Darth Hope
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Un déclic. Le soldat écarta les menottes des poignets rougis de Dana. Cette dernière s’avança au centre de l’immense pièce à l’architecture sépulcrale. C’était le sous-sol du Grand Temple Noir de Ch’Hodos City. Des lueurs rougeâtres vacillaient dans l’air alourdi par le poids du Côté Obscur et de son héritage. Ch’Hodos n’était pas Khar Delba, ni Korriban ou Ziost, les Shar avaient toujours regretté ce manque de reconnaissance sacrée : eux qui régnaient sur le monde du héros Sith, Shar Dakhan. Mais des candélabres aux flammes vacillantes lui remémorait une nuit de tendresse dont elle n’était pas sensée ressasser le souvenir. Akusha s’était assuré que le boucher avait bien consommé sa récompense princière. Au départ, les premiers jours, elle n’avait pas répondu ou de manière évasive, parce qu’elle ne souhaitait plus imposer cette défaillance à sa mémoire troublée. Mais le vieil homme avait insisté, encore, s’était impatienté au point qu’elle cédât (de peur qu’il n’use de télépathie pour s’arroger une réponse). Alors elle avait dit oui. Oui, le boucher avait consommé sa récompense, comme le sauvage qu’il était. Cela avait duré quelques minutes, avait-elle menti avec aplomb, sous la mine déconfite de Shira qui se retrouvait complice du mensonge de sa maîtresse. Et c’était tout. Akusha avait paru satisfait de la réponse. Et puisqu’il était de bonne humeur, elle avait négocié pouvoir s’entraîner et il l’avait libéré de ces bracelets qui éteignaient la Force.

Une Force à laquelle elle se reconnectait lentement, au centre de cette salle voûtée.

- Je veux être seule quand je médite, déclara-t-elle sèchement vers le militaire casqué qui n’avait pas bougé.

Aucune réponse. Il était resté campé sur sa position, les mains croisées devant lui, le dos droit, les muscles tendus comme s’il ne la craignait pas. Et cette assurance insolente traça une vrille de colère dans l’esprit de la princesse. Elle contracta ses doigts alors qu’elle saisissait la Force, prête à se faire obéir par la brutalité. Parce que derrière cette armure de noirceur, un être semblait la défier. Au moment où elle se décidait à sévir, il retira son casque. Une chevelure blonde cascada autour d’un visage sévère, taillé par les épreuves, aux yeux aussi bleus qu’un océan enragé. Elle cligna des yeux, soudainement prise de court par cette apparition soudaine. Lui, n’avait l’air ni attendri, ni ému par ce ersatz de retrouvailles.

- Tu ne devrais pas être ici, réussit-elle à dire.

Il ne répondit pas, se contentait de décrire la tunique noire, aux coutures d’or, à la coupe précieux, qui dévoilait une courbe, un bout de peau irisée par les lumières du Temple. Il quitta des yeux les vallées de son corps féminin pour plonger dans le brasier qu’était sa chevelure écarlate.

- Vous avez changé, Dame Shar. Je venais uniquement m’assurer de votre loyauté.
- Ma loyauté ?
- A qui va-t-elle ? Au Conseil Noir ? A Ramken ? Au peuple de Ch’Hodos ?
- Je…débuta-t-elle, prise d’un vertige étourdissant. Depuis quand, Hélios avait-il un ton aussi brusque, un charisme aussi empoisonné. Elle avait cru se retrouver face à l’esclave docile de jadis. Et bien, elle avait eu tort lui disait ces prunelles azurées qui la transperçaient comme un millier de lames.
- J’ai dû m’approcher dans la nuit et ramasser le corps fracassé de Léti, en bas des remparts.
- Attends, Hélios…
- MA SŒUR ! hurla-t-il et sa voix vibra dans l’atmosphère.

Dana sursauta avant de froncer les sourcils. Elle avait oublié le lien de sang qui unissait cette esclave à Hélios. Comment aurait-elle pu s’en rappeler, ils se ressemblaient tous. Tant de blondeur et surtout tant d’années qui avaient passé. Le cadavre sanglant de Léti surgit dans sa mémoire paralysée d’effroi. Elle entendait de nouveau sa voix suppliante, tordue d’angoisse et elle l’avait renvoyé chez Jared Ashar. Les Siths ne ressentaient pas de culpabilité. Mais là, tout de suite, Dana blêmissait, emportée par la confusion. Elle n’avait pas de mots, mais il fallait en trouver ou Hélios, brisé par la colère commettrait une erreur.

- Son meurtrier est mort, dit-elle avec prudence. Un autre esclave s’en est chargé.
- Vous savez ce que tout le monde dit ? Que Jared Ashard était dans votre lit cette nuit-là et qu’il est mort en vous protégeant.
- C’est..faux Hélios.
- Quand on m’a annoncé votre venue, qu’on m’a raconté avec quelle détermination vous avez brandi la tête de ce chien de Jaden Ashar, j’ai pensé que…la fin du règne d’Akusha s’annonçait, mais vous êtes une traitresse ?
- Ca suffit ! cria-t-elle derrière ses dents serrées de rage. Tu outrepasses ton statut !
- Quel statut ? Je me suis affranchi Dana, par la force, par les armes. Et tout esclave qui me rejoint obtient la marque de la liberté.
- Je pensais que tu te battais pour moi…
- Je me bats pour la princesse de Ch’Hodos, l’héritière de Shar Dakhan. Pas pour la chienne d’Akusha ou des Ashar.
- Je ne pouvais rien faire pour elle d’accord ?! s’emporta-t-elle dans un nouveau cri qui résonna jusqu’au plafond voûté pour retomber pauvrement à leurs oreilles. Mais je peux encore faire quelque chose pour ceux qui restent et qui sont fidèles aux Shar ! Tu dois me dire, tu dois me dire ce que je dois faire. T’aurais dû me contacter dès le début de la guerre pour me dire ce que tu planifiais ! J’aurais pu t’aider, j’aurais pu insister auprès du Castellan Noir pout t’envoyer des renforts.
- Ce boucher. Le nouveau héros de l’Arène.

Elle sentit son cœur se disloquer entre ses côtes à la mention du boucher. Et il dut voir la flamme vaciller dans les prunelles dorées de son ancienne maîtresse parce qu’il sourit enfin, mais son sourire n’avait rien de raisonnable ou de docile.

- Shira m’a dit qu’il devait affronter Akusha dans deux jours. C’est une occasion en or d’en terminer avec ce vieux bâtard.
- Il…il ne pourra jamais vaincre Akusha, personne ne le peut sur Ch’Hodos.
- Pas lui, pas quelqu’un d’autre. Moi. Je vais prendre la place du boucher ce soir-là.
- Tu vas mourir, déclara-t-elle froidement, espérant le dissuader par une autorité qu’elle avait perdu sur lui depuis longtemps.

Hélios dissipa la distance qui les séparait jusqu’à lui faire face. Il frôla ses lèvres maquillées et dévia les siennes jusqu’à l’oreille de la princesse, heurtant du menton, la boucle d’oreille scintillant qui y pendait.

- Vous allez convaincre le boucher de me laisser prendre sa place ce soir-là, murmura-t-il, déterminé.
- Et je suis censée faire ça comment ? C’est un esclave, Akusha me laisse pas quitter le palais infernal. Envoie Shira, ta sale petite espionne.
- C’est à vous de le faire, pour prouver que vous valez votre sang, votre rang .Débrouillez-vous, le soir du combat, peu avant les préparatifs, je serai là et si tout n’est pas prêt, ce sera un bain de sang.

Dana tremblait légèrement. Et quand elle voulut répondre, il était déjà trop tard. Hélios était parti et avec lui, ces foutues menottes anti-Force. Elle serra le point, s’extirpa de la tétanie que la stupeur avait jeté dans son corps et son esprit.



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- J’aimerais revoir le boucher.

Sur la grande terrasse du palais, Akusha somnolait, les yeux mi-clos. Il semblait abruti par le soleil de midi. Les rayons solaires se reflétaient impitoyables sur les bracelets de force en or massif qu’il portait comme de simples bijoux, mais qui faisaient partie d’un entraînement physique plus rigoureux. Car derrière ses apparences hédonistes et séniles, Akusha maintenait la forme que lui permettait la Force et son âge. Il avait déjà fait appel à l’Alchimie de Darth Tiamat pour revigorer son métabolisme. Son attention voguait sur le paysage urbain de la cité, jugeant son agitation quotidienne.

- Seigneur Akusha, répéta Dana qui se tenait dans l’encadrement du balcon.
- Le revoir ? marmonna-t-il paresseusement alors qu’il faisait un signe à son esclave de lui masser les pieds. Il se confortait dans sa méridienne comme s’il était le roi de ce monde, remuant à chaque fois les tripes de Dana. La convaincant de prendre le pari insensé d’Hélios.
- Le revoir.

Ils se comprenaient. Ils savaient ce que le terme revoir impliquait.

- Je ne veux ni de Jared Ashar, ni de Rhysode, ni de Taral. Si l’héritier a du sang d’esclave, personne ne cherchera à vous détrôner au nom d’une paternité légitime, non ? Je veux le boucher.
- Tu es rude en affaires, Dara. Comme ton sale père l’était. Vous les Shar, vous puez. Et votre odeur….(Il goba un fruit, prenant le temps de mâcher dans un bruit de mastication insupportable) me répugne. Très bien. Tu peux revoir le boucher, mais à la condition qu’il soit amené ici. Tu ne quittes plus ce palais.
- Bien, ponctua-t-elle d’une voix amère.

Elle amorça un demi-tour quand il parla de nouveau :

- Quand il me combattra, je sentirai ton odeur sur lui. Ca me dégoûtera. Dis-lui de bien se laver avant de m’affronter.
- Je lui dirai, lâcha-t-elle avant de quitter d’un pas pressé et furieux.




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Dans la demeure du Seigneur Rhysode, les affaires fleurissaient. L’eau coulait à flot et indécemment dans les fontaines de la maison, permettant à une végétation contrôlée de croître. On avait rafraîchi les fresques, changer le mobilier décrépi, acheter de nouvelles recrues pour les Arènes, investis dans de nouveaux droïdes protocolaires. Mais dans les caves, la même puanteur régnait, la même odeur de sueur. Jephego veillait à ce que rien ne change à ce niveau, à ce que les guerriers s’entraînent avec rigueur et justesse. Le boucher avait droit, toutefois, à un léger traitement de faveur. Il dormait dans une cellule meublée d’un ersatz de lit et d’une minuscule fenêtre qui donnait sur le ciel urbain. Un soir, alors qu’il avait pu regagner ce minuscule havre de paix, après un entraînement exténuant, le boucher reçut de la visite.

Deux lekkus bleutés à la douce brillance, une paire d’yeux qui lançait des éclairs insolents, une taille fine drapée d’une tunique d’esclave. Shira n’avait pas envie d’être là, et elle le faisait comprendre en silence, mais elle devait obéir. Dès que les gardes refermèrent la porte, elle s’exprima dans son mauvais basic, le ton cinglant :

- Tu es demandé au palais du Seigneur Akusha. La princesse veut te revoir.

Puis elle recula, frappa deux fois et la porte s’ouvrit de nouveau. Ils traversèrent les caves, le terrain d’entraînement sous les lunes de Ch’Hodos, étroitement escortés par les miliciens. On avait enchaîné les mains du boucher. A la sortie du la demeure, Rhysode patientait. Il offrit un sourire forcé vers son esclave, comme s’il avait un accord en commun qu’eux seuls étaient en mesure de connaître.

- Ne pense pas recevoir un traitement de faveur, le boucher. J’ignore pourquoi le Seigneur Akusha accepte de tels caprices. Si peu de considérations pour son épouse, c’est lamentable, mais ne le froissons pas. Fais ce qu’il faut. La princesse t’a loué prix coûtant, plus mmh quelques intérêts. Evite d’utiliser, mh, tu sais quoi.




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Dans la chambre de Dana, on lui retira ses chaînes, mais il n’y avait personne. Les néons étaient à leur intensité la plus basse et la lumière des lunes se répandait comme une coulée argentée à travers les grandes fenêtres. Une brise nocturne soulevait les voiles des baldaquins du lit. Soudain, Dana surgit d’une porte, regardant autour d’elle, un peu pâle. Elle fit signe à Shira, sans s’adresser à Lloyd.

- Tu montes la garde, s’il y a quoique ce soit, tu viens nous prévenir.

Shira lança un regard noir au boucher, l’accusant en silence d’être responsable des graves risques qu’ils prenaient tous ce soir. Mais elle ne dit rien et se contenta d’obéir. Dès que l’entrée de la chambre se referma. Dana se mit à faire les cent pas, elle était visiblement nerveuse et dans un état de stress évident. Enfin, elle arrêta de s’agiter pour planter ses yeux dans les siens qu’elle avait fui tout ce temps.

- Je t’ai pas fait venir pour ce que tu crois. En fait…il faut qu’on parle. Hélios est venu. Il est complètement fou, il a perdu la raison ou qu’importe mais. Il veut te remplacer le jour de ton duel avec Akusha. Je sais pas ce qu’il a en tête mais on va le laisser faire ok ? Et on va en profiter pour fuir, J’ai longtemps réfléchi, j’ai déjà tout prévu. Il faut que tu sois prêt, c’est tout.

Puis elle marqua une pause et s'écarta pour lui désigner pauvrement le lit.

- T’as l’air épuisé. Si tu veux te reposer quelques heures, tu peux. Je…ne ferai pas de bruit.

Elle ne savait pas quoi dire d'autres. A vrai dire, elle respirait trop fort. Elle était décoiffée, vêtue d'un simple peignoir au tissu aussi léger que translucide. Les marques de ses sévices s'étaient estompés grâce aux soins quotidiens de Shira. Et elle avait des cernes qui se dévoilaient derrière son maquillage léger, un peu estompé alors que ses yeux brillaient d'inquiétude. Elle donnait l'impression d'avoir ruminé des heures durant, d'avoir affronté une impasse infranchissable. Et même ses ongles. Ses ongles habituellement si soignés présentaient des traces alors qu'elle les avait rongé. Là où ses dents avaient mordillé, le vernis s'écaillait un peu. Elle réfrénait l'envie de se précipiter contre Lloyd, de l'étreindre et de se faire étreindre, mais la longue nuit était passée. Elle lâcha un soupir révolté et se détourna pour recommencer à faire les cent pas.



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Ainsi, il en avait la preuve sous les yeux : leur nuit de tendresse devait être oubliée.

Le hapien resta un long moment silencieux. Il la contempla, les lèvres pincées, faire les cent pas devant lui avant de baisser les yeux. Ses mains massaient doucement ses poignets là où des chaines avaient serré sa peau. Il était vêtu d’un nouveau pantalon noir, celui qu’il avait utilisé dans l’Arène étant devenu inutilisable, et sa blessure à la cuisse s’était refermée sans infection, même si une douleur persistait désagréablement lorsqu’il marchait ou s’entraînait. Il portait également une tunique noire aux manches longues. Une tenue très simple qui lui avait été offerte par Rhysode afin que la princesse pût constater qu’il était transféré en bon état vers ses quartiers.

Ces derniers jours, il avait pu se remettre en effet. Certes les entraînements restaient durs, mais il avait gagné le respect de Jephego, qui le harcelait moins, ainsi que des autres gladiateurs. Comme privilège, il avait demandé à pouvoir dormir seul et non plus dans une seule cellule avec d’autres, et Rhysode avait accédé à ce caprice. Il était dans une période faste, et le boucher ne lui coûtait guère plus que les autres à l’entretien. Il avait d’ailleurs pu acheter six nouveaux guerriers et les cellules étaient de toute façon pleines pour cette raison.
Quant aux combattants eux-mêmes, il ne s’était guère lié d’amitié avec eux, mais lors des combats d’entraînement on ne le tançait plus pour n’avoir pas consommé la twi’lek qui lui avait été présentée. Cet épisode avait été oublié au profit de son combat et de la nuit qui avait suivi. Sur sa nuit avec la Princesse de Ch’Hodos, il avait été évasif, avait laissé entendre que la nuit valu le coup. Toute autre attitude aurait suscité le soupçon, et il se persuadait le jour qu’il valait mieux, de toute façon, tenir la ligne de conduite qu’ils avaient convenu : ç’avait été l’affaire d’un moment, à cause de sa faiblesse passagère, et il convenait de l’oublier.

Bien entendu, il y avait donc pensé longuement chaque nuit. Dana ne pourrait pas vérifier s’il faisait bien ses devoirs de Sith, de toute façon. Et comme avec le slick, il était prêt à se mentir et à mentir à la face du monde pour pouvoir conserver dans un petit coin secret de quoi s’enivrer pour ses moments de faiblesse, même si l’ivresse tiendrait à un simple souvenir.

L’avoir entretenu, cependant, pour se retrouver face à une Princesse froide et préoccupée d’autres sujets, comme si leur étreinte n’avait jamais eu lieu, créait entre eux un fossé qu’il n’était pas sûr de devoir combler. Alors il resta silencieux, en effet.

Lloyd se déplaça doucement vers le lit qu’elle avait indiqué au cas où il souhaiterait y dormir, mais il se contenta de s’y asseoir, tâchant de mobiliser ce qui lui restait de cervelle. Il fronça les sourcils avant de la regarder.

- Alors ça veut dire qu’il est ici, à Ch’Hodos City, dit-il pensivement. Et pour pouvoir s’y cacher… Qu’il y a des loyalistes dans cette ville.

Comme toute capitale, cependant, Ch’Hodos City était foisonnante. Que des loyalistes fussent géographiquement proches ne signifiaient pas qu’ils fussent facilement accessibles, mais c’était une information importante.

- Cet Hélios, reprit-il, tu peux le contacter ? Si lui a pu t’atteindre par un intermédiaire, tu dois pouvoir discrètement remonter la piste, non ?

Il savait que c’était un pari risqué. Mais soudain il s’était redressé en parlant, comme aux aguets. Mais ce n’était pas leur environnement qu’il guettait, mais une idée qui se tapissait quelque part. Il y avait quelque chose à faire, il en avait l’intuition. C’était l’expérience qui parlait : ils avaient des cartes en main qu’ils n’avaient pas avant. Il fallait ajuster leur stratégie en conséquence.

- Il faut que je lui parle, dit-il. A Hélios.

Dana le regarda et il s’efforça de garder un visage neutre.

- Pour de bonnes raisons, précisa-t-il. Tu sais bien qu’il va se faire tuer. Rhysode m’a déjà demandé de me soumettre pendant ce combat. Akusha n’aura aucune pitié. Et il me semblait avoir compris qu’Hélios faisait partie des leaders parmi les loyalistes. S’il meurt, ce sera un coup très dur pour les résistants de ta planète. Il faut l’empêcher de mourir bêtement, lui aussi. Lui proposer une alternative.

Le hapien réfléchissait à voix haute. Les lunes rendaient son visage pâle et se reflétaient dans le collier de métal qu’il portait toujours autour du cou. Il avait baissé les yeux sur ses mains nouées, courbé qu’il était, accoudé sur ses genoux pour mieux réfléchir.

- Et… ces derniers jours, j’ai pensé à autre chose, ajouta-t-il prudemment. Ce Rhysode. Il n’aime pas Akusha, je le sens. Et encore moins les Ashar. Il est beaucoup trop tôt pour lui dire qui je suis, évidemment, mais… Il serait peut-être pertinent d’en faire notre allié, progressivement. Comme… Un investissement pour plus tard, tu vois ?

Si Rhysode avait bien, dans sa demeure, des œuvres d’art à l’effigie de Shar Dakhan, Lloyd ne se faisait pas non plus d’illusion ; c’était un homme qui se laissait porter par le vent, attiré par la fortune bien plus que par les légendes Sith. Le hapien ne jugeait pas cela. Chacun avait ses motivations. Lui non plus n’était pas un fervent défenseur des traditions Sith ; il était loyaliste pour d’autres raisons. Mais cela signifiait que Rhysode pouvait être acquis à leur cause, si ce dernier sentait que ce vent-là était prometteur.

Lloyd releva vers l’Inquisitrice un regard hésitant, que la lueur des lunes éclairait par l’une des fenêtres béantes, et il se mordit la lèvre inférieure.

- Imagine que dans un futur plus ou moins proche, Hélios, Rhysode, toi et moi nous liguions contre Akusha. Combien d’autres alors trouveraient le courage de s’opposer à lui ?

Toute bataille ne se gagnait pas sur le champ. Les alliances et la préparation à l’affrontement jetaient parfois les bases d’une victoire ou d’une défaite, bien en amont de la bataille. Et ils en étaient là. Il fallait avancer prudemment ses pions.


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- Lui parler ? Il ne changera pas d’avis.

Elle s’était arrêtée de tourner en rond et s’épaula à l’un des piliers du baldaquin pour que se prunelles dorées saisissent le regard émeraude. Même si c’était pour les bonnes raisons, elle n’était pas prête à faire cette concession. Hélios souhaitait se suicider bêtement ? Grand bien lui faisait, mais elle refusait qu’il implique Lloyd Hope dans ces manœuvres héroïques. Cependant, si Hélios mourait, la résistance loyaliste s’essoufflerait dans le meilleur des cas ou dans le pire des cas s’effondrerait comme un château de cartes. L’impasse était encore là, peu importe la direction où elle portait son attention ou ses espoirs, il n’y avait que ces murs gigantesques, infranchissables. C’était ça, Ch’Hodos, elle l’avait toujours su. Elle n’aurait jamais dû revenir.

- Peu importe ! s’exclama-t-elle en s’éloignant brusquement du lit. Damaya aurait su quoi faire, on l’a préparé pour ça tout sa putain de vie ! Les gens l’auraient respectée et suivie ! Mais elle est morte ! Et moi je suis là…

Dana déglutit son désarroi et alla s’asseoir de l’autre côté du lit. Ils se tournaient désormais le dos, dans cette pièce pleine de pénombre. Un long silence se tissa entre eux. Les rumeurs du palais étaient proches, celles de la cité un peu plus lointaine. C’était la première fois, songeait-elle dans cette tranquillité étrange, qu’elle voulait être lâche et fuir. Peut-être que Hope déteignait sur elle, mais elle n’avait plus envie de se battre. Runà aurait raison, ce serait stupide. Elle était la dernière de sa lignée. Il fallait renoncer, mais…

Sa figure pâle se détourna vers le profil du blond qu’elle s’évertua à contempler dans ce même silence. Elle avait expérimenté l’armée au travers des Lames Rouges, avait vécu au milieu des soldats, s’était battu dans les grands mixeurs sanglants qu’étaient les champs de bataille, mais elle n’en avait rien retenu si ce n’était de l’amertume vindicative. Lloyd, lui, elle avait l’impression que les tambours de guerre battaient dans ses veines, que l’art de la guerre coulait en lui. Et il y avait autre chose qu’elle avait loupé chez lui, mais qui aujourd’hui paraissait l’éblouir : l’intelligence de ceux qui s’échinaient à renverser le cours des batailles.

- Très bien, céda-t-elle en l’admirant. Je vais voir si je peux contacter Hélios pour qu’il te rencontre mais…le plan c’est la fuite, compris ? Pas de foutus gestes héroïques, pas de fait chevaleresque ok ? Parce que la seule chose que la guerre m’a apprise c’est que de toute façon, le repli c’est parfois la meilleure stratégie.

Son vêtement se froissa quand elle se releva pour venir s’asseoir à côté de lui. Son épaule frôlait la sienne et elle gardait ses yeux bas.

- Sur Lorrd, j’ai refusé un ordre de retraite. Je pensais, j’sais pas, que c’était nul de se replier parce que c’étaient que des civils gazés, morts. J’avais mis toute ma confiance dans la stratégie de l’Etat-Major impérial. Alors quand cet ordre est venu. J’ai été en colère, j’ai perçu ça comme un échec et j’ai pas voulu. La plupart des cicatrices que tu vois sur son corps à chaque, ben…elles viennent de ce refus. Je m’en fichais de mourir, mais j’aurais été abattue pour rien. C’est pas comme ça qu’un Sith doit mourir.

Maintenant, elle avait relevé sa figure et quand il croisa son regard, elle souriait.






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Le marché de Ch’Hodos City s’était sur plusieurs kilomètres carrés et plusieurs étages. Au sommet, les étales réservées à la noblesse où se vendaient des marchandises chères, raffinées, parfois inavouables. Les esclaves n’avaient pas le droit d’y pénétrer. Dans les couches médianes et inférieures de cette immense structure mercantile, n’importe qui pouvait faire des affaires ou presque. Les esclaves étaient exclus des transactions exceptées quand ils étaient la marchandise. Plus on s’enfonçait dans les entrailles des commerces agglutinés, plus on croisait d’aliens également : marginaux, clandestins. Un schéma classique que présentait toute mégapole type de la Galaxie. On faisait fi de certaines odeurs provenant des étales de bouchers qui vendaient viande de bantha et autres créatures, ou des droïdes mendiants (c’était un concept sur Ch’Hodos City), ils réclamaient de l’argent avec une insistance redoutable et une voix synthétique agaçante ; d’autres droïdes avaient été programmés par quelques malins pour devenir des pickpockets aguerris. Bref. Le marché de Ch’Hodos était une foire gigantesque et pour qui avait des crédits et le sens des affaires, on y trouvait probablement de tout.

