écho à la remarque précédente sur les « types comme lui ».







Tout allait basculer. Malgré la douleur de l’un, la fatigue de l’autre.



-J’vois que ça va mieux ahm ahm.

Dana se figea en reconnaissant la voix trop familière de Mumkin. Et si Lloyd ne l’avait pas tenu aussi fermement, elle serait tombée du lit. Le dévaronien n’avait même pas pris la décence de détourner son regard. Au contraire, ses yeux appuyaient sur la scène avec une insistance particulière. Les deux Siths se séparèrent. Le rouge aux joues (celui de la colère, de la frustration, du désir encore présent), elle ramassa la couverture de laine au sol et s’en drapa avant de lui faire face.

Elle jeta une œillade à Lloyd ensuite, la figure échevelée, le souffle écourté. Et puisqu’il n’y avait rien à dire, et que les mots se refusaient obstinément à son esprit, elle quitta la roulotte en bousculant Mumkin au passage. Ce dernier avisa la ceinture au sol et se rapprocha de son patron avec une moue dubitative, mais il y avait un peu de colère au fond de son regard. Et ce n’était pas une colère capricieuse comme il en avait tant l’habitude sur le Sans-Visage.

-Content que t’ailles mieux. Ouais, vachement mieux. Y’a des soins qui ont l’air plus efficaces que les onguents de Kashiina, nan ?

Il y eut un silence que Hope sembla respecter. Puis le cornu explosa un peu, comme une chaudière mal entretenue :

-T’aurais pu me dire, nan ?! Ok t’es un Sith, le mensonge c’est ptetre dans ta nature ? OK t’es mon patron, t’as ptetre pas de compte à me rendre…mais quand même. On est sur le même putain de vaisseau, on partage la même vie. T’aurais pu me dire que toi et elle, enfin. Que vous baisiez quoi. Ca dure depuis quand hein ? Artorias ? Kaas City ? Bordel…

Il s’en était toujours douté, mais il avait – quelque part, laissé le bénéfice du doute à Lloyd. Il pensait encore à un flirt innocent qui avait fleuri sous l'ambiance festive du campement, à des baisers volés, mais pas à ce qu’il avait contemplé en mettant un pied guilleret dans la roulotte, heureux de savoir son employeur en vie.

-Parce que si j’avais su, j’aurais pas inventé qu’elle était ta femme de ménage. J’aurais ptetre dit que c’était ta gonzesse, on se s’rait évité pas mal d’emmerdes. T’aurais ptetre évité de me menacer de m’ouvrir en deux et Vaklu il aurait pas l’nez tout tordu.

Il aurait voulu ponctuer que c’était un con. Toutefois, il ne souhaita pas pousser sa chance. Il avait déjà été bien téméraire dans ses reproches. Et puis, le Sith pouvait bien compter sur lui pour lui rappeler pendant au moins une année, ce à quoi il venait d’assister.








A défaut de la chaleur corporelle du hapien, Dana avait retrouvé la relative tiédeur de son pull. Elle était étendue sur sa couchette, dans le foyer de Ruth. Une main dans la poche ventrale du vêtement caressait pensivement les contours d’un briquet. En bas, Mercy toussota et le bébé émit une plainte, mais ils dormaient tous les deux à poings fermés et leur agitation provenait de mondes plus oniriques. Kashiina dormait sur le lit en face, à la même hauteur qu’elle et lui tournait le dos. Le soleil pointait déjà dans le ciel pluvieux et elle avait encaissé une nuit blanche particulièrement éprouvante. Dana ferma les yeux, mais dès qu’elle les fermait, elle sentait Lloyd Hope l’étreindre entre ses bras fermes. Il faudrait faire avec, se plaignit son corps éreinté. Il faudrait dormir.

Ruth les trouva toutes trois endormies. Elle poussa un soupir tendre et alla vérifier, que toutes disposaient d’assez de confort et de chaleur. Ainsi, elle rabattit une couverture sur Dana, mis un oreiller sous la tête de Kashiina, ajusta la position du bébé contre Mercy. Elle ferma ensuite les rideaux desquels traversaient déjà une lueur incommodant et tamisa les lumières.



Lloyd Hope
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Il se mordit la lèvre inférieure à s’en faire mal, et Dana disparut. Le hapien se laissa retomber sur la couchette avec un soupir irrité.
Il mit un moment avant de lever les yeux vers Mumkin.

