Darth Hope
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Le gaz quittait progressivement son système vasculaire. Ses défenses immunitaires en rejetait les composants insipides. Elle eût envie de vomir, réaction symptomatique pour expulser le tout, mais la veste de Lloyd s’ourla autour de ses courbes et la nausée s’évapora. Elle abaissa sa figure pour lui cacher un sourire fugace et quand elle la releva, les yeux intransigeants du hapien fondaient dans les siens. Elle eût une petite moue contrariée à la remarque et se mordit la lèvre inférieure. Elle aurait voulu récolter un peu de leur échange précédent, mais elle ne goûta qu’au slick. Elle avala d’un pas la courte distance qui les séparait et répondit en se remettant à fixer le sol. S’empêcher de sourire devenait compliqué.

-Tu veux récupérer ta veste ? Alors tu viendras toi-même me la retirer.

Sa figure éprouvée glissa contre l’oreille masculine et elle poursuivit.

-Je t’inviterai même à retirer ce qu’il y a en-dessous. Avec un peu de chance, le slick fera toujours effet et on pourra faire tu sais…

Sa voix était beaucoup trop basse, beaucoup trop sensuelle et elle échouait de manière indécente sur les rivages de l’ouïe du sith. Son souffle brûlant brassait l’air du danger. C’était l’appel des collines et de leur étendue aventureuse.

-Des choses absurdes, acheva-t-elle d’un ton plus sec alors qu’elle plantait un regard noir dans celui de Hope. Elle maîtrisait l’art et la manière de souffler le chaud, puis le froid.

Absurde. C’était ainsi qu’il avait qualifié leur échange et, de ce fait, avait insulté son amour-propre. Les pièces du puzzle n’avaient pas mis énormément de temps et de difficulté avant de s’imbriquer pour former une définition claire de l’huile slick. De la drogue. Et les questionnements se succédaient. Que faisait-il avec 60 litres de cette matière à bord du Sans-Visage, au juste ? Dealait-il par simple vénalité ? Ses prunelles effleurèrent le creux des coudes du hapan où la marque violacée s’estompait à peine. En consommait-il lui-même ?

Ses bras plongèrent dans les manches de la veste qu’elle referma autour d’elle. Elle nageait dans les coutures taillées pour les muscles de Lloyd, et la coupe s’arrêtait tout juste en haut de ses cuisses, gardant jalousement l’essentiel de sa féminité comme un écrin ténébreux. Elle fournit un effort considérable pour ne pas plonger ses mains dans les poches de l’uniforme.


-Alors, il faut retourner à la salle de monitoring, c’est ça ? reprit-elle après un court silence.

Il y en avait de plus en plus de ces silences, entre eux. Les mots étaient comblés par des regards. L’or fondant contre l’émeraude. Un joyau en percutant un autre. Ces vides s’annonçaient différents de ceux qui se creusaient entre Lloyd et Mat’aenna. Entre Dana et lui, les mots ne manquaient pas. Au contraire, il en existait tout simplement trop et ils emplissaient le silence d’un blanc absolu parce qu’ils étaient bien souvent inavouables. Et autour d’eux, la structure du poste hurlait de calme. Les conduits d’aération vétustes ronronnaient avec indifférence. Viser la pièce de surveillance était une stratégie sensée, avec ou sans données à récupérer. Ils devaient détruire les preuves de leur présence en ces lieux. Il s’apprêtait à ouvrir la marche mais Dana le retint en agrippant son poignet.

-Tu me diras, après ? Ok ? Pour le slick. Pour le Sans-Visage.

Il paraît que c’est une trêve, non ? Même si t’es un drogué, je ferai un effort pour pas être dégoûtée, pour pas trop te juger. Mais je promets rien.

-Et…

Elle hésita, parce que tous ces bons sentiments avaient un goût amer qui remuait le contenu de son estomac. Elle luttait pour ne pas vomir. Progressivement, ses doigts relâchèrent la pression, sans le libérer.

-Peut-être que je pourrais regarder, d’accord ? Je pourrais regarder qui a voulu t’accuser et pourquoi. Et je le ferai arrêter par l’Inquisition pour…avoir comploté contre un Sith. Tu pourras être là si tu veux, pour te venger. Ou pas. Mais je veux dire, si tu veux, tu pourras être là. Et tu sais..

A défaut de régurgiter de la bile, la voilà qui vomissait le contenu de sa poitrine, comme un lavement salvateur. Elle parlait à la fois vite et lentement tout en articulant sur le rythme irrégulier de ses battements de cœur. Et son minois se fronçait étrangement, dans une petite moue mi-figue mi-raisin, qui n’allait qu’à elle et faisait rougir ses joues pâlies par les épreuves.

-J’étais venue pour t’aider. Enfin aider, c’est sans doute…un grand mot. Disons que je passais dans le coin, et je m’étais dit que je pourrais peut-être faire quelque chose. Pour me faire pardonner, pour la gifle. C’est complètement débile, oui.

Elle comptait défaire sa prise, eut un mouvement en ce sens, mais se dépêcha de cueillir à nouveau la main hapienne au creux de la sienne. Le geste était ferme, mais sans animosité.

-Et aussi, je te procurerai un laissez-passer de luxe pour ton vaisseau. Celui que j’avais promis à Luis et à Brilark. T’en auras un, estampillé des codes du Clergé Sith, de la Purification. On fouillera jamais ton vaisseau, on…demandera jamais ton identité. Alors, tu te feras plus prendre, ok ?

Voilà. J’espère que ce sera suffisant pour la gifle, pensa-t-elle en le libérant pour de bon. Elle avait l’impression que ces engagements l’allégeaient d’un poids handicapant, qui pesait à la surface de son esprit coupable. Dana s’empressa de le devancer, parce qu’elle voulait mettre le plus de distance possible entre une éventuelle réponse et elle. Il se moquerait encore, comme pour ce baiser « d’égarement ». Elle n’arrivait pas à chasser de son esprit le rire de Hope et la couleur de son sourire à la fois moqueur et rêveur. Elle aurait vraiment aimé que Zal lui injecte du slick.







Dans la salle de monitoring, le corps d’Inisia épousait toujours la froideur du dallage. Les moniteurs holographiques diffusaient les plans rapprochés ees locaux. Sur l’un d’entre eux, les cadavres d’Ykis et de Veda s’enlaçaient sordidement. Un écran montrait le sous-sol et sa pièce de torture. On apercevait les jambes de Miinark dépasser d’un angle mort. Mais ce qui accapara l’attention de Dana était la fenêtre brisée en mille éclats par la défenestration de Jessie. Elle tentait de ne pas y penser. C’était rude. Elle n’éprouvait aucune empathie pour la mort de la rouquine. Cependant, elle effleurait du bout des doigts une sorte de compassion pour son meurtrier. Il avait endossé le sale boulot, comme toujours. Elle lui semblait qu’il plongeait chaque fois un peu plus et que c’était elle, Dana Shar, qui maintenait sa tête blonde sous l’eau pendant qu’il se noyait.

-Essaie de récupérer tes données. Et…je vais tenter d’effacer les enregistrements…

Ce qui voulait dire faire de nouveau face aux cris de Lloyd, à leur étreinte, peut-être même à cette chose absurde. Et elle n’était pas particulièrement douée en informatique. Elle avisa Inisia et regretta de l’avoir exécuté si précipitamment, il aurait pu leur être utile. C’était le problème à l’Inquisition, on manquait souvent de subtilité, parce qu’on était davantage axé résultats que méthode.

Elle prit place sur l’un des sièges occupé précédemment par les équipes de Zal et avisa avec désespoir toutes les commandes de la console. Ses doigts hasardèrent une manœuvre, un écran frémit. Elle poursuivit, espérant que son intuition réussirait à faire aboutir ses tentatives. Lloyd était à ses côtés et semblait tout aussi concentré sur la tâche de récupérer ce dont il avait besoin. Le regard précieux de Dana capta enfin la bande holographique de leurs corps lovés, lui menotté à sa chaise et elle conquérante et réconfortante, assise sur ses cuisses.

-Tu veux un souvenir ou tu passes ton tour? fit-elle d’un ton moqueur visant à camoufler son embarras soudain qui se lisait de toute façon sur ses joues rosies.

Lloyd Hope
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- Alors, tu te feras plus prendre, ok ?

Il y avait eu un moment de silence. Il voulait dire oui pour tout : oui pour le laissez-passer, oui pour l’aide, oui pour retrouver qui cherchait à l’accuser, oui pour récupérer sa veste. Oui pour retirer les sous-vêtements en dessous et faire des choses absurdes. Mais d’une part ç’aurait été aller contre un certain nombre de ses principes, et d’autre part il ne pensait pas que Dana fut sérieuse : elle était certainement sous l’influence du slick, ce qui la rendait beaucoup trop tolérante à ce qui venait de se passer cette nuit. Quand l’effet serait dissipé, il était sûr qu’elle se souviendrait brutalement de la merde dans laquelle elle s’était fourrée à cause de lui et qu’elle aurait moins envie de se frotter à lui alors. Dernier paramètre : il n’avait aucune envie de reparler des bidons de slick qu’il avait stocké sur le Sans Visage.

- Hum… avait-il hésité en détournant le regard. Nous verrons. Je veux dire, laisse tomber. Une vraie Sith ne se fait pas pardonner, ok ?

Puis quand la main de Dana avait quitté la sienne, il s’était dit qu’il était vraiment con de ne pas profiter de certaines opportunités.

--------

--------

--------Les données défilaient en se réfléchissant dans les pupilles de Lloyd à mesure qu’il étudiait les quelques éléments qu’il avait réussi à retrouver. Tout ceci ne faisait pas sens. Il ne comprenait pas pourquoi ni comment on avait pu arriver à la conclusion qu’il avait fallu lui faire porter le chapeau. Etait-ce un acte contre Darth Laduim ? Ou bien le secret du Stonx était-il plus problématique qu’il ne se l’était imaginé au premier abord ?
Il passa une main sur son visage, essuyant du sang séché et de la poussière. Il n’arrivait pas à réfléchir. Sa tête bourdonnait et si la douleur dans ses membres et sur sa peau semblait s’apaiser quelque peu, sa hanche elle l’élançait durement. Il s’était donc mis à copier tout ce qu’il pouvait sur l’un des blocs de données. Il trierait plus tard.

- Tu veux un souvenir ou tu passes ton tour ?

Lloyd tourna le regard vers Dana, puis vers l’écran qui projetait une lumière blafarde sur le visage de la jeune femme à la peau toujours luisante. L’image, qui les présentait l’un contre l’autre en-dessous d’une petite ampoule misérable, le perturba un bref instant. Un mélange d’embarras au souvenir de ce qui s’était joué dans cette pièce et d’admiration – était-ce vraiment lui que Dana enveloppait de tels bras protecteurs ?

Il resta quelques secondes silencieux, à toiser l’écran, inexpressif. Le temps de graver soigneusement cette image dans sa mémoire.

- Tu plaisantes ? Supprime toujours tout ce qui peut donner la moindre information sur toi. On pourrait s’en servir contre toi. Je pourrais m’en servir contre toi.

Le hapien jeta vers Dana un œil prudent, avant de s’intéresser de nouveau à son propre écran. Il essaya de se concentrer de nouveau, mais une lumière clignotante rouge se mêla à la lueur matinale qui venait de la fenêtre, que Lloyd avait soigneusement éviter de regarder jusqu’ici. Mais cette fois, il sursauta en entendant les sons de plusieurs airspeeders arriver avec leur bourdonnement fluide. Le hapien quitta son siège pour s’approcher du carreau cassé et jeter brièvement un coup d’œil dehors, prenant garde à ne pas se faire apercevoir depuis l’extérieur. Dans la rue, quelques mètres en contrebas – ils étaient au premier étage – des débris et des restes humains avaient laissé des marques sur l’asphalte gris et froid, et deux véhicules s’étaient arrêtés, des policiers kaasi en uniforme en sortant prudemment. Lloyd recula vers Dana sans dissimuler son inquiétude.

- Merde, les autorités. Il faut qu’on se tire, on aurait un mal de chien à expliquer tout ça et autant ne laisser aucune trace de nous dans ce bordel.

Il arracha d’un geste sec la connexion du bloc de données au moniteur sur lequel il travaillait et débrancha tout ce qu’il pût. Avec un peu de chance, les renseignements avaient des protocoles qui feraient qu’en rallumant les appareils, leur système de sécurité empêcherait qui que ce soit d’accéder à leurs données, et notamment celles qui le concernaient directement. Puis il attrapa la sacoche d’Inisia, restée dans un coin de la pièce, pour y fourrer bloc de données, transpondeur, documents d’identité de Mumkin, plus les quelques autres blocs de données qui traînaient dans le coin.

- Grouille-toi, on s’en va !

Dès que Dana fut prête à quitter les lieux, les deux Sith fuirent la salle pour s’orienter à l’opposé du bâtiment ; Lloyd claudiquait avec sa hanche blessée, Dana devait faire attention où elle mettait les pieds avec ses pieds nus, aussi leur progression n’était pas aussi rapide qu’ils l’auraient souhaité.

Le bâtiment était tout en longueur – ils durent contourner une armoire renversée dans un couloir et Lloyd s’abstint de tout commentaire sur le sujet – et les portes d’accès ayant toutes été verrouillées par Zal, ils jugèrent qu’il était inutile de redescendre au rez-de-chaussée. Ils rejoignirent donc un bureau dont les fenêtres donnaient sur le quai d’un fleuve. Kaas City était une ville de brouillard et on ne pouvait apercevoir l’autre côté du cours d’eau ; mais il s’y dressait sans doute d’autres bâtiments encore inanimés, l’obscurité laissant place au jour depuis une heure ou deux seulement. C’était leur chance de disparaître avant que des fouilles ne fussent lancées autour des lieux.

Ils brisèrent une nouvelle vitre, puis l’un après l’autre, non sans difficulté, utilisèrent une gouttière de métal pour se laisser glisser jusqu’en bas, sur les pavés mouillés du matin. Il avait dû pleuvoir pendant la nuit. Le brouillard saisit alors leurs corps d’une poigne humide et glaciale, et les deux silhouettes se fondirent dans le paysage gris de la ville. Ils s’éloignèrent en titubant, se heurtant parfois légèrement comme des bouteilles ballottées par les remous du fleuve paisible.

--------

--------

--------- Faut qu’on s’arrête, j’peux plus marcher.

Même lentement, vu que Dana était pieds nus, c’était devenu compliqué. Il aurait aimé être sûr que Zal avait bluffé, que ce n’était pas le poison mais sa blessure qui le faisait faiblir ainsi. Ils finirent par s’arrêter sous un pont, à l’abri des regards. Kaas City était une grande capitale et même si on voyait s’envoler dans le ciel des vaisseaux imposants, l’astroport ne pouvait être rejoint à pied. Sans compter leur épuisement.

- On est sûrement assez loin, de toute façon, commenta-t-il, mais il avait l’impression qu’il ne pouvait rien dire d’autre que des idioties.

Que le charme qui les avait rapprochés dans le bâtiment ne s'était pas rompu mais ne tarderait probablement pas, maintenant que le jour jetait sur eux sa lumière crue.

[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]

Lloyd se pencha au bord de l’eau, pour essayer de rincer ses bras et son visage, mais il se contenta de quelques gestes bâclés car l’eau était froide et il s’était mis à grelotter. La fièvre s’était mêlée à son état déplorable et il regagna un coin plus abrité où il s’assit aux côtés de Dana. Sentir son flanc contre le sien lui rappela une certaine cellule, mais il ne dit rien. Sa peau le brûlait toujours et il n’était plus très sûr qu’il serait encore capable de se relever.

Malgré tout, l’aube était douce, l’eau clapotait sous une nappe de brume dorée. Le hapien fit reposer sa tête sur le béton derrière lui et ferma les yeux. Est-ce que Zal avait bluffé ? Est-ce que Dana se posait elle aussi la question ?

- Quitte à mourir bêtement, plutôt que d’être dévoré par des contaminés dans le camp Piya, dit-il comme pour répondre à une question qu’elle n’avait pas posé, je préfère autant que ce soit là, dans cette tranquillité.

A tes côtés.









Avec le souvenir encore de tes lèvres tourmentant les miennes.




Darth Hope
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Dana contemplait Lloyd au bord de l’eau tandis qu’elle s’asseyait à l’abri du pont, contre l’un de ses immenses piliers. Sa lèvre inférieure tremblait et elle ramena ses genoux contre sa poitrine, fébrile. Elle n’avait pas froid, malgré l’air matinal et l’humidité du brouillard. Il lui semblait, au contraire, que l’air frais de Kaas City avait aidé à dissiper les effets insipides du gaz dans son corps. Elle ferma un court instant les yeux, se repassant le fil des évènements récents. Elle avait supprimé une grande partie des enregistrements, du moins avait tenté. Effacée leur étreinte salvatrice, effacés les mains de Hope qui glissaient sur sa gorge alors qu’il la maintenait au sol, effacés leurs lèvres qui se chahutaient absurdement. Les écrans s’étaient tus quand il les avait débranchés, ne laissant plus que le noir de l’oubli. Mais elle ne souhaitait pas oublier.

Au travers de la pollution familière, du slick et de la sueur, elle parvint à capter l’odeur du hapien dès qu’il s’assit contre elle. Elle ne tarda pas à déposer sa tête sur son épaule. La position lui paraissait toujours aussi confortable qu’un lit parce qu’elle pouvait sentir le sang empoisonné de Lloyd couler effrontément dans de ses veines. C’était comme un grondement lointain et régulier dont elle aimait le bruit et la sensation.

Zal avait bluffé, se persuada-t-elle encore une fois.

La dernière fois qu’elle s’était accrochée à une vérité incertaine avec autant d’entêtement c’était au sujet de la relation que son aînée avait noué avec un Jedi. Tout le monde savait ce que Damaya avait fait, mais Dana ne le croyait pas. Encore aujourd’hui, elle s’était convaincue. Quand bien même on lui apporterait toutes les preuves qu’il eût été mortellement empoisonné, elle le nierait. Zal bufflait. Elle avait l’impression que si elle le répétait assez, cela deviendrait vrai. C’était pathétique. Elle arrêta un sanglot qui avait menacé d’éclater dans sa gorge.

-Ne dis pas ça, souffla-t-elle. Pense à ta Mat’aenna.









Pense à moi.




-Qu’est-ce qu’elle ferait sans toi pour la protéger hein ?





Qu’est-ce que moi je ferai sans toi ?


-Faut pas l’abandonner.


Ne m’abandonne pas.




Les rayons de l’astre solaire kaasi dissipait le brouillard nocturne et une légère brume persistait à ras du sol et à la surface du fleuve au-delà duquel on devinait les contours de quelques bâtisses désaffectées. Ses mains se mirent à défaire la veste impériale avec soin. Elle s’en délesta, offrant à la lumière, l’impudeur de ses courbes féminines. Dana fit un mouvement pour s’agenouiller face à lui. Sa mine était sérieuse. Elle passa le vêtement autour des épaules du hapien, l’invita avec insistance à y glisser les bras pour se réchauffer.

-Tu as de la fièvre.

Elle baissa les prunelles sur sa blessure au flanc, effleura la chair meurtrie du bout de ses doigts, sembla considérer les dégâts.

-Et tu as perdu du sang. Mais tu n’es pas encore mort. Tu dois te réchauffer.

Shar détourna sa figure vers le paysage urbain et leva les yeux sur le pont qui se détachait maintenant du brouillard que le jour pulvérisait. Elle détailla sa structure, ses alentours, analysant le moindre détail jusqu’à ce que la vue d’ensemble la saisisse. Elle avait déjà observé cet édifice ancien qui permettait de traverser l’un des fleuves des alentours de Kaas City. Elle l’avait dépeint depuis la fenêtre d’un dortoir, au Temple Sith kaasi où Runà l’avait fait loger à son arrivée sur Dromund Kaas. Le Temple devait être tout proche, plus proche que l’astroport dont les vaisseaux agités striaient les cieux de leurs ombres incertaines. Elle finit par refermer les pans de la veste sur la blessure et le corps grelotant du Sith.

-T’en as plus besoin que moi, fit-elle en évitant son regard. On va attendre que ta fièvre retombe un peu.

Elle avança une paume réconfortante vers la joue salie de Lloyd puis se ravisa à quelques millimètres de cette dernière, renonçant à son geste. On savait que le feu brûlait, c’était pourquoi on aimait jouer avec. Mais ce feu-là était trop imprévisible. Elle avait peur de s’immoler par inadvertance.

-Ils ne m’ont pas injecté de slick, tu sais. Je sais faire des choses absurdes, seule. Pas besoin de drogue pour ça.

Elle ponctua sa phrase d’un silence et se réinstalla à ses côtés, se pressant contre son flanc. Il avait raison, l’endroit était tranquille. Parfait pour mourir, elle le lui accordait. Mais tant qu’elle sentait sa chaleur à travers le tissu de la veste, contre son derme nu, alors elle considérait que Zal avait bluffé. Chaque seconde que Hope passait encore en vie le prouvait. Il ne devait pas s’endormir, il ne devait pas sombrer dans l’inconscience car le ramener serait difficile, peut-être impossible. Alors elle reprit la parole et sa voix accompagna la contemplation du décor qui les entourait.

-Si tu penses trouver la paix après. En mourant, tu te trompes. On se trompe. Y’y a pas de paix pour les gens comme nous. Ni dans la vie, ni dans la mort. Y’a juste des choses qu’on oublie….

Les coups de Raidun à l’étage du Belladone. Ses doigts qui heurtaient sa peau, qui empoignaient ses courbes. Elle ne s’était jamais sentie aussi avilie, aussi désireuse de mourir. Et maintenant, enivrée par l’odeur familière du sith, elle était prête à oublier ça pour toujours.

-Et les choses dont on se souvient pour toujours….

Comme le goût qu’ont tes lèvres.

-On les emporte avec nous, ajouta-t-elle, en vérifiant qu’il était toujours conscient. Et puis….ca va être difficile de rembourser deux crédits à un mort. J’ai pas envie d’avoir cette dette sur la conscience.

Un sourire amusé se dessina sur sa bouche, emprisonnant son ton moqueur. Elle se conforta contre lui, passa l’une de ses jambes sur celle de Hope pour mieux fondre contre lui. Elle continua à parler, même s’il ne répondait pas, marquant une pause de temps à autre pour lever ses yeux vers lui et contrôler qu’il n’avait pas basculé dans le sommeil ou pire.

-On sera quitte après, ok ? Je parlerai pas de ta Mat’aenna, j’te ferai cette fleur. J’ai compris que tu voulais pas de mon aide aussi, alors bon courage pour trouver le cas social qui a voulu te faire porter le chapeau.