Jacet Ashar était bien loin des niveaux supérieurs. Il s’était empêtré là où le soleil ne passait plus. Un large capuchon sombre sur la tête, son guerrier twi’lek le talonnait de près pour assurer sa sécurité, car dans une ruelle, on tombait aisément sur un coupe-jarret ou un coupe-gorge. Ses contacts géonosiens lui avaient assuré qu’en ce jour, en cette soirée triomphante, on vendrait des esclaves de la Forteresse de Shar Dakhan chez Bylbos le Bleu. Cette raclure vendait habituellement de la sous-merde à des prix dérisoires, seuls les dieux savaient comme il avait réussi à faire main basse sur une cargaison aussi précieuse. Les rumeurs avaient couru qu’Akusha avait décidé de se séparer des esclaves de la Citadelle. Il souhaitait définitivement que cette dernière tombe en ruine.

Arrivé devant le commerce, il remarqua des silhouettes frigorifiées alignées les unes contre les autres. Beaucoup de blonds, comme il était de coutume dans la servitude. Ils n’étaient pas en très bon état, amincis par des jours de mauvais traitement. Mais ce n’était pas la force physique et la santé que Jacet était venu chercher dans ce lot miséreux. Il s’arrêta devant une quarantenaire qui tenait pressé contre elle, un jeune homme handicapé. Il avait le bras immobilisé dans une atèle mécanique bon marché. Le comble de la pitié. Ashar grimaça et s’attira immédiatement l’attention de Bylbos le Bleu. Ce dernier n’était pas un Pantoran, mais bel et bien un humain qui avait simplement les lèvres bleues suite à un abus d’une drogue expérimentale. Il était petit, grassouillet (les affaires marchaient bien) et portait des centaines de bijoux-camelotes comme s’il avait voulu imité les plus grands de ce monde.

- Alors, Maître Ashar, on traîne chez Bylbos, ricana le marchand.
- Cette femme.
- Ah oui, oui, Krishka c’est son nom. Elle servait les Shar depuis sa naissance, elle a connu le grand-papa Shar il paraît. Elle doit savoir beaucoup de choses. C’est pour ça….qu’elle est chère. Et puis entre nous, elle a encore les cuisses fermes.
- Bon, s’agaça Jacet. Combien ?
- 70 000 crédits et je te laisse le gamin gratuitement avec, personne voudra me l’acheter.
- 50 000.
- Ah tu es prêt à m’offrir 65 000, c’est parfait ils sont à toi, s’esclaffa le marchand.

Jacet ne dit rien. Il fit un signe au twi’lek d’embarquer Krishka et le jeune puis paya Bylbos.


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La demeure des Ashar était un reflet contraire de celle des Rhysode. Les fresques s’écaillaient et ternissaient. Les bassins et les fontaines pleuraient du sable sec. Toute la maisonnée était victime de la sècheresse et des affaires en bernes. On écartait les guerriers des Ashars des principaux combats, les mises se réduisaient à peau de chagrin. On réfléchissait à revendre des esclaves que l’on ne savait plus nourrir. Jenna Ashar avait délaissé le noir du deuil et revêtue sa tunique pourpre. Assise sur le bureau de son défunt époux, le Seigneur Ashar, elle faisait péniblement les comptes avec Janek.

- On a revendu l’entreprise de Jared. Ses droïdes, ses engins de chantiers, bref. On a à peine de quoi couvrir nos frais.
- Si ton père voyait ça. Il ne le permettrait pas, s’apitoya-t-elle en fixant les datapads où des chiffres s’alignaient encore et encore. Elle avait l’élégance des vieilles matrones nobles, malgré la teinture noire qu’elle faisait régulièrement pour cacher sa chevelure grisée par l’âge.

Un bruit les dérangea dans leur réflexion. Jacet venait de rentrer. Jenna et son fils se levèrent immédiatement pour aller à sa rencontre dans l’atrium et ils se figèrent en remarquant qu’il traînait derrière lui deux esclaves.

- Tu as complètement perdu la tête ? persiffla-t-elle. Tu dilapides ce qu’il nous reste de sous pour deux…vulgaires esclaves !
- Calmez-vous, mère. Et proposez à Rhysode de venir demain. Nous l’accueillerons avec un banquet.
- Un…. ? Nous n’avons pas les moyens pour ça !
- Alors faîtes les fonds de tiroir ah et qu’il apporte le boucher et ses meilleurs hommes, pour combattre les miens en démonstration.
- C’est…
- Très bien, le soutint son jumeau. J’envoie un droïde à Rhysode avec l’invitation tout de suite mais…il ne viendra pas sans invités de prestiges.
- Oui, oui c’est vrai, songea Jacet l’air comploteur. Invitons Akusha !
- Il ne daignera pas venir.
- Oh mais que fait Akusha quand ses devoirs mondains l’ennuient ? Il envoie sa chère femme se faire chier à sa place. La présence de la princesse motivera Rhysode. Et je suis sûre qu’elle sera ravie de revoir cette vieille esclave qui était au service de sa famille.

Krishka releva le menton, le regard acerbe, mais entendu.

- Cette femme ? pesta la matriarche.
- Oui, cette femme. Dis-leur, Krishka, ce que tu m’as dit sur la route.
- La princesse Dana n’a pas été protégée par Jared Ashar, maîtresse. Mon petit, Chekat, il a tout vu. Il était caché quand votre fils est mort. Et lui et moi, on connaît le visage de son meurtrier.
- Alors si ce connard se cache sur Ch’Hodos City, je ferai le tour de tous les marchés, toutes les maisons avec Krishka pour le retrouver. Et je vais commencer par celle de Rhysode.

Jenna serra les poings, le corps tendu par une colère douloureuse. La vérité, c’était comme un cadavre de noyé. Elle coulait au fond des eaux, avant de macérer des gaz, très lentement, qui gonflerait ses chairs putrides et la feraient remonter. Alors, elle flottait à la surface, aux yeux de tous et plus personne ne pouvait l’ignorer. Que Dana Shar vienne, pensait Jenna, elles en profiteraient pour regarder ce cadavre dans les yeux.



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Les premiers rayons solaires avaient mis fin à l’entrevue de Dana et Lloyd. Ils l’avaient attendu assis au bord du lit. Epuisée, la princesse avait fini par déposer sa tête lourde sur l’épaule du blond, comme elle l’avait déjà fait dans l’étroitesse d’une cellule. Elle n’avait rien amorcé d’autres, ni mots, ni gestes et s’il avait parlé, elle l’aurait écouté.


Shira était donc revenue dès l’aube pour raccompagner le guerrier-esclave aux portes du palais. Ils passèrent par des couloirs de service, deux gardes dans le dos. Un moment, la twi’lek s’arrêta et lança une œillade vers les miliciens pour leur faire comprendre qu’elle voulait une seconde avec le boucher. Ils s’écartèrent, mais restèrent dans le champ de vision. Alors elle déclara tout bas à Lloyd :

- La princesse. Vous avez rien fait cette nuit. Y’a pas de mouchards ici, pas de système de surveillance parce qu’Akusha sait toujours tout. La princesse dit qu’elle veut te voir parce qu’Akusha veut qu’elle ait un héritier. Que t’es censé lui faire. S’il se passe rien. Akusha verra qu’elle lui ment et il la punira, comme la dernière fois.

Elle jeta une œillade vers les gardes puis revint à son interlocuteur.

- Si tu veux voir Hélios. C’est pas par la princesse que tu dois passer, mais moi.

Shira était une bonne espionne, assez pour laisser traîner ses lekkus là où il le fallait et entendre ce qu’il fallait. Ce qui veut dire qu’elle avait d’une façon ou d’une autre accéder à leur conversation dans la chambre.




Lloyd Hope
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Un héritier ?! Le hapien était resté interloqué une seconde, puis avait balayé l’idée. Dana avait inventé ça pour pouvoir organiser cette rencontre, c’était judicieux. Mais elle ne pouvait pas tomber enceinte, ç’aurait été stupide. Par contre, Shira avait plus de ressources que ce qu’il s’était imaginé au premier abord.

- Qu’est-ce que t’as y gagner ? interrogea Lloyd d’emblée. A me dire tout ça ?

Si Shira était prête à joindre Hélios, elle avait intérêt à avoir des motivations solides ; sinon, il était hors de question de lui faire confiance. Mais la twi’lek haussa les épaules, s’apprêtant à repartir. Le hapien l’attrapa par le bras malgré ses poignets liés pour l’empêcher d’avancer et elle lui jeta un regard glacial.

- Et on peut savoir comment ça se fait que tu écoutes aux portes de ta maîtresse ?
- Je n’écoute pas aux portes, je suis censée pouvoir réagir au moindre mot de la Princesse, et donc me tenir à disposition, persifla-t-elle à voix basse, pour qu’ils ne fussent pas entendus par les gardes partis devant.
- Bien sûr, répliqua Lloyd sur le même ton, et vérifier qu’elle jouisse ça fait partie de tes missions aussi ?

Shira fit une moue en soutenant son regard, supportant sans un mot la douleur qui émanait de son bras. Le hapien avait serré fort, plus fort que pour la retenir simplement et elle ne parvint pas à déchiffrer le regard émeraude.

- Tu vas nous faire remarquer, dit-elle calmement, se maîtrisant mieux que lui.
- Pour qui tu travailles ? interrogea Lloyd, ignorant la remarque.
- Et toi, pour qui tu travailles ?

Ils se défièrent un instant du regard, mais le hapien consentit à la lâcher. Ex aequo.

- Aide-moi à le rencontrer. Dis-lui de venir me voir. Dis-lui que… Je peux aider.

Shira le jaugea du regard. A quelques pas devant, les gardes s’arrêtaient et se retournaient pour leur lancer un appel bref.

- Grouillez-vous !
- On arrive, répondit Shira, puis reprenant sa marche, elle ajouta tout bas : qu’est-ce que j’ai à y gagner ? A toi de me le dire.

Le hapien haussa les épaules en la suivant.

- A charge de revanche, alors.

La twi’lek ne répondit rien.




Lloyd fut ramené dans la maison Rhysode, puis dans sa cellule frugale. Il se laissa choir sur sa couchette en soupirant, pour profiter de quelques dernières heures avant l’entraînement pour prendre un peu de repos.
Le repos ne vint pas. A la place, des pensées le hantèrent. Son imagination galopait ; Akusha punissant Dana, Dana ne souhaitant plus la tendresse, Hélios vainquant Akusha par un tour de passe-passe, Dana qui souriait en murmurant qu’elle s’en fichait de mourir.

Il se releva pour partir à l’entraînement sans avoir fermé l’œil.



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La rencontre eut lieu deux jours plus tard, alors que le hapien ne s’y attendait pas. En fin d’après-midi, Jephego avait mis les guerriers en binôme pour les faire travailler des mouvements sous un soleil de plomb ; Lloyd se trouva sans partenaire et Jephego l’invita à le suivre. En l’absence de Rhysode et son épouse, partis en visite dans le centre-ville, les salons étaient ouverts pour capter le moindre courant d’air, et les fontaines éteintes, dans un souci d’économie. Dans les bassins, une eau paisible croupissait et, au bord de l’un d’eux, Hélios était assis, encadré de deux autres hommes en tenue d’esclave ; cependant aucun d’entre eux ne portait un collier. Jephego marmonna à Lloyd qu’il allait lui laisser quelques minutes, mais qu’il complotait contre la maison Rhysode, ce dernier le saurait rapidement et le ferait exécuter ou pire, envoyer aux mines pour y mourir à petit feu. Jephego lâcha le hapien après l’avoir amené par le bras, et s’écarta pour que ce dernier pût faire face à Hélios.

Lloyd sut immédiatement de qui il s’agissait. L’homme assis au bord du bassin était fort, blond, et le toisait de ses yeux bleus perçants comme pour l’évaluer. Il était plus jeune que le hapien, mais aussi en meilleure santé. Plus beau, en quelques sortes, doté de lèvres frondeuses et d’une peau que le soleil de Ch’hodos avait légèrement brunie.

- Tu es Hélios, fit Lloyd comme une confirmation.
- C’est exact. Le boucher m’a fait demander, paraît-il. Tu as intérêt à avoir quelque chose d’important à dire. Je prends de gros risques, pour venir ici. Et je n’ai que très peu de temps.

Le hapien prit une brève inspiration. Il n’avait pas eu le temps de peaufiner ses arguments. Mais il n’aurait certainement pas d’autres opportunités.

- Je veux rejoindre votre groupe de loyalistes, dit-il de but en blanc. Combattre à vos côtés.

Un sourire étira les lèvres d’Hélios.

- Je me doutais que ce serait quelque chose dans ce goût-là. Qui te dit que je peux faire quelque chose pour toi ? Je vois bien ce que tu es, à ta peau, à tes cheveux : tu es un esclave devenu gladiateur et, loin de toute politique, tu cherches la liberté. Je lis clair en toi.

Moui. Lloyd prit le temps de choisir ses mots.

- Dans trois jours, Akusha tuera quelqu’un. Moi, ou toi. Si tu meurs, cela portera un coup peut-être fatal à ton groupe.
- Je ne mourrai pas ! rétorqua soudain Hélios en bondissant sur ses pieds, la fureur éclairant son regard. Me prends-tu pour un imbécile ? Et comment as-tu obtenu cette information ?

L’humain s’était approché de Lloyd si près que leurs visages se firent face. Le hapien ne recula pas, ne souhaitant pas se soumettre à cette intimidation, malgré le charisme évident d’Hélios.

- Ça n’a pas d’importance. Le fait est que même en ayant prévu un piège déloyal, Akusha a beaucoup trop de chances de se sortir vivant de ce combat et toi, mort.
- Tu te trompes parce que tu ne sais rien de ce que j’ai prévu. Contente-toi de te tenir à l’écart. Considère que ce soir-là, je te sauverai la vie en prenant ta place, si tu as si peur d’Akusha.
- Mais ça n’a aucune chance de fonctionner, persista Lloyd en s’efforçant de ne pas élever la voix malgré son agacement, pour ne pas que Jephego pût entendre leur conversation. Utilise tes forces à bon escient ; ce soir-là, viens, et quand mon collier est retiré au début du combat, crée une diversion avec tes hommes, une fausse attaque ou que sais-je. J’en profiterai pour fuir avec la Princesse et tu n’auras plus qu’à nous exfiltrer tous les deux.
- Tu me demandes de changer tous mes plans, c’est absurde, pour obtenir quoi ? Toi ? Qu’est-ce que tu vaux en dehors d’une arène ?
- Peu importe ! Imagine tes troupes si tu as la descendante de Shar Dakhan, une Sith, à tes côtés ! Imagine leur motivation, imagine le nombre de personnes qui seront prêts à vous rejoindre ! Et Dana Shar a plein d’informations sur l’état des troupes renégates et leur stratégie actuelle. Tu as tout à y gagner !

Hélios fronça les sourcils, recula d’un pas. Ses yeux bleus perçants évaluaient toujours Lloyd, mais d’une autre façon.

- Je suis au courant que Dame Shar te fait appeler, en ce moment, dit-il soudain très calmement. C’est elle, qui t’a manipulé pour me dire ça ?
- Non. Elle ne sait pas même que l’on se rencontre aujourd’hui.

Hélios leva les sourcils, étonné.

- Tu l’aimes ?

Il y eut un silence. Lloyd avait contracté les mâchoires.

- Disons plutôt que je lui suis loyal, pour des raisons qui ne regardent que moi.
- Elle te perdra. Les Shar sont territoriaux et posséder les êtres vivants fait partie de leur ADN. Le jour où tu souhaiteras une once supplémentaire de liberté, elle te fera regretter tous tes rêves. Ça reste une Sith, ne te laisse pas berner par son corps et ses mimiques attendrissantes : ce n’est que de la comédie, pour elle. Elle passe le temps quand elle s’ennuie.
- Je sais tout ça, répondit le hapien d’un ton glacial. Ça ne change rien à sa valeur dans ton combat.
- J’y songerai, fit Hélios, énigmatique. Mais je dois partir.

Les trois hommes quittèrent les lieux à la hâte. Jephego revint, l’air suspicieux, mais ne posa aucune question. Comme pour le punir d’il ne savait quoi, Lloyd fut envoyé à l’un des exercices qu’il appréciait le moins : il devait tracter un énorme rocher de pierre, enchaîné par les bras. C’était un exercice classique de musculation, mais le soleil battit son dos et le reste de l’après-midi, la sueur trempa ses cheveux et ses rares vêtements tandis qu’il tournait en rond, autour des autres gladiateurs qui combattaient ensemble.



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Quand Shira vint le chercher à la nuit tombée, pour l’emmener au palais sur ordre de la Princesse Shar, le hapien était épuisé. Sans réfléchir, après un bain sommaire, il enfila la tunique noire qu’il avait porté le soir précédent, et se laissa emmener, menotté, à travers les rues de Ch’hodos City, sans les voir. Il essayait de rassembler ses esprits malgré la fatigue. Ce qu’il dirait à Dana. La convaincre de se préparer à s’enfuir ce soir-là, prendre le comlink et le sabre laser. Enfin, une vraie possibilité de fuite, de reprendre les rênes de leur vie qui leur avait échappé depuis de trop nombreux jours. Enfin il pourrait dormir sans s'inquiéter du genre de sévices qu'Akusha pouvait lui faire subir.

Lorsque les deux esclaves se présentèrent aux portes du palais, deux gardes allaient s’approcher du portail aux grilles de métal ouvragées pour les ouvrir lorsqu’un speeder arriva à toute allure devant le palais. Le véhicule projetait par ses réacteurs des gerbes de fumée grise et suffocante et il s’arrêta en trombe devant le palais. Aussitôt les gardes dégainèrent leurs blasters, mais des traits filèrent dans leur direction depuis l’habitacle de l’appareil et ils furent contraints de reculer. Par réflexe, Shira et Lloyd se jetèrent au sol pour éviter les tirs. La twi’lek tomba avec un cri de panique. Le hapien essaya de se relever rapidement pour se mettre à couvert mais à peine était-il de nouveau sur ses pieds qu’une chaine passa devant ses yeux. La chaine descendit dans son cou et soudain fut serrée brutalement par une personne venue par derrière.

Il n’eut le temps de rien voir. Il porta ses mains à son cou dans l’espoir de se libérer, s’apprêta à rassembler la Force pour écarter l’agresseur mais soudain il sentit un choc brutal contre son crâne, et tout fut noir.

Shira n’eut que le temps de voir deux hommes aux masques de métal embarquer le corps inerte du hapien dans le véhicule avant que celui-ci ne redémarrât en trombe.
Darth Hope
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Un nouveau revers venait de frapper la demeurer des Ashar. Rhysode avait refusé l’invitation, princesse ou non. Celui à qui la fortune souriait avait renvoyé le droïde et insisté pour que Jacet et les siens assistent plutôt au combat qui aurait lieu chez lui et qui opposerait le Seigneur Akusha et le boucher. Alors, les Ashar s’étaient réunis, devant les buffets garnis qui n’accueilleraient aucun convive, à la lueur des fanaux à plasma éclairant les fresques écaillées et ternes. Malgré la tombée de la nuit, la chaleur étouffait leur peau dont la surface luisait indécemment. Un esclave éventait la dame Jenna. Elle contentait sa soif en lapant gorgée d’eau après gorgée d’eau tandis que ses fils maugréaient leurs plans.

- Je rendrai visite à Rhysode, déclara Janek. J’emporterai Chekat avec moi en qualité d’esclave personnel. Je demanderai à voir ses gladiateurs, à quelques fins mercantiles. Vaniteux comme il, il ne refusera pas de me montrer ses bêtes. Et Chekat sera là pour scruter chaque faciès.
- Mais je me pose une question, poursuivit son jumeau en coulant une œillade interrogative vers Krishka qui demeurait en retrait, dans l’ombre de la matriarche. Akusha m’a clairement dit que l’assassin de Jaden, notre petit frère, était sans doute l’apprenti du Castellan Noir. Je pense qu’il a eu l’information de cette Kahla de Galidraan. Ca voudrait dire que…ce chien est sur Ch’Hodos et aurait tué Jared. Que nous sommes peut-être les prochains sur la liste, mais pourquoi ? Si c’était bien lui cet esclave, il a protégé cette putain de Shar. Krishka ?
- L’esclave s’appelait Vance, maître Ashar. Il est arrivé sur Ch’Hodos avec la princesse, répondit-elle laconique avant de rejoindre un silence soumis.
- Imagine, reprit-il vers son frère, que ce Vance et Lloyd Hope ne soient qu’une seule et même personne. Krishka ?
- Vance a tué votre frère parce que ce dernier l’a surpris en pleine intimité avec la princesse.
- Voilà s’exclama Jacet avec force sous les yeux hésitants de sa famille. Akusha, à l’Arène il m’a parlé d’un pigeon qui revenait toujours vers sa femelle ! Je pense que c’est ça…L’apprenti, la princesse.
- Cela se tiendrait, souligna Janek en approuvant d’un signe de tête. Mais cela ne nous dit toujours pas où est ce Vance, peut-être aux mines, peut-être dans les rangs d’Hélios ?
- Oh, que non..

Un feu étrange animait les prunelles d’un Jacet désormais fanatisé par ses propres déductions, certain de lui. Il s’était toujours perçu comme le plus malin de la fratrie. C’était ce qui lui avait permis d’accéder à l’Arène, dont les affaires nécessitaient beaucoup de négoce et un peu de sournoiserie.

- Si ce Vance est bien l’apprenti du Castellan Noir et que ce dernier a bien une relation avec la princesse au point d’être venu avec elle dans la gueule du loup eh bien….il ne doit pas être loin d’elle. Vous me suivez ?
- Pas totalement, mon fils, s’impatienta Jenna qui grimaçait en remarquant que sa coupe d’eau était vide. Elle la tendit sèchement vers Krishka qui se mit à la remplir.
- Dana Shar et sa récompense ridicule, celle de s’offrir au vainqueur du combat vedette.
- Le boucher ? interrogea Janek.
- C’est une hypothèse, que Chekat infirmera ou non dès demain matin. Il paraîtrait que la princesse le fait appeler dans sa couche toutes les nuits avec la bénédiction d’Akusha.

Ainsi, après son entrevue avec Hélios, dès que Jephego l’avait remis à l’entraînement rude, Lloyd n’aperçut pas Janek Ashar et Rhysode converser au loin. Et dans l’ombre du premier, les yeux malins de Chekat qui avait blêmi et qui s’était empêché de le pointer du doigt out de suite, au risque d'attirer l'attention sur eux. A son retour du centre-ville, Rhysode avait accueilli un Janek Ashar assez insistant, mais n’avait pas refusé l’opportunité de présenter à son rival déchu, tout ce que sa maison faisait de mieux en termes de gladiature. Ironiquement, Rhysode avait moqué la présence de ce petit estropié aux côtés de Janek, lui lançant qu’à défaut des spectacles de l’Arène, réservés aux plus nobles, il pourrait toujours ouvrir un cirque avec ce genre de bête de foire. Ashar avait encaissé l’affront avec un sourire contrit, faisant mine de partager cet humour humiliant. Mais sitôt sorti et sitôt que la voix aiguë du jeune Chekat lui confirmait l’identité du boucher, il se sentit soudainement tout puissant. Plus puissant qu’Akusha lui-même qui devait encore ignorer trop de détails. D’une information, il avait beaucoup de destins entre ses mains et était capable de faire basculer celui de Rhysode par la même occasion. La vengeance, disait l’adage, se dégustait froide. Et il allait la savourer, s’en abreuver comme il l’aurait fait à une source d’eau fraîche sous un soleil de plomb.





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Shira courait à travers les coursives du palais de Ch’Hodos City. Elle bousculait des droïdes trop lents, traversait les pièces en furie, sous le regard étonné de ses pairs. Ces derniers connaissaient le tempérament caractériel de la twi’lek, mais ils n’avaient jamais vu son visage aussi blême et ses yeux aussi paniqués. Elle sentait son cœur battre à tout rompre, prêt à s’échapper de sa poitrine oppressée par la terreur. Elle ignorait les échos qui appelaient son nom pour lui demander de ralentir, de s’expliquer sur son état. Elle s’introduisit de justesse dans un turbolift de service et pressa convulsivement sur la commande menant à l’étage des quartiers de la princesse.
Elle reprit sa course folle dès qu’elle fut éjectée du turbolift, mais des gardes stoppèrent net son élan.

- Je dois voir ma maîtresse, elle a besoin de moi, expliqua-t-elle, tout essoufflée, les joues rougies par son effort athlétique.
- La princesse est occupée pour le moment, repasse plus tard, répondit un des miliciens casqués, d’un ton bourru.