- T’as pas l’impression de déranger, par hasard ?

Mais Mumkin était déjà parti dans un flot de remontrances que Lloyd avait peine à entendre.

- Mum, c’est pas ça, arrête, c’est juste qu’elle…

Elle quoi ? Que comprenait-il de Dana ? Elle était paumée et elle cherchait un peu de chaleur ? Elle était droguée ou il ne savait quoi ? Elle voulait exorciser ce qui s’était passé au Grand Temple ? Il n’en savait rien, bordel. Il joignit ses mains pour les passer sur son visage, comme pour effacer les images et les sensations brûlantes qui s’étaient accumulées en quelques secondes. Ça ne fonctionnait pas.

- On baise pas rétorqua-t-il. Et c’est pas ma gonzesse. Je savais pas, ok ? C’est une Inquisitrice, une Sith. Demain, si ça s’trouve, c’est elle qui va nous menacer tous les deux !
- Ça, je te l’ai déjà dit qu’elle était dangereuse ! Du premier jour où on l’a eue sur le Sans Visage !
- Mais Mumkin, tu vis déjà avec un Sith, tu vis déjà avec un type dangereux !
- Oui, dangereux et dérangé ! Raison de plus pour éviter de faire n’importe quoi ! cria Mumkin, visiblement à bout de nerfs, et Lloyd resta un moment interdit. Le gaz c’est dangereux, le feu c’est dangereux, mélanger les deux c’est n’importe quoi !

Ils se regardèrent et Lloyd aurait voulu être en colère, rappeler au dévaronien qui décidait entre eux deux mais il n’en avait pas la force. Mumkin se laissa choir sur la couchette qui faisait face à la sienne et qui était restée vide tout ce temps.

- Mum.

Le dévaronien refusa un moment de regarder son imbécile de patron. Il souffla de dédain.

- Mumkin ?
- Quoi.

Il avait grogné en consentant enfin à regarder Lloyd en faisant abstraction de l’odeur de Dana qui flottait encore dans l’air et de la ceinture restée par terre.

- J’t’aurais pas ouvert en deux. J’ai flippé, c’est tout.
- Mais c’est pas ça.
- C’est quoi alors.
- On a failli t’enterrer, là, tu te rends compte ?
- Mais non.
- Mais si. Et sans toi j’aurais perdu mon travail en plus, comment j’aurais payé mon cadeau pour ma frangine ?
- Ah, ben dis-le que c’était le chômage technique qui t’inquiétait surtout !
- Et aussi, que le camp soit détruit.
- Ça, ça vous pendait au nez de toute façon avec les Loups. Heureusement qu’on était là, si ça tombe y’aurait eu un vrai combat ou alors il aurait encore fallu sacrifier l’un de vos gosses. C’est ça que t’aurais voulu ? Que Liam ou Tih soient sacrifiés ?

Mumkin fit une moue silencieuse.

- T’es pas fair-play.
- Non. Mais tout est rentré dans l’ordre, non ?
- Mouais.

Le hapien leva les yeux vers le plafond de la couchette. Un grigri, fait de branches et de fils tendus comme une toile d’araignée, se balançait doucement. Mumkin se leva subitement.

- Bon. Tu te reposes. Kashiina a dit qu’il fallait que tu bouges pas trop. Alors tu restes dans ta couchette et je vais surveiller que personne t’embête.

Lloyd laissa échapper un rire.

- T’es sérieux.
- Oui. Plus de conneries. Ce soir, ma frangine et son fiancé vont se marier et je veux que ta tête tienne encore sur tes épaules parce que j’ai l’intention que tu les bénisses avec la Magie des Rois.
- Quoi, eux aussi ? Mais à quoi ça sert, Zora va déjà le faire.
- Ouais mais plus y’en a, plus c’est bon présage. Alors dodo, maintenant.

Mumkin quitta la roulotte et referma la porte derrière lui. Lloyd roula des yeux en se laissant couler sur les coussins. Il obéissait à ses subalternes maintenant. C’était le monde à l’envers. Il crut sentir encore de façon fugace l’odeur de la tunique humide de Dana. Il croisa les mains derrière sa tête en prenant garde à ne pas abîmer le cataplasme.

- Comme si j’allais arriver à dormir, maintenant.

-------

-------

-------- Tiens, assis-toi.
- Ça va, ça va, je tiens debout.

