Lloyd Hope
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- Lâchez-moi ! Lach… Ah !

L’un des officiers venait d’assener à Mumkin un coup de poing sur la mâchoire qui lui avait fait cracher du sang, tandis que deux autres uniformes le tenaient fermement, bras pliés en arrière. Ils le forcèrent à s’agenouiller à même le tarmac, profitant de l’hébétement momentané du dévaronien. Autour d’eux, les voyageurs, techniciens, pilotes, tout ce petit monde continuait son affaire sans jeter un œil sur le Sans Visage, comme si la scène qui se produisait là n’avait rien d’original. Chacun vaquait à ses occupations pendant que Mumkin gémissait sa douleur et son incompréhension.

- Ta gueule. Les aliens dans ton genre n’ont pas leur mot à dire dans une opération impériale, siffla l’humain au teint grisâtre, son képi ne masquant pas le bandeau noir qui cachait l’un de ses yeux perdus dans une vieille bataille. Kséri, Moonkirt, fouillez-moi la soute. Sortez toutes les caisses, je veux que l’on fasse un inventaire détaillé et je suis sûr que l’on va trouver des choses intéressantes. Jessie, profites-en pour contrôler la validité technique de l’appareil.

Trois autres uniformes acquiescèrent et rompirent le rang pour s’engouffrer par la passerelle, sans discuter les ordres de Miinark, dont l’autorité sur son équipe était parfaite.

- Y’a erreur, tenta encore bravement Mumkin. C’est la navette personnelle d’un Sith. Lloyd Hope. L’apprenti du Castellan Noir !
- Bien sûr. Et ta sœur, c’est la putain du Seigneur Varnak, c’est ça ?

Ceux qui tenaient le dévaronien s’esclaffèrent et l’un d’eux lui envoya un coup de coude dans la nuque pour qu’il se penchât plus bas. Mumkin marmonna des injures à voix basse.
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Avant d'aller plus loin, faisons connaissance avec la petite équipe des Renseignements qui a été mise sur cette affaire...

[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]

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-------- Bienvenue à l’astroport de Kaas City, capitale de la planète Dromund Kaas. Veuillez vous présenter au guichet de contrôle des identités. Nous vous souhaitons un agréable séjour.

Lloyd dépassa le droïde qui annonçait son message en boucle pour sortir de la navette. Après les quelques jours qu’il venait de passer sur l’Egide, son humeur était plutôt massacrante et quand il déposa avec brutalité son laissez-passer sous le nez de l’officier en charge du contrôle d’identité, celui-ci sursauta sur son siège. A la mention de Sith, le jeune soldat kaasi lui indiqua avec empressement que tout était en règle et il put repartir en hâtant le pas vers le quai 235 – celui du Sans Visage.
Plus vite il se casserait de cette planète, plus vite il y aurait la plus grande distance possible entre cette foutue Inquisitrice et lui, et il pourrait enfin dire adieu aux emmerdes, humiliations et autres joyeusetés que Dana avait apporté dans sa vie. Depuis, la nuit était très avancée et comme toujours, il n’avait guère pu trouver le repos en dehors de la cabine de son vaisseau personnel, et il ne désirait donc rien d’autre que de retrouver sa couchette et qu’on l’y laissât tranquille pour des heures.

A cette heure de la nuit, le quai 235 était vide. Les bottes du hapien claquaient en résonnant tandis qu’il suivait les pointillés lumineux le long du tarmac. Un projecteur illuminait les vaisseaux disposés là, et il n’eut aucun mal à reconnaître la forme trapue du Sans Visage. Sa poubelle volante.
Comme l’on voyait de l’extérieur le cockpit plongé dans l’obscurité, Lloyd en déduisit que Mumkin n’était pas là. Anticipant déjà la contrariété de ne pouvoir rentrer, il alla tambouriner contre la passerelle close, avec l’espoir que le dévaronien fut endormi dans sa cabine et viendrait lui ouvrir, puisqu’il n’avait toujours pas eu le temps de faire un double des cartes de déverrouillage de l’appareil.

- Mum ! C’est moi, ouvre. Mumkin ?

La passerelle se déverrouilla beaucoup plus vite qu’il s’y était attendu, dans un sifflement caractéristique de la dépressurisation. Mais pour une fois que le dévaronien était réactif, il n’allait pas se plaindre.

Il réalisa que quelque chose n’allait pas dès qu’il posa un pied sur la passerelle, mais il était trop tard : trois canons de blaster s’étaient dressés devant lui. Il fit volte-face : cinq autres officiers arrivaient au pas de course, toutes armes dehors. Lloyd leva les mains en fronçant les sourcils : il reconnaissait les uniformes impériaux.

- Qu’est-ce qui vous prend ?
- Vous êtes en état d’arrestation !
- Quoi ?! Où est Mumkin ?
- Nous ne répondrons pas à vos questions. Veuillez coopérer, décréta l’officier Miinark, qui était beaucoup moins à l’aise que quelques heures plus tôt, face au dévaronien.
- Non, c’est mon pilote, je veux savoir.
- Il a coopéré, il est détenu.
- Quoi ? Où ça ? Ah, il a fait une connerie, c’est ça ?
- Nous ne répondrons pas à vos questions, s’entêta l’officier en agitant le bout de son blaster, comme pour rappeler au hapien qu’il était menacé.

Ce dernier ignora les armes pointées sur lui et sortit son laissez-passer de sa veste.

- Attendez, vous êtes en train de commettre une terrible erreur. Je suis au service direct du Conseil Noir, tenez.

Il tendit son feuillet à l’homme, qui s’approcha d’un pas pour attraper le laissez-passer. Il y jeta à peine un regard avant de le replier et le ranger dans sa propre veste, sous le regard ahuri du hapien.

- Ce n’est pas un document valable. Ce ne sont pas des vrais papiers d’identité.
- Quoi ? Non, je les ai perdus, c’est pour ça que j’ai un…
- Monsieur Hope, ou peu importe votre véritable nom : nous ne pourrons pas régler cela sur un quai d’astroport. Votre pilote est détenu. Votre marchandise a été confisquée.
- Quoi ? Quelle marchandise ?
- Veuillez coopérer.

Lloyd resta interdit. Il aurait pu utiliser la Force. Mais pourquoi faire ? Il ne pouvait pas laisser Mumkin derrière lui. Lloyd soupira bruyamment.

- Très bien, je vous suis.
- Vos armes.

Le hapien se mordit la lèvre, puis décrocha son sabre laser et son blaster de sa ceinture. L’un des uniformes se jeta presque sur lui pour les lui arracher tandis que deux autres attrapèrent ses poignets pour les lui lier dans le dos. Lloyd fixait Miinark d’un œil mauvais.

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-------Veda, jeune sous-lieutenante à la mine malicieuse et pleine d’ambition, fit le tour du bureau du capitaine Zal après avoir nonchalamment déposé sur celui-ci un datapad allumé. Ce dernier, les cheveux grisonnants malgré son âge peu avancé – il dépassait à peine la quarantaine – la suivit du regard, non sans un sourire en coin. Depuis qu’il travaillait avec la sous-lieutenante Myn, celle-ci n’avait cessé de le provoquer en attitudes peu professionnelles. Mais ses résultats étaient particulièrement satisfaisants : quand on lui donnait un profil sur lequel monter un dossier à partir de pièces plus ou moins convaincantes, elle était la meilleure. On inculpait quasiment qui on voulait quand Veda Myn passait par là.

- C’est la liste des non-conformités, dit celle-ci comme si c’était une évidence, avant de s’asseoir sur le dossier du fauteuil en face du bureau, bras croisés sur la poitrine dans une posture de satisfaction évidente.

Le bureau était quelque peu sordide. Le capitaine Zal n’avait pas eu le temps de se l’approprier ; pour la simple et bonne raison que ses fonctions l’amenaient à changer constamment de bureau, aux quatre coins de Dromund Kaas. C’était comme cela, quand on travaillait pour les renseignements. Et aujourd’hui, il était sur un gros poisson. Peut-être un peu trop gros pour lui : il fallait sans méfier. C’était la première fois qu’on lui demandait expressément de cueillir un Sith et même si jusque-là, Hope s’était soumis à la procédure, il savait qu’on ne s’en prenait pas à ce genre d’individus sans craindre des représailles plus ou moins directes. Ce qui le gênait le plus, cependant, c’était le flou artistique dans lequel on lui avait confié cette mission. Quelqu’un avait voulu coincer ce Sith, et on l’avait chargé de trouver des raisons. On avait ajouté à cette demande qu’il n’était pas question que Hope pût ressortir rapidement sans être inquiété. Il fallait donc qu’ils trouvassent absolument des preuves à charge, de quelque nature que ce soit. Evidemment, pour ce genre de demande trouble, il n’avait pas hésité à faire appel à Myn.

Zal écrasa sa cigarra dans un cendrier, une volute étroite de fumée s’élevant nonchalamment entre lui et la sous-lieutenante, avant de consentir à se pencher sur le datapad.

Code:
Articles de contrebande :
•   4 casquettes de propagande anti-impériale (provenance ?)
•   8 briquets de propagande anti-impériale (provenance ?)
•   12 bouteilles de whisky corellien (provenance présumée : marché noir)

Articles réglementés :
•   12 bidons de 5 litres d’huile slick (alcaloïde de classe II)

Matériel non conforme :
•   Hyperpropulseur arrière droit modifié sans déclaration préalable
•   Bloc matricule impérial alternatif non déclaré
•   Réacteur principal débridé 2500MW
•   Traceur impérial modifié sans déclaration [8 modifications enregistrées non déclarées]

Articles suspects :
•   Blocs de données contenant des informations sensibles (identités personnelles d’agents impériaux ou de seigneurs Sith) [en cours d’analyse]
•   Blocs de données contenant des vidéos prises à l’intérieur d’appareils militaires [en cours d’analyse]

Autres non-conformités :
•   Absence de documents d’identité officiel (suspicion d’usurpation d’identité)

Un sourire avait fendu le visage de Zal au fil de sa lecture.

- C’est une sacrée liste, commenta-t-il.
- Je veux, minauda Myn. Jessie veut y retourner demain. Elle pense qu’elle peut trouver des choses sur les effacements du traceur.
- Je ne pense pas que ce sera nécessaire, mais ça peut toujours servir. C’est quoi, ces trucs de propagande ?
- Des objets à l’effigie d’Aarona Klova, une chanteuse anti-impériale. Bon, franchement, c’est pas vraiment ça qui fait tomber un Sith. Cette quantité folle d'alcaloïde par contre, c’est suspect, comme le traceur et les modifications de l’appareil.
- Et les données ?
- Il y en a des centaines de milliers. Soit ces types enregistrent beaucoup de choses par mesure de précaution, mais alors ils sont sacrément paranos, soit ils récoltent de l’information pour quelqu’un.

Myn avait insisté sur le dernier mot. Zal releva son regard d’un bleu perçant, interpelé par les soupçons de la sous-lieutenante.

- Je peux faire l’interrogatoire ? S’il vous plaît.
- Non.

La sous-lieutenante lâcha un juron.

- Mon capitaine, je veux pouvoir être promue. Avoir interrogé un Sith, ce serait…
- Dangereux, Veda, croyez-moi. Un Sith ne s’interroge pas comme ça : il pourrait vous manipuler trop facilement. Sans prendre à votre vie sans même avoir à lever le petit doigt. Non : dans quelques minutes, une personne va arriver, spécialement pour ça.
- Pfff… Et qu’est-ce que cette personne a de plus que moi ?

Zal reprit sa cigarra et en tira une bouffée, avant de souffler la fumée entre eux deux.

- C’est elle-même une Sith, voilà tout.

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-------La cellule dans laquelle Lloyd avait été placé ne contenait rien, sinon une table et deux chaises positionnées l’une en face de l’autre, et une ampoule qui se balançait doucement baignait l’endroit d’une lumière blanche. Les murs gris ne possédaient aucune fenêtre, seule une porte blindée l’isolait du reste du monde. Le hapien avait les mains nouées dans le dos, les menottes elles-mêmes verrouillées autour de l’un des barreaux de chaise. L’équipe qui s’était chargée de l’embarquer avait trouvé bon de lui retirer sa veste, aussi ses bras nus exposaient quelques cicatrices et surtout, sur son bras droit, une tâche circulaire violacée au niveau de la pliure interne du membre. Lloyd gardait la tête baissée, dans l’espoir vain d’éviter cette lumière trop fort qui lui faisait mal aux yeux. Ça, son mal de tête offert par le whisky et sa joue sur laquelle se consumaient toujours les restes de son amour-propre étaient tout ce qu’il avait rapporté de l’Egide.

Il était en train de se jurer qu'il allait faire rendre des comptes aux connards qui essayaient de l'atteindre quand la porte s'ouvrit.

Lloyd releva la tête pour voir qui entrer. Il écarquilla les yeux. Il ne pouvait pas y croire.
Darth Hope
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-Dana Shar, purificatrice. J’aimerais accéder au dossier de Lloyd Hope.

Le Prêtre qui avait reçu Dana dans la salle des archives du Grand Temple leva sur elle un regard circonspect. C’était un Umbaran à la moue indéchiffrable derrière ses verres noirs. Il possédait un crâne dégarni qui indiquait un âge mûr et sa toge sombre lui conférait des airs sévères. Par-dessus ses lunettes, il détaillait l’Inquisitrice, alternant entre sa figure maquillée, trop à son goût et son décolleté plongeant, trop à son goût aussi. Étaient-ils dans un Temple sith ou une cantina dépravée ? Elle croisa les bras et le toisa avec une impatience évidente.

-Inquisitrice Shar. Avez-vous un ordre de mission ?

Elle ne répondit, pas, attendant toujours.

-Inquisitrice Shar, avez-vous…

Elle se pencha brutalement par-dessus le bureau et attrapa le prêtre par le collet. Il étouffa un gémissement d’inconfort, stupéfait par l’agressivité de la purificatrice.

-Je n’ai pas besoin d’un putain d’ordre de mission, prêtre Dayen. Donne-moi ce foutu dossier.

Progressivement, la poigne autour du col se desserrait. Dayen avisa la pique-laser sombre qui pendait à la cuisse nue de la brune et réprima un frisson d’horreur. Il ajusta sa toge, se redonnant un semblant de dignité, et dirigea ses mains vers les commandes de son terminal de travail. Shar décrivit les ombres que les écrans holographiques creusaient sur le faciès pâle de l’homme.

-Hope, Lloyd ?
-Sith et Capitaine, Marine Impériale
-Je vois. Navré Inquisitrice. (Il se racla la gorge, anticipant déjà la colère de la Sith.) ce dossier n’est accessible qu’aux Maîtres Inquisiteurs et au-delà. Mais…si je puis faire autre chose pour vous…
-Cherche-moi un dossier au nom de Mat’aenna, c’est une Twi’Lek. Je veux les deux dossiers.

Elle ploya dans un mouvement félin, pour se pencher à nouveau vers lui, un rictus moqueur accroché à la charnure de ses lèvres colorées. Ses doigts glissèrent contre la tunique noire, effleurèrent le collet avec une douceur glaciale. Quand elle referma ses doigts contre la gorge de Dayen, la Force avait déjà vibré autour d’eux, laissant place à un vide froid et obscur. Elle planta ses prunelles dorées par-delà les verres fumés et s’arrogea le droit de plonger dans le regard surpris de l’umbaran. C’était aussi galvanisant que conquérir une forteresse assiégée dont les ressources s’épuisaient. L’esprit du prêtre n’eût bientôt plus de secret pour elle.

-Donne-moi ces dossiers, sur deux datapads différents.
-Oui.

Elle le relâcha avec précaution comme si elle craignait de rompre trop vite le contrôle qu’elle exerçait sur sa psyché. Les doigts blancs activèrent diverses commandes, plusieurs moniteurs holographiques firent défiler une série de données. Shar se laissa tomber sur un siège propre, déjà vampirisée par l’exercice ardue qu’était l’utilisation de la Sorcellerie Sith. Elle aurait aimé être plus douée, à l’instar d’une Runà dont la sorcellerie demeurait la spécialité. Le Côté Obscur avait béni son Maître de ce don que la Force lui refusait et qu’elle apprenait péniblement. La miraluka semblait persuadée de la capacité de son élève à maîtriser ce domaine. Elle fit sauter une cigarra de son paquet, ne quittant pas le prêtre des yeux, toujours connectée à la Force. Ses lèvres pincèrent le filtre et elle embrassa son péché d’un simple clic de briquet. Elle sentait le lien avec Dayen s’effriter jusqu’à partir en fumée comme les toxines de sa cigarette. Elle soupira de soulagement, récupérant un peu de cette énergie qu’elle avait investi en lui.

Il cligna des yeux alors qu’elle lui arrachait des mains deux datapads flambants neuf.

-In..quisitrice Shar….
-Merci, prêtre Dayen, déclara-t-elle en fourant les appareils dans l’une de ses cuissardes montantes. D’un geste assuré, elle envoya sa chevelure ténébreuse valser dans son dos et quitta la pièce.







A l’arrière d’un landspeeder gracieusement prêté par le Clergé de la Purification, elle avait croisé ses jambes et sa figure sensuelle reflétait les données qui défilaient à l’écran. Son bras pendait nonchalamment à l’extérieur, appuyé sur la vitre ouverte, laissant la fumée de sa cigarette se dissiper dans l’air frais de Kaas City. Non loin, un soldat de l’Inquisition veillait à la tranquillité de la prêtresse. Le datapad qu’elle consultait était connecté en temps réel à la base de données des autorités. Peu de nouvelles informations avaient émergé dans le dossier de Hope. Et elle crispait toujours autant ses doigts de contrariété en relisant la mention de « déserteur » qui pesait lourd dans son passif. Sale traître. Une diode rouge éclata dans un coin du verre technologique. Elle consulta la nouvelle entrée. Et ses traits habituellement placides se décomposèrent.






-Veux-tu y aller pour l’enfoncer ou le sauver, sourit Runà en tournant lentement autour du siège où son apprentie était installée, aussi raide qu’un bout de bois.
-A votre avis, cracha-t-elle.
-J’ai tellement peur que tu me déçoives encore. Et cette requête désespérée de te porter sur cette affaire. Hope est aux mains des renseignements.
-Et nous avons vu ce que ça donnait quand les renseignements passaient avant nous, répliqua-t-elle, la mine mauvaise.
-Tu as fouiné dans son dossier alors que tu n’es ni habilité pour cela, et que tu n'as pas eu ma permission. Tu m’impressionnes, mais pas forcément dans le bon sens.

Dana ne disait rien et son Maître poursuivait son étrange ballet autour d’elle. De temps à autre une main maternelle frôlait l’épaule de la Sith ou caressait ses cheveux de jais. La miraluka était pensive. Se risquerait-elle à appuyer la demande de Dana auprès des Renseignements ?

-Tu sais ce qui adviendra si jamais je te prends encore à me décevoir, ma chère enfant.
-J’avais compris la leçon.

Le grand lit défait. Shar dévia sa figure pour cacher son expression contrariée.

-C’est ta dernière chance de me prouver à qui va vraiment ton affection.
-Certainement pas à lui.

Ni à vous.

Runà se posta face à elle. Elle empoigna le menton de sa protégée entre ses doigts fins. Dana eût un mouvement de recul.

-Si tu me mens, je le saurais.
-Vous le savez déjà.







-Dame Shar, salua cordialement le capitaine Zal. Je suis l’officier Ykis Zal, en charge de l’opération qui vous concerne ce soir. Il est rare que l’Inquisition accepte de collaborer avec les Renseignements. Voici le sous-lieutenant Veda Myn.

Elle digérait à peine ces nouveaux noms, dans une antichambre glaciale au fin fond d’un poste secret dédié à l’activité des renseignements. Elle venait de traverser toute la ville en landspeeder et ce trajet interminable avait fini de mettre ses nerfs à rude épreuve. Elle avait la bouche sèche et ses cils irréguliers et fournis occultaient mal son regard excédé.

-Où est-il ?
-Vous a-t-on expliqué la situation ? reprit-il en lui présentant un datapad. Il est propriété d’un vaisseau nommé le Sans-Visage. Que nous avons contrôlé.
-C’est pas très joli-joli, souffla Veda avec un soupçon d’arrogance.
-Comme ta tête, la prochaine fois que tu t’exprimeras en ma présence sans un putain d’accord.

Elle était à cran. Le reproche figea les figures de Veda et son supérieur. Ce dernier fit un signe discret au sous-lieutenant de disposer, et ce, afin de la préserver d’une probable colère sith.

-Votre suspect est un con, mais ça reste un Sith, se justifia-t-elle vaguement.

Ykis ne répliqua pas. Tandis qu’elle prenait connaissance des charges retenues contre Lloyd Hope, il la contemplait. Par pure curiosité d’abord, parce que la vue était objectivement agréable ensuite. Ses prunelles dorées l’intriguèrent davantage que son décolleté assumé. Sa robe était courte et il devina sur ses cuisses à moitié nues, des traces anciennes. Brûlures sans doute. Qui déchiraient un derme dont la texture devait être aussi soyeuse que sa chevelure au parfum sombre.

-Vous êtes sûrs de vos informations ?
-Certains. Nous avons fouillé le vaisseau. Je peux comprendre que l’Inquisition n’a pas l’habitude d’aller au fond des choses, préférant les manières expéditives. Mais dans les Renseignements, nous enquêtons.
-Oui, fit-elle excédée en plaquant le datapad contre le torse du capitaine pour le lui rendre. Vous êtes comme des chiens, à renifler les culs.

Balle au centre.

Il esquissa un vague sourire, renfermant sa main gantée sur l’objet.

-J’apprécie le compliment.

Elle lui envoya un regard incrédule.

-Enfin, il est à vous, pour le moment. Sachez que nous n’avons pas toute l’éternité.

Il actionna l’ouverture des portes et se décala d’un pas pour la laisser faire son entrée dans l’arène. Dès que le blindage de la porte se referma, il ne resta plus que la fragrance de la Sith en suspension dans l’air. Il attrapa son comlink.

-Equipe Inisia, en surveillance pour la cellule 40-9. Je veux le moindre objectif disponible braqués sur eux.
-Bien reçu, Capitaine.


Elle ignora la chaise qui lui était destiné, tout comme elle évita le regard surpris de Hope. Elle s’assit sur la table offrant une vue imprenable sur son abdomen que recouvrait le cuir d’une robe noire. Et s’il baissait les yeux, légèrement sur la droite, il verrait les cuisses croisées de son interrogatrice, sublimées par ces bottes montantes. D’aussi près, il pouvait mieux contempler les cicatrices de Dana, qui pigmentaient parfois sa peau de tâches plus claires et texturées.

-T’es vraiment le pire con.

Dommage qu’elle ne fut pas aussi agréable que ses courbes ou que son parfum, qui à cette proximité, était charrié vers Hope au point de lui en donner la nausée.

-Non en fait, je pense que tu m’as prise pour une conne. T’as vraiment cru que ça passerait inaperçu ? lâcha-t-elle sur le ton du reproche en pointant la porte pour désigner les Renseignements. Ta foutue marchandise illégale à la con, ton raffiot de la honte. C’est digne d’un Sith peut-être ? J’arrive pas à croire. Putain j’arrive pas à croire que t’es l’apprenti du Castellan Noir.

Un rire franchit sa gorge nouée par la nervosité et un arrière-goût de déception rendait toujours plus difficile chaque déglutissement. Qu’est-ce qu’elle foutait là ? Elle se trouvait pathétique. Le rire mourut aussi vite qu’il s’était envolé. La rage lui succéda et elle toisa le sith blond, frémissant d’une nouvelle colère.

-Ils risquent de trouver quoi d’autres ? Tu ferais mieux de me le dire. Ce serait peut-être plus intéressant que je les trouve avant eux. Tu risques moins de souffrir si je m’occupe de ton cas, j’irai vite.

Elle avait l’impression d’être la trahie dans toute cette histoire. Elle était partagée entre la culpabilité et la haine. Coupable parce qu’elle savait pour Aarona Klova et qu’elle n’avait pas réagi plus que ça. Encore une fois, elle avait manqué de discernement – ce qui arrivait souvent quand le capitaine Hope était à portée. Haineuse parce qu’elle avait pensé qu’il aurait réglé le problème.

Lloyd Hope
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Ahuri, le hapien avait regardé Dana, dans sa tenue provocatrice, venir s’asseoir à quelques centimètres de lui, sur cette table. Aurait-elle annoncé un nouveau spectacle de poledance qu’il n’en aurait guère été surpris. Au détail près qu’il venait de se faire arrêter et n’avait aucune envie de danser une valse avec le diable en personne.
Dana s’adressa à lui en commençant par des reproches. Ca devenait une habitude, décidément. Il posa un regard froid sur la silhouette impudique, avant de détourner les yeux vers un coin vide de la pièce, comme s’il avait voulu dégager son visage de cette odeur envahissante.

- Et bonjour, moi aussi j’suis ravi de t’voir.

Quand bien même il tâcha de se concentrer sur les filaments de poussière qui s’accumulaient sur le béton armé pour ne pas alimenter son amertume, les propos de Dana eurent sur le Sith l’effet d’une douche froide : s’en prendre à son vaisseau ? Sérieusement ? Son rafiot de la honte, avait-elle déjà oublié qu’elle était vivante grâce à lui ?

Lloyd tourna son visage vers elle aussi brusquement que s’il avait reçu une gifle, et darda sur Dana un regard enflammé.

- Digne d’un Sith ?? rétorqua-t-il avec une voix envenimée. Parce que c’est toi qui va m’apprendre ce qui est digne d’un Sith ? Foirer une mission par incapacité à se contrôler, ou se trémousser à poil devant un croiseur tout entier, c’est ça que tu trouves digne d’un Sith ? Alors là désolé, c’est sûr que j’t’arrive pas à la cheville.