Elle avisa les fusils blaster qu’ils tenaient fermement en main et renonça à tenter de passer par la force. Et fit demi-tour. Il existait un autre passage

A quelques mètres, derrière les portes de la suite princière, Dana Shar faisait face à un Jacet Ashar triomphant, qui sourire aux lèvres, avait demandé audience auprès d’elle et l’avait obtenu sans grande difficulté de la part de l’intendance. N’importe quel homme ferait l’affaire pour Akusha, visiblement. Elle s’inquiétait de ne pas voir le boucher, mais tâcha de maîtriser sa surprise. Il n’était pas question de paraître faible face à lui et elle n’avait plus ses bracelets anti-Force que son époux n’avait pas cherché à lui remettre, car il savait qu’elle n’était pas au niveau contre lui. Contre Ashar, en revanche.

- Je m’attendais pas à te voir, annonça-t-elle avec aplomb en prenant place devant une grande coiffeuse aux lumières carmines comme sa chevelure. Il observa son dos mis à nu par sa tunique légère, sa coiffure qui dénudait sa nuque pâle. J’aurais cru que ta défaite dans l’Arène t’aurait effacé de ce monde à tout jamais.
- Je suis comme une plante vivace à l’ombre, princesse. Je sais m’épanouir dans les endroits les moins éclairés de cet univers. Des endroits que doit côtoyer le boucher en ce moment.

Le cœur de la Sith loupa un battement et elle eût l’impression de rater une marche, de tomber soudainement. Et bien qu’elle demeurait impassible, blanche comme une poupée de cire et intransigeante, il crut percevoir l’or de ses prunelles s’assombrir.

- Et qu’est-ce qui te fait dire que cela m’importe ? lâcha-t-elle alors qu’elle retirait sèchement le capuchon d’un de ses tubes de rouge à lèvres. Elle le contemplait dans le reflet du miroir et songea au corps de Jared qui se fracassait dessus, à l’éclat de verre que Lloyd avait planté sauvagement dans sa gorge après une lutte sans élégance. Elle vit le sang couler à la surface de la glace. Le bâton de fard écarlate passa sur la charnure de sa lèvre.

- Dana. Je sais tout. Que votre esclave « Vance » a tué Jared. Votre petite aventure avec l’apprenti du Castellan Noir, le fait qu’il ai assassiné mon autre frère.
- Bien sûr, sourit-elle malgré la panique qui grandissait en elle et qu’elle tenta de faire taire. Tu as dû rester trop longtemps au soleil.
- Je doute que Krishka et son fils soient restés trop longtemps au soleil, eux. Et si je retrouve chaque esclave de la Citadelle, je suis certain qu’ils pointeront tous le boucher comme étant Vance.
- Eh bien, je te félicite, déclama-t-elle avec froideur. Elle reposa son rouge à lèvre avec précaution.
- Sale petite putain…j’en étais sûr. C’est lui l’apprenti de Laduim ?!
- Mais tu ne sais pas tout, ajouta-t-elle en ignorant sa question. A travers son reflet, ses pupilles jaunâtres se plantaient dans le regard furieux d’Ashar. Jared m’avait attaché de force sur mon lit et s’apprêtait à me prendre par cette même force. Il a été tué par mon esclave personnel, celui qui veille à ma sécurité. Je l’avais prévenu de garder sa place. Tu devrais être plus prudent que lui.
- Oh et quoi ? Vous enverrez ce Vance me tuer ? Là où il est, la seule mort qu’il risque de croiser, c’est la sienne.

Dana puisa une grande inspiration, jusqu’à ce que la Force trouve un chemin vers lui. Elle invoquait son pouvoir et plus elle plongeait dans les yeux sombres de Jacet, plus ce pouvoir grandissait. Elle serra le poing lentement, se figurant la gorge d’Ashar entre ses doigts manucurés. Et pressa davantage au point que ses ongles s’enfoncent fermement dans la chair de sa paume. Elle sentit la Force répondre à sa volonté, vit les yeux de sa victime s’écarquiller au travers du miroir. Elle admira la bouche de l’homme se déformer tandis qu’il se mettait à chercher un peu d’oxygène. Elle l’observa se débattre contre cette main invisible qui enserrait son cou avec assez de force pour compresser sa trachée.

- Non, Jacet. C’est moi qui vais te tuer. Je vais mettre fin à ta sale petite lignée. Mon père aurait déjà dû le faire de son vivant.
- Si…si je meurs, siffla-t-il dans un gargouillis rauque, il meurt aussi…j’ai donné…l’ordre…

Elle relâcha soudain son emprise et il inspira par bouffée, le teint blâfard, les lippes tremblantes.

- Qu’est-ce que tu veux ? demanda-t-elle. Te venger ? C’est ce que t’es venu mendier ce soir ?
- Le boucher est une assurance. Je veux la tête d’Hélios, disons dans trois jours ? Que je puisse la présenter à Akusha.
- Et récolter tous les lauriers, fit-elle dans un soupir dédaigneux. Tu prendrais la tête d’Hélios, puis celle du boucher.
- Oh non, ricana-t-il de cette voix encore douloureuse et pleine de colère. Akusha, il désire la tête d’Hélios plus que celle de l’apprenti de Laduim. Quant à ma vengeance.

Son reflet était désormais imposant dans le miroir aux reflets écarlates. Il s’étendait dans le dos de l’Inquisitrice. Jacet était proche. Il plongea ses doigts dans les ondulations carmines que formaient la coiffure de Dana et agrippa fermement son cuir chevelu.

- C’est vous que je tuerai. J’arracherai d’abord votre langue, celle qui a prononcé l’arrêt de mort de Jaden, sans doute




Jacet tira sur la chevelure rousse pour qu’elle pencha la tête en arrière. Il croisa son regard éteint, son air livide, ses lèvres rouges du sang de ses frères adorés.

- Si vous prévenez Akusha, notre petit accord tombe à l’eau et je tue le boucher. J’apporterai sa tête moi-même à Ziost, devant Darth Ramken. Je suis gagnant, sur tous les tableaux. Faîtes ce qu’il faut pour me livrer Hélios, mort. Et j’épargnerai le boucher.

Et il eut une mine dégoûtée quand il décela l’approbation muette qu’elle lui envoyait.

- Une véritable Sith m’aurait tué, et aurait condamné cet homme. C’est finalement moi qui mettrai fin à votre lignée.

D’une impulsion brutale, il la relâcha et elle bascula en avant, sidérée. Elle pensait trop vite. A Lloyd, à leur couverture brisée, à cette mort qui arriverait quoiqu’elle fasse. Celle de Hope, ou la sienne. Elle n’assista pas au départ triomphant d’Ashar. Shira, elle, demeurait interdit dans l’ombre. Elle avait émergé du passage secret quelques instants plus tôt et elle avait tout entendu.






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Un seau d’eau glacé mit fin à la noirceur. A travers une vision brouillée par le réveil brutale et l’eau qui coulait sur son visage, la silhouette floue de Chekat. Et quand tout fut plus clair, plus lucide, il put reconnaître le jeune homme qui rigolait à gorge déployée.

- Ca coûte cher l’eau, hein ?

Autour des poignets du hapien, des menottes anti-Force, du même genre que celles qu’avait portées Dana. Ashar, dans l’hypothèse où Vance, le boucher et Lloyd Hope n’étaient qu’une seule et même personne avait pris des garanties. Il avait payé ce gadget une fortune dans les bas-fonds du marché de Ch’Hodos City et il avait dû vendre l’un de ses gladiateurs pour se le permettre, mais rien n’était trop cher pour la vengeance. Il faisait sombre. Une seule ampoule éclairait les environs et une odeur rance prenait aux tripes. Il y avait des carcasses animales qui pendaient des plafonds et jetaient leurs ombres mortes aux pieds du blond ; comme s’ils étaient dans une étale de boucher.
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Lloyd cligna des yeux plusieurs fois, hébété, pour émerger de l’eau glacée qui venait de lui cingler le visage.

- Chekat ? balbutia-t-il.

Il essaya de se mouvoir et aussitôt, une douleur à l’arrière de son crâne lui battit les tempes. De plus il était retenu par les poignets, que des menottes au bout d’une chaine maintenaient en l’air, accrochée au plafond. Ainsi suspendu, il était à demi-à genoux au sol, et il put prendre appui pour soulager ses épaules que le poids de son corps avait soutenu, il lui semblait, plusieurs heures durant.
Des carcasses d’animaux étaient suspendues elles aussi dans la pénombre, et un froid désagréable formait devant leurs bouches des nuages de vapeur. Une odeur tenace emplissait l’atmosphère, dégoûtante à en faire suffoquer le hapien, qui se maîtrisa en grimaçant.

- On fait moins le malin, hein,  fit le gosse encore estropié.

Un sourire mauvais flottait sur les lèvres de Chekat, mais dans son regard il y avait comme un doute. Il jeta le seau par terre et se contenta de regarder Lloyd. Debout, son visage arrivait au-dessus de celui du hapien à genoux et il semblait découvrir cette position dominante avec incertitude.

- J’suis où ? maugréa Lloyd, qu’un frisson de froid fit frémir.
- Là où les bouchers travaillent, répondit l’adolescent, énigmatique, avant d’ajouter : là où on conserve les carcasses fraîches. Au frais, loin sous la surface.

Le hapien, dont les yeux s’habituaient à l’obscurité, aperçut en effet au bout de la pièce une porte ouverte, qui donnait sur un escalier étroit. Une lumière artificielle dessinait les contours de marches inégales. Pas de lumière du jour. A combien de mètres sous terre étaient-ils pour trouver une telle fraîcheur ? Mais il y avait plus contrariant à mesure que les souvenirs affluaient dans l’esprit du hapien. Dana. Elle avait dû l’attendre. Shira avait-elle pu la prévenir de ce qui s’était passé ? Il ne fallait pas qu’elle essayât de le retrouver. Que faire ? Comment le lui dire ? Et qui l’avait enlevé ? Il n’arrivait pas à réfléchir.

- Tu peux m’donner un peu d’eau ?

Le sourire de Chekat s’élargit. Le regard du hapien s’assombrit aussitôt, comprenant que l’adolescent ne se laisserait pas amadouer de toute façon.

- Sûrement pas.
- Pff, siffla Lloyd entre ses dents. T’es là pourquoi, alors ? Me regarder mourir de froid et de soif ?
- Ouais.
- Petit con.

Il ne payait rien pour attendre, celui-là. Les yeux de Lloyd fouillèrent la pièce du regard, tombèrent sur le seau aux pieds de Chekat. Il s’apprêta à rassembler la Force pour se servir de cet objet contre Chekat quand…

- Hé, mais.

Merde. Voilà ce qui clochait depuis le début. La Force. La Force l’avait quitté. Il se contorsionna, essaya de comprendre, aperçut les menottes à ses mains, similaires à celles que Dana avait porté. Il jura à haute voix.

- Quoi ?
- Rien.

Quelqu’un savait qu’il était sensible à la Force. Ou avait un doute suffisant pour prendre ce genre de précautions. Ça ne sentait pas bon du tout. Malgré le froid, Lloyd sentait une crainte sourde tordre ses tripes et une chaleur désagréable envahir son corps, le couvrir d’une sueur funeste. Il tâcha de se maîtriser en respirant doucement, évitant le regard de Chekat qui le mettait mal à l’aise, quand du bruit leur parvint des escaliers. Aussitôt l’adolescent ramassa le seau et alla se terrer dans un coin de la pièce comme s’il craignait d’être le prochain animal suspendu dans cette cave sordide.
Ils entendirent des pas, et une silhouette finit par se dessiner dans l’embrasure de la porte.

Jacet.

Lloyd avait aussitôt reconnu le maître de Faucet, qui avait accompagné Dana d’une manière qui lui avait déplu. A la lueur de l’ampoule, il devinait des traits qui lui rappelaient Jaden Ashar, et le souvenir de leur lutte dans la soute, sur Dathomir, lui revint en mémoire. Puis celle de Jared, qu’il avait tué tout aussi salement. Mais il se tut.

- Tiens tiens, voilà que le boucher se retrouve en position de gibier abattu. Ironie du sort…

Jacet s’était approché, mais il resta à quelques pas de Lloyd, comme s’il se méfiait. Le hapien resta silencieux et s’efforça de regarder droit devant lui. Il était inutile de défier du regard un geôlier. On n’en récoltait que des sévices supplémentaires. Il avait appris cela à ses dépens.
Jacet s’approcha d’un pas supplémentaire et s’accroupit pour que son visage fut au même niveau que Lloyd et que celui-ci n’ait d’autres choix que de croiser son regard.

- Allez, dis-moi, maintenant, qui tu es. Quel est ton nom, le boucher ?

Le hapien prit une inspiration. Il avait vécu d’autres interrogatoires. Mais sans la Force, il se sentait démuni, impuissant, nu.

- Vance,  dit-il.
- Ah bon ? Ce ne serait pas Lloyd Hope, ton vrai nom, par hasard ?  

Lloyd laissa une brève seconde s’écouler, simulant l’incompréhension.

- Non. Je suis Vance. J’ai pris le nom du boucher pour fuir la Citadelle.
- Mmh.  

Jacet fit une moue compréhensive, acquiesça doucement.

- Donner une vérité pour en masquer une autre. Je vois que tu connais bien ce genre de jeu. Mais j’ai vraiment besoin de savoir la vérité, vois-tu ? J’ai besoin d’une certitude. Je veux savoir combien de mes frères tu as tué.

Lloyd sentit un frisson lui parcourir l’échine, mais il s’efforça de garder un visage neutre.

- Aucun, à ma connaissance. A moins que Faucet fut votre frère.

Jacet soupira.

- Si tu as décidé de me prendre pour un imbécile… Sache que j’ai promis à Dana Shar de ne pas te tuer si elle obéissait à toutes mes demandes, mais je ne lui ai pas promis de ne pas toucher à ton intégrité physique ni psychologique.

Lloyd essaya de maîtriser sa respiration. Ses yeux se levèrent au plafond, où les ombres des crochets vacillaient à la lueur de l’ampoule.

Voilà, on y était, songea-t-il. A ce jour où on utiliserait l'un pour asservir l'autre, parce qu'ils n'avaient pas été fichus de dissimuler leur lien absurde. Idiot. Petit con. Qu’est-ce que Dana allait faire, maintenant ? Pour lui ? A cause de lui ? Pendant combien de temps ? Privé de la Force, il n’avait aucune chance. Il ne reverrait peut-être jamais la lumière du jour. Il déglutit.
Il fut tenté de dire à Jacet qu’il avait tué ses deux frères, de façon à susciter chez lui le désir de vengeance, et qu’il mit fin à sa vie, qu’il apportât sa tête à Ramken. Ainsi, Dana serait libérée, elle n’aurait plus à faire quoique ce soit pour le maintenir en vie. Mais c’était un pari trop risqué. Jacet ne tomberait peut-être pas dans le piège et se servirait de l’information pour la soumettre davantage encore, pour faire d’elle une renégate.

- Chekat, appela Jacet d’une voix autoritaire, et l’adolescent, tapi dans l’ombre, refit son apparition, comme un fantôme. Amène une corde.

Le gamin tourna sur lui-même, fouilla quelques objets au fond de la cave, puis revint avec une corde épaisse, d’un pas hésitant.

- Viens,  fit Jacet, d’une voix plus douce. Approche. Je vais t’apprendre quelque chose d’intéressant. Je vais t’apprendre à soumettre un homme.

Ashar se redressa, et poussa Chekat pour que tous les deux se trouvassent derrière le hapien. Jacet passa la corde autour du cou de Lloyd, et celui-ci se rendit compte seulement à ce moment qu’il ne portait plus le collier qui en faisait un guerrier-esclave. Mais ça n’avait plus d’importance. A la place, il sentit la brûlure des fibres rustiques de la corde se serrer contre sa peau. Ashar joignit les deux morceaux de cordes pour les entortiller. Puis il serra. Aussitôt, le hapien sentit sa trachée s’écraser et sa respiration fut presque coupée. Il geignit malgré lui en essayant d’inspirer à travers la pression.

- Voilà, prends la corde à ma place. Si tu serres davantage, il ne peut plus respirer. Si tu serres plus encore, tu risques de le tuer. Si tu ne lui redonnes pas un peu d’air de temps en temps, il va mourir aussi. Le but du jeu est de l’amener le plus loin possible, pour t’entraîner. Essaie de ne pas le tuer par inadvertance, j’aimerais bien le garder en vie quelques jours. Vas-y, essaie.

Lloyd entendait les explications de Jacet dans son dos, sans le voir. Il sentit sa gorge être serrée davantage et il écarquilla les yeux. Cette fois, plus aucun filet d’air ne passait. Il avait deviné, aux frottements légers de la corde qui lui brûlait le cou, que Chekat avait pris son tour. Jacet réapparut d’ailleurs devant ses yeux. Lloyd sentait déjà un mal de tête poindre à cause du manque d’oxygène.

- Alors, je vais reposer ma question… Vance, ou Lloyd, peu importe, dit Ashar en se tenant devant lui, le toisant de toute sa hauteur. Est-ce que tu as tué Jared… Et est-ce que tu as tué Jaden ?

Le hapien s’efforçait de continuer à fixer le plafond, les formes des ombres vacillantes. Son esprit s’embrumait.

- Chekat, relâche un peu, j’ai besoin qu’il parle.

Lloyd sentit l’air pénétrer dans ses poumons brusquement. Il s’efforça de respirer le plus vite possible, restant muet. Jacet pinça les lèvres.

- Resserre.

Le soulagement n’avait été que de courte durée. Chekat avait serré plus fort que la fois précédente et le hapien sentit des larmes de souffrance perler à ses yeux et lui brouiller la vue. Mais il ne fallait rien dire, il fallait essayer de survivre, il n’y avait rien d’autre à faire.

Chekat recommença plusieurs fois l’opération. Chaque fois, Lloyd avait l’impression qu’il ne pourrait pas retenir sa respiration plus longtemps. Que la fois suivante, il allait défaillir, ou mourir. Mais avec l’aide de Jacet, l’adolescent relâchait toujours la corde juste avant que le pire n’arrivât. Les lèvres de Lloyd étaient devenues violacées.




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- Qu’est-ce que tu fous ici, Shira ? Je ne peux pas te laisser entrer.

Jephego avait entrouvert le portail de métal de la maison Rhysode. A travers son masque de métal, ses yeux fusillaient la twi’lek, qu’un voile blanc couvrait à demi, la protégeant du soleil de la mi-journée, implacable. Depuis l’intérieur de la cour, on entendait le tintement du métal contre le métal. Les guerriers s’entraînaient, comme chaque jour.

- Maître Rhysode est furieux. Il dit que c’est à cause de la princesse et de ses caprices qu’il a perdu l’un de ses meilleurs investissements. Il avait promis le boucher pas seulement à Akusha, mais à l’arène de Cadara le mois prochain, pour la fête du solstice. Et si Maître Rhysode découvre que le boucher a rencontré ton ami, je perds ma place, et ma vie avec ça !
- Ce n’est pas mon ami qui a commandité ça, Jeph’ ! siffla Shira. Ni la princesse, ni le Seigneur Akusha. C’est les Ashar ! Je l’ai entendu. Jacet Ashar a rendu visite à ma maîtresse, et il l’a menacée.

Jephego jeta une œillade en arrière, comme pour vérifier que personne ne les épiait.

- Pourquoi tu viens me dire ça ? Je ne suis au courant de rien, et tu devrais ne rien dire non plus. Tu vas tous nous faire tuer. C’est un coup du sort, voilà tout. Ca va se tasser, tout le monde va oublier cette histoire et d’autres champions feront la réputation de la maison Rhysode,  je m’y emploie.
- C’est plus compliqué que ça, mais j’ai pas le droit de t’expliquer. Juste, il faut que le combat entre Akusha et le boucher ait lieu. Même s’il est repoussé à plus tard, il faut que ton maître fasse quelque chose pour retrouver son gladiateur ! Souffle à ton maître que ce sont les Ashar qui l’ont enlevé, par jalousie !

Le guerrier fit non de la tête, agacé.

- Jephego, insista Shira. Tu nous en dois une, tu te rappelles ? Je te demande pas grand-chose...

Ils se regardèrent un moment en silence, puis Jephego claqua la porte. Shira s’enfuit en rabattant le voile blanc sur son visage et se hâta de prendre le chemin du marché, où elle devait faire quelques achats pour la princesse.
Darth Hope
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Les jardins du palais de Ch’Hodos City étaient semblables à un poumon de verdure exotique. On racontait que c’était la plus grande oasis de Ch’Hodos, un écrin végétal au cœur d’une cité d’acier et de pierre. Ils étaient entretenus par des centaines de droïdes et d’esclaves qui logeaient sous la terre qu’ils s’échinaient à rendre fertile et prospère. Ils dormaient et vivaient entre les tuyaux d’irrigation et les systèmes de drainage. En ces temps de sécheresse, les morceaux de glaciers importés étaient entreposés loin sous la surface et la nuit, la plupart des esclaves ne se réveillaient pas, gelés, alors qu’une canicule funeste embrasait l’air libre de Ch’Hodos. Leurs corps servaient d’engrais et de fertilisants aux plantations diverses. C’était littéralement le sang des esclaves qui nourrissait la beauté et la prospérité de ces jardins. Hélios s’était donc promis de les brûler un jour, quand la victoire lui serait acquise, il réduirait ce tombeau de verdure en cendres et les cadavres d’Akusha et des siens seraient le combustible de ce brasier vindicatif. Le résistant loyaliste connaissait toutes les entrées du palais, pour y avoir vécu une partie de sa vie, au service des Shar. Il savait notamment que les souterrains où vivaient ces ouvriers serviles communiquaient avec le système d’égouts de la ville. Ce même système se scindait en deux. Une partie épurait les eaux usagées pour les renvoyer dans le circuit d’eau potable de la cité (dans un souci d’économie), une autre partie rejetait le pire de ces eaux dans le désert à des kilomètres de là et noircissait le sable doré qui se transformait en marécage de chagrin. Tout ce que Ch’Hodos City avait de pire finissait ici, à la sortie de ses boyaux titanesques. C’était une zone que tout le monde évitait à part les droïdes d’entretiens et quelques esclaves assignés au bon fonctionnement de l’évacuation. C’était également l’endroit le moins gardé de la ville. Une faille de puanteur et de de déchets dans laquelle Hélios se glissait sans scrupule lorsqu’il fallait infiltrer la capitale en toute discrétion.



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Dana admirait cette étendue émeraude depuis le balcon de sa chambre dont elle s’était faite elle-même prisonnière. Elle avait refusé de paraître devant Akusha, lors des repas, ou lorsqu’il recevait. Elle en avait plus qu’assez de faire semblant. Et chaque teinte verte de ces plantes qui s’épanouissaient tant à l’ombre qu’au soleil lui remémorait le moindre éclat du regard de Lloyd Hope. Entre ses mains pâles un sabre-laser et un comlink. Elle pressa ses doigts autour des ces deux objets, tout ce qu’il lui restait de son existence en dehors de Ch’Hodos.

- Dame Shar, la dérangea Shira en se glissant près d’elle. Les pieds nus de la twi’lek avaient à peine fait du bruit contre le dallage frais de la terrasse.
- Tu es prête ?
- Absolument.

Dix minutes plus tard, elles parcouraient les allées de ces splendides jardins. Shira portait une ombrelle sombre au-dessus de la figure pâle de sa maîtresse qui avait l’air de se promener. Cependant, entre deux branchages, derrière une tapisserie de feuilles exotiques et vénéneuses, des paires d’yeux rouges et dominantes les suivaient. Avant son tour au marché, la twi’lek avait libéré le nexu de sa prison intérieure et grâce à un bout de la lanière de cuir prêté par la princesse, l’avait conduit aux jardins. Elle avait éludé les questions des esclaves et des soldats, précisant que Dame Shar voulait voir son animal et qu’elle le renfermait sitôt après. L’excuse avait fonctionné comme un compte à rebours. Le temps que l’information remonte à l’intendant puis à Akusha. A ce moment-là, elles devaient être loin.





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Et elles marchèrent des heures dans le ventre tortueux qu’étaient les égouts de la capitale, Luis dans leur ombre. La tunique si précieuse de Dana flottait dans un jus rance, à l’odeur intenable, mais elle tâcha d’ignorer l’horreur. Elle l’avait déjà fait quand il avait fallu fuir sur Kaas City, retrouver Lloyd Hope, le sauver des flammes, le sauver de la vindicte odieuse des Ashars. Afin de ne pas éveiller les soupçons une fois qu’elles seraient à l’extérieur, Shira avait passé un collier de cuir autour de la gorge de la princesse et lui avait détaché les cheveux, déchiré les manches de sa robe pour qu’elle paraisse moins noble et effacé son maquillage si reconnaissable. A certains endroits, elles devaient patauger dans les eaux croupies jusqu’au cou et retenir leur souffle tant les relents étaient insupportables. Shar vomit une fois, ajoutant plus d’infamie à celle qui macérait déjà dans ces canaux de l’enfer. Enfin, la lumière du jour leur parut. D’abord un point dans l’infini noirceur, puis une véritable sortie auréolée d’espoir. A ce niveau, le courant de l’eau sale gonflait, car toutes les immondices se regroupaient dans ce dernier conduit. Elles durent surnager, lutter un peu pour ne pas être emportées, mais finirent par être recrachées dans le désert noir, la peau souillée, le corps frappé de haut-le-cœur. Un droïde d’entretien passa près d’elles, bipa en les ignorant.