Lloyd se confondait dans le groupe des dévaroniens sous l’un des dais colorés qui étaient tendus sur la plage. On lui avait prêté des vêtements propres, une chemise sombre, et il avait échappé à la cravate rose que voulait lui mettre Mumkin seulement parce que cela aurait risqué d’appuyer sur sa blessure. Cette fois, tout le clan était au complet, mais la plage avait été séparée en deux parties par un grand drap blanc, divisant les hommes des femmes. Le soleil descendait doucement sur la surface du lac, jetant des couleurs ocres sur le drap blanc et le sable fin. Même Goshgosh s’était revêtu de vêtements élégants qui détonaient étrangement avec les tatouages qui ornaient son visage.

Le feu était du côté des femmes. Ainsi, on voyait danser les ombres de leur corps projetées sur le drap blanc, et dans la lumière déclinante il semblait que l’on assistait à un spectacle onirique. Le seul qui ne goûtait pas tout à fait à ces jolies images, finalement, c’était Zaos.

Zaos était un dévaronien élancé, les cornes intactes et le visage juvénile, à la peau carmine presque aussi sombre que celle de Kinuux et ses deux frères, dont il était le cousin. Aujourd’hui, ses cornes noires avaient été peintes d’étranges traces blanches, et sur ses mains avaient été tracées à l’encre noire des volutes élégantes censées le purifier pour son union. Il avait revêtu des vêtements blancs ; seuls les mariés ce soir pouvaient être habillés de cette couleur. Tant que la doyenne du clan n’avait pas prononcé les prières sacrées pour les unir, Zaos et sa future épouse ne pouvaient se voir. Ils ne seraient réunis que lorsque le voile tomberait, et le dévaronien certainement essayait de reconnaître sur les ombres projetées sur le drap, laquelle appartenait à la sœur de Mumkin.
Lloyd, lui, guettait une autre silhouette dans ces jeux d’ombre, mais les formes s’étiraient sur le drap au gré du vent léger qui l’agitait. A travers la Force, cependant, il sentait le lien discret par lequel il pouvait attester de la présence de Dana.

- Qu’est-ce qui va se passer, après le drap ? demanda Lloyd en se penchant vers Mumkin, qui était devenu nerveux.
- Ben après, y’a un genre de présage. Zora va mettre un serpent sur les épaules de Zaos, et ils s’embrasseront. Et plus ils mordent plus c’est bon signe pour la fertilité du couple, voilà.
- Ah.
- Après, on chante, on danse, on boit. Le premier verre, c’est tout, les autres t’es pas obligé hein.

Le hapien laissa échapper un souffle amusé.

A quelques pas de là, dans l’eau, on aperçut alors une silhouette : Mamy Zora contournait le drap afin de pouvoir voir, seule, les deux faces de ce monde autorisé ce soir à s’unir, ou se réunir. Combien d’âmes attendaient de pouvoir retrouver, même d’un simple regard, celui ou celle qu’il convoitait de l’autre côté ?

Zoraïda se mit dos au lac pour leur faire face, et leva les bras. Ses doigts écartés laissaient passer les rayons du soleil couchant, et on ne distinguait plus qu’une silhouette comme une statue dont les couleurs étaient effacées par l’intensité de l’astre. Et soudain, sa voix s’éleva, et le clan entier l’écouta dans un silence religieux.

- Zaos, Chechi, votre union est sur le point d’être célébrée. Approchez-vous du drap. Ceux qui le souhaitent, chantez. Zaos, Chechi, écoutez ce que le clan des Serpents vous enjoints à faire, et obéissez.

Le dévaronien vêtu de blanc, aux cornes saillantes, s’approcha du drap d’un pas incertain. Il vérifia sa tenue nerveusement. De l’autre côté, on devinait les formes d’une jeune femme, qui lui faisait face. Il y eut un silence, puis la voix de Zoraïda s’éleva, puissante. Elle chantait, dans un dialecte que Lloyd était incapable de comprendre. Visiblement, cependant les membres du clan comprenaient : le hapien entendait les voix basses des hommes entonner les mêmes mots sibyllins, et les fiancés suivaient des indications mystérieuses. D’abord, ils levèrent les mains au ciel, puis Chechi dont on ne voyait que l’ombre posa ses paumes à plat sur le drap et Zaos posa à son tour ses mains sur ses paumes. Ils se rapprochèrent tous deux du drap, leur visage se touchant presque. Ils parurent se souffle des mots inaudibles, poser leur front l’un contre l’autre.