Elle attrapa le bras du blond et l'enroula autour de son propre cou, consolidant sa position auprès de lui. La main hapienne échoua mollement près de son sein, mais elle ne dit rien puisqu’elle avait initié le geste et que sa mauvaise foi avait ses limites en temps de trêve. Cette dernière ne durerait peut-être pas éternellement. Alors, elle pouvait se permettre d’apprécier l’empreinte des doigts du sith contre la courbe de sa féminité.

-Je suis pas en train de t’allumer, d’accord ? expliqua-t-elle tout de même. C’est juste pour que tu aies chaud et que la fièvre retombe. N’étant pas médecin, je fais avec les moyens du bord.




Lloyd Hope
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Lloyd laissa échapper un soupir de dépit. Sa Mat’aenna.

- Tu parles. Objectivement, il vaudrait mieux pour elle que je disparaisse. Au moins, j’sais pas, elle pourrait… Refaire sa vie, comme on dit.

La première version de celle-ci ayant complètement foiré par sa faute. Mat’aenna avait du talent ; pas du même genre que celui de Dana ; elle avait un talent pour la vie, un talent pour le rire, pour croquer la vie à pleines dents. A bien y regarder, il ne voyait vraiment pas ce qu’elle lui avait trouvé. Même quelques années en arrière, ce n’était pas comme s’il avait jamais été un boute-en-train. Aussi loin qu’il se souvenait, il avait été paranoïaque, colérique et taciturne. Ses années sur Korriban n’avaient fait que renforcer ce qui existait déjà chez lui.

- J’aurais dû…

Il se mordit la lèvre.

- … lui rendre sa liberté. Cette protection est une cage, et même pas une cage dorée. J’aurais dû la libérer.

Son regret resta suspendu entre eux. S’il avait joué plus finement, s’il avait été plus stratège, s’il avait pu gagner réellement la confiance de son maître, voilà longtemps qu’on aurait laissé Mat’aenna s’envoler. Mais comme on ne pouvait, à raison, lui faire confiance… Lloyd prit une inspiration, en essayant de repousser loin de lui ces « si » qui avaient fait de son monde intérieur un manège pathologique. Il essaya plutôt de se concentrer sur les propos de Dana. La vraie Sith, issue d’une famille noble, n’était-elle pas censée détenir les vérités de l’Empire bien plus finement que lui ? Il accueillit ses paroles comme on se recueille avec une prière.

Il y eut un long silence.

Le hapien secoua la tête en un signe négatif, comme pour lui-même, avant de rouvrir un pan de sa veste, que Dana lui avait remis presque de force. Il s’était laissé faire mais il ne pouvait pas laisser Dana presque nue dans cette brume mordante qui tapissait leurs membres de gouttelettes luisantes. Lloyd étira un peu le vêtement, de façon à pouvoir envelopper le corps de la jeune femme un peu plus, au moins autour de son épaule, et la serra contre lui. Il sentit les courbes de Dana contre sa peau, à travers le tissu de son tshirt humide.
Il fit reposer sa tête sur celle de Dana. Ses cheveux sombres sentait le slick et le shampooing. Le slick qu’on ne lui avait pas injecté.

- C’est pas que je veux pas de ton aide. Au contraire. Si tu peux m’aider à retrouver le chien kath qui a essayé de me vendre à sa place, ça me convient très bien. C’était juste que…

Lloyd inspira, sa poitrine se compressant brièvement contre le thorax de Dana.

- Le laissez-passer, je peux pas accepter. Ça attirerait trop l’attention. Je préfère éviter de me faire remarquer. Et puis… Hum.

Il n’aimait pas quand les mots lui échappaient. Il avait toujours eu l’impression que son cerveau aimait jouer à la roulette russe pendant certaines conversations : les mots qui apparaissaient dans sa tête n’étaient pas les bons. Peut-être que les mots dont il avait besoin dans ces moments-là n’existaient pas, tout simplement.

- Je pense pas que ce soit une bonne idée que tu m’aides autant, conclut-il un peu abruptement, faute de mieux.

Leur conversation s’éteignit un moment. Lloyd laissa courir son regard sur le fleuve, qui poursuivait tranquillement sa dérive paisible sous sa couverture de brouillard. La brume tapissait le sol de la même manière jusqu’à eux, comme si elle avait voulu les recouvrir. Les pieds nus et sales de Dana disparaissaient dedans comme des chaussons froids et en remontant les yeux sur ses jambes, il s’aperçut qu’une légère chair de poule s’y était formée. Il se pencha en avant, étouffa un grognement de douleur, mais parvint à ramener contre lui les jambes de Dana en les pliant, son bras libre les protégeant un tout petit peu comme elle disparaissait entre ses bras.

- Moi non plus, j’t’allume pas, hein.

Mais ses yeux détaillaient passivement la texture de cette chair claire. Elle avait des cicatrices, quand on y regardait de près. Quel Sith n’en avait pas ?
Lloyd passa pensivement son doigt sur une vieille marque de brûlure. Cette blessure sur la peau de Dana lui faisait penser à une autre marque.
Il ferma les yeux et le silence se prolongea.










- Dana ? souffla-t-il.

S’était-elle endormie ? C’était peut-être mieux comme ça. Il sentait ses propres paupières devenir lourdes. Mais il devait lutter contre le poison. Et quelque chose le tracassait depuis un moment, et il n’aurait peut-être plus l’occasion d’en reparler.

- Avec Raidun… Si tu as dit mon nom parce que tu m’appelais à l’aide, j’suis vraiment désolé. Désolé de pas... De pas avoir empêché ça.

Au moment même où ces mots avaient quitté ses lèvres, il sut qu’il n’aurait pas dû. Les vrais Sith ne revenaient pas sur les blessures du passé. Mais ses obsessions étaient étranges, parfois. Souvent. Et son esprit s’était toujours pas mal fichu des principes des vrais Sith.

- J’te demande pas pardon. C’est pas très Sith, on m’a dit.
Darth Hope
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Crac.

C’était le bruit de brisure à la surface gelée de sa propre âme.

Crac,. Quand Lloyd passa un bout de sa veste autour d’elle.
Crac. Quand il la serra contre lui.
Crac, crac. Quand il déposa sa tête sur la sienne, ramena ses jambes féminines sur lui.

Trop de fissures parsemaient l’étendue de glace. Et elle était au milieu du futur désastre, contemplant avec impuissance le lac glacial de son esprit que chaque geste de Hope abîmait un peu plus. Elle tenta, au départ, de se précipiter sur l’une des failles, espérant la colmater. Ce fut vain. Comme courir vers une autre. Elle avait vu leurs profondeurs desquels s’échappaient la lumière, l’obscurité.






- Dana ?

Le craquement s’intensifia. Elle eut peur.

- Avec Raidun… Si tu as dit mon nom parce que tu m’appelais à l’aide, j’suis vraiment désolé. Désolé de pas... De pas avoir empêché ça

La voix de Lloyd avait résonné comme le grondement de trop et la surface se brisa en milliers de morceaux. Elle fut hapée dans le froid et les ténbères, frappées par la lueur que filtrait désormais la surface d’une eau tiède et libre. Elle avait l’impression de manquer d’air. Ses yeux aperçurent le cadavre de Luis Raidun, pâle et violacé. Il s’enfonçait vers l’endroit le plus sombre. Et elle s’enfonçait aussi.

Dans la réalité, la main de Dana agrippa celle de Lloyd. Celle qu’il avait pensivement fait passer sur sa cicatrice et qui était demeuré figée, quelque part sur sa cuisse. Allait-elle repousser ces doigts ?

-Je vais te dire quelque chose d’absurde, souffla-t-elle.

Luis avait commencé à déboutonner nonchalamment le chemisier qu’elle portait. Elle s’en souvenait encore.

-C’est ma faute. T’as pas à être désolé pour ça. En fait, j’ai pas assuré. J’étais prête à assumer. C’était une mission. J’aurais dû accepter qu’il me….j’aurais dû prendre les devants même. Je l’avais fait. J’avais dit à Luis que je pourrais être sienne s’il m’amenait à Brilak. Il a tenu parole et moi…

Un moment de silence coupa son élan, aussi vif qu’un couperet qui s’abattait sur une nuque. Il n’eût que le clapotis fluvial qui heurtait les berges, les rumeurs étouffés de Kaas City qui s’éveillait dans la brume autour d’eux, les échos lointains d’une vie à laquelle ils n’appartiendraient sans doute plus jamais.

-Moi je n’ai pas su tenir la mienne. Je ne voulais pas faire ça…Je t’envie tu sais, que tu aies eu la capacité de le faire avec cette garce que…tu arrives à….

Nouveau silence.

-Il a été très doux au début pourtant. Ouais, on peut dire que…que ça avait bien commencé.

Elle avait dit que cela allait être absurde. Elle avait prévenu, non ? Mais confier ça, même à Lloyd, lui faisait un bien fou. Elle n’avait plus envie de garder ça pour elle. Après tout, ce fut leur mission. Et puis, si Zal n’avait pas bluffé ? Elle fit lentement remonter la paume du hapien contre la ligne de sa cuisse, jusqu’à ce qu’il frôle la soie de sa lingerie sombre et que sa main chute contre sa taille, à l’orée dangereuse de sa croupe. Elle avait froid, mais la peau du sith était chaude et fiévreuse.

-Mais je ne voulais pas. Je voulais…

Qu’il disparaisse et que tu prennes sa place entre mes jambes. J’ai tout fait foirer. T’aurais dû me laisser crever là-bas, je le mérite.

-Alors j’ai dit ton nom. Je sais pas pourquoi. Je sais pas.

Elle savait.

-Et il s’est énervé. Il s’est énervé parce que je l’avais déjà dit trop de fois quand je dormais à ses côtés. J’aurais dû me rattraper. Faire quelque chose pour calmer sa colère, m’excuser. Sauver ta couverture. La mission.

Dana prit une brève inspiration et son émoi résonna contre les muscles de Lloyd. Était-ce une Sith qu’il avait entre les bras ? Elle paraissait fragile, prête à se briser. Et elle lui refusait la vue de sa figure pâle qu’elle plaquait au creux de son cou, se saoulant de son odeur brute comme on buvait généreusement à la source. Elle y déclamait ses mots absurdes, mais ne souhaitait pas qu’il lise dans ses yeux : le regret, la douleur, la culpabilité.

-Mais j’ai redit ton nom encore. Mais c’est pas comme si…c’est absurde, ok ? Et ouais, demander pardon c’est pas très Sith. Mais…on est pas obligé de le demander. On est pas obligé de dire qu’on l’accorde, non plus. On peut décider.

Elle libéra la main du hapan et poussa un soupir qui percuta la gorge de ce dernier. Elle n’avait plus froid, malgré sa peau frissonnante.

-Non t’es pas en train de m’allumer. T’es juste en train de m’embraser avec ta fièvre à la con. Fais-la redescendre…

Dis-moi qu’elle est descendue. Que tu vas mieux.

Que ce connard de Zal avait bluffé.

J’ai besoin de savoir ça pour reformer la glace.

Lloyd Hope
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Il lui semblait qu’à mesure que Dana parlait, ses tripes se nouaient comme si un étau écrasait son thorax. Qu’elle formulât ce qu’il avait deviné le plongeait dans un abîme de désolation. Il y avait pourtant une chose que Lloyd appréciait dans ce récit : le constat qu’il n’était pas le seul à avoir ce genre d’âme errante. Il lui avait semblé parcourir des étendues désertiques depuis tant d’années et se rendre compte que d’autres avaient aussi traversé ces paysages dévastés rendait l’univers moins insupportable, à défaut d’être moins tragique.

Il ne savait que dire. Il n’y avait rien à dire. Le hapien resserra sa prise autour de Dana, la tenant plus étroitement, comme s’il avait eu peur qu’elle pût tomber. Être avalée par ce fleuve, où tout semblait si tranquille. Être engloutie par ce brouillard, où rien ne semblait exister, sinon leurs souvenirs morbides. Il ne savait s’il s’accrochait ainsi pour la maintenir hors de l’eau, ou si c’était elle la bouée, mais il fallait survivre. Il fallait empêcher la main de Raidun de sortir du brouillard pour attraper Dana. Il fallait se tenir loin des doigts aux ongles longs de Darth Runà qui viendrait arracher sa veste et griffer ses épaules.

- Ouais, c’est absurde, répéta-t-il comme un écho.

Cette garce. Dana devait parler de Cassandra, mais ce n’était pas à elle que le hapien pensait. Coucher avec Cassandra n’avait pas été un problème. Bien au contraire. Il était solitaire, Mat’ l’ignorait, et Cassie était douce, rêveuse, et voulait partager une chaleur humaine que d’autres femmes obnubilées par la beauté de son espèce oubliaient souvent. Non, coucher avec Cassie n’avait pas été compliqué. Cette partie-là tout du moins.
Darth Runà, en revanche… Il repoussa le souvenir désagréable de la voix autoritaire de la miraluka à son oreille. La main ferme qu’elle avait refermé sur sa gorge quand elle l’avait chevauché. Le sentiment d’avilissement.
Il avait l’impression d’être sale mais si Dana se sentait aussi sale à cause de Raidun alors autant qu’ils restent pelotonnés ainsi. Comme deux animaux de compagnie abandonnés qui, sous un pont, se tiendraient chaud.

Il resta silencieux. Sa main resta là où Dana l’avait positionnée, mais son pouce caressait doucement la peau frissonnante. Il n’avait rien de mieux à offrir. Il n’avait pas les mots réconfortants dont elle avait besoin. Le précis frottement de sa peau contre la sienne n’effacerait, il le savait, aucune des traces que Raidun avait laissé. Il aurait voulu avoir les bons mots pour l'aider à oublier, mais il ne les avait pas. Ils n'existaient peut-être pas. Il n'y avait peut-être rien à dire.

Du fond de son mutisme, Lloyd admirait pourtant la capacité de Dana à verbaliser le passé. Il n’était pas capable d’en faire autant. Il ne savait pas si c’était raisonnable d’essayer. Mais si Zal n’avait pas bluffé ?

- Je l’ai tuée, tu sais.

Il resserra les lèvres. Ces mots les avaient franchis comme des prisonniers auraient attendu leur heure. A la moindre faille, ils s’étaient enfuis. Mais c’était mieux ainsi. Il ne savait pas s’il voulait justifier qu’il était un bon Sith : il n’avait pas juste couché avec l’ennemi, il l’avait exécuté ensuite. Mais ça sonnait davantage comme une confession qu’une prétention.

- Cassandra, précisa-t-il. Pas sauvagement, hein.

Pas comme Zal et Myn. Pas comme le rodien. Pas comme Brilak. Pas comme la tw- n’y pense pas.

- Elle n’a pas souffert. Elle n’a même pas compris qu’elle mourait.

Voilà. Il ne pouvait pas décemment raconter tous les détails. Mais des choses se bousculaient désagréablement dans sa gorge et montèrent jusqu’à ses yeux.

- Ensuite j’ai descendu son corps dans un champ et je lui ai trouvé un lit de branches et je l’ai cachée là-dessous.

Comme sa toute dernière couverture. Il avait eu alors cette pensée saugrenue que les branches allaient griffer sa peau nue et que ce n’était pas correct. Son cerveau allait de travers ; on ne faisait pas mal à une morte, on ne s’inquiétait pas pour une ennemie de toute façon. Son cerveau avait toujours été de travers.
Il ne pouvait pas en dire plus. S’il lui racontait comment il avait plié la robe de Cassandra pour que sa tête fut confortablement installée, le fleuve allait grimper jusqu’à ses yeux et déborder.


Le silence étira encore le temps.




Puis soudain un léger rire secoua sa poitrine et il ajusta sa joue contre le front de Dana, qui refroidissait un peu sa peau brûlante. La vague d’humidité reculait doucement, et le laissait démuni, avec seulement l’absurdité de ses pensées et une Inquisitrice dans les bras. Il ajusta un peu sa prise.

- Les pires Sith, dit-il comme si cela suffisait à expliquer son rire. Toi et moi on est un peu pareils. On fait ce qu’il faut un peu malgré nous mais on fait le job quand même, hein ?

Le soleil commençait à percer le brouillard. Il ne savait pas très bien s’il essayait de se convaincre lui-même ou bien Dana, mais il sentait son corps retrouver un peu de force à cette idée.

- On est des vrais Sith, même mauvais, ok ? Qu’importe ce qu’en dit Darth Crocus ou j’sais plus son nom, là, la boite de conserve géante. Ok ?
Darth Hope
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Elle le sentit rire. Son corps vibrait légèrement contre elle et…elle prenait la conscience qu’ils étaient vivants. Amochés, mais vivants. Bientôt, l’hilarité de Dana prit le relais, et son rire particuliers envahit l’air brumeux, se fondant dans l’humidité. Alors qu’elle riait son souffle tiède assaillait le cou de Lloyd, juste à la lisière de son T-shirt trempé et brassait son parfum masculin ; celui mêlé au slick et à la sueur.

-Ouais on fait aussi le pire job du monde. Mais on le fait bien, répliqua-t-elle avec un amusement étrange. Il était bizarre pour elle de baisser autant sa garde, d’être blottie contre un homme et de ne pas se sentir en danger. Elle se demandait quel serait le prix d’un tel moment de tranquillité et espérait que ce n’était pas la vie de Hope. Elle préféra arrêter de rire. Alors, Zal. Bluffait-il ou pas ? Le doute était aussi inconsistant que le brouillard alentour, mais s’insinuait partout.

-Orcus, corrigea-t-elle et son haussement d’épaule ne fut qu’u prétexte pour couler davantage contre lui, se mêler à la prise qu’il assurait autour d’elle. Putain de « seigneur » Orcus. C’est légalement mon beau-frère. T’as déjà vu ma cicatrice sur la lèvre ? Pff, on ne voit que ça en même temps.

Foutu cicatrice.

-C’est lui. Un coup, en plein visage, comme ça. Il est issu d’une grande famille kaasi, du genre de celles sur lesquelles tu fouinais.

T’es vraiment un con, Lloyd. Elle parlait, mais sa bouche était à demi plaquée contre lui et elle y cachait son sourire. Le genre de sourire qui déformait cette cicatrice disgracieuse qu’elle portait à la lèvre inférieure. Et qui lui remémorait qu’Orcus serait l’un des prochains à mourir de sa main. Bien que sa mort n’arrangerait rien. Sa mort ne ferait pas disparaître cette marque, comme la mort de Luis n’avait pas fait disparaître la honte et la douleur.

Nouveau rire. Plus sec, moins insouciant.

-Je travaillais ici, y’a des années. A Kaas City, dans un cabaret appelé le Lagon Noir. C’est là que j’ai appris à…m’envoyer en l’air autour d’une barre. Ouais, j’étais vraiment tranquille.

Qu’est-ce qu’elle racontait ? Encore des absurdités. Pourquoi les racontait-elle ? Parce qu’elle n’avait jamais parlé à personne. Qu’en dehors du fantôme de Damaya et de ses nuits solitaires, Hope se rapprochait désormais le plus de ce qu’on pouvait considérer comme un lien social. Et on faisait ce genre de choses avec un équipier non ? Déblatérer des absurdités. Qu’allait-il en faire de toute façon. Au mieux les enterrer sous une couche d’indifférence, au pire s’en servir pour l’humilier. Elle était de toute façon déjà tombée si bas, ainsi recroquevillée dans ses bras hapiens, qu’elle se fichait pas mal de chuter encore.

-Puis Orcus a tout foutu en l’air.






Le silence.

Inanimé comme le pont sous lequel ils étaient abrités depuis l’aube. Le soleil perçait progressivement, jetant l’ombre du pilier dans la brume qui flottait à leurs pieds. Les rayons solaires bénissaient le paysage, mais ils demeuraient dans l’ombre, épargnés par leur chaleur, indifférents à leur réconfort.

Clap, clap, faisait le courant fluvial qui se gonflait alors que des kilomètres en amont, on avait ouvert un barrage pour réguler les eaux.

Et le cœur de Lloyd, à la fois empoisonné et vivant chantait contre la tempe de Dana. Elle ferma les yeux.

-Tu as bien fait pour Cassandra, soupira-t-elle en brisant ce nouveau silence. Si tu ne l’avais pas tuée, je m’en serais occupée.

Je n’aurais pas supporté qu’elle vive et qu’elle profite du souvenir de vos étreintes. Qu’elle se les remémore lors des moments sombres, comme on fait appel à un puissant réconfort.











Autre silence.






Elle bougea mollement, arrima une main fébrile sur l’épaule de Hope et laissa remonter ses doigts. Ils dévalèrent dans sa chevelure humide, se fondant dans leur couleur assombrie par le sang, par la sueur. Ils finirent par arrêter leur course désespérée et s’ancrèrent profondément dans la tignasse blonde, comme des marins affamés jetaient l’ancre dans un port coloré après des semaines d’errance. Elle se servit de cette prise pour se redresse un peu. Il put sentir ses lèvres couler contre la moiteur de sa gorge, frôler l’arête de sa mâchoire. Et s’il baissait les yeux, il pourrait enfin tomber dans son regard qu’elle avait grand ouvert et dont les cils mouillés dégorgeaient de mascara. Et il vit ses lèvres frémit, parce qu’elle réprimait un sourire, qu’elle ravala aussi sûrement qu’on étouffait un sanglot.

-Tu sais sur l’Egide. Y’avait un capitaine.

Parlait-elle de Fost ? Parlait-elle de lui ?

-J’aimais bien ses cheveux. Ils avaient une couleur que j’appréciais.

La glace voulait se reformer à la surface de son esprit. Mais elle ne pouvait pas la laisser se consolider, car elle était encore sous l’eau. Elle ne souhaitait pas être prisonnière. C’était tentant, d’accepter d’être prise au piège, de se laisser couler, de voir ses souvenirs sombrer avec soi tout en admirant la lumière s’éloigner. Elle se demandait de quel couleur étaient les cheveux du connard dont Damaya était éprise. Elle se questionnait, comme toujours. A quoi ressemblait son visage ? Elle avait peur qu’il ressemble à Lloyd. C’était absurde. Lloyd Hope était un sith. Même si elle se rapprochait de lui, d’une façon ou d’une autre, elle ne devrait pas avoir honte. Voilà qu’elle voyait le cadavre de son aînée maintenant, cheveux flottant dans la marée ténébreuse de son âme. J’te hais Dama. Tu m’as abandonné. T’as choisi un foutu Jedi plutôt que moi. Tu m’as laissé ta place dont je ne voulais pas, dont tu voulais plus. Et je comprends pourquoi. Orcus. Tiamat. Le Clergé. C’est rude. Mais…c’est vrai.

On pensait qu’il n’y avait que des faux-semblants chez les Siths.

C’était une assertion erronée.