- Certains gars d’Hélios ont reprogrammé ces droïdes. Sinon, ils sont sensés tout nettoyer. Même les princesses.
- Même les esclaves, renchérit Dana avec un sourire bref. Quand Akusha saura ce que j’ai fait…
- Il lancera la plus grande chasse à l’homme de Ch’Hodos, mais quelle importance. Ils chercheront une princesse Sith fière, ils iront dans la Citadelle, dans les Montagnes, ils arracheront toutes les têtes voilées du marché de Ch’Hodos City, mais vous serez pas là.

Derrière elles, Luis s’ébroua en grognant avant de pointer les crocs vers un trio d’hommes à la chevelure blonde, prêt à leur bondir dessus. Le visage de Shira s’illumina.

- Hélios !
- Shira, tu es complètement folle, déclara-t-il en se précipitant vers elle avant de la saisir entre ses bras puissants pour la presser contre lui. Je t’avais dit de pas te compromettre.

Il leva ses yeux azurés vers Dana dont la peau sale luisait sous les rayons impitoyables du soleil ch’hodien, soulignant les odeurs peu communes dans lesquelles elle avait baigné. Face à l’étreinte qu’il venait d’échanger avec Shira, elle baissa les yeux pour fixer le sable noir et mouvant sous les courants des eaux que les canaux déversaient toujours.

- C’est très important Hélios. Je savais pas si Jephego m’écouterait. Mais…le boucher…
- C’est l’apprenti du Castellan Noir, avoua Dana d’une drôle de voix. Il a tué Jaden Ashar, il a tué Jared Ashar. Et Jacet le tient, je sais pas où, je sais même pas s’il vit encore…je veux juste le retrouver.
- L’apprenti du Castellan Noir ? Ici avec toi ? Qui se fait passer pour un esclave ?
- Ce serait trop long à expliquer ! enragea Dana que chaque seconde dans l’attente lacérait. Quand Jacet apprendra que je suis plus là, il le tuera.
- Et qu’est-ce que ça peut bien me faire ? Comme il me l’a dit si bien dit, c’est toi qui as de la valeur dans ce combat, hein ? C’est Dana Shar, la descendante de Shar Dakhan, la Sith, que les gens suivraient, pas l’apprenti du Castellan Noir. Shira, on change rien au plan. Je vais transmettre un message à Jephego, le soir du combat, il dira à Rhysode que le boucher est revenu, je me déguiserai en lui et je combattrai le vieux bâtard.
- Non ! s’écria Dana, complètement hors d’elle. On doit trouver Lloyd, on doit le sauver !
- Alors bon courage. Je te dois plus rien, Dana Shar.

Elle secoua lentement la tête, dardant ses prunelles dorées sur lui, prête à appeler la Force et toute la fureur qui pourrait sublimer son pouvoir pour lui faire payer. Mais elle n’y arrivait pas. Si elle n’était pas capable de sauver Lloyd seule, à quoi cela servait ? Hope aurait eu raison, ils avaient complètement merdé. La tendresse, la créance, les choses absurdes. Tout ce qu’elle lui avait reproché sur Kaas City à propos de Mat’aenna, elle s’en accusait désormais.

- Bien, céda-t-elle. Merci Shira, j’oublierai pas.
- Ne l’écoute pas Shira, tu lui dois rien.

Mais Shira refusa de suivre Hélios. Elle fit un pas vers la princesse.

- Je veux le sauver aussi, affirma-t-elle. Je veux suivre Dana Shar. Et tu devrais la suivre aussi, c’est ce que tu nous as tous promis. Qu’on tournerait pas le dos à l’histoire de cette planète, de notre monde. Toi aussi t’as du sang Shar, même illégitime. Même si personne le sait. T’as ton rôle à jouer. Qu’il soit l’apprenti du Castellan noir, ça change rien. Il a tué ce connard de Jaden. Il a tué ce…ce Jared, et tu sais très bien ce qu’il a fait à Léti, ce qu’il m’avait fait ici.

Luis poussa un nouveau grognement et s’installa aux côtés de sa maîtresse, l’attention rivé sur tous ces étrangers. Hélios considéra Dana Shar un moment, à la faveur du discours prononcé par Shira. Et quelque chose en lui finit par céder.

- Ok. On regagne la planque et on réfléchit à un plan. Mais il est peut-être déjà cané, auquel cas. Abattre Akusha redevient la priorité.



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Le plan était simple, mais risqué. Il s’agissait de prendre Jacet Ashar et son frère en filature. Il était fort probable que les deux hommes jouent sur le tableau de leur gémellité pour envoyer d’éventuels pisteurs sur une fausse piste. Les deux esclaves chargés de la filature communiqueraient discrètement par comlink avec Dana et Shira planquées dans les égouts : ces derniers leur permettraient d’accéder à la position indiquée par les esclaves plus vite qu’en surface où les contrôles devaient actuellement se multiplier. Shira tenait avec elle, un datapad avec les plans holographiques du système d’épuration de la ville. Elles se repéreraient ainsi. Normalement, rien ne devait être laissé au hasard, mais la part d’inconnue dans un plan de bataille avait toujours son mot à dire. Trop encombrant, Luis était demeuré à la planque de Ch’Hodos City.

Les deux femmes patientaient dans la pénombre des tunnels répugnants. Terrées contre un mur, suivant les indications de l’un ou l’autre des pisteurs. Dana avait le cœur au bord des lèvres, non seulement à cause de l’odeur horrible des égouts, mais aussi à cause de l’angoisse qui précipitait son âme dans les abîmes obscures. Elle tentait de se persuader qu’il n’était pas trop tard, que Lloyd Hope était encore en vie. Mais les minutes, puis les heures filaient sans information concrète. Janek et Jacet couraient à travers la ville, tantôt à l’Arène, puis au Marché.

- Shira, y’a un gamin avec Jacet. Avec un bras estropié. C’est son genre d’esclave personnel.
- Bizarre, souffla Shira à son tour dans le comlink. D’habitude, Jacet ne sort jamais sans Rikt’ro, son gladiateur twi’lek.

Soudain ce fut comme une illumination dans l’esprit de Dana. Elle arracha presque le comlink des mains bleutées pour exiger :

- Suis-le, suis ce foutu gamin !!!
- Ok.

Face au regard interrogatif de la twi’lek, elle expliqua :

- Jacet m’a dit que c’étaient Krishka et Chekat qui avaient vendu la mèche. Chekat, c’est un gamin et mon nexu lui avait bouffé le bras. Quoi de mieux pour passer inaperçu qu’un débile mental au bras estropié.

Un nouveau grésillement dans le comlink les interrompit.

- Shira, faudrait que vous vous dirigiez vers les anciens abattoirs. C’est là qu’il va.



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Lloyd…

C’était comme une voix dans le lointain. Une voix qui voulait le ramener sur cette rive soudainement devenue inaccessible. Il y avait sans doute encore quelque chose à sauver et cette voix s'y raccrochait.


Lloyd Hope
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- M-Maître Ashar ?
- Pas ici !

Chekat avait couru à perdre haleine, pour retrouver Jacet, qui allait d’un pas vif d’une boutique à l’autre. L’esclave au bras estropié l’avait suivi ensuite, penaud. Bien sûr, il ne fallait pas parler du boucher en public. D’autant plus que depuis ce matin, Ashar avait la sensation désagréable d’être suivi.

- Cet imbécile de Rhysode nous soupçonne, avait-il grogné à son frère, à voix basse, quand ils s’étaient croisés sur le chemin du retour à leur demeure. Je suis sûr qu’il nous fait suivre.
- Je sais, lui et son épouse viennent à la maison, ont-ils annoncé. Quelque chose à nous dire, apparemment. Je suis sûr qu’ils vont vouloir fouiner, poser des questions à nos gladiateurs.

L’après-midi était déjà avancée. La vie battait son plein dans les rues bondées, où chacun essayait tant bien que mal de trouver un peu d’ombre sous le soleil rouge de Ch’Hodos. Les deux jumeaux marchaient côte à côte, d’un pas vif, et Chekat sur leurs talons essayait de suivre, l’air soucieux.

- Ils ne trouveront rien, personne ne nous a vus faire. Et j’ai confiance en Kessip et Moiri, ils vouent tous deux une haine de la maison Rhysode, ils ne diront rien.
- Non, mais on ne va pas pouvoir le garder indéfiniment dans ce fichu abattoir. Il faut que tu obtiennes des réponses, Jacet. S’il ne répond pas à tes questions, trouve quelqu’un pour l’identifier.
- J’ai essayé d’obtenir son dossier par mes contacts, mais impossible. Sans l’aide d’Akusha, je ne pense pas qu’on puisse obtenir des photos de lui ou autre chose pour l’identifier.
- On ne peut pas prévenir Akusha ! Sinon, il saura qu’on a agi sans lui plutôt que de le consulter et il sera furieux.

Chekat se mit à trottiner pour contourner les deux hommes et venir à la hauteur de Jacet.

- J-justement m-maître ?
- Quoi, Chekat ?
- Je… je crois qu’il est mort.

Les deux hommes s’arrêtèrent brusquement dans leur marche. Jacet attrapa Chekat par le bras et celui-ci grimaça en couinant.

- Comment ça, tu crois qu’il est mort ?!
- Je-je-j’ai serré trop fort il bouge plus du tout.

Janek jeta un regard noir à son frère.

- Je t’avais dit que c’était une mauvaise idée de le laisser sous la surveillance de ce gosse ! le tança-t-il.

De rage, Jacet gifla Chekat. Le gamin dégingandé ne broncha pas. Il le secoua brièvement par le bras.

- Tu vas y retourner, ordonna-t-il. Tu vas vérifier s’il est bien mort, et s’il est mort, tu enfumes l’abattoir, pour que personne n’y mette les pieds pendant quelques jours, c’est compris ? Tu sais comment on fait ? Tu enflammes les paquets des couloirs avec une torche. Tous, ok ? C’est compris ?

Jacet secoua encore Chekat pour obtenir de lui un pauvre « oui », avant de le laisser partir. Le gamin se mit à courir en sanglotant. Les deux jumeaux le regardèrent partir, non sans jeter autour d’eux des regards suspicieux, vérifiant que personne ne les avait entendus. Il y avait bien des esclaves qui s’affairaient ici et là. Ils se remirent à marcher à la hâte.

- Qu’est-ce que tu vas faire ?
- L’enfumage mensuel des viandes devrait tenir à distance les fouineurs d’ici là qu’on improvise. Je vais encore pouvoir faire chanter la princesse quelques jours. Ce qu’il restera du corps, on l’enverra à Ramken. De toute façon, nous finirons bien par entendre parler de la disparition du bras droit du Castellan si elle a eu lieu.
- Et Akusha ?

Jacet siffla entre ses dents.

- On verra.








Une épaisse fumée avait commencé à s’élever de l’abattoir. Les habitants n’y firent guère attention. Une fois par mois, on enfumait les viandes pour les conserver plus longtemps ; la congélation sur Ch’Hodos coûtant extrêmement cher, l’enfumage était une pratique courante qui donnait à la viande bon marché un goût prononcé. Dans la partie inférieure de l’abattoir, les cellules fraîches où l’on suspendait les carcasses étaient reliées par un système de couloirs d’aération où des ballots d’herbes sèches étaient entassés à intervalles réguliers. Le jour de l’enfumage, il suffisait d’y mettre feu pour que toutes les cellules fussent emplies d’une fumée épaisse.

La chaleur et les picotements dans sa gorge, son nez et sa bouche éveillèrent Lloyd en sursaut. Il eut un vertige. Il ne voyait rien et ses poumons avaient commencé à s’emplir de fumée. Il fut pris d’une quinte de toux. Affolé, il essaya de se relever, de se tourner, mais la chaîne par laquelle il était retenu s’entortilla sur elle-même sans céder.

Les souvenirs affluèrent. Chekat. Quand Jacet était parti, Chekat avait joué longuement de la corde. Il sentait encore la brûlure sur son cou, il se rappelait l’horreur de croire qu’il allait mourir là, aux mains d’un esclave, sans que quiconque sût où il se trouvait. Dana le chercherait-elle longtemps ? Il se souvenait avoir insulté le gosse, l’avoir menacé. Il pensait que Chekat aurait pu se laisser impressionner, mais il semblait que l’adolescent n’avait pas réellement conscience de ses actes. Puis il y avait eu la fois de trop et tout s’était assombri brutalement au terme d’une douleur insoutenable.
Et quand il s’éveilla à nouveau, le corps tremblant et glacé, dans l’obscurité la plus totale, il sentait encore le manque d’oxygène lui tourmenter l’esprit. L’ampoule avait été éteinte, ou avait grillé. Une chaleur douce réchauffait ses doigts, mais c’était au prix de l’odeur étouffante de la fumée. Il entendait au loin le crépitement d’un incendie. Lloyd se laissa choir au bout de sa chaîne, pour que son visage pût être le plus bas possible, échapper comme il pouvait à la fumée. C’était peine perdue. La pièce était déjà à demi-emplie.

Il hurla. Il tira sur sa chaîne, de toutes ses forces.

Le crochet ne céda pas.

Il se remit à suffoquer. L’oxygène manquait encore.

Il n’avait pas de photo de Mat’aenna, pas de photo de Dana.













Juste le souvenir d’une nuit de tendresse.












J’ai beaucoup aimé. Tout, avait-elle dit. Et il se répéta bêtement ces mots.
Elle avait tout aimé et ça avait valu le coup.
Il ferma ses yeux que la fumée faisait pleurer d'épouvante.
Ce n'était pas grave, c'était fini mais ça avait valu le coup. Ca avait valu le coup. Ca avait valu le coup.

















Il se mit à crier quand la chaleur commença à être insupportable, que des cendres encore rougeoyantes se mirent à lui balayer la peau.
Darth Hope
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Dana et Shira avaient émergé du conduit d’évacuation qui drainait le sang et les abats des viandes. Elles étaient couvertes d’un sang noir et poisseux, qui brillait sur leur derme brûlant. A ce cocktail de saleté se mêlait une sueur froide et une transpiration brûlante ; l’une traduisait l’angoisse, l’autre l’effort physique qu’elles avaient dû fournir pour se hisser péniblement jusqu’à ce drain et…unissant leurs forces, faire sauter la grille grossière qui protégeait le conduit.

Une fumée âpre les prit à la gorge soudainement. La visibilité s’atténua après seulement quelques pas dans ces locaux lugubres et silencieux. Shira était secouée par une quinte de toux rèche.

- On va pas pouvoir…
- SI ! s’exclama Dana avec hargne, malgré sa gorge qui picotait. Je l’ai déjà sauvé des flammes, je peux recommencer ! Retourne dans les égouts et attends-moi.
- Dame Shar..attendez…

Mais la princesse s’était littéralement envolée, avalée par la fumée épaisse, effacée par les braises qui dansaient dans l’air. Horrifiée, la twi’lek recula jusqu’à l’ouverture du conduit, retrouva un peu d’air en descendant dans le tunnel. Dana n’avançait plus qu’à l’aveuglette, jetant désespérément la Force autour d’elle, pour ériger une faible armure contre les braises, mais surtout pour espérer sentir se tendre un fil ténu et pourpre dans l’obscurité. En fait, elle ne savait plus ce qu’elle faisait. Elle se lançait corps et âme dans cette fournaise suffocante, sans même la certitude de savoir si Lloyd Hope s’y trouvait. Elle espérait simplement que son intuition fût la bonne, que Chekat et Jacet Ashar étaient complices dans l’enlèvement du boucher. Sa gorge brûlait et des larmes douloureuses abrasaient ses rétines.

Ses mains tâtaient les murs chauds, pour suivre une route hasardeuse dans ces abattoirs funestes. Elle avait l’impression que son collier d’esclave lui embrasait le cou tant le cuir était ardent. Le sang et les immondices qui la couvraient fondaient sur sa peau et devenaient une huile pâteuse et sombre, dont l’odeur putride se mêlait à celle des chairs qui fumaient. Elle aurait voulu hurler le nom de Lloyd, l’appeler, mais elle était incapable de parler trop concentrée à respirer le peu d’oxygène qui la maintenait encore en vie. La terreur paralysait une partie de son esprit, l’autre n’était plus qu’obsédée par retrouver le hapien. Les braises commençaient à attaquer la peau de ses mains, rutilant sur son derme sale comme des centaines d’étincelles, quand elle entendit un cri.


Elle perdrait l’ouïe qu’elle reconnaîtrait encore cette voix entre mille. Elle trouva dans ce hurlement la lumière d’un phare se précipita son pas chancelant. Crie encore Lloyd, j’arrive. Ne te tais pas. Pensait-elle chaotiquement. La Force s’agitait en elle, en rythme avec les battements irréguliers de son cœur. Elle s’accrocha à ce fil qui vibrait de plus en plus, jusqu’à ce qu’elle déboule dans une pièce à moitié envahie de fumée et de braise. Elle devina, derrière ses larmes empoisonnées, la silhouette hapienne, les chaînes, le danger tout autour. Et une lame rouge perça le rideau de fumée. Elle n’était pas prête à abandonner. C’était ainsi qu’était Dana Shar : inconsciente ou courageuse, entêtée ou déterminée. Ses doigts glissaient contre la garde incurvée du sabre-laser qu’elle avait conservé tout ce temps. Elle trancha les chaînes, récupéra contre elle le corps de Hope qui s’effondrait.

La fumée gagnait du terrain, tandis que l’air recula. Elle cligna des yeux pour chasser le picotement désagréable de sa vue brouillée. Et elle reconnut une grille, celle qui couvrait un conduit de drainage comme celui par lequel elle était arrivée. Sa main libre parcourue le visage souffrant du Sith, pour l’encourager en silence et elle passa son bras autour de ses épaules, pour le traîner vers cette sortie miraculeuse qu’elle enfonça par trois coups de lame-laser. Elle y glissa un capitaine à la chair meurtrie, le plus précautionneusement possible et s’engouffra à sa suite, se laissant mollement tomber dans les eaux épaisses et croupies dont le courant lent ballotait le corps flottant de Lloyd. Elle avança péniblement, immergée jusqu’à la taille pour le saisir avec la fermeté du désespoir. Elle le ramena contre elle, appela son nom d’une voix brisée par la toxicité des fumées inhalées.

Enfin, après de longues minutes, elle le sentit tressaillir contre elle.

Au bout du tunnel, des pas approchaient. Shira apparut, essoufflée, sur la minuscule berge technique et elle aida Dana à hisser le boucher hors des eaux atrocement tièdes et puantes.





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Un droïde médical au matricule ancienne génération terminait de transmettre l’oxygène nécessaire au rétablissement complet du hapien. Durant ce temps, Shar avait tenu elle-même à s’occuper de ces contusions violacées à la gorge et sur la nuque. Elle avait appliqué du kolto synthétique à la lueur d’un fanal énergétique. Parfois, la douleur induite par le kolto de synthèse réveillait le capitaine en sursaut. Il ouvrait les yeux, croisait les prunelles dorées, souhaitait retirer le masque à oxygénation qui pesait sur sa figure aux multiples petites marques de brûlures superficielles. Mais la princesse lui prenait les mains pour le rassurer et il resombrait. Elle n’avait même pas pris le temps de se laver. Sitôt arrivée à la planque d’Hélios, elle n’avait pas quitté son co-équipier.

- Vous devez vous reposer aussi, Dame Shar, souffla Shira en lui tendant un verre d’eau.
- Quelles sont les nouvelles de l’extérieur ?
- On vous cherche partout, désormais. Hélios est parti voir Jephego, pour prendre la place du boucher demain soir.
- Tu n’es pas inquiète pour Hélios ? Combattre Akusha
- C’est ce que je comptais vous demander, je…vous ne pourriez pas l’aider ?

Et dans le regard de Shira, elle aperçut son propre reflet, rongée par l’inquiétude et l’angoisse de perdre le seul être au monde qui brisait une solitude insupportable. Elle dévia son attention sur Hope. Le droïde bipa. Il en avait terminé, l’hydratation et le taux d’oxygène étaient revenus à la normale. Face au silence de la princesse, l’esclave s’apprêta à partir mais elle la retint :

- D’accord. Je vais l’aider. Je réapparaîtrai à la soirée, je ferai semblant de me repentir, de vouloir prêter allégeance, devant autant de monde, Akusha sera obligé de conserver la face et songera à me punir plus tard. J’assisterai au combat et j’aiderai Hélios.

Dana se sentait redevable envers Shira pour l’avoir aidé à sauver le capitaine du Sans-Visage. Shira étira un sourire reconnaissant et avant de partir, elle demanda :

- Vous l’aimez ?
- Quoi ?
- Pourquoi le sauver alors ? Hélios, il aurait pu vous faire partir de cette planète. Avec ou sans lui. Pourquoi vous avez pas tué Jacet Ashar quand il vous a fait chanter ? Vous avez préféré vous soumettre, alors je me demandais…si vous l’aimiez. Mais je dis peut-être n’importe quoi, je sais même pas si les Siths sont capables de ça.

Et la twi’lek se dépêcha de disparaître. Quand Dana revint enfin à Lloyd, il avait déjà ouvert les yeux depuis un moment.




Lloyd Hope
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Le hapien repoussa le masque respirateur, et cette fois Dana ne l’empêcha pas. Il prit une inspiration, savourant l’air frais et la lumière dorée qui faisait briller les yeux de l’Inquisitrice, s’en repaissant comme il en avait été tant privé, quelques heures plus tôt. Ses traits étaient marqués par la fatigue, ses yeux rougis à cause des fumées, et il sentait le kolto synthétique œuvrer douloureusement tout autour de son cou pour guérir les traces de la torture qu’on lui avait infligé. Mais quelqu’un lui avait passé un linge humide sur le visage pour le débarrasser des suies, il sentait encore la sensation de fraîcheur dégoulinant dans ses mèches sales.
Et il y avait cette question qui flottait dans l’air, et Dana lui parut embarrassée. Et dans quel état elle était.

- Ne dis rien, dit-il.

Sa voix était encore rauque des fumées qu’il avait inhalées. Il déglutit péniblement, détourna un bref instant le regard des prunelles dorées avant de le regarder de nouveau, sérieux.

- Ne dis rien, répéta-t-il plus sévèrement, et il s’échina à se redresser.

Il grimaça. Son corps se remettait doucement. Son estomac protesta, une drôle de nausée naquit dans ses entrailles. Quelque chose qu’il avait déjà connu. Dans une cellule, sur Dromund Kaas… Le souvenir de la paume de Dana contre la sienne le percuta de plein fouet. Aujourd'hui, la Princesse était dans un état déplorable, proche du sien ; des vêtements en piteux était et la fatigue et la saleté couvrant ses traits. Comme cette apparence misérable lui faisait pincer les lèvres, et que le regard de l’Inquisitrice lui sembla triste, ou interdit, il ne savait pas exactement, il essaya de sourire.

- Décidément, t’aimes bien les égouts.

Son trait d’humour retomba à plat, dans un silence sordide, et il fit mine de s’intéresser à ce qu’il y avait autour d’eux.

La planque d’Hélios était une arrière-boutique d’un magasin qui semblait n’accueillir presque aucun client. La pièce était sombre, circulaire, des caisses entreposées au centre donnaient un semblant d’intimité en séparant les couchettes qui étaient installées là. Il y en avait plusieurs, et Lloyd supposa que si toutes étaient vides, c’était parce que toute la clique d’Hélios était au travail, quelque part, il ne savait où. Il avait perdu notion du temps, mais une faible lumière venant d’une lucarne semblait indiquer que la nuit prenait fin, ou au contraire qu’elle s’apprêtait à commencer. Ça n’avait pas vraiment d’importance.
Le hapien réussit à se mettre assis et il s’enfonça dans la couchette pour pouvoir s’adosser au mur.

- Ecoute… Si tu veux aider Hélios, je veux être là aussi, demain. C’est pas négociable. Je suis pas venu sur Ch’Hodos pour pas savoir ce qu’il advient de toi. Et Rhysode ne maintiendra pas l’invitation d’Akusha s’il pense qu’il n’a pas le gladiateur en question. Alors il faut me ramener à la maison Rhysode. Je lui dirai que je suis prêt à combattre, mais je laisserai ma place à Hélios s’il le veut toujours.

Il croisa de nouveau le regard de Dana, comprit qu’il ne pouvait pas s’en tenir là. Que ce n’était peut-être pas la question la plus pressante. Il s’humecta les lèvres et baissa les yeux.

- C’est… Merci pour tout ce que tu as fait, c'est... C’est bien, d’avoir une coéquipière.

Une coéquipière n’est pas tendre. Une coéquipière n’avait pas besoin de l’aimer.

- Y’a aucune bonne réponse à cette question absurde, dit-il subitement, comme s’il savait qu’elle repensait à ce qu’avait demandé la twi’lek. T’en as fait largement assez, Dana. Va te reposer.