Soudain, comme le chant s’éteignit et les souffles furent suspendus, quelqu’un coupa le fil qui retenait le drap et celui-ci tomba doucement, abolissant la cloison qui séparait le clan en deux. Les mariés purent alors se voir, et ils s’enlacèrent avant de s’embrasser fougueusement, sous un tonnerre d’applaudissements, de cris, et on apporta à Zora l’un des grands serpents non venimeux que l’on déposa sur les épaules de Zaos. Celui-ci ne parut rien remarquer, occupé qu’il était à embrasser sa bien-aimée, dont les vêtements blancs flottaient au vent.

- Roh, qu’est-ce qu’elle est belle ! s’exclama Mumkin.
- Oui, répondit Lloyd, d’un air absent, mais il ne regardait pas la mariée.

Des gouttes de pluie, légères et discrètes, se remirent à tomber doucement sur les dais.
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Sa joue reposait sur le bord de la grande baignoire en métal. Bercée par les effluves des huiles parfumées qui assouplissaient l’eau du bain, Dana admirait les tentures se gonfler sous l’effet d’une brise passagère. Le soleil était haut, il partageait la suprématie du ciel avec quelques nuages capricieux. Ses rayons timides jetaient sur les rideaux, un patchwork de couleurs qui reflétaient sur son minois d’étranges tâches. Elle décrivait les ombres qui se promenaient derrière, vaquant à leurs occupations et qui se souciaient peu du fait que derrière ces draps étendus, elle se baignait en toute intimité. Ainsi était la vie au campement. Une ombre se détacha bientôt des autres et se rapprocha, souleva un coin de tissu et pénétra dans l’espace privé. Shar reconnut la magnifique silhouette de Kashiina qui avait détaché ses cheveux sombres et qui se déshabillait avec un décomplexe saisissant.

Elle eut à peine le temps de s’interroger sur la présence de l’humaine que cette dernière glissa une jambe nue dans le bain, puis l’autre. Dana sursauta et se recroquevilla, mettant le plus de distance possible entre elles. L’autre brune émit un rire moqueur.

-Eh bien, tu n’as jamais vu de femme nue ?
-C’est que…j’prenais mon bain là, répliqua-t-elle avec amertume.
-Tu crois que la baignoire est aussi immense pour quoi ? On se baigne toujours à plusieurs quand c’est possible. C’est plus convivial.

L’Inquisitrice eût envie de répliquer que dans son palais, sur Ch’Hodos, les thermes faisaient la taille de ce campement et que si elle exigeait de s’y baigner seule, elle était obéie. Kashiina se pencha brusquement vers elle pour effleurer du bout de l’index, la courbe de son sein gauche.

-Ho-pe, lut-elle en déchiffrant le tatouage.

Elle était bien l’une des rares de la communauté à savoir lire et écrire, pour le plus grand bonheur de Dana qui se hâta de chasser la main de l’importune. Elle croisa ensuite ses bras sur sa poitrine e s’enfonça dans l’eau jusqu’au menton, prise d’un embarras soudain.

-Il t’a vraiment acheté alors pour marquer son nom à cet endroit. Tu es sûre que tu ne fais que le ménage ?
-C’est pas son nom, éluda-t-elle d’une voix sans aplomb. C’est…c’est juste un mot, il veut dire quelque chose, c’est tout.
-Tout le monde dit que tu commandes aux Loups et aux Serpents. Tu me dis pas merci ?
-Merci pour quoi ? se renfrogna Dana, agacée avec cette histoire de bêtes sauvages qui la renvoyait à un passé autrement plus douloureux sur Ch’Hodos. Elle savait que la Force permettait d’asservir des animaux à sa volonté. C’était sûrement la Force qui avait doté Zoraida et Darren de cette capacité à soumettre des créatures. Comme c’était la Force qui avait permis à son père de se constituer un bestiaire des plus terrifiants.
- Pour avoir soigné Lloyd.
-Merci, lâcha-t-elle hâtivement sous le sourire amusé de Kashiina.

Et elles restèrent silencieuses. Il n’y eût plus que le clapotis de l’eau quand l’une ou l’autre effectuait un mouvement et les clameurs du camp : un cri d’enfant, de poule, des rires d’adultes, des chamailleries d’adolescents. C’était le dernier jour des festivités, le plus important. Il devait être parfait et tout le monde s’évertuait à ce que chaque chose se trouve où elle devait être.