Un peu d’hypocrisie, peut-être. Des mensonges, sûrement. Mais on savait qu’ils étaient hypocrites. On savait qu’ils étaient des menteurs. Ils ne se prétendaient pas garants de bons sentiments à la con. Et en général, quand vous vous ramassiez une lame sith en plein cœur, vous ne mourriez pas en vous questionnant bêtement. C’était la juste somme des choses. Mais à quoi pensait-on quand un Jedi, un être « bon », que l’on aimait, vous enfonçait son sabre-laser en pleine poitrine. Se questionnait-on ?

Un mouvement au cœur de la chevelure blonde. Les doigts de l’Inquisitrice s’étaient remis en marche. Ils étaient tendres, défaisaient les nœuds avec patience, les reformaient entre les boucles raidies par l’humidité.

-T’avais pas aimé le spectacle ? souffla-t-elle avec un brin d’insolence dans la voix, ramenant à eux le souvenir de l’Egide.

Lloyd Hope
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Lloyd avait baissé les yeux quand Dana avait agrippé ses cheveux. Il voyait le bout de son nez, sa lèvre fendue par une autre brutalité masculine, son menton blanc. Et un peu plus bas, les rondeurs de sa poitrine qui disparaissaient sous le tissu noir. Des courbes qui lui avaient été interdites, sur le toit d’un immeuble.

Dommage.
D'ailleurs, le Lagon Noir... Ca lui rappelait vaguement quelque chose.

Il réalisa à ces pensées que sa carcasse abimée se rappelait à lui. Sens ton corps. Il était vivant. Sa peau avait cessé de le brûler. Elle frémissait d’une autre manière au contact d’une jeune Inquisitrice en sous-vêtements pressée contre lui. Sa hanche restait douloureuse, mais le poison disparaissait peu à peu. Il lui restait la fatigue, et une sorte de fébrilité vigoureuse, signe que ses membres s’éveillaient. A moins que ce ne fut le simple rapprochement de leurs corps ? Non, il y avait autre chose.

- T’avais pas aimé le spectacle ?

Lloyd se figea un instant, puis rentra le menton pour essayer de croiser le regard de Dana. L’étendue dorée était marquée d’une pointe noire d’insolence. Tiens, tiens, le feu qui dort risque de se réveiller, lui aussi. Pouvait-il s’en plaindre ? Il avait eu une jolie trêve. Était-ce parce qu’ils avaient cru qu’il allait mourir ?

- T’es fatiguée, hein.

Il ne disait pas ça pour détourner la conversation. Enfin, pas que. Dana avait évoqué ce capitaine – lequel, exactement ? – et maintenant sa main jouait avec ses cheveux et il se demanda dans combien de temps cette tendresse se transformerait en amertume. Et si ce n’était pas le slick qui la faisait agir ainsi, elle qui avait débarqué dans son vaisseau en le traitant de « rafiot de la honte » à peine quelques semaines auparavant, alors il ne voyait pas vraiment d’autre explication.

Il lâcha la hanche de la jeune femme pour aller attraper la main de Dana. Il l’arracha doucement à sa tignasse, le regard sérieux. Le hapien détourna ensuite les yeux, mais il garda sa main dans la sienne, les faisant reposer sur son tshirt tâché de sang.

Puis il la regarda de nouveau prudemment : elle le fixait avec une certaine sévérité et il battit en retraite.

- Mais si, j’ai aimé. C’est juste que…

Il humecta ses lèvres. Derrière ses yeux se rejouaient une scène dont son corps se souvenait encore au point que ses muscles se raidirent un bref instant : il se rappelait le vide brusque qui s’était fait dans son ventre quand les jambes de Dana avaient cisaillé la nuit. La tension de ses poings fermés sur ses genoux quand il avait entendu le commentaire du sergent, la chaleur sous son uniforme quand la cambrure de ses reins avait épousé la barre. La nausée quand les lumières s’étaient rallumées et qu’il avait vu tous ces regards lubriques braqués sur elle. La sensation de se noyer quand il avait compris que chacun d’entre eux allait tenter de gagner ses faveurs. Le cuisant affront quand il avait croisé son regard courroucé : elle avait voulu montrer tout cela à tant de monde, et le fustigeait lui d’avoir vu le spectacle ?

Lloyd laissa échapper un soupir en balayant sa rancœur. Il n’était pas raisonnable de lui en vouloir encore. Pas après ce qu’ils avaient traversé. Mais il était évident que le spectacle n’avait pas été pour lui que du plaisir. Il pouvait difficilement mentir là-dessus. Il grimaça un sourire vaincu.

- Disons que j’ai trouvé que tous ces types avaient pas vraiment mérité qu’une Sith de ton rang leur offre pareille… faveur. Tu vois ?

Il détourna le regard, se tassa dans sa dérobade. Qui était-il pour juger de cela, après tout ? Il savait bien qu’il y avait de l’hypocrisie dans ses propos. Mais Dana lui paraissait naïve. Il savait bien ce que ce spectacle avait suscité chez lui, un homme dont la perversité était relativement limitée, justement. Il était donc mieux placé qu’elle pour savoir ce que le spectacle avait pu engendrer chez n’importe quel homme un peu plus assoiffé que lui. Et sur un croiseur impérial, il y en avait un sacré paquet, de ces hommes.
Repenser à cette expérience le contrariait. Et il redoutait que son hypocrisie mît fin à leur instant d'intimité propice aux confidences, ce qui jetait une nouvelle ombre à son humeur.

Au-dessus d’eux, le brouillard se dissipait peu à peu et des formes aux arrêtes acérées apparaissaient dans les hauteurs de la ville. Les toits des immeubles, des antennes fusant vers le ciel. Le dôme d’un Temple Sith. Etait-ce là que Dana allait rentrer ?

Le hapien pressa la main de Dana comme une conclusion, avant de la lâcher entre eux deux.

- Il va falloir qu’on y aille. Je vais mieux, mais il faut que je rentre me soigner avant que ça s’infecte. Et toi aussi, tu es épuisée, ajouta-t-il.

Il prit le temps, la mine sérieuse, de la regarder de nouveau. Se perdre un instant dans cette étendue dorée et sauvage. Il y avait du sang et de la saleté sur le front de Dana et sur ses joues. Il essuya une marque sous l’œil de la jeune femme avec son pouce, puis passa pensivement un doigt sur la cicatrice qui barrait sa lèvre.

Elle avait l’air si fragile. Pourquoi se mettait-elle tant en danger chaque fois qu’il la voyait ? Il avait une partie des réponses, en pensant à ce que Raidun et Orcus lui avaient faits. Elle avait peut-être davantage encore besoin d’un refuge que lui, qui avait le Sans Visage. Mais probablement avait-elle quelque part où se réfugier elle aussi. Toutes les bêtes avaient une tanière où lécher leurs plaies.

- Tu vas rentrer et dormir, cette fois, murmura-t-il du bout des lèvres, comme un secret. Ok ? Plutôt que d’aller sauver des hapiens en détresse, hein ?

Silence. Leurs regards s’étaient verrouillés l’un dans l’autre comme ils l’avaient déjà fait dans un taudis, une nuit, alors qu’il avait demandé une frappe aérienne.









Il rompit la connexion brusquement, en relevant la tête et inspirant vivement. On arrivait à entrer dans l’eau froide qu’en y sautant subitement, sans y réfléchir. Il était revenu à la réalité avec la même détermination irréfléchie. Avant d’être englouti et de faire une connerie. C’était un spécialiste des conneries.

Il s’anima, brisa lentement leur étreinte. Le parfum des cheveux de Dana flotta quelques instants encore et rendait plus difficile la séparation, mais il se dégagea des jambes de Dana et la repoussa doucement contre le béton.
Dès qu’il fut libéré, il retira sa veste et la lui remit avec la même fermeté qu’elle lui avait rendu un peu plus tôt.

- Tu vas attraper froid si tu ne mets rien, et puis une Inquisitrice en sous-vêtements, ça attire un peu l’attention, essaya-t-il de plaisanter.

Il se releva avec un grognement de douleur, puis tendit une main à Dana pour l’aider à se remettre sur ses jambes à son tour.

- Tu as fait quoi de mon pilote ?
Darth Hope
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Rentrer et dormir.
Elle avait eu un semblant de sourire qui ressembla plutôt à une grimace désapprobatrice.

Elle n’avait nulle part où aller. Elle supposait qu’elle retournait au Temple, oui. Ses affaires s’y trouvaient, sécurisées dans un dortoir commun qu’elle n’avait aucune envie de fréquenter à nouveau. Dana se disait que finalement, ce qui s’était rapproché le plus d’un foyer, ces dernières semaines, étaient les bras de Lloyd Hope. Son odeur, sa voix, son toucher avaient formé des murs, des pièces, des fenêtres pour ériger une maison dans laquelle elle s’était sentie en sécurité. Et maintenant qu’il s’éloignait, tout s’effondrait comme un château de carte. Et elle était promise à l’errance, encore.


Mais la veste qui revenait autour d’elle la remit à l’abri de nouveau. Elle en pinça les pans pour mieux la refermer et avisa le blond. Elle venait de sortir la tête de l’eau et se hissait à la surface qui gelait péniblement.

-Je l’ai fait passer en comparution immédiate. Il risque d’être exécuté d’une seconde à l’autre. Mais je te rassure, on fait ça très proprement à l’Inquisition. Les comparutions immédiates évitent la torture. Je lui ai plutôt fait une fleur, en fait.

Elle plaisantait, évidemment. Elle prit d’abord le temps de savourer l’expression qui coula sur le faciès du sith avant de se mordiller la lèvre inférieure. Ses dents frolèrent le relief de sa cicatrice et elle articula :

-Il est au Grand Temple de Kaas City. Mais c’est inatteignable à pieds. On va d’abord se rendre au Temple secondaire.

Elle désigna le dôme au loin d’un geste du menton, celui qui paresseusement accompagnait les autres structures dans cet horizon lointain.

-De là, on nous véhiculera jusqu’au centre de Kaas City.

Pause. Plus courte qu’un silence, comme si ses réflexions avaient défilé à toute vitesse pour soudainement s’arrêter sur un détail essentiel.

-Ah et…évite de te faire remarquer aux abords des Temples, avertit-elle en l’admirant de la tête aux pieds et des pieds à la tête. Il put sentir ses yeux dorés caresser ses muscles et était en droit de se demander si elle ne venait carrément pas de le reluquer.









Ils marchaient en silence.
Du moins, Dana ne disait plus rien, concentrée sur ses pas et sur jambes dénudées. Elle évitait comme elle pouvait les débris qui pouvaient blesser ses pieds déchaussés. Quand elle n’y parvenait pas, elle continuait de demeurer silencieuse, malgré la douleur ou la gêne. Elle ne souhaitait pas les ralentir. Le béton et l’acier qui recouvraient les rues de Kaas City étaient glaciaux, même en cette matinée ensoleillée. Ils croisèrent peu d’âmes vagabondes, comme eux. Seules les ombres des airspeeders et des vaisseaux spatiaux accompagnaient leur trajet. De temps à autre, un landspeeder ronronnait sur la route qu’ils empruntaient, puis le calme revenait, car il était encore trop tôt pour ceux qui avaient vécu la nuit comme pour ceux qui devaient commencer une existence diurne. C’était un moment flottant, entre deux temporalités. Une zone dévolue à ceux qui avaient des secrets, comme elle, comme lui. Et qui les charriaient en sécurité, dans le blanc de l’anonymat. Les secours et les autorités avaient déjà investi le poste de sécurité. Ils avaient déjà dénombré les cadavres, la mort dans l’âme, les visages graves et sérieux. Comme prévu, l’équipe de Zal Ykis avait été désavouée et ils n’étaient plus que des corps de drogués réfugiés dans un squat faisant office de petite plaque tournante. De Lloyd et Dana, il ne restait plus aucune trace ; sauf peut-être cette robe moulante et ces bottes montantes que l’on découvrirait plus tard. Et si l’ampoule qui se balançait mollement au-dessus de la cellule 40-9 pouvait parler, elle raconterait bien plus que n’importe quel équipement de surveillance.

Après une demi-heure de marche, qui leur parut durer au moins le double, l’architecture du temple les accueillit avec sévérité. Les portes majestueuses et sombres se présentèrent à leur vue, jalousement gardées par des soldats Inquisitoriaux. Ce bâtiment n’était qu’un édifice du clergé parmi tant d’autres. Il servait de centre de formation, de dortoirs et parfois, on y collectait quelques artefacts de seconde zone. Il n’y avait rien à garder aussi envieusement, si ce n’était un peu plus de vide et d’obscurité.

-Tu devrais m’attendre là, souffla-t-elle vers Hope alors qu’elle se débarrassait de sa veste lentement.

Lui rendre son vêtement. Elle le vécut comme une nouvelle séparation de leurs corps mais ne dit rien. Elle se contenta de le lui tendre, d’attendre qu’il le récupère. Et il se demandait peut-être comment elle allait réussir à franchir l’entrée du Temple, sans vêtements. Il aurait pu louper un battement de cœur quand elle prit d’assaut le chemin, que ses pieds nus foulèrent les marches avec une majesté propre aux enfants issus des lignées pures. Son cœur aurait pu s’arrêter ensuite, quand les gardes braquèrent leur arme sur elle.

Dana était désormais trop loin, trop inaccessible.

Il se passa quelque chose et les portes s’ouvrirent pour l’avaler dans les ténèbres.











Le temps.
Le temps n’était qu’une perspective. Tout dépendait de la manière dont on l’abordait. Pour ceux qui attendaient, il pouvait s’étirer lentement. Pour ceux qui étaient attendus, il filait trop vite, trop fort. Aussi, il parut à Lloyd que l’Inquisitrice ne ressortirait jamais. Aussi, il parut à Dana, qu’elle venait de quitter le sith il y avait quelques secondes à peine. Elle avait manqué de temps.

Elle en avait cruellement manqué pour expliquer à l’un de ses supérieurs ce qu’elle faisait là, dans cette tenue, dans cet état. Fallait-il prévenir Darth Runà ? Non. Pas la peine. On la préviendrait quand même, elle le savait.

Elle en avait terriblement manqué quand il lui fallut trouver un vêtement parmi les dizaines de robes que la miraluka avait glissé dans ses bagages.


Une chevelure de jais emportée par le vent.
Le cliquetis d’un briquet.
La fumée d’une cigarra qui dansait dans l’air.
Des talons hauts qui claquaient contre le marbre du parvis.
Et enfin le parfum de Dana Shar. Sa silhouette entière vêtue d’un cuir sombre qui enflammait ses courbes. Son minois, ses épaules et ses bras dénudés par son bustier souple, reluisaient encore du slick qui avait séché. Son visage était toujours un peu sale, sauf à l’endroit, sous son œil, ou une caresse hapienne était venue balayer la crasse.

Il eut à peine le temps de l’admirer qu’elle le sollicitait.

-Prends ça.

Il reçut un petit paquet en pleine poitrine alors qu’elle se rapprochait de lui.

-C’est ce qui me reste de kolto. Pour ta blessure. Et garde-en un peu pour ton pilote, il en aura sans doute plus besoin que toi.

Derrière eux, le moteur d’un landspeeder gronda soudainement. Le taxi était là.




-Attends.

Ils étaient installés à l’arrière du véhicule. Dana se pencha sur lui pour subtiliser le kolto qu’il avait entre les mains. Ses gestes étaient précis, sans animosité. Elle écarta un pan de la veste et étala un peu de la substance miracle contre la hanche blessée. Derrière les vitres, le paysage urbain filait à une vitesse folle. Les formes des buildings se mélangeaient dans une bouillie floue. Elle soupira un sourire alors qu’il grogna de douleur.

-Arrête de bouger, dit-elle tout en redressant ses prunelles précieuses vers sa figure. Ou j’enfonce mes doigts dedans.

Dana Shar était de retour. Le chauffeur marqua un arrêt, coincé dans une circulation devenue subitement moins fluide alors qu’ils approchaient du centre-ville.

-Je suis sensée interroger Mumkin avant de le faire sortir. Ce serait trop suspect que je le libère, va falloir que je le cuisine un peu. Si t'es sage, tu pourras être là.

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- Aïe ! … On t’a déjà dit que t’avais un drôle d’humour ?

Lloyd, grimaçant de douleur, tenait son tshirt relevé au-dessus de sa blessure, sur lesquels les doigts de Dana appliquaient doucement une couche de kolto. Une lumière blanche se déversait par la vitre sur la chevelure de la jeune femme et l’odeur du shampooing avait laissé place à une odeur de cigarra tout juste terminée.





Attendre à l’extérieur du Temple lui avait semblé une éternité. La douleur dans sa hanche, l’inquiétude pour Mumkin, les regards interloqués des gens qui, matinaux, commençaient à affluer dans la rue et remarquaient son air hargard et le sang dans son cou et ses cheveux.

Dana qui avait disparu en haut des marches, dans sa tenue indécente.

Bientôt cependant, elle était revenue, habillée de cuir noir, pour le retrouver là où elle l’avait laissé. Il n’avait fait que s’asseoir au bord du trottoir, comme il l’avait déjà attendu, un autre jour, sur un autre trottoir, près d’une autre plaque d’égouts. Il s’était relevé aussitôt et était resté stoïque devant cette nouvelle tenue tout aussi aguicheuse que celle avec laquelle elle avait grimpé sur ses genoux quelques heures plus tôt.
Il se dit qu’il allait falloir s’y faire.
Ou regarder ailleurs.

Il regarda ailleurs.





Le speeder avait ralenti l’allure. Il faisait parfois des arrêts brusques, et Lloyd ne pouvait s’empêcher de jeter des regards suspects sur la nuque du chauffeur. C’était un humain d’une vingtaine d’années à peine, aux cheveux rasés et dont les mains étaient peu assurées sur le volant. Un gosse pas à l’aise. Il n’y avait pas de raison de s’en méfier. Il s’en méfiait quand même. C’était pour ça qu’il avait besoin de Mumkin.

- Et ça consiste en quoi, au juste, être sage ?demanda-t-il en s’intéressant de nouveau à Dana.

Le hapien serra les dents, comme Dana passait une dernière fois son doigt pour lisser le pansement de fortune. Sa blessure avait cessé de saigner, mais les contractions involontaires qu’il avait eu à l’approche de la main de Dana avaient éveillé la douleur.

- Tu vas lui poser quel genre de questions ?

Le poison refluait définitivement, ses pensées se clarifiaient. Certains réflexes revenaient au galop. Il s’autorisa une dernière question avant de se promettre intérieurement d’arrêter là.

- Et... tu vas lui faire ton… Ton truc, là, pour contrôler l’esprit ?

Non parce que si tu comptes monter à califourchon sur ses genoux, j’préfère autant être prévenu.

Les lèvres pincées, il eut un bref sourire faussement innocent.





Le speeder finit par se garer devant le Grand Temple au milieu d’une circulation dense. Le brouillard s’était levé et l’édifice était illuminé de rayons réchauffant l’air et jetant sur les colonnes du monument de reflets embrasés. Une série de gardes, dont les silhouettes paraissaient minuscules, étaient alignés le long d’entrées successives et en sortant du véhicule, Lloyd porta machinalement la main à sa ceinture – pas de sabre laser. Il se contenta donc de boutonner sa veste pour dissimuler les tâches de sang qui maculaient son tshirt, avant de réarranger ses cheveux dans un geste inutile.

Dana, elle, avait déjà pris les devants d’un pas assuré et il finit par consentir à la suivre avec une grimace.

L’Inquisitrice passa sans problème le premier barrage en bas des marches. On arrêta cependant Lloyd, on contrôla qu’il ne portait aucune arme, puis il pût poursuivre son ascension des escaliers. Il ralentit un instant pour contempler le bâtiment : c’était une immensité faite de pierres taillées qui paraissaient brutes et pourtant lissées par des milliers d’années. L’édifice était sombre, se découpait dans le ciel clair comme une créature endormie aux cornes acérées, dont la gueule béante vers laquelle il se dirigeait était ornée, comme de longues dentes sanguinolentes, de lourdes tentures frappées du blason de l’Empire.
Dans l’entrée de l’impressionnant hall, d’autres gardes formaient un autre point de contrôle et là encore, Dana était passée sans difficulté tandis que le hapien fut arrêté par un garde qui le stoppa net, d’une main gantée de métal, dans un geste autoritaire.

- Visiteur, invité ou prisonnier ? fit la voix sèche de l'individu casqué au regard d’acier.

Question absurde.

- Invité, grogna Lloyd, et il désigna du menton l’Inquisitrice quelques pas devant lui, qui s’éloignait dans sa tenue de cuir qui faisait se retourner sur elle les quelques autres gardes désœuvrés.
- Papiers d’identité.

Le hapien tâtonna sa veste, réussit à en extraire un laissez-passer complètement froissé. Il en avait vu de belles, ce bout de papier, songea-t-il. Un miracle qu’il soit encore lisible. Quand aurait-il enfin ses nouveaux documents d’identité ? Il réalisa que Dana les avait eu en main quelques heures plus tôt. Il soupira en songeant que quelqu’un risquait de tomber dessus dans cet immeuble. La poisse. Ils n’avaient pas bien fait le ménage.

- Pas valable, claqua la voix rauque du garde, et Lloyd darda vers lui son regard émeraude, interloqué.
- Quoi ?
- Pas valable pour entrer au Grand Temple, explicita le garde en rendant à Lloyd son papier usé avec un geste condescendant, le collant contre la poitrine du hapien.
- Hein ? Mais… Non, attendez, je dois la suiv… Dana !

En l’appelant d’une voix excédée, Lloyd s’était tourné vers l’Inquisitrice qui était déjà à un sacré bout de chemin devant lui. Il dût lui faire signe de revenir.

- Dana, dis-leur ! s'offusqua-t-il comme elle tardait à réagir.

Le garde se tourna à son tour vers l’Inquisitrice tout en sortant lentement son blaster. Il adressa un regard à Dana du type : « sur un mot de votre ordre, je le dégomme », mais heureusement l’Inquisitrice fit un signe positif au garde. Ce dernier eut une moue dépitée, mais rangea son blaster avec la même tranquillité suspicieuse. Après avoir lui avoir jeté un regard méprisant, il arracha le laissez-passer des mains de Lloyd, pour lui donner à la place un petit bracelet noir dans un même geste dédaigneux.

- Vous mettez ça. Une fois enfilé, vous ne pouvez pas le retirer. Question de sécurité. Vous repassez par ici avant de partir, vous récupérez votre chiffon et je vous le retire, compris ?

Le hapien observa un bref instant l’objet qu’on lui avait collé sur le torse. Un petit mécanisme, pareil à une menotte unique, permettait d’ajuster et de refermer le petit appareil électronique. Une petite lueur bleue clignotait, qui se stabilisa dès qu’il l’eut refermé autour de son poignet droit. Après quoi il croisa le regard noir du garde.

- Circulez.
- Merci.