Il y eut entre eux un silence, une distance qui se matérialisait comme elle s’était matérialisée lors de leur dernière rencontre, cette nuit où ils n’avaient rien fait, assis sur le bord du lit. Cette nuit où il avait compris qu’il fallait oublier la précédente.

L’Inquisitrice fit mine de se lever. Lloyd ne put s’empêcher de lui attraper la main pour l’empêcher de partir. Il se mordit la lèvre inférieure.

- Il est arrivé ce qui devait arriver, Dana : quelqu’un s’est servi de moi contre toi. J’ai cru que j’allais mourir. Mais c’était pire de penser que tu te soumettais à cause de moi, tu comprends ? Il… Il t’a fait quelque chose ?

Il déglutit une nouvelle fois, et il ne lâcha pas sa main. Il savait qu’elle n’allait pas aimer ce qu’il allait dire.

- Il faut qu’on arrête nos conneries, Dana. Regarde où ça nous mène.

Ça avait valu le coup, ça avait valu le coup, ça avait valu le coup.

Mais il ne fallait pas qu’elle en perdît ni la vie, ni la liberté.



Darth Hope
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Elle hésitait en le regardant. Après un long silence, elle déplaça l’une de ses mains brûlées et salies sur celle du blond. Elle se désolait de le toucher alors qu’elle n’était qu’un gruau de saletés et de choses inavouables. Sa propre odeur lui donnait le tournis, mais ce n’était qu’une enveloppe corporelle. Combien de fois avaient-ils mis leurs corps à rude épreuve ? Toutes ces cicatrices n’étaient pas finalement que les traces de toutes ces immondices dans lesquelles ils avaient baigné en faisant le sale boulot. Cependant, il n’y avait jamais eu de sale boulot à faire sur Ch’Hodos, ce n’était pas une mission commanditée par leurs maîtres respectifs. C’était un boulot défini par leur seul entêtement. Un acte profond de déraison et de stupidité. Les doigts de Dana se refermèrent contre les siens.

Puis ce n’était qu’une co-équipière, une foutue Inquisitrice qu’on lui avait refoutu dans les pattes lors d’une mission sur Artorias. Trop de choses avaient changé depuis, ou pas assez. Pas assez de choses s’étaient métamorphosés dans leur vie. Il y aurait toujours Mat’aenna, il y aurait toujours Ch’Hodos. Peu importait le nombre de fois qu’elle et lui se percutaient, s’unissaient, se mentaient et mentaient à la face du monde. Peu importaient les sourires qui avaient secoué leurs lèvres habituellement sévères et mornes. Peu importaient les mots échangés comme des soupirs confidentiels. Certaines choses, dans leur monde, ne changeraient jamais. Mais il n’était pas question que de ces transformations ou ces constantes. Il était question de conneries.

- Il m’a rien fait, répondit-elle simplement en brisant le lourd silence.

Finalement, elle se rassit au bord de la couchette, le bousculant un peu pour se frayer une petite place. On aurait dit que sa chevelure était redevenue noire tant les eaux croupies des égouts avaient dégorgé dedans. Et maintenant ils s échaient et la boue craquait le long de ses mèches ondulées.

- Je pense ça aussi. Que faut arrêter les conneries. Même si….ce sont pas des conneries et que la question est pas absurde. C’est juste nous qui disons qu’elles sont comme ça, connes et absurdes. Mais est-ce que ça changera quelque chose Lloyd ? Même si on arrêtait les conneries ça m’empêcherait pas de revenir pour sauver mon coéquipier. Ca empêcherait pas les autres de m’atteindre à travers lui quand même.

Avec précaution, elle défit les perfusions qui liaient le hapien au droïde désormais silencieux. Il n’y avait plus que cette vonserve de métal dans la pièce que leur intimité avait envahi. Même les rumeurs de l’extérieur ne les atteignaient pas dans ce huis-clos. La devanture de la boutique était pourtant rutilante et banale. Elle posa une compresse antiseptique là où les aiguilles s’étaient plantées. En occupant ses mains, elle prenait le temps de réfléchir, de rassembler et d’imbriquer ses pensées désordonnées.

- Tu devrais retrouver Mat’aenna. Quand on sortira de là, je t’y aiderai. On arrête les conneries. Je crois que t’arriveras à la protéger maintenant, seul. Ce serait une vie sans cauchemar, sans slick. Sans conneries, ni absurdités. T’es pas que l’apprenti de Laduim après tout, t’es aussi capitaine.

Elle finit par essuyer ses paumes contre le tissu sale qui couvrait ses cuisses, dans un frottement nerveux.

- Faudra peut-être actualiser sa photo, en revanche, dit-elle en haussant les épaules. Les rides, ça peut changer un visage.

Dana espérait que la mention de Mat’aenna serait suffisante pour ériger un mur au milieu de cette distance.

- Inutile de me dire que c’est pas comme j’imagine, parce que j’imagine rien du tout. Sur Khar Delba, c’est pour ça que t’es pas descendu. C'est pour elle que t’as pas abandonné la mission et laisse-moi te dire une chose, c’est très bien. On a pas besoin de savoir quelles motivations nous poussent à être loyaux ou pas à l’Empire. Moi j’ai pas toujours été loyale comme ça. Y’a des choses qui nous forcent à suivre un chemin, à pas s’en écarter, même si y’a des sacrifices ou des dommages collatéraux.

A son poignet, le bracelet aux trois serpents semblait avoir été épargné par la gadoue avilissante des égouts. Son fer luisait à la faible lueur de la pièce. Elle était fatiguée, ce n’était pas une fatigue due à ces épreuves qu’elle venait de traverser, c’était comme un engourdissement progressif de ses muscles qui se superposait à une faim ridicule. Alors, elle retira la compresse, s’assura qu’il ne saignait plus en dessous.

- Comment tu te sens, mis à part le kolto synthétique ? demanda-t-elle finalement, comme si c’était par le biais de questions aussi banales qu’ils pourraient arrêter les conneries. Arrêter, elle ne savait même pas comment faire. Elle n’avait jamais arrêté, depuis toutes ces années. Il y avait parfois eu des pauses, des temps morts à peine comparable à quelques gouttes de pluie dans un océan immense.




Lloyd Hope
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Le hapien grimaça un sourire encourageant, même s’il sentait sa poitrine s’écraser désagréablement.

Tu devrais retrouver Mat’aenna.

Paraissait-il si pathétique que cela ? Avait-il l’air d’un type paumé qui avait demandé de la tendresse à sa coéquipière qui n’était pas censée lui en fournir ? Est-ce qu’elle avait joué la comédie parce qu’il avait eu l’air désespéré et lui disait-elle maintenant de trouver ailleurs, là où il aurait dû être, le réconfort qu’elle avait eu la bonté de lui fournir ?

Il déglutit puis acquiesça en silence, perdit peu à peu le sourire qu’il avait essayé de lui servir.

Autrefois, il avait cru que Mat’aenna la rendait jalouse. Il avait évité la question, même quand elle en avait parlé, tout en y trouvant une sorte de réconfort, une sorte de preuve. Mais désormais, Dana en parlait calmement, comme si c’était une évidence. Elle n’était pas jalouse. Peut-être ne l’avait-elle jamais été. Peut-être que c’était le genre de sentiment sale qu’il était le seul à entretenir.
Il écrasa du mieux qu’il put la boule contradictoire qui se formait au fond de ses tripes avec une inspiration brève.

- Ça va, ça va, assura-t-il. Je me sens bien.

Alors ils avaient échangé un regard entendu, neutre, comme un accord tacite, puis Dana s’était levée pour partir.

Le hapien était resté figé dans la même position un long moment, les yeux dans le vide.








- Jacet Ashar, tu en es sûr ?! s’était exclamé Rhysode, hors de lui.

Le hapien était assis sur une simple chaise de bois, devant le bureau du Sith. Rhysode marchait de long en large dans le luxueux cabinet où il avait l’habitude de s’occuper de ses affaires. Au-delà du bureau, une fenêtre ouverte donnait sur un balcon qui surplombait la cour, où s’entraînaient déjà les gladiateurs. La matinée était peu avancée, mais la chaleur déjà faisait luire leur corps de sueur tandis qu’ils faisaient leurs exercices.
Jephego était là aussi. Il se tenait les bras croisés derrière le hapien. C’était lui qui l’avait amené là.

Quelques minutes plus tôt, Jephego l’avait accueilli avec des exclamations. A peine avait-il posé les yeux sur Lloyd en ouvrant le portail de métal qu’il s’était emparé du bras du hapien pour le tirer à l’intérieur. Ce dernier n’avait pas eu besoin de jouer la comédie pour appuyer ses explications : son cou arborait encore une couleur violacée, même s’il en avait nettoyé le kolto, et ses cernes, les marques de brûlure, les écorchures de ses poignets indiquaient qu’il avait été captif et maltraité. Il n’avait plus son collier d’esclave, mais c’était visiblement le cadet des soucis de Rhysode comme de Jephego.

- Donc les Ashar t’ont capturé, t’ont mis au fond d’un abattoir et tu as réussi à t’enfuir pendant qu’ils enfumaient. Pourquoi n’es-tu pas rentré immédiatement ?!
- Je vous l’ai dit, j’étais épuisé, je me suis évanoui. Je ne sais même plus où. Une femme m’a donné à boire et m’a fait quelques soins dans la nuit. Je ne sais même pas qui c’était. L’esclave d’un marchand. Quand j’ai pu remarcher, je suis rentré ici.
- Et pourquoi ne t’es-tu pas enfui, alors ?

Rhysode s’était arrêté devant Lloyd et s’était penché par-dessus le bureau, les sourcils froncés.

- Pour aller où ? rétorqua le hapien.
- Oh, ne me prends pas pour un imbécile ! Entre les résistants et la pègre, les petits boulots pour vivre libre, c’est pas ça qui manque.

Il y eut un silence glacial.

- Cependant je suis revenu, fit posément Lloyd.

Peut-être fut-il un peu trop assertif pour un guerrier-esclave, car Rhysode parut tiquer.

- Jephego m’a soufflé qu’il pense que tu n’es pas qui tu prétends être, le boucher.

Lloyd ne put empêcher une œillade vers l’homme masqué qui l’avait entraîné, qui lui avait permis aussi de rencontrer Hélios. A quoi jouait Jephego ? Ce dernier resta stoïque, et il était impossible de lire ses traits avec ce morceau de métal, de toute manière. Le hapien soupira. Il faudrait bluffer.

- Ok, concéda-t-il. Je m’appelle Vance. J’étais esclave, avant, pas gladiateur. Je me suis fait vendre au marché car… J’ai fait quelque chose de criminel.

Rhysode se redressa doucement, puis croisa les bras. La révélation parut lui convenir.

- Et donc, tu penses que ma maison t’offre une forme de protection. Qu’autrement on pourrait te retrouver et s’en prendre à toi, c’est bien ça ?
- C’est ça.

Il y eut un nouveau silence.

- Es-tu en état de combattre ?
- Oui, assura Lloyd. Pas pour faire le plus beau des combats, mais… Je peux lutter.
- Bon, très bien. De toute façon, le combat de ce soir ne durera guère. Tu le laisses gagner. Dès que possible, tu fais le signe de reddition.







La journée s’était écoulée beaucoup plus vite que le hapien l’aurait souhaité. A peine était-il sorti du bureau de Rhysode qu’il avait eu droit à une ration avant que Jephego ne l’envoie s’entraîner avec les autres, pour vérifier qu’il tenait suffisamment debout pour le combat du soir. En fin d’après-midi, il fut décidé qu’il pourrait arrêter l’entraînement avant les autres, afin qu’il pût prendre du repos dans sa petite chambre spartiate, pendant que les autres terminaient les techniques et que les esclaves de la maison préparaient la demeure. Des odeurs de cuisine flottaient dans les couloirs, des guirlandes lumineuses étaient en train d’être posées, et des fontaines jaillissaient déjà une eau abondante et claire.

Lloyd s’était assis sur sa couchette, incapable de dormir. L’aurait-il fait qu’il aurait de toute façon était éveillé par une entrée dans sa cellule. Il ne put s’empêcher de bondir, les sourcils froncés, quand l’épouse de Rhysode fit son entrée dans l’espace étroit qui était, habituellement, son intimité. Elle était entrée sans frapper, comme si elle était entrée dans l’un de ses salons, mais elle ne s’offusqua pas de la réaction du hapien. Elle avait revêtu une robe d’un vert éclatant, constituée de longs pans qui couvraient certaines parties pudiques de son corps avant de choir au sol en l’effleurant à chacun de ses pas. Des bijoux paraient ses mains, sa chevelure, et même ses chevilles et sa gorge, dans un étalage furieux de richesse.
Elle toisa le hapien de pied en cap.

- Bon, le boucher, je suis venue vérifier une chose ou deux, dit-elle sur le ton de la femme d’affaires. Ce soir va être l’une des plus belles soirées de l’année pour la maison Rhysode. La dernière fois, après ton combat dans l’arène, nous espérions la présence du Seigneur Akusha mais comme tu le sais, il n’est pas venu. Il faut donc que cette fête soit plus magnifique encore, puisque cette fois-ci, il nous honorera de sa présence. Une telle soirée représente une fortune en dépenses. Nous prenons même des esclaves temporaires, que nous louons pour l’occasion.

L’épouse Rhysode soutenait le regard de Lloyd, qui était resté silencieux tout ce temps. Elle parut le considérer un moment.

- Bref, qui dit dépenses dit recettes. Tu as la côte en ce moment. Nous allons certainement pouvoir te louer à quelques unes de ces dames. Je veux vérifier que les Ashar ne t’ont pas estropié de ce côté-là. Déshabille-toi et montre-moi.

Le hapien écarquilla les yeux, hébétés.

- Quoi ?! Non, répliqua-t-il presque aussitôt.

La femme parut surprise qu’un esclave, tout guerrier fut-il, lui refusât un ordre.

- Quoi, ça ne fonctionne pas ?
- C’est pas ça, grogna le hapien. C’est… La princesse Shar, elle m’a dit que personne d’autre ne pouvait me consommer, voilà.
- Oh, ne t’en fais pas pour ça. C’est vrai, avec tes aventures, tu n’es pas au courant mais la princesse Shar s’est enfuie. Pendant un moment, les gens se sont même demandé si ça n’avait pas un lien avec ton enlèvement.

Un rire cristallin secoua la poitrine de la femme. Qu'il était con, se morigéna intérieurement Lloyd.

- Bref, cette petite puritaine ne sera pas là pour nous empêcher d’avoir l’orgie que cette maison mérite. Je pense te vendre 2800 crédits la demi-heure. Tu te rends compte ? Tu prendras garde à ne pas te décharger. Mon époux veut que tu aies l’air quand même un minimum vindicatif face à Akusha. Si tout se passe bien, tu pourras même recevoir une partie de cette somme. Nous conserverons l’argent, bien sûr, pour te le donner le jour où tu gagneras ta liberté. Sauf si tu souhaites faire des achats entre temps, bien sûr, auquel cas nous pourrons les faire pour toi. C’est un vrai traitement de luxe que nous te réservons dans cette maison, tu en as conscience ? Tu es le guerrier privilégié de la maison Rhysode.

Elle avait dit tout cela avec un sourire enjôleur, qui aurait fait rêver n’importe quel gladiateur réduit à ne connaître que le sable et les coups chaque jour, pour des mois et des mois. Du plaisir, de l’argent, des privilèges, la perspective de la liberté. Le hapien était resté stoïque.

- Bon, fit-elle comme il ne réagissait pas plus que ça, et elle s’avança vers lui. Tu me montres ou il faut que je m’en charge ?

Lloyd avait reculé d’un pas et son dos avait percuté le mur derrière lui. Il toisa l’épouse Rhysode et par-dessus son épaule, il vit Jephego dans l’encadrement de la porte, qui les surveillait sans se cacher. Alors avec un soupir de résignation, il dégrafa son pantalon, fit descendre le vêtement pour que la femme put constater par elle-même qu’il y avait bien tout ce qu’il fallait.
Darth Hope
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Shira jeta un large manteau sombre à capuchon sur le corps de sa maîtresse qui avait passé le reste de la journée à se préparer.

Dana avait tourné ses pensées vers le combat de ce soir afin de ne pas songer à Lloyd Hope. Elle se maintenait occupée. D’abord par un bain sommaire dans les caves de la boutique de façade. Sa poigne avait récuré le moindre centimètre carré de peau et la twi’lek l’avait aidé à gommer son épiderme avant de l’adoucir à l’aide d’huiles essentielles et de lait bleu. Puis, elle l’avait coiffée, maquillée et pendant tout ce temps, ces heures passées à revenir la princesse de Ch’Hodos, l’Inquisitrice s’était entraînée à saisir la Force pour faire léviter divers objets sous le regard parfois dubitatif de Shira. Elle méditait ainsi, renforçait son lien avec ce pouvoir obscur, prête à s’en servir quand le moment viendrait.

Il n’était plus question de passer par les égouts car il fallait préserver cette apparence princière. Hélios avait fait venir l’un des airspeeders de la garde impériale de Ch’Hodos qu’il avait subtilisé au cours de sa rébellion. Ses hommes, attifés d’uniformes renégats avaient fait grimper la rouquine à bord et flanqués des bons transpondeurs, ils ne furent pas arrêtés.






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La villa des Rhysode était à l’honneur en ce début de soirée. Une file de convives comptant parmi les plus importants de la haute-société ch’hodienne se pressaient aux portes de la demeure. Des droïdes de sécurité spécialement achetés pour l’occasion scannaient les datapads des invités, vérifiant les invitations, les identités. Au-dessus d’eux, le ciel étoilé de Ch’Hodos s’assombrissait de speeders en tout genre. Dans l’atrium déjà bondée, deux esclaves attentionnées débarrassèrent les épaules du Seigneur Akusha de sa cape carmine. Sous sa peau tannée par l’âge, ses muscles seyaient, oints d’une huile amère et mettaient en valeur une plastique aussi décharnée que dure. Déjà, on l’admirait, lui le Seigneur de ce monde, que l’on craignait pour sa force, pour sa puissance. Il fut accueilli par un Rhysode tout sourire et courbé en quatre pour le satisfaire. On installa le vieillard sur un siège aux accoudoirs en or sculptés de têtes monstrueuses et il voyait défiler les hypocrites et les lécheurs de pompes avec un certain ennui. Il lui tardait de se battre, mais avant tout, il était impatient de remettre la main sur cette sale petite princesse ingrate pour lui faire passer l’envie de fuir. Il lui briserait les bras, les jambes, qu’elle ne puisse plus quitter son lit. Elle n’avait besoin que de sa matrice pour enfanter, et que de sa bouche pour prêter allégeance de toute manière, il ne se formaliserait pas du reste. Le temps de la clémence était définitivement révolu.

Une agitation étrange s’éleva depuis l’entrée. Rhysode s’excusa pour vérifier l’origine de ces clameurs. Aux portes de sa grande demeure, les droïdes de sécurité bipaient de manière chaotique et des miliciens avaient sorti leur blaster sous le regard de convives choqués. Car la princesse Dana Shar se tenait au centre de l’attention, drapée d’un large manteau noir, capuchon rabaissé sur ses épaules. Sa jolie figure au maquillage soigné intercepta les yeux surpris du maître de maison.


- Tu avais décidé de prendre l’air, grogna Akusha en sirotant du vin sucré. Ses lèvres flétries par la vieillesse rougissaient à vue d’œil alors qu’il consommait ce breuvage en grande quantité. Derrière son grognement, une colère assourdissante menaçait d’exploser. Mais tous les yeux étaient tournés vers eux. Attaquer Dana Shar devant autant de témoin aurait fragilisé son image bien que cela aurait permis d’asseoir la terreur qu’il inspirait dans les cœurs.  Et parce qu’il fallait bien jouer la comédie et apaiser le monstre, Dana s’agenouilla devant son époux.
- Bien, reprit-il en faisant signe vers les miliciens afin que chaque entrée du domaine soit bloquée. Tout est rentré en ordre, visiblement. Nous parlerons de ça plus tard, Lara.

Dana se redressa, l’expression impassible. L’orchestre principalement composé d’aliens aux talents artistiques indiscutables reprit son morceau. Les invités plongèrent à nouveau leurs coupes dans les fontaines de vins et d’eau, leurs mains dans les plats débordant de nourriture, leurs doigts dans des chairs inavouables, sous les tissus froissés de tuniques et de pagnes. La fête reprenait. La princesse défit l’attache de son manteau et libéra son corps que certains purent admirer à la lueur des feux à plasma qui scintillaient sur chaque pilier de l’atrium. La robe qui couvrait ses courbes féminines reflétait l’or de ses prunelles lumineuses et sa longue traîne glissait sur le dallage de marbre blanc. Sa poitrine était à peine couverte, mais ses bras, son ventre, ses poignets supportaient des bijoux aux pierreries carmines qui avaient appartenu à la lignée Shar et qui étaient désormais la propriété d’Akusha. Shira les avait subtilisés à l’aide d’autres esclaves du palais afin d’en sublimer la princesse pour cette soirée exceptionnelle. Et elle avait enduit le derme de Dana d’une poudre cuivrée qui mettait en valeur le moindre dénivelé de son anatomie.

Alors que Dana faisait mine de s’éloigner vers une table dressée, une poigne saisit son bras et la tira à l’ombre d’une colonne où elle fut sèchement plaquée. Un Jacet Ashar hargneux lui faisait face, pressant sur ses épaules pour la clouer contre la pilastre.

- Notre accord tient toujours.
- T’es pas au courant, le boucher est revenu d’entre les morts. Il va affronter Akusha ce soir. Au passage.

Elle serra le poing, pressa la Force contre sa volonté absolue et il la relâcha pour porter ses paumes blêmes à sa gorge.

- Tu m’as menti, t’avais jamais eu l’intention de le garder en vie. A genou, ou je t’étrangle pour de bon.

Il résista et elle insista, soumettant la Force à ses sombres desseins, s’offrant d’esprit à ce que le Côté Obscur avait de plus vil pour qu’il sente l’oxygène se raréfier dans sa trachée, comme Lloyd l’avait senti quand Chekat s’était amusé à le torturer. Alors, il se prosterna comme elle le lui demandait. La princesse défit progressivement son emprise et plaqua un talon conquérant sur le torse de Jacet, le toisant tandis qu’elle le dominait enfin.

- Si tu parles, je te brise la nuque.

Ashar la trouvait effrayante et ce qu’il déchiffrait dans le regard mordoré et sombre de Dana le fit pâlir.  





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Jephego soutenait le regard azuré du boucher de ce soir. Il avait aidé Hélios à se grimer en gladiateur ensanglanté, avait versé du sang de bantha dans ses cheveux blonds pour les plaquer en arrière. Sous ce masque d’hémoglobine, un boucher n’était pas bien différent d’un autre. Les muscles du résistant loyaliste pulsaient d’impatience derrière cette couverture sanglante, mais l’homme masqué ne partageait pas son enthousiasme.

- Après ça, on se devra plus rien.
- Bien sûr Jeph’. Tu seras acquitté de ta dette. L’autre boucher risque pas de réapparaître ?
- Aucun risque, l’épouse de Rhysode l’occupe en ce moment. Mais fais gaffe au timing. Je le retiendrai quand il aura fin sa corvée.
- Sa corvée hein ? sourit Hélios, presque nostalgique.
- Elle le loue 2800 crédits la demi-heure, dit stoïquement Jephego.
- Bordel, j’étais loué deux fois moins à l’époque. Il me surpasse en popularité, ricana le blond.
- Tu étais plus discipliné que lui. Tu étais un vrai champion de l’Arène. Un frère. T’as honoré cette maison, t’as failli gagner ta liberté.
- Oui, souffla Hélios en roulant des épaules pour s’échauffer. Et je me suis libéré autrement.

Jephego hocha du chef et recula pour refermer la chambre spartiate du boucher. Et à l’ombre de la nuit qui s’annonçait, Hélios regretta de n’avoir eu un baiser de Shira pour le protéger lors de cette lutte décisive. Mais il ignorait que la twi’lek lui avait envoyé une autre protection. Il pria simplement pour que l’aube se levât, plus rouge qu’à l’accoutumée ; rouge du sang d’Akusha qu’il aurait répandu.





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- Oh princesse Dana, s’étonna faussement l’épouse de Rhysode comme si elle n’avait jamais fugué et qu’elles étaient des amies de longue date qui se retrouvaient. Les lippes de la dame pétillaient d’un sourire malicieux.  Elle attrapa le poignet de l’Inquisitrice avec manière, tactile comme le serait une très bonne amie.
- Dame Sépha, j’allais rejoindre mon époux, pour assister à…
- Pas de ça entre nous, princesse, susurra-t-elle avec un regard menaçant. Je vous ai vu menacer Jacet Ashar bien que…le sort de cette petite raclure nous importe peu. Je pense que j’ai ce qu’il faut pour vous détendre un peu. Oh et pour vous ce sera gratuit évidemment.
- Que…quoi ? s’étonna Shar avant d’être traînée par son hôtesse à l’extérieur de l’atrium.





