Le sang jaillit de la poitrine du Maître Jedi. Il est d’un magnifique bordeaux. Il recule, ses muscle raidis sous sa peau luisante. Il donne beaucoup et ses énergies sont électrisées. Sa voix est moins mesurée, son souffle sonore. Il fatigue et ses mots lui permettent de temporiser l’affrontement. Il constate que sa blessure n’est pas une brûlure, que sa plaie n’est pas cautérisée, ouverte et saignante. Le Seigneur qu’il affronte utilise un cristal peu commun. Sa tranche est très douloureuse.

Nero garde ses distances, va et vient de droite à gauche, le pas tranquille puisque le frère occupe la petite. Récupère mon cher, reste au maximum. Ses sabres grondent à chaque changement direction, impatients. Soudain le grand diable se déporte, esquivant un tir perdu. La bataille ne perd pas de son intensité, non, bien au contraire, et le nexus se fait turbulent. Des courants de Force de très forte amplitude s’entrechoquent et s’entremêlent, les flux sont illisibles, désordonnés et forts, indisciplinés et implacables, comme… en révolution. Au cœur de l’antique temple, les éléments sont réorganisés.

La silhouette d’un soldat isolé se dessine. Nero l’aperçoit mais ne peut distinguer ses couleurs. Il est hagard, trébuche. L’œil droit du Seigneur se dilate. Disparais jeune éphémère, disparais. Et le soldat est tiré en arrière, sèchement agrippé par les mains de l’Obscur pour disparaître dans le brouillard. Soudain la Force afflue vers la droite. Nero recentre son attention sur le Jedi. C’est vers lui qu’elle se dirige, droit sur son plexus. Un rayonnement intense émane de toute sa personne. Le visage de Nero pivote légèrement sur la gauche, ses yeux ne quittent pas le Gardien. Alors il parle, il parle de combattre dans les règles de l’art. Le roi redresse le menton en souriant. Il constate le nouvel éclat du cuir de son adversaire. Plus une trace de sueur, un cœur au rythme apaisé. La plus large plaie, refermée. L’œil de Nero est fasciné. Cet adversaire dévoile des ressources insoupçonnées. Pourra-t-il le refaire ? Nero veut savoir.

Tout à coup il lève énergiquement le bras droit. Son sabre bleu-roi quitte sa main et s’élève très haut. Et à nouveau, ses jambes s’emballent dans une course effrénée. L’humain est sur le nazzar en moins de rien. Il glisse, ses rangers arrachent la terre, son aura la souffle. Il passe sous la lame adverse et lance un assaut par le bas, uppercut de lumière. Le Maître esquive avec brio mais concède un pas en arrière. Les lasers entrent en contact. Le tronc de Nero est beaucoup plus mobile. Avec une seule de ses armes, il se montre encore plus souple, plus précis. Et puis il a un sourire, sa main libre exécute une volte. Et les sens affûtés du Maître réagissent. In-extremis, il évite le second sabre qui surgit des cieux pour le foudroyer et l’ouvrir par le haut. Son flanc est largement exposé.

Aussitôt, Nero raffermit sa prise à senestre et sa lame s’enfonce dans le rein du Jedi. Il la retire vivement et un trait d’hémoglobine la suit. De nouveau cette vive douleur chez le Maître, plus profonde cette fois, et son sang qui s’échappe à un débit inquiétant. Cette lame d’un bleu abyssal, presque noire en son centre. Son corps ne supportera pas qu’elle le pénètre encore une fois. Et le Maître doit réagir, tout de suite, car Nero s’empare déjà de son second sabre fiché dans le sol et lève les bras pour abattre le coup fatal.

Aux premiers échanges de feu, Klauss a décollé. Ce pilote d’exception s’est montré imprenable, protégeant le HWK-290 de la chasse adverse derrière les transporteurs lourds de l’Empire, serpentant en rase motte entre les ruines. Il a récupéré Garuda et Priss, le tailleur de sang et l’humaine tout à fait inaptes au combat sur un champ de bataille. Maintenant Klauss vole en prenant de gros risques, s’approchant au plus près des combats dans un seul but, trouver Nero.


Fasciné, Nero fixe le tronc de son adversaire. Le trou creusé par la lame de Sigil, refermé. Incroyable ce nazzar. Incroyable. Et le Jedi attaque, le poignet ferme, la frappe aussi solide qu’aux premiers instants de leur duel. Nero sourit, son sang lui gicle à la figure, la poitrine largement rayée par l’instrument du Maître. Le torse fumant, il recule. Sa lèvre inférieure avance et il hoquette un rire. Sa voix de stentor va aux oreilles de son rival. Sa paupière gauche se ferme à demi, comme affaiblie.