Lloyd se hâta de trotter vers l’Inquisitrice pour ne pas la perdre. Ni se perdre. Les deux Sith s’enfoncèrent dans un long couloir sombre, où ils ne croisèrent que quelques prêtres en robes longues qui ne leur accordèrent aucune attention. Tout en marchant, le hapien toisait les tentures, les vitraux, les colonnes en levant constamment le nez tant les espaces étaient majestueux en taille et en décoration. La couleur de l’Empire se trouvait partout, bien entendu.

Ils s’arrêtèrent devant un turbolift, pour attendre leur tour. Lloyd porta la main à son poignet, enserré dans le petit objet métallique.

- Sympas, tes amis du Temple. Ça sert à quoi, ça ?

Il n’avait jamais fait confiance au Clergé. Visiblement, le Clergé non plus ne lui faisait pas confiance. Voilà au moins un point commun sur lequel ils allaient s’entendre.

Il enfonça ses mains dans ses poches.
Vérifia d’un bref coup d’œil qu’ils n’étaient pas suivis.
Darth Hope
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Tant de noms pour un seul lieu. Le Grand Temple de Dromund Kaas, le Grand Temple tout court, le Temple Noir. Pour Dana, autant de mots, autant de conneries. Elle portait un respect particulier au culte Sith, dont elle faisait partie, évidemment. Mais elle n’avait jamais été à l’aise avec autant de faste obscur. Elle ne s’était jamais sentie comme chez elle au milieu des bures et des silences religieux. Elle se demandait toujours si Damaya s’était accommodée de cette ambiance lugubre et sacrée. Shar était la seule dont les talons résonnaient contre le marbre noir. La seule dont le parfum féminin battait l’air. La seule dont le feu brûlait ostensiblement. Cependant, elle n’avait toujours été qu’une fourmi parmi toutes les autres qui grouillaient dans les entrailles du Temple, celui auquel on mettait une majuscule.

Au-dessus des turbolifts, l’étendard frappé des insignes impériales ballotaient mollement au gré des courants d’air glaciaux.

-Si tu penses que j’ai des amis ici, tu te trompes. Quant à ça. Tu verras.

- Et ça consiste en quoi, au juste, être sage ?
Tu verras.
- Tu vas lui poser quel genre de questions ?
Tu verras.
- Et... tu vas lui faire ton… Ton truc, là, pour contrôler l’esprit ?
Tu verras.

Elle n’avait pas trouvé meilleure parade depuis le début de leur trajet. Alors que les portes du turbolift s’ouvraient, recrachaient leur flot d’adeptes et qu’ils montaient dans la cabine, Dana songea qu’elle avait fait une énorme erreur en menant Lloyd droit dans la gueule du Rancor. C’était une erreur monumentale, oui. Il aurait pu penser qu’elle était dans son élément. Elle aurait pu penser qu’ici, elle avait le pouvoir de le protéger. C’était faux. Son pouce pressa une commande et la cabine s’ébroua dans une légère secousse. Elle fit ramper ses doigts contre le rebondi de son décolleté. Ils disparurent dans l’obscurité de ses vallées sulfureuse avant d’en émerger.

-T’aurais bien eu besoin de ça à l’entrée non ? sourit-elle sur ce ton provocant qui foulait du pied les fondations si fragiles de leur trêve.

Entre son index et son majeur, elle agitait la carte d’identité du hapien. Le seul élément qu’elle avait pu récupérer sur le bureau d’Ykis avant d’être terrassée par le gaz insipide. Dans un réflexe étrange, comme si elle tenait à cette relique, elle l’avait glissé dans les profondeurs de son soutien-gorge. Il eut un mouvement pour la récupérer alors qu’elle le lui tendait et elle se ravisa au dernier moment, obligeant Lloyd à se rapprocher. Elle réitéra le jeu de l’appât, de la bonne volonté et de la mauvaise foi, jusqu’à ce qu’excédé, il se rapproche trop et qu’elle soit coincée entre la paroi et lui. Il referma ses doigts sur le document holographique et elle résista.

-Ecoute, Lloyd. Tu as un dossier.

Elle parlait bas, parce qu’à cette distance, elle n’avait pas besoin d’élever la voix.

-Tu as un dossier ici. Tu es protégé par ton Maître, mais il ne peut pas te chercher ici, ok ? Alors, fais attention. Colle-toi dans mon ombre, et ne la quitte pas. Il y a d’autres purificateurs dans ce bâtiment.

Elle laissa la carte lui filer entre les doigts.

-Et ils ne sont pas comme moi. J’veux dire, ce sont de vrais Inquisiteurs.

Pas du genre à fermer les yeux sur ceux qui transportent des marchandises anti-Impériales.

-Dans mon ombre, ok ? répéta-t-elle une dernière fois.

Un soubresaut de la cabine et un tintement sonore leur indiquèrent qu’ils étaient arrivés à destination.




Les geôles de l’Inquisition étaient semblables à l’Enfer de certaines croyances. Sept niveaux, en réalité peut-être plus, qui éventraient plus profondément la terre noire de Dromund Kaas. Les premières strates accueillaient les petits délits anti-impériaux. On y passait un sale moment, mais on avait la chance de s’en sortir vivant. Les couches suivantes, en revanche. Plus vous descendiez et plus vous risquiez de ne plus jamais remonter à la surface. Et les prisons s’enfonçaient dans les entrailles de la planète aussi sûrement que le Grand Temple s’élevait, jusqu’à la cime des nuages orageux que striaient des éclairs. Tout en haut, perché au sommet, le Cardinal Noir contrôlait tout. Tout en bas, avilie dans les ténèbres, le pire traître à l’Empire. C’était l’ordre naturel des choses. Dana avait toujours admiré cette organisation. Il y avait quelque chose de réconfortant à ce que chacun ait la place qu’il s’était lui-même dévolu.

Une odeur rance percuta leurs narines dès qu’ils pénétrèrent le premier niveau des cachots. De l’encens brûlait, suspendus à des encensoirs sombres, mais camouflait mal les effluves de sangs, de sueurs, et d’autres substances biologiques moins avouables. Elle aurait aimé présenter à Lloyd, des cellules différentes que celles qu’ils avaient connu chez les Renseignements. C’était pire. Dans la longue galerie à peine éclairée se succédaient des portes aux barreaux magnétiques dont la lueur perçait vaguement la pénombre. A la gauche du turbolift, la salle des geôliers. A la droite des bureaux et des salles d’interrogatoires aux portes closes et secrètes.

Du bruit de la pièce à gauche. Un adepte en uniforme clérical se présenta à eux, flanqué d’un droïde de sécurité.

-Oh, Inquisitrice Shar, salua-t-il dans un bref salut raide. Vous ramenez un nouveau prisonnier (Geste du menton pour désigner le hapien.)
-Non, je viens m’occuper de celui que j’ai envoyé ici il y a quelques heures. Un dévaronien. A quel niveau est-il ?

L’humain, fort d’une bonne quarantaine, consulta son datapad. A la lumière d’une diode, Dana remarque qu’il avait les phalanges maculées de sang séchés et que ses manches étaient encore retroussés. Elle essaya de ne pas y penser.

-Il était à ce niveau. J’avais commencé à le tabasser un peu. Faut attendrir la chair avant l’abattage comme on dit.
-J’avais expressément exigé que non, déclara-t-elle, agacée.
-Je ne fais que mon métier, Dame Shar. Gloire à l’Empire.
-Bien. Et où est-il ?
-On l’a transféré au plus bas. A la demande de Maître Runà, dit-il en lisant les informations délivrées par son datapad.
-Faîtes-le remonter.
-Navré Dame Shar…sans l’autorisation de Maître…

Elle tendit fermement son bras vers lui et la Force emporta l’homme contre un mur proche, avec une violence si inouïe qu’on entendit un craquement d’os sinistre. Dana maintint fermement la répulsion dont elle usait pour l’écraser contre l’obstacle.

-Argh…je…je n’y peux rien…
-Fais-le remonter.
-Que se passe-t-il ici ? intervint une voix rude.

De la direction opposée à la leur était apparu un Sith à l’armure noire. Seule sa tête encornée était dégagée, laissant apparaître un visage zabrak écarlate, clairsemé de tatouages. Il avisa la situation pathétique du géôlier, puis la silhouette de Dana.

-Inquisitrice Shar. Peu présente au Temple, mais à chaque fois, il faut que ce soit pour y foutre la merde. Lâchez-le.
-Pas avant qu’il aille chercher MON prisonnier, s’exclama-t-elle vers l’autre sith, hors d’elle.

Le zabrak écarta un pan du manteau lourd qui recouvrait son armure. Ils virent la brillance métallique d’un sabre-laser dont la lame rouge ne tarda pas à jaillir dans un grésillement dangereux. Et il se rapprocha d’elle ; le pas vif et martial. Elle tendit son autre bras vers lui, prête à se défendre mais il dévia de sa trajectoire au dernier moment. Le géôlier émit un gargouillis de stupeur au moment où la lame irradiante avait percé sa poitrine, le clouant plus sûrement au mur que ne l’avait fait la télékinésie de la brune. Shar baissa ses mains, mais pas sa garde.

-Comme ça, je dirais qu’il ne pourra plus chercher personne, le problème est réglé.

Il éteignit son sabre et d’une enjambée athlétique fut à quelques centimètres d’eux. Il glissa un regard curieux sur la présence de Lloyd avant de toiser l’Inquisitrice, le faciès sévère.

-Rejoignez votre Maître, Shar. Elle vous attend. Par ici.

Et il lui indiqua autoritairement les portes du turbolift.
Le Purificateur Kedrod n’était pas du genre à plaisanter avec la hiérarchie et l’autorité. Discrètement, Dana attrapa la manche de Lloyd après avoir tâtonnée à sa recherche pour l’inviter à reculer vers l’ascenseur, sans quitter le zabrak de ses prunelles dorées et pleine de haine.



-Vous étiez pas obligé de le tuer, Kedrod.

La voix de la brune avait percé l’abcès dégueulasse qu’était ce silence pesant dans la cabine.

-Je suis du genre à aimer régler les conflits. C’était lui ou vous, répondit-il dans un rictus carnassier. Quel sith épargne des vies insignifiantes ? On les épargne et après…elles grossissent comme des mauvaises herbes, nourries à la rancœur, jusqu’à être assez mûres pour la traîtrise. Tsss.

L’ascenseur les délesta à l’un des plus hauts étages du Temple, dans l’aile réservée au Clergé de la Purification. Les couloirs s’apparentaient davantage à de larges galeries, décorées avec le goût Impérial. Des statues d’illustres seigneurs siths accueillaient les visiteurs dès leur descente des turbolift et les sollicitait de leur regard figé dans le temps. Mais Dana refusait de les voir car Shar Dakhan se trouvait parmi eux. Elle ignorait son ventre qui hurlait famine, sa gorge qui se contractait involontairement tant elle était assoiffée, ses muscles qui irradiaient de fatigue et réclamaient un repos pour le moment impossible. Elle venait de passer une nuit blanche. Elle osa une œillade vers Lloyd qui n’était pas mieux loti. Elle n’arrivait pas à déchiffrer son expression. Il lui faudrait affronter Runà de nouveau et Shar n’avait rien à dire de réconfortant à ce sujet. Kedrod fermait la marche, pour anéantir toute possibilité de retraite. Et dire qu’elle se sentait responsable, parce qu’elle avait passé un deal avec Hope. Elle avait pensé mettre Mumkin en sécurité et résultat. Pas de Mumkin. Un deal qui semblait piétiné par sa seule incompétence, ou sa seule faiblesse. Elle entendait le blond le lui reprocher, la juger. Elle n’arrivait même pas à lui dire que son pilote allait bien, que ce n’était qu’une question de paperasse et de formalités. Elle n’arrivait pas à mentir.

-Je vous laisse-là. J’ai des prisonniers à aller interroger, déclara le zabrak une fois qu’ils furent devant la bonne porte.

Mumkin va bien. C’est juste une question de formalité.

Non, décidément, ça sonnait trop faux.






La miraluka avait aménagé son bureau pour l’occasion exceptionnelle. Reposée et repue, contrairement à ses deux invités, elle avait les idées claires. L’encens se consumait abondamment sur son office et empestait l’air de ce parfum qui retournait les tripes de Dana. Cette dernière grimaça dès qu’ils furent enveloppés par l’atmosphère mystique de la pièce sans fenêtre. Ils auraient pu tenir à quarante dans ce local, mais ils n’étaient que trois et le vide s’imposait autour d’eux. La Maître Inquisitrice rousse se tenait, majestueuse, les courbes enveloppées d'une robe pâle.

-Ah Dana. Monsieur Hope.

La supérieure sourit et les invita à prendre place sur les sièges en face d’elle. Shar obéit, avec la raideur de ceux qui étaient contrits. Du stim-thé brûlant fumait aux creux de tasse à la porcelaine vieillit, sur un plateau d’ébène. Quelques friandises semblaient accompagner les boissons chaudes.

-Rude nuit, mh ?
-Où est Mumkin ? demanda-t-elle
-Tu ne prends pas de thé avant les hostilités ? Tu es pâle. Prends aussi un biscuit.

Elle se pencha et fit glisser le plateau vers eux avec une bienveillance sinistre.

-Ce serait dommage de boire ça froid, commenta-t-elle ensuite. Mumkin ? Tu veux parler de ce dévaronien qui est arrivé sous tes ordres quelques heures plus tôt. J’avais un peu de temps libre alors je me suis occupée de l’accueillir dès que j’ai su qu’il était ton prisonnier. J’apprécie beaucoup les dévaroniens. J’ai toujours été fascinée par leur particularité anatomique et je ne parle pas des cornes.

Silence absolument glacial. Contrairement à son élève, Runà n’était pas spéciste et se contentait d’un minimum de vivre-ensemble. Le genre de vivre-ensemble dont Lloyd avait fait les frais, des nuits plus tôt.

-Mais sa langue a aussi servi à autre chose qu’à mon plaisir. Elle a dit des choses intéressantes. Je crois qu’il est plus bavard sous les caresses que sous les coups.
-Je vais gerber…souffla Dana en réprimant un bruyant haut-le-cœur.

Les sous-entendus de Runà, la forte dose d’encens, le traumatisme de la nuit passée, les relents de gaz. Son corps criait grâce. Elle se pencha vivement et sa maîtresse se dépêcha à ses côtés pour lui tenir les cheveux pendant qu’elle régurgitait un peu de bile, ce qu’avait bien voulu rendre son estomac vide.

-Allons, allons. Tiens prends du thé.

Une main retenant toujours la tignasse, l’autre saisissant une des tasses, Runà présenta le stim-thé à son apprentie qui en accepta une gorgée à contrecœur, lassée. Le goût des herbes et des épices chassa celui de la cigarra et de la bile acide, pour tapisser sa bouche de sucre.

-Monsieur Hope venez ici, tenez-lui les cheveux au cas où. Juste une minute, ordonna-t-elle d’une voix autoritaire. Et prenez du thé ensuite.

Lloyd Hope
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Lloyd tendit lentement la main vers la chevelure de Dana, pour prendre le relais, mais ses yeux ne quittèrent pas un instant le visage de la miraluka. Il lui semblait que si elle avait un regard, celui-ci lisait en lui comme dans un livre ouvert. Il gardait son visage fermé, alerte.

Juste une minute.

La Sith avait-elle vu une partie de ce qui s’était passé cette nuit, ou bien était-ce une coïncidence ? Le hapien déglutit tout en la suivant du regard. Darth Runà retourna s’asseoir derrière son bureau, croisant ses jambes élégantes avec un air évident de satisfaction.

Le bureau respirait la délicatesse : des objets d’art, le doux parfum de l’encens, cette vue imprenable sur la ville. On était si loin des interrogatoires en règle qui devaient se produire dans les sous-sols, et Lloyd ne pouvait s’ôter de la tête ce qui était arrivé à Mumkin. Il ne serait tranquille que lorsqu’il l’aurait vu vivant de ses propres yeux. Après tout, le dévaronien était peut-être déjà mort et Darth Runà pouvait se servir de lui uniquement pour obtenir ce qu’elle souhaitait ?

- Prenez du thé. Faut-il toujours vous demander deux fois de vous sustenter, Hope ? fit-elle d’un ton acide.

Le hapien pinça les lèvres au souvenir du dîner qu’ils avaient partagé. Mais, de sa main libre, il se saisit lentement de l’une des tasses pour porter le breuvage chaud à sa bouche. L’épice doucereuse lui fit du bien, mais il ne pouvait s’empêcher de se demander ce qu’il y avait dans cette boisson. Parano inutilement, se fustigea-t-il intérieurement, elle n’a besoin d’aucun poison pour faire de toi ce qu’elle veut, pauv’con.

- Bien, fit Darth Runà, satisfaite. Et si vous me racontiez, un peu ? Que faisiez-vous là-bas ? Mumkin m’a raconté comment il avait été arrêté, comment votre vaisseau a été vidé… Et c’est vous qu’ils cherchaient, Hope.

Lloyd reposa la tasse, puis il lâcha les cheveux de Dana, comme elle n’avait pas l’air de vomir de nouveau, pour s’adosser dans son siège, la mine sérieuse tandis qu’il évaluait ses différentes options. Il y eut un bref silence.

- A cause d’une mission secrète, déclara-t-il au bout d’un moment. Une mission commanditée par Darth Malevolus et qui est liée à ce qui s’est passé dans cet immeuble du district 40-9 et dans le camp Piya.

La miraluka sourit, son visage tourné vers Lloyd, qui ne lui rendit pas son affabilité. Pourtant, Darth Runà était belle. Elle avait atteint un certain âge mais malgré cela, son teint était lumineux, sa peau délicate. Il aurait pu l'admirer, si seulement il n'avait pas eu le souvenir de son odeur sur ses lèvres.

- Et ?
- Je ne peux pas vous en dire plus. Je ne suis pas autorisé à dévoiler le détail de mes missions, même à… Augh.

Lloyd porta instinctivement la main à sa gorge. L’air était venu à manquer brusquement. Ses yeux s’agrandirent d’effroi comme il comprenait que la miraluka n’avait même pas besoin de lever le petit doigt pour l’étouffer ainsi.

- Quelle loyauté, commenta Runà sans se départir de son amabilité. Mais allons, Hope. Nous sommes entre nous et… Mumkin et Dana sont au courant de tellement de choses, déjà. N’est-ce pas ?

Le hapien sentit soudain sa gorge libérée et il inspira une grande gorgée d’air. Il lui fallut quelques secondes pour se remettre et retrouver contenance.

- Vous disiez donc ?

Lloyd fit mine d’avoir besoin de respirer encore quelques instants. Ses yeux fouillèrent son environnement, comme s’il avait espéré y trouver une solution. Il n’y avait rien pour l’aider et il porta la main au bracelet de métal qui lui enserrait le poignet.

- Je… J’ai été piégé,reprit-il, la voix confuse. On essaie de me faire porter le chapeau de la contamination qui a eu lieu dans Kaas City. C’est faux, tout simplement. On a essayé de monter des preuves contre moi.
- « On » ?
- Je ne sais pas qui a envoyé cette équipe.

Runà acquiesça en silence et ses lèvres formèrent une moue pensive.

- Intéressant. J’imagine que ça n’a pas trop arrangé vos affaires. Je veux dire, la contrebande, le slick…

Lloyd ferma les yeux un bref instant, et opina négativement du chef.

- Je. Ne. Fais. Pas. De contrebande, martela-t-il. Mumkin a dû vous le dire lui-même.

La miraluka eut un rire élégant.

- Oh, oui, en effet. Je vous taquinais. Il m’a raconté. Vous êtes bien laxiste. A votre place, je l’aurais exécuté depuis longtemps.
- Il est utile, se justifia-t-il maladroitement.
- Vous êtes faible, Hope. Vous avez une mauvaise influence sur Dana.

Elle avait dit ça d’un ton cassant. Envolé, l’aimable sourire qu’elle avait eu un peu plus tôt. Lloyd se dit qu'il savait désormais où Dana avait appris à souffler le froid et le chaud. Il resta silencieux. Il soutint ce qu’il imagina être son regard. Comme le silence se prolongeait, et que le visage de Darth Runà ne dérivait pas, il devina qu’elle attendait quelque chose. Le hapien fronça les sourcils.

- Peut-être, tenta-t-il platement.
- Oh, non, c’est une certitude.

Nouveau silence glacial.

- Vous n’étiez pas censé l’aider, au camp Piya.

Lloyd ne répondit rien. Il se contenta de cligner des yeux, stoïque.

- Vous savez ce que Mumkin m’a dit, à ce sujet ?

Le hapien sentit une chaleur monter désagréablement à l’intérieur de ses entrailles. Mais il fit de son mieux pour ne rien laisser paraître. Il avait l’impression de négocier sa vie. Pourtant, il ne savait guère ce qu’elle lui voulait, au juste. C’était comme cela depuis le début, avec Darth Runà : elle apparaissait brusquement, elle demandait des choses absurdes, et on espérait être quittes. Visiblement, ils ne l’étaient pas encore. Il se mordit la lèvre.

- Non.

La miraluka soupira.

- Que vous aviez compilé des informations, sur elle aussi.

Lloyd cessa un bref instant de respirer. Consciemment cette fois. Il n’osa pas tourner son regard vers Dana, dont il sentait percer vers lui les iris dorés entre ses mèches brunes. Darth Runà sourit et il lui sembla que chacune de ces dents perçaient ses réserves de patience.

- C’est pratique, n’est-ce pas, d’avoir accès aux dossiers de l’Académie ? Moi aussi, j’y trouve plein d’informations utiles.

La miraluka soudain se leva et fit le tour de son bureau. Elle passa derrière Lloyd, deux doigts effleurant la nuque du hapien qui gardait les yeux rivés devant lui, les mâchoires serrées, puis alla jusqu’à son apprentie. Elle posa ses deux mains sur les épaules de Dana dans un geste protecteur.

- Vous avez dû voir qu’elle n’était pas encore arrivée au niveau auquel on la prédestinait, non ? Dana n’a pas tout à fait terminé sa formation, à mon sens. Elle a encore beaucoup à apprendre… mais pas le genre de pratiques avilissantes auxquelles vous vous adonnez, Hope. Dana est prometteuse. Est-ce que vous com-pre-nez ? articula-t-elle froidement.

Il y eut un moment de silence et Lloyd prit une longue inspiration.

- Oui, dit-il doucement.

Oui, il comprenait. Il tâcha d’enfermer sa colère quelque part au fond de sa poitrine où battait son cœur d’une irritation humiliée. Mais il releva bientôt le menton vers la Sith.

- Je suis seulement venu chercher mon pilote, dit-il calmement. Je m’en irai immédiatement dès que je le récupérerai.

Darth Runà sourit de nouveau.

- Vous pensez vraiment que cela suffira ?

Lloyd eut un regard sombre, puis il haussa les épaules.

- Je peux promettre de ne plus jamais l’approcher, si c’est cela que vous voulez.

La miraluka partit d’un long rire sonore, et le hapien se renfrogna, la mine offensée.

- Quelle jolie déclaration, claironna-t-elle, avant de se rembrunir à son tour, et de reprendre le même ton dur qu’elle avait eu dans un grand lit, quelques temps plus tôt. Comme si vous étiez du genre à tenir vos promesses. Vous n’avez pas donné à Mumkin ce que vous lui aviez promis, non ? Et le Seigneur Laduim, je suis sûre que s’il avait vent de ce qui s’est produit cette nuit, il y verrait aussi une ou deux promesses rompues, n’est-ce pas ? Dana, t’a-t-il fait des promesses et les a-t-il tenues ?
- Arrêtez.

Lloyd sentit son visage s’embraser. Le sang affluait sous sa peau rougie comme si cent doigts accusateurs appuyaient sur son cou, ses joues, la lisière de ses cheveux.

- J’ai fait ce que vous m’avez demandé, rétorqua-t-il tandis qu’il ne parvenait plus tout à fait à masquer sa colère.
- Mais oui, c’est vrai. Vous obéissez bien, quand on a de quoi vous faire chanter. Cela tombe bien, j’ai de quoi vous faire chanter. Et une simple promesse ne suffira pas, Hope. Mais d’abord…

Darth Runà lâcha enfin les épaules de la jeune femme pour tirer un siège et s’asseoir plus près d’elle. La miraluka saisit le menton de Dana puis fit apparaître devant ses yeux une petite clé électronique dotée d’un numéro. Un bref instant, le hapien crut qu’il s’agissait de la clé de la cellule de Mumkin et il prit une inspiration d’espoir, mais il fut aussitôt déçu.

- Voilà la clé d’une cellule vide, souffla Darth Runà. Pour qui sera-t-elle, à ton avis ?  


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Elle tentait de se calmer en se concentrant sur son souffle beaucoup trop irrégulier. Elle avait dardé ses prunelles corrompues sur Lloyd dès la première révélation tomber. Non, ce jeu était beaucoup trop dangereux. Elle ne voulait plus jouer. Elle s’était trop exposée, sans le savoir. Elle se rendit compte que ses lèvres entrouvertes tremblaient tandis que son regard se baignait dans l’incompréhension.

A quel moment, le contrôle lui avait échappé ?

Elle eût un léger soubresaut quand les longs doigts de Runà se refermèrent sur son menton. Elle déglutit péniblement, ravala tout ce qu’elle put, sanglots, supplications. Retrouver le contrôle. C’était compliqué.

-Ecoutez. J’ai eu une nuit de merde. J’ai pas dormi bordel. Jai fumé à peine trois ou quatre cigarras. J’suis à bout d’accord ? Moi, j’ai fait une promesse et j’voudrais la tenir. Il récupère son pilote et ils se cassent. Vous me punirez ensuite, parce que j’ai menti, ouais. On pourra régler ça entre Maître et Elève. Il a pas besoin d’être mêlé à ça.

La rouquine repoussa sèchement le visage de son apprentie, irritée par son franc-parler dont elle tolérait de moins en moins l’expression.

-Tu le couvres.
-C’est moi qui l’ai supplié de m’aider pour le camp Piya. Il voulait juste se tirer. Mais je savais que j’y arriverai pas seule, je lui ai demandé, j’ai tellement insisté qu’il a dit oui. Il a eu pitié, ça va ?
-Tu me mens encore ? Tu penses que je ne suis pas capable de lire dans ta petite cervelle ?




BANG.
Un bruit fracassant avait ponctué le questionnement de la miraluka. Dana venait d’envoyer valser sa tasse à travers la pièce. Un mur l’avait arrêté et des dizaines d’éclats de porcelaine jonchaient le sol alors que la peinture terne reluisait du liquide chaud et odorant. Les gouttes de stim-thé dévalaient vers le bas, emportées par la gravité, tout comme Shar était emportée par une colère indescriptible qui avait ravivé son lien avec la Force.

Le calme retomba rapidement. Il s’installa sournoisement entre eux et Runà le rompit avec un petit rictus de satisfaction.

-Tu es pathétique.
-Dîtes-moi un truc que je ne sais pas, répliqua-t-elle sèchement. On peut régler ça, sans lui.
-Oh mais il peut partir.

Enfin une lueur d’espoir.

-Je ne le retiens pas d’ailleurs, mais s’il quitte ce bureau ce sera sans son pilote adoré.

Le silence percuta un peu plus leurs esprits éreintés et enragés.

-Bien, donc visiblement, il va rester.

Le faciès de la miraluka se détourna vers Lloyd. Plus un son, plus une seule parole. Il n’y avait que les battements effrénés du cœur de Dana, qui semblait vouloir s’arracher à sa poitrine tant il cognait fort. Et sa respiration hachée par la haine qu’elle n’arrivait pas à abandonner.

J’essaie de vous aider, Hope, résonna la voix de la rousse dans la psyché du sith. Je vous mets en garde, simplement. Si vous ne vous reprenez pas, vous vous saignerez à blanc pour une femme qui ne vous appartiendra jamais. Dana Shar descend de la lignée de Shar Dakhan sur Ch’Hodos, vous ne savez pas dans quoi vous mettez les pieds. Aucun des dossiers que vous compilez sur elle ne vous indiquera ses secrets, ses dangers ou…ses faiblesses. Mais vous connaissez déjà ces dernières n’est-ce pas ?

Les mots de Runà cognaient fort alors qu’elle usait de télépathie avec un naturel déconcertant. Il avait la désagréable impression de converser avec lui-même et que ce lui-même possédait une voix féminine et emplie de venin. Chez la Sith, la limite entre la bienveillance et la torture se confondait dans un flou total.

Elle ne l’avouerait jamais à Lloyd, mais la miraluka ne pouvait se permettre de perdre sa seule apprentie. Elle avait investi trop de temps, trop d’énergie. Et Dana se rapprochait le plus de l’enfant qu’elle n’avait jamais eu. Ce matin, elle frapperait fort.

-Aucun de vos esprits ne peut m’échapper ce matin, s’adressa-t-elle à eux deux, amusée et dangereuse à la fois. Ce qui est de la naïveté chez l’un s’avère être de l’inconscience chez l’autre. Hope, Dana vous a-t-elle déjà parlé de mes petites capacités ?
-Ne faîtes pas ça, s’insurgea Shar, comprenant la référence.
-Ce que j’ai obtenu de vous la fois passée, j’aurais aisément pu l’avoir par un autre moyen.

Dana supplia Lloyd d’un regard tenace. Elle le suppliait de ne pas écouter, de ne pas penser à ça.

-Ce pouvoir, que j’ai transmis à Dana, celui de contrôler l’esprit.
-Ne faîtes pas…
-Alors fais-le toi, reprit-elle froidement. Contrôle-le. Montre-moi que tu as progressé, que tu es digne de ton rang. Il pourrait être à ta merci. Fais-le.
-Je…non, je n’ai pas encore les capacités, échappa-t-elle, partagée entre la colère et l’irritation.
-Non, c’est la volonté qui te manque, la passion. Ce n’est pas grave, tu feras un bon exemple aussi.


Le vide.

Quand un Sith faisait résonner la Force chez son adversaire, pour le soumettre à sa propre volonté, il ne restait plus rien d’autre qu’un blanc immense alors que l’on abandonnait le contrôle, qu’il fondait dans l’esprit d’un autre. L’or des yeux de Dana ne brillait plus autant, assombri par le vide. Elle était devenue une simple marionnette et des fils tissés dans la Force la reliaient à son Maître.

-Vous déteignez sur elle, son esprit est affaibli quand vous êtes à portée, quand vous l’occupez. Même si je dois l’avouer à contrecœur, votre petit duo est très efficace en mission. Dana, apporte un biscuit à Monsieur Hope.

L’Inquisitrice s’exécuta sans un mot. Elle se saisit d’une friandise et se rapprocha de Lloyd pour la lui tendre.

-Sois plus docile, ordonna-t-elle avec une mimique divertie.

Dana s’abaissa, s’agenouillant devant lui.

-Hélas, elle n’aura aucun souvenir, quel dommage. L’humiliation est la meilleure des punitions avec elle.

Runà leva doucement sa main et la main de Shar suivit le mouvement, dirigée par la volonté de la sorcière. Sa paume frôla le genou de Lloyd, remonta sur sa cuisse dans une caresse appuyée.

-Quoique vous pensiez, à ce moment-là, je le saurais, prévint Runà. Quoique vous regardiez chez elle, je le verrai.

La position de la brune était un mélange d’indécence et d’audace. La vue en contreplongée sur ses vallées au relief inavouable obligeait presque à détourner le regard. Il sentit les doigts de Dana frôler sa ceinture. Runà rit.

-Je pourrais faire l’inverse. Vous contrôlez, vous. Je ne peux contrôler les esprits qu’un certain temps, mais un temps suffisant pour que vous puissiez lui faire ce qu’elle a vécu sur Artorias ? Je ne serai pas dans cette pièce, vous ne pourrez pas vous dédouaner sur moi. Oh Hope, elle vous haïrait tellement. Peut-être même sera-t-elle déterminée à vous tuer enfin, si elle vous voyait refermer vos mains sur sa gorge et presser pour de bon. A moins que vous ne préferiez que je lui ordonne de vous tuer ? Vous devriez vous défendre en retour, la frapper. En serez-vous capable ? Alors, cette mission secrète ?

Runà avait suspendu ses mouvements et Dana retira sa main lentement.

-C’est un interrogatoire. Pour votre bien, pour celui de votre pilote, vous feriez mieux de répondre. Et vous savez que les moyens de vous faire chanter sont infinis. Parce que vous êtes faible. Je suis étonnée que le Castellan Noir perde son temps avec vous. Mais les caprices des Seigneurs Siths ne se discutent pas, je présume que vous devez lui plaire quelque part. S’il a vu la moindre valeur en vous, j’aimerais la voir également.


Lloyd Hope
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Le sang de Lloyd s’était glacé. La voix de Darth Runà résonnait en lui et il savait qu’elle avait raison, par bien des aspects. Mais il était resté cloué à son siège, les dents verrouillées les unes contre les autres, à cligner de ses yeux interdits.

Sa respiration se fit plus intense quand il vit Dana s’agenouiller devant lui. Il déglutit, coulant vers elle un regard sidéré. Les yeux de la Sith étaient vides. Elle était comme partie. Ses lèvres faillirent former son prénom mais il renonça. Il savait que c’était inutile. Sa bouche forma un « o » de surprise quand sa main remonta le long de sa cuisse, effleura sa ceinture. Le hapien décrocha son regard du pantin qu’était devenue Dana pour darder sur la miraluka des yeux troublés. Sa poitrine se soulevait et s’abaissait rapidement tandis qu’il serrait bêtement les accoudoirs du siège de ses doigts blanchis par l’effort.

Lloyd envisagea un instant sérieusement de répondre qu’il n’en avait rien à foutre. C’était ce qui lui semblait le plus logique pour protéger Dana sans avoir à se révéler, mais plus il repensait à ce qu’il s’était passé entre eux au manoir et ce qui se produisait aujourd’hui, plus il était convaincu qu’elle lisait réellement en lui. Elle devait avoir un don. Certains Sith savaient faire ça : déceler les émotions. Il était beaucoup trop risqué de jouer la comédie.

Il prit une longue inspiration, cherchant à se calmer tandis que Dana retirait sa main. Il lui sembla retrouver l’ombre d’un contrôle. Il savait que ce n’était qu’une illusion, mais il s’en saisit.

- Si vous me forcez à trahir mes engagements, pourquoi me fustigez-vous ensuite de n’être pas suffisamment loyal ? demanda-t-il, et il se rendit compte que sa voix tremblait légèrement.

Darth Runà sourit. Elle s’était déplacée sur un sofa, dans le petit salon qui composait son office aux côtés de son grand bureau.

- Je me fiche que vous soyez un déserteur, ou que vous soyez faible, au fond, Hope. Ne vous méprenez pas : ce n’est pas vous qui m’intéressez, mais elle. Dana ne peut pas devenir comme vous. Maintenant, répondez.

Lloyd baissa les yeux vers Dana, dont la silhouette immobile était restée à quelques centimètres, à genoux. La main de la jeune humaine se porta à ses lèvres et un bref instant, il crut qu’elle avait recouvré son esprit. Mais elle se mit à lécher deux de ses doigts d’une façon suggestive et Lloyd détourna le regard, agacé.

- J’ai été envoyé par Darth Malevolus sur une barge appelée le Stonx, dont il n’avait plus de nouvelles, récita-t-il sans émotion, fixant un point à quelques mètres de lui pour s’efforcer d’ignorer Dana. Avec une équipe de scientifiques. C’est de là que vient le virus qui s’est propagé dans le district 40-9 et dans le camp Piya. Lorsque nous sommes arrivés à bord, nous n’avons découvert que des cadavres. Le système de sécurité s’était calibré pour tuer tout ce qui bougeait à bord, et les droïdes étaient donc agressifs. Nous les avons désactivés. Puis nous avons découvert une zone hautement sécurisée où se trouvaient des créatures mutantes. Ces créatures n’avaient pas conscience d’elles-mêmes. C’étaient des bêtes qui mordaient sans réfléchir. J’ai trouvé dans les bureaux des scientifiques du Stonx quelques rapports sur le virus inoculé. Mais aussi une lettre indiquant que quelqu’un avait emporté un échantillon du virus.

Le hapien s’interrompit une seconde pour déglutir. Il était en train de révéler des informations secret défense. Si Darth Laduim ne pouvait rien faire pour lui derrière cela, alors il était le pantin de Darth Runà, désormais. Mais il était trop tard pour faire demi-tour.

- L’équipe de scientifiques qui m’accompagnait a été décimée. Je suis le seul survivant de cette expédition. J’ai emporté les preuves avec moi et Mumkin est venu récupérer ma capsule de sauvetage. Je ne sais pas ce qui est arrivé au Stonx depuis. Je me suis juste porté volontaire pour rejoindre Kaas City et traquer le virus avant qu’il ne se propage. Et cette nuit, j’ai été arrêté sous prétexte que la lettre trouvée sur le Stonx aurait été falsifiée par mes soins. Leur idée était de trouver tout ce qu’ils pouvaient à bord de mon vaisseau pour me faire porter le chapeau. Ils essayaient de couvrir quelqu’un. Couvrir probablement le véritable traître qui a introduit le virus sur Dromund Kaas.

Darth Runà eut un lent mouvement de tête. En réfléchissant, elle passa sa main dans son cou, avant de reprendre une posture qui traduisait moins ce qui se passait dans sa tête.

- Bien, intéressant. Et qu’a fait Dana ?
- C’est-à-dire ?
- Vous a-t-elle aidé ?

Silence.

- Oui, dit-il au bout d’un moment. Je lui ai dit ce que je viens de vous dire, elle m’a cru. Mais l’équipe des renseignements était déterminée à m’incriminer quoiqu’il arrive. Nous les avons donc éliminés.
- Etes-vous allés plus loin ?

Lloyd fronça les sourcils.

- C'est-à-dire ?
- Avez-vous eu des rapports sexuels avec mon apprentie.
- Non !

Il ne savait pas pourquoi il se sentait offusqué de cette question. Il était trop tard pour rattraper son exclamation de toute façon.
Darth Runà eut un soupir. Lloyd constata avec un léger soulagement que Dana avait cessé son manège avec ses doigts et était désormais immobile.

- C’aurait peut-être été préférable, dit la miraluka, songeuse, mais Lloyd ne voyait pas spécialement en quoi.
- Je vous ai tout dit, sur la mission. Je n’en sais pas plus. Vous pourriez la relâcher, maintenant.

Darth Runà sourit.

- Ne soyez pas trop pressé, Hope. Je n’en ai pas terminé. Votre Maître sait-il que vous êtes sur Dromund Kaas ?
- Oui.
- Quels sont ses rapports avec Darth Malevolus ?

Lloyd plissa les yeux.

- Aucun, souffla-t-il prudemment.
- Tout de même un lien suffisant pour envoyer son apprenti sur l’une de ses missions. Darth Malevolus est-il sur la liste des Seigneurs Sith que le Castellan Noir fait surveiller ?

Lloyd se leva de sa chaise, raide.

- L’interrogatoire s’arrête ici, exigea-t-il. Vous ne m’amènerez pas à trahir le Castellan.

Darth Runà sourit.

- Pourquoi pas ?
- C’est ainsi.
- Comment vous tient-il ?
- Il ne me tient pas ! éclata brusquement Lloyd en pointant sur Runà un doigt accusateur. Je lui suis loyal sans avoir besoin de menaces.
- Ce n’est pas ce que dit votre dossier.

Le hapien fulminait. Il serra les poings, tâchant de se maîtriser pour ne pas sauter à la gorge de la miraluka et signer joyeusement son arrêt de mort.

- Si vous n’avez pas l’intention de me rendre mon pilote, je m’en vais sur le champ.
- Vous laisseriez derrière vous votre précieux petit alien, celui qui vous ramène ivre au vaisseau, celui qui vous injecte du slick quand vous dérapez un peu trop ?

Les traits de Lloyd se tordirent de colère et il repoussa le siège à ses côtés pour se diriger d’un pas rageur vers la porte. Mais quand il appuya sur le panneau de commande, un bip négatif l’alerta qu’il n’avait pas les droits pour effectuer cette action.

- Laissez-moi sortir, exigea-t-il en restant tourné vers la porte.
- Vous le laisseriez derrière vous ?
- Oui.
- Vous accepteriez la torture, pour ne pas vendre le Castellan.
- Oui.
- Vous accepteriez de lui faire du mal ?

Il n’eut pas besoin de se retourner pour savoir qu’elle ne parlait pas du dévaronien. Lloyd leva les yeux vers le plafond.

- Oui.
- Vous renonceriez à cette aide stupide que vous lui avez fournie jusqu’ici ?
- Oui. Je vous l’ai dit : je n’ai rien à foutre de Dana et encore moins de la lignée Shar. Notre partenariat n’a été que de circonstance et je m’en serais très bien passé. Je me fiche de ce que vous allez lui faire endurer : je ne trahirai pas le Castellan. Je suis là pour mon pilote. Je m’en vais si vous ne me le donnez pas immédiatement.

Le hapien se tourna vers Darth Runà, afin d’évaluer sur son visage si oui ou non, elle allait activer cette porte pour le libérer.

- Il est finalement plus loyal que ce que je pensais, souffla la Sith, et il se rendit compte qu’elle parlait à Dana.

Depuis combien de temps celle-ci était-elle revenue à elle ?
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Les mots revinrent à elle comme l’océan rappelait ses vagues sur le rivage. Les voix familières frémirent à ses oreilles. Elle avait retrouvé le plein contrôle sur son ouïe, ses autres sens, son corps. Que faisait-elle agenouillée ? Elle fustigea son Maître d’un regard noir, car elle avait osé l’asservir à son don. Mais Runà l’ignorait, occupée à échanger avec Hope. Le volume se stabilisa et elle entendit tout, elle comprit tout.

Le slick. L’ivresse. Ou l’un avant l’autre, quelle importance.
Lui faire mal. Renoncer à l’aider.

Une bonne équipe. Avait-elle seulement déjà existé cette équipe, de toute manière. N’était-ce pas une énième illusion. Une construction qu’elle s’était faite de toute pièce, parce qu’elle avait pensé que Lloyd se rapprochait le plus d’un lien social. Un lien qui se brisa sous le poids des derniers mots du blond. Elle avait voulu se lever, mais le choc avait annihilé le fonctionnement de ses muscles et elle demeura misérablement au sol, à attendre la tempête qui se formait en elle. Comme au camp Piya, lorsqu’elle gisait dans la terre meuble et qu’il s’était éloigné. Elle avait toujours espéré que les paroles acerbes qu’il avait eu envers elle étaient fausses. On forme une bonne équipe. Toi…moi.

-Oui, répondit-elle d’une toute petite voix, dont elle n’arrivait pas à maîtriser le pathétique.
-Debout Dana.

Pas envie. J’aimerais rester là.


-Dana, debout.
-C’est bon.

Non, ce n’était pas bon. Il y avait cette rage en elle, qui souhaitait s’imposer au monde entier.
Il y avait la Force qui l’enveloppait, la pressait de toute part, dégueulait par tous les pores de sa peau qui sentait encore le slick.

-De circonstance hein ? déclara-t-elle, le ton mal assuré alors qu’elle arrivait enfin, péniblement, à se lever.

Mais quelque chose en elle faisait encore office de verrou. Elle admirait la photographie usée.
En attendant, la savoir potentiellement devenue une esclave me rend dingue.
Mat’aenna était peut-être la seule personne dans cet Empire, dans cette Galaxie, que Lloyd considérait. Dont il se préoccupait au point de sacrifier tout le reste. Mumkin, elle, sa propre vie à lui.

-Tant de jalousie, commenta Runà en ressentant les émotions de son élève.

Dana entreprit quelques pas. Incertains sur les premiers mètres qui la séparaient de lui. Plus déterminés au fur et à mesure que l’écart se réduisait. Elle embrassa la Force aussi sûrement qu’une amante prend le contrôle. La répulsion qui suivit plaqua douloureusement Hope contre les portes verrouillées. Dana maintenait une pression monstre contre son torse, avec le seul pouvoir de sa télékinésie. Et si elle avait pu l’encastrer dans l’acier et l’électronique de ces foutues portes, elle l’aurait fait. La miraluka se conforta dans son siège, divertie par le spectacle.

-Elle te déteste. Je te fais la traduction, parce que tu n’es pas capable de lire en elle. Et qu’il lui semble qu’il n’y a pas de mots en suffisance pour exprimer ce qu’elle ressent.

La brune tendit son autre main qui échoua quelque part sur la figure du hapien. Elle était aveuglée par toutes ces contradictions. Ce qui faisait d’elle une Sith, ce qui faisait d’elle une humaine. Ce qui faisait d’elle une Shar, ce qui faisait d’elle Dana. Ce qui faisait qu’elle haïssait Lloyd Hope. Ce qui faisait…qu’elle s’était liée à lui. Ses doigts tâtaient fébrilement les traits magnifiques du sith, heurtaient sa mâchoire, contournait ses lèvres et elle approcha sa figure. Plongea l’or de ses yeux dans l’émeraude saisissante des siens, mais ce n’était pas suffisant. Il fallait un contact.

Celui de sa bouche conquérant la sienne. Elle sentit le goût du stim-thé. Et il lui sembla que ce goût qu’ils partageaient désormais ouvrait un couloir vers l’esprit de Hope. Qu’elle pouvait emprunter cette voie. Elle l’emprunta, guidée par la Force, sous le regard fasciné de Runà. Il n’était pas faible. Elle dut s’accrocher, s’acharner contre ses lèvres, dans un baiser éprouvant, pour arracher une soumission de son esprit au sien. Ce fut rude. Elle eût l’impression de se noyer plusieurs fois, parce qu’il n’était pas faible. Il n’était pas aussi faible que Zal Ykis ou que le prêtre Dayen, ou que ce falleen au camp Piya. Mais elle avait assez de rage.

Quand elle détacha leurs lèvres, le vert des yeux de Lloyd n’avait plus de saveur. Leur couleur avait été absorbée par la sorcellerie de Dana. Elle crut vaciller, perdre toute son énergie. La voix de Runà la supporta, l’empêcha de tomber.

-Ne perds. Pas. Le. Contrôle.
-Que dois-je faire…souffla-t-elle alors qu’elle admirait le hapan, refoulant sa culpabilité, laissant gagner la haine et la déception. Il n’en avait rien à faire d’elle, que ferait-il de son sentiment coupable de toute façon. Elle aurait aimé dire désolée. Mais disait-on cela aux gens qui nous abandonnaient alors qu’on avait placé une partie de nous-mêmes en eux.
-Ce que tu veux, le temps joue contre toi, utilise-le à bon escient.

Elle leva légèrement sa main et Lloyd leva la sienne en écho. Il fit courir ses doigts le long du cou de Dana, écarta quelques mèches brunes flatta sa joue rougie.

-Plus haut, ordonna-t-elle.

Et elle fut obéie. La paume tiède du blond ne tremblait pas. Elle était aussi assurée que la volonté de la sith. Il plongea ses phalanges dans l’océan ténébreux qu’était la chevelure de Shar. Cette dernière évitait son regard, elle ne voulait pas voir tout le vide dont elle l’avait empli.

-Pas mal, ricana la rouquine en applaudissant avec théâtralité. Tes dons s’améliorent. Mais le plus exigeant, c’est de lui faire commettre un acte qu’il réprouverait. Sinon, ce serait trop simple. Ordonne-lui de venir à mes pieds.
-Va à ses pieds.

Et il lui semblait qu’à chaque pas que Hope fit en direction de la miraluka lui pompait de l’énergie. Elle sentait ses forces fondre comme neige au soleil alors qu’elle tâchait de le forcer à s’exécuter, qu’elle sentait sa volonté se réveiller. Elle devait lutter contre les réflexes instinctifs de Hope, ceux qui lui commandaient de demeurer loin de la Maître Inquisitrice. Elle allait réussir, il allait ployer devant la rousse, mais elle s’effondra d’épuisement et le charme fut rompue sitôt qu’elle s’écrasa à terre dans un bruit sourd.

-Quel dommage,
fit-elle en ignorant complètement son apprentie. Bon retour parmi nous, Hope. C’est toujours un peu désagréable, le retour. N’est-ce pas ?

Au sol, Dana grogna un peu. La tête lui tournait et ses membres étaient fébriles de faiblesse. La sorcellerie sith demandait trop d’énergie, trop de sacrifice de soi. C’en était écœurant, mais galvanisant à la fois. Elle crut qu’elle allait à nouveau vomir. Son corps n’avait plus rien à régurgiter.

Les portes se déverrouillèrent puis s’ouvrirent. La silhouette imposante de Kedrod les franchit.

-Maître Runà, vous m’avez fait demander ?
-Oui, Inquisiteur Kedrod, merci. Je sais que vous êtes occupé avec les prisonniers, mais j’ai besoin de votre aide ici. Je suis épuisée et ces deux-là sont bien trop insoumis. J’aimerais qu’ils s’assoient sur les sièges. Commencez par Dana.
-A vos ordres.

Il s’ébroua et ramassa l’Inquisitrice par la tignasse, d’une poigne ferme qui lui arracha un geignement de supplice. De cette emprise douloureuse, il la fit s’asseoir sur l’un des fauteuils. Puis son ombre se dirigea vers Lloyd qu’il frappa de son poing armuré, en plein visage. L’odeur du sang ne tarda pas à vicier l’air. Nouveau coup, dans l’abdomen et sitôt plié de souffrance, Kedrod le repoussa sur l’autre fauteuil.

-Monsieur Hope souhaite nous fausser compagnie. Alors qu’il a des choses à dire à l’Inquisition. Mais c’est l’apprenti du Castellan Noir et je tiens à garder de bons rapports avec le Seigneur Laduim alors ne le tuez pas.
-Maintenir les prisonniers en vie, c’est ma spécialité.

Puis le zabrak émit un léger sifflement admiratif

-L’apprenti du Castellan Noir ? Et il vaut quoi ? Je l’ai frappé deux fois et on dirait qu’il est mort.

Un ricanement perça l’air, c’était celui de Dana.

-J’aimerais qu’il me dise pourquoi il récoltait des informations confidentielles sur l’Inquisitrice Shar.
-Tu récoltes des données sur les Purificateurs ? gronda Kedrod avant d’abattre son poing sur la tête blonde, enragé.

Le cœur de Shar loupa un battement. Mais il n’en avait rien à faire d’elle. Faudrait donc qu’elle apprenne à n’en avoir rien à faire de lui. Et cette première leçon était si douloureuse qu’elle lui tordait salement les tripes. Elle voulait détester Hope, mais c’était Kedrod qu’elle haïssait.

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Lloyd était plaqué contre la porte, une force invisible l’écrasant désagréablement. Dana était puissante. Il comprenait pourquoi elle était si précieuse pour Darth Runà : lorsque la rage la prenait, son pouvoir s’étendait avec efficacité. Il repensa à la porte du bunker, pliée par sa simple volonté.

Les yeux du hapien se confrontèrent à ceux, embrasés, de la jeune femme, et il vit la colère. Il n’y aurait plus de trêve. Elle semblait le haïr plus encore que lorsqu’il s’était moqué d’elle, devant des rebelles, dans un hangar d’Artorias. Vas-y, fais ce que tu veux. C’est mieux comme ça. Pour toi, pour moi, c’est plus sûr. C’est l’ordre des choses.
Mais elle ne pouvait pas entendre ses mots.

Soudain, elle était là. Aux portes de son esprit. Il lui refusa l’entrée. Elle força. Il résista. Un étau enserrait ses pensées. Ça n’avait rien à voir avec ce que Laduim lui avait fait : il s’était trompé. Laduim s’insinuait en mobilisant ce qu’il y avait de pire en ses souvenirs, par une connexion entre leurs esprits. Il avait cru que c’était ce genre de choses dont elle était capable. Alors que Dana, elle, s’insérait, pénétrait pour prendre le contrôle, à l’intérieur de son esprit, pour qu’il ne lui appartienne plus. Pour qu’il ne s’appartienne plus.
Il avait beau se défendre, la crainte de perdre le contrôle avait fissuré sa volonté. Et il lisait dans le regard de Dana une colère qui dépassait largement son émotion. Il sentit brusquement son mur de protection céder et Dana s’engouffra avec brutalité.

--------

--------

--------Il perdit l’équilibre et tomba mollement à genoux. Il se rattrapa sur les mains par réflexe et ses yeux s’ouvrirent sur deux jambes croisées à peine voilées par une robe blanche.

Lloyd releva vers Darth Runà son regard frappé d’incompréhension. Il n’avait pas besoin de se demander ce qu’il faisait là : Dana avait pris le contrôle et l’avait amené là. Il n’en avait aucun souvenir. Qu’avait-il fait ? Il chercha des réponses, affolé, dans le visage de la miraluka mais sans regard, il ne parvenait pas à lire de quelconque indice. Ses membres tremblaient. Il tâcha de se relever, les mots et les voix dans la pièce se mélangeant désagréablement si bien qu’il n’arrivait pas à leur donner du sens.

Et brutalement, il reçut un coup qui le fit ployer de nouveau. Sa vision fut obscurcie de noir et de sang avant qu’une nouvelle douleur fulgurante le fît se tordre de douleur, misérablement replié au sol. Il gémit. Sa hanche. Ce con avait frappé sa hanche.

L’instant suivant on l’attrapa et il fut brutalement tiré sur un fauteuil. Il haletait.

- Tu récoltes des données sur les Purificateurs ?
- Non.

Il ne vit pas venir le coup. Le métal de la main gantée heurta sa face et sa tête fut propulsée en arrière. La douleur irradiait dans tout son visage et il s’obstina à garder les yeux fermés.

- Ne fais pas mentir le Seigneur Runà. Tu as récolté des données sur l’Inquisitrice Shar. Est-ce que le Castellan collecte des informations sur les Purificateurs ?
- Non, gémit Lloyd. Je ne récolte rien sur les Purificateurs, j’ai juste récupéré les données qui concernaient Dana Shar sur Korriban, c’est tout. Aucun autre.

Sa voix n’était qu’un mince filet d’air entre ses lèvres sanglantes.

- Pourquoi ?
- Par précaution.

Kedrod lança à Maître Runà un regard interrogateur. Celle-ci fit un signe circulaire du bout de son doigt, invitant le zabrak à poursuivre. Lloyd reçut un nouveau coup.

- Dis-en plus.
- Hum…

Le hapien déglutit. Le goût métallique du sang lui emplissait la bouche. Il parvint à ouvrir les yeux, mais son œil droit était lui aussi tapissé de sang. Et il devait cligner des yeux pour supporter le picotement.

- Je voulais voir si elle avait pu être envoyée pour me surveiller. Par le Castellan ou par quelqu’un d’autre. Me surveiller ou me tester. Je préfère aussi savoir avec qui j’travaille.

Le rire Darth Runà parvint jusqu’à ses oreilles.

- Quelle imprudence, commenta-t-elle.
- Je sais, lui répondit-il, la voix étranglée.
- Qu’est-ce que tu as trouvé ?
- Rien, glapit-il. AH !

La douleur l’avait fait se recroqueviller sur le fauteuil : Kedrod venait de lui enfoncer la garde de son sabre éteint dans le ventre et il sentit sa blessure à la hanche se déchirer pitoyablement. Le kolto n’avait pas eu le temps de terminer son œuvre de cicatrisation et toute la plaie devait être entre de se rouvrir.

- T’es sûr ?
- Oui, rien ! haleta Lloyd en portant les mains à son ventre, autour de l’arme qu’il se garda bien de toucher.
- Y’a toujours quelque chose dans un dossier. Y’avait quoi dans le sien ?
- Des résultats d’évaluation, des notes sur ses progrès, des remarques sur son comportement. La liste de ses affectations. Puis plus rien. Comme si la suite avait été effacée.
- Qu’en avez-vous déduit, Hope ?

Le hapien se concentra sur sa respiration dans l’espoir vain de calmer la douleur. C’était inutile. Il n’arrivait pas à réfléchir.

- Rien, répéta-t-il pitoyablement. Que ce n’était pas là que je trouverai quelque chose sur elle.
- T’as fouillé ailleurs, alors ?
- Non.

Nouveau coup.

- Non, répéta-t-il, obstiné.
- Il ment.
- Non !

Kedrod attrapa Lloyd par la gorge et le souleva de son siège, avant de le jeter à terre. Le hapien s’effondra en gémissant. L’instant suivant, il sentit de nouveau la poigne du zabrak, qui se refermait sur son front, masquant ses yeux. Le métal froid enserra ses tempes et le hapien porta inutilement ses mains sur le bras de Kedrod.

Soudain, un crépitement se fit entendre. Entre les doigts du Zabrak, une décharge électrique foudroya le crâne de Lloyd. De ses lèvres s’échappèrent un hurlement qu’il ne contrôla pas. Kedrod arrêta et il put reprendre sa respiration. Mais il recommença aussitôt. Puis encore une fois. Lloyd n’avait pas d’énergie. Il lui semblait que cela prenait déjà tellement de vigueur de supporter la douleur qu’il ne parvenait pas à se défendre. Dans d’autres circonstances, pas après la nuit qu’il avait passé…
Kedrod allait recommencer mais Lloyd pressa le bras du zabrak pour le faire ralentir.

- Att.. Je… J’ai fouillé ses affaires. Siphonné le contenu de son… datapad, haleta-t-il. Pas regardé… Pas eu le temps... Pas eu le temps de craquer le cryptage. Rien d’autre. Rien fait d’autre. Pas d’infos.

L’air qui entrait dans ses poumons en se précipitant lui brûlait les bronches et sa voix bruissait à chaque expiration. Ce son emplissait toute sa perception mais sans les voir, il imaginait les regards méprisants de Dana et Runà. Qu’elles en finissent avec lui, souhaita-t-il, mais il savait que ce ne serait pas si simple.

- Dana, s’éleva la voix de Darth Runà. Ce n’est pas comme cela que l’on traite une Inquisitrice de ton rang. Fais-le-lui comprendre.

Kedrod lâcha le hapien et ce dernier porta ses mains à son visage ensanglanté avec un gémissement.
Darth Hope
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-Vous ne me ferez pas croire que c’est ça l’apprenti du Castellan Noir, ricana Kedrod en toisant le hapien avec un mépris si acéré qu’il pénétrait l’air environnant.
-Merci pour votre aide, Kedrod. Laissez-nous à présent. Dana va terminer le travail.

Les yeux onyx du zabrak se portèrent sur sa collègue et lui adressa un sourire carnassier, presqu’envieux. Il la jalousait de pouvoir porter une espèce de coup de grâce. Et il aurait aimé être là pour le voir. Mais Dana était pétrifiée. Ses prunelles glacées d’incompréhension fixaient la boule recroquevillée que formait le hapan torturé. Elle décrivait le sang qui lui coulait sur la figure.

-Dana, exécute-toi.
-Non.
-Non ?
-Bordel, non ! s’écria-t-elle. J’ai aussi récolté des informations sur lui, vous le savez ! Ca fait partie de notre job !
-« Notre ». Dana. C’est un petit officier. Pas un Inquisiteur, cela fait partie de ton job, mais pas du sien. Et en parlant de « job », il est temps d’exécuter le tien. Kedrod t’a montré la voie à suivre. Il a en obtenu des informations en un temps si court. Il performe.
-C’est un con, siffla-t-elle, pleine de rage.

Mais elle ne savait plus à qui allait sa rage, à qui allait ses insultes. Darth Runà montra une moue d’impatience que son élève ignora. Il lui fallait reprendre le contrôle sur cette journée catastrophique. Elle avait eu tort de ramener Hope aussi. C’était son Enfer à elle, pas le sien. Et il existait des souvenirs imprimés sous sa rétine, dans le tombeau qu’était sa mémoire. L’empreinte fantôme des doigts de Lloyd contre sa cuisse, contre sa lèvre, la prise qu’il ajustait autour d’elle, étaient vivaces. Elle rejoignait les mots qu’il avait prononcé plus tôt et ses hurlements de souffrance dans un brasier incontrôlable. Un bûcher tenace. Son propre gibet.

-Dana…
-Qu’est-ce que vous voulez savoir de plus ? s’exclama-t-elle, agacée.

Son cœur était trop abîmé. Il battait mal, irrégulièrement. Elle avait l’impression que cet organe vital se disloquait, que ses entrailles entières de désintégraient. Elle repensa aux aveux qu’il lui avait péniblement accordé, concernant Mat’aenna. Elle savait que c’était la première fois qu’il avait été totalement sincère avec elle. Elle se remémorait la détresse dont il avait été étreint sous cette ampoule, parce qu’il n’avait pas été capable de protéger sa compagne, ou ce qui avait ressemblé un jour à une compagne.

-Je veux savoir jusqu’où tu es prête à te laisser humilier par cet homme. Il est à terre, il t’humilie encore.
-Ce n’est pas correct envers le Seigneur Laduim, se justifia-t-elle. Vous n’apprécieriez pas que ce dernier me traite comme vous traitez Lloyd.
-Tu me mets au défi, Dana ? Tu me défies, vraiment ?

Runà avait senti comme une fissure dans son amour-propre et sa colère envers Hope déculpa. Elle ne supportait pas qu’il lui subtilise l’affection de son apprentie. Elle ne supportait plus les hésitations de cette dernière, ni le déni permanent dans lequel elle se vautrait. Dana ne répondit pas. Elle glissa hors de son siège et se laissa traîner au sol, rampant près du blond. Doucement, elle écarta les mains qui saisissaient sa figure blessée.

-C’est fini, Lloyd. On va te rendre Mumkin, vous pourrez rentrer, ok ?

La miraluka observait la scène, tétanisée.

Son apprentie essuya le sang de sa paume pâle et alla inspecter la hanche blessée d’un regard contrit.

-Dana, c’est inutile, intervint Runà près avoir repris contenance. C’est inutile. Il n’a aucune affection pour toi. Aucune amitié.

Et Shar continuait d’essuyer le sang, d’apporter un peu moins de douleur dans cette mer sauvage qu’était le visage torturé du sith.
-Ce que tu tentes est vain, inutile et indigne d’une Sith.
-Il m’a sauvé la vie…
-Les circonstances, il l’a lui-même avoué. Il l’a pensé, je peux te l’assurer qu’il a pensé le moindre de ses mots.
-Je sais.
-Je crois que votre « équipe » se termine là.

Et d’un geste autoritaire, elle envoya Dana valser loin du blond.






Le soleil avait bien entamé sa course effrontée dans le ciel de Kaas City, mais il ne parvenait pas à franchir les nuages orageux qui recouvraient le Grand Temple. Les éclairs illuminaient le plus haut sommet de l’édifice. Mais le brouillard dirune englobait le plus bas de la structure. Là où Lloyd Hope se réveilla, dans une cellule vide. Celle qu’avait promise Darth Runà. Le sang avait séché sur son visage et sa blessure à la hanche, réouverte, se consolidait à nouveau, car on y avait appliqué une généreuse couche de kolto. Combien de temps avait-il passé inconscient ou endormi ? Il devait avoir la sensation désagréable des lendemains de cuite, mais la fatigue s’évaporait un peu.

-Vous êtes réveillé Hope.

Derrière les barreaux à répulsion magnétique, la voix et la silhouette de la miraluka s’imposaient.

-J’ai obtenu les informations que je souhaitais. Je suis prête à vous laisser partir et à libérer votre pilote. En guise de dédommagement, pour les coups.

Elle ne manquait pas d’air.

-A une condition.

Rien était jamais vraiment gratuit avec elle. Il fallait toujours payer.

-On dit que les choix forgent l’expérience. Il y a des choix qui nous font sombrer un peu plus vers l’Obscur, d’autres…qui nous noient complètement dedans. Pour sortir d’ici, avec votre alien, retrouver votre petit vaisseau, les pieds de votre Maître et l’espoir de revoir un jour ce par quoi il vous tient. Il vous faudra faire un choix et vous y tenir. Il n’est plus question de briser des promesses.

Un bref silence. Dans le lointain, des cris de prisonniers torturés.

-Vous devrez choisir avec qui partager la même soirée que celle que nous avons passé, tous les deux. Du souper au…moment qui en suivit, tout doit se dérouler exactement de la même façon. Passez-la avec moi, et Dana passera la sienne avec l’Inquisiteur Kedrod. Passez-la avec Dana, et je m’effacerai. Dans tous les cas, après cette soirée, je vous laisserai libre de vos mouvements, de vos choix. Libre de briser vos sermons. Bien sûr, vous pouvez prendre le temps de réfléchir à ce choix. C’est même vivement conseillé. Quand vous serez prêt, vous crierez après le geôlier. Vous lui direz votre choix et vous serez conduit. A elle, ou à moi. Ce sont les deux seuls chemins vers la sortie. Ah et…

Elle brandit, triomphante, le document d’identité de Lloyd.

-Je garde ça en souvenir, quoiqu’il arrive.

Lloyd Hope
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Le hapien entendit les talons de Darth Runà s’éloigner en cliquetant sur le sol avec assurance, et il reposa sa tête sur la plaque de métal inconfortable qui lui tenait lieu de couchette. Les parois de la cellule et le plafond lui semblaient si proches qu’il avait l’impression qu’ils se refermaient sur lui comme un cercueil.

Après la douleur, le bourdonnement dans sa tête, la nausée, les souvenirs affluèrent et il crut manquer d’air. Il se souvenait de la brûlure sur ses lèvres quand Dana l’avait embrassé, non par envie, non par passion, non par enivrement à cause du slick, mais parce qu’elle souhaitait seulement faire sauter ses défenses mentales. Il se souvenait du vide, ensuite, de la sensation totale de perte de contrôle. Du réveil surpris devant les genoux féminins de la miraluka sous cette robe de soie élégante. Du grand lit dans lequel elle lui avait donné des ordres, d’une ampoule qui se balançait doucement au-dessus du visage de Dana, d’une femme déchiquetée en morceaux juste après qu’il l’ait poussée par la fenêtre, de la marque d’une brûlure sous son doigt, d’une twi’lek qu’il étranglait, de la colère dans des yeux dorés, de son esprit qui cédait. Des mains de Dana qui écartaient les siennes. Du vide.

Lloyd passa ses mains sur son visage pour essayer de faire cesser les souvenirs qui le propulsaient dans une spirale infernale. Le sang avait séché et laissait sur sa peau une pellicule rêche. Il avait dormi. Il fallait espérer que c’était la seule chose qui s’était passée depuis. Qu’on n’avait pas joué avec son corps et son esprit.

Quand il rouvrit les yeux, les paroles de Darth Runà revinrent à son esprit et il se rendit compte qu’une porte de sortie pouvait être visible. Il allait récupérer son pilote et partir. Il y avait juste un dîner, et ce qui allait avec, et il serait libre. Libre de s’envoler sur le Sans-Visage et de devenir inaccessible, loin de l’astroport de Kaas City. Loin de cette planète maudite.

- T’aurais jamais dû v’nir ici, grommela-t-il pour lui-même.

Tout ça pour quoi ? Pour essayer de trouver Mat’ alors qu’il n’avait pas le droit. Il ne l’avait pas trouvée et s’était fourré dans un pétrin monstre. Quand il sortirait de là, il lui faudrait encore aller voir Darth Laduim et lui expliquer ce qui se passait à propos du virus. Il ne pourrait pas mentir : le Twi’lek avait sa façon bien à lui de s’en assurer.

Il referma les yeux, espérant que le sommeil l’engloutirait encore.
Il se rendit compte qu’il avait dormi sans rêves. D’une inconscience profonde. La conséquence de ses blessures, probablement.

Vous devrez choisir avec qui partager la même soirée que celle que nous avons passé, tous les deux.

Lloyd rouvrit les yeux avec un soupir. Qu’est-ce que c’était que cette proposition ? S’il l’avait fallu, il se serait exécuté de nouveau pour passer un moment avec Darth Runà. Il avait fait pire, dans sa vie, ce n’était pas tellement le problème, même si la perspective ne le réjouissait pas. Mais Kedrod ? Cette brute ? Il imagina un bref instant le zabrak entre les jambes de Dana, dans un grand lit défait. Il la tiendrait fermement, une main sur la poitrine en enfonçant ses doigts qui laisseraient des marques bleues sur la gorge de la jeune femme. Des lèvres du hapien s’échappa un râle révolté.
L’autre option ne lui faisait pas moins peur : si on lui proposait de passer la soirée avec Dana, ce devait être soit pour que cette dernière pût se venger, soit parce que Darth Runà mettrait l’un de ses plans à exécution.

Je ne peux contrôler les esprits qu’un certain temps, mais un temps suffisant pour que vous puissiez lui faire ce qu’elle a vécu sur Artorias.

Il soupira. Il voulait cela encore moins que la version où Kedrod se chargerait de la violenter.

--------

--------

--------Un long moment s’était écoulé lorsqu’il consentit enfin à se redresser. Son corps avait trouvé quelque repos, même si sa hanche et son visage l’élançaient désagréablement. Il se redressa avec un grognement, avant de tituber vers les barreaux. Il tâcha de voir au-delà, avec l’espoir idiot d’apercevoir Mumkin, mais la cellule en face de la sienne était vide.

- Hé, appela-t-il.

Il dût déglutir et appeler de nouveau, sa voix était enrouée.

- Hé, geôlier.

Des pas pesants se firent entendre et bientôt, un devaronien ventru apparut, la peau carmine et l’œil éteint.

- Vot’choix ?
- Pas encore choisi, je veux de l’eau, décréta Lloyd. Pas pour boire, j’ai… Je veux me laver. Un peu. C’est possible.

Le dévaronien le toisa des pieds à la tête.

- J’vais voir.

Le geôlier revint quelques instants plus tard avec un seau d’eau. Il déverrouilla momentanément la cellule de Lloyd, fit passer le seau entre les barreaux et réactiva aussitôt le verrouillage.

--------

--------

--------Une demi-heure plus tard, le dévaronien était revenu chercher Lloyd, et ce dernier était sorti de sa cellule en essayant de refermer maladroitement sa veste. Pauvre uniforme neuf, il était déjà bon à changer : des traces de sang, des éraflures. Tout en marchant, il vérifia une dernière fois en passant ses mains sur son visage et dans ses cheveux que du sang ne s’y trouvait plus. Evidemment, malgré la toilette rudimentaire qu’il avait pu faire avec cette eau tiède, il ne se doutait pas qu’il devait avoir l’air minable, avec les coups qu’il avait pris et la fatigue héritée de la nuit précédente.

Minable. Ce que le mot lui allait bien.

Il fut escorté jusqu’à un turbolift. Le dévaronien seul suffisait à assurer sa sécurité pour une raison simple : l’alien tenait dans sa main une télécommande qu’il lui suffisait d’activer pour que Lloyd fût paralysé sur l’instant. Le geôlier lui avait expliqué cela en appuyant nonchalamment sur le panneau de commande de l’ascenseur. Voilà donc à quoi servait le joli bijou dont on l’avait affublé, songea Lloyd en triturant le bracelet serré autour de son poignet. Et dire qu’il se l’était passé seul.
Se mettre tout seul les chaînes qui l’entraveraient et le feraient souffrir. Un peu l’histoire de sa vie, en gros.

Lorsque les portes du turbolift s’ouvrirent, ils circulèrent dans une aile sécurisée. Les tons étaient chauds, les sculptures majestueuses et l’ambiance feutrée grâce aux tapis luxueux, mais les lourdes portes blindées étaient un rappel du caractère défendu du lieu. Cela lui donna l’impression qu’il était dans une prison de luxe. Mais c’était peut-être tout aussi bien des quartiers privés dont la sécurité était très élevée.

Le dévaronien s’arrêta l’une de ces portes noires et déverrouilla pour lui le panneau de commande, avant de lui faire un signe de la tête pour l’inviter à entrer dans un petit corridor sombre. Lloyd s’engagea, et le geôlier claqua derrière lui la porte pour le laisser seul dans cette nouvelle cellule. On entendit le bip caractéristique du verrou, indiquant qu’il ne pourrait plus sortir, et le hapien soupira avant de s’avancer lentement dans le corridor.

Au bout du couloir, de la lumière.

Un feu dans un âtre, une table et deux sièges. Un chandelier. Un lit un peu plus loin, une couverture blanche. Quelqu’un était déjà là, debout dans cette pièce, une chevelure tombant en cascade sur des épaules étroites.

Lloyd s’arrêta à quelques pas de la table.

- Tu espérais peut-être pas ce choix, souffla le hapien, dont les yeux émeraude se perdaient dans les flammes dansantes. Mais j’ai essayé de choisir le moins pire.

Je sais que tu m’détestes, c’est bon.
Darth Hope
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Dana avait passé dix longues minutes à fixer l’ombre du corridor, les mâchoires serrées. Une horrible tension brisait ses nerfs et elle n’était pas certaine de ne pas fondre en larmes. Des larmes d’impuissance, de colère, de nervosité évidente.

Un homme va franchir ce couloir jusqu’à toi. Que ce soit Hope ou Kedrod, tu devras faire ce qu’il faut. Et je passerai l’éponge.

Elle aurait espéré dormir, manger surtout et se rouler en boule dans le dortoir commun, sans penser au lendemain. A la place, Runà lui avait prévu un bain du maquillage et une tenue élégante.

Un bruit s’éleva. Elle eut un soubresaut, contrôla la peur qui enserrait son cœur et se détourna parce que ça y était. Les larmes avaient inondé ses prunelles dorées, menaçant d’emporter tout ce khôl et tout ce mascara dont on les avait paré. Elle fixait le lit avec une intensité sinistre. Son dos était nu, mais recouvert en partie par sa chevelure libre et sauvage. Qui espérait-elle que ce soit ?

- Tu espérais peut-être pas ce choix. Mais j’ai essayé de choisir le moins pire.

Elle se mordilla l’intérieur de la joue, croquant dans un sanglot sec qui percuta à peine l’air. Elle devait se ressaisir. Le tissu qui voilait ses formes, émit un froissement soyeux lorsqu’elle accepta de lui faire face. Elle remarqua qu’il avait moins de sang sur lui. Elle baissa le regard pour ne plus le voir.

-Le moins pire de quoi au juste ? Runà a fait de moi un simple objet. Une clé pour toi sortir. Un trophée pour récompenser Kedrod. Mais c’est pas grave.

Je vais juste éviter de fondre en pleurs et conserver un peu de dignité.

Sa robe était d’un reflet nacré qui découvrait un éventail couleurs. Il était étrange de voir Dana avec des couleurs. Le noir lui allait bien, le rouge aussi. Mais autant de teintes, aussi ténues fussent-elles la rendaient moins sith. Juste un peu plus humaine. Ce n’était pas le vêtement d’une dame sith. Mais l’habit d’une esclave. Elle aurait encore préféré être nue devant lui.

-Je suis désolée, ok ? Je me suis emportée. J’étais en colère. J’en avais marre. Je t’ai rien fait faire de grave. Je t’ai juste ordonné de toucher mes cheveux et mon visage. Je voulais pas que Kedrod te tabasse, je m’en fichais de tes réponses. Je voulais rien savoir. Je veux rien savoir, Lloyd. On mange.

Elle s’installa sur le siège, face au dîner raffiné qui leur avait été servi sans réel respect. La nourriture luxueuse reluisait, brillante, étincelante. Mais elle était froide et Shar devinait qu’elle serait sans saveur. Peu importait dle nombre d’épices dont on avait recouvert les chairs de cette viande hors de prix, peu importe que l’assaisonnement fût sélectionné avec soin par les chefs du Temple. Rien ne comptait au creux de ces assiettes.

-J’ai pas envie qu’on fasse ça dans le lit.

Je n’ai pas envie de faire ce plaisir à Runà, de la voir rôder autour des draps défaits, de saisir nos odeurs. Ce serait trop humiliant. Elle attrapa sa fourchette et piqua dans un morceau de légume mauve. Elle eût la drôle d’idée que ce ne serait pas aussi savoureux que les barquettes du Sans-Visage que Lloyd faisait réchauffer trop longtemps, à chaque fois et qui lui brûlaient la langue quand elle se jetait dessus, affamée.

-T’en as à rien foutre de moi. Ok. Mais tu peux répondre à une question. Tu disais que…tous ces officiers là sur l’Egide, genre. Ils méritaient pas qu’une sith de mon rang leur offre cette faveur. Tu te comptais dans les pas méritants ou ? Ou tu considérais qu’un sith de ton rang était le seul digne de cette faveur ? Tu sais ce que t’es Lloyd ? Un putain d’hypocrite. Mais en fait, la plus conne c’est moi. Parce que j’ai pas voulu poursuivre ton interrogatoire. Je me suis mise en porte-à-faux avec mon propre Maître. Parce que j’ai eu….un truc qui ressemble vaguement à une putain de compassion avec ton histoire de twi’lek. Et bordel, le plat est froid !

Elle dévia ses prunelles vers le plafond, puis vers le couloir comme si elle espérait vainement qu’on l’aurait entendue. Mais le silence succéda à sa plainte. Ils seraient seuls jusqu’à l’aube. Pas de vin à table, ni d’alcool. La miraluka n’avait pas souhaité que l’un ou l’autre puisse se saouler, ne rien ressentir. Elle relâcha ses couverts et porta une main tremblante à son front pâle pour laisser filtrer un rire entre ses lèvres fardées d’un pourpre insolent. Le feu crépitait plus fort, comme s’il souhaitait soudainement couvrir cette hilarité étrange. Elle écarta un peu sa main, juste de quoi découvrir un œil doré pour admirer Hope.

-Je vois que tu t’es quand même mis sur ton 31. T’espérais m’impressionner ?

Elle n’avait plus envie de se battre.
C’est bon, elle rendait les armes.

N’empêche. Elle aurait donné n’importe quoi pour du vin artorien.
Du vinsha.
Et un peu de slick.

A la place, elle avait juste de quoi se noyer d’ivresse dans les deux émeraudes que le hapan glissait parfois sur elle.


Lloyd Hope
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Lloyd avait suivi des yeux Dana tandis qu’ils s’installaient à la table. Elle portait une robe qui l’enveloppait comme un fourreau fluide, mais le tissu s’écartait au niveau du nombril jusqu’à ses seins dont la chair ronde apparaissait en partie, nue, indécente. La voir dans une robe si légère, si claire, lui donnait l’impression d’avoir à faire à une autre personne. Qu’on avait apprêté intentionnellement une jeune femme pour lui. Pour qu’il la consomme. Il se sentit mal à l’aise et s’assit devant son assiette sans en voir le contenu. Il garda un moment les mains sur ses genoux, alors que Dana commençait le repas avec des remarques acerbes.

Elle n’avait pas envie de faire ça. Il se doutait bien. Il ne le lui aurait pas imposé dans d’autres circonstances. Les circonstances. Dana déversait sur lui sa colère et il resta impassible, stoïque comme la digue sur laquelle viennent s’écraser les vagues enragées d’un océan fougueux. Il savait qu’il méritait ces remarques. Même sans les choses vexantes qu’il avait pu dire, il songea qu’il aurait été en colère aussi, à sa place. Il essaya de ne pas prendre personnellement ses insultes et saisit lentement ses couverts pour avaler une bouchée d’une viande froide, le regard éteint et baissé sur le verre vide. Runà avait été cruelle de lui refuser l’alcool. Dans le manoir, au moins, il avait eu quelques gorgées de vin. Ça aidait. Cette fois, il faudrait tout faire avec une conscience aiguë des choses. Des sons, des odeurs, des couleurs, des souvenirs et des remarques désagréables.
Le rire de Dana le tira de son inertie.

- Je vois que tu t’es quand même mis sur ton 31. T’espérais m’impressionner ?

Lloyd leva vers elle un regard austère.

- Non, je me suis dit qu’être propre serait la moindre des choses.

Il remarqua que le maquillage de Dana était soigné. Sa chevelure jetait les reflets de lumière tremblotante que les bougies et le feu de l’âtre faisaient danser sur eux. Elle était belle. A côté de ça, sa propreté était pitoyable. Le hapien s’efforça de détacher ses yeux du regard doré qui le toisait pour s’intéresser de nouveau à son assiette.

- Et non, je me comptais pas parmi ceux qui auraient mérité ton spectacle, murmura-t-il.

Pendant un moment, on entendit plus que le crépitement du feu et leurs couverts qui tintaient de temps à autre contre leur assiette. La nourriture n’avait aucun goût. Ou plutôt, le hapien ne sentit rien. Il mâchait machinalement, évitant de croiser le regard de Dana. Il alternait les moments où il essayait de ne pas penser à la suite, et les moments où au contraire il s’efforçait d’y penser, et se demandait comment limiter les dégâts.

Plusieurs fois, il jeta des mouvements circulaires, cherchant les recoins où quelqu’un aurait pu se dissimuler, ou dissimuler un quelconque appareil. Micro, caméra. Autre chose. N’importe quoi. Il ne trouvait rien. Il résista à l’envie de se lever pour contrôler chaque anfractuosité de la pièce, déplacer les objets, se mettre à plat ventre pour vérifier ce qu’il pouvait y avoir sous les meubles. Où était Darth Runà ? Comptait-elle apparaître d’une façon ou d’une autre ?

Le hapien laissa tomber ses couverts autour de son assiette dans un geste de dépit. Il n’avait presque rien mangé. Ça ne refroidirait pas davantage de toute façon. Il appuya ses poings sur la table pour se donner du courage.

- Ecoute, je connais pas tellement ta maîtresse mais j’ai peur d’un piège, déclara-t-il sur un ton calme, mais où perçait une certaine amertume. Je sais que t’as pas envie d’y penser ni d’en parler mais il faut que je te dise. Runà m’a menacé pendant qu’elle te contrôlait. Elle a menacé de me dominer et de m’utiliser pour te violer.

Voilà c’était dit. Le mot était cru mais il ne voyait pas l’intérêt de prendre des pincettes. Ni de lui répéter les mots exacts de la miraluka, probablement plus cruels encore. Lui faire ce qu’elle avait subi sur Artorias. Il prit une inspiration, ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose mais la referma.

Putain de mots. Il n’avait jamais les bons.

A la place, il mit les coudes sur la table et passa ses mains dans ses cheveux.

- Alors voilà, je… Si ça arrive, ce n’est pas moi. J'aurais pas fait ça. Et j’essaierai de résister si elle tente.

Mais ils savaient bien tous les deux que Darth Runà le surpasserait largement et parviendrait à ses fins si elle essayait.

Lloyd attrapa soudain le pichet d’eau et les servit tous les deux. Il lui semblait qu’il faisait trop chaud. Et il mourait de soif. Il regretta de ne pas avoir fait mieux en termes de toilette. Et aussi d’être entré dans ce fichu Temple. N’aurait-il pas pu attendre Dana dehors ?
Il reposa le pichet avec plus de violence qu’il ne l’aurait voulu et l’eau clapota en jetant des gouttes sur la table.

Dans la cellule, un peu plus tôt, il lui avait pourtant semblé mieux qu’il vînt plutôt que de laisser Kedrod la prendre comme le sauvage qu’il était. Mais maintenant ? Si Darth Runà s’emparait de lui, serait-ce mieux ?
Darth Hope
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-C’est donc ce que tu appelles être le choix le moins pire. C’est moins pire si c’est toi qui me forces plutôt que Kedrod ? fit-elle d’une voix assez cinglante, irritée par son austérité, par sa paranoïa assumée. Il aurait pu l’aider. Attraper la perche qu’elle avait tendue, au moins pour cette fois.

Lui n’avait pas rendu les armes. Il se battait toujours, sans comprendre qu’il n’y avait plus personne en face. Elle ourla ses doigts aux ongles vernis autour de son verre. Elle n’avait qu’à imaginer que l’eau se transformait en alcool, brûlait sa gorge, endormait sa conscience.

-T’as vraiment décidé d’être le pire connard de cette Galaxie, ce soir. Mais c’est de bonne guerre. De toute façon aurait-elle vraiment besoin de ça. Tu veux sortir, non ? Te casser loin. La seule possibilité c’est…de me…

Elle se pinça les lèvres, écarta avec une angoisse monstre le souvenir de Luis Raidun.

-Si je refusais, tu serais prêt à l’accepter ? A être prisonnier ici ? Mais bon. Ca ne te dérange pas de me faire du mal. Puisque t’en as rien à foutre de Dana Shar. Quoiqu’il se passe, tu vas me sacrifier pour ta petite liberté. Enfin, liberté. Tu vas quitter une laisse pour une autre. Runà ne me tient pas. Je suis loyale à l’Empire, je l’ai toujours été.

C’était un peu faux.

-J’ai pas besoin qu’on me mène par le bout du nez. Je me soumets simplement au plus fort.

Et Darth Runà représentait le plus fort. Dana ne pouvait que s’incliner, pour le moment. Mais elle s’inclinait sciemment, dans l’ordre naturel des rapports qui régissaient les Siths.

-Si tu ne crains pas Laduim, c’est qu’il n’est pas assez fort. Si ta seule raison de lui obéir est…cette otage…dont tu n’as soi-disant plus besoin pour être loyal à l’Empire. Tu viens de prouver le contraire ce soir.

Elle reposa son verre plus sèchement qu’elle ne l’aura voulu et se dépêcha de ramener sa main tremblante sous la table. Prendre le contrôle des autres était si simple. Le plus compliqué résidait dans l’effort de garder le contrôle sur soi. Elle ne voulait plus perdre ce contrôle. Finalement, l’absence de vin s’avérait salvatrice. Elle ne perdrait pas ses moyens. Elle attrapa son paquet de cigarras qui traînait au coin de la table et glissa une cigarette entre ses lèvres rebondies.

-Dis-moi, tu as envie qu’on la fasse à la Sith ? souffla-t-elle. Qu’on se batte, et que la volonté du plus Fort l’emporte ?

Clic. D’un briquet jaillit une flamme dense qui illuminait les traits humains de Dana, mis sa cicatrice en valeur, éclairant ses reliefs. Une fumée volatile se dégagea, diffusant devant son faciès un flou sensuel.

-Ou tu préfères que je tente le contrôle, que tu ne te souviennes de rien. Ni du goût de ma peau, ni du son ma voix.

Elle suivit des yeux les volutes blanches qui s’échappaient de sa bouche pour s’évanouir dans l’air. Le feu ne tarissait pas. Il brûlait et avec lui, le temps brûlait aussi. Leur repas était froid.

-Ou peut-être que je devrais supplier Runà de me contrôler, que je ne me souvienne de rien.

La cigarra à peine entamée termina son existence dans son propre verre d’eau. Elle darda ses prunelles dans les siennes, comme un soldat montait au front avec son courage et son audace. Comme l’inconscient se jetait dans les bras du danger et de l’interdit.

-Mais j’ai été une Lame Rouge et je suis une Inquisitrice. Je n’ai pas envie de me dérober.

Un silence pesa sur leur discussion, laissant le chant libre au foyer qui se consumait dans l’âtre.

-Et…

Elle hésita, se sentit obligée de détourner son regard finalement pour déglutir, ravaler son amertume et sa connerie qui avait la saveur du regret, déjà.

-Je veux tenir ma promesse. Celle qui dit que Mumkin et toi, vous sortirez du Temple. Ensemble.

Si elle ne tenait pas cette simple parole, la leçon d’Artorias n’aurait servi à rien. Elle savait ce qu’on récoltait parfois, à briser ses sermons face à plus fort que soi. On récoltait des bleus sur le corps, comme si on venait de jouer dans la peinture. Elle ne défierait pas Runà, pas cette fois. Elle ne voulait pas que Lloyd peigne sur sa peau. Parce qu’elle ne souhaitait pas que cet art sordide recouvre les souvenirs. Leur étreinte sous l’ampoule chancelante, leur baiser contre le sol poisseux de slick, eux qui loupaient une marche et tombaient dans les yeux l’un de l’autre alors que tout s’embrasait autour de leur vie. Et leurs mains enlacées dans une cellule miteuse. Il y en avait tant de ces mémoires qu’elle se noyait dedans et perdait pied.

-Et si je suis pas ton genre, eh ben je suis désolée. Tu iras te plaindre aux autorités.

D’un mouvement aérien, elle dégagea sa chevelure en arrière, pour mettre en valeur sa féminité, la rondeur de ses courbes, que la chaleur du feu caressait paresseusement. Il faisait bon dans la pièce. La température y était meilleure que dans l’assiette, mais n’avoisinait pas encore celle qui ne cessait de grimper chez elle.


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Tandis qu’elle parlait, Lloyd avait reposé son verre. Il ne tenait pas en place. Il passa une main sur son visage et se leva pour faire quelques pas dans la pièce et lui tourner le dos. Elle avait raison. Pourquoi n’avait-il pas tout simplement refusé net ? Pourquoi n’avait-il pas attendu que la nuit passât ? Quelques coups supplémentaires, cela changeait-il quoique ce fût ?

Parce qu’elle vous aurait torturé jusqu’à ce que vous cédiez, lui répondit sa raison. Le hapien fit un signe négatif et alla poser son coude contre le montant de la cheminée. Il évitait son regard.

- Dana, arrête, fit-il, les yeux plongés dans l’âtre, et la chaleur envahissait ses membres, le rouge des braises jetant dans ses cheveux clairs des lueurs orangées.

Mais la Sith poursuivait. Un connard qui la sacrifiait, qui quittait une laisse pour une autre.

- Arrête, répéta-t-il un peu plus fort, mais encore une fois ce fut vain.

Il sentait la colère monter en lui et se maîtriser commençait à être difficile.

- Dis-moi, tu as envie qu’on la fasse à la Sith ? Qu’on se batte, et que la volonté du plus Fort l’emporte ?

Lloyd leva les yeux au ciel en soupirant, essaya d’ignorer la suite, puis se décida à revenir à pas lents vers la table. Mais il se raidit soudain et s’immobilisa quand il entendit le mot « promesse ». Sérieusement ? Elle aussi allait l’attaquer sur ce terrain-là ? Il la regarda faire voler ses cheveux et prit le geste pour une provocation.

Sans crier gare, Lloyd attrapa brusquement sa chaise et l’envoya valser à travers la pièce avec un cri de rage. L’objet percuta avec fracas un tableau qui tomba du mur. Le hapien fulminait mais s’empêcha de s’en prendre à autre chose. Il fit deux pas vers elle pour surplomber un instant le chandelier qui la séparait de lui.

- Qu’est-ce que tu crois ?! cria-t-il brusquement, en dardant sur Dana un regard accusateur. Tu crois vraiment que j’ai envie d’être ici ? Je t’ai suivie parce que je t’ai fait confiance pour Mumkin ! Je croyais que tu savais ce que tu faisais ! Résultat regarde le pétrin dans lequel tu nous as mis. Tu crois vraiment qu’ça me fait plaisir, hein ?!

Le hapien se détourna et se mit à faire les cent pas devant elle. Il passa devant une commode et dégomma la lampe qui y trônait d’une main rageuse. L’objet se brisa au sol et s’éteignit avec un crépitement minable.

- Tu crois qu’j’avais envie de la revoir, c’est ça ? Je t’avais dit que je voulais que vous m’oubliiez. Si c’était pour que je finisse ici privé de ma petite liberté comme tu dis, alors pourquoi t’es venue me chercher, hein ? Quelle certitude j’ai que je vais récupérer Mumkin après ça, hein ? Comme si les promesses du Clergé valaient mieux que les miennes. Tu sais très bien que non.

Il enjamba la lampe qu’il avait brisé pour aller vers le lit. Il en arracha les couvertures, vérifia sous les oreillers. Il n’y avait rien. Si seulement il trouvait quelque chose, il saurait au moins à quoi s’attendre. Il regarda sous les lampes de chevet. Contourna le lit. Vérifia derrière une autre commode avec des gestes brusques. Rien, rien et rien. Il finit par jeter la commode à terre avec fracas.

- Merde ! gronda-t-il avant de s’éloigner.

Il aurait voulu s’enfuir. Putain ce qu’il voulait être dans son vaisseau, loin de ces épreuves qui n’avaient aucun sens. Le hapien passa ses mains dans ses cheveux, comme pour extraire toute cette frustration qui s’était introduite en lui et qui l’empoisonnait. Il finit par retourner devant l’âtre et se posta là.
Il y eut un long moment de silence, où Lloyd serrait les poings, tourné vers le feu pour ne pas la voir, cette Inquisitrice de malheur. La pièce était sens dessus dessous. Seule la table et leur dîner avaient été préservés de son accès de colère. Le pire, se dit-il, c’était qu’il avait failli le lui proposer : qu’elle prît le contrôle, pour lui éviter l’humiliation. Mais il n’était plus possible de parler de ça maintenant.

- Tu rends les choses encore plus difficiles, dit-il doucement après ce long silence qui s’était installé entre eux.

Il finit par se retourner vers elle et prit une brève inspiration. Sa voix s’était calmée mais restait chargée d’amertume.

- Si tu veux je demande à retourner dans ma cellule. Je peux être prisonnier. Un peu plus, un peu moins, au point où j’en suis !

Il soutint son regard doré de son air dur. Il se demanda où était passée la complicité qu’ils avaient noué sous un pont, à peine quelques heures plus tôt. Qu’est-ce qui avait changé ? Avait-il affaire à la même Inquisitrice ? Ou bien était-ce lui qui était différent ?
Il ferma les yeux, se frotta une nouvelle fois le visage. Il n’en pouvait plus. Il faudrait pourtant tenir encore.

Lloyd soupira et alla chercher la chaise qu’il avait renversée pour la remettre debout et la positionner, non pas en face de son assiette mais entre le feu et Dana, à un mètre d’elle, de façon à pouvoir lui faire face sans obstacle entre eux. Il s’assit en posant les coudes sur les genoux et joignit les mains comme il essayait de réfléchir, courbé en avant. Il évita de regarder les cheveux qui glissait dans le cou nu, le galbe de ses seins dont la peau semblait si douce. Ce n’était pas le moment. Il se borna à baisser les yeux et posa son menton sur ses mains jointes.

- Ou alors, commença-t-il soudain d’une voix aussi calme et réfléchie que s’il n’avait jamais été en colère quelques secondes plus tôt.

C’était compliqué. Ou nul. Il ne savait pas. Fichus mots, foutue Inquisitrice, salope de maîtresse.

- Ou alors, reprit-il à voix basse, maîtrisée, tu me laisses faire. Et je te promets toute la douceur dont je suis capable.

Il déglutit, puis osa relever vers les prunelles dorés de Dana un regard prudent.

- Elle n’a pas donné de détails, précisa-t-il sur le même ton précautionneux. Ça n’a pas besoin d’être long, ça n’a pas besoin d’être violent, ça n’a pas besoin d’être douloureux.

Il resta stoïque, patient. Ses yeux émeraude considéraient la jeune femme avec le même soin qu’un démineur aurait étudié les fils d’une bombe dévastatrice.

- Ou je retourne dans ma cellule, ajouta-t-il posément. C’est comme tu veux.

Pour ce que valent mes promesses, de toute façon.
Darth Hope
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Il avait tout brisé.
Pas seulement le mobilier de la pièce mais tous les souvenirs dans lesquels elle s’était effacée. Elle avait dû mal à concevoir que les mains qui l’avaient protégée du brouillard, sous ce pont, soient en ce moment même en train de détruire tous ses efforts pour rattraper ce qu’il présentait comme de l’incompétence. Elle n’avait pas bronché, demeurant d’un stoïcisme parfait sur son siège, à l’image d’une Vénus de marbre.Des Siths enragés, qui hurlaient, frappaient, elle en avait connu. Il ne lui était jamais venu à l’esprit que Lloyd puisse être l’un d’eux. Elle en avait affronté des colères. Celles de son propre paternel, d’Orcus, de Tiamat, de Khorog. À croire qu’ils détenaient la Vérité parce qu’ils élevaient simplement la voix. Au fur et à mesure, elle avait appris à encaisser la violence des cris et celle des dégâts qu’ils fussent matériels ou humain.

J’ai pas assuré, c’est vrai, songea-t-elle avec une certaine maturité. Mais j’ai tout fait pour rattraper mes conneries. J’ai fait mon possible.

Mais le lui dire aurait été vain, inutile et indigne d’une Sith. Que pouvait-elle espérer d’une telle détresse ? Il lui fallait bien absorber cette vindicte et laisser la fureur de Lloyd se cristalliser autour d’elle. Il fallait bien, aussi, sombrer dans ce gouffre de solitude comme à chaque fois qu’on tentait de prendre l’ascendant sur elle par la violence. Se remémorer qu’elle était seule, qu’elle n’avait nulle part où aller. Aucun bras dans lesquels se réfugier. Aucune chaleur contre laquelle se blottir. Elle s’interrogeait alors que le fracas se poursuivait. Qu’il éructait autour d’elle. Elle mesurait l’étendue des dégâts. Jusqu’à quelle profondeur elle avait laissé Lloyd Hope s’enfoncer dans son existence. De toutes les sales décisions qu’elle avait prises, combien devait-elle imputer à la seule influence du blond.

Il fallait choisir l’oubli, visiblement. Débrancher les écrans comme dans le poste de sécurité, effacer les données. Une goutte dans un océan de vie, mais une goutte empoisonnée. Un concentré d’acidité brûlant.



Le feu riait en léchant les bûches qui le nourrissait. Et Dana conservait son regard bas.

-Je ne comptais pas résister. Je comptais te laisser faire.

Le ton était maîtrisé. Et l’effort était rude tant sa gorge se nouait sous les assauts de sanglots misérables qu’elle refoulait avec douleur.

-Mais j’ai compris. J’ai eu tort. Et tu as fait le mauvais choix ce soir.

Elle se releva avec dignité, aussi raide que le bois.

-Tu vas retourner dans ta cellule. Darth Runà finira pas se lasser et te faire libérer, sans doute. Elle ne tient pas à se mettre le Castellan Noir à dos. Mais, elle considérera que je dois être punie. Kedrod te remplacera. Je t’oublierai, t’en fais pas. J’espère que Kedrod me fera regretter de pas avoir oublié plus tôt.

Elle n’avait pas dormi et elle était fatiguée. Et elle avait rendu les armes. Elle ne possédait plus qu’un torchon blanc, qu’elle faisait pauvrement battre au vent. Dans ces moments-là, il fallait se résigner et faire le dos rond. Elle s’adressai ensuite à la pièce, plus généralement comme si des dizaines de paires d’yeux les observaient.

-Vous avez entendu ?! Lloyd Hope retourne dans sa cellule.

Bip, bip.

Au fin du couloir, un verrou céda. Un courant d’air les taquina, glaçant le feu dans l’âtre.

Raccompagne-le. Et remonte ensuite.

La voix de Runà avait résonné dans son esprit éreinté et solitaire, comme la cloche d’un temple annonçait un sacrifice.

Elle ouvrit la marche, comme si c’était elle qui présidait la cérémonie, alors qu’elle savait pertinemment que c’était elle lair chair qu’on offrirait sur l’autel pour apaiser la colère de quelques dieux. Les cicatrices présentes sur son corps allaient devoir se serrer un peu pour en accueillir de nouvelles. Et c’était tant mieux si ce n’était pas Lloyd qui signait cette œuvre macabre.






Le turbolift se stoppa net et ses portes s’ouvrirent avec précaution au premier niveau des geôles inquisitoriales du Temple. En descendant, ils croisèrent l’ombre de Kedrod qui, lui, remontait. Comme elle remonterait plus tard. Elle ignora son sourire carnassier et ses yeux noirs. Mais il ne dit rien, il n’y avait rien à dire. C’était la somme juste des choses. Le geôlier arriva, flanqué de son droïde de sécurité.

-Je l’escorte jusqu’à sa cellule.
-Eh ben, fallait pas, Dame. Je veux dire, une Inquisitrice de votre rang devrait pas faire ça, je m’en serai chargé avec plaisir.

Silence.

-Ahem, par ici.

Un grésillement sinistre annonça que le champ magnétique des barreaux s’était désactivé. Le devaronien poussa sans ménagement Lloyd dans la cellule. Il s’apprêtait à reformer le champ.

Dana eut un sursaut.
Une enjambée plus tard, elle avait rejoint Hope dans le minuscule endroit et la grille s’activait sous le regard ébahi du geôlier.

-Euh Dame ? Pardon, j’ai failli vous griller je pensais pas que…
-Je t’appellerai, après, le congédia-t-elle d’une voix décidée sans quitter le blond du regard.

Il y avait eu comme une tempête soudaine en elle. Qui avait balayé la résignation, à la dernière minute. Le geôlier ne se risqua pas à contrarier la sith et repartit d’où il était venu, suivi par les bips étranges de son robot. Le silence réclama ses droits, seulement brusqué par le cœur battant de l’Inquisitrice. Elle avait l’impression d’être au bord d’une falaise, qu’elle allait chuter d’un moment à l’autre.







Et elle bascula.




Contre les lèvres du hapien dont elle reconnut la texture familière, le goût singulier. Elle se risqua à se perdre dans sa chute et pressa son corps au sien, comme si elle se fracassait au sol. Il n’y avait que la lueur des barreaux pour les éclairer. Il n’y avait que le souffle de Shar qui emplissait l’air de ces minuscules mètres carrés, alors qu’elle s’abreuvait d’oxygène à même la bouche du sith. Une de ses mains s’était égarée dans sa tignasse blonde. L’autre s’appliquait dans une tentative pour défaire la veste qu’il portait.

Elle n’avait pas envie de prononcer son nom par inadvertance en compagnie de Kedrod.

Elle avait envie qu’il soit doux et passionné à la fois.

Elle avait envie de défier Runà.

-Si tu ne veux pas, souffla-t-elle alors qu’elle détachait lentement ses lippes des siennes’ sans rompre le contact entre leurs deux corps. Le sien était fiévreux, légèrement tremblant. Alors tue-moi. Parce que je ne veux pas remonter, Lloyd.






Lloyd Hope
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Dans la chambre au feu crépitant, le visage de Lloyd se décomposa à mesure que Dana parlait. Il resta muet, la bouche entrouverte, à la dévisager, stupéfait.

Ainsi donc, j’ai l’air si pathétique qu’elle préfère la violence de Kedrod.

Il lui semblait qu’elle lui avait planté un pieu dans le cœur. Il referma la bouche et se laissa aller contre le dossier de son siège, sans pouvoir quitter des yeux les lèvres pincées de Dana, les prunelles dorées et humides de Dana, le galbe des seins de Dana, les mains élégantes de Dana, le menton tremblant de Dana. La cicatrice qui barrait la bouche de Dana et sur lequel il avait posé un doigt. Le pire connard, un putain d’hypocrite. Il avait cru qu’elle disait ça seulement sous le coup de la colère contre son maître. Mais non, donc, elle le pensait vraiment.

Il se leva quelques secondes après elle, aussi raide qu’un droïde, aussi vide qu’un fantôme, tandis que la porte s’ouvrait sur le corridor. Il suivait Dana. Il ne comprenait rien à Dana. Il avait mal à la hanche, mais il avait un trou dans la poitrine. Il avait cru qu’il s’était rapproché d’elle seulement sous le coup de la faiblesse de son caractère. Mais non, donc, il la désirait vraiment.

Leurs deux silhouettes silencieuses croisèrent Kedrod. Le hapien ne réagit pas. Pourquoi faire ? Le zabrak gagnerait à la fin. Il était sur son territoire. Il marchait dans ces couloirs du même pas conquérant avec lequel il entrerait en elle.

Lloyd essaya de rassembler quelque chose dans le turbolift. Du courage. Peut-être des mots, n’importe quoi. Mais elle évitait son regard. Voulait-elle vraiment cela ? Elle le voulait plus qu’elle ne le voulait lui, en tous cas. Pourtant, ces baisers. Ces fois où il était tombé brusquement dans ses yeux. Il avait cru… Non, il s’était fait des idées. Comme d’habitude. Comme le pauvre con qu’il était.

-------

-------

-------Quand il fut poussé à l’intérieur de la cellule, il avait renoncé à dire quoi que ce fût. Résigné. Il se retourna pour lui faire face, comme pour essayer de capter dans le regard de Dana ce qui l’animait vraiment. Il voulait savoir si une partie d’elle désirait Kedrod, ou si c’était tout simplement le dégoût de lui qui avait vaincu en elle.

Mais l’Inquisitrice se jeta dans la cellule au dernier moment et il la regarda sans comprendre.

L’instant suivant, elle basculait contre lui et le corps de Lloyd réagit avant son cerveau. Ses bras se refermèrent sur elle, ses lèvres répondirent à son baiser avide. Il pressa son corps contre le sien en réponse à cet assaut et resta un bref moment silencieux. Il ne savait quoi répondre à cette déclaration et il resta un moment à la regarder dans les yeux après leur baiser, mais son cœur bondissait de soulagement dans sa poitrine. Elle ne voulait pas remonter. Ses bras n’allaient pas la relâcher de toute façon.

- Je veux pas qu’tu remontes non plus, souffla-t-il.

L’une des mains du hapien remonta vers la gorge, le cou de Dana puis attrapa son menton comme s’il avait eu peur qu’elle ne veuille plus le regarder.

- Pourquoi tu as fait ça, Dana ? Pourquoi tu as fait ça, répéta-t-il avec une pointe de désespoir. J’suis un con mais j’suis pas une bête. Kedrod. Sérieusement ?

Ils restèrent un moment silencieux et Lloyd attira doucement Dana vers le banc de métal, où il s’assit sans la quitter des yeux, ni sans lâcher sa taille étroite qu’un voile clair dissimulait encore. Il la fit venir à lui pour qu’elle s’installât à califourchon, comme elle l’avait fait dans une autre cellule, et il ne pouvait la quitter de son regard grave encore un peu froncé d’incompréhension.

- Pas mon genre. T’es dingue, murmura-t-il.

Sa respiration s’était accélérée tandis qu’il repoussait doucement les cheveux de Dana derrière son épaule, avant de faire courir ses doigts vers son visage de nouveau. Il caressa un bref instant la lèvre marquée de Dana, son index suivant la marque de sa cicatrice, avant que sa main ne descendît un peu plus bas. Il effleura sa gorge et, un peu plus bas, la peau de ses seins qui frémissaient, aussi doux que ses lèvres.

- C’est parce que t’es mon genre que j’aurais aimé que tu le veuilles vraiment, tu vois ? Et qu’ça se fasse pas contre toi.

Mais il savait qu’il ne servait à rien de parler. Il avait peur de le faire pour rien. Que cela ne fût pas suffisant pour Runà et qu’elle dût remonter quand même. Que Dana regrette de s'être offerte à lui. Mais pour le moment elle le lui demandait.

Soudain son corps n’y tint plus. Il l’attira à lui pour l’embrasser avec fièvre, ses lèvres se pressant contre le rouge-à-lèvre, sa langue s’instillant dans sa bouche tandis que ses mains parcouraient son corps. L’une d’entre elles attrapa le bas de la robe pour la remonter sur sa cuisse et le tissu nacré dévoila l’une des jambes qu’il avait déjà parcouru d’une main pensive. Ses doigts caressèrent la peau pour remonter jusqu’au galbe de sa croupe et il en profita pour la ramener plus haut sur lui encore. Bassin contre bassin, il réajustait sa prise.
Cette fois le visage de Dana le surplombait et il fit glisser ses lèvres dans le cou de la jeune femme, puis plus bas tandis qu’une main partait recueillir ce sein qui s’échappait du bustier et auquel il ne pouvait s’empêcher de penser, obsessivement.

Il faisait chaud et Dana glissait ses doigts sous son tshirt. Il se hâta de le retirer et pressa de nouveau Dana contre lui. Sa peau nue réclamait celle, chaude et frissonnante, de l’Inquisitrice. Il fit une pause, se mordant la lèvre inférieure, le regard levé vers le visage aussi essoufflé que le sien, tentant de capter son regard. Il n’y avait rien à dire. Il y avait tant à dire. Il n’avait pas les mots. Ses mains, ses lèvres, son corps parlerait pour lui et il espérait qu’elle comprendrait. Il aurait voulu que ces jambes le tinssent pour toujours prisonnier ainsi.







Ces jambes qui avaient découpé la nuit.

Qui avaient découpé son âme.
Darth Hope
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Les cris des prisonniers qui réclamaient grâce, pitance, liberté, couvraient la symphonie des geignements transits. Il y avait l’Obscurité et il y avait la chaleur électrisante.

A quel instant avait-elle perdu le contrôle, pour que dérape sa conscience ? Quand avait-elle laissé la faille devenir une abysse sans fond ? Pourquoi la glace se reformait-elle toujours plus fragile ?

- Pourquoi tu as fait ça, Dana ?
- Pas mon genre. T’es dingue.


La couleur de cheveux, ce n’était pas seule chose qu’elle adorait. Sa voix également, elle s’en rendait seulement compte. Elle aurait voulu qu’il continue de parler, qu’il lui raconte à quel point elle était son genre. Elle en avait besoin pour se saouler. Plus de slick, plus de vin, plus de vinsha. Elle sentait leurs corps se percuter comme deux objets que la gravité écrasait.

-Ouais, me laisse pas remonter, souffla-t-elle dans un gémissement qui n’était plus du tout maîtrisé. J’ai fait ça…pour que tu ne me laisses jamais remonter.

Ni chez Raidun, ni chez Kedrod, ok ?

Et elle se retrouva sur ses genoux, une position qu’elle connaissait tant et qu’elle avait appris à apprivoiser. Et les doigts de Hope qui labouraient son derme de caresses la rendaient folle. Quelque part, la Sith en elle crie au supplice, la supplie vainement de revenir à la raison. Mais sa raison venait de décéder. Elle tira plus fort sur la tignasse blonde, parce qu’elle voulait encore entendre sa voix, fusse-t-elle un simple râle. Et la seconde suivante, elle exigeait le silence, absorbait le souffle hapien dans un baiser affamé, laissait leurs bouches se chahuter, leurs langues prendre feu l’une contre l’autre. Jusqu’où allait-elle le laisser aller ?




.


Quel goût avait-elle ? Celui du danger ? Celui de l’interdit ? Celui du triomphe ? Pensait-il seulement aux mises en garde Runà ? Et elle, songeait-elle seulement à ce qui arriverait quand elle remonterait. Mais elle ne remonterait pas car il avait tenu sa promesse, il avait usé de toute la douceur dont il était capable, mais elle en voulait davantage. C’était l’avidité sith. D’aussi loin qu’elle souvenait, elle n’avait jamais autant désiré et ses yeux brillaient, se corrompant davantage, contemplant le Côté Obscur qui avait revêtu audacieusement les traits de Lloyd Hope.









Je veux être à toi.

Fais-moi encore tienne.

Juste une minute.

Et une autre minute.

Il n’eût bientôt plus que les rumeurs de leurs râles, l’odeur de leurs sueurs mêlées, la symphonie de leur fusion, le faible halo des barreaux qui témoignaient de leurs muscles débridés. Et la Force qui s’insinuaient en eux et entremêlaient leurs âmes égarées. Le crépitement du champ magnétique, le fond sonore des prisonniers agonisants n’y changeaient rien. Leur passion se déversait dans l’air, fuitait…aussi inspide et empoisonnée qu’un gaz invisible.

Le dévaronien qui gardait ce niveau-là des geôles dressa subitement l’oreille quand il crut percevoir un cri féminin, qui provenait du fond. Il se racla la gorge et reporta son attention sur la liste des détenus qui défilait sur son datapad, lorsqu’un nouveau bruit percuta son attention. Il toussota, incertain et secoua la tête. Il devait rêver. Il n’y avait pas de femmes dans les prisonniers. A part l’Inquisitrice qui s’était sciemment enfermée dans une cellule. Autre raclement de gorge embarrassé. Ce n’était pas ses affaires. Valait mieux pas se mêler des affaires des siths. Lui il était payé pour surveiller les geôles, il était là pour la logistique, pas pour philosopher. Les Purificateurs se chargeaient du reste, de la danse incessantes des tortures, des interrogatoires, du sort de l’un ou de l’autre. Et en général, il évitait de les regarder dans les yeux.

Enfin, il y eût un silence quasi-parfait. Les hallucinations auditives avaient cessé de lui jouer des tours.



Ting.

Les portes du turbolift cédèrent et une silhouette blanche s’en extirpa. Le géôlier se prosterna immédiatement, peu désireux de croiser le visage sans regard de Darth Runà. Elle était accompagnée, mais il ne vit que les jambes de ce « visiteur ». Il s’empressa d’oublier. C’était pas bon les geôliers qui en savaient trop. Lui, il savait rien. Il savait rien des cris qu’il avait entendu en provenance de la cellule du blond à la belle gueule. Il avait rien entendu, en fait.

Mais elle, dont l’ouïe était surdeveloppée, comme ses autres sens, elle n’entendait que ça. Les respirations saccadées qui s’essoufflaient dans un repos timide. Elle sentait les parfums de Hope et de Shar. Ils ne formaient qu’une seule et même odeur qui empestait tout le niveau. Elle secoua la tête. Ils purent écouter, ses talons claquer contre le dallage, se rapprocher dangereusement. Dana reconnut le pas familier de sa maîtresse, alors qu’elle était échouée, dénudée contre le corps athlétique du hapien dont elle savourait les battements de cœur. Leurs vêtements tapissaient encore le sol de la cellule. Elle avait gardé sa main dans ses cheveux blond. Runà se rapprochait. Elle devait faire quelque chose, tenter au moins. Mais à quoi cela servirait-il de nier ?

-Lloyd, dit-elle, tout bas, chuchotant à son oreille tandis que ses doigts battaient la mesure d’une caresse dans la tignasse claire. C’était toi le capitaine sur l’Egide. Avec la couleur de cheveux que j’aimais bien.

Absurde.

Mais vrai.

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