Elles traversèrent une petite cour à la végétation bien entretenue pour gagner une autre partie du domaine. C’était une grande pièce, semblable à l’atrium qu’elles venaient de quitter mais à l’ambiance plus intime. Des braseros diffusaient leur lueur orangée accentuant l’aspect cuivré sur la peau de Dana. Sa traîne flottait au sol alors que Sépha pressait le pas, impatiente jusqu’au centre de la pièce. Des pilastres colorés, des statues aux poses sensuelles, des esclaves masqués tapis dans l’ombre prêt à exécuter la moindre volonté exprimée. Il régnait dans cet endroit une atmosphère d’intimité, de secret et de stupre. Mais dans l’ovale que formait le cœur de la salle, sur une grande couche aux draps satinées et d’une teinte écarlate, des corps luisaient.


Lloyd Hope
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Lloyd sentit la femme qui le surplombait lui échapper subitement des mains tandis qu’elle s’arrachait brusquement à lui pour quitter la couche. Il rouvrit les yeux, vit l’amie de la femme qui réceptionnait la première et leurs deux visages étaient couverts d’une expression d’horreur. Il se tourna en suivant leur regard pour voir…

- Dana !

C’était trop tard. Dana avait écrasé plusieurs fois la face de l’épouse de Rhysode contre un pilastre et du sang laissait déjà une traînée sur le marbre. Mera et Polla laissèrent échapper des cris tandis que le hapien se relevait. Il était nu et dès qu’il quitta la couche il faillit glisser, sentant l’alcool qu’il avait ingurgité lui tourner la tête.

Un peu plus tôt, il n’avait rien trouvé de mieux. Il avait pensé à Dana, à Dana qui avait dit qu’il n’avait qu’à aller voir Mat’aenna, ou du moins se le racontait-il ainsi pour pouvoir réussir à s’arracher aux souvenirs lancinants de cette nuit où sa chevelure, rouge comme un soleil, avait caressé des draps blancs tandis qu’il l’avait prise longuement, trop longtemps pour pouvoir oublier. L’amertume du renoncement et autre chose qu’il ne nommait pas l’avaient décidé à boire, avec l’assentiment de Dame Sepha qui avait accédé à sa requête, tant qu’il restait raisonnable.
Et bien sûr, il ne l’avait pas été. Il avait bu aussi vite que possible. Pas pour le plaisir de l’alcool, mais l’espoir de l’oubli. Rapide. Un verre, deux verres, trois verres, quatre verres, et ensuite il avait oublié de compter.
Maintenant, il regrettait. L’alcool lui obscurcissait la vue, le rendait chancelant et nauséeux alors que l’adrénaline lui enjoignait de faire quelque chose, et vite. Il traversa la pièce, nu et titubant, sous le regard rempli d’effroi des deux femmes qui s’étaient servies de lui, pour une demi-heure partagée car le tarif était autrement trop élevé.

- Dana, répéta-t-il.

Comme elle semblait l’ignorer, à écraser encore ce malheureux visage que la conscience avait quitté, il l’entoura de ses deux bras en une prise ferme, la forçant à lâcher prise et à reculer.

- Arrête ! Dana lâche-la !

Le hapien la serra contre elle, plus fort et enfin l’Inquisitrice lâcha sa prise. Le corps de Dame Sépha s’écroula pauvrement au sol mais ni l’un ni l’autre ne s’en préoccupèrent. Ils étaient entrés dans une lutte silencieuse, où Dana essayait de se libérer mais Lloyd refusait de la lâcher. Il était dans son dos et la chevelure rougeoyante de Dana envahissait presque son visage mais il serrait les dents, s’efforçait de la tenir encore, même s’il était nu et qu’elle pouvait probablement sentir l’odeur de l’alcool et de leurs corps. Il fallait qu’il la tînt le temps qu’elle se calmât.

- Arrête, arrête, répétait-il tandis qu’elle semblait vouloir encore se débattre, et lui échapper. Arrête, calme-toi ! Calme-toi et je te lâche, ok ?

A quelques pas de là, Mera et Polla ramassèrent leurs robes qu’elles enfilèrent à la hâte. Elles se donnèrent la main pour essayer de s’éclipser discrètement quand la voix du hapien les interpela.

- Hé ! cria-t-il. Personne ne sort d’ici. C’est bien compris ?

Il recula, emmenant Dana avec lui pour que tous deux fussent sur l’unique voie qui conduisait à la sortie de la pièce, afin d’avoir à l’œil toute personne souhaitant s’enfuir. Il avisa deux esclaves tapies entre les ombres, des jeunes femmes de l’âge de Léti environ, aux mêmes boucles blondes. Elles se rétractèrent derrière des statues en croisant le regard dur de Lloyd.

- Ramassez-moi la maîtresse, regardez ce que vous pouvez faire pour elle, ordonna-t-il.

Les deux esclaves jaillirent d’entre les statues et allèrent ramasser Dame Sépha. Elles peinèrent pour soulever, mais parvinrent à l’allonger sur la couche. Mera et Polla étaient toujours figées, regardant ce qui était advenu de l’épouse Rhysode : son visage tuméfié, recouvert de sang, était méconnaissable. L’une des esclaves essaya bravement de porter ses mains sur le corps de Sepha, dans son cou, pour en prendre le pouls. Il y eut une seconde en suspension, puis l’esclave tourna son regard vers Lloyd et Dana. Elle fit doucement un signe négatif de la tête.
Rien ne pouvait être fait.

Sepha était morte. Tout leur plan était désormais en péril. Pour leurs conneries.

A quelques dizaines de mètres de là, dans le domaine, la fête battait son plein, insouciante. On entendait la musique parvenir jusqu’à leur salon intime, mais personne encore n’avait eu l’idée devenir leur rendre visite, et ils restèrent un long moment silencieux, à se regarder, à ne savoir que faire.

Et tout ce temps, Lloyd avait gardé Dana serrée contre lui, ses bras comme figés dans la pierre de ses muscles, espérant qu’elle se calmerait. Dans le cas contraire, elle pourrait aussi bien utiliser la Force contre lui. Il ne savait ce qu’il ferait alors.

Qu’elle se calmât.
Ce n’était pas la seule raison.

Il la gardait contre lui pour rester dans son dos. Parce qu’il ne voulait pas que leurs visages se fissent face, il ne voulait pas qu’elle lût ce qu’il y avait dans ses yeux.
Darth Hope
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A travers le voile de folie qui était tombé devant ses yeux et ses oreilles : elle vit et elle entendit. Elle vit la carcasse encore chaude d’une Sépha Rhysode à la figure enfoncée dans un bouillie de sang et d’os. Elle entendit la voix de Lloyd, son souffle trop proche. Elle sentit ses bras la ceinturer avec force, son torse plaqué fermement dans son dos. Qu’avait-elle fait ? Le voile se leva trop brutalement et la réalité explosa à son esprit comme un festival de couleurs, de sons, de sensations, d’odeurs. L’encens qui brûlait encore dans la salle intime remua ses tripes. Elle souhaita vomir et fit de son mieux pour ravaler sa nausée. Elle ne se débattait plus, sidérée de reprendre pied si soudainement, mais Hope ne la lâchait pas.

Elle avait tué cette garce.

Parce que le silence devenait insupportable comme toute cette immobilité, elle se retourna vivement pour lui faire face – profitant qu’il eût légèrement desserrer son étreinte. Elle supporta l’étendue émeraude qu’était son regard, lut ce qu’il y avait à y lire. Alors, parce que les bras hapiens étaient toujours autour d’elle, elle lui attrapa les poignets et serra fort, les lui tordant presque. Dana Shar était blême malgré son maquillage irisé.

- Tu n’as plus tes menottes anti-Force, murmura-t-elle avec la froideur d’un serpent. Tue-les. Débrouille-toi, répéta-t-elle, mais tue-les tous et fais disparaître les corps. Ces deux pétasses et les esclaves. Utilise la Force.

Et alors qu’elle exigeait, ordonnait, suppliait, elle le faisait reculer jusqu’à ce qu’il heurte la colonne encore marqué du sang de Sépha. La voie était devenue libre, mais personne n’osa bouger. Les quatre âmes avaient le corps paralysé par la terreur que ressentait toutes les proies piégées dans le faisceau de chasse de leur prédateur. Mera et Polla se pressaient l’une contre l’autre, s’échangeant des œillades paniquées, incapables de prendre le risque de courir, de s’enfuir….effrayées à l’idée que l’un des deux Siths ne les fauchent en plein vol. Les esclaves, quant à eux, étaient résignés près du corps de leur maîtresse qui refroissait lugubrement.

Ses doigts compressaient les poignets du hapien trop fort, les tordaient dans un angle sans doute douloureux. Mais malgré la souffrance qu’elle lui infligeait, elle écrasa ses lèvres contre les siennes, goûta à la chaleur de sa langue, s’enivra à peine des effluves d’alcool qui persistaient dans la bouche du Sith. Et plus elle l’embrassait, plus elle martyrisait ses poignets. Elle lui faisait payer et à la fois, elle le réconfortait. Elle s’arracha à ce baiser qu’une fois que son rouge à lèvres, complètement défait, ne colore son menton et sa mâchoire. Une dernière fois, l’or et l’émeraude fusionnèrent. Une dernière fois, ils purent expérimenter la chute dans le regard l’un de l’autre. Une longue chute qu’interrompit la voix de Dana.

- Tue-les, dit-elle encore. Comme un Sith le ferait. Et attends-moi à l’extérieur. Ou fuis, comme tu voudras.

Elle défit sa poigne. Ses doigts avaient laissé une empreinte blanche et violacée sur la peau du capitaine. Un ultime regard pour la scène de chaos qu’elle avait provoqué. Face aux figures interloquées des deux nymphettes, elle se para de son sourire le plus faux ; un sourire enlaidi par ce rouge à lèvres estompées, qui lui donna des airs de prédatrice au sang froid.

- Le boucher va gérer la situation. Je vais prévenir les autres de ce malheureux accident. Un terrible accident. Sépha avait bu tant de vin. Et elle a….glissé contre….

A pas de loups, elle se déplaça vers une petite colonne qui soutenait un vase en bronze massif. Elle s’en saisit des deux mains et se dirigea vers le lit.

Vers ce grand lit défait.

Sépha y gisait. Runà y gisait aussi.

Elle leva les bras et fracassa une fois le vase contre le visage déjà brisé de la morte. Le bruit fit gémir les deux jeunes filles.

- Le mobilier, termina-t-elle en rejetant l’objet désormais couvert de sang. Et invoquant la Force, elle renversa le socle de marbre qui soutenait le vase. Parce qu’elle était une garce maladroite. Compris ?

Mera et Polla hochèrent la tête sous la contrainte de la peur. Dana les terrifiait. Elle avait l’apparence d’une princesse, drapée de beauté, de richesse, d’apparat sulfureux, mais elles ne voyaient désormais que ce moule dans lequel elle coulait ; ce moule fait d’Obscurité.


Enfin, elle quitta dans un tourbillon de soie dorée. Et en passant à hauteur de Lloyd Hope, le croisant tandis qu’il refaisait face à l’horreur. Ses yeux rutilants ne disaient rien d’autre que : « Tue-les ». Tue-les toutes, avant que je ne le fasse. Elle en profita pour passer un pouce à la commissure de ses propres lippes, pour effacer le fard défait et pour glisser sa langue hors de sa bouche et s’humecter les lèvres avec sensualité.


La demi-heure n’était pas encore terminée.

Il restait en tout et pour tout, quinze minutes avant que Jephego n’arrive chercher le vrai boucher dans l’espoir de l’enfermer dans une cellule, le temps qu’Hélios fasse son œuvre.


Je suis un monstre, avait dit Lloyd.

Et elle, elle n’avait pas osé lui avouer qu’elle était dix fois pire. Qu’elle avait de la peine aussi.




Beaucoup de peine.




Personne n’était innocent, mais certains étaient plus coupables que d’autres. Et s’il y avait un enfer pour ces gens-là, Dana Shar savait qu’elle se précipitait vers, chaque jour un peu plus.



Voilà, c'était fini les conneries. Comment pourrait-il encore lui demander de la tendresse, après tout ça.


En traversant la petite cour de verdure qui séparait la mort de la fête, elle passa une paume sur ses yeux qui déversaient des larmes silencieuses, des larmes de chagrin, des larmes absurdes.







Lloyd Hope
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Le hapien suivit Dana du regard. Elle était passée devant lui, sa traîne dorée frémissant contre le marbre, après avoir agi de sang-froid. Il sentait encore la douleur dans ses poignets qu’elle avait tordus avec une force insoupçonnée. Il entendait encore cet ordre, cet ordre lancinant et inévitable. Tue-les. Tue-les tous.

Puis il fut seul et son regard émeraude se reporta vers les esclaves et les deux autres femmes. Toutes étaient réunies autour du corps sans vie, encore dégoulinant de sang, de Sepha Rhysode. Des morceaux de vase gisaient autour d’elle et certains avaient chuté du lit. Le hapien déglutit et s’approcha doucement, sous les yeux effarés des quatre femmes, qui n’osaient faire un geste.

- Le… Le boucher ? fit Polla d’une voix tremblante. Qu’est-ce que… Qu’est-ce que vous allez faire ?

Lloyd ne répondit pas tout de suite. D’un pas lent, il les rejoignit, sans paraître se rendre compte qu’il était toujours nu. Ses yeux se posèrent sur le corps au visage macabre. Les cheveux blonds tâchés de sang créaient une image d’horreur, dont les esclaves ne parvenaient, elles non plus, à se détacher. Le hapien passa ses mains sur son visage, pour effacer cette vision d’horreur, effacer aussi le lit dans lequel il avait pris place, quelques minutes plus tôt, pour qu’on se servît de lui. C’était à cause de ça. Il ne lui suffisait pas d’être un boucher, se dit-il, il fallait aussi qu’il emmenât Dana avec lui dans cette folie ?
Elle lui était venue en aide, avant de lui donner des ordres. Elle était redevenue sa coéquipière. Et une coéquipière n’est pas tendre. Je crois que t’arriveras à la protéger maintenant, seul.









Seul.









Seul.









Si elle savait ce que ça voulait dire, seul.










- Il… Est-ce qu’on devrait pas…

La voix de Mera couina et cela le tira de la drôle d’émotion vaseuse dans laquelle il s’enfonçait en contemplant ce visage défoncé. Lloyd releva le regard, pour rencontrer celui de la jeune femme.

- La Sith est folle, gémit-elle, au bord des larmes.
- Les Sith sont fous, rectifia Lloyd. Ce sont des bouchers parce qu’on les a découpés en mille morceaux.

Il avait dit ça sur un ton dégagé, presque celui de la confidence, mais il n’espérait pas que Mera put comprendre, ni personne ici. Si Mera avait su cela, elle ne l’aurait jamais chevauché. Il repensa un bref instant à la chaleur de ses cuisses laiteuses qui avaient enserré ses hanches quelques minutes plus tôt et le souvenir de Cassandra afflua subitement dans son esprit. En particulier, de cette nuit où il avait cherché à lui faire l’amour plutôt qu’à la baiser comme un pilote impérial raté. Il avait fait ça parce que, comme elle allait mourir, il s’était autorisé à y chercher une forme de chaleur. A avoir autre chose que les claquements sordides de la peau contre la peau, autre chose qu’une jouissance mécanique et hâtive, autre chose que des frottements sans signification, autre chose que des fluides et des odeurs laissés sur ses lèvres qui avaient le goût d’un plaisir personnel et purement organique, d’une sécheresse sentimentale et d’une solitude que ces étreintes ne comblaient pas.

Sans compter le regard de Dana, qu’il avait fallu affronter après avoir été entre les jambes de Runà, après avoir été entre les jambes de Mera, après avoir été exposé comme de la viande sur Dathomir. Et dans ses yeux, y avait-elle vu la honte ?

Que faisait-il là, sinon avoir suivi une Inquisitrice dans un espoir stupide qu’elle lui donnât un peu plus ? Comme un chien à qui on a donné une sucrerie et qui croit avoir trouvé son nouveau maître, il n’avait rien fait d’autre que s’humilier un peu plus.

- On… On peut s’en aller ? geignit Polla.
- NON ! cria-t-il plus brutalement que ce qu’il aurait voulu.

Les deux esclaves sursautèrent.

- Vous n’irez nulle part, vous avez payé, vous resterez avec moi ! leur cria-t-il.

Quelque chose d’incontrôlable s’était mis à bouillonner en lui. Il fallait qu’il arrête les conneries. Il était un Sith. Un vrai Sith. Il n’avait pas besoin de tendresse. Il n’avait pas besoin d’être un putain de sentimental. Il avait besoin de courage, et de force, pour affronter toute la fange et le cauchemar qu’était sa vie. Et où se trouvait la force, la puissance ? Elles se trouvaient dans les corps, dans les corps qu’il pouvait piller comme on l’avait pillé lui.

Et il posa soudain la main au milieu du visage de Sepha, écrasant ce qui restait de ce crâne déjà craquelé et sanguinolent, sous les yeux écarquillés des quatre femmes. Puis il s’enduisit la face d’hémoglobine.

L’une des esclaves prit peur. Soudain elle se mit à courir vers la sortie, mais le hapien s’élança à sa suite. Il l’intercepta en l’attrapant comme il avait attrapé Dana ; la ceinturant brusquement pour qu’elle fut sa proie et elle ne résista guère. Il la sentait trembler entre ses membres. Ses cheveux blonds cascadaient en une série de tresses contre les épaules du hapien et, sous les yeux interdits des trois autres, le hapien lui caressa le cuir chevelu.

- Shhh… Ça va aller, murmura-t-il.

Il savait que ça n’irait pas. Déjà le corps de l’esclave frémissait entre ses doigts, comme il puisait en elle le courage qu’il n’y avait pas en lui. Derrière lui, Polla avait fait quelques pas à son tour, silencieuse, en essayant de fuir elle aussi. Il n’eut pas besoin de l’intercepter physiquement. Il ne fit qu’étendre la Force, en serrant les mâchoires, contrarié qu’elle ait elle aussi tenté de lui désobéir. Polla ralentit le pas, essaya de continuer à marcher mais ses jambes se dérobèrent sous elle. Mera émit un cri de surprise. Lloyd la prit aussi dans ses filets, ainsi que l’autre esclave, et il n’eut plus qu’à boire, boire pour remplir le trou béant qu’on avait creusé en lui.

La dernière à mourir fut celle qu’il avait entre les bras. Il la berçait doucement.



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Shira était restée dans l’ombre, avec d’autres esclaves. Elle avait vu sa maîtresse dans la foule, revenir avec un visage fermé, mais ses pensées étaient toutes tournées vers Hélios. Les convives avaient commencé à s’amuser dans l’insouciance la plus totale. Le vin coulait allègrement, et l’esclave se tordait le cou pour apercevoir Jephego, espérant lui demander des nouvelles, car l’heure du combat était proche.

Elle vit justement le maître des gladiateurs s’effacer dans le chemin qu’avait emprunté Dana pour revenir, et hâta le pas pour rejoindre Jephego.

Quatre minutes plus tard, elle revenait au même pas de course. Elle fouilla la foule du regard, décela la robe dorée de Dana Shar. Elle contourna les invités, baissant les yeux comme l’esclave soumise devait le faire, et parvint enfin à s’insinuer entre les tenues légères pour parler à sa maîtresse. Ses doigts touchèrent le coude de la Princesse pour lui faire comprendre qu’il y avait quelque chose, et quand Dana se tourna vers elle, Shira avait les yeux affolés. Elle se pencha pour murmurer :

- Princesse… Princesse ! Il y a… Un tout petit problème. C’est le boucher, il… Le vrai boucher. Il veut combattre Akusha. Et il dit… Il dit n’importe quoi. Qu’il est l’apprenti de je sais pas qui, qu’il va le tuer.

A quelques mètres de là, dans l’allée, Jephego peinait à retenir un Lloyd furieux. Le hapien avait le visage couvert de sang, que sillonnaient déjà des larmes de rage.

Il avait caché les corps, entassés dans un placard. Il était plein de leur énergie, et plein du sang de Sepha.
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A travers les tenues légères et les corps échauffés par l’alcool, par les danses, par les musiques, les yeux d’Akusha la transperçaient tandis que Shira murmurait précipitamment à son oreille. Elle soutint le regard de son époux comme si elle n’avait absolument rien à se reprocher : ni meurtre, ni fugue, ni fiasco. Elle n’allait pas s’excuser d’être Dana Shar. Lentement, elle dévia ses prunelles pour rencontrer celles de la twi’lek qui penchée sur elle, attendait désespérément une réponse. Et le dirigeant de Ch’Hodos ne les quittait pas des yeux qu’il avait désormais plissés et suspicieux. Alors, Dana pressa ses lèvres contre celles de Shira pour divertir l’attention du vieillard, qu’il ne la pense plus qu’une âme en quête de festivité, de plaisir, de repentance. Et à peine leurs lippes s’écartèrent l’une de l’autre, que la princesse souffla un murmure.


Quelques secondes pour faire un choix.
Quelques secondes pour décider si elle avait vraiment arrêté les conneries.
Quelques secondes pour savoir qui elle allait sauver ce soir : Lloyd Hope ou Hélios.

Les secondes avaient filé à une vitesse indicible, comme sa réponse murmurée contre la bouche d’une Shira choquée.




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Rhysode avait rabattu un pan précieux de sa toge sur son épaule dénudée. Il avait un sourire factice et ses prunelles brillaient d’une fierté brûlante. Il était fier d’avoir réhaussé son nom, au-dessus de celui des Ashar, au-dessus de tout grâce à l’Arène, grâce au sang et aux combats. Il ne s’était pas encore inquiété de l’absence de son épouse qui devait divertir les filles des Seigneurs durant toute la soirée, avec l’un ou l’autre des gladiateurs qu’il possédait. Pour lui, tout était parfaitement à sa place. Il avait fait un signe à l’orchestre et quand la musique cessa, les clameurs des convives se turent progressivement. Rhysode écarta les bras pour désigner l’atrium dans lequel ils étaient tous réunis et il débuta son discours glorifiant sa lignée, ses origines Sith, devant une assemblée acquise à ses paroles – excepté peut-être Akusha dont l’ennui alourdissait les paupières. Il somnolait presque sur son siège, si bien qu’on aurait pu se demander s’il était vraiment disposé à combattre ; lui dont l’âge vénérable ne semblait qu’aspirer à la retraite et à l’hédonisme d’une vie sans remous. L’heure du combat approchait pourtant et chaque mot prononcé par le maître de la demeure précipitait certains destins.




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- Je m’en occupe.

Dana s’était éclipsée après avoir répondu à Shira. Elle avait rejoint la petite cour paisible que seuls les cris rauques du véritable boucher dérangeaient. Jephego avait passé son fouet autour du cou de l’animal pour espérer retenir sa folie. Dana était apparue à la lueur des lunes de Ch’Hodos, auréolée par les lumières lointaines de la fête, comme une apparition spectrale.

- Je m’en occupe, répéta-t-elle vers Jephego. Le combat va commencer, va chercher le boucher.
- Bien, princesse mais…
- J’aime pas trop me répéter, menaça-t-elle d’une voix calme.

Sitôt libéré de la morsure du fouet, Hope tenta de fuser vers l’atrium, mais Dana était sur sa route. Elle avait fait son choix. Et tant qu’elle serait ici, à s’occuper de Lloyd Hope, à lui épargner un suicide bête, elle ne pourrait aider Hélios de l’autre côté. Elle avait lu la déception sur les traits de la twi’lek quand elle avait condamné le résistant d’un murmure. Hélios devrait se débrouiller seul. Dana Shar revenait sur une promesse faite. C’est ce que les Sith faisaient, après tout. Parjurer. Mentir. Se vautrer dans la lâcheté, la malhonnêteté. En réalité, c’était une autre promesse que la princesse accomplissait : Je ne laisserai jamais rien t’arriver.

Même si elle devait lui faire mal.

Il fut coupé en plein élan par la Force que Dana compressa autour de son cou déjà sollicité par tant d’épreuves. Et elle dut insister tant il se débattait, comblé par l’énergie de ses dernières victimes. Mais la volonté de l’Inquisitrice était forte et elle puisait dans son don avec autorité pour tenter de le soumettre.

- Si tu souhaites combattre, alors combats-moi. Mais ne va pas mourir bêtement.

Et elle poussa la Force pour qu’il fut propulsé d’une impulsion invisible et soudaine contre l’une des arches qui délimitaient l’entrée de la salle privée qu’il avait quitté. La traîne de sa robe caressa les pierres de l’allée végétale qu’elle remontait alors qu’elle maintenait ce mur oppressant pour l’immobiliser.

- Tu vois où ça nous mène d’arrêter les conneries, siffla-t-elle avec amertume et colère.

Dana n’était désormais plus qu’un souffle tiède qui échouait contre son visage souillé d’hémoglobine. Elle avait levé sa télékinésie, lui avait permis de respirer un peu. Désormais, le mur qui l’acculait à cette arche, c’était elle. Elle plaqua sa paume sur la joue poisseuse du boucher.