Epatant. Vraiment.

Son visage pivote lentement vers le frère qui déchaîne sa lame contre la petite. Elle s’est recentrée sur lui et rend coup pour coup. Quelle folle lumière !

Chacun des sabres de Nero tournoie. Un tour seulement, avec amplitude. Son regard sans fond revient sur son immense adversaire. Maintenant, le jeu commence véritablement. Quand la mort vous contraint à danser avec elle, que ses doigts osseux se joignent aux votre et qu’elle répond à chacun de vos pas, tout est différent. Les énergies volcaniques du roi enflent jusqu’à l’implosion. Le Maître Jedi ressent la chaleur que dégage le corps de Nero, il ressent à quelle point elle est dangereuse, à quelle point elle consume Nero. Véritable brasier de Force, le roi s’élance de nouveau et les sabres hurlent. A chaque coup porté, Nero expire âpre et rauque. Pour la première fois, l’humain force. Et il ne cherche pas à le cacher, la sueur perlant de son visage souriant.

Dans son regard, l’intense éclat de la lucidité. Le Maître n’y trouve plus ce reflet possédé, presque dément. Nero combat très sérieusement et les flux d’éther générés par ses mouvements sont électriques et brûlants, visibles à l’œil tant ils sont concentrés.

Là.

C’est prononcé sans émotion, ce qui ne surprend personne dans le cockpit. La voix de Priss retombe et sa main se lève, le doigt tendu vers Nero en contrebas. Klauss vire sur la gauche et maintient le HWK-290 au-dessus des combattants. Le roi occupe tout l’écran de contrôle et le visage de Priss devient presque expressif lorsqu’elle aperçoit son dos recouvert de sang. Les canons pivotent et verrouillent les Jedi dont les chevelures et les vêtements sont violentées par les répulseurs. Klauss observe le roi derrière sa verrière, il cherche à capter son regard.

En bas, Nero braque son menton en direction de Klauss. Aussitôt, il balaye l’air de son sabre, signifiant clairement qu’il ne veut pas d’eux ici. Garuda inspire profondément.

Il est ivre. Prends de l’altitude, assez pour qu’il ne nous voit plus.

Et le cargo de combat s’élève. L’immense tailleur de sang reprend, olympien. Chacun de ses mots pèse très lourd.

Nous ne ferons rien. Son adversaire fait parti de son monde, un monde dans lequel il ne nous appartient pas d’intervenir. Klauss, contente-toi de manoeuvrer avec assez de brio pour nous éviter la mort et conserver Nero sur l’écran.

Klauss renifle. Priss s’éloigne et se dirige vers l’arrière du vaisseau. Sans lâcher l'écran des yeux, Garuda demande calmement.


Priss ?

Aucune réponse. Et puis le son de la rampe qui s’ouvre d’urgence. Garuda se retourne et aperçoit la longue femme qui disparaît, un flight pack dans le dos. Klauss décroche immédiatement et suit la descente de Priss. Quand elle touche le sol, les canons rugissent et balayent un groupe de combattants républicains situés sur la trajectoire de la guerrière.


Fameux opportuniste, le Padawan allonge son petit bras pour atteindre Nero. Mais le frère est fiable, il contre habilement la tentative de la disciple. Prometteuse l’enfant, vraiment. Alors l’offensive du Maître qui tente de le faucher comme les blés. Le corps du roi réagit trop tard, il soulève une jambe mais le laser brûle sa cheville. Il s’écarte et place ses yeux dans ceux du Gardien, un sourire ravi sur les lèvres. Quel moment ! Il se sent en vie avec une intensité qu’il n’a peut-être jamais éprouvé. La mort est si proche.

Des vibrations de l’Obscure saillissent sourdement de la poitrine de Nero. A chaque battement de coeur, un courant fort et noir impacte les sens du Maître. Les yeux du Seigneur brillent comme deux lacs gelés reflétant la lumière d’une supernova. Le Jedi ressent pleinement la consomption de son adversaire, à quel point il pousse son corps, puisant des ressources aussi puissantes qu’empoisonnées.

Et il repart à l’assaut, implacable, mais les sabres un peu moins dangereux semble-t-il.