Le drap était tombé. La brise l’avait emporté loin et il flottait désormais à la surface du lac que bénissait les premières lueurs du crépuscule. Autour de Dana, les voix acclamaient le baiser des mariés. Elle était entourée de cris féminins et suraigus. Toutes admiraient la beauté de Chechi, si belle qu’on peinait à croire qu’elle pouvait être parente avec Mumkin. Une couronne de fleurs se mêlaient à ses cornes graciles et à sa chevelure incarnate. On entendit des bruits secs, comme des pétards qui jaillissaient dans l’air, du côté des hommes. Et des yeux dorés marqués d’un fin trait de khôl rencontrèrent d’autres yeux, à la couleur verte, à la profondeur sombre. Elle perdit le sourire qui avait fleuri sur ses lèvres rosées et brillantes. Il avait toujours son bandage, elle avait toujours une marque violacée autour de son œil, que Ruth avait caché en faisant tomber quelques boucles de jais devant. Car la chevelure de Dana était libre et sauvage, cascadant sur son corps étreint par une robe à la dorure aussi précieuse que ses yeux. Aucune courbe n’était épargnée par la couture moulante de l’habit qui dénudait ses bras, son dos et son décolleté, mais qui emprisonnait ses jambes galbées. Et la lumière persistante du jour jouait dans les mailles dorées qui constituaient la robe. Elle détourna vivement sa figure vers les mariés et les bijoux qui pendaient à ses oreilles flottèrent dans l’air.


Le serpent avait mordu deux fois. Zora prédit deux enfants, sans doute des garçons. Zaos, transporté par cet heureux présage, souleva son épouse dans ses bras et tout le monde éructa de joie, une nouvelle fois.

Et bientôt, tout le monde se mélangea, à l’image du couple. Ainsi Lartokh retrouva la tendresse de sa fille, Kalon l’amour de son épouse, Svan le regard piquant de Kashiina qui portait, autour de son cou, la pierre de Saffia. Et même Goshgosh, le fameux cousin aux milles tatouages, s’était approché, incertain, d’une jeune rouquine à la peau bien trop blanche, qui tenait un nourrisson dans ses bras fins. Zoraida avait exceptionnellement accepté que l’on fasse entorse à la tradition en ce jour béni. Mercy eut un petit sourire vers le dévaronien.


Les clameurs n’avaient pas fini de s’élever et une dizaine de feux avaient été allumés pour parer à la nuit qui venait. On avait demandé la bénédiction de Lloyd qui l’avait accordé, un peu maladroitement, sous le regard méticuleux de Dana. Il avait été convenu que si un fils naissait de cette union, on lui donnerait le nom du Sith, pour lui porter chance. Dana ne put s’empêcher de rire après avoir échangé une œillade entendue avec Mumkin qui s’était apaisé, qui le temps de cette fête douce, avait oublié le danger, l’Inquisition Sith, le corps sulfureux de l’humaine collé à celui de son patron.

On approcha un bandeau des yeux de la mariée qui riait. De la musique jaillissait des haut-parleurs, mais les éclats de son rire surpassaient tous les sons. Mumkin avait poussé son employeur dans la ligne d’hommes qui s’était formée devant Chechi. Une énième tradition. On fit tourner l’épouse dix fois sur elle-même avant de la diriger vers les mâles alignés. Elle avait sa couronne de fleurs en main et selon la coutume, ses pas aveugles devaient la mener vers le prochain marié. Lloyd la vit s’approcher, tendant son bijou fleuri, mais au dernier moment, elle dévia et la couronne atterrit au sommet du crâne de Svan sous les applaudissements. Ce dernier eût un sourire gêné, mais accepta de bonne foi les félicitations qu’on lui lança.
Un Rilc un peu bourré, déjà, s’approcha de Dana. Il tenait entre ses mains l’énorme python qui avait « embrassé » les mariés.

-Vas-y refait ton truc-là…de charmer les serpents !
-T’es encore bourré, Rilc, s’esclaffa Vaklu en le tirant loin de l’Inquisitrice avec un petit regard désolé.









Ils étaient tous regroupés autour d’un feu. Mumkin, ses cousins, Svan et Kalon, Dana et Kashiina, Ruth. Seuls Mercy et Goshgosh manquaient à l’appel. Ils s’étaient isolés près du rivage, loin de la lueur des feux. Kinuux revint à la petite assemblée après avoir jeté sur eux une œillade amusée.

-C’était donc lui l’père. Sacré Goshgosh. Alors Kalon, ça te fait quoi d’avoir Gosh’ pour beau-fils hein ?

Le quarantenaire grogna une injure. Il aurait une explication avec le tatoué plus tard. Et avec sa fille aussi.
Dana n’écoutait les conversations que d’une oreille. Elle était assise à côté de Ruth et à travers les flammes dansantes, elle admirait parfois Lloyd. La chaleur du feu irradiait jusqu’à leurs visages. Tout était paisible jusqu’à ce que Lartokh sorte de son dos un instrument de musique. Tih s’empressa de sautiller sur place.

-Oh oui ! Une chanson !
-Eh ben il t’arrive quoi Lartokh ? T’as plus joué depuis quatre ans !

Depuis la mort de son épouse, en réalité. Il haussa les épaules, attendant qu’un chanteur se désigne. Naturellement, les yeux se portèrent vers Kashiina. Arrêterait-elle seulement d’être parfaite, s’agaça Dana. Excellente nageuse, excellent médecin, excellente chanteuse, la plus belles de toutes, la plus brillante des étoiles. L’Inquisitrice s’apprêtait à se lever. Elle irait à un autre feu, dans un autre groupe. Tout pour ne pas entendre la brune chanter et envoûter tout le monde. Et tous prirent son mouvement comme une mise en avant pour se porter volontaire.

-Ah ben super Dana ! s’exclama Ruth en la poussant vers le feu. J’savais pas que tu chantais.
-Hein ?
-Je suis sûr que tu chantes méga bien, répliqua Liam, les yeux tout brillant d’admiration.
-Dana chante ! surenchérit Tih.

Sans compter les regards sérieux des dévaroniens qui s’étaient posés sur elle. Elle sentit une chaleur désagréable se diffuser sur ses joues et ce n’était pas celle du feu. Elle se mit debout, déploya son corps moulé dans l’or et s’adressa à Lartokh, incertaine.

-Je…je ne sais pas quoi chanter.
-Un truc un peu nostalgique, décida Vaklu, le plus vieux d’entre eux. La chanson de la meuf qui attend son mec parti à la guerre là. C’t’un truc que tous les soldats dans l’Empire. J’sais de quoi j’parle. Cinq ans dans l’infanterie, bordel. Ca réchauffait les cœurs cette chanson.

Shar savait exactement de quelle chanson il parlait. Elle avait été dans l’armée, elle avait entendu ces paroles braillées par des soldats pleins d’espoir et d’alcools. Des souvenirs traumatisants affluèrent sur le rivage de sa mémoire et ses mains se mirent à trembler, mais elle fit de son mieux pour renflouer le traumatisme.

-Ah, Melantha ! comprit Lartokh en hochant la tête.

Les yeux de Dana croisèrent ceux de Lloyd dès que les premières notes vibrèrent dans l’air et elle se dépêcha de détourner sa figure, comme si un serpent venait subitement de la mordre. Le sang montait douloureusement à sa tête. Le feu était trop chaud, la musique soudainement trop forte et le silence de ces bouches attentives trop pesant. Une boule se forma dans son ventre. Elle n’y arriverait pas.

Les premiers mots furent timides, à peine perceptibles, noyés par le son de l’instrument que Lartokh maniait à merveille. Tih commença à frapper dans ses mains, emportée par le rythme folklorique. Mais bientôt, ils purent tous entendre la voix de Dana. Et cette voix capta même les âmes alentours qui se rapprochèrent du feu et de son chant. D’autres frappèrent dans leurs paumes. On faisait des remarques d’oreilles à oreilles, commentant la voix grave et sensuelle de la Sith, louant ses lèvres qui se mouvaient avec tant de grâce quand elle entamait le chœur.

Kalon et Ruth avaient même commencé à danser dans les bras l’un de l’autre, transportée par le chant qui leur remémorait leurs vœux. Tih avait fini par emporter Liam, qui bougon, s’était soumis à l’exercice périlleux de la danse. Ils furent imités par quelques autres et les ombres de leurs corps dansants s’agitaient sur le corps de Dana, concentrée sur ses paroles, sur sa voix qu’elle peinait à maîtriser quand elle faisait l’erreur de trébucher dans un regard émeraude.



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