- N’oublie pas que je peux contrôler ton esprit. Mais j’ai pas besoin de ça n’est-ce pas.

Ses phalanges pâles glissèrent dans la chevelure blonde, dans un geste familier, comme le ferait un dresseur qui souhaitait apaiser, contrôler, la bête qui lui appartenait. Elle parlait doucement, l’invitant à mettre sa respiration chaotique au diapason de sa voix. Dana dirigea brièvement ses yeux vers l’obscurité de la salle intime et revint les planter dans le regard verdâtre qui s’offrait à elle.


Lloyd Hope
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- LAISSE-MOI PASSER ! LAISSE-MOI FAIRE !

La voix de Lloyd s’était répercutée dans la cour. Les gladiateurs qui n’avaient pas été sollicités pour la soirée, enfermés dans leurs cellules, l’avaient peut-être entendue. Mais les convives, eux, étaient noyés dans une musique enlevée que jouait l’orchestre. Les corps se percutaient dans des danses sensuelles tandis que d’autres convives se contentaient de taper des mains en les admirant, ignorant tout de la lutte rageuse qui avait lieu à quelques mètres d’eux.

Le hapien avait percuté l’arche en portant ses mains à son cou, comme s’il avait cru que le fouet de Jephego, ou la corde de Chekat, était revenu lui étreindre la gorge pour le replonger dans le précipice qui conduisait vers la mort. Sa voix mourut tandis qu’il dardait sur Dana des yeux furieux. Il se débattit, grogna, mais l’étreinte de Dana était forte et il ne parvint qu’à se faire souffrir plus encore. Le sang de Sepha glissait dans son cou avec la sueur qui dégoulinait de son visage, et sa respiration haletante percuta le visage de l’Inquisitrice quand celle-ci s’approcha de lui et relâcha enfin son étreinte.
Tout le corps du Sith tremblait et il dut faire un effort pour s’empêcher de saisir Dana par les épaules afin de l’écarter, pour aller rejoindre son but. Son corps bouillonnait et il serrait les poings pour canaliser une énergie qui aurait dû lui servir à tuer, et tuer qui d’autre qu’Akusha, celui qui avait laissé ces marques abjectes ?

- Il ne mérite pas de vivre ! cria encore Lloyd, comme si cela expliquait tout. Je pourrais le tuer ! Là maintenant ! Je le sais !

Il fit mine d’échapper à Dana, ignorant sa menace, mais aussitôt il sentit de nouveau l’étreinte contre sa gorge et il arrêta son geste avec un grognement de rage. A la place il attrapa la main de Dana par le poignet, celle qu’elle avait tendu vers lui et dont il supposait qu’elle l’aidait à maintenir l’écrasement désagréable contre sa gorge. Il serrait le bras aussi fort qu’elle avait pu lui tordre les poignets un peu plus tôt. C’aurait pu être une vengeance mais il ne semblait pas se rendre compte qu’il serrait si fort. Il mordit sa lèvre ensanglantée en plongeant son regard dans l’étendue dorée. La poitrine du hapien se soulevait au rythme de sa respiration effrénée, ces bouffées d’oxygène alimentant son esprit en pleine ébullition.

C’était trop, beaucoup trop, il allait tuer quelqu’un, que ferait-il de cette énergie autrement ? Que ferait-il de cette rage obscure ? De ce corps odieux, couvert de sang et d’odeurs qu’il n’avait pas voulu ?

Sa bouche se tordit un bref instant en une grimace rageuse tandis qu’il voyait le contour de l’œil de Dana. Le maquillage et le temps avaient effacé la plaie violette qu’il avait découverte dans un bain, quelques jours plus tôt, mais ses yeux à lui la voyait toujours, et il était incapable de pardonner, incapable d’oublier et maintenant, elle l’empêchait de venger ça ? Quand il en avait le courage, quand il en avait l’énergie ?
Il soutint de longues secondes le regard doré qui le mettait toujours en garde, implacable, puis enfin ses yeux glissèrent plus bas, sur le décolleté de Dana dont une poudre cuivrée mettait en valeur les formes.

Brutalement, il la repoussa contre un pilier et elle percuta le marbre avec surprise, mais il était déjà là, contre elle, à l’écraser de toute la masse de son corps. C’était lui le mur infranchissable, désormais. Il n’avait pas lâché sa main et leurs visages étaient si proches que leurs nez et leurs fronts se frôlèrent. Les émeraudes avaient pris feu, et s’il ne pouvait tuer il deviendrait autrement sauvage, pour soulager la bête assoiffée qu’il était devenu.

- Tu voulais le boucher, aboya-t-il. Le voilà.









Jephego ouvrit la cellule du boucher, soucieux, mais de l’autre côté de la porte, Hélios était calme. Son visage couvert de sang avait un peu commencé à sécher, mais il était méconnaissable et la foule, enivrée de plaisirs divers, serait aisément trompée par le collier similaire à celui de Lloyd, par les muscles saillants, mais le pantalon de toile. Sur un fond de musique tapageuse, il se leva sans un mot, croisa le regard de Jephego, qui l’invita à le suivre.

Les deux hommes se dirigèrent vers l’atrium, contournant soigneusement cette allée où, Jephego l’espérait, la Princesse avait pu neutraliser le vrai boucher. Lorsqu’ils arrivèrent dans la vaste salle, Rhysode les aperçut. Le moment était venu. Le maître de maison fit un signe à l’orchestre, levant deux doigts, et la musique s’amollit soudain pour disparaître complètement. Des coupes tintèrent, des murmures s’échangèrent, mais peu à peu on consentit à se tirer d’une conversation ou d’une danse langoureuse pour accorder son attention à l’hôte de la soirée. Ce dernier avait un sourire triomphant aux lèvres et il prit une grande inspiration pour s’adresser à la foule d’une voix puissante.

- Mes chers amis ! fit-il. Le moment le plus grandiose de cette soirée, je le crains, est sur le point d’arriver !

Il y eut des sifflements enthousiastes dans l’assemblée, et Rhysode tendit une main vers Jephego et Hélios, qui arrivaient auprès de lui.

- Je ne vous le présente plus, je crois : le boucher.

Quelques applaudissements ponctuèrent ses propos tandis que la foule s’écartait pour que tout le monde pût mieux voir le visage de sang qui se présentait au centre de la salle. Hélios banda ses muscles, et ses yeux azur se fixèrent sur son opposant.

Akusha, lui, était toujours tranquillement assis sur son fauteuil doré. Il avait attiré une esclave sur ses genoux, mais il sembla au bout d’un moment se rendre compte qu’il était l’objet de beaucoup d’attention et il la repoussa sur le côté sans ménagement. La jeune femme aux formes rebondies se hâta de disparaître entre les convives, qui n’avaient d’yeux que pour le seigneur Sith. Celui-ci cligna des yeux, se pencha en avant pour mieux observer le boucher.

- Aaah, fit-il, comme s’il était face à une curiosité. Intéressant.

Un long silence s’écoula. Le sourire de Rhysode commença à être un peu figé, et les convives échangèrent des regards incertains. N’était-il pas censé se passer quelque chose ? Au bout de plusieurs minutes toutefois, Akusha consentit à se lever. Il avait l’air de marcher un peu péniblement. Hélios y vit là une forme d’encouragement, et il se massa les mains comme pour préparer ses poings à s’écraser dans la face du Seigneur Sith. Ce dernier avança d’un pas traînant, et l’on crut presque qu’il allait s’empêtrer dans sa toge et chuter. Puis il s’immobilisa, se redressant de toute sa hauteur. Il ferma les yeux, prit une longue inspiration.
Là encore, on crut que le Seigneur était un peu… fatigué.

Mais soudain, Akusha bascula son visage vers le ciel, et un long cri s’échappa de sa gorge, puissant, effrayant comme s’il était venu d’outre-tombe. La Force s’échappa de lui comme une vague circulaire.

L’instant suivant, les convives criaient leurs encouragements, reconnaissant la puissance du Seigneur Akusha qui s’exprimait pour eux ce soir.








A quelques mètres de là, Lloyd ressentit, tout comme Dana, la vague qui venait d’avoir lieu, après avoir entendu ce cri qui glaçait les sangs. Le hapien cessa tout geste et écarta son visage de l’Inquisitrice pour la regarder dans les yeux. Son corps écrasait toujours celui, à demi dénudé, de sa proie, et ses yeux traduisaient toujours la fureur qui l’animait, mais il contracta les mâchoires pour se contrôler.

Ils savaient tous deux que le combat avait commencé. Qu’Hélios allait risquer sa vie, et la perdre, probablement. Emmenant dans sa tombe une partie des espoirs des loyalistes. Le hapien respirait fort, son souffle chaud exhalait la frustration.

- Tu vas aller l’aider, ordonna-t-il sèchement.

Sa voix était rauque et il pinça les lèvres en fustigeant l’étendue dorée du regard, comme s’il la tenait responsable de cette interruption. Il attrapa Dana par les épaules, cette foutue Inquisitrice qu’il n’avait pas eu le temps de consommer, que la bête qu’il était réclamait entièrement, pour qu’elle ne pût partir tout de suite.

- Mais après, tu reviens, chuchota-t-il les dents serrées.Fais des conneries avec moi ou je tue quelqu’un. Ton mari ou peu importe.

Il se sépara de Dana en la poussant dans l’allée. Il y eut un moment de silence, que les acclamations de la foule emplirent entre eux. Et enfin, quand il l’eût regardée partir de son regard dur, il rebroussa chemin pour s’engouffrer dans la salle intime, où gisait encore le corps de Sepha.

Il attrapa une statue et la renversa avec un cri de rage. La pierre se brisa en mille éclats sur le marbre.
Darth Hope
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Elle lui abandonnait le contrôle, vaincue par sa rage, son énergie, son obscurité grandissante qu’elle craignait autant qu’elle adulait. Jusqu’à ce que le hurlement d’Akusha déploya la Force, brisant l’air autour d’eux. Dana avait dû suspendre son souffle, soudainement vide. Malgré la chaleur de Ch’Hodos, elle eût froid dès qu’il la repoussa vers l’allée, que sa robe à moitié déchirée flotta un court moment autour d’elle. Comment aurait-elle pu aider Hélios, alors qu’elle n’avait qu’une obsession désormais : revenir auprès de lui. Elle n’avait même pas eu le temps de lui répondre, de consentir à son ordre ou de le réfuter avec son insolence habituelle qui lui aurait répliqué, révoltée, que s’il la voulait, il n’avait qu’à venir la chercher.



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Face à l’éveil d’une autre bête, cette nuit-là, Hélios n’avait pas flanché. Malgré les battements angoissés du cœur de Shira qui s’empêchait de crier dans l’ombre de la foule, il persistait à soutenir le regard en alerte du vieillard. Il avait affronté ce même regard chez Shar Ram, son propre père qui l’avait traité en esclave toute sa vie, qui l’avait offert sans scrupule à sa demi-sœur. N’était-ce pas une revanche qu’il souhaitait prendre ce soir ? Loin des guerres civiles, des luttes de pouvoirs Sith, n’était-ce pas le Seigneur Ram dont il souhaitait détruire la face. Ne superposait-il pas le visage d’Akusha à celui de ce géniteur fou. Mais Hélios avait ce côté bravache et inconscient qu’il partageait avec Dana Shar. En outre, il avait été formé aux voies martiales qui permettaient de rivaliser avec les utilisateurs de la Force. Il n’avait jamais cessé de vouloir prouver que malgré son insensibilité à ce grand pouvoir, il aurait pu faire un digne héritier. Ch’Hodos était à lui. C’était pour cela qu’il se battait.

Le blond esquiva le premier coup du Sith. Ce dernier avait bandé ses muscles sous sa peau ridée et avait invoqué la Force pour augmenter ses capacités. Et s’il avait augmenté sa vitesse, Hélios n’aurait certainement pas pu éviter le poing qui avait fusé vers lui et qui, à la place, échoua contre l’une des nombreuses colonnes de l’atrium dont le marbre solide se fissura sous l’impact. C’était donc la force physique qu’il avait renforcé à l’aide de son don. Des cris étonnés ravirent les bouches de l’assemblée. On applaudit timidement, malgré la terreur qu’inspira la puissance brute du Seigneur. Hélios plissa les yeux, analysa le prochain mouvement de son adversaire. Au moment où Akusha fendait l’air d’un coup de pied ravageur, l’esclave s’abaissa et chercha une faille. Mais Akusha avait usé de la Force pour sublimer sa vitesse et le loyaliste subit un revers qui l’envoyer à terre sous les déchaînements du public.

Dana arriva à ce moment-là. Personne ne prit garde à son état, au sang dont elle était couverte des lèvres jusqu’à son décolleté, au tissu déchiré par endroit de sa robe. Non, tout le monde contemplait le combat et elle se fraya un chemin dans cette masse de charognards pour prendre place aux côtés de Rhysode dont la nervosité grandissait. Hélios venait de se relever alors qu’Akusha le laissait respirer, comme un prédateur jouait avec sa proie, lui faisant miroiter du répit, pour mieux la briser par la suite.

- Où est passée cette part d’ombre que j’ai senti dans l’Arène ? interrogea-t-il calmement.
- J’aurais bien une réponse, mais elle serait pas élégante, répliqua Hélios en crachant un peu de sang au sol. Le dirigeant avait frappé en plein dans sa mâchoire.

Akusha secoua la tête et s’élança de nouveau. Hélios réussit à bloquer son attaque de justesse grâce à sa garde, mais la force du Sith était tel qu’il sentit un os se briser au niveau de son poignet. Mais il fallait ignorer la douleur. De rage, il repoussa le monstrueux vieillard sous les vivas de la petite foule. A côté de l’Inquisitrice, Rhysode se rongeait les ongles.

- Quel imbécile, je lui avais dit de pas chercher à prendre le dessus.

Elle détourna ses yeux vers le profil préoccupé du maître des lieux. Et dans son ombre, au loin, la figure pâle de Shira dont les yeux écarquillés s’emplissaient de larmes désespérées. Nouveaux cris. Hélios encaissait un nouveau coup. Tout le monde entendit ses cotes craquer. Elle ne savait pas si elle en aurait encore la force, mais Shar rassembla la Force. Comme à chaque fois qu’elle souhaitait atteindre ses limites, elle était prête à mettre sur la table plus que ce qu’elle ne pouvait payer. C’était comme ça avec le Côté Obscur, il fallait toujours donner plus, pour avoir plus. Et ce plus, elle se l’arrogeait comme un mort en sursis. Comme un endetté qu’un crédit de plus indifférait. Hélios n’eût soudainement plus d’air. Alors que surpris, il se concentrait pour écarter ces phalanges invisibles qui écrasaient sa gorge, Akusha lui administra un coup qui l’envoya une nouvelle fois au tapis où il resta cloué, manquant d’air. Et Dana ne s’arrêtait pas, elle délaissa brusquement le cou de sa victime pour s’attaquer à son esprit, qu’elle grignota morceau par morceau à l’aide de la Force, empruntant ce couloir, brisant les résistances qui s’y trouvaient. Les yeux azurés se ternirent.

Elle leva sa main, et Hélios en fit de même. De ses doigts vernis, elle signa la reddition.


- Il se rend s’exclama Rhysode, soulagé. Il déclare forfait.

Quelques soupirs déçus, mais l’attention demeurait rivée sur le corps rachitique d’Akusha qui surplombait le vaincu au regard hagard.

- Qui te contrôle ?

Au moment où le regard du vieillard s’intéressa aux convives, Dana rompit son lien avec la Force de peur d’être repérée. Et le vieil homme eût beau scruter, il dut se résigner à revenir à sa proie désormais sans saveur.

- Quelqu’un tient visiblement à sa misérable vie. Je l’épargne, lâcha-t-il avec un dédain propre aux gens que l’ennui avait gagné.

Le soupir de Rhysode fut avalé par les applaudissements hypocrites. Il fit signe à Jephego d’emporter le boucher. Shira se précipita à sa suite. Akusha quant à lui, regagna son siège. Son front était à peine suant. Et déjà on admirait son endurance.

- Je compte bien profiter du reste de la soirée, la nuit est longue. Et à l’aube, l’héritière de Ch’Hodos, prononcera son serment d’allégeance.

Dana serra les dents, prête à cracher aux pieds de son époux mais une sombre dignité la retint. A la place, elle ramassa ce qui restait de sa traîne et quitta l’atrium alors que la musique reprenait. Akusha ne s’en formalisa pas, il savait les entrées de ce bâtiment verrouillée. Elle ne pourrait plus s’échapper.



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La silhouette de Dana passa l’arche qui marquait l’entrée de la salle désormais obscure. Derrière elle, les portes se refermèrent sur l’arche, et leur verrou s’enclencha. A côté de la sorcellerie Sith, user de télékinésie pour cet acte banal lui parut presque reposant. Il y eût donc moins de lumières. Ses talons heurtèrent les débris de ce qui fut jadis un vase précieux. Et plus elle avançait, plus des échos de bris lui parvenaient depuis la pénombre qui handicapait sa vue. Elle se dirigea à l’ouïe vers la source de tant de rage et elle découvrit l’ombre vorace de Lloyd qu’une énergie obscure ne semblait pas avoir quitté. Leurs yeux finirent enfin par se croiser et elle se sentit happée, comme dans un piège.

- J’ai aidé Hélios, rapporta-t-elle.





Lloyd Hope
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Le sang tâchait les mains du hapien. Il ne savait plus comment il s’était écorché les paumes et les phalanges. Peut-être quand il avait ramassé un morceau de vase brisé pour le lancer à travers la pièce, peut-être quand il avait frappé un piédestal d’un poing rageur. La pièce avait été plongée dans une pénombre troublée de quelques flambeaux ayant survécu à sa fureur, quand il avait tourné autour du lit en attrapant ce qu’il pouvait, qu’il avait jeté des regards vers la petite porte derrière laquelle s’entassaient les corps, qu’il avait crié et que sa voix s’était répercutée dans un écho solitaire.

Lorsque les portes se refermèrent, le plongeant un peu plus dans l’isolation, pourtant, son cœur bondit dans sa poitrine.

Elle était revenue.

Il resta immobile un moment, même si la sueur perlait dans sa nuque, même si ses poings étaient toujours fermés, prêts à continuer à évacuer toute cette énergie qui ne lui appartenait pas, toute cette frustration de ne pas pouvoir obtenir sa vengeance, d’être ce Sith qui ne pardonne pas, pour contempler ce corps qui se dévoilait peu à peu.

Elle était revenue.

Il la laissa venir, tournoyer autour de lui tandis que ses yeux détaillaient ce corps, que sa bouche entrouverte prenait des inspirations courtes et précipitées.

- L’Inquisitrice, dit-il comme s’il s’agissait d’une exigence qu’elle se devait d’exécuter.

Le hapien tendit le bras pour l’attraper mais elle s’écarta au dernier moment et il plissa les yeux. Il grogna de frustration, fit un pas vers elle et comme elle fit mine de s’enfuir il l’attrapa brusquement par le bras dès qu’elle fut à sa portée, pour la ramener contre lui d’un geste sec. Leurs deux corps se percutèrent. Lloyd la pressa contre lui tout en avançant, manqua de la faire trébucher mais de toutes façons il la tenait déjà complètement ses bras la ceinturant sans lui permettre de s’enfuir et il l’accula contre un autel de pierres, ou des bougies et des bols emplis d’huiles chaudes dégageaient des senteurs entêtantes. Le hapien arracha le dernier pan de vêtement qui couvrait le corps de Dana, dévora quelques instants des yeux et des mains ce qu’il avait découvert, le souffle haletant. Ses lèvres frôlèrent celles de Dana, sa bouche s’entrouvrit mais il la laissa une seconde en suspens, ne lui donnant pas ce baiser qu’il s’apprêtait à lui imposer.

- Je suis peut-être l’esclave personnel de la Princesse de Ch’hodos… murmura-t-il, et quand il saisit Dana pour la soulever et l’asseoir brusquement sur le promontoir, son bras soudain percuta l’un des bols d’huile.



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Jephego déposa sans ménagement le corps d’Hélios sur la couchette du boucher. Sur ses talons, une Shira tremblante et pâle se précipita. L’ancien guerrier avait la respiration sifflante, et son torse nu accusait des coups terribles qu’il avait reçu. La twi’lek s’agenouilla à ses côtés tandis que Jephego quittait la pièce en refermant la porte derrière lui, afin de leur laisser de l’intimité.

- Je… Je comprends pas, il m’a épargné, grogna Hélios, que ses côtes faisaient souffrir.
- Tu as fait le signe de reddition.
- Quoi ? Non…
- Tu as bien fait Hélios, ça tournait mal. Akusha est toujours puissant, tu en as la preuve, maintenant.

Shira essuya rageusement ses larmes.

- Regarde l’état dans lequel tu es, maintenant ! Il faut qu’on te sorte de là. Et qu’on en sorte aussi la princesse.

Hélios secoua la tête en signe négatif.

- Il y a un problème. Jephego m’a dit qu’Akusha avait fait appeler un speeder du palais. Il veut ramener lui-même Dame Shar, pour s’assurer qu’elle ne s’enfuie pas.

Shira entrouvrit la bouche, ses grands yeux bleus s’effarant tandis qu’elle réalisait. Mais Hélios lui attrapa la main.

- Tu peux t’enfuir avec moi, tu n’es pas obligée de la suivre, souffla-t-il. On lui affectera une autre esclave. Je t’emmène ce soir et…
- Hélios ! Elle sait où est notre planque, c’est inutile, on…
- Non, nous laissons tomber la planque ce soir. On repart dans les montagnes. On a déjà fait beaucoup pour elle et son boucher, Shira. Akusha ne la laissera jamais partir ce soir !

La twi’lek serra les dents, et baissa les yeux. Qui devait-elle suivre ?
Darth Hope
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Dans ce calme morbide, Dana tentait de reprendre son souffle, les mains plaquées au milieu des objets défaits, des bougies renversées, des bols qui avait été mis sans dessus-dessous par des gestes trop brusques. A travers sa poitrine toujours écrasée sur l’autel, elle sentait son cœur percuter la pierre tiède tant il battait vite et enfin, quand elle leva son regard, elle découvrit à qui était dédié ce monument de recueillement et de prière. Elle aurait pu reconnaître cette statue entre milles, malgré l’obscurité grandissante. Derrière les drapés de marbre noir, les traits de Shar Dakhan émergeaient à peine d’une sombre coiffe. Elle se mordit la lèvre inférieure alors que retombaient sur sa figure, devant ses yeux tétanisés, quelques mèches rousses et humides. Elle finit par fermer ses paupières, comme si ce simple geste effacerait ce qu’il s’était passé. Comme si en s’aveuglant, elle aveuglerait la statue qui avait tout vu et au travers d’elle, son ancêtre et son jugement impitoyable.

Ce ne fut lorsqu’ils se séparèrent qu’elle se permit d’ouvrir les yeux à nouveau, quand le poids de Lloyd sur elle ne fut plus qu’un souvenir tenace et vivide dont son corps tremblait encore. Elle réussit à se redresser et se tourna pour lui faire face, s’appuyant contre le bord de l’autel, pataugeant encore un peu dans l’huile désormais tiédie et souple.

- Je préfère ça, à ton suicide, souffla-t-elle comme s’il lui fallait trouver une justification à ce déferlement de férocité dont elle avait sciemment accepté la domination.  

Elle aurait pu lui dire tant d’autres choses, mais finalement : que ce fut la tendresse ou la brutalité, la distance revenait toujours. Parce que sinon, elle deviendrait folle, elle chuterait, briserait ses os en souhaitant qu’il la possède, toujours, tout le temps. Elle entendait Shira lui demander absurdement si elle aimait. Cette question avait-elle encore un sens après la violence, après la bestialité, après la déraison ? Elle réussit à croiser enfin, les émeraudes qui l’avaient immolée et elle comprit que c’était plus la réponse qui terrifiait. A l’ombre de Shar Dakhan, nue et majestueuse, elle se tenait debout contre ce monument dédié à la religion Sith, dont elle était garante des traditions, pour laquelle elle avait versé déjà tant de sang. Elle s’était corrompue et en se perdant dans le regard de Hope, se rendait compte qu’elle corrompait aussi, à l’image d’une plane vénéneuse qui envahissait les cœurs sensibles à l’obscurité.

- Je reviendrai toujours, reprit-elle alors que les bougies se consumaient lentement, jetant sur ses muscles et ses courbes des ombres et des lumières sculpturales. Mais ne pense pas avoir eu l’ascendant…

Elle se pinça les lèvres dans un sourire dont elle avait le secret : celui qui dessinait l’insolence, la provocation.

- C’était moi qui voulais le boucher. Et je l’ai eu. Tu n’as fait que me l’offrir.

Histoire qu’il efface de sa mémoire, si possible, ce chant de soumission qu’elle lui avait donné, vaincue sur la pierre de l’autel. Et elle ne pérorait que pour noyer l’affreuse vérité : c’était lui le plus Fort, et elle ne demandait rien de plus qu’à se soumettre encore au Sith qui ne pardonnait pas.