S’il avait eu les mains libres, il l’aurait peut-être attrapée par la gorge et plaquée contre un mur. L’aurait-il fait, vraiment ? Lui-même ne pouvait guère le savoir. Il était d’une humeur noire. Avec tout ce qu’il venait de vivre en quelques jours, n’avait-il pas droit à un peu de repos ? Pourquoi s’en était-on pris à sa putain de navette ? Combien de centaines de Sith étaient au-dessus des lois impériales, à tuer sur un coup de tête, à aller et venir dans l’Espace Hutt et la République ? Et c’était lui que l’on venait chercher ? Et pour quoi, quelques marchandises de contrebande ? L’ennui, c’était qu’évidemment il ne savait pas ce qu’ils avaient déjà trouvé. Mais peu importe sur quoi ils avaient mis la main : la vrai raison, il en était sûr, c’était que quelqu’un avait décidé de lui faire payer ses années d’errance. Alors qu’il les payait déjà chaque putain de jour qu’il passait dans l’Empire.

- J’ai un putain de vaisseau privé, et j’suis pas un moine, persifla-t-il entre ses dents serrées par la colère. J’suis pas censé rendre des comptes ni à toi ni à ces flics de pacotille. Merde !

Lloyd donna un violent coup de pied dans la chaise en face, qui alla percuter la porte puis se renversa avec fracas. Il sentait le sang battre follement à ses tempes tandis que la colère l’envahissait de nouveau. Mais il fallait qu’il se contrôlât. Il le fallait. Ses yeux fouillèrent la pièce ; à gauche, à droite, en haut, en bas, n’importe où, n’importe quoi qui pût détourner l’attention de cette foutue Inquisitrice qui allait le rendre dingue. Mais il n’y avait rien sur quoi passer sa colère et il se contenta de se mordre la lèvre au sang – ce qui n’était guère compliqué quand celle-ci avait été fendue quelques jours plus tôt dans une bagarre récoltée pour quoi, sinon aller chercher une putain d’Inquisitrice dans un bunker ?

Il lui fallut un long moment pour se calmer. Au bout de quelques minutes, Lloyd réussit à toiser Dana de nouveau, la mâchoire contractée alors qu’il faisait un effort pour se maîtriser. Lorsqu’il parla, sa voix n’était plus qu’un souffle.

- Vas-y, dis-moi la vérité. C’est toi qui m’a dénoncé, c'est ça ? Pour quoi faire ?

Après tout, comment pouvait-il se faire que ce fut elle qui soit chargée de l’interroger ? Qui débarque là, quelques heures à peine après son interpellation ? Ou alors, c’était quelqu’un qui avait connaissance du contrat qu’il avait signé dans un poste de police quelques jours plus tôt, et qui avait cherché la source des anomalies de son rapport sanguin.

- Ou bien ta salope de maîtresse ?

Lloyd se redressa du mieux qu’il le pût pour se rapprocher de Dana – c’est-à-dire pas très loin, ses poignets meurtris étant retenus à son siège – pour pouvoir planter ses yeux ardents de colère dans les pupilles dorées de l’humaine.

- Prenez ce que vous avez à prendre toutes les deux et foutez-moi la paix.

Il se réappuya sur le dossier, détournant une nouvelle fois le regard. Qu’est-ce que ça pouvait bien leur foutre, ce qu’il utilisait à bord de son vaisseau ? On essayait de le faire chanter – ou ainsi son esprit paranoïaque analysait-il la situation. Maintenant, il s’était mis à craindre qu’on trouvât sur le Sans Visage des choses qu’il n’y avait pas mises. Comme il serait facile pour une Inquisitrice d’ajouter quelque chose sur la liste de ses non-conformités, quelque chose qui l’accusât directement sans qu’il pût se défendre, puisqu’il ne savait pas ce dont il s’agissait…

Un bruit sourd, comme un objet tombant lourdement au sol dans une pièce voisine, capta brièvement son attention. Il se tendit, jeta un œil sur la porte qui ne bougea pas d’un pouce. Son cœur s’était remis à battre la chamade. De colère ou d’inquiétude, il ne savait plus.

- Où est Mumkin ? demanda-t-il subitement.

Il n’avait pas eu de nouvelles depuis son arrivée, persuadé à ce moment-là que cet épisode ne serait qu’une série de formalités et qu’il tirerait seulement le dévaronien de la procédure avec un bon sermon et quelques bosses. Mais maintenant que l’Inquisition était là, il se doutait bien que le cas était plus grave que ce qu’il avait cru d’abord.

- Je ne parlerai pas sans avoir la certitude qu’il va bien.

Il se remit à soutenir le regard de Dana. Avec moins d’animosité, mais avec détermination. Amène-moi Mumkin et arrête de m’allumer, putain.
Darth Hope
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La colère de Lloyd résonnait en elle et elle aurait aimé que ses échos glissent sur sa peau avec la douceur de l’indifférence. Elle demeura de marbre mais quand la chaise alla se fracasser contre la porte, ce fu tout son être qui se cogna avec elle. Et c’était douloureux. Lentement, elle tendit son bras en arrière et serra le poing. Le siège malmené vibra et lévita sûrement pour se remettre en place, comme s’il n’avait jamais été frappé. Si seulement, il était aussi aisé de rafistoler son amour-propre.

Dana quitta son perchoir et contourna la table pour prendre la place qui lui était dévolue. Elle croisa ses jambes et à la faveur d’un éclairage blafard dévoila pleinement ses yeux envahis d’une haine glaciale. Et sous cette couche de glace l’or qui les composait fondait tant elle se consumait de l’intérieur. Elle n’aurait jamais dû venir. Elle n’aurait jamais dû prendre le risque de défier sa « salope de maîtresse » pour….lui. C’était une erreur dont les répercussions ne la laisseraient pas indemne. Malgré tout, elle était là, présente. C’était le seul visage familier que Hope avait en cet endroit lugubre. Il allait devoir s’y faire et comprendre.

-C’est pas toi qui pose les questions. Oublie l’alien.

Elle déplaça ses doigts contre ses cuissardes et se délesta des maigres affaires qu’elle possédait ce soir. Son paquet de cigarra et un briquet noir s’alignèrent sur la table. Ils furent rejoints par le document d’identité du blond, ainsi que deux datapads éteints. Le tout formait une ligne bien droite et ordonnée.

-Tu te souviens au camp Piya ?

Se souvenir de quoi, au juste ? De sa position obscène sur des canalisations rouillées, de son voile qui occultait une figure à moitié meurtrie, des portes du bunker qui s’ouvraient péniblement, de l’étreinte que Vance et Dana Hickpens avaient partagé ?

-Ce que j’ai fait à ce connard de Falleen. Ca s’appelait contrôler l’esprit.

Elle se pencha au-dessus de la table pour rafistoler la proximité qu’ils avaient perdu quand elle s’était déplacée.

-C’est exactement pourquoi on m’envoie, parce que je suis capable de faire ça. Et que je n’hésiterai pas à le faire sur toi, dus-je briser toutes les résistantes de ta volonté, même si je dois y laisser toutes mes forces. Même si je dois m’y reprendre plusieurs fois. Je le ferai. As-tu vraiment envie de prendre le risque d’assujettir ton esprit au mien ? Je te ferai avouer des choses…qui vont faire passer ce contrôle de routine pour du pipi de chat. Vraiment. Tu les diras devant ce con d’Ykis et devant tous ces objectifs qui nous guettent. Pauvre con.

Pauvre con. Traduction : Je suis ici pour te sortir de là, mais vaut mieux pas que tu le saches. J’ai pas envie que tu le saches de toute façon.

Dana recula, se confortant contre le dossier de son siège. Quand elle parlait, ses lèvres déformaient singulièrement la cicatrice blanche qui lui barrait un coin de la bouche. Et que le maquillage ne réussissait jamais à occulter. Elle avait l’impression complexante qu’il ne voyait que ça. Elle avait l’impression désagréable de n’être que ses cicatrices et qu’on ne voyait que ça. Elle se ressaisit d’un battement de cil.

-Je ne demande que ça, à ce que tu résistes. Tu crois que je ne suis pas formée pour interroger des Siths ? Qu’est-ce que tu crois au juste, Lloyd ? Que te vider dans mon Maître te donnait le droit de me manquer de respect ? Contrairement à elle, je ne veux rien de toi. Oui, je t’ai dénoncé.

La croirait-il ? Elle savait mentir avec aplomb, mais n’avait pas la qualité de ceux qui le faisaient avec brio. Il était aisé de déceler le mensonge chez Shar, parce qu’elle avait l’habitude de baisser les yeux de manière fugace quand elle mentait. Elle espérait que dans son état de colère et d’incompréhension, il ne le remarquerait pas. Elle s’apprêtait à le sortir de là. Si jamais cela foirait – et les chances étaient plutôt élevées, elle ne voulait pas qu’il soit compromis avec elle.

-Je t’avais dit que je m’occuperai de ton cas de…receleur de marchandise anti-Impériale. Mais…60 litres d’huile slick. Un traceur impérial modifié sans autorisation préalable ? Tu sais qui fait ça Lloyd ? Les traîtres. Ceux qui veulent fuir ou trahir. Mais…

Elle enclencha l’un des datapads et dès que l’écran s’illumina, il put voir sa propre holographie épinglée en haut d’une liste de donnée.

-Tu es plutôt du genre à fuir.

La mention déserteur brillait là, en rouge, quelque part entre les lignes d’informations. Sa mauvaise foi la faisait suffoquer. Lui qui n’avait jamais fui durant leur mission, malgré les nombreuses occasions. Dans le 2331, dans le Bunker. Lui qui était toujours revenu sur ses pas pour elle, même en face d’un portail gelé par le brouillard, à l’ombre d’un Manoir kaasi. Elle éteignit rapidement l’appareil, comme si venait d’être brûlée par son halo bleuté. Et avec lui, elle souhaitait éteindre tous ces souvenirs qui la faisaient manquer de discernement. Elle ne devait pas avoir honte. Elle aussi s’était portée à son secours. Elle avait honte. Ce n’était pas digne d’une Sith.

-Tu comprends rien.

Le ton avait changé. La colère se teintait d’un reproche sincère.

-Et surtout pas la merde dans laquelle tu es.

Nous sommes, en fait.

Ses cils frémirent quand elle dressa son regard vers le plafond obscur. Les lentilles des moniteurs de surveillance ne brillaient pas, mais elles existaient. Et elles étaient comme le canon d’un blaster plaqué contre sa nuque. Elle se redressa et s’approcha de lui, glissant son corps entre la table et la chaise sur laquelle il était assis et menotté. Et parce qu’il était attaché, il ne put sentir qu’avec impuissance, Dana s’installer à califourchon sur lui, verrouillant son bassin féminin contre le sien. Sa main gauche se perdit dans la blondeur de la tignasse de l’officier. Ils ont une couleur que j’aime bien. La photo de Mat’aenna. Les égouts. L’odeur de brûlé et de mort. Ses doigts qui collectaient les mèches poisseuses de Lloyd.

-J’ai besoin d’un contact pour faire ça. Contrôler l’esprit, expliqua-t-elle froidement. Runà sait s’en passer. Mais puisque je suis une petite Sith ratée…il va falloir y passer.

Elle était comme la flamme d’un briquet, allumeuse mais dangereuse. Parce que si l’on y prenait pas garde, elle vous enflammait et on finissait brûlé vif. Elle se demandait s’il avait déjà vécu ça ? Les coups qui fracassaient de l’intérieur, dans la tête. Ceux qui ne laissaient aucune trace visible. C’étaient les pires.









-Qu’est-ce qu’elle fout ?
-Elle va sûrement le torturer.
-Ah ben, drôle de méthode de torture.

Dans une des salles d’opérations, l’équipe Inisia surveillait les moniteurs qui enregistraient sur bande holographique la scène de la cellule 40-9.

-Quelqu’un prévient le capitaine Ykis qu’on a eu un souci avec le matériel de prise de son ? Qui était sensé faire l’entretien technique de la cellule 40-9 putain ?
-Moi je le préviendrai pas, il va nous laminer sans chercher à savoir qui est le responsable.
-Alors démerde-toi pour trouver l’origine du dysfonctionnement avant qu’on doive rendre notre rapport.

Lloyd Hope
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Le visage de Lloyd s’était décomposé à mesure que Dana parlait. Il s’était attendu à prendre un coup ou deux, mais rien. Aucune violence. A la place, Dana prenait son temps. Ce n’était pas rassurant.

Oui, il se souvenait parfaitement du contrôle de l’esprit que la jeune femme avait utilisé contre l’un de leurs ennemis dans le camp. Il se rendait compte qu’il n’y avait jamais repensé depuis : ce n’était pas l’une de ses aptitudes et il n’avait jamais envisagé qu’elle pût l’utiliser contre lui. Un moment, il fronça les sourcils, essayant intérieurement de se convaincre qu’elle bluffait. Pouvait-elle, voulait-elle vraiment faire cela contre lui ? Certes, il avait été mauvais. Insultant. Comme elle avec lui. Plusieurs fois. Mais ils ne s’étaient jusqu’ici jamais menacés de quelque chose qui signifiât tant la domination, voire la trahison, de l’un envers l’autre.

Lloyd se rendit compte qu’il avait noué, à un moment donné de leurs aventures, une espèce de confiance implicite. Une grossière erreur. Lui le parano, comme disait Mat’, comment avait-il pu un instant penser qu’il pouvait être en confiance ?

Il la suivit du regard, yeux écarquillés, tandis qu’elle avait quitté son perchoir pour s’asseoir en face de lui. Il restait silencieux, recevant calmement la menace – pour ce qu’il voulait bien laisser paraître tout du moins.

Tu as joué avec le feu en lui faisant confiance. Tu récoltes le fruit de ta connerie, pauv’con. Plus jamais ! Plus jamais. Sauf qu’il était trop tard pour se faire ce genre de promesses : il avait dévoilé des faiblesses à Dana. Un vaisseau pas très aux normes, un pilote avec lequel il était laxiste, il avait même mentionné son propre dossier en lui demandant de cacher une autre de ses tares. Quel con, mais quel con il avait fait !

Elle aligna devant lui deux datapads et ses papiers d’identité. Evidemment. Il aurait dû s’en douter. Le hapien garda les yeux rivés sur ces documents, comme il y voyait la preuve de la trahison. Il ne la blâmait même pas : il s’était offert sur un plateau d’argent. Des perles de sueur s’étaient formées dans sa nuque. Entre ses lèvres entrouvertes, il expirait un soupir fébrile. Il évitait désormais de la regarder. La colère avait fait place à l’épouvante. Il était aux mains de l’Inquisition pour de bon. Peut-être qu’il l’était depuis Artorias, sans le savoir ?
Il ferma un instant les yeux. Darth Laduim lui viendrait en aide dès qu’il saurait. Mais ces pièces-là pouvaient effaroucher également son maître et bien qu’il fût trop précieux pour être exécuté, il savait le genre de châtiment auquel il s’exposerait.

Car oui, il savait ce qu’était le contrôle des esprits. Le Seigneur Laduim avait percé ses défenses mentales plusieurs fois pour y réanimer, dans sa tête, dans ses souvenirs, ce qu’il y avait de plus horrible.

Lloyd déglutit en voyant son image sur le datapad, mais il se terra plus encore dans son mutisme. Que voulait-elle entendre ? Il n’avait rien pour sa défense. Il se sentait mis à nu, un peu à la manière du dégoût de soi ressenti quand Darth Runà l’avait fait se déshabiller. Le hapien essaya de chasser toute cette émotion gluante dans laquelle il se sentait glisser comme dans une eau glaciale.
Il devait garder le contrôle. A quoi servait-il de se bercer d’illusions ? Il était ce qu’il était. Si Dana avait cru qu’il était un bon Sith, elle s’était plantée. Il était à peu près sûr qu’elle ne s’était jamais trompée de toute façon. Il retrouva un peu de calme. Sa respiration ralentit, et il réussit enfin à relever vers elle un regard glacial.

- Tu croyais quoi ? souffla-t-il d’une voix vide. Que j’étais un gentleman ?

Raté. Evidemment qu’il était un déserteur. Précisément pour le type de faiblesse qu’elle était en train de mettre au jour. Il ne savait même pas comment il était encore vivant avec une telle lâcheté dans l’Empire Sith. La chance peut-être. Une chance qui lui avait permis de reprendre en main sa destinée, à peu près, pendant ces dernières années. D’entrevoir peut-être un avenir. S’installer quelque part, sortir Mat’ de sa condition.
Sa chance s’arrêterait peut-être aujourd’hui à cause d’une putain d’Inquisitrice qui l’avait mené par le bout du nez sans qu’il s’en rendît compte. Il s’en voulait.

Il la suivit du regard lorsqu’elle contourna la table, puis vint s’asseoir sur ses genoux. Fronçant les sourcils d’incompréhension, le hapien essaya de se redresser, mal à l’aise. Ses poignets, ses bras et son dos lui faisaient mal. Cela faisait longtemps qu’il était dans cette position. Son visage luisant d’une fine couche de sueur passa de la lumière à l’ombre tandis que la silhouette de Dana cachait l’ampoule. Il sentait son parfum. Il sentait même l’odeur de sa peau. Il irradiait des cuisses de Dana une chaleur qui réveilla son bassin. Lloyd sentit une étrange sensation se diffuser dans ses hanches, son ventre, ses cuisses. C’aurait pu être agréable. Mais il était pris au piège. Dana était bien la fidèle apprentie de Runà, il n’en avait plus aucun doute.

Tu savais bien que ces collines-là étaient trop dangereuses. En voilà la preuve.

Ses yeux verts et durs soutinrent néanmoins les iris dorés de Dana tandis qu'il tâchait d’arborer au mieux son habituel masque de neutralité. Il déglutit de nouveau quand elle passa ses mains dans ses cheveux. Lloyd essaya d’envisager avec lucidité ce qu’elle pouvait arriver à tirer de lui par cette méthode. Il regarda l’or de ses yeux. Tâcha de se convaincre qu'il y avait quelque part dans cet océan de lumière une goutte d'indulgence qui lui était destinée.

- Tu espères en tirer quoi, Dana ? murmura-t-il.

Il essayait de lui parler sincèrement. De faire appel à ce qui restait entre eux de lien, s’il y en avait jamais eu. Il lui semblait que tout n’avait pas été manipulation. Leurs deux corps collés dans une cellule en espérant ne pas être contaminé. Sa main dans la sienne.

- Vas-y, fais donc. Tu vas trouver des cadavres. Du sang. Des cris sur des champs de bataille. Des scènes de torture. Et ça t’avancera à quoi ?

Le hapien avait chuchoté à voix basse, comme s’il n’aurait pas pu le faire plus fort. Il lui semblait que son ventre s'était mis à se tordre comme s'il avait voulu être essoré. Il ferma les yeux. Il tremblait un peu. Elle devait s’en rendre compte. Tant pis. Il pensait à un cadavre en particulier. Il ne fallait pas qu’il y pense. Il rouvrit les yeux. Il serrait les dents à s’en faire mal.
Il avait déjà vécu la stimulation de ces souvenirs dans sa propre tête par Darth Laduim et il s'en souvenait parfaitement. Un peu trop.















- Ne le fais pas, s’il te plaît.

Il y avait quelque chose de l’ordre de la supplication dans sa voix.
Darth Hope
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Elle aurait pu se délecter des tremblements de Hope contre ses courbes vallonées. Mais ils n’étaient qu’une brûlure de plus. Et l’émeraude de ses prunelles qui se liaient parfaitement aux siennes l’était également.


- Ne le fais pas, s’il te plaît.

Cling.

Elle ressentit comme l’impact d’une bille de plomb projetée à grande vitesse contre son esprit semblable à la surface d’une eau gelé. Le choc, porté par un seul murmure, une unique supplication, avait tout fissuré et l’étendue de glace se fissuraient, craquant sinistrement, fragilisant sa position. La lumière perça à travers les éclats glaciaux et s’engouffra dans l’Obscurité.

Qu’est-ce qu’elle foutait là ?

Dana se rendit compte que sa main caressait maintenant la blondeur des cheveux de Lloyd. Une caresse. Plus douce que la menace qu’elle représentait. Plus chaleureuse que son ventre pressé indécemment contre celui du Sith. Ses doigts en buvaient la texture qu’elle trouvait aussi agréable que la couleur. Le murmure de Lloyd n’était plus qu’un souffle et il flirtait avec le sien.

Même comme ça tu es belle, Dana.
Vous êtes..ahm magnifique.

Les voix de Luis et Fost ne leur appartenaient plus et elle avait l’impression d’entendre celle du hapien à la place. Elle suspendit son geste. Leur figure étaient bien trop proches et elle n’avait pas l’envie de faire ça ; comme un enfant ne possédait pas d’appétit à l’idée de finir son plat de légumes sans saveur. Elle n’en avait jamais eu l’envie ; malgré la colère, la déception, la rage auxquels elle se soumettait bien trop de fois. Elle n’était pas son Maître.

Lentement, elle se détacha de lui. Sa paume coula une dernière fois contre la chevelure blonde. Il fut libéré de son poids, de son parfum, de son regard. Ses doigts fébriles coururent à la surface de la table et elle récupéra une cigarra et son briquet avant de s’éloigner vers un coin sombre, lui tournant le dos. Lui laissant une vue aussi émouvante que le contact brûlant avec ce qu’elle avait de plus féminin, quelques secondes plus tôt.

Clic.

Une flamme jaillit quelque part dans la pénombre et le froid.





Shar fumait depuis deux minutes durant lesquelles elle n’avait rien dit, pétrifiée de l’intérieur. Les toxines avaient apaisé les battements frénétiques d’un cœur en plein dysfonctionnement, mais pas l’angoisse de son esprit. C’était une putain erreur de venir ici.

Tu devrais le tuer.

Une sacrée erreur.

Elle inspira profondément. Sa cigarette grésilla, subitement consumée par le souffle affamé de sa maîtresse. Elle eût froid et se frictionna les bras, tâchant de se donner un peu de réconfort. De puiser un peu de courage. De reformer la glace qui venait d’être brisée. De la reconstituer plus épaisse, plus solide bien qu’elle se doutait que peu importait le l’épaisseur de cette armure glacée, Lloyd Hope finirait toujours par en pulvériser la masse.

La pire erreur de son existence même. Comment avait-elle pu accepter ce lien tacite ? Comment avait-il pu devenir aussi résistant que cette glace dont elle se parait tout le temps ?Comment avait-il pu faire jeu égal ?

-C’est pas vrai, dit-elle en lui offrant toujours son dos à des mètres de là. C’est pas vrai, je ne t’ai pas dénoncé. Comme j’ai pas dénoncé Jonas, comme t’a pas dénoncé ce gros connard d’Alopseno. J’ai pas fait ça.

Parce qu'on forme une super équipe. Il n’était pas obligé de la croire, maintenant. Mais quelle importance, elle avait ressenti le besoin de verbaliser cette vérité. Une parmi les milliers d’autres qui existaient, tapies dans l’ombre du secret.

Au moins, y’avait-il de la distance entre eux. C’était plus simple ainsi. Soudain, elle éprouva de la fatigue. Elle aurait voulu rentrer. Mais ? Dans les dortoirs impersonnels d’un Temple Sith ? Sur Ch’Hodos, auprès d’Akusha qui au mieux se souvenait de son nom, au pire voulait l’exécuter par inadvertance ? Elle n’avait nulle part où se réfugier. Elle n’avait pas de chez soi. Pas de refuge où dormir en paix et oublier ce qui devait l’être. Nouvelle inspiration, douloureuse parce qu’il fallait ravaler une fierté qui souhaitait s’échapper. Elle jeta le mégot au sol et l’écrasa de son talon.

-Des cadavres, du sang, des cris, répéta-t-elle grossièrement.

Et moi, est-ce que je me serai vue dans ton esprit, si j’avais eu une chance d’y pénétrer ? Elle savait que la réponse l’abîmerait. En réalité, sa poitrine se soumettait à la peur d’y croiser le sourire de Mat’aenna, moins figé que sur du papier glace, vivant dans les souvenirs de Hope, de partager avec ce dernier le parfum de la twi’lek. Il se mêlerait sans doute à celui de Runà et ce serait le coup de grâce. Ce qui était un cauchemar pour lui, deviendrait un Enfer pour elle. Même s’il avait eu la capacité de violer son esprit, elle ne l’aurait pas fait. Parce que c’était terrifiant. Pas les champs de bataille, pas les tortures. Non. Ces parfums et ces dermes féminins lui foutaient une trouille bleue et elle n’avait pas l’envie de les affronter.

-T’es qu’un con.

Elle avait l’impression d’être un foutu disque rayé.


Et elle lui tournait toujours le dos, parce que le "con" s'était brisé dans un sanglot incertain. Formée pour interroger les Sith, tu parles.

Lloyd Hope
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- T’es qu’un con.
- Je sais.

Elle avait renoncé. Pour combien de temps ? Lloyd regardait du coin de l’œil la silhouette qui lui tournait le dos. Elle avait laissé un vide froid sur ses genoux et son ventre maintenant qu’elle s’était levée. Le hapien se sentait frissonner dans la fraîcheur de la cellule, l’humidité de sa transpiration ayant laissé sur sa peau un voile suintant. Il lui semblait que son esprit était dans le même état : tremblant et liquide. Il se fustigea de s’être affolé avec tant d’évidence. Elle avait raison, il n’était qu’un con. Il déglutit et baissa les yeux, comme il n’était plus possible de croiser le regard de celle qui menait l’interrogatoire.

- J’ai quelques trucs pas très légaux, ça va. J’ai des explications pour le traceur. C’est nécessaire pour certaines missions. Comme sur Artorias : j’ai parfois besoin de changer l’identité du vaisseau, et de conserver secrètes certaines de mes trajectoires. C’est la vérité. Darth Laduim me couvrira là-dessus, je t’assure.

Maintenant que Dana n’était plus si proche, il réussissait à retrouver la tête froide. A peu près. Il ne pouvait pas être coffré juste pour ça. Mumkin seul, oui, bien sûr. Mais un Sith ? Soit on doutait réellement de son identité, soit quelqu’un l’interceptait pour autre chose. Dana. Darth Runà. Ou quelqu’un d’autre. C’était elle qui avait la réponse, en tous les cas. Le hapien se dit qu’il devait habilement conduire la conversation pour conduire l’Inquisitrice là où il le souhaitait. Après tout, il avait réussi à lui faire changer d’avis sur la méthode déjà une fois…

- Quant aux marchandises… Mumkin a déjà été corrigé, pour ça. Et je me suis débarrassé des caisses en question. S’ils ont trouvé quelque chose, ce doit être des fonds de tiroir.

Enfin, il l’espérait. En réalité, il ne savait pas ce qu’ils avaient trouvé. Si le dévaronien s’en sortait vivant, il allait falloir qu’il mît les choses au clair plus sévèrement qu’avant. Pour son propre bien, il aurait certainement dû être plus dur avec Mumkin. Mais c’était trop tard pour les regrets.

- Dana, c’est mon pilote, poursuivit-il avec calme.

Il avait clairement changé de stratégie. Sa voix était posée, presque douce. Il regardait la chevelure sur les épaules de la jeune femme. Il se rappelait les marques en dessous. Le collier. Les coups de Raidun. Avait-elle vraiment fait tout ça juste pour l’atteindre ?

- J’ai besoin de lui car je ne peux faire confiance à personne d’autre pour les missions que j’accomplis.

Lloyd retint un bref instant sa respiration. Puis :

- Si tu me donnes la preuve qu’il va bien, et qu’il pourra repartir sain et sauf, je te dis ce que tu veux.

Il y eut un silence.

- Deal ?

--------

--------

--------A quelques dizaines de mètres de là, au sous-sol…

Le dévaronien, poignets liés, était suspendu par ses menottes à un crochet, au milieu d’une pièce lugubre : des chaînes traînaient par terre et des flaques humides émettaient une odeur rance. Un mélange de parfums d’égouts, de sang et de sueur. Une lampe, en forme de petit projecteur, éclairait le corps décharné de Mumkin, dont le torse avait été débarrassé de ses vêtements. Ses bottes aussi lui avaient été retirées, et ses pieds ensanglantés se balançaient doucement. Il avait des marques sombres sur les épaules, le ventre et le dos, et sa tête baissée s’obstinait à garder les yeux fermés, quand bien même il n’était pas inconscient : il haletait en gémissant, se contractant chaque fois que passait près de lui le brigadier-chef. Miinark avait posé sa veste sur un siège non loin, et avait retroussé les manches de sa chemise pour exécuter son œuvre. Jessie, assise dans un coin de la pièce sur un siège métallique, gardait les yeux rivés sur son datapad, où elle faisait défiler des données techniques.

- Alors ? aboya Miinark, comme il s’impatientait.
- C’est cohérent, répondit Jessie d’une voix blanche.

Elle n’osait pas relever les yeux vers la silhouette suspendue et le bourreau.

- Les modifications qu’il décrit sur le paramétrage des radars sont vraies, la date des modifications sur l’hyperpropulseur me semble aussi coller avec l’état d’usure.
- Il peut nous dire des vérités pour s’acheter notre complaisance, nota Miinark en s’intéressant de nouveau au prisonnier. Alors, passons aux choses sérieuses, pour voir si tu es si sincère que ça. Dis-moi exactement pendant quels voyages vous avez interrompu le traceur, pendant combien de temps et pour aller où.

Mumkin se mit à respirer bruyamment. Il hyperventilait.

- Je… Je me souviens pas de tout... C’est Hope qui fait ça, pas moi ! Je sais même pas quand il le fait…

Miinark lui décocha un brutal coup de poing dans le ventre, déclenchant un haut le cœur sonore du dévaronien. Jessie avait sursauté. Ses doigts tremblaient sur son datapad.

- La dernière fois qu’il a été éteint, c’était à la fin du mois de Melona, l’aida-t-elle d’une voix fébrile.

Le brigadier-chef grimaça après avoir jeté sur la femme un regard sombre de son œil unique. Il désapprouvait l’aide de Jessie mais il devait admettre que ce pouvait être utile. Par ailleurs, c’était la première fois qu’il travaillait avec l’experte et il ne voulait pas le brutaliser trop vite. Mais si les méthodes douces de Jessie ne l’aidaient pas, il passerait vite aux choses sérieuses.

- Me-melona ? répéta Mumkin en roulant des yeux désespérés de Jessie à Miinark. Je… Je crois qu’on… Ah, oui, l’espace Hutt. On est allés sur Vaathkree. Pour du matos.
- Quel matos ?
- J’sais plus.

Miinark ramassa l’une des chaînes au sol, et ses muscles saillants la soulevèrent pour asséner un violent coup sur la plante des pieds. Mumkin cria de douleur.

- Je suis sûr que tu peux faire un petit effort !
- Aaarrh !

Le dévaronien criait et sanglotait à la fois, à chacun des coups.

- Ça devait être pour des informations, ou pour l’huile je sais plus, glapit-il d’une voix aiguë, mais j’suis pas sûr... C’est les affaires personnelles du patron, j’ai pas le droit de poser des questions, je vous jure…
- Bien bien… Et cette huile, il la livre à qui ?

Le brigadier avait déjà préparé son coup suivant ; ses bras luisants de sueur et de sang avaient de nouveau soulevé la chaîne tandis qu’un rictus de satisfaction était apparu sur ses lèvres. Mais il n’eut pas besoin d’abattre la chaîne.

- A personne, s’empressa de répondre Mumkin. On la livre pas, on la garde, j'vous jure.
Darth Hope
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Il lui fallut refouler un nouveau sanglot, pour que ce nouveau silence ne trahisse pas son état émotionnel. Soudain, elle se détourna et se rapprocha de la table. Ses mains se plaquèrent brutalement à sa surface grise, faisant sursauter les objets qui s’y trouvaient. Il put lire à nouveau de la colère dans le jaune de ses yeux.

-T’es peut-être en partie dans la merde à cause de lui. C’est un putain d’alien. Mais ça va, j’suis pas ingrate. Je vais voir ce que je peux faire pour sa foutue Majesté l’apprenti du Castellan Noir.

Ses doigts travaillèrent à ramasser son bordel aligné.

-Mais tu vas parler après. Crois-moi. Les supplications ne fonctionneront plus…

D’une impulsion dédaigneuse, elle se dégagea de ce face à face qu’elle peinait à contrôler et alla frapper trois grands coups contre le blindage de la porte.




-Vous faîtes déjà une pause ?

Dana ne répondit pas. Installée dans le siège du Capitaine Ykis, elle se remettait silencieusement de ses pauvres émotions. Elle promenait son regard sur la moindre babiole qui composait une décoration sobre. L’endroit était aussi charmant que la cellule qu’elle venait de quitter.

-Vous avez pu en tirer quelque chose, Dame Shar ? Nous sommes en train de cuisiner son complice.
-L’alien ? fit-elle, laconique.
-Oui, il est bavard mais pas sur les bonnes choses. En tout cas, il connaît la discographie d’Aarona Klova par cœur.
-Putain d’alien…souffla-t-elle, exténuée.
-Si vous le souhaitez, mon sous-lieutenant peut prendre le relais.
-Ce ne sera pas nécessaire. Je le fais mariner à escient. Je crois que c’est une technique assez universelle non ? Assez universelle pour que vous essayez pas de tout foutre en l’air.

Ykis contourna son bureau et prit place derrière, face à l’Inquisitrice qu’il mirait de deux regards, curieux et circonspect. Il délogea une cigarette de son paquet et tendit ce dernier à la Sith qui refusa d’un geste sec. Elle vomirait si elle acceptait quoique ce soit de cette fouine d’Ykis.

-Ce n’est pas une technique qui a fait ses preuves. On ne vous l’a pas dit à l’Inquisition ? Vous pensez que l’interroger marine dans son jus pathétique, mais en fait, il en profite pour reprendre ses esprits et organiser sa défense.
-Se défendre de quoi au juste ? Quelques marchandises illégales et du tuning de vaisseau spatial ? C’est un foutu Sith.
-Oui, c’est un Sith, c’est pour ça que vous êtes là, non ?
-Vous attendez autre chose de lui et si vous ne me le dîtes pas, je ne pourrais pas vous l’apporter.

L’humain à la chevelure grisonnante se permit un sourire. Alors derrière ces courbes sulfureuses et ces yeux dorés, il y avait, malgré tout, un peu de perspicacité. Il en avait douté.

-A moins que vous attendiez quelque chose de moi également.
-Vous avez déjà pensé à travailler pour les renseignements ? railla-t-il.
-Cet alien…c’est quoi son nom, déjà.

Elle croisa les jambes et le mouvement attira mécaniquement l’œil d’Ykis.

-Il répond à l’identité de Mumkin.

Dana fit danser sa main dans l’air, avec une prétention assumée. Ses traits étaient lisses, sublimés par son maquillage appliqué avec soin et ses mèches brunes avaient le poids d’une plume, si bien qu’elles se soulevaient, aérienne, au moindre geste de son visage.

-Il devrait être remis à l’Inquisition. On vous laisse le plus gros poisson. On vous aide même à faire joujou avec. Mais de ce qu’il m’a dit, c’est Mumkin qui deale la marchandise anti-Impériale et c’est plutôt du ressort clérical.

Le capitaine parut analyse la requête. Le ton et l’élocution de la Sith possédaient une clarté calculatrice. Qu’avait-elle en tête ?

-Bien. Ce Mumkin est à vous.

Trop facile.

-Si vous réussissez à le tirer des griffes de Miinark, reprit-il avec un sourire froid et malin alors qu’il allumait sa cigarette. Mais je préfère vous prévenir. Miinark ne lâche pas facilement ses proies.
-Ca tombe bien, je suis le même genre de prédatrice. A la différence que je suis Sith.
-Cela ne l’impressionnera pas. Il en a vu d’autres, répliqua-t-il placidement en la suivant du regard alors qu’elle se relevait de toute sa stature.
-Je serai peut-être la dernière chose qu’il verra de sa vie, s’il ne me remet pas cet alien.

Zal pencha la tête sur le côté, partagé entre l’incompréhension et l’amusement.

- La subtilité ce n’est pas trop votre domaine, on dirait.

Elle recula doucement, laissant planer un silence et après une moue dubitative répondit simplement :

-J’apprécie le compliment.

Et dès qu’elle disparut, l’officier souffla un rire avant de se remettre à fumer, la tête dans ses dossiers.





Un landspeeder s’était garé devant le poste de sécurité où se déroulait les interrogatoires ; deux soldats inquisitoriaux en descendirent, armurés jusqu’aux dents. Derrière la noire visière de leur casque, ils avisaient le bâtiment que la brume de Kaas City dévorait lentement. De l’autre côté, à l’ombre de ces murs secrets, des miliciens du Renseignement se positièrent de façon à les garder à l’œil. C’était un affrontement froid et sans échange de coup. Une rivalité qui gonflait l’air d’une tension silencieuse. En route pour la cellule où Mumkin était retenu, Dana Shar avait pris le soin de contacter le Temple afin qu’ils lui dépêchent une escorte dans l’espoir de réussir à exfiltrer le dévaronien. Dans une geôle de l’Inquisition, elle aurait davantage de contrôle sur la vie de cette pauvre tâche cornue.





-A personne ? s’impatienta Miinark en enroulant la chaîne autour de son poing endurci.

Et si la porte ne s’était pas ouverte dans un fracas terrible, l’acier de chaîne aurait lacéré les chairs du dos de Mumkin. Jessie sursauta, manquant de faire tomber son datapad. La silhouette de Dana se découpait dans l’encadrement. Elle fronça le nez, harcelée par les odeurs rances que charriaient l’aération putride de la geôle. Il y avait encore moins de lumière que la cellule allouée à Hope. Elle constatait que les Renseignements ne faisaient pas dans le confort, d’un cinq étoiles mais par contre…à définir l’état de Mumkin, ils se spécialisaient dans le all-inclusive.

-Qui vous a donné la permission d’entrée ?
-Moi-même. Désolée, souffla-t-elle avec ironie, le ton presque minaudant. Mais cet alien est désormais la propriété de l’Inquisition. Les formalités ont été vues avec le Capitaine Zal.
-Quelles formalités ? Oh je vois…écoutez. Je n’ai pas le temps de satisfaire l’égo d’une Dame Sith. J’ai un travail à accomplir ici.
-Il est terminé, trancha-t-elle avec autorité, les yeux assombris par l’agacement.

BLING.

Miinark avait laissé retomber sa lourde chaîne dont certains maillons dégorgeaient d’un sang poisseux et sombre. Il fit aller ses bras, comme s’il s’échauffait et s’approcha de l’Inquisitrice. Elle vit venir le premier coup et l’esquiva in extremis sous l’exclamation stupéfaite de la rouquine qui assistait impuissante à ce début d’altercation. Dana saisit le poignet de Miinark et tenta une des clés basiques apprises lors de ses combats chez les Lames Rouges. Hélas, le borgne était une force de la nature et il réussit aisément à retourner la clé contre elle. Elle grimaça de douleur tandis qu’il tordait salement son bras coude dans le creux de ses reins. Il se plaqua à elle pour la maintenir en respect.

-C’est plutôt le vôtre de travail, qui vient de s’achever. Dame.

Mumkin assistait, tout groggy, à la scène surréaliste. A travers une vision brouillée par la douleur et une ouïe à moitié fracassée par les nombreux coups qu’il avait reçu à la tête, il crut reconnaître la silhouette et la voix de Dana Shar. Il devait halluciner. Il allait crever et son esprit déconnait, c’est ça ? Devant ses prunelles vitreuses, il voyait ces ombres danser, s’agiter. Les sons lui parvenaient étouffés puis beaucoup trop forts.

Miirnak grogna soudainement quand Dana envoya son crâne heurter son nez. Il dut reculer, sous l’impulsion de la douleur occasionnée. Elle rétablit la distance entre eux et lui fit face. Elle serra le poing. La Force répondit immédiatement à son appel et un choc invisible percuta la gorge du colosse. Il recula d’un pas, mais ne ploya pas. Alors réitéra. Nouveau choc, nouveau grognement de souffrance. Elle le fit jusqu’à ce qu’il pose un genou à terre, le larynx endolori, le souffle capricieux. Jessie se précipita vers son supérieur, mortifiée, pour se porter à son secours. Il la repoussa d’un geste sec.

-Quelle garce de Sith…toussa-t-il.

Dana fronça les sourcils et frappa encore.

-Je veux Mumkin.

Ce dernier cracha un peu de sang, s’étouffant de surprise. Elle était plus flippante que jamais, mais pour une fois, il aurait donné n’importe quoi pour la suivre. Pour ne plus être suspendu à ce crochet. Ses bras allaient s’arracher.








Les portes du poste de sécurité s’ouvrirent lentement. Le dévaronien respira l’air frais et pollué de Kaas City, les mains menottées dans le dos, poussé par Dana. Il titubait, manqua de louper la marche du trottroire et fut rattrapé par la poigne pleine de pitié de l’Inquisitrice qui grimaça à l’idée de se salir. Arrivés près des gardes Inquisitoriaux, elle donna ses ordres.

-Conduisez-le au Grand Temple. Dans les geôles, c’est mon prisonnier. Je l’interrogerai à mon retour.
-Bien, Inquisitrice Shar.
-Quant à toi. Tu pourras remercier Lloyd en lui léchant les pieds, sale petit receleur de marchandises anti-Impériales.
-J’aimerais bien dire merci mais j’ai mal…souffla-t-il

Elle leva les yeux au ciel et fit un signe excédée vers les soldats qui firent monter Mumkin sans ménagement.









Devant la porte blindée, elle alluma une cigarra. La fumée blanche dansa devant son faciès contrarié. Ykis l’admirait en silence. Dès qu’elle croisa son regard, il fit signe et la porte se déverrouilla.

-Vous pouvez le détacher, dit-elle en reprenant place sur la chaise. Zal resta debout, se positionnant à côté d’elle. Il fixait Lloyd avec une sévérité accrue.
-Dame Shar, vous venez rafler mes suspects et maintenant vous me dîtes comment traiter ceux qu’ils me restent ?

Un soupir contrit lui répondit. Il se détourna donc vers le blond.

-Votre…complice a été récupéré par l’Inquisition. Entre nous, il aurait eu plus de chance de s’en sortir s’il était resté ici.

Dana envoya un regard impatient à Hope. L’Inquisition, c’était elle. Il devait comprendre que Mumkin était pour le moment en sécurité.

-Dame Shar m’a assurée que vous étiez prêt à passer aux aveux.

Et Dame Shar fumait, pendant ce temps, évitant désormais tout contact visuel avec son homologue. Ses lèvres au rebondi colorées pinçaient le filtre avec délicatesse, comme un baiser doux et elles soufflaient une fumée légère dans un mouvement sensuel. Zal posa une main gantée sur la table, face à Lloyd pour que ce dernier détourne son attention du spectacle et s’intéresse à lui.

-Avez-vous conservé à bord, ou revendu, des échantillons du virus trouvé sur le Stonx ? A qui. Dans quel but.

La voix était cinglante et dépourvu de compromis. L’humain n’attendait pas des justifications, mais des aveux. Dana se redressa un peu sur son siège, piquée de stupeur par la question. Foutu virus de merde. Ils en auraient donc jamais fini avec.

-Personne ne sait que vous êtes ici.

Sauf moi, ironisa-t-elle en silence, tâchant de fumer avec le plus de flegme possible pour occulter son désarroi face à la tournure que prenait l’interrogatoire.

-Je suis votre unique porte de sortie.


Lloyd Hope
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- Merci.

Dana ne l’avait sûrement pas entendu : la porte s’était déjà refermée sur elle. Lloyd se laissa couler contre le dossier du siège et rejeta sa tête en arrière. Le plafond lézardé de fissures sombres avait l’air de le narguer. Le temps était long.



--------

--------

--------Après plusieurs heures passées sur ce siège, Lloyd n'était pas mécontent d'avoir de la visite. Surtout pour être soulagé à propos de Mumkin. Mais son soulagement fut de courte durée.

- Avez-vous conservé à bord, ou revendu, des échantillons du virus trouvé sur le Stonx ? A qui. Dans quel but. … Personne ne sait que vous êtes ici. … Je suis votre unique porte de sortie.

Lloyd avait regardé Dana encore une fois, mais elle n’avait pas l’air d’accepter un quelconque autre contact visuel. Elle avait fait ce qu’il lui avait demandé. Il se sentit légèrement rassuré, et s’intéressa enfin au capitaine Zal. L’officier aux cheveux grisonnants s’assit en face de lui et croisa ses mains sur la table en le fixant dans les yeux.

- Rien, répondit-il calmement. Je n’ai rien emporté du Stonx, à part une lettre que j’ai remise à l’agent de Darth Malevolus.
- Bien sûr, bien sûr…

La voix de Zal était mielleuse. Lloyd fut instantanément sur ses gardes, fronçant les sourcils.

- Ecoutez, je vous dirai tout ce que vous avez besoin de savoir, je ne vais pas m’enfuir. Pourquoi ne pas me détacher ? Ma mission sur le Stonx est terminée, je peux tout vous dire sans que vous ayez besoin d’en arriver à ce genre de configuration.
- Vraiment ?

Le capitaine avait affiché un sourire poli. Puis il se tourna vers la Sith, qui fumait toujours dans son coin. Lloyd sentait l’odeur de la cigarra, qui charriait vers lui des souvenirs récents.

- Madame Shar, vous voyez que j’ai bien fait d’être prudent. Vous nous avez retiré l’un de nos leviers de pression et voilà que monsieur Hope ne passe pas aux aveux.

Le hapien considéra le capitaine en penchant la tête, sourcils froncés. Quels aveux ? Il n’avait rien à cacher sur le Stonx. Des choses à cacher, il en avait, mais pas en lien avec cette mission. Le capitaine s’intéressa de nouveau à lui, en se penchant au-dessus de la table :

- Mais pas d'inquiétude, j’ai toujours plusieurs cartes en main.

Zal plongea sa main dans l’intérieur de sa veste, et il en tira un datapad qu’il posa sur la table. L’objet s’anima pour afficher des données. Lloyd lut le document, avant de relever les yeux.

- Ceci m’appartient. Quel est le problème ?
- Le problème ? Des données sur de nombreuses familles puissantes de Dromund Kaas, dont des détails absolument privés. Vous collectez tout cela pourquoi ?

Lloyd resta silencieux un bref moment. Il passa le bout de sa langue sur ses lèvres sèches : il n’avait pas bu depuis longtemps. Les restes d’alcool de l’avant-veille n’aidait pas à rester hydraté, et ça n’avait pas l’air d’être le bon moment pour demander un verre d’eau.

- J’aime me tenir informé, finit-il par répondre.

Zal leva les sourcils, surpris. Lloyd se mordit la langue à l'intérieur de sa bouche. Il savait que sa réponse n'était pas terrible.

- Drôle de passe-temps. Ce sont clairement des informations très précises, à caractère sensible. Pour de la revente à des ennemis ?
- Vous délirez.
- Avouez que c’est quand même plus plausible que votre intérêt pour se tenir informé.

Lloyd ferma les yeux. La présence de Dana ne l’aidait pas à faire du tri dans ce qui était en train de se produire. Il sentait bien qu’il lui manquait une pièce du puzzle.

- Qu’est-ce que vous cherchez ?
- Je vous l’ai dit, monsieur Hope. Qu’avez-vous emporté du Stonx ?
- Et je vous l’ai dit aussi, rien si ce n’est une lettre, destinée au Seigneur Malevolus.
- Monsieur Hope, votre falsification était grossière.
- Quoi ?

Lloyd avait rouvert les yeux pour toiser Zal d’incompréhension. Ce dernier lui sourit avec un regard qui insinuait la connivence.

- Cette lettre est une fausse.

Le hapien écarquilla les yeux. Fausse ?

- Ne prenez pas cet air surpris. Personne n’a pu la falsifier à part vous, pour justifier votre présence ici, sur notre planète, en vous documentant sur des personnages puissants de Kaas City.

Lloyd fit non de la tête. Il ne comprenait pas ce qui était en train de se produire. Comme le silence s’installait, il chercha le regard de Dana, mais celle-ci s’évertuait à fumer.

- Monsieur Hope, je vais vous dire comment ça s’est passé, et vous me direz si oui ou non, j’ai raison. Mais avant de commencer, je souhaite vous faire savoir que Madame Shar, présente ici, me défendra puisque j’ai accepté sa requête concernant l’alien. Par ailleurs, nous sommes actuellement sous vidéosurveillance. Mes hommes sont prêts à intervenir si jamais vous faites usage de la Force. Est-ce bien clair ?

Le hapien sentit son cœur se remettre à tambouriner dans sa poitrine. Quelque chose n’allait pas. Il déglutit.

- Allez-y, dit-il néanmoins.

Il n’avait jamais eu l’intention d’agresser Zal de toute façon. Jusqu’ici, il avait imaginé une longue procédure pénible pour s’expliquer sur les sujets sur lesquels son vaisseau l’embarrassait. Mais le Stonx, le virus ?

- Bien, enchaîna Zal. Alors voilà ce que vous avez fait, ainsi que je pense avoir reconstitué l’histoire, monsieur Hope : sur le Stonx, vous avez volé un échantillon du virus, afin d’introduire celui-ci sur Dromund Kaas. Vous êtes venu sur cette planète il y a quelques semaines, en suspendant votre traceur bien sûr, pour faire votre œuvre. Puis vous êtes reparti. Entre temps, bien sûr, vous avez pris soin d’envoyer cette fausse lettre au seigneur Malevolus, qui bien sûr a tout naturellement accepté que ce soit vous qui vous rendiez sur Dromund Kaas pour enquêter sur le sujet. Ainsi, vous êtes revenu en toute légitimité, vous avez pu accéder à de nombreux fichiers pendant votre enquête auprès des autorités de Kaas City, et vous y avez tranquillement collecté les données sur toutes ces familles. Y compris celle du Seigneur Varnak – quelle imprudence ! Ce qui m’intéresse, maintenant, c’est de savoir pourquoi. Ou plutôt pour qui.

Lloyd avait blêmi. Il cligna des yeux plusieurs fois, frappé d’incompréhension.

- Non… C’est faux, finit-il par réussir à articuler.

Zal perdit son sourire.

- Entendez-moi bien, monsieur Hope : vous êtes impliqué dans une affaire de sécurité intérieure. Soit vous avouez, soit nous vous faisons avouer.

Lloyd secoua la tête en signe négatif, toujours incrédule.

- La seule chose dont je ne sois pas tout à fait certain, Hope, c’est votre motif : est-ce pour revendre ces informations ? Etes-vous un agent double ? Travaillez-vous pour quelqu’un ? Ou bien est-ce que vous avez votre propre plan contre le Seigneur Varnak ?
- Non, non, et non. Rien de tout ça. Votre scénario ne tient pas la route. Absolument pas. Pourquoi me serais-je tant démené pour supprimer les contaminés, en ce cas ?
- Justement, pourquoi l’avez-vous fait ? Vous n’étiez pas censé être au camp Piya. Mais vous y êtes allé. Était-ce pour gagner les faveurs du juge Estremel, ou bien celles du seigneur Orcus ? Ou bien, pour pouvoir rester plus longtemps sur Dromund Kaas, tout simplement ?

Le hapien ne répondit pas, figé dans une posture de sidération. Le visage de Zal s’étira d’un nouveau sourire tandis qu’il se levait, visiblement satisfait. Il récupéra le datapad, qu’il rangea dans sa veste en se tournant vers l’Inquisitrice.

- Je vous laisse essayer d’obtenir des aveux, ou les informations qui vous intéressent au nom de l’Inquisition, avec les méthodes qui vous conviendront, dit-il avec une amabilité un peu forcée.

Le capitaine se dirigea ensuite vers la porte, où il tapa trois coups sonores. Il y eut un cliquetis tandis que l’on déverrouillait le panneau de métal blindé, et Zal avisa Lloyd. Il eut un bref geste pour pointer du doigt le bras de Lloyd, à la tâche violette.

- Hope. Je vous conseille de parler à l’Inquisitrice. S’il me manque des informations, c’est autre chose que du slick que nous vous injecterons.

Zal disparut à l’extérieur et l’on referma la porte, laissant un Lloyd pantois devant une Inquisitrice qui devait avoir presque terminé sa cigarette. Le hapien chercha immédiatement à l’aide le regard de la jeune femme.

- Dana. Dis-moi que tu ne les crois pas.

Il savait qu’elle le croyait menteur. Et par bien des aspects, il lui avait déjà beaucoup menti. Et cette fois, le croirait-elle ?
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- Dana. Dis-moi que tu ne les crois pas.

Elle ne répondit pas tout de suite, sifflant sur les derniers instants de vie de sa cigarette. Les paroles d’Ykis Zal résonnaient dans son esprit troublé. On pouvait admirer derrière les cercles d’or de ses yeux, les stries de l’inquiétude. Pour la énième fois de la soirée, elle se demandait ce qu’elle faisait là. Pour la énième fois l’émeraude précieuse des prunelles hapiennes fit office de réponse.

Qu’avait-elle dit à propos des supplications ? Que cela ne fonctionnerait plus. Elle écrasa son mégot à la surface de la table. L’ampoule jeta sur ses ongles parfaitement vernis des ombres colorés. Depuis Korriban, elle n’avait jamais abandonné ce symbole. Cette couche de vernis lui remémorait les épreuves endurées à l’Académie afin qu’elle n’oublie pas tout le chemin parcouru. Elle se remémorait de sa fierté, le jour où , vaincue par Orzak elle avait vu sa manucure intacte. Elle avait tellement été absorbée par sa défaite en demi-teinte qu’elle n’avait pas remarqué le regard de Hope se poser sur elle. En redressant ses iris singulières, elle croisa celles du Sith.

-Je ne les crois pas.

Un silence bref et abrupt.

-Mais je ne te crois pas non plus. C’est quoi ces histoires de grandes familles kaasi. Celle du Seigneur Varnak, sérieusement ?!

Encore un blanc, profond et de plomb.

-Sérieusement ?!!! répéta-t-elle en haussant le ton.

Les pieds de sa chaise raclèrent contre le dallage dans un son strident tandis qu’elle se redressait pour faire quelque pas. Elle devait digérer ses appréhensions, sa colère, cette incompréhension totale. Elle s’arrêta et délogea l’un des deux datapads qui se trouvaient sur elle. L’écran diffusa bientôt des filagrammes azurés sur son minois pâle. Elle brandit l’appareil ensuite, vers lui.

-Le dossier de ta Mat’aenna. Tu sais, la photo.

Ce n’est pas une bonne idée, Dana. Ce n’est pas une bonne idée d’en prendre connaissance devant lui. Les coups qu’on ne voit pas, qui fracassent à l’intérieur. Ce sont les pires. Mais on y survivait. Ses pupilles s’agitaient en alignant les mots que les données formaient. Ses lèvres, au départ entrouvertes, se pinçaient progressivement dans une moue figée et raide.

-Protégée par Darth Laduim. Ton Maître. J’aurais tout vu. Tu n’es pas capable de la protéger toi-même, c’est pour ça que tu te vends au Castellan Noir sur des missions de merde. C’est pour ça que tu n’as pas ta frégate et que tu erres comme un chien ? Je vois pas d’autres raisons pour lesquels le Castellan protégerait ce genre de….personne.

Elle poussa un soupir incrédule et sans quitter le datapad des yeux, s’échoua sur sa chaise.

-Une domestique, commenta-t-elle ensuite.

Sa voix était blanche et rauque, rien à voir avec sa consommation de cigarra. L’émotion lui arrachait les cordes vocales. Mais il fallait bien parler.

-Un peu sensible à la Force. Incapable de figer sa loyauté.

Insensible à l’ombre comme à la lumière. Une femme libre. Finalement, cela correspondait bien à Lloyd Hope. La haine céda le pas au désarroi. Elle avait milles et unes interrogations, qui divergeaient complètement du sujet principal de cet interrogatoire. Les questions se consumaient au bord de ses lippes qu’elle gardait pincées quand elle ne parlait pas. Et quand elle les faisait aller pour articuler, la voix qui en sortait paraissait perpétuellement sur le fil du rasoir, prête à se briser en milliers de sanglots. Mais elle ne cassait pas et réussissait à se former dans l’air vicié de la pièce.

Poc.

Elle avait déposé le datapad à la surface de la table et l’avait fait glisser vers lui. Il n’avait qu’à baisser les yeux pour contempler l’écran et y lire les données.

-J’ai tenu parole, Lloyd. J’ai sorti ton alien de pilote de là. Il se faisait fracasser en bas. Il est en sécurité là où je l’ai fait amener. Et je le libérerai. J’ai qu’une foutue parole, ok ? Et elle a été pour toi. Alors j’attends que tu me renvoies le turbolift. C’est ta femme ? C’est quoi votre lien au juste ? Elle nettoie des baraques et toi tu fais le ménage pour le Seigneur Laduim ? Tu vis sur ton raffiot et elle ailleurs ? C’est quoi cette relation.

On avait tous besoin de savoir, n’est-ce pas ? Même quand ce n’état pas la peine de connaître les détails.

-Si tu ne me dis rien. Si tu ne me dis rien, je quitte cet endroit. Je vais enquêter et je vais la trouver. Je vais l’interroger, c’est ce que tu veux ? Qu’elle réponde à ta place ?

Moi aussi j’aimerais que tu me foutes la paix, Lloyd. J’aimerais ne pas être là ce soir. J’aimerais qu’on revienne des années en arrière et que tu ne sois pas là. Elle se remémora la photo aux pliures usées qui striaient le visage souriant d’une twi’lek à la peau verdoyante.

-Si tu comptes trahir le Castellan ou Le Maître des Forges, à cause d’elle.

Elle faisait des liens comme elle pouvait, tâtonnait pour trouver une piste par elle-même. Elle réfléchissait tout haut, mais ses trippes pensaient et son cerveau aussi. C’était difficile de faire taire les premières au profiter de l’autre. Elle avait l’impression que la clé était là, devant elle. Que le puzzle formait une image cohérente. Mais ce n’était qu’une impression, la clé ne ressemblait pas vraiment à un sésame, l’image formée par le puzzle n’était qu’une chose abstraite. Lloyd Hope, apprenti du Castellan Noir. Mat’aenna, marginale protégée par le Castellan Noir. Lloyd Hope possédait une photographie de Mat’aenna, usée à force de la plier, usée par le temps passé à la contempler. Il lui manquait le mortier.

-Je suis qu’une Inquisitrice, Lloyd, souffla-t-elle. J’ai sorti ton foutu pilote de la galère. Mais pour te sortir toi, de là. J’ai besoin que tu m’aides. Alors parle.


-S'il te plaît.

Cette fois, la supplique venait d'elle.

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Tu n’es pas capable de la protéger toi-même.

Lloyd avait l’impression de recevoir un coup bien plus violent que toutes les gifles que Dana aurait pu lui asséner. Il ouvrit la bouche et la referma, suffoqué pas seulement par la surprise cumulée de l’accusation de Zal et de la tournure de l’interrogatoire autour de Mat’, mais surtout par l’acuité avec laquelle Dana envoyait ses projectiles : là où c’était le plus douloureux.

Tu te vends au Castellan Noir sur des missions de merde.

La honte lui fit détourner le regard. Merde. Les termes étaient bien choisis. Il s’était vendu, oui. Le hapien essaya de bouger sur son fauteuil. Se redresser avec la faible marge de manœuvre qu’il avait. Regarder le sol, regarder le plafond, la porte. Le sol encore.

Tu n’as pas ta frégate et tu erres comme un chien.

Il lui semblait qu’il manquait d’air. Il ne savait plus comment il était arrivé là. C’était pour ça qu’on l’avait arrêté ? Il avait tellement divagué et personne ne l’avait su. Il était pourtant logique qu’à force de dériver il se crashât quelque part.

Elle nettoie des baraques et toi tu fais le ménage pour le Seigneur Laduim ?

Il aurait juste aimé que ce ne soit pas sur ces rives-là, où Dana le toisait de ses yeux sévères. Il s’échouait comme un sac plastique abandonné sur la plage que personne ne voudrait se salir à ramasser.

Tu vis sur ton rafiot et elle ailleurs ? C’est quoi cette relation.

Bonne question. Lloyd renversa la tête en arrière, se forçant à cesser de gigoter. Ce n’était pas facile. Tout son corps lui criait de fuir, et il ne pouvait pas. Il pouvait utiliser la Force. Absorber toute vie en Dana. Elle tomberait au sol. On penserait à un malaise. Les gardes accourraient. Il ferait une sortie de tous les diables. Et il fuirait.

Tu es plutôt du genre à fuir.

- Je sais ! s’exclama le hapien, excédé. Merde.

Oui, il savait. Il n’était pas réaliste. Il releva la tête, puis la laissa choir sur sa poitrine à nouveau. Les secondes s’égrenèrent.



Probablement, même, quelques minutes.









- C’était, finit par dire Lloyd d’une voix rauque.

Il lui sembla que les coups, de toute façon, il se les administrait lui-même. Il ne voulait pas mentir à Dana. Il lui devait cela puisqu’elle avait sorti Mumkin de là. Mais ne pas mentir… Signifiait ne pas se mentir à soi-même non plus. Et ça, c’était difficile. Cela faisait des années qu’il se berçait d’illusions. A réaliser ce qu’il allait raconter, la bassesse qu’il avait atteinte, il en avait les larmes aux yeux. Il garda la tête baissée pour que Dana ne pût s’en rendre compte. Pourquoi était-il si émotif ? C’était ridicule.

- C’était ma compagne. Ou quelque chose comme ça. On ne se voit plus. Depuis des mois.

Il ferma les yeux. Arrête, se dit-il à lui-même. Ses rêves d’avenir étaient en train de se fracasser avec la même violence que la collision de deux vaisseaux l’un contre l’autre, lancés à pleine vitesse. Toutes ces nuits passées à se dire qu’un jour il se réinstallerait avec elle, qu’ils seraient heureux, qu’elle l’aimerait encore et qu’il la toucherait encore. Quel mensonge.

- Ou presque. Depuis des années, corrigea-t-il. C’est elle qui paie mes années de désertion.

Il lui semblait que chaque mot lui tailladait les lèvres. Qu’y avait-il à dire ? Des choses trop intimes, qu’il n’avait pas envie que Dana entendît. Pas elle. S’il y avait bien une personne devant qui il pouvait vraiment avoir honte… Quelle merde il faisait. C’était une Inquisitrice. Elle avait peut-être tout préparé pour entendre ça.
Le hapien prit une inspiration. Peut-être qu’il fallait parler vite pour extraire le pus avec le moins de douleur possible.

- Darth Laduim la protège, oui. Parce que je ne suis pas capable de le faire moi-même : exactement. J’ai trahi l’Empire il y a des années et je n’ai pas racheté mes fautes, pas encore. La vie de Mat’aenna restera en jeu tant qu’on n’aura pas considéré qu’on peut me faire confiance. En attendant, la savoir potentiellement devenue une esclave me rend dingue.

Putain, qu’il avait envie de s’injecter une dose. Il s’efforça de poursuivre, toisant toujours le sol entre ses jambes pour ne pas avoir à voir le jugement dans les yeux de Dana.

- Elle… Hum…

Il dût s’interrompre pour déglutir. Il hésitait. Il se redressa, se pencha en avant en se questionnant. Quel niveau de détail Dana avait-elle besoin ? Non, certainement pas les détails glauques de ce qui restait de leur relation. De ces entrevues minables où Mat’aenna parlait à peine. Il renonça pour passer à la suite. Il serra les poings pour empêcher son corps de trembler. Il aurait voulu retirer la sueur de son front mais il ne pouvait pas.
Il redressa un peu la tête pour désigner le datapad, où une Mat’aenna inquiète et un peu plus âgée que sur sa petite photo carrée lui rappelait le chemin que la twi’lek avait parcouru pour lui. A cause de lui.

- Je voulais juste savoir ce qui se passait pour elle. Je ne me fais pas d’illusion. On m’a caché le lieu où elle exerce et je cherche juste à savoir ça. Savoir pour qui elle travaille et si elle est bien traitée. Je ne compte même pas intervenir, ni rien. Je sais juste qu’elle travaille pour une grosse famille kaasi. Alors j’ai collecté ce que j’ai pu, notamment tous les biens de ces familles-là pour voir s’ils avaient une esclave qui correspondrait.

Et le pire, c’était qu’il n’avait pas trouvé. Quand Darth Laduim apprendrait sa désobéissance… Il serait furieux. Mat’ aussi, si elle savait. Et il avait passé tellement d’heures à ruminer, à chercher, à rêver, pendant les longs voyages spatiaux. Il fronça les sourcils et osa enfin regarder Dana dans les yeux.

- Je te jure que je n’ai plus besoin de ça pour être loyal à l’Empire, s’énerva-t-il soudain. Je l’ai déjà dit à Darth Laduim, mais ça lui plaît de me torturer comme ça. Je voulais juste la trouver, vérifier qu’elle allait bien. Lui dire au revoir peut-être, et c’était terminé. J’ai besoin de ça pour ma conscience, tu vois ? Ça n’a rien à voir avec une quelconque trahison de ma part, et cette histoire du Stonx… C’est faux et tu le sais.

La colère l’aidait à chasser la peine, la honte, le dégoût de soi. La perte, aussi.
Lloyd se laissa aller de nouveau sur sa chaise. Il soutenait enfin les pupilles dorées de l’Inquisitrice. Leur contact visuel dura de longues secondes. Vas-y, juge-moi, semblait dire le hapien, comme un défi. Ou une supplication. Un peu des deux, peut-être.






- Voilà. Tu vois, y’a pire Sith que toi.

Il grimaça un sourire contrit. Evidemment, il ne s’attendait pas spécialement à une trêve. Mieux valait se préparer pour des coups du même genre de ceux avec lesquels elle venait de le mettre à terre. KO.
Darth Hope
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Le blindage de la porte grinça, puis claqua.

C’était elle qui fuyait.
Elle l’abandonnait là.

Et c’était peut-être ça, le pire jugement. Celui sans mot, qui exprimait que Lloyd ne valait pas la peine.

Il avait gagné. Elle lui avait foutu la paix.

Ou peut-être était-elle partie dévoilée ces informations précieuses au Clergé afin de compléter le dossier de Lloyd Hope et de Mat’aenna que l’Inquisition attendait au tournant pour une exécution irréprochable.

C’était le questionnement d’ une vie qui partait en fumée, mais il ne dura que quelques secondes.



Car la porte s’était rouverte aussi rapidement, malgré son poids massif dû à l’alliage blindé. Le parfum de Dana s’annonça avant sa vision. Elle ne disait toujours rien. Qu’aurait-elle eu à dire ? Était-il vraiment pire qu’elle. Avait-il dans son entourage une sœur qui avait trahi l’Empire et qui était morte en traîtresse ? Avait-il eu un père fou à lier, qui avait refusé de ployer devant l’Empire qu’Ynnitach avait constitué ? Avait-il fait du poledance des mois durant pour oublier son échec misérable à être la Sith qu’on attendait d’elle ?

Il n’était pas un chien errant. Il avait quelqu’un qui l’attendait quelque part dans Kaas City. Il essayait juste de la retrouver. Et elle était étrangère à tout ça. Elle se sentit sale d’avoir insisté pour obtenir ces informations. Elle avait fait preuve d’un voyeurisme qui la dégoûtait. Elle aurait aimé ne jamais savoir, mais maintenant elle savait. Se sentait-elle mieux parce qu’il avait parlé ? C’était un mélange de pitié, de jalousie. Elle ne jalousait pas la twi’lek, mais elle enviait Lloyd, car il ne manquait pas de passion. Contrairement à elle.


Un contact.
La paume de Dana contre le front suant du blond. Elle étala less gouttes de transpiration dans une caresse tiède qui glissa contre la tignasse claire. Il put sentir son souffle lent et régulier embrassé son visage alors qu’elle s’installait de nouveau sur ses genoux. Il aurait semblé à Lloyd qu’elle était plus légère, car moins menaçante.

Je suis fatiguée, Lloyd.

C’était ce qu’elle aurait voulu dire.

Juste un peu.

J’ai besoin de me reposer.


Ses bras dénudés s’enroulèrent autour du cou hapien, comme une corde coulissait en un nœud incertain avant de se raffermir. L’Inquisitrice l’étreignit, plongeant son minois pâle dans la chevelure à la couleur ensoleillée, récupérant un peu de chaleur. Elle ne lui avait pas laissé le choix de cette étreinte et il fut envahi par l’odeur de sa peau, contre laquelle son faciès était plaqué, juste au-desssus de ses seins, dans son décolleté ouverte. Le derme était chaud et palpitant, parce qu’il y avait un cœur quelque part derrière. La peau de Dana était plus douce que ses mots, plus soyeuse que son caractère, plus confortable que les regards noirs dont elle le fustigeait souvent. Et elle avait une fragance épicée, comme un musc exotique et brûlant.








-Elle doit l’étrangler.
-Attends les Stihs, j’ai entendu dire qu’ils savent faire des choses. Genre absorber la vie des gens, elle fait ptetre ça.
-Ou alors, elle va juste prendre du bon temps avec, il est pas si mal, s’amusa la chiss en fixant l’écran d’une œillade pétillante.
-On fait quoi ?
-Le capitaine Zal a dit : pas d’intervention, haussa-t-elle les épaules. Elle a peut-être sa propre méthode pour obtenir des aveux. La séduction peut en faire partie.

L’un des officiers du groupe Inisia porta un bâtonnet de sucreries entre ses lèvres et fixa les écrans holographiques qui renvoyaient l’image du couple lové l’un contre l’autre.






Sentir le souffle de Hope contre son derme, c’était apaisant. Sentir ses muscles contre les siens, c’était brûlant. Et elle voguait d’un rivage à l’autre. Se tranquillisant et s’allumant au gré de ce ballet étrange que dansaient ses émotions. Dana aurait aimé le détacher pour lui demander la faveur de ses bras autour de sa taille, pour qu’elle sente la chaleur du hapan se diffuser en elle.

La cellule avait l’air soudainement bien trop grande. Ils paraissaient minuscules dans son immensité silencieuse. Surtout, ils’ paraissaient seuls dans ce vide. L’ampoule se balançait mollement au-dessus d’eux, comme si elle riait en silence, moqueuse. C’était quoi la suite, maintenant ? Elle devait trouver des solutions. Elle raffermit son étreinte. Il put la sentir soupirer dans ses cheveux blonds. Elle ne voulait pas trouver des solutions. Elle voulait juste que tout s’arrête maintenant. Ce serait parfait.

Pourtant, elle souhaitait lui dire qu'elle trouverait une solution.



Lloyd Hope
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Dana s’était levée en silence pour s’en aller. Lloyd l’avait suivie du regard, atterré.

Ainsi elle n’avait rien à dire. Bien sûr, il ne s’attendait pas à ce qu’elle lui parlât gentiment. Il lui semblait que plus que jamais, il aurait voulu qu’elle le massacrât de reproches. Dis-moi que je suis un con, mais ne me laisse pas comme ça dans le doute. Il lui semblait que ses entrailles avaient disparu. Que Dana était partie avec le peu d’estime de lui-même qui lui était resté jusqu’aujourd’hui.

Il était désormais seul avec sa honte minable.

---------

---------

---------Elle revint presque aussitôt. Le hapien leva vers l’Inquisitrice un regard où se mêlaient le doute et la méfiance. Est-ce qu’elle avait changé d’avis ? Elle allait lui dire, enfin, tout le mal qu’elle pensait de lui ? Le vrai mal, pas ses injures habituelles sur sa stupidité ou sa perversité. A quel point il était minable, elle allait le lui dire ? Pourquoi l’espérait-il tant, il ne le savait pas lui-même.

Il la suivit de ce même regard quand elle s’approcha et il sentit sa main essuyer son front.

Alors, il crut voir ce qu’elle manigançait.

Elle allait le faire, finalement. Elle allait entrer dans sa tête, pour y puiser toute la fange qu’il avait laissé là. Elle allait faire émerger les immondices, faire vomir son âme d’abjection.

Comme pour confirmer sa crainte, elle se rassit sur lui et le hapien ferma les yeux. Il le méritait de toute façon. Il s’y soumettait. Après tout, elle ne ferait que voir par elle-même la faiblesse qui l’avait conduit à être le chien errant de Darth Laduim, non son bras droit. Qui savait ? La soumission à cet exercice serait peut-être plus légitime si c’était Dana qui insérait ses ongles dans l’abcès de ses souvenirs. Et le parfum était enivrant, et contre sa peau, chaude et douce, peut-être pourrait-il se réconforter face à la vague de douleur à laquelle il s’attendait.

Il posa son front humide contre le cou de Dana tandis qu’elle passait ses bras autour de lui. Il tremblait. Il s’en foutait, cette fois. Il était prêt.

---------

---------

---------Et rien ne vint.
Sauf la chaleur du corps de Dana envahissant le sien, qui se pressait contre lui au rythme de leurs respirations fébriles.
Lloyd rouvrit les yeux, et ses cils balayèrent la peau de l’humaine. Il avait l’impression de connaître très bien ces quelques centimètres carré de peau pour y avoir plusieurs fois posé les yeux : qu’avait fait Raidun pour marquer cet endroit si brutalement ?
Il ne savait pas pourquoi il pensait à cela, soudain. Il savait juste qu’à cet endroit exactement, où son front reposait, Luis Raidun avait lacéré de ses doigts lâches la peau souple et brûlante.

- Dana, murmura-t-il.

Il voulait expliquer quelque chose mais les mots lui échappèrent. Il avait peur qu’elle ne le lâchât trop vite, trop fort. Que cette chaleur humaine laissât à son tour sur lui les traces indélébiles de quelque chose à quoi il avait déjà renoncé. Des bleus, des contusions d’une autre sorte que celle que Raidun avait laissé sur la peau de la jeune femme. Des griffures d’une autre sorte que celles que Darth Runà avait laissé sur les épaules de Lloyd.

- Dana.

Sa voix n’était qu’un souffle de désespoir. La suite des mots ne venait toujours pas.

Ils étaient deux boules de violence qui se cognaient contre les murs des bas-fonds de l’Empire. Il y avait les bons Sith, et puis il y avait eux, tout en bas de l’échelle. Ou plutôt, il y avait lui, et Dana était descendue à son niveau pour l’aider à faire le ménage pour le Seigneur Laduim. Elle n’aurait pas dû. Elle ne devait pas. Elle valait mieux que ça. Le hapien repensa à ses jambes qui découpaient la lumière sur l’Egide. Elle aurait pu voltiger. Que faisait-elle là ?

- Dana, écoute-moi. Il faut que tu t’en ailles.

Lloyd renversa son visage pour essayer d’apercevoir celui de la jeune femme silencieuse. Il aurait voulu qu’elle restât là, à le protéger du reste du monde. A le protéger de lui-même. Mais il était allé trop loin, depuis beaucoup, beaucoup trop longtemps. Dana était jeune. Elle s’attaquait à un trop gros morceau. Si elle croyait qu’il était récupérable, elle se trompait.

- Il faut que tu t’en ailles, répéta-t-il dans un souffle.

Il essayait de récupérer ce qui lui restait d’intelligence. Qu’y avait-il de mieux à faire ? Elle avait eu raison. Récupérer des données sur le Seigneur Varnak avait été idiot. Mais il était l’apprenti de Darth Laduim. Ce dernier n’était pas clément, mais il le sortirait de là. Puis il le punirait. Mais tant pis, ce ne serait qu’une pénitence de plus à s'infliger. Il n’arrêterait probablement pas toutes ses conneries après ça d'ailleurs, mais il fallait bien payer l’addition de temps à autre.

- Laisse-les faire leur travail, tu veux ? lui chuchota-t-il doucement. Ils vont m’interroger, et puis ils finiront par abandonner. Si tu veux faire quelque chose pour moi, préviens le Seigneur Laduim de l’endroit où je me trouve. Mais va-t-en, ok ? J’ai mérité ce qui m’arrive.

Lloyd dût se mordre la langue pour retenir une sensation incontrôlable qui lui montait dans la gorge et jusqu’aux yeux. C’était quoi, ça ? Un sanglot, peut-être. Il serra les lèvres pour empêcher quoique ce soit de sortir. Il s’ouvrait trop. Il était en train de faire une connerie, comme d’hab. Mais il allait douiller, alors, il pouvait se l’autoriser. Comme on prend un verre de plus quand l’on sait qu’on va devoir abattre un prisonnier ou torturer un ennemi. On s’enivre pour éviter de se voir dans le regard de l’autre. Pour y ignorer la souffrance. Il ne pouvait pas se droguer, ici.
Mais Dana l’enivrait.

La jeune femme commença à s’écarter de lui et il glapit, la voix plus sifflante que d’ordinaire :

- Attends.

Silence. Dès que Dana serait partie, il serait entre leurs mains. Le hapien ne voulait pas y penser. Pas tout de suite. Il voulait son dernier verre, pour affronter la suite.

- Serre-moi juste encore un peu, souffla-t-il. Juste une minute.

Et il cacha son visage dans le cou de Dana, pour ne pas qu’elle pût y lire toute sa faiblesse.

Darth Hope
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Dana plaqua l’une de ses mains contre la nuque du hapien et le pressa davantage contre elle. Juste une minute. Le temps que ses lèvres, ses joues et son front chassent le fantôme du collier de rétention pour le remplacer par une parure apaisante. Elle se souvint à quel point ils avaient eu ce même regard sur Artorias. Elle ferma les yeux. Serra plus fort Lloyd contre ses courbes. Il n’y avait rien à dire. Mais il y avait cette ombre dans leurs yeux, à chaque fois qu’ils s’étaient croisés en mission, Le genre d’ombre qu’on voyait parfois chez ceux qui souhaitaient mourir, mais que la vie rappelait toujours à elle.

-Tu ne sais pas qui ils sont….dit-elle, si bas qu’il crut un instant avoir rêvé sa voix.

Progressivement, ses bras coulèrent loin de l’étreinte. Ses doigts coururent le long du bras de Hope, cherchèrent à tâtons cette petite marque violacée en forme de cercle. Son autre main ramenait les mèches blondes en arrière, dégageant le front de l’officier, jusqu’à qu’elle puisse capter son regard et à chaque fois, il lui semblait plus vert.

-Tu penses que l’Inquisition Sith est pire. Tu te trompes. La seule différence c’est que ces gens qui te retiennent aujourd’hui. Ils ont ni foi, ni loi, Lloyd. Je peux pas partir.

Parce qu’elle avait une revanche à prendre sur ces salopards. Parce qu’il était enchaîné à une chaise, dans une cellule aussi calme que dangereuse. Un sentiment oppressa sa poitrine et elle le combattit en silence.

-Le Seigneur Laduim ne se compromettra pas dans une affaire de sécurité intérieure. Qu’est-ce que je vais lui dire Lloyd ? geignit-elle, partagée entre le désarroi et l’inquiétude. Que son apprenti est suspecté dans un acte terroriste visant à décimer la population de Kaas City ? Qu’il doit te sortir de là ? Tu te rends pas compte…

De tous les efforts vains qu’elle devrait déployer pour faire parvenir ce message, perdant un temps précieux qu’il subirait ici, en tortures, en interrogatoire.

-Lloyd.

La voix était redevenue plus ferme. Les caresses dans sa chevelure et contre son bras s’étaient suspendues. Elle cueillit le visage de Hope entre ses paumes tièdes, verrouillant ses prunelles dans les siennes. Elle sentit la Force bien qu’elle ne la convoqua pas. Elle sentit la Force, elle vit un couloir. Elle pressentit que, si elle l’avait souhaité, à cet instant, elle aurait pu contrôler son esprit. Elle avait cet ascendant, comme elle était surélevée, assise sur lui à la fois en conquérante et en vaincue. Défaite par la simple émeraude d’un regard.

-Tu dois te défendre. Tu mérites pas ça, ok ? Il faut te défendre. T’es un con, mais…t’es pas encore mort.

Je ne veux pas que tu meurs.

-Tu dois te défendre, répéta-t-elle.

Jusqu’à ce que je trouve une solution. Je suis venue pour ça.

-T’es pas obligé de me faire confiance, je demande pas tant mais….

La Force n’était plus. Envolée alors qu’elle avait abaissé son attention sur les lèvres pâles du Sith. Elle eût un faible sursaut, un frémissement qu’il put immédiatement sentir contre ses muscles contractés par la position inconfortable.

-On forme plutôt une bonne équipe. Toi….moi.

Une bonne équipe de Sith seconde catégorie, d’éternels apprentis, mais quand même, une sacrée équipe, non ? Même si le jeu dans lequel on est engagé se résume à une règle simple : tout le monde peut mourir, sauf nous. Il n’y avait jamais assez de morts. Et personne n’était innocent.

Il devait oublier Laduim. Elle devait oublier Runà. Ils reprenaient du service, seuls. Personne ne viendrait les aider ici. Et si elle partait et qu’il ne ressortait pas de là, elle culpabiliserait. Si elle partait et qu’il ressortait vivant de là, elle ne pourrait plus jamais croiser son regard sans avoir honte. Elle préférait encore mettre cet endroit à feu et à sang et périr dedans. C’était bien le problème avec les Shar. Peut-être les seuls Siths pour qui l’honneur comptait. Bien que l’honneur seul ne justifiait pas qu’elle se portât si vivement à son secours.


-Il doit exister un autre moyen…

Etablir une stratégie lui permettait de chasser le souvenir du souffle de Hope dans son cou. Elle avait l’impression que leur étreinte l’avait marquée, que quiconque entrerait dans cette pièce verrait tout de suite qui elle avait accueilli dans ses bras, contre sa poitrine. Ce n’était qu’une illusion absurde et elle se rendit compte qu’en réalité, le parfum du hapien s’était mêlé au sien, à la surface de sa peau. Et ce constant la déstabilisa un court instant. Elle murmurait désormais, tout près de lui.

-J’ai vu les lieux, c’est un petit poste de sécurité. Enfin, sous couvert d’un poste de sécurité c’est une de leur planque à ces rats. Le bâtiment est petit. Il n’y a que l’équipe d’Ykis et de l’autre gros con (Elle faisait référence à Miinaark). C’est notre chance. Mais il faut d’abord trouver un moyen de te libérer. On va s’enfuir, Lloyd. Mais si on fuit, personne ne doit survivre derrière nous. Ykis n’aura encore pas transmis toutes les informations à sa hiérarchie. Tu n’existes encore peut-être pas pour eux. Dès que tu seras libre, il faudra considérer que tout le monde est déjà mort ici.

La subtilité ce n’est pas vraiment votre domaine.

-Coopère le temps de te faire détacher, je vais contacter le Temple, pour qu’on m’envoie un véhicule, qu’on puisse être exfiltré sans éveiller les soupçons dans le quartier. Deux siths qui ressortent simplement du poste de sécurité, ok ? Qui montent dans un landspeeder noir et qui disparaissent. C’est normal. Tu retournes chez Laduim, moi chez l’Inquisition. Même si on savait que c’était nous à l’origine du carnage, ils ne pourront pas nous chercher là-bas.

Je les laisserai pas te fracasser.

C’était ce qu’elle avait voulu dire avec tous ces mots.

Elle prit une grande inspiration et ce fut comme si lui inspirait également, parce que cela avait fait mouvoir le corps de Dana contre le sien. Elle attendait sa réponse, désormais.

Lloyd Hope
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Les gestes de la jeune femme étaient tendres. Ses propos probablement plus censés que les siens. Elle avait peut-être raison ; il n’était pas si simple de prévenir le Castellan Noir, et les conséquences en seraient imprévisibles.
Se résignant, Lloyd baissa les yeux. Son regard tomba nécessairement sur la tenue provocante de l’Inquisitrice. La peau frémissante et le cuir. Partout où il regardait, il lui semblait que le corps de Dana sollicitait son attention, le sommait d’aviver son désir – il détourna presque aussitôt le regard. Probablement ne se rendait-elle pas compte de l’effet qu’elle pouvait avoir. A moins que si ? Elle l’enivrait un peu trop. Rappelle-toi. Des collines beaucoup trop périlleuses.

Le hapien fit les gros yeux à la proposition de Dana. Était-elle sérieuse ? C’était sacrément risqué. Certes, une part de lui était prêt à prendre le risque. Celle qui était galvanisée par la présence de l’Inquisitrice autour de son bassin. Mais était-il sage d’écouter cette part-là de lui-même ? Après tout, par le passé, ce n’était pas vraiment celle qui lui avait fait prendre les meilleures décisions.

- Dana, commença-t-il, je ne –

BAM !

La porte de la cellule venait de s’ouvrir à la volée, les faisant tous les deux brusquement sursauter. Zal fit irruption avec sur les talons deux de ses sous-fifres ainsi que Miinark, dont l’œil unique jeta un regard noir à l’Inquisitrice.

- Inquisitrice, je vais vous demander de sortir immédiatement. Nous devons interrompre votre interrogatoire. Problème technique.

Le capitaine regarda tour à tour Lloyd et Dana.

- Si toutefois on peut toujours appeler ça un interrogatoire, ironisa-t-il avec une amertume évidente.

-------

-------

-------- Bien.

Le capitaine Zal s’était assis en face de lui, mains croisées sur la table, comme quand il lui avait récité son scénario improbable, un peu plus tôt. Derrière lui, la jeune Veda Myn tenait entre ses mains une petite mallette en cuir et ne pouvait s’empêcher de guetter le visage de Lloyd comme si elle avait pu y lire des signes de culpabilité. A ses côtés, un homme en uniforme entre deux âges pointait le canon de son blaster vers le Sith. Miinark, enfin, était passé derrière Lloyd, si bien que le hapien entendait les pas lents du brigadier-chef sans pouvoir le voir. Veda posa la mallette sur la table.

- Qu’est-ce que c’est ?
- Vous le saurez assez vite. Mais avant de poursuivre, j’aimerais que nous soyons au clair.

Lloyd jeta un œil vers la porte. Dana avait été escortée dehors quelques minutes plus tôt et il se demandait si on la laisserait passer sa communication tranquille. Pour l’instant, leur plan n’allait pas fort : il était toujours attaché, et on pointait sur lui une arme, ce qui rendait sa marge de manœuvre très faible.
Le hapien reporta son attention sur le capitaine.

- Je n’ai pas acheté vos petites confessions de pacotille, articula Zal avec mépris. Si ces explications suffisent à l’Inquisition, très bien. Mais j’ai bien l’intention que vous nous parliez en détail de tous vos voyages non déclarés.

Lloyd eut un soupir d'agacement.

- Je vous ai déjà dit que je n’avais rien à voir avec ce virus. Ce n’est pas sur Dromund Kaas que je suis allé il y a quelques semaines, mais dans l’espace Hutt. J’éteins le traceur lors de voyages dans l’Espace Hutt pour éviter que les données soient lues si jamais nous sommes capturés.
- Hé bien, nous verrons si vous nous confirmez ça dans quelques instants.

Zal ouvrit la mallette. Il s’y trouvait des aiguilles, et de petites fioles. Lloyd fronça les sourcils, et regarda Veda Myn s’approcher. Elle retira sa ceinture et s’approcha du hapien.

- Je vais prendre l’autre bras, dit-elle en le contournant, celui-là est complètement fichu.

Lloyd jeta un œil au canon du blaster pointé sur lui tandis qu’il sentait sur sa peau courir les doigts de la sous-lieutenante. Elle serra la ceinture au-dessus de son coude dans un geste sec. Il sentit son biceps serré dans une étreinte qu’il connaissait bien. Pendant ce temps, Zal avait inséré une fiole sur une seringue et il ajustait l’aiguille avec une lenteur toute calculée.

- Vous allez vous laisser faire, monsieur Hope, ou qui que vous soyez. Déjà parce que vous êtes menacé directement. Mais aussi…

Zal se pencha au-dessus de la table, comme pour lui faire une confidence.

- … parce qu’il me semblerait que vous préféreriez qu’il n’arrive rien à cette Inquisitrice par ailleurs, n’est-ce pas ?

Le hapien fit une grimace. Il n’avait guère eu l’intention de résister, de toute façon. La disposition des lieux, le nombre d’ennemis, rien n’était en sa faveur, il ne pouvait faire que subir en attendant une heure plus propice. Il préféra ne pas répondre à la tentative de Zal. Mieux valait qu'il ne lui donnât rien qui pût laisser penser qu'il pouvait s'en prendre à Dana pour faire pression sur lui.
Zal parut néanmoins se satisfaire de ce silence. Sans quitter Lloyd des yeux, il tendit la seringue à Veda qui s’appliqua à le piquer. Le contenu de la minuscule fiole fut vidé en quelques secondes à peine. Puis Veda retira l’aiguille, et la rangea dans la mallette.

Pendant plusieurs minutes, il ne se passa rien. Zal le regardait avec une curiosité non dissimulée.

- C’est la première fois que nous le testons, expliqua-t-il au bout d’un moment. Ce n’est pas mortel, je vous rassure. Seulement très douloureux.

Comme il disait cela, le hapien commença à sentir son bras s’engourdir, puis le reste de son corps. Une chaleur anormale rampait dans ses veines, déstabilisante. Puis ce ne fut plus une chaleur, mais une brûlure intense. Lloyd eut un sursaut sur son siège – mais il était inutile de se débattre. Il laissa échapper un grognement de douleur.

- Ah ! L’effet commence, fit Zal avec satisfaction. Bien. Ne vous en faites pas, ça ne devrait durer que sept ou huit heures. Nous allons vous laisser déguster tranquillement, l’effet devrait aller crescendo sur la première demi-heure. Quand votre première séance sera terminée, vous nous direz si vous êtes prêt à parler ou si vous préférez enchaîner avec une autre.

Lloyd ne répondit pas. Il comprenait à peine ce que le capitaine était en train de lui dire. Il se contorsionnait sur sa chaise, dans l’espoir vain d’échapper à ce qui se passait dans son corps. Il lui semblait que chaque centimètre carré de sa peau s’était enflammée. Embrasée comme il avait pris feu dans l’atelier de l’immeuble du district 40-9. Il laissa échapper un cri de douleur pendant que Zal et toute son équipe quittait la pièce.

-------

-------

-------- Ca va pas Jessie ? T’as pas l’air dans ton assiette.
- Oh, si si, ça va.

Rivan Moonkirt lâcha son sandwich, et ne put s’empêcher de se lever de son siège pour se rapprocher de l’astrotechnicienne. Ils étaient dans un petit bureau, dont les fenêtres laissaient entrer une lumière pâle – l’aube était déjà là. Des piles de dossiers s’entassaient sur les bureaux entre les écrans. L’officier se laissa choir sur le fauteuil libre à côté de Jessie, qui grimaça un sourire.

- C’est Miinark, hein ?

Elle haussa les épaules.

- Il fait cet effet-là quand on travaille avec lui pour la première fois. C’est une brute. Mais tu sais, on n’est pas tous comme ça.
- J’en doute pas, répondit la jeune femme avant de s’intéresser de nouveau à son bloc de données.
- Y’a quoi d’intéressant ?
- Oh…

Jessie sembla hésiter. Elle accrocha derrière son oreille une mèche de cheveux roux, en faisant à Rivan une œillade évaluatrice. Le garçon brun était jeune, probablement seulement quelques années de plus qu’elle. Si on omettait sa manie de manger tout le temps des sandwichs à l’odeur douteuse, il était sympathique.

- D’un point de vue légal, rien de passionnant. Ce sont des modifications qui entraînent généralement des contrôles et des amendes, mais rien de plus. Mais d’un point de vue technique… Disons que le Sans Visage est un vaisseau original. Il y aurait plein d’améliorations à faire sur des performances classiques mais leurs occupants ont l’air d’avoir voulu mettre le paquet sur ses capacités à rester discret. Pas seulement l’identité du véhicule ; on s’est arrangé aussi pour effacer la signature sonore de l’appareil, c’est peu commun.
- J’ai rien compris, dit Rivan avec une spontanéité joviale.

Jessie laissa échapper un petit rire. Miinark avait beau être une ordure, il y avait aussi de la convivialité et de la chaleur dans cette équipe. Rivan étendit sa main vers son bureau pour récupérer son sandwich.

- T’en veux un peu ?
- Juste un petit morceau pour goûter, alors.

Et pendant que les deux collègues partageaient un repas, sur l’écran qui leur faisait face, on voyait le hapien qui, ayant chuté de sa chaise, roulait au sol en hurlant.

Darth Hope
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On l’avait escortée jusqu’au bureau du Capitaine, où les minutes s’étaient égrainées lentement. Las portes s’étaient refermées et le clic du verrou avait résonné. Elle aurait pu tenter de les tordre avec la Force, de se sortir de là. Mais Hope était toujours attaché et en meilleure compagnie qu’elle, maintenant – songea-t-elle avec ironie. De plus, tenter de fuir maintenant serait précipité la fin de sa couverture. Cette attente devint rapidement insupportable, car elle ressassait leur étreinte, la suite des évènements, supputait sur ce qui allait se passer maintenant. Elle devait définitivement arrêter de faire foirer tous ses plans initiaux à cause de Lloyd. Il lui semblait que le derme de son cou lui brûlait désormais, juste là où s’était échoué le souffle tiède du hapien.

Puis le pire arriva. Son esprit se mit à imaginer ce qu’ils lui faisaient subir dans cette cellule. Elle repensa aux sévices de Mumkin. Son ventre se tordit à l’idée que le Sith puisse subir un tel traitement. Et chaque coup, chaque torture qu’il encaisserait….il l’encaisserait à cause d’elle, parce qu’elle n’avait pas su le juger, parce qu’elle n’avait pas su l’abandonner quand il le fallait. Elle était blême. Elle aurait voulu se précipiter sur un moyen de communication, gémir son aide à Runà, lui dire qu’elle ferait n’importe quoi pour qu’elle intervienne.

Tu n’es pas capable de la protéger toi-même.

Elle fit face à ses propres accusations.

Tu n’es pas capable de le protéger toi-même.

Elle n’était déjà pas capable de se protéger elle-même, comment avait-elle pu croire une seule seconde qu’elle avait les épaules pour tous ces bons sentiments ? Son Maître avait raison. Hope représentait un sacré problème.

Zal fit son apparition, rompant net ses réflexions pleines de poison. Il était seul et arborait sur son faciès un air satisfait. Il prit place derrière son office ; seul maître dans cette pièce sans fenêtre et à l’éclairage purement fonctionnel qui jeta sur lui des ombres indifférentes.

-Bien. Dame Shar, je pense que deux choix s’imposent à vous. Retourner dans la fange inquisitoriale ou demeurer là, et me donner des explications. N’escomptez pas utiliser vos petits tours de passe-passe sur moi. La vie du prisonnier en dépend. J’ai donné mes ordres et ils seront suivis à la lettre. Nous avons les moyens logistiques de transférer Monsieur Hope dans une autre structure et vous ne saurez jamais où. Alors.

Il se conforta dans son siège molletonné mais usé par le temps et la darda d’un regard perçant, qui lui glaça les os.

-Quelles sont vos véritables intentions ? Nous voler le suspect, afin de remettre cette affaire entre les mains de l’Inquisition, avez-vous été envoyée pour ça ? J’ai concédé l’alien, car c’était le petit poisson.

Dana se mura dans le silence, car à ce stade, la moindre parole pourrait se retourner contre elle. Il était difficile de savoir ce qu’Ykis avait derrière la tête, ce qu’il savait déjà et ce qu’il ignorait. C’était un très bon joueur et il méritait sans doute sa place à la tête de cette unité. Sa froideur ne semblait réchauffer par aucune peur à l’encontre des deux Siths qu’ils étaient.

-Ou avez-vous des relations avec Monsieur Hope que j’ignore. Vous les Siths, vous vous connaissez presque tous non ?
-Capitaine Hope, rectifia-t-elle sèchement.

Elle extirpa de sa cuissarde le document d’identité fissuré pour le présenter à l’officier.

-De la Marine Impériale. Accessoirement, c’est l’apprenti du Castellan Noir. Il est connu, oui. Pas seulement des Siths. Vous êtes en train d’enfoncer des portes ouvertes.

Zal considéra l’holographie qui reluisait pauvrement à la surface de la carte. Il eut une petite moue incrédule.

-Mais bien sûr. Un proche du Castellan Noir obligé de trafiquer ses transpondeurs, ses enregistrements, fuyant les autorités comme la peste dans un vaisseau bourré d’articles non-déclarés. Un Capitaine de la Marine envoyé sur le Stonx, dont les affaires dépendant entièrement des Forges et des Renseignements. Qui collecte des données confidentielles sur les Seigneurs de Kaas City ?

T’es vraiment un con Lloyd.

-Je vais vous avouer un scoop, Dame Shar. Parce que votre capacité à raisonner n’est peut-être pas aussi développée que vos charmes. C’est un traître. Et tout apprenti ou capitaine qu’il soit, il se préparait visiblement à briser ses allégeances. Nous allons le briser en retour, jusqu’à ce qu’il avoue. Je pensais que l’Inquisition et les Renseignements tomberaient au moins d’accord là-dessus.
-Vous savez, chez les Purificateurs, nous sommes déjà au siècle suivant. Nous savons que des renseignements s’obtiennent autrement que par la torture. Cela s’appelle la subtilité, claqua-t-elle en levant les yeux au plafond, elle-même peu convaincue parce qu’elle racontait, mais il lui fallait gagner du temps pour organiser sa défense.
-Oui, ricana-t-il ironiquement. Voulez-vous que je vous prépare une chambre et un dîner aux chandelles avec le suspect ? Ca donnerait du spectacle à mes équipes. Quel genre d’Inquisitrice obtient des informations en écartant les jambes ? Vous savez qui fait ça ? Les prostituées que nous engageons, pour une poignée de crédits, afin qu’elle obtienne de certains clients cibles deux trois trucs compromettants. Pratique dans les affaires de drogue, je vous le concède. Mais…vous n’êtes pas une catin ?

Elle s’apprêtait à répliquer mais il délogea un datapad ancienne génération de sa veste sombre. Une manœuvre plus tard et de l’appareil émergea un son qu’elle reconnut. Une musique. De l’intérieur, elle se décomposa. Il visionnait visiblement une holovidéo et elle comprit exactement qu’elle en était le sujet. Elle se mit à haïr le petit sourire qu’il affichait au fur et à mesure.

-Vu vos récentes prestations, la réponse est toute trouvée.

Il posa le pad à plat, comme s’il en avait assez vu et elle osa un coup d’œil pour se voir voltiger. Elle en eût la nausée. Où avait-il eu ça ?

-Ce Mumkin avait ça au moment où on l’a arrêté. Une holovidéo illégalement téléchargée, Jessie va remonter sa provenance, et nous saurons bientôt tout sur vous. Vos supérieurs également.
-J’étais en mission, trancha-t-elle. .Je vais repartir, faîtes ce que vous voulez du suspect.

Elle l’avait appris chez les Lames Rouges. Parfois, le repli était la meilleure stratégie à adopter. Les portes coulissèrent et elle se détourna pour voir la carrure du borgne pénétrer le bureau.

-Laissez-moi vous dire ce que tout cela nous a appris. A mes hommes et à moi.

Dana regardait Miinark approcher d’elle.

-Que vous êtes deux traîtres. Vous étiez au camp Piya, au district 40-9. Vous êtes la complice de Monsieur Hope ou peu importe. Maintenant que nous savons ça, et votre pathétique tentative de l’aider, il nous reste à connaître vos mobiles et vos plans exacts. Miinark a été terriblement déçu de n’avoir pu aller au bout de son travail, un travail qu’il prend très à cœur. Il est ravi de pouvoir le poursuivre et rendre ainsi service à l’Empire.
-Je t’ai défait une fois, lança-t-elle vers le borgne, je recommencerai.

Ykis Zal attrapa un masque à gaz dans l’un des compartiments de son office. Miinark fit de même en détachant celui pendant à sa ceinture. Shar eût un mauvais pressentiment alors qu’ils enfilaient leur équipement. Elle se redressa, prête à invoquer la Force, mais l’aérosol se diffusait déjà dans la pièce, aussi sournois qu’un poison. Elle vit trouble avant même de réussir à mobiliser son don. Les figures masquées des deux hommes dansèrent devant ses yeux humides. Elle se mit à tousser et ne fut bientôt qu’un corps inerte qu’ils n’eurent plus qu’à cueillir.











Elle inspira bruyamment avec l’impression détestable de revenir d’entre les morts. Un sol froid soutenait sa joue pâle. Au début, tout n’était que ténèbres. Ses oreilles bourdonnaient douloureusement et elle voulut s’étendre pour vomir avant de se rendre compte qu’elle était déjà allongée. Alors que sa vision capricieuse faisait le point sur son environnement, elle reconnut une table et deux chaises dont l’une était renversé. Encore un effort de mise au point et elle découvrit avec effroi que la masse auparavant floue qui était renversée avec le siège était Lloyd Hope. Elle eut un glapissement de désarroi, parce que ses voies respiratoires la faisaient horriblement souffrir et que sa tête menaçait d’imploser.

-Lloyd…

Elle s’appuya sur ses mains pour tenter de se redresser. L’ampoule unique jeta sur son faciès maquillé un peu de lumière. Elle remarqua avec soulagement qu’elle n’était pas menottée. Mais un poids désagréable enserrait sa gorge. Un poids familier. Un poids cauchemardesque. Elle se mit à agripper son propre cou, paniquée. Elle sentit les attaches d’un collier de rétention. Elle se mit à sangloter et petit à petit ses sanglots se muèrent en cris.

-Non…non…enlevez-moi ça ! s’écria-t-elle vers le plafond, espérant saisir une caméra.

Silence.
De longues minutes s’écoulèrent durant lesquelles, elle cohabita avec son angoisse et sa peur.

Elle se releva avec difficulté pour tituber jusqu’au corps du Sith. Elle s’agenouilla près de lui et inspecta son corps, sans s’arrêter de sangloter. Elle avait l’impression que Luis Raidun pouvait surgir de n’importe quelle ombre de cette pièce. Elle contrôlait les bras du blond et surveillait chaque coin de la cellule en même temps, paniquée. Enfin, son regard accrocha une nouvelle marque d’injection qui la pétrifia d'horreur.

-Lloyd…tu m’entends ? Debout… gémit-elle.

On doit se défendre, mais j'ai peur.

Elle sentait que tout pouvait basculer à chaque geste, chaque seconde. Que Zal pouvait déclencher le collier et qu'elle mourrait de souffrance.

Lloyd Hope
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Lloyd roula au sol et son visage mordit la poussière. La douleur avait chassé la raison. Les premières minutes, il avait cru qu’il serait capable de supporter la brûlure qui avait germé sur sa peau. Mais très vite, la sensation de se consumer s’était répandue au plus profond de lui, dans ses organes vitaux, dans ses muscles. Ses globes oculaires même lui semblaient être devenues deux boules incandescentes logées dans son crâne comme deux braises au milieu d’un foyer déjà brûlant.
Des cris lui avaient échappé. Le siège avait été renversé, jeté en arrière tandis que le hapien s’agitait dans l’espoir de chasser un assaillant invisible. Il comprit vite que ni ses gestes, ni ses hurlements ne soulageraient la douleur. Mais se calmer lui paraissait impossible. Il aurait fait n’importe quoi pour de l’eau. Boire, s’immerger. Il lui semblait que c’était le seul remède, mais sa cellule était désespérément sèche.

Des minutes qui lui parurent interminables s’étaient déjà écoulées quand il entendit qu’on ouvrit la porte et qu’on déposait quelque chose près de lui. Il fit un effort pour ouvrir ses yeux ruisselants, pour découvrir dans un râle de détresse l’Inquisitrice allongée à quelques centimètres de son propre corps, dotée d’un collier de détention. Un bref instant, il crut que le poison avait aussi attaqué son esprit : il divaguait. Il revoyait des scènes d’Artorias, les mélangeait avec la réalité.

Mais non. Dana était bien présente. Et tout aussi prisonnière que lui. Il essaya d’appeler son nom, mais il ne put qu’émettre un gémissement de douleur.

Tout devint Obscurité.

---------

---------

---------Il entendit sa voix avant de pouvoir ouvrir les yeux. Sa voix qui prononçait son nom. La douleur était toujours là, fulgurante. Combien de temps avait-il perdu conscience ? Quand il souleva les paupières, Dana était au-dessus de lui. Ses yeux se posèrent sur le collier tandis qu’haletant, il essayait de maîtriser la douleur.

- Ah… Merde. Dana !

Sa voix était un mélange de rage et de souffrance.

- J’t’avais dit de te tirer ! … Bordel.

Voilà maintenant où tu en es. Où on en est. Grâce à moi, je sais. Et ça faisait un mal de chien. Il n’arrivait pas à réfléchir avec une telle douleur. Il cligna plusieurs fois des yeux, roula sur lui-même, constata que le siège ne le retenait plus, bien que les menottes, elles, fussent toujours étroitement serrées autour de ses poignets, dans son dos. La poussière s’était accrochée à ses cheveux, avait tapissé le bas de son uniforme noir et sa peau à vif de blessures récentes. Il lui semblait que le poison avait jeté sur le monde un voile rouge de souffrance. Tout était devenu insupportable.

Leur plan était fichu : si Lloyd devenait agressif ou tentait quoi que ce fût, il risquait la vie de Dana. Dana elle-même ne pouvait désormais rien faire, sous peine d’être immédiatement sanctionnée par le collier. Ils étaient faits comme des rats. Si encore on ne les avait pas cru liés. Si encore il y avait eu autre chose qu’une table, deux chaises et une ampoule. Si encore il y avait eu une victime chez qui il aurait pu puiser une énergie vitale pour combattre le poison. Mais il était dans une impasse. Un cul-de-sac. Et qu’arrive-t-il à une créature souffrante et acculée ?

Le hapien essaya de se redresser. Il ne put s’empêcher de laisser échapper un râle de douleur, mais il parvint à se mettre sur son séant. Il se tourna vers Dana et au moment où il croisait son regard effrayé, enragé par leur situation absurde, il eut soudain une idée. Une idée stupide. Mais à situation absurde, pouvait-il faire autre chose qu’un truc idiot et désespéré ?

Il se contorsionna pour faire passer son bassin et ses jambes entre ses bras, comme il l’avait fait dans le sous-sol d’un manoir sur Artorias, afin d’avoir ses mains devant lui, puis il se releva en frémissant. Essayer d’ignorer la douleur. Puis il se tourna vers Dana qui était toujours agenouillée.

- JE T’AVAIS DIT DE TE TIRER ! hurla-t-il et il n’avait pas besoin de feindre la rage qui lui nouait les tripes. DE TE TIRER SINON J’EN FINISSAIS AVEC TOI !

Et il se jeta sur elle. Il attrapa de ses mains liées son cou fragile en étouffant son propre cri d’horreur, la maintenant contre le sol pour qu’elle ne pût se défendre.

- MANIPULATRICE ! JE VAIS TE TUER, SALE ALLUMEUSE ! TOI ET TA SALOPE DE MAITRESSE…

Il ne serra guère, bien que ses genoux probablement en bloquant ses bras faisaient mal à l’inquisitrice. Il priait en hurlant. Ses mains glissaient de toute façon, trempées de sueur, tremblantes de rage et d’horreur. Il voyait le regard ahuri de Dana. Il demanderait pardon plus tard. Je t’avais dit que j’étais irrécupérable, aurait-il voulu dire, mais il ne fallait pas qu’il changeât d’avis. Pas maintenant. Il ferma les yeux pour ne plus voir le visage qui le fustigeait, pour ne plus voir ses mains en étranglement – il avait assez étranglé comme cela et pourtant…

VLAN !

Enfin, la porte s’était de nouveau ouverte à la volée. Plusieurs mains l’agrippèrent. On l’attrapa par les cheveux, les bras, le cou même, et il fut brusquement renversé à terre. Il entendit des cris confus, il reçut un coup de pied dans la mâchoire, puis un autre dans le ventre. Il se recroquevilla dans l’espoir de se protéger mais des bras fermes s’étaient mis à le traîner en-dehors de la cellule.
Ca y était, il avait réussi à sortir. Il n’avait qu’un dernier mot pour cette fichue Inquisitrice.

- TU SAIS QUOI, SALOPE ? TA SEULE CHANCE DE SURVIVRE MAINTENANT, C’EST DE VENIR ME DEMANDER « EMBRASSE-MOI » D’ICI UNE DEMI-HEURE, DE TE SOUMETTRE COMME LA CATIN QUE TU ES, SINON JE TE JURE QUE J’ENVERRAI TON CRANE DECAPITE A TA MAITRESSE !

La porte se referma brutalement. Il n’y avait plus qu’à espérer qu’elle eût compris le message.

---------

---------

---------Et voilà comment il s’était retrouvé suspendu à la place de Mumkin, dans la salle glauque aux relents désagréables, surveillé par Miinark et deux de ses acolytes. Maintenant qu’en plus de la souffrance infligée par le poison, il avait encaissé quelques coups de chaînes et de pieds bien sentis, il se disait qu’il avait vraiment eu une idée de merde. Il espérait qu’au moins, le capitaine Zal pensât qu’il ne servait plus à grand-chose de s’en prendre à l’Inquisitrice pour le faire parler. Ce n’était pas sûr du tout que ça ait fonctionné. Mais il n’avait rien d’autre et désormais, il fallait agir vite.

La porte de sa nouvelle cellule grinça et le capitaine en question fit une entrée renfrognée. Il claqua la porte derrière lui. Visiblement, tout ne se passait pas comme il l’aurait souhaité. Il vint se placer, bras croisés sur la poitrine, devant Lloyd.

- Qu’est-ce que c’était que ça, monsieur Hope ? Vous ne vous entendez plus avec l’Inquisitrice ? Pourtant, vous fricotiez tranquillement quelques minutes plus tôt.
- Non, grogna Lloyd.

L’avantage, quand on était suspendu par les bras, et qu’un mastodonte vous infligeait des coups, c’était qu’il valait mieux penser à autre chose. Comme ficeler un scénario, par exemple.

- La Force, glapit-il, la douleur meurtrissant toujours sa peau et ses membres. Elle l’utilise pour… Pour me manipuler. Quand elle est proche je… Je ne suis plus moi-même. Ne me mettez plus avec elle. C’est elle qui…

Il ne termina pas sa phrase. Ça faisait plus vrai. Quel mauvais menteur tu fais, se dit-il tandis que ses mains cherchaient à attraper la chaîne par laquelle il était suspendu. Zal fronça les sourcils.

- Je vais la tuer, grogna-t-il.
- Allons bon, tant de haine. Nous vous avons vus à l’œuvre, pourtant. Il paraîtrait que vous faites une bonne équipe.
- Une bonne équipe ?!

Lloyd laissa échapper un hoquet de consternation.

- J’ai accepté de lui prêter main forte juste pour satisfaire sa maîtresse. Elle au moins, elle couche. Mais vous vous trompez sur mon compte, capitaine Zal. Shar et Darth Runà sont des vipères et ce sont elles les traîtresses. Elles m’ont manipulé !
- Comment ont-elles fait ? enchaîna Zal, profitant de ce que le hapien avait l’air de vouloir donner des informations.
- Je ne vous le dirai pas. Si je vous le dis, je suis un homme mort : soit vous m’exécutez pour trahison, soit Darth Runà viendra m’exécuter elle-même.
- Comment comptez-vous vous en sortir, alors ?

Lloyd fit une grimace de douleur. Il s’agita et les chaînes tintèrent. Il se balançait légèrement.

- Je n’ai aucune chance et je le sais, glapit-il. Par contre, je veux qu’elle ne s’en sorte pas. Brisez-la. Utilisez votre télécommande et tuez-la ! Si je disparais, elle trouvera une autre victime à tourmenter. C’est elle le vrai mal de cet Empire.

Le capitaine Zal se mit à rire. Il plongea l’une de ses mains dans son veston et en extirpa la petite télécommande, qu’il agita sous le nez de Lloyd.

- Vous parlez de ça ? Oh, il n’y a que moi qui aurait le plaisir de m’en s…

La télécommande lui échappa des mains, attirée vers le plafond sous ses yeux ahuris. Le petit objet décrivit un arc avant de venir se ficher entre les dents de Lloyd. Fini la parlotte. Le hapien envoya brusquement son pied au visage du capitaine qui tomba avec un cri de douleur.

Miinark et les deux officiers se ruèrent sur lui.

Qu’ils viennent. Il allait défendre chèrement sa peau et cette télécommande qu’il serrait toujours entre ses dents. Ils allaient voir ce dont un Sith était capable, même enchaîné.

Lloyd fit une traction pour se surélever à l’aide de la chaîne et échapper à un coup de Miinark. Un instant plus tard, avec un peu d’élan il réussit à asséner un coup de pied à l’un des officiers. Un autre sortait son blaster – Lloyd réutilisa la télékinésie pour le faire sauter de ses mains. Mais Miinark s’était déjà remis du coup qu’il avait reçu et se saisissait d’une barre de fer pour revenir à l’assaut.

Une demi-heure. C’est là où tu arrives, Dana, parce que je vais pas tenir longtemps comme ça !
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Au sol, elle se remettait péniblement de ses émotions. Ses yeux ahuris fixaient le plafond et y dansaient des tâches de toutes sortes. Elle se rendit compte que des larmes silencieuses tombaient le long de ses joues pâles. On avait amené Hope, mais elle sentait toujours ses doigts qui glissaient contre son cou humide, ripant mollement la peau et le collier, ses paumes plaquées contre sa gorge, son poids qui la maintenait clouée à terre et ses mots. Ses mots étaient partout dans l’air et bourdonnaient à ses oreilles.

Elle ferma les yeux.

Le temps s’écoulait.



-Debout.

Le blindage de la porte avait grincé. Dana avait tenté de le tordre plusieurs fois en usant de ses capacités télékinétiques, sans succès. Peu importe combien d’ondes elle avait envoyé contre l’alliage renforcé…même la table et la chaise y étaient passées. Mais après cinq minutes de désarroi et de faiblesse, l’ouverture…enfin. Veda Myn apparut, encadré de l’officier Saspom et de la Chiss. L’humain pointait un blaster sur elle. Mais ce n’était pas les tirs qu’elle craignait. Ils devaient sa relative soumission qu’au fait que Lloyd soit quelque part dans l’inconnu. Et puis, ce foutu collier ne lui laissait pas le choix. Myn possédait une petite moue moqueuse et complaisante.

-A genoux.

Dana ne s’exécuta pas tout de suite.

-A genoux, répéta-t-elle plus sèchement tandis que Saspom se rapprochait de son flanc droit et la Chiss de son gauche. L’Inquisitrice ploya lentement un genou, puis l’autre.

-Mains derrière la tête. Je vais procéder à une petite fouille corporelle. Il paraît que tu as sur toi des choses intéressantes.

Shar fixait le sol avec intensité et sans se presser, croisa ses mains manucurées derrière sa nuque. Le blaster de l’officier à était à portée. La sous-lieutenante poursuivait ses explications vaniteuses, trop heureuse d’avoir le contrôle et empruntant sans délicatesse le boulevard qui s’offrait à elle pour une future promotion. La prisonnière se remémorait les enchaînements des salles d’entraînements sur Axxila, dont l’infrastructure était réservée aux Lames Rouges. Elle revoyait ses instructeurs enchaîner les coups sur les marionnettes qu’ils étaient. La douleur était encore vive dans sa mémoire, même si les bleus avaient disparu de la surface de son corps. Chaque enchaînement, chaque prise, enseignées au détriment d’un os, parfois d’une articulation.

Soudain, elle attrapa le canon du blaster, profitant de la surprise de Saspom pour la tirer à elle. Il reçut un violent coup de coude dans la mâchoire. Cast’ réagit, mais Dana s’était déjà levé pour enchaîner en lui envoyant un coup de pied à l’abdomen. Myn écarquilla les yeux, avant de froncer ses sourcils de colère.

-Tu n’as aucune chance. Ykis voit tout ce qui se passe ici.
-On l’appelle par son petit prénom je vois, s’amusa-t-elle malgré le ton acerbe. Combien de fois t’as dû lui ouvrir tes jambes pour accéder à ce petit privilège.
-La ferme !

La Sith rassembla la Force autour d’elle. Non, c’était Myn qui allait la fermer. L’onde de choc qui suivit balaya les trois corps contre les murs de la cellule. Saspom eût moins de chance, il avait atterri sur l’un des pieds brisés de la chaise qui lui transperça le ventre sur le coup et il grogna un râle, toujours vivant, mais brisé par la souffrance. L’ombre de Dana recouvrit une Veda groggy et à moitié consciente.

-T’aurais dû continuer à coucher pour réussir. Au lieu de t’attaquer à des Siths.

L’Inquisitrice dézippa soudainement sa petite robe, se défit de ses cuissardes, y récupéra les datapads précieux ainsi que son paquet de cigarras et son briquet. Puis elle s’agenouilla près de la sous-lieutenante et entreprit de la déshabiller.




Le col de l’uniforme sombre cachait l’humiliation de son collier. Elle avait vissé le béret noir au sommet de son crâne et fonçait dans les couloirs, tête baissée. Elle avait eu la chance de parcourir ce petit complexe quand ils avaient encore confiance en elle. Jessie lui avait brièvement fait le tour des locaux et malgré son sens de l’orientation lamentable, elle sut exactement où se diriger. Les trippes avaient pris le dessus sur la raison et l’instinct la guidait.





Urkis travaillait dans la salle de surveillance, aux côtés du dernier membre de l’équipe Inisia. Ce dernier n’avait pas encore remarqué les corps inertes de ses coéquipiers dans la cellule 40-9, il était focalisé sur le sous-sol où le sith blond se faisait interroger par Zal en personne. Il avait toujours eu une certaine fascination pour son supérieur et se délectait de le voir à l’œuvre. Bien sûr, son voyeurisme justifiait en partie sa motivation pour ce métier. La porte s’ouvrit à la volée et ils se détournèrent, surpris. Dana gardait toujours son visage bas et ses cils fournis et ténébreux cachaient la dorure de ses prunelles, tout comme l’ombre de son couvre-chef, jetait l’incertitude sur ses traits.

-Myn ?! t’es pas sensée être dans la 40-9 ?
-Changement de programme.
-Comment ça changement de programme ? s’exclama-t-il.

Un silence incertain suivit sa question, durant lequel, les hauts-parleurs de la salle déversèrent les mots qui s’échangeaient en bas :

- J’ai accepté de lui prêter main forte juste pour satisfaire sa maîtresse. Elle au moins, elle couche.

Dana se pétrifia en reconnaissant la voix de Lloyd. Elle fit l’erreur, dans sa stupeur, de relever son minois et l’officier comprit que ce n’était pas Veda Myn. Il dégaina rapidement son arme de poing et visa comme il le put, mis à mal par sa précipitation. Le tir fusa. Elle n’eût le temps d’ériger la Force autour d’elle, toujours figée par les propos entendus et qui continuaient d’être déversés. Le tir lui frôla la hanche. La morsure du plasma brisa son état de choc et elle réagit en désarmant l’homme.

Jessie s’était réfugiée sous le bureau, le cœur battant et étreint par une peur indicible. Elle ferma les yeux quand elle comprit que le nouveau tir de blaster était réservé au front de son collègue. Elle entendit le corps de ce dernier retomber lourdement au sol. Et elle pria pour que la Sith renonce à lui faire subir le même sort. Dans les hauts-parleurs, les mots avaient laissé place à des bruits de luttes.

-Merde, s’exclama Dana en se jetant hors de la salle de surveillance.

La rouquine soupira de soulagement puis étouffa un sanglot.





Miinark leva la barre d’acier qui décrivit le début d’un arc mortel dont le mouvement prendrait fin contre le crâne du hapien. Mais il n’eût jamais l’occasion de l’abattre. Sa carrure massive encaissa plusieurs tirs de blaster et il s’effondra. Hope put apercevoir le capitaine Zal, figure ensanglantée, abaissa son arme encore fumante. A terre, les deux officiers qui se remettaient péniblement des coups reçus n’en crurent par leurs yeux. Zal avait tiré sur son équipier, comme ça. Ce fut la confusion totale jusqu’à ce qu’émerge du dos de l’humain aux cheveux grisonnants, une silhouette féminine.

-Myn…glapit l’un des militaires.

La confusion s’accentua.

Ykis eut un sursaut et détourna son blaster vers Dana/Veda, comme si il prenait conscience de son erreur. Elle envoya un coup contre le poignet fébrile du capitaine. L’arme tomba pauvrement à terre. Shar avait épuisé toutes ses ressources avec ce contrôle de l’esprit, il fallait compter sur ce qu’il lui restait de forces vives. Zal était enragé, le nez brisé par le pied de Lloyd, les yeux fumant de colère. Il attaqua le premier. Dana se baissa in extremis pour éviter le coup. Dans le mouvement, son béret vola, libérant sa longue tignasse brune.

-Ce fils de chien kath avait raison ! enragea Zal. Sale petite manipulatrice de merde. Qu’est-ce que tu m’as fait ?!

Elle reçut un poing contre sa mâchoire et tituba sur le côté, voyant trouble quelques secondes. Il en profita pour l’attraper par les cheveux et elle grogna de douleur. Il promena ses prunelles sur les habits qu’elle portait, reconnaissant l’uniforme de son bras droit.

-Qu’as-tu fais à Veda ?!

Il la poussa violemment au sol et elle atterrit contre le cadavre chaud de Miinark. Essoufflée, elle tenta de se redresser. Ses paumes glissaient sur les muscles sans vie du borgne, mais elle perdait de l’énergie. Ykis prit son temps pour ramasser son blaster et mettre l’Inquisitrice en joue. Il ne voyait qu’elle, emporté par sa propre colère. Il pensait à Veda. Il n’était qu’un homme. Il s’en voulait. Et sa culpabilité l’amenait à se venger. Il souhaita presser la détente mais l’arme lui échappa des mains, comme la télécommande lui avait glissé entre les doigts des instants plus tôt. Et il croisa le regard de Hope.

Foutus siths.

-KSERI, MOONKIRT. DEBOUT !

Les deux subordonnées obéirent immédiatement.

-Repli. Et fermez-moi cette porte derrière vous !

La stratégie du repli, songea Dana, fatiguée. Ils étaient dans la merde.

Les officiers coururent à la suite de Zal. La porte du sous-sol claqua sur leur retraite et les deux siths purent entendre les verrous s’enclencher. Retour à la case départ, mais

Dana extirpa victorieuse, des clés magnétiques d’une des poches de Miinark. Elle se redressa péniblement et chancela vers Lloyd. Elle pressa son corps au sien, pour atteindre ses menottes. Ses doigts fébriles durent s’y reprendre à plusieurs reprises avant de réussir à le libérer ; en sus des tentatives aussi nombreuses que le jeu de clés. Durant ces quelques secondes, elle tentait d’ignorer tous les mots qu’il avait dit et qui ressurgissaient dans sa mémoire comme des cadavres de noyés remontaient salement à la surface. C’était moche. Elle avait fini par comprendre la stratégie qu’il avait employé mais…avait-il pensé le moindre de ces mots ?

Clic.

Les mains de Hope furent libérées de toute entrave.

Elle saisit la télécommande qu’il portait entre ses dents pour y substituer son propre souffle.

-Je suis là. « Embrasse-moi ».

Et maintenant ? Zal Ykis pouvait organiser sa défense, appeler des renforts, gazer cette pièce comme il avait gazé son bureau. Il pouvait les tuer d’une seule pression sur un bouton. Ils s’étaient défendus, mais ils avaient échoué, comme souvent. Ils avaient résisté et cela n’avait engendré que le pire. Elle se demanda si Hope n’avait pas raison, finalement. Elle aurait dû se tirer, ils auraient peut-être finis par abandonner et le libérer ? Cette situation ridicule était sa faute, à elle. Miinark gisait au sol, son œil sans vie était encore ouvert et il semblait rire avec satisfaction.


Lloyd Hope
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Lloyd se massa les poignets. Le poison faisait toujours effet, et il devait serrer les dents et les poings pour supporter la douleur qui irradiait dans tous ses membres. Supporter ça et le regard de Dana. Se faisait-il des films ou était-il glacial ? Il soutint ses yeux dorés avec prudence.
Le hapien lâcha son propre poignet pour frôler le bras en uniforme de la jeune femme. Ses doigts effleurèrent ensuite la main de Dana, puis il referma son pouce et son index sur la télécommande qu’elle venait de récupérer. Il tira doucement mais elle résista. Entre son attaque contre elle un peu plus tôt et ses révélations sur son histoire personnelle, il se dit que cela n’avait rien d’étonnant.

- Je sais que c’est pas évident de me faire confiance là maintenant, mais c’est pour te retirer le collier. Je te jure.

Combien de choses avait-il juré aujourd’hui, et combien étaient vraies ? Il n’avait aucune envie de tenir les comptes. Néanmoins, l’Inquisitrice consentit à lâcher la télécommande et il put la ramener sous ses yeux, rompant la connexion visuelle qu’il y avait entre eux. Dana était très proche. Il avait l’impression qu’au moindre faux pas elle allait lui enfoncer une lame dans le ventre.
Il enclencha un bouton sur la télécommande et le collier de détention bipa. Il y eut un clic, et Lloyd porta ses mains vers la gorge de Dana. Cette fois-ci, pour lui enlever le collier avec délicatesse. Il laissa tomber l’objet au sol, puis il se détourna.

- Le temps presse.

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-------

-------En deux coups de talons contre le sol, le collier de détention avait fini en petits morceaux. Lloyd récupéra la batterie énergétique à l’intérieur de l’objet – non sans se brûler les doigts au passage, l’objet étant suffisamment chargé pour être censé tuer une créature à taille humaine – ainsi que deux tiges métalliques. Il alla s’accroupir devant la porte pour examiner la serrure électronique. Il s’agissait d’un modèle classique : un verrou doté d’une ouverture pour être enclenchée soit mécaniquement à l’aide d’une clé, soit électroniquement à l’aide d’un code. Lloyd inséra les deux tiges en guise de pêne à l’intérieur de la gâche, et tenta de connecter les extrémités à la batterie. Ses mains tremblaient et ses muscles se contractaient légèrement de façon irrégulière, tout cela à cause du poison qui ne cessait d’agir. Il rata son opération plusieurs fois, se brûlant les doigts et faisant tomber tout son attirail au sol. Ils perdaient de précieuses minutes.

- Ça va, je fais c’que j’peux, grogna-t-il à l’attention de Dana, dont il devinait sur sa nuque un regard exaspéré tandis qu’il ramassait une énième fois la batterie et les tiges métalliques.

Clic – toc.

La serrure venait de céder. Lloyd laissa tomber ses ustensiles et tira vers lui le panneau métallique avec précaution : de l’autre côté, personne ne les attendait.

-------

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-------Lloyd et Dana se faufilèrent dans des couloirs déserts. Le hapien jetait des coups d’œil à chaque embranchement, mais les néons baignaient d’une lumière froide des portes de bureaux closes. Le bâtiment était devenu beaucoup trop silencieux : si l’équipe avait fichu le camp, ce serait certainement pour revenir avec des renforts. L’autre possibilité, c’était qu’elle s’était retranchée quelque part pour leur tendre un piège. Si c’était le cas, ils savaient déjà que les deux Sith avaient quitté leur cellule grâce au dispositif vidéo, et ils essaieraient de les attirer quelque part. Mais où ?

- Tu sais où se font les retransmissions vidéos ? chuchota Lloyd à l’attention de sa comparse, avant de la suivre à pas de loups.

Ils bifurquèrent à gauche, passant devant une autre série de bureaux vides. Visiblement, les locaux étaient surdimensionnés par rapport à l’équipe actuelle. De nombreuses salles avaient l’air délaissées depuis des mois, peut-être des années.
Enfin, ils parvinrent à la salle de surveillance. La porte était entrouverte et Lloyd la poussa prudemment du pied : il n’y avait personne à l’intérieur, sinon le corps sans vie d’un homme dont le front était noirci par l’impact d’un tir de blaster qui l’avait laissé yeux grands ouverts tournés vers le plafond. Il ne sembla y avoir personne d’autre et Lloyd entra dans la pièce avec précaution.

Ils entendirent un gémissement avant de voir Jessie cachée derrière la porte. Elle pointa vers Lloyd le canon d’un blaster et de l’autre main, elle tenait un détonateur thermique. La jeune femme rousse tremblait mais une rage enflammait ses yeux bleus. Elle les toisa tour à tour.

- Au moindre geste, je l’active, menaça-t-elle en agitant doucement la petite sphère métallique.

Lloyd avait levé ses paumes vides en signe de paix mais cela ne paraissait pas la mettre en confiance, au contraire.

- Nous voulons juste nous en tirer, dit doucement Lloyd. Baissez cette arme et on vous laisse vous enfuir.
- Non !

Jessie avait crié avec un sanglot dans la voix. Son blaster dans sa main s’était mis à trembler.

- Vous mentez ! Vous… Vous êtes des traîtres ! Je suis… Je suis prête à mourir pour vous emporter avec moi ! Pour l’Empire !
- NON !

Trop tard. Ils venaient tous d’entendre le bip caractéristique du détonateur thermique enclenché. Jessie regarda l’objet avec stupéfaction, comme si elle ne croyait pas ce qu’elle venait de faire. Lloyd n’attendit pas une seconde de plus. Il se jeta sur la rouquine et l’attrapa par son uniforme. Le hapien la souleva de terre et l’emporta brutalement vers la fenêtre, qu’il cassa d’un coup de pied. Jessie hurlait. Il l’ignorait. Il ne pouvait pas l’entendre. L’urgence, la survie. Il la défenestra.

Jessie traversa le carreau cassé, son uniforme et sa peau se déchirant sur les pointes de verre brisé, et elle bascula en arrière sans comprendre ce qui était en train de se produire. Son regard ne quitta pas celui du hapien. Ses deux mains couvertes de tâches de rousseur, tenant fermement pour l’une le blaster, pour l’autre le détonateur thermique, s’agitèrent dans les airs comme si elle avait espéré y nager.

Puis il y eut une détonation brutale et Lloyd vit son corps être déchiqueté dans la lumière matinale. Il ferma les yeux et se laissa glisser à l’intérieur. Il sentait le regard de Dana sur ses paupières closes mais il n’y avait rien à dire.


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-------Il ne savait si c’était la fatigue, le poison ou ce qui venait de se produire, mais Lloyd eut du mal à sortir de son état de stupeur. Certaines morts l’assommaient plus que d’autres, ç’avait toujours été comme ça. Il s’efforça néanmoins de s’intéresser à son environnement. Les moniteurs affichaient les images de plusieurs cellules. Elles étaient toutes vides, à l’exception des corps que Dana et Lloyd avaient laissé derrière eux. Les couloirs n’étaient pas surveillés. Ils venaient de commencer un jeu du chat et de la souris… Et il ne savait guère qui étaient les félins, désormais.

Le hapien s’était levé et allait ressortir de la pièce à la suite de Dana quand ses yeux tombèrent sur l’écran d’un moniteur encore allumé qui, lui, ne retransmettait pas une surveillance vidéo mais une liste détaillée de données.

- Attends.

Le mot Stonx lui avait sauté au visage. Il s’assit devant le moniteur en ignorant l’impatience de Dana, pour y dévorer les quelques données. Il dut descendre et remonter plusieurs fois la barre de navigation, car le rapport qu’il avait sous les yeux était compliqué. Son visage afficha une moue de consternation. Il se tourna vers la Sith en uniforme qui montait la garde.

- Dana, chuchota-t-il. Tu as toujours les blocs de données ? Donne-les moi. J’ai besoin d’un support, il faut que j’enregistre tout ça !
Darth Hope
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Quelques instants plus tôt.

Ykis déboula dans la cellule 40-9, esoufflé. Il arpenta les lieux d’un regard circulaire jusqu’à tomber sur la silhouette évanouie de Veda Myn. Cette dernière gisait contre le revêtement froid et humide, en sous-vêtements. Sa peau laiteuse jaunie par les lueurs de l’ampoule unique. Il se dépêcha vers elle, s’approcha de son chevet et osa une main faible vers la courbe de sa joue féminine.

-Officier Myn…Veda…appela-t-il et lui semblait que sa voix nasillarde parvenait d’outre-tombe, à cause de son nez brisé.

Il détourna les yeux, aperçut le corps sans vie de Saspom, empalé sur un pied de chaise. Il imagina sans peine que les minutes d’agonie avaient dû paraître des heures pour l’humain et il serra les dents, malgré la douleur qui irradiait dans son visage à cause du coup de Hope. Les toussotements de Veda le ramenèrent à la réalité et il s’empressa de l’aider à s’asseoir alors qu’elle s’éveillait péniblement.

-Officier Myn, répéta-t-il, avec une fermeté relative parce qu’il était soulagé de la savoir en vie.

Elle ne répondit pas. Elle dont les prunelles étaient habituellement si pétillantes arborait une mine grave. Elle se remémora son échec, se rendit compte de sa situation humiliante, de cette cellule, des morts, de ses sous-vêtements et de l’attention qu’Ykis lui portait. Ce fut comme un trop plein et elle s’effondra contre lui pour fondre en larmes. Ils étaient de simples agents des Renseignements, pas des soldats destinés au sacrifice d’un champ de bataille. Saspom n’aurait pas dû mourir comme ça. Zal fut un instant pris au dépourvu. Il hésita avant de refermer ses bras autour d’elle. Ses mèches grisonnantes retombaient en catastrophe sur son faciès émacié et couvert de sang, dont le nez trahissait un angle bizarre. Mais quelle importance. Tout comme Lloyd et Dana s’étaient étreints plus tôt, Ykis et Veda échangeaient le même geste de réconfort, puisaient un peu de courage pour continuer.

-J’ai tout tenté, souffla-t-elle contre lui, Je pensais que…
-Ce sont des Siths, répondit-il avec amertume. Vous n’avez pas été formée pour les affronter. Et même quand on est formé, on n’est jamais assez préparé à les rencontrer. Mais nous allons corriger tout ça. Est-ce que je peux compter sur vous, Veda ?

Elle approuva d’un hochement de tête et se détacha lentement pour aviser les vêtements de Dana au sol. Ce fut avec un dégoût évident qu’elle se résigna à les enfiler.

-Bien, se remit d’aplomb Zal, comme si savoir son bras droit de nouveau sur pied le regonflait à bloc. Nous devons prendre ce chien de Hope vivant. Mais l’Inquisitrice peut être un dommage collatéral.
-Je me ferai un plaisir de la faire souffrir avant, cracha-t-elle en zippant la robe moulante, dépitée.
-Pas de précipitation. Il reste encore Moonkirt et Kséri. Miinark est mort. Saspom aussi. Jessie et l’équipe Inisia ne donnent aucune nouvelle. Cast’ semble hors service. Ce sera compliqué, mais pas infaisable. Nous avons l’avantage du terrain.
-Peut-on tabler sur des renforts ?

Veda avait séché ses larmes et terminait d’ajuster les cuissardes autour de ses cuisses, agacée. Le professionnalisme avait repris le dessus, lui seyant comme une seconde peau. Progressivement, les idées se remettaient en place.

-Vous savez comment ça se passe dans les Renseignements. En cas d’échec, nous sommes désavoués. Nous ne pouvons compter sur aucun renfort. Malgré la gravité de l’affaire.
-Bien. Sous-lieutenant Veda Myn, au rapport, répliqua-t-elle avec détermination.

Ykis glissa une œillade sur ses courbes mises en valeur par la tenue de l’Inquisitrice. Cela lui fit un drôle d’effet, mais il ne commenta pas outre mesure, gardant ses réflexions pour lui. Veda quant à elle, s’apprêtait à récupérer son uniforme sur le cadavre de Dana Shar. Elle en faisait une croisade personnelle.










Les cris de Jessie et le bruit de l’explosion avaient laissé place à un silence glaçant dans la salle de monitoring. Mais ils emplissaient toujours l’esprit de Dana d’un bourdonnement assourdissant. Elle n’arrivait pas à penser à autre chose que Lloyd qui défenestrait l’humaine, dans une tentative désespérée de leur épargner un funeste sort. Elle se revit au 2331, dans cette cuisine délabrée, son dos heurtant la cuisinière suite à une violente explosion. Sur le coup, éreintée par sa commotion elle n’avait pas compris, mais tout lui paraissait clair aujourd’hui. Hope avait rejeté l’explosif thermique, tuant le rodien par inadvertance. Elle dirigea un regard discret vers le hapien installé à la place de l’équipe Inisia, qui poursuivait comme si de rien était. Et à l’intérieur, se demanda-t-elle, comment était-il ? Elle secoua la tête et reporta son attention vers les portes qu’ils avaient verrouillé, montant la garde. Elle ne devait pas avoir de compassion. C’était un foutu pervers, peut-être même un psychopathe. Certainement un connard qui la jugeait au premier venu parce qu’elle ne couchait pas, elle.


- Dana, chuchota-t-il. Tu as toujours les blocs de données ? Donne-les-moi. J’ai besoin d’un support, il faut que j’enregistre tout ça !

Elle poussa un profond soupir et se rapprocha tout en délogeant les deux datapads de sa poche. Elle les claqua sèchement sur la console de commandes. Son aura était glaciale et elle répondit sur le même ton bas.

-T’es sérieux ? Tu penses qu’on a que ça à faire. Jouer les espions ?! J’ai plus de forces et toi ils t’ont empoisonné. La moindre seconde qu’on passe ici, c’est une seconde de plus vers la mort. Et non, n’espère pas que je me tire sans toi. Je l’ai pas fait une fois. Alors dépêche-toi.

Un grésillement les fit sursauter. Il vint fissuré ce calme étrange dont la salle était baignée. En réalité, le mouvement brusque de Dana contre la console avait enclenché malencontreusement une commande de retour en arrière. Sur les autres moniteurs qui tapissaient un mur complet, des images passées jouaient encore une fois leur lot de tragédie. On voyait Lloyd menotté et suspendu à des chaînes. On entendait sa voix se diffuser dans l’air, cinglante.

J’ai accepté de lui prêter main forte juste pour satisfaire sa maîtresse. Elle au moins, elle couche. Mais vous vous trompez sur mon compte, capitaine Zal. Shar et Darth Runà sont des vipères et ce sont elles les traîtresses. Elles m’ont manipulé !

Elle crispa sa mâchoire.

Je n’ai aucune chance et je le sais Par contre, je veux qu’elle ne s’en sorte pas. Brisez-la. Utilisez votre télécommande et tuez-la ! Si je disparais, elle trouvera une autre victime à tourmenter. C’est elle le vrai mal de cet Empire.

Il y eut même des mots qu’il n’avait pas prononcé à ce moment-là et qu’elle seule captait depuis sa mémoire glacée.

MANIPULATRICE ! JE VAIS TE TUER, SALE ALLUMEUSE ! TOI ET TA SALOPE DE MAITRESSE…

Et comme si la machine déconnait- possédée par quelque esprit farceur, que le sort s’acharnait , les écrans changèrent de scène. Le sith était au-dessus de Shar et l’étranglait, ou simulait un étranglement. Côté spectateur, le geste était terriblement réaliste, si réaliste qu’il en choqua encore un peu plus l’Inquisitrice. Des ombres attrapèrent le blond, l’éloignaient d’elle, de son pathétique corps qui tremblait au sol, encore traumatisé.

- TU SAIS QUOI, SALOPE ?

-Arrête ça, fit-elle vers Hope. Arrête ce putain de film !

Et elle revint près de lui, frappa à nouveau sur la console dans l’espoir de mettre fin à cette torture. Subir était une chose, se voir subir en était une autre. Ses petits poings cognaient les commandes et menaçaient de foutre en l’air l’enregistrement qu’il espérait.

Enfin le silence revint. La séance était finie. Dana recula et lui tourna le dos pour prendre une grande inspiration. Elle tira d’une autre poche une cigarra et son briquet. Le bâtonnet de toxine tremblota entre ses lèvres fébriles. Trois tentatives de s’allumer et aucune ne fonctionna. Elle émit un geignement de dépit et ses yeux tombèrent sur le bureau où travaillait Jessie quelques temps avant que tout ne dégénère. Elle reconnut le vieux datapad que Zal lui avait montré. L’appareil était enveloppé dans une coque bon marché, à l’effigie d’une star qu’on ne présentait plus et qui signait clairement l’identité du propriétaire.

-Vraiment, tout est fait pour me rendre la vie impossible là, râla-t-elle en s’emparant du pad pour l’agiter vers Lloyd. Eh ! C’est à Mumkin ça, il paraît. TON pilote que j’ai sauvé et qui en remerciement, s’amuse à me mater danser. Enfin, il. Peut-être que le replay te dérangeait pas non plus. Et t’étais pas obligé de dire tout ça à cet enfoiré de Zal, ok ?! T’as su tellement bien joué la comédie, que j’étais sûre que ça venait du cœur. Enfin, si t’en as un. Je crois que t’en as un ouais, et je sais exactement où il est situé.

C’est bon, là j’ai envie de me tirer.

Elle darda ses prunelles dorées sous la ceinture du hapien. Et si elle avait eu des piques à la place de son regard noir, il aurait pu dire adieu à sa virilité.

Dire qu’elle l’avait étreint. Qu’elle avait voulu lui donner un peu de réconfort. Elle se trouvait ridicule. Toute cette situation était ridicule et pathétique, comme toujours. Lloyd avait la fâcheuse tendance à remuer toute la fange humaine qui stagnait au fond d’elle, à lui rappeler sans cesse la sith qu’elle n’était pas. Parfois démunie, parfois enragée, elle échouait sur tous les rivages de la carte du monde qu’il représentait. Elle se sentait prisonnière et elle se demanda si le souffle que Hope avait pressé dans son cou, tout à l’heure, n’était pas un collier plus redoutable que celui de Luis Raidun. Et pourtant…

Serre-moi juste encore un peu.

On ne lui avait encore jamais dit ça.

C’était la première fois qu’elle s'était sentie désirée. On lui avait nié son existence, depuis toute petite. Elle avait toujours cherché un moyen d’être vue, d’exister. Et il aura fallu que Hope cache son visage meurtri contre son derme chaud pour se sentir vivre.

Nouveau grésillement dans les haut-parleurs

Ses pensées se brisèrent contre ce son peu rassurant. Si c’était encore cette mauvaise scène qui repassait, elle foutrait le feu à l’endroit. Mais non, la voix de Zal satura l’air.

-Belle performance, Monsieur Hope. Dame Shar, (et tout le mépris dans son ton laissait suggérer qu’il souhaitait utiliser d’autres mots pour les désigner). Je vois que vous n’avez pas hésité à exécuter de sang-froid des impériaux fidèles. Miinark, Saspom, peut-être Jessie et Inisia. Ils étaient loyaux aux vôtres, aux Siths. Merci de me confirmer que vous n’êtes que des traîtres. Je n’aurais aucune pitié pour vous, Inquisitrice. Alors il est encore temps de me livrer Hope, si vous espérez la moindre clémence de ma part de toute manière.

Ils ne le virent pas, mais entendirent son rictus satisfait.

-De toute manière….le poison que nous avons injecté à Hope nécessite un antidote, sans quoi ces prochaines heures ne seront qu’une longue agonie vers une mort certaine. Et il se trouve que l’antidote est en ma possession. Monsieur Hope, livrez-moi l’Inquisitrice et je vous donnerai cet antidote. Les sorties sont verrouillées. Je reste toujours votre unique porte de sortie. Tant de prouesse, tant de force chez les Siths et pourtant, ils peuvent être empoisonnés comme tout le monde. Je n’aurais aucun regret si vous mourrez alors, ne tardez pas. Rendez-vous dans la cellule 40-9. Vous avez une demi-heure pour accepter ces retrouvailles, après quoi, mon offre sera caduque et nous lancerons un assaut, avec les renforts que nous avons reçus et qui sont en route.

La communication se coupa brutalement. Dana croisa le regard fatigué de Lloyd et manqua un battement de cœur.

-Il bluff, dit-elle.

Et si jamais il ne bluffait pas. Elle avisa les marques récentes des injections forcées sur les bras de Lloyd, leur couleur violacée et leur forme ronde lui donna un haut-le-cœur qui lui tordit le ventre.


Lloyd Hope
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Lloyd agita fébrilement ses mains au-dessus des consoles pour arrêter définitivement ces boucles vidéos hideuses. Il n’avait pas pu répondre aux brusques assauts verbaux de Dana. A peine avait-il eu le temps d’encaisser les accusations pêle-mêle qu’elle lui avait balancé que la voix nasillarde de Zal avait craché ses menaces par le haut-parleur. Le hapien resta un moment figé.

- Il bluff.
- Oui, sûrement, répondit-il calmement.

Et si ce n’était pas le cas ? Il se sentit épuisé. Il n’avait tenu face à la douleur du poison qu’en se disant que dans quelques heures tout se serait évaporé. Mais maintenant ? A la douleur s’ajoutait le doute. Et au doute s’ajoutaient ses propres mots dégueulasses et les accusations de Dana.

Il se leva soudain, rigide et blême, et quitta la pièce. Il traversa le couloir comme un fantôme et alla s’enfermer dans le bureau d’en face.

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--------

--------- Vous… Vous croyez qu’ils vont mordre à l’hameçon ?

Veda se tenait à quelques centimètres de Zal. A l’aide de Moonkirt et Kséri, ils avaient réuni autour d’eux ce qui leur paraissait le plus utile pour se défendre et avaient quitté le bureau du capitaine, où ce dernier avait pensé que l’un des deux se rendrait s’il voulait négocier. Ils étaient retranchés dans une petite pièce sombre à l’étage supérieur. Kséri était en train de creuser le bas d’une cloison avec un petit outillage pour faire passer un micro-caméra discret dans le bureau du capitaine qui se trouvait juste en-dessous. Certes ils n’étaient pas des soldats de champ de bataille, mais ils avaient du matériel haut de gamme et ils savaient s’en servir.

- Pas impossible. Les Sith sont des êtres instables. Vous avez vu comme ils étaient proches il y a quelques minutes, et soudain il y en a un qui est prêt à tuer l’autre. C’est leur principale faiblesse…

Veda acquiesça. Dans les vêtements sulfureux de la Sith, elle ne s’était pas sentie à son aise, au début, mais maintenant elle se projetait dans un nouveau personnage. Elle croisa le regard de son supérieur hiérarchique.

- J’ai l’idée d’un piège, dit-elle.
- Nous avons déjà un piège tendu : qui que ce soit entrera dans mon bureau va subir le gaz et s’effondrera. Nous n’aurons plus qu’à exécuter Shar ou passer un autre collier autour du cou de Hope.
- Je pense à un autre piège, insista-t-elle, et un sourire déterminé était apparu sur ses lèvres.

Zal sourit à son tour. Il reconnaissait là l’air de Veda quand elle tenait quelque chose contre quelqu’un.

- Ahem.

Moonkirt s’était approché d’eux. Visiblement, il était sous le choc : il tremblait dans son uniforme propret et ne cessait de manipuler nerveusement un bloc de données entre ses doigts.

- Que se passe-t-il ? interrogea Zal en se détournant à regret de la sous-lieutenante.
- On a un appel extérieur. A cause de l’explosion. Le bureau nous demande d’effacer nos traces, on s’est déjà trop faits remarquer. Ils retardent l’arrivée des autorités mais ils disent qu’il faut que dans une heure tout soit plié.
- La poisse, grogna le capitaine.

Il fallait déjà qu’il pense à effacer leurs traces. C’était beaucoup à gérer d’un coup. Il passa sur son visage une main anxieuse pour s’aider à réfléchir.

- Mais c’est parfait, intervint soudain Veda.

Les deux hommes se tournèrent vers elle, surpris. Elle arborait son petit air facétieux et Zal faisait un effort pour ne pas baisser le regard vers son décolleté.

- Je vous rappelle qu’on a pas moins de soixante litres d’huile slick, dit-elle, énigmatique.
- Je vois pas vraiment ce qu’on peut en faire.
- On fait passer le lieu pour un squat de drogués. Avec un tel stock, ce sera pas difficile à croire. Pour les affrontements et l’explosion, ce sera un règlement de comptes entre clandestins. Ça marche toujours bien, ces histoires-là. Ce sera relayé en un rien de temps dans tout Kaas City.
- Heu… Ok. Capitaine, je leur écris ça ?

Zal fut un bref instant pensif, mais il acquiesça.

- Il y a un lien avec le piège ? demanda-t-il à Veda.
- Bien sûr. Vous connaissez l’effet secondaire de l’huile slick ?
- Le manque ?
- En quelques sortes. Quelqu’un qui est accro et qui en sent l’odeur aura énormément de mal à se maîtriser : tremblements, difficultés à se concentrer… Hope est sous pression. Et vu l'état de son bras... Il sera attiré comme un gizka par du miel.

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--------

--------Crac. BAM !

Lloyd venait de rouvrir la porte du bureau avec violence, d’un coup de pied qui fit craquer le bois. Dans ses mains, il tenait une barre de fer – une canalisation rouillée arrachée d’un vieux chauffage – qu’il serrait à s’en faire blanchir les jointures de ses doigts. Comme il tomba nez à nez avec Dana en sortant de sa tanière, il la repoussa d’un geste brusque.

- Dégage ! Je vais les fracasser, cracha-t-il.

Il n’y avait rien de calme dans cette déclaration glaciale. Ses yeux émeraudes s’étaient enflammés d’une étincelle irrationnelle. Ses joues et ses lèvres arboraient un rouge aussi vif que les plaies qu’avaient laissé sur son corps les coups de Miinark. Il se rua dans le couloir comme l’un des chiens enragés du camp Piya. Il n’y avait plus de raison d’être discret. Il envoya valdinguer au passage un chariot qui croulait sous les papiers et les feuilles se répandirent dans le couloir comme une nuée d’oiseaux affolés.

Comme il allait pousser la porte d’un autre couloir, qui conduisait à des escaliers, il sentit une main ferme lui attraper le bras. La main était glacée. A moins que ce ne fut lui dont la peau brûlait ? La sueur avait trempé son tshirt et perlait à la lisière de ses cheveux. Il se retourna d’un bloc, furibond. N’était-elle pas censée avoir peur ?

- LAISSE-MOI FAIRE ! aboya-t-il en brandissant son arme de fortune. JE VAIS LES TUER ET TOI TU TE TIRES !

Il s’arracha à l’étreinte de Dana comme si cette main ne faisait qu’ajouter à la douleur fulgurante du poison, pour planter dans les yeux de la jeune femme son regard de forcené.

- OUI JE SUIS UN CONNARD ! OUI JE SUIS UN PERVERS ET UN CHIEN DELOYAL ET OUI JE SUIS INCAPABLE DE PROTEGER QUI QUE CE SOIT ! T’AS PARFAITEMENT RAISON ! T’ES CONTENTE ? ALORS TU DEGAGES !

Et comme pour s’assurer que le message était passé, Lloyd se détourna pour attraper la première chose qu’il avait sous la main : une armoire remplie de dossiers qu’il renversa entre eux avec fracas. Les dossiers se renversèrent et le métal se stabilisa entre les deux murs pour former entre eux une frontière qu’elle ne pourrait plus franchir.

- T’AS COMPRIS LA ?? TU. TE. TIRES. TU SAUVES TA PUTAIN DE PEAU.

Il se retourna pour pousser brutalement la porte et disparaître dans les escaliers comme un gundark en chasse.

Darth Hope
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Non ! Ça n’a rien à voir. Je pense qu’il est… dangereux. Et instable. Sa régulière, elle a confié à l’un des nôtres qu’il a un problème là-dedans.

Le fracas assourdissant de l’étagère qui les sépara ne réussit pas à couvrir la voix claire de Luis.

Il lui arriverait de faire des… genres de crises de paranoïa, la nuit. Elle dit qu’il délire dangereusement. Je veux pas qu’il dérape. Instable, je vous dis.

N’y pense pas, Dana. N’y pense pas. Elle aurait aimé briser cet obstacle, mais la Force se refusait à elle comme une amante dédaigneuse que la paresse enlisait. Au moment où il disparaissait, elle se jeta contre l’armoire, tentant vainement de l’atteindre.

-Lloyd ! Attends ! Ne vas pas dans le bureau de Zal !

Un silence inévitable ponctua cette misérable tentative. L’absence du Sith fut aussi brûlante que la rage qu’il avait expulsé dans l’air. Et tout ça la consumait salement.

-Il..y a du gaz…termina-t-elle dans un murmure choqué.







T’es qu’un con Lloyd, fulminait-elle alors qu’elle pressait le pas dans les coursives. Elle avait emprunté un mauvais embranchement, ce qui l’avait retardé et désormais, elle avait l’impression de jouer une course contre la montre ou contre la mort. Les couloirs et les bureaux étaient vides, presque désaffectés pour certains d’entre eux. Ils ne verraient plus les rires timides de Jessie quand Moonkirt passait la prendre pour la pause déjeuner. Ils n’entendraient plus les blagues pourries lancées par Inisia ou le ton cinglant de la Chiss qui le remettait volontiers à sa place. L’ombre angoissante de Miinark ne rôderait plus le long de ses murs, les manches retroussées et les doigts tâchés de sang. Mais il y avait encore les parfums de ceux qui survivaient et ils se mêlaient étrangement à l’odeur des morts.

Elle espérait arriver avant lui. Dana savait les risques encourus dans le bureau de Zal. Hope les ignorait. Si elle arrivait avant lui, elle pourrait lui éviter la désagréable surprise. Au passage, elle farfouilla ci et là, récoltant des bouts de tissus pour en couvrir le bas de son visage. Elle aurait espéré trouver un masque à gaz, mais se doutait que ce genre d’équipement individuel n’allait pas être stocké à la portée de tous, ce serait trop simple. Elle marqua un arrêt devant les portes familières de l’office du Capitaine. Le tissu recouvrait son nez et sa bouche, elle savait que ce ne serait pas suffisant. Elle avait expérimenté Lorrd, les gaz insipides dans les souterrains et les tentatives misérables des habitants d’y échapper en se couvrant la figure d’étoffes. Mais elle avait un semblant de plan, qui visait à éviter le gazage intempestif à Lloyd. De plus, se trouvait dans ce bureau, le seul moyen de communiquer avec l’extérieur. Elle devait demander l’aider du Temple. Elle présumait que les réserves en gaz dans un tel bâtiment délabré n’étaient pas inépuisables. Si Zal devait se servir de cet atout, il ne le pourrait probablement qu’une seule fois. Peut-être augmenterait-il la dose et qu’elle mourrait. Concentre-toi, Dana. Quel imbécile considère sa propre mort dans le cadre d'un plan ?

Elle actionna l’ouverture des portes et prit une profonde inspiration.





-J’ai quelque chose, souffla Moonkirt en fixant son pad. C’est l’Inquisitrice.

Dans son dos, Veda jubila de satisfaction. La proie qu’elle désirait le plus venait de se jeter dans leurs filets.

-J’aurais pensé qu’elle aurait compris la leçon, siffla Zal en faisant un signe vers Kséri. Prépare-toi à aller la récupérer. Si tu croises l’autre, n’engage pas le combat. Ramène-nous l’Inquisitrice. Je l’ai déjà porté, elle n’est pas bien lourde. Direction la cellule 40-9 comme prévu. L’Officier Myn, Moonkirt et moi nous nous occupons du reste. On se retrouve là-bas.
-Bien, Capitaine.

Ykis croisa le regard pétillant de sa lieutenante et il appréciait cette lueur déterminée qui embellissaient les yeux de Veda. Il préférait la voir ainsi, plutôt que défaite par les deux traîtres siths. Il se disait que peut-être, s’ils arrivaient au bout de cette affaire, il lui proposerait de boire un verre, quelque part. Mais la nécessité de la mission reprit le dessus et il donna le signal.







Je déteste cette putain de sensation, fut sa première pensée.

Ce goût pâteux dans la bouche, l’encombrement de ses voies respiratoires qui ne se dégageaient qu’à grands renforts d’inspirations douloureuses. Et puis ce froid qui mordait sa peau. Ce froid ? Elle n’avait pas ressenti de froid la première fois. Elle sursauta et ouvrit les yeux. Partout où elle posait ces derniers, elle voyait son derme nu, strié de ces cicatrices estompées qu’elle connaissait que trop bien. Elle détourna son visage un peu trop vite. Sa tête fut prise de vertige. Elle reconnut la cellule où tout avait commencé et l’ampoule qui se balançait jetait des ombres plus grandes encore qu’auparavant. Moonkirt et Kséri gardaient l’entrée close. Dans un coin, les corps de Cast’ et Saspom. Et dans son dos, elle remarqua les présences d’Ykis qui fumait et de sa garce qui avait…retrouvé son uniforme.

-Où sont mes vêtements, grogna-t-elle comme si c’était la seule urgence.

Elle se mit à vérifier avec angoisse qu’aucun collier ne venait parer son cou, mais il était aussi nu que son ventre et ses jambes. Seule sa lingerie lui permettait de conserver un peu de dignité, mais pour combien de temps.

-Oh, je les ai conservés. Ils étaient à ma taille. Je les ressortirai quand j’aurais besoin d’allumer quelqu’un, ricana Veda.
-Sale garce…
-Vous n’êtes pas en état d’insulter qui ce soit, Dame Shar, intervint Zal. Gazée deux fois de suite, votre corps va avoir du mal à le digérer, d’où l’absence de menottes et de collier. Votre chair va être vos propres chaînes, pendant un temps. Le temps que nous accueillions Monsieur Hope comme il se doit. Etrange qu’il ne soit pas avec vous.
-Ouais…répondit-elle en se recouchant au sol, nauséeuse. Sa tête semblait peser un poids insupportable. Il doit se mettre sur son 31 pour la petite fête que vous avez préparée.

Ykis et Veda échangèrent un regard complice. Ils étaient confortablement installés sur des chaises. Entre eux et l’Inquisitrice, une rangée de bidon d’huile slick et sur l’un d’eux, une seringue toute prête. Quiconque arriverait par cette porte, il y aurait Dana sur son chemin pour conquérir la seringue. Les cheveux de la sith rampaient au sol et s’étendaient comme une mer aux reflets soyeux. Le dallage sombre contrastait avec son derme irisé et le froid ambiant la mordait avec appétit. Elle aurait aimé faire partir ce mal de crâne. Et alors que ses sens poursuivaient leur éveil, elle sentit sous ses courbes, un liquide huileux, à l’odeur étrange. Elle en était recouvert à certains endroits, faisant reluire ce qu’elle avait de plus sulfureux.

Elle espérait, quelque part, que Lloyd renonce. Que sa folie fût passagère et qu’il eût trouvé une porte de sortie loin de cet énième Enfer.

-Vous savez que vous ne sortirez pas de là vivante ? appuya le capitaine.
-Je peux avoir une cigarette ?

Il haussa les épaules et quitta son trône de fortune pour s’approcher d’elle. L’ombre de l’homme la recouvrit et elle crut attraper froid tant elle était glaciale. Il s’accroupit près de sa figure maquillée et présenta un cigarra à ses lèvres fardées. Elle les entrouvrit, prête à les pincer sur son trophée qu’il éloigna aussitôt.

-Pourquoi vous ferai-je ce plaisir ? ricana-t-il. Il s’abaissa davantage, presque à portée de souffle. Mais vous pouvez me supplier.

La supplication fut un crachat qu’elle expédia contre son faciès blessé. Il accusa l’affront avec un calme terrifiant puis se redressa en soupirant.

-Vous êtes en train de patauger dans l’huile slick que nous avons confisqué sur le Sans-Visage, expliqua-t-il très lentement, comme on se délectait d’un repas. Comme une prostituée de bas-étage. En fait, cette tenue, cette place, tout vous convient très bien.

Zal effleura la seringue du bout des doigts.

-L’antidote est là, je n’ai qu’une parole ! s’esclaffa-t-il en contemplant Myn, le regard chargé d’un désir refoulé. Nous l’offrirons à Monsieur Hope, en échange de votre vie.

Elle ignorait ce qu’était l’huile slick, si ce n’était un article dont la détention était vaguement illégale. Sans doute une histoire de matériau instable ou dangereux. Et donc, elle se supposait ravie de baigner dedans, d’en avoir l’odeur qui chassait tour à tour celle de Hope, puis de Veda dont elle avait revêtu l’uniforme.

-Une fois qu’il vous aura éliminé, nous pourrons charger son dossier. Le meurtre d’une Inquisitrice, en plus de ces actes terroristes.

Il secoua la tête, dépité.

-Quel crime impardonnable. Tout sera filmé. Nous surveillions ce squat depuis des jours. Il vous y a attiré et.
-Tu me files la gerbe…expulsa-t-elle en tentant de se redresser vainement, son métabolisme était toujours ralenti par le gaz et ses effets. Darth Malevolus est au courant de tes conneries ?
-J’espère bien qu’il le soit.

Elle poussa un violent soupir, éreintée par le cirque de Zal Ykis. Elle se mit à fixer le plafond, tâchant de réguler sa respiration, de se concentrer afin d’aider son corps à se rétablir plus vite. Plus facile à dire qu’à faire.

Sur son datapad lié aux holocaméras de surveillance, Moonkirt s’exclama :

-La cible approche Capitaine !



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Contrairement à Dana, Lloyd ne connaissait rien des lieux. Il avait gravi les marches au hasard, puis avait emprunté un couloir et avait défoncé chaque porte sur son passage. Il avait renversé des bureaux, hurlé sa haine contre des ennemis invisibles, et avait fini par s’écrouler dans un énième bureau vide en se prenant la tête dans les mains. La douleur irradiait dans ses muscles, brûlait toujours sa peau comme s’il avait été plongé dans un bain d’acide. La souffrance intérieure ne suffisait pas, il fallait en plus qu’il se coltinât ce genre de torture ? Et il entendait encore les paroles de Dana, et il voyait encore son regard méprisant. Il regrettait tellement de lui avoir dit la vérité sur Mat’aenna, mais il était trop tard.

Au bout d’un moment, il réussit à se relever, à remobiliser de l’énergie qui lui avait permis de hurler sur l’Inquisitrice un peu plus tôt. Il fallait espérer que son plan eut marché. Que Dana fut déjà loin.

La demi-heure était déjà presque écoulée. L’étage était vide, il fallait redescendre.

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-------

-------Lorsque le hapien approcha de la porte de la première cellule dans laquelle il avait été conduit, il se remémora son arrivée. Une simple formalité. Ce qu’il pouvait être con.
Il s’approcha sans se cacher de la porte, et celle-ci s’ouvrit en silence sur une silhouette en sous-vêtements. Lloyd se figea. Il l’avait déjà vue dans cette tenue-là. Mais pas du tout dans les mêmes circonstances. Il s’immobilisa, stupéfait, avant de voir les quatre autres personnes présentes autour d’elle dans la pièce. Les deux soldats à l’entrée, Zal et Myn au-delà d’une rangée de bidons. Ses bidons. Lloyd ferma un bref instant les yeux, espéra que tout ceci n’était qu’un cauchemar, pour les rouvrir aussitôt. La scène était toujours là.
Et il y avait cette odeur. Un arôme rance, entêtant, qui éveillait son cerveau. Le hapien sentit son corps réagir immédiatement malgré le poison : ses muscles se tendirent et il se fit violence pour ne pas laisser le besoin prendre le dessus.

- Monsieur Hope, enfin. C’est sage de votre part de venir en paix.

Zal s’était penché pour attraper la seringue. Il la tenait fermement, signe qu’il avait retenu la leçon de la télékinésie qui lui avait valu la perte de la télécommande quelques minutes plus tôt.

- Voilà l’antidote, sourit-il. Le marché est simple : vous la tuez, on vous l’administre.

Lloyd resta plusieurs minutes interdit. Son regard alla aux gardes, à Myn, à Dana, à Zal de nouveau.

- A quoi ça vous servira ?
- Je souhaite juste m’assurer de votre bonne volonté. Vous m’avez dit que vous la haïssiez, non ? Tuez-la proprement, Hope, et l’antidote est à vous. Ainsi que tout le slick que vous souhaitez. Cela vous libèrera en quelques minutes de toutes ces souffrances.

Le ton de Zal s’était adouci. Comme s’il avait perçu qu’il avait plus de chances d’avoir gain de cause en se présentant comme un allié. Comme quelqu’un du même côté que le hapien face à cette horrible Inquisitrice. Après tout, les Sith avaient certainement leurs propres inimitiés entre eux.
Lloyd ferma les yeux sur cette scène abominable. Ses mains tremblèrent et il lâcha la barre qui tomba au sol avec un tintement sinistre. Quand il les rouvrit, il rencontra le regard de Zal qui fit un bref mouvement de la tête, comme pour l’encourager.

- Donnez-moi une arme alors, souffla-t-il d’une voix blanche.

Mais Zal fit non de la tête.

- Vous autres Sith n’avez pas besoin de ça, je le sais. Faites-nous donc une démonstration de votre pouvoir.

Lloyd ferma les yeux encore. Les rouvrit. Encore. Cette fichue scène ne voulait pas disparaître. Alors il baissa son regard vers Dana qui, à ses pieds, était étendue sans la moindre entrave. Il devina qu’on lui avait administré quelque chose. Il espéra que ce fut de l’huile slick, auquel cas elle ne s’inquièterait pas trop.
Il s’approcha et s’accroupit, suivi par les canons de blaster que pointaient dans son dos Moonkirt et Kséri. Simultanément, Zal posa au sol la seringue et la cala sous sa botte, prête à être écrasée.

- Au moindre faux pas… prévint-il sans avoir à terminer sa phrase.

Lloyd ne répondit pas. Doucement, il attrapa les poignets de Dana pour les tenir d’une seule main tremblante. Puis de sa main libre, il écarta une mèche qui voilait son visage. Il avait du mal à cacher sa confusion, mais il pencha son visage crispé sur Dana. Sa bouche se tordit en une moue contrite.

- J’te demande pardon, Dana, murmura-t-il. Pour tout ce qu’il s’est passé depuis cette nuit. C'est ma faute. Et pardon aussi pour ce que je vais faire maintenant.

Il soutint son regard un bref instant. Il leur manquait un code, c’était évident. Il posa sa main sur les yeux de Dana, la forçant à fermer les paupières. Ce n'était pas la peine qu'elle vît cela.

La Force. La colère… Elle brûlait encore ses entrailles.
Je crois que t’en as un ouais, et je sais exactement où il est situé.
Tu n’es pas capable de la protéger toi-même.
T’aurais juste pu me dire que tu t’envoyais en l’air avec mon Maître.

Il avait un sacré arsenal dans sa bibliothèque de souvenirs personnels pour susciter la frustration, désormais.

La Force s’amassa autour de lui et il la renvoya en périphérie avec toute la brutalité dont il était encore capable. La vague de faiblesse les atteignit tous, probablement Dana y compris. Les deux officiers chancelèrent pendant quelques secondes, surpris par ce qui était en train d’arriver à leurs corps : tous leurs membres devenus lourds subitement. Lloyd lâcha Dana et se jeta sur le premier d’entre eux. Il arracha le blaster d’une main, donna un coup de tête en plein dans le nez de Moonkirt qui partit à la renverse. Kséri ne réagit pas assez vite et Lloyd lui colla le canon du blaster de son collègue dans la gorge avant de tirer. Il y eut une détonation et le visage de l’humain ne fut plus soudain qu’un amas sanguinolent de chair. Lloyd laissa retomber le corps et visa Moonkirt qui tentait tant bien que mal de se redresser. L’homme prit deux tirs, l’un dans la poitrine et l’autre dans la gorge et il retomba au sol avec un bruit sourd.

Le hapien se détourna vivement pour faire face à Zal et Myn qui émergeaient tous deux difficilement de l’engourdissement dans lequel il les avait plongés. La sous-lieutenante levait déjà son blaster. Le hapien tendit une main pour faire appel à la télékinésie et détourner le canon de l’arme mais il le fit une fraction de seconde trop tard : le coup partit et il sentit une brûlure lui transpercer la hanche.

Ne regarde pas. Il faut que tu te défendes. Que tu nous défendes.

Lloyd enjamba Dana et se rua sur Veda pour l’attaquer, mais Zal s’interposa. Les trois corps se renversèrent et s’enchevêtrèrent dans les bidons. L’un d’eux, encore ouvert, se renversa sur le sol en répandant le liquide odorant et translucide ; le hapien l’ignora. Il lutta dans un grognement avec Zal tandis que Veda essayait de se dégager. Dès qu’elle le put, elle réajusta son blaster pour viser Lloyd mais celui-ci attrapa au dernier moment le canon du blaster. La Force les affaiblissait toujours, ce qui lui permettait de leur tenir tête, mais l’effet ne durerait plus très longtemps.
Le hapien envoya un coup de pied dans le ventre de Veda pour la forcer à retourner à terre puis attrapa la tête de Zal des deux mains et la fracassa contre celle de la sous-lieutenante.

Croc.

Le choc avait provoqué un craquement glauque. Lloyd ne savait pas lequel des deux crânes avait cédé. Peu importait. Il recommença la manœuvre, encore et encore, jusqu’à ce que ni Veda ni Zal ne bougent plus le petit doigt. Croc. Croc. Croc. Croc...

Il ne savait plus très bien quand il s’était arrêté de frapper. Au bout d’un moment, il se rendit compte qu’il était planté là, à genoux, à respirer comme un buffle, sa hanche percée et dégoulinante, la voix rauque qui éclatait en râles réguliers à chacune de ses expirations. Il baissa les yeux sur ses mains et son torse. Il était couvert de sang. Les deux corps de Zal et Myn, empilés devant lui, s’épousaient odieusement dans un bain d'hémoglobine et cette vue le révulsa.

A quatre pattes, les mains ensanglantées dans l’huile, il se déplaça vers Dana, vérifia qu’elle était vivante. Oui, elle était consciente : ses yeux étaient ouverts et le fixait avec un regard qu’il n’arrivait pas à déchiffrer. Il n’avait guère la force de lui dire quoique ce fut. Il était vide. Trop utilisé la Force, trop utilisé son énergie, trop sollicité toute cette haine, trop vu de sang, trop senti ses muscles brûler, trop senti l’huile agiter sa cervelle. Et sa hanche déversait un filet pourpre sur son pantalon. Ses mains glissèrent. Il se remit à quatre pattes.

Dana regarda un objet à quelques centimètres d’elle et il suivit son regard : la seringue. Zal l’avait écrabouillée et il n’en restait plus que l’aiguille et mille minuscules morceaux de verre. Lloyd considéra l’objet d’un regard vide, avant de se remettre à progresser à quatre pattes. Il s’approcha de Dana, puis encore tremblant et brûlant du poison qui courait toujours dans ses muscles, il se laissa choir, allongé, en face de la jeune femme. Il resta un moment silencieux, à la regarder dans les yeux. Il cherchait ses mots. Les bons mots ne lui venaient jamais. Il était si fatigué. Est-ce que Zal avait bluffé ?

- J’suis qu’un con et un menteur mais…

Il s’interrompit. Il avait un goût de fer dans la bouche, qui coulait désormais dans sa gorge. Cette humidité qu’il sentait sur la peau de son visage, ce n’était donc pas seulement de la transpiration. Ce devait être du sang. Il écarta doucement cette pensée macabre. Il ne servait à rien de penser à ça. Il se sentait partir. Était-ce le poison qui lui infligeait son dernier coup ? Il voulait dire ce qui était important avant.

- Mon « pardon », c’était pour de vrai, tu sais.

Il avait froid, soudain. Il replia ses bras sur lui-même et se recroquevilla.

Darth Hope
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Artorias lui paraissait si proche et si lointaine à la fois. Elle se souvenait de son rire lorsqu’on lui avait annoncé que Lloyd Hope était engagé avec elle sur cette mission. Elle contemplait l’émeraude saisissante des prunelles du hapien et avait calé sa joue contre le sol poisseux d’huile slick pour mieux plonger dans cet océan de vert. Elle déglutit péniblement, les effets du gaz se dissipaient à peine dans une dernière révérence douloureuse.


- J’suis qu’un con et un menteur mais… Mon « pardon », c’était pour de vrai, tu sais.

-Les Siths ne demandent pas pardon…souffla-t-elle sans animosité.

Et ils ne l’accordent pas non plus. Elle entrouvrit les lèvres, prit une brève inspiration qui lui donna l’impression qu’on lui tailladait un poumon, mais elle s’était habituée à la souffrance. Contre le dallage sa main s’ébroua faiblement et rampa sur les quelques centimètres qui la séparaient de celles du sith. Ses doigts frôlèrent les siens, s’y entremêlèrent avec incertitude pour l’inviter à s’ouvrir de nouveau.

C’est moi qui suis désolée. J’ai tout fait foirer.

-Ne laisse pas ce poison gagner, Lloyd. On va te sortir de là.

Je vais te sortir de là, je te jure.

-Lloyd, écoute-moi. Il bluffait, d’accord ? J’en suis sûre. Il bluffait.

Ils n’avaient aucune assurance que ce fut du bluff, mais elle avait décidé de s’en persuader pour mieux convaincre Hope. Elle ne souhaitait pas croire à une éventualité de toute façon.

-C’est…ce connard il a dit ça pour que te mettre sous pression. Sens ton corps, Lloyd. Il bluffait…

Elle raffermit sa prise autour de la paume de Lloyd et se servit de cet ancrage pour faire glisser son corps vers lui. Bientôt, ses courbes touchèrent le flanc du blond et il put sentir le souffle de l’Inquisitrice échouer sur son visage suant.

-Tu as combattu comme un véritable Sith.

Durant tout son combat, elle l'avait entendu, encouragé en silence, admirée. Elle avait admiré sa force, malgré la faiblesse dont elle était drapée. Elle l'avait supplié en silence de ne pas mourir.
Tu ne m’as jamais sauvé, n’est-ce pas ? Artorias, Kaas City, peut-être même Korriban. Tu n’as fait que me protéger, parce que celle qui ne sait pas se protéger elle-même, c’est bien moi. Tous ces mots demeuraient inavoués, sauf dans l’or de ses yeux où ils défilaient. Et le souffle de Dana se tarit, parce qu’il ne fit plus qu’un avec celui de Hope. Sa main libre se figea contre la joue du hapien.



Et ses lèvres épousèrent les siennes.





C’était juste un moment d’égarement. Il durerait à peine une minute.



Elle voulait s’égarer, juste une fois, se promit-elle. Une seule fois. Elle le laisserait en paix ensuite.




Vint d’abord le goût rance du slick dans lequel les lippes de la sith avaient baigné plutôt. Et progressivement, l’huile céda la place à la texture de son fard à lèvre. Quelques notes sucrées, à peine discernables, mais qui avaient la même odeur que sa peau. Puis elle engageait enfin ses lèvres nues, comme elle se débarrassait d’une armure brisée. Elle se pressa contre lui. Ses doigts raffermirent leur emprise sur la joue masculine. Dana souhaitait lui transmettre sa chaleur pour qu’il n’ait plus froid. Elle n’avait pas eu de veste à lui proposer dans l’immédiat, alors elle lui offrait ce qu’elle pouvait. Et elle l’embrassait comme si elle souhaitait absorber tout ce poison en lui. Elle savait que c’était impossible. Même si sa volonté de le guérir était intense et sincère, elle n’en était pas capable. Et elle intensifia son baiser pour échapper au désarroi qui s’était mis à enserrer sa poitrine.

Sens ton corps, Lloyd. Ce poison ne peut pas gagner. Je vais pas le laisser gagner.

Embrasse-moi.

King. Vov. Prax.


Les souvenirs. La réalité. Tout se mêlait, à l’image des lèvres de la brune contre celles de Lloyd, à l’image de son corps à moitié dénudé qui lui transmettait une chaleur naturelle. Cette fois, aucune douleur lancinante n’était venue punir son audace ou son désespoir. Sa main était remontée, couchant les mèches blondes sur son passage, comme un orage soumettait les blés au plus fort de l’été.

Il pourrait la repousser, il pourrait trouver l’énergie de le faire. Ou bien cet instant durerait une minute.

Ce baiser, c'était peut-être sa seule manière de lui exprimer qu'elle lui pardonnait.


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Les mots de Dana s’insinuaient en lui. Lloyd les redouta d’abord – d’autres mots de la jeune femme ricochaient encore au fond de sa tête comme des tirs de blaster qui ne trouvaient leur cible définitive – mais les laissa ensuite venir s’appliquer comme un baume sur la mer de sang qu’était son âme.
Il voulait acquiescer, mais il n’en avait pas l’énergie. En réalité, il n’était même pas certain de vouloir que ce fût seulement du bluff. Et si Zal l’avait tué, ne serait-il pas délivré ? Délivré de la haine, du doute, de ses nuits vides et de celles remplies de cauchemars, des regards plein de mépris, de l’avenir plein de sang ?

Mais il y avait maintenant la main de Dana dans la sienne et il referma doucement ses doigts sur la peau visqueuse de Dana comme pour se maintenir dans la réalité. Elle était pleine d’huile et il eut envie quelqu’un trouvât une autre seringue et lui administrât une paix de quelques heures d’accalmie intérieure à l’aide des gouttes qui suintaient sur la peau de la jeune femme. Ce n’était pas possible, bien sûr. A la place, il avait un poison qui lui enflammait le corps, une hanche trouée de laquelle se déversait son sang et de jolis nouveaux souvenirs de mort et de violence à emporter. Tout ça, et une jeune Inquisitrice en sous-vêtements, dont la peau par endroits marquée luisait comme une auréole fantasmagorique. Peut-être un brin cher payé le spectacle.

Enfin, cher payé si on ne prenait pas en compte la suite. Le hapien frémit en sentant le corps de Dana se rapprocher du sien, et bientôt il sentit son souffle contre son visage. Ses yeux cherchèrent ceux de Dana, incertains. Un véritable Sith, hein ? Il fusa à son esprit que c’était peut-être un piège, qu’elle allait lui faire payer toutes ces heures misérables, mais son corps refusa de se raidir et resta mollement étendu, sans réaction. Seule sa poitrine se souleva peut-être un peu plus rapidement, mais ses membres restèrent inactifs, et il maudit son corps de n’être plus capable de se défendre.

Puis les lèvres de Dana glissèrent sur les siennes.

Un goût de slick, de sang et de rouge à lèvres.

Lloyd resta immobile une minute entière. Seules ses lèvres réagissaient fébrilement à cet assaut surprenant. Après une brève défense faite d’un froncement de sourcils et d’une paralysie précaire, les remparts cédèrent. Il répondit à son baiser et ses lèvres épousèrent les siennes. Puisqu’il y avait eu offensive, et que la meilleure défense est l’attaque, il s’aventura lui aussi dans un bref assaut : le bout de sa langue effleura la peau tendre de l’Inquisitrice, et bientôt il y eut une escarmouche entre leurs bouches pressées l’une contre l’autre.


Être un véritable Sith. C’était cher payé, mais la récompense était plutôt pas mal.

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-------Lloyd rouvrit les yeux quand Dana s’écarta. Il était on ne peut plus sérieux. Le poison n’avait pas gagné – ou bien pas encore. Leurs inquiétudes s’étaient suspendues une minute, et maintenant elles allaient revenir au galop, chassant dans leur souvenir ce qui venait de se produire comme une perle dans un océan de tourment. Pourtant, il crut voir de la gêne dans le regard doré de l’Inquisitrice, comme un signe que le rapprochement l’avait peut-être davantage marqué qu’un égarement passager. Un léger sourire moqueur étira les lèvres du hapien, encore chaudes du contact avec celles de Dana.

- C’est ta façon de ne pas pardonner ?

La tête lui tourna et il referma les yeux. Son sourire resta accroché quelques instants à son visage comme un rêve s’efface progressivement d’une mémoire émergeant du sommeil.

- Perverse.

Il rouvrit les yeux pour voir des éclairs dans le paysage doré des iris de Dana et il laissa échapper un rire. Ouh, il frôlait la fin de la trêve. Et il était désormais beaucoup trop fatigué pour se battre contre elle ; mieux valait apaiser tout de suite l’orage. D’ailleurs, rire lui faisait un mal de chien et il s’arrêta aussitôt.

- Ça va, ne fais pas cette tête, c’est sûrement le slick qu’ils t’ont administré. C’est un peu fort quand...

… on n’a pas l’habitude. Mais si tu pouvais éviter de t’enfoncer encore plus, pauv’con, ce serait pas plus mal.

- Bref, c’est un euphorisant, ça peut pousser à faire des trucs un peu… Absurdes.

Pas toujours déplaisants, cela dit.

Un silence s’installa entre eux, et les bidons d’huile paraissaient beaucoup, beaucoup trop nombreux. Ils se dressaient soudain comme des totems accusateurs et le hapien sentait qu’il valait mieux mettre de la distance entre ces statues de plastique et lui, avant que son corps ne réagît trop violemment.

Lloyd détourna le regard des formes beaucoup trop dangereuses de Dana, et finit par essayer de se redresser. Il y parvint non sans un grognement de douleur et sa main libre pressa sa hanche pour essayer de stopper le sang qui baignait son ventre – l’autre main était toujours emmêlée dans les doigts de Dana et plutôt que de la lâcher, il essaya de se relever en l’entraînant avec lui.

- On… On n’peut pas rester là Dana. L’explosion, tout ça… ça va amener du monde et j’ai besoin…

Il s’interrompit en se mettant à genoux. Ils étaient tous deux si dégoulinants et le sol était si poisseux qu’il ne savait guère comment ils allaient réussir à tenir debout. Mais il le fallait.

- Je dois récupérer les données, compléta-t-il. Dessus, c’était marqué… Il y avait un rapport, qui expliquait la falsification de la lettre et…

C’était devenu si compliqué d’expliquer des choses et de tenir debout en même temps, mais il y parvenait à peu près. Il entraîna Dana vers la sortie, tous deux marchant au ralenti.

- Ça prouve qu’on l’a falsifiée pour m’accuser. Il me faut cette preuve.

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-------Si quelqu’un avait regardé par la salle de surveillance, il aurait vu dans les couloirs déambuler deux zombies couverts d’huile et de sang, qui se tenaient l’un à l’autre et contre les parois des couloirs pour ne pas chuter.

Sur leur chemin, ils eurent la bonne idée d’ouvrir les portes latérales, et tombèrent sur l’endroit où toute la cargaison du Sans Visage avait été stocké. Lloyd lâcha enfin la main de Dana pour récupérer, à gestes maladroits, les papiers de Mumkin, le transpondeur, qu’il recueillit contre son ventre comme un maigre butin. Il y avait aussi les bouteilles de whisky dont il se fichait pas mal et enfin, d’une main suintante, il récupéra sa veste, qu’on lui avait retiré en arrivant au poste.

Lloyd tituba pour revenir vers Dana avec ces maigres effets. D’une main malhabile, il réussit néanmoins à passer la veste autour des épaules de l’Inquisitrice, faisant disparaître sous cette enveloppe sombre les sous-vêtements et ce joyau qu’ils protégeaient à peine.

Le hapien prit une seconde pour planter sérieusement son regard exigeant dans celui de l'Inquisitrice.

- Celle-là, elle s'appelle reviens, cette fois.
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