Je n’étais guère surpris par le résultat de l’exercice que je leur avais proposé, bien que je restais quelque peu déçu par certains élèves qui auraient déjà dû maitriser ce petit problème à la perfection –ou presque. Connaître son environnement était primordial, car il pouvait bien vous sauver la vie. Ou chercher à vous tuer. Savoir éviter des objets statiques, dans une ambiance calme et sereine était naturellement simple. La réalité, elle, était tout autre. De fait, s’ils ne parvenaient pas à parfaire ce simple exercice, il me serait difficile d’entrevoir la possibilité de les lâcher hors du Temple sans prendre le risque de les confronter à de grands dangers. Car le problème n’était pas qu’une question d’agilité, ou de connexion dans la Force. Mais bien d’être capable de l’écouter, de coexister avec elle sur un autre plan de conscience. Je pouvais paraitre dur en affirmant ce genre de choses, mais j’étais juste quelqu’un de prudent, et qui ne voulait pas courir de risques avec des Initiés et des jeunes Padawan. Ils représentaient le futur de l’Ordre. Un futur plus lointain que celui qu’il incarnait lui-même. Je ne pouvais pas tous les blâmer pour autant. Ils étaient jeunes. Ils progresseraient comme je l’avais moi-même fait. Je me rappelais de l’époque où j’étais incapable de saisir toute l’essence de l’Ataru, si bien que j’étais venu requérir l’aide de ma cousine en dehors de ma formation particulière avec Maitre Herambra. Ma cousine, c’est Maitre Von, si vous l’ignoriez. Je restais quelque peu consterné par le résultat de mon exercice, car j’en espérais mieux. J’avais l’impression d’avoir exigé plus qu’ils n’étaient réellement capables et je venais fixer Alyria du regard, à la recherche d’une quelconque remontrance, ou au contraire, d’un réel soutien. C’était véritablement la première fois que j’expérimentais à cette échelle le fait de transmettre mon savoir, de donner un cours. Je l’avais déjà fait par le passé –et je continuais à le faire- mais selon une autre formule. C’était plus souvent des cours de soutien, ou d’aide personnalisée sur des sujets faciles à prendre en main. La maitrise de la Forme I en était un exemple. Je n’avais donné que peu de cours concernant les formes III et IV, car elle demandait de savoir entrer en communion avec son corps ainsi que la Force. C’était souvent là que les problèmes se posaient, que les difficultés apparaissaient, comme aujourd’hui. Car pour savoir manier habilement le sabre pour dévier des tirs de blaster, il fallait être capable de se projeter dans son environnement mais aussi, d’une certaine manière, dans l’avenir. La Forme III était basée, dans sa forme purement défensive et statique, sur la prédiction, la capacité à deviner où partira le prochain tir de votre opposant pour savoir si vous devez vous interposer ou non. Le fait de savoir dévier un ou dix tirs à la seconde revenait quand à lui à la capacité à faire usage de la Force pour améliorer ses capacités. L’Ataru, en réalité, se basait essentiellement sur cette seconde nécessité.

En soi, Maitre Von avait parfaitement raison en venant s’exprimer sur le besoin de fluidité dans la méditation mobile, car c’était justement le cœur même de l’apprentissage des Arts Jedi. Mais pas que. Elle facilitait votre compréhension de la mécanique ou encore de l’électronique. Typiquement, je n’aurais jamais pu concevoir mes minirobots il y a dix ans si je n’avais pas été capable de la maitriser. J’étais quelqu’un d’impatient, à l’époque. Pourtant, mon caractère et mon comportement changeait du tout au tout lorsque j’atteignais ce stade de communion avec la Force. La rafle du Chauve-Faucon, comme l’énonçait Alyria, nécessitait cette plénitude pour être menée à bien. Tout comme il était nécessaire de se trouver dans un état similaire pour pouvoir espérer la contrer.

Si j’étais resté particulièrement muet et statique lors du déroulé du précédent exercice et durant l’explication qui avait suivit, je me retrouvais à me mouvoir de nouveau vers le centre de la pièce pour participer à la démonstration suggérée par ma cousine. Mon arme ne tarda pas à jaillir au cœur de ma dextre, attiré depuis ma ceinture de cuir d’un simple appel à la Force. Je ne faisais pas encore parler ma lame, préférant me plonger dans un état bien plus profond de communion entre mon esprit, mon corps et la Force. Un état que je faisais volontairement partager au reste de l’assemblée, pour qu’ils puissent chercher à s’y identifier, ou tout simplement à mieux le comprendre. J’acquiesçais en retour à son signe de tête, avant de laisser mes paupières closes. Ma respiration se faisait plus lente, alors que je me finissais de me préparer. Je n’avais pas besoin de lien visuel pour savoir qu’Alyria s’était élancée. Je n’avais qu’à suivre les remous de ses pas qui se répandaient en échos dans la Force pour anticiper avec certitude le pied qui ne tarda pas à lui servir de dernier appui. C’est à cet instant précis que je réagissais, que ma lame azure jaillissait de mon arme, que je pivotais sur mes appuis, que j’ouvrais les yeux pour suivre le déplacement aérien du regard. Mon mouvement de bras fut rapide, soudain. Je positionnais aussitôt ma jambe gauche en retrait, ramenant mon arme à hauteur d’épaules avec vivacité. J’encaissais le choc, les lames venant crépiter lors de leur contact furtif, ne laissant qu’un halo lumineux trahir leur contiguïté.

Aussitôt le contact rompu, alors qu’Alyria s’éloignait sous l’impulsion crée par notre contact brutal, je faisais un pas en avant dans une volonté de riposte inutile. Une réaction réflexe à une attaque visant à mener à une riposte impitoyable. Une riposte cependant inutile puisqu’il ne s’agissait là que d’un exercice. Un pied devant l’autre, mon sabre en avant, je m’immobilisais. La lame de mon arme disparaissait et je reprenais une position plus naturelle alors que mon lien puissant et solide avec la Force se dissipait. Mon regard avait dévié vers Alyria, pour chercher une certaine reconnaissance. J’estimais que même cette petite démonstration était le moyen pour moi de m’exercer et de progresser. J’estimais avoir bien réagi, mais c’était à la Maitre d’Armes de me le confirmer.

Je me retirais néanmoins du centre de la pièce, pour observer avec attention les tentatives de nos élèves. Je devais admettre que j’étais agréablement surpris par les résultats, et j’en venais à remettre en question la méthode d’enseignement que j’avais proposé tout à l’heure. Peut-être que je n’étais pas prédisposé à enseigner, au final… Peut-être que je ne devais rester qu’un assistant. Peut-être que mon aspiration à devenir Maitre d’Armes était quelque peu… exagérée… Le fait était que les exercices proposés par Alyria étaient souvent couronnés de succès là où les miens… hé bien… ce n’était pas encore ça.

Concentré sur cette possibilité, je n’avais pas remarqué que tous n’avaient pas cherché à pratiquer l’exercice. C’était fort dommage, mais la réaction de peur et d’inquiétude était compréhensible lorsque l’on était confronté à des choses nouvelles. Cependant, c’était une habitude qu’il allait falloir perdre si l’on voulait être performant sur le terrain. Surtout lorsque celui-ci ce compliquait. C’était le principal but du nouvel exercice proposé par Alyria. En soi, l’exercice était identique. La seule complexification résidait sur le fait qu’il fallait désormais prendre en compte son environnement. Une chose aisée, lorsque vous êtes capable de lier étroitement votre esprit à votre corps ainsi qu’à la Force. De fait, je considérais cette difficulté supplémentaire comme une forme de duperie. A voir s’ils allaient considérer la chose de la même manière… ou bien paniquer.

Quoi qu’il en fût, je réagissais à la nouvelle invitation d’Alyria et je venais moi-même grimper sur l’un des poteaux avec facilité. Une simple impulsion appuyée de la Force et je me retrouvais au sommet, dans un équilibre presque insultant. Cette fois-ci, je laissais déjà apparaître le bleu de ma lame et je me concentrais pleinement pour réitérer l’exercice. Sauf que cette fois-ci je ne restais pas statique. Je ne le pouvais pas, si je ne voulais pas chuter. Aussi, lorsque mon sabre venait rencontrer celui d’Alyria, je me retrouvais aussitôt repoussé sur le côté. C’était logique, mais je venais me rattraper d’un saut habile, d’un salto qui venait me repositionner sur un poteau proche de mon point initial. Accroupi sur mes appuis, je me redressais à nouveau. Ce n’était pas aussi parfait que ma précédente parade, mais je l’estimais assez satisfaisante.

Je ne descendais pas des poteaux, restant en équilibre alors que les élèves prenaient place pour tenter leur chance, pour essayer de ressentir les sensations. Se rendront-ils compte qu’il s’agissait sensiblement de la même chose ? Je me tournais, interpellé par la voix légère et timide de la Padawan Tellura. Je souriais légèrement à sa demande, avant de l’inviter à grimper :

« Bien évidemment. Prends place. »

J’écoutais ses propos avec une attention particulière, car elle incarnait typiquement les craintes qui pouvaient venir vous clouer sur place lorsque vous n’avez pas suffisamment confiance en vos capacités. Ou lorsque vous ne saisissez pas encore toutes les forces et les faiblesses de votre corps.

« Ce sont des choses qui s’apprennent à force d’exercices. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Vas-y, prends ton temps. »

Je la regardais chercher son équilibre. J’étais quelque peu amusé de la situation, car j’avais l’impression de me voir des années plus tôt, lorsque j’étais plus jeune qu’elle et que je cherchais moi-aussi comment tenir en équilibre sur ces maudits poteaux. Mais maintenant, je pouvais m’y mouvoir avec aise, sans même me soucier de leur existence. Enfin, presque. Vous avez compris l’idée.
Je ne l’aidais pas pour autant pour ses premiers essais. C’était à elle de trouer son propre centre de gravité. Si elle n’y parvenait pas, alors je viendrais lui porter assistance pour la guider vers la résolution de son problème. Mais je ne lui donnerais pas toutes les solutions. Imiter ne servait à rien. Il fallait comprendre.

Je me mis en garde défensive lorsqu’elle se sentit prête, attentif à ses mouvements pour pouvoir mieux l’évaluer par la suite. Je pouvais aisément ressentir son appréhension dans la Force. Ainsi que ses craintes. Sincèrement, je savais d’avance qu’elle n’y arriverait pas. Son regard trahissait ses attentions, le fait qu’elle ne se concentrait pas sur les bonnes choses. C’était une réaction normale, pour une première fois. Cependant,, je me m’attendais pas à ne pas avoir à bouger d’un pouce. Je regardais son sabre virevolter, et son corps chuter. Je changeais immédiatement ma focalisation dans la Force pour me préparer à amortir sa chute. Elle ne serait pas tomber de haut, mais je ne voulais pas prendre trop de risques. J’avais déjà rafistolé Alam, je n’avais pas envie de recommencer. Mais la petite Twi’lek avait plus de ressources, et son instinct lui permit de se retenir au poteau.

Je l’écoutais appeler à l’aide, s’agiter, alors qu’elle avait juste à lâcher le poteau pour retomber sur le sol qui ne se trouvait qu’à quelques centimètres de ses pieds. En réalité, elle n’était pas en danger. Elle se faisait des idées, se créait des scénarios. Elle avait peur. Je changeais donc d’approche, sautant habilement d’un poteau à l’autre pour me rapprocher d’elle. Puis, je venais m’accroupir pour lui parler, avec calme et gentillesse. Je voulais me montrer confiant. Je n’allais pas l’aider à retomber sur ses pieds. J’allais l’aider à affronter ses peurs.

« Respire. Plus tu t’agiteras, et plus tu t’épuiseras. Respire, pense. »

Je la fixais du regard, esquissant un sourire apaisé.

« Tu ne crains rien, Dalla. Utilise ton bras libre pour accrocher ton sabre à ta ceinture. Reste calme et ouvre-toi à la Force, pose tes deux mains côte à côte. Respire, écoute la Force, fait appui sur tes bras et penche toi en avant pour te poser sur le poteau. »

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