- Et maintenant, il faut survivre. Pour ça, j’ai besoin des corps de celles que tu as tuées.

Sa voix n’était pas aussi assurée et autoritaire qu’elle ne l’aurait souhaité et pour cause, elle haletait encore d’avoir été l’instrument d’une jouissance aussi brusque. Elle avait encore l’empreinte rouge des doigts de Lloyd sur son sein, tout près du tatouage dont l’encre brillait sous une fine pellicule de sueur, de reliquat d’huile et de poudre cuivrée. Constatant qu’il traçait une route visuelle le long de cette marque et de certaines autre, elle tâcha de regarder ailleurs, soudainement gênée. Et cette gêne ne fit que mettre plus de rougeur sur son corps, au niveau de ses pommettes.

Le sourire insolent, la gêne ; toutes ces émotions qui coloraient sa figure défaite créaient en réalité un masque infranchissable pour tout ce qu'elle ressentait d'autre. Derrière l'autorité, la provocation, la détermination se cachait la peur. Elle n'avait pas menti quand elle lui avait confessé qu'il était la seule personne qu'elle craignait. Les autres monstres qui côtoyaient leurs eaux pouvaient l'atteindre par des coups, par des mots, mais elle y resterait à jamais indifférente. En revanche, la violence de Lloyd la marquait, pas seulement physiquement mais intérieurement aussi. Elle avait peur qu'à ne pas résister, qu'à accepter de se soumettre, il finisse par la tuer un jour, dans une de ses crises de fureur. Les mêmes crises qui avaient effrayé Cassandre, peut-être. Et aujourd'hui, Cassandra était morte. Elle avait peur qu'un jour, elle perde le contrôle sur Lloyd Hope, qu'elle ne sache plus apprivoiser la bête qu'il devenait. Quand il l'avait plaqué contre cette colonne de marbre, qu'il était devenu un mur infranchissable, elle avait eu la sensation que le contrôle lui échappait. Il aurait pu la tuer, la mettre en pièces au fur et à mesure qu'elle l'avait provoqué.
Lloyd Hope
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Lloyd s’était détaché de l’autel en chancelant. Son corps luisait de sueur tandis que l’adrénaline refluait enfin, l’abandonnant à une réalité plus calme, plus dure, suspendue entre l’effervescence de la soirée qui battait son plein non loin d’eux et la mort qu’il avait enfermée dans un placard à quelques pas d’eux. Ses yeux un instant se posèrent sur Dana, incrédules, comme s'il s'agissait d'une victime qui avait étrangement survécu à ses assauts. Il se rendit compte que Shar Dakhan le toisait et il lui rendit un regard acerbe.

Elle avait demandé le boucher. Vraiment ?

Il continua à reculer, chercha quelque chose du regard, hagard, comme s’il n’avait pas entendu les propos de l’Inquisitrice, cette Inquisitrice qu’il venait de brutaliser – mais elle savait pourquoi elle était revenue, il le lui avait dit, et il aurait pu tuer Akusha, et – stop, stop. Le souffle court, il recula de quelques pas, passa ses mains sur son visage comme pour reprendre ses esprits.
Le hapien se détourna, et il parut trouver enfin ce qu’il cherchait – son vêtement unique, un pantalon de toile noire, qu’il se baissa pour ramasser et enfiler. Puis il eut un regard contemplatif pour Dame Sépha qui trônait toujours au milieu d’un lit. Enfin, il parut se souvenir.

- Les corps, oui, oui.

Lloyd se hâta vers la petite porte dissimulée derrière une statue renversée. Il l’ouvrit pour donner à voir ce qu’il y avait à l’intérieur.

C’était une petite pièce toute en longueur, ou des étagères s’alignaient, emplies de linge frais, de draps blancs et pastels soigneusement pliés, qui sentaient bon la lessive avec laquelle les esclaves les avaient longuement frottés avant de les étendre sous le Soleil Rouge. Au sol, les quatre femmes étaient alignées, les bras le long du corps, leurs yeux clos, et un drap blanc recouvrait leurs silhouettes jusqu’à leurs épaules comme quatre sœurs endormies côte à côte. Le hapien les regarda un instant, avant de laisser échapper un soupir.
Il s’agenouilla pour passer les bras sous le premier corps – une main sous les genoux, l’autre sous les épaules. Il s’agissait de l’une des esclaves. Le drap glissa, dévoila un corps intact, vêtu d'un drapé simple. La tresse blonde faisait penser à Léti, et Lloyd la souleva avec précaution avant de se retourner pour l’extraire de l’étroite pièce.

- Il faut faire attention à ne pas les abîmer, chuchota-t-il, alors que personne ne pouvait les entendre de toute façon.

Ses yeux étaient écarquillés en rencontrant l’étendue dorée, comme s’il faisait une confidence à la Princesse, comme s’il confiait un secret qui n’avait de sens que pour lui.







Lorsque Jephego rouvrit la cellule du boucher, Hélios avait retrouvé son visage élégant, et son cou était de nouveau cerné d’une lanière de cuir sombre pour qu’il se mélangeât de nouveau aux esclaves loués pour la soirée. Shira l’avait aidé, à l’aide d’une bassine d’eau, à se débarrasser de tout ce sang avec lequel on l’avait grimé. Mais la twi’lek avait les yeux rougis en passant devant Jephego. Ce dernier fit mine de ne rien remarquer, et il ramena les deux amants vers l’atrium. L’orchestre jouait encore, mais les danses s’étaient amollies. Les convives s’étaient affalés sur des banquettes, mangeaient dans des positions détendues, discutaient dans des coins plus intimes. Akusha avait repris sa place et semblait s’ennuyer fermement. Mais quelque chose sembla s’allumer lorsque son regard se posa sur Shira, qui se détachait à regret d’Hélios, déjà perdu dans la foule d’esclaves qui servaient ici, débarrassaient là, se laissaient toucher encore ailleurs.

- Toi, appela-t-il sèchement.

La twi’lek baissa les yeux, masquant sa déception. Elle avait espéré trouver sa maîtresse pour l’informer de ce qui adviendrait ensuite, mais elle ne l’avait pas aperçue dans l’atrium. Elle s’approcha du seigneur en se courbant, dans une posture révérente.

- Où est Dala ?
- Hum, la princesse est… partie visiter la demeure en compagnie de Dame Sépha, mon seigneur.

Akusha grogna. Ignorant la twi’lek, il se tourna vers Rhysode, qui à quelques mètres de là vantait les terres nouvellement acquises au sud de sa propriété, où il comptait faire construire de nouvelles bâtisses, afin de faire de la maison Rhysode une pépinière pour découvrir les jeunes gladiateurs. Un véritable élevage de combattants, se pâmait-il auprès d’un couple âgé d’humains en toges riches et soyeuses.

- Rhysode ! l’interrompit Akusha. Votre épouse et la mienne nous font des cachotteries, où sont-elles ?

L’hôte abandonna sa conversation sans plus de forme. Il accrocha un sourire poli à ses lèvres pour rejoindre son invité de marque. L’orchestre entamait un nouveau morceau, et une esclave se mit à danser devant eux dans des mouvements sensuels, tandis qu’un autre leur apportait encore de la nourriture et du vin. Rhysode refusa d’un geste, mais Akusha se laissa tenter par une sucrerie.

- Ah-ah, rit l’hôte, légèrement forcé. Oui, il semblerait que nos épouses s’entendent très bien. Elles partagent certainement la même passion pour les garde-robes luxueuses. Elles sont certainement en train de discuter à bâtons rompus.

Ou de rompre d’autres bâtons, songea-t-il sans se départir de son sourire artificiel. Il n’empêchait que, s’il avait vu Dana assister au combat, son épouse elle n’avait pas reparu depuis maintenant un long moment.

- Certainement, répéta Akusha, mais il n’avait pas l’air convaincu le moins du monde. Mais allez me les chercher. La mienne, en particulier, a quelque chose d’important à faire ce soir. Ce serait malheureux qu’elle oublie.
- Oui, oui, je m’en charge, bien entendu, seigneur Akusha !

Rhysode se hâta de s’éloigner d’un pas raide. Sur le chemin, il croisa Jacet Ashar avec qui il échangea un regard glacial. Ce dernier était vautré, avec son épouse, sur l’une des banquettes, une coupe de vin en main, une légère moue dessinée sur le visage. Rhysode les dépassa pour s’engager dans la petite allée qui conduisait à la salle qu’ils avaient, pour ce soir, réservée à des œuvres plus intimes.

- Sépha ! appela-t-il en arrivant près de l'arche.
Darth Hope
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- Lloyd, répondit-elle dans un souffle en traînant les cadavres par les pieds pour les faire former un cercle sordide au sol. Elle se débarrassa de la tunique légère d’une des esclaves pour s’en draper à l’arrachée, couvrant sa nudité salie par l’huile, la poudre cuivrée, la cire et retrouva un peu de dignité comme semblait l’exiger la statue qui versait sur eux un regard intemporel et cruel. Je vais pas les abîmer, mais j’ai besoin de toi d’accord ? Alors s’il te plaît, reprends-toi.

Ce n’étaient que cinq morts de plus. Des visages anonymes pour la plupart d’entre eux. Des figures qui méritaient leur sort pour le reste. Dana avait fusé vers l’autel pour ramasser les bougies rescapées. Elle aurait aimé que Lloyd n’assiste pas à ce spectacle funeste mais elle n’avait plus le choix. De plus, elle n’était pas certaine de réussir à tenir debout après ça, elle aurait besoin de lui. Il valait mieux que ce soit lui finalement. Ses doigts furent encore affligés par la brûlure de la cire, mais elle n’y prêtait pas garde. Avec des gestes mesurés, elle disposa les bougies comme elle avait disposé les corps et après une ultime œillade pour le blond, s’assit en tailleur au centre de ce tout ce cérémonial étrange.

Darth Runà lui avait expliqué qu’on pouvait contrôler l’esprit des vivants grâce à la Sorcellerie Sith, mais que cette dernière servait également à contrôler les corps des morts. Dana s’y était déjà entraîné, en présence de son maître, avec des cadavres d’animaux. Ses entraînements passés s’étaient avérés vaguement fructueux et quand la miraluka avait exigé qu’elle exerce ce sort sur des cadavres humains ou aliens, Shar avait catégoriquement refusé. Elle avait été terrifiée à l’idée que des êtres qui avaient définitivement quitté ce monde puissent revenir par son œuvre. Mais c’était le Côté Obscur. C’était la Force. C’était toujours plus, repousser ses limites toujours plus loin dans la noirceur. C’était, parfois, traverser le voile glacial qui séparait cette réalité d’une horreur plus repoussante.

Dana prit une grande inspiration et concentra l’énergie qu’il lui restait encore, ignora les courbatures qui tançaient ses muscles endoloris. Elle puisa dans la Force, les yeux clos, l’esprit ouvert. Elle se concentra sur le crépitement des flammes de ces chandelles encore vivaces. Elle se remémorait les râles de colère, les grognements de domination. Elle se noyait dans les souvenirs les plus vils, les plus sombres et communiait avec la corruption qui chaque jour passé du Côté Obscur, gagnait du territoire sur son âme. Alors, elle laissa un morceau d’elle-même se détacher, s’égarer, disparaître pour atteindre les défuntes qui gisaient autour d’elle. La Force résonna en elles et quand ses paupières se soulevèrent enfin, ses yeux n’étaient plus qu’une étendue blanche et elle convulsa.

Au milieu des corps tièdes et sans vie, Dana s’effondra. Sa chevelure écarlate se répandit sur le dallage ocre à l’image d’un sang fuyant. Un instant, il ne se passa plus rien. Le temps avait suspendu sa course au-dessus de cette scène à la fois macabre et burlesque. Et l’ombre de Shar Dakhan veillait ce tableau morbide.

Jusqu’à ce qu’un frémissement agite les doigts de Polla. Ce minuscule signe devint bientôt un spasme. Et d’autres spasmes répondirent en écho, chez Mera, chez Sépha qui reposait encore sur le lit plus loin. Les deux esclaves, elles, ne bougeaient pas. La Sorcellerie de Dana avait possédé trois corps sur les cinq. Et la Sith était toujours inerte, étendue au sol comme endormie. Les défuntes s’ébrouèrent. Leurs chevelures défaites quittèrent le carrelage et les soieries pour se redresser. Exceptée Sépha, dont la figure ravagée attestait de sa mort, ces femmes avaient simplement l’air de revenir d’un long sommeil : leurs corps intacts, à la peau encore tiède bien que pâle, s’animaient.



Avant de sombrer dans l’inconscience, Dana avait espéré que Lloyd comprendrait. Qu’il comprendrait que c’était une diversion destinée à semer le chaos dans la demeure Rhysode pour leur offrir une chance de fuir ce désastre qu’était devenu Ch’Hodos. Elle aurait aimé le lui expliquer, mais elle n’avait pas trouvé de mots pour lui exprimer ce qu’elle s’apprêtait à faire. Elle n’avait pas osé lui dire, encore, qu’elle serait un monstre.









- Sépha ! insista Rhysode, sur un ton plus bourru et impatient, alors qu’il enclenchait en vain le panneau de commandes d’ouvertures des portes qui étaient verrouillées de l’intérieur.

Il s’apprêtait à demander l’aide de miliciens, mais les portes finirent par céder. Enfin, il aperçut la robe précieuse de son épouse. Le tissu couvert de sang l’alarma et quand il remonta ses rétines sur la face enfoncée de ce qui fut autrefois une épouse belle et charmante, il lâcha un cri étranglé. Et son cri se mua en hurlement quand il se rendait compte que ça bougeait. Rhysode se dépêcha de reculer et se mit à courir vers l’atrium. Déjà, les cadavres de Polla et Mera surgissaient, animés d’une fureur inhumaine. Une fureur que l’Inquisitrice avait distillé en elles.







Rhysode trébucha dans le bassin, s’attirant les exclamations surprises de ses convives. Des exclamations qui se métamorphosèrent en cris apeurés quand Mera avait attrapé un vase et l’avait fracassé sur la tête d’un homme chauve et qu’elle ne s’arrêtait pas et que le sang jaillissait. Ils ne pouvaient comprendre qu’elle était un corps sans vie, parce qu’elle avait l’air encore si belle, si vivante malgré sa quasi-nudité. Et Polla n’était pas en reste. Elle avait planté ses dents dans la gorge d’une dame et s’acharnait à lui retirer sa chair. Mais le plus grandiose fut l’arrivée de Sépha Rhysode, celle désormais sans visage.

C’était la confusion.

Akusha avait fini par se redresser, les poings serrés de contrariété. Il sentait la Force, il sentait la Sorcellerie Sith, le Côté Obscur à l’œuvre. Il enjamba les mètres qui le séparait de Rhysode et releva ce dernier avec force.

- Où est Dana Shar ?! siffla-t-il avec une froideur qui n’augurait rien de bon.

Pour une fois, il n’avait pas oublié son nom. Mais Rhysode n’arrivait à balbutier que le pauvre de nom de son épouse. Il nageait dans l’incompréhension, pris d’une fièvre soudaine. Akusha le repoussa avec dégoût et fit signe aux soldats tapis dans l’ombre de régler le problème des fauteuses de troubles. Et le bain de sang se poursuivit quand les blasters décochèrent leurs tirs impitoyables. Au milieu de cette foule, il y eut des dommages collatéraux. Les sbires d’Akusha ne s’encombrèrent pas d’épargner des vies innocentes, ils abattirent ce qu’ils purent pour atteindre Mera, Polla et l’espèce de chose au crâne défoncé. Les hurlements, les sanglots, les suppliques se mêlèrent dans un brouhaha sinistre. On tentait de fuir, et une masse compacte s’était rassemblée aux portes de la demeure, chacun se piétinait, tirait les cheveux de l’un, arrachait les vêtements de l’autre dans une lutte désespérée pour survivre.

L’atrium était devenu un champ de bataille. Et il ne restait plus que le cadavre animé de Sépha dont la chair était rongée par les tirs de plasma. Mais il semblait que la Force de Dana soit encore vivace. La main de la morte agrippa un chandelier proche et elle le jeta sur les tentures qui pendaient en décoration. Avant d’être définitivement abattue. Le Seigneur Akusha, escorté de ses miliciens, s’empressa de quitter les lieux non sans aboyer l’ordre de retrouver la princesse Dana.

Et un braiser magnifique naquit cette nuit-là. Les flammes dévorèrent la richesse des Rhysode. Jacet Ashar était l’un des rares à ne pas avoir fui. Dans ses prunelles brillaient l’incendie et un sourire goguenard était figé sur ses lèvres. Il voulait voir la bonne fortune des Rhysode partir en fumée.





Lloyd Hope
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Le hapien avait regardé les trois femmes se lever, dardant sur elle un regard stupéfait. Les bougies jetaient sur leur corps pâle des reflets étranges qui disparurent quand elles longèrent l’allée qui conduisait à l’atrium, déclenchant des cris.

Ce n’était pas la première fois que le hapien voyait quelque chose d’aussi étrange, loin s’en fallait. Seulement, il ne s’était pas préparé à voir les femmes qu’il avait assassinées être ainsi manipulées.

Tue-les. Débrouille-toi. Et fais disparaître leurs corps.

Dana avait prémédité cette attaque ? Les yeux émeraudes du hapien se reportèrent sur le corps évanoui de la Sith. Sous la toge simple qu’elle avait revêtu, il devinait les traces d’huile qui avaient laissé des marques rouges sur son derme. Une bouffée de chaleur envahit son corps et un bref instant, il haleta.
Le son des tirs de blasters se répercuta jusqu’à eux et il sembla soudain tiré de cette hyperventilation désordonnée.

Reprends-toi.

- Dana !

Lloyd accourut pour s’agenouiller auprès de l’Inquisitrice et la soulever à la hâte, comme il avait soulevé les autres esclaves quelques minutes plus tôt – les précautions en moins. Il se releva en trombe et courut, chargé de son fardeau inerte, vers l’extérieur. Des éclairs blancs provenaient de l’atrium, jetaient des lueurs spectrales sur les murs, tandis que des cris se répercutaient encore. Le hapien ralentit l’allure, ses pieds nus glissant sur le marbre des allées impeccablement entretenues, avant de s’arrêter complètement le souffle court : pour sortir de la demeure des Rhysode, il fallait passer par l’atrium, et dans l’atrium, Akusha comprendrait qui était le vrai boucher et ne le laisserait certainement pas emmener son épouse.

- Merde, merde.

Lloyd se retourna, faisant virevolter le tissu léger qui couvrait le corps de Dana, mais aucune autre voie ne se dessinait : à gauche, les grands murs se dressaient, bien trop hauts pour permettre la fuite. A droite, la cour d’entraînement des gladiateurs, dans laquelle émergeait Jephego au pas de course.

- Le boucher ?! Que se passe-t-il dans l’atrium ?

Le hapien eut un moment d’hésitation. Jephego n’avait encore rien vu. C’était une opportunité à saisir. Déjà, le grand homme masqué se mettait à courir vers la source des bruits mais Lloyd cria pour l’interpeler avant qu’il ne fut trop tard.

- JEPHEGO ! LA MAISON EST ATTAQUEE ! FAIS SORTIR LES GLADIATEURS !

Jephego s’immobilisa, ses petits yeux scandalisés derrière son masque, hésitant.

- Quoi ?
- NOUS ALLONS DEFENDRE RHYSODE ! N’Y VA PAS SEUL !

Le ton du hapien était soudain redevenue celle du militaire habitué au commandement, celui qui donnait des ordres à des troupes enserrées par l’adrénaline du combat, et Jephego n’y résista pas. Il fit un bref signe de tête au boucher avant de faire demi-tour, sortant de sa ceinture le trousseau de clés qui tinta bruyamment.

Les hommes sortirent un à un des cellules. Tous étaient largement éveillés à cause des bruits du combat, mais déboussolés par ces ordres soudains de Jephego leur ordonnant d’aller combattre. Lloyd déposa Dana à même le sol de la cour, sur le sable même où il avait mordu la poussière, où Jephego l’avait lardé de coups de fouet, pour mieux s’adresser aux combattants. Il n’y avait pas le temps.


- Le Seigneur Akusha a été insatisfait de la soirée et… du combat contre le boucher, annonça-t-il à la cantonnade, plantant ses yeux dans les gladiateurs, les convoquant un à un de la fièvre qui recommençait à l’animer. Il veut tuer l’hôte, il a déjà tué son épouse, il va tuer les gladiateurs un par un avant de tuer Rhysode lui-même.

Il y eut des exclamations étouffés. Derrière eux, le combat semblait s’appauvrir. Sépha avait-elle déjà rendu les armes.

- Je sais pas vous, mais moi, je dis non ! Nous n’allons pas mourir un par un comme des chiens, nous allons défendre la maison, et tous ensemble IL NE POURRA RIEN CONTRE NOUS ! MEME JEPHEGO SE BATTRA AVEC NOUS !

Il y eut aussitôt des cris de guerre, des cris de rage, des cris d’hommes qui ne voulaient pas abandonner leur vie lâchement. Quelques secondes plus tard, les gladiateurs se mirent à courir vers l’atrium, Jephego en tête. Le hapien fit mine de les suivre, mais après quelques pas il repartit vers la cour. Dana y était toujours allongée, déposée maladroitement, et il se hâta de la reprendre contre lui, la plaquant en travers de son torse avant de repartir au pas de course. A chacun de ses pas il sentait se balancer le corps de l’Inquisitrice le heurter dans des mouvements brefs, et la tête lui tourna un instant. Qu’est-ce qu’il avait, bordel ? Reprends-toi !








- AAAAH ! CHIENS DE RHYSODE, UNE EMBUSCADE !

Dans l’atrium, Darth Akusha défendait sa vie avec l’énergie que seul un Sith pouvait convoquer. Rhysode était toujours effondré dans la fontaine, à glapir des gémissements d’horreur. Plusieurs convives essayaient de se cacher, d’autres étaient déjà morts et leurs corps étaient piétinés par les gladiateurs qui, plus de vingt simultanément, emplirent l’atrium pour attaquer le Seigneur Sith.

Darth Akusha poussa un nouveau hurlement de rage. A l’aide de la Force, il avait augmenté sa vitesse d’une telle manière qu’aucun des assauts des gladiateurs ne touchaient leur cible. Le crépitement de son sabre laser venait de faire son apparition, au milieu des tirs de blasters de ses soldats, quand le hapien surgit chargé de son fardeau. Il s’immobilisa à l’entrée de l’atrium, un instant sidéré par le tableau d’horreur qui se jouait devant lui : une tête de gladiateur vola dans les airs lorsqu’Akusha la décapita de son sabre laser avant de s’attaquer à l’assaillant suivant.

Aucun gladiateur ne faisait le poids. Il aurait bientôt terrassé les vingt guerriers.

Le hapien n’attendit pas d’en voir davantage. Il appela la Force à lui pour, à son tour, gonfler ses capacités en une charge soudaine. Au milieu de la cohue générale, il se jeta dans une course folle, sautant les corps et les tables renversées, évitant une colonne de pierre d’un pas de côté, percutant un mur de l’épaule pour reprendre la bonne direction et finalement, il parvint enfin de l’autre côté de l’atrium.

Il était passé devant Akusha. Mais celui-ci était trop occupé par les assaillants.

Le sang battait aux tempes du hapien quand il parvint dans l’allée centrale de la demeure, celle qui conduisait au patio d’entrée, où les murs se rejoignaient jusqu’au portail de métal, haut et hérissé de pointes vers le ciel.
Le portail était fermé, mais deux silhouettes se trouvaient là, œuvrant dans l’obscurité : un homme aidait la silhouette d’une twi’lek qui avait posé un pied sur son épaule avant de s’agripper entre les pointes pour essayer d’escalader l’édifice.

- Hé ! appela le hapien. Shira ! Attendez !

Lloyd les rejoignit chargé de Dana en haletant, la sueur perlant sur son front et Hélios se redressa dès son arrivée. Shira parvint à enjamber le portail mais elle resta accrochée tout en haut, en équilibre, pour jeter sur lui un regard affolé.

- Le boucher ! le reconnut-elle soudain. Hélios, aide-le !

Mais Hélios avait jeté sur le hapien un regard outré.

- Quoi, avec la Princesse ? Et comment ?! On a du mal à sortir nous-mêmes, comment tu veux qu’on transporte un corps ?
- Je la porterai, insista Lloyd, aide-moi juste à la faire passer de l’autre côté ! Tu montes, je te la passe, et ensuite je vous suis.

Hélios allait répliquer quand un cri sordide leur glaça les sangs, venant de l’intérieur. Un gladiateur devait subir d’atroces souffrances.

- VITE ! cria le hapien.

L’humain se décida enfin. Il fit signe à Lloyd de l’aider à monter et Shira, quant à elle, se jeta de l’autre côté du portail. On entendit son pas léger de l’autre côté, tandis que le hapien déposait Dana à terre, une nouvelle fois. Puis il s’accroupit pour permettre à Hélios de lui monter sur le genou, puis sur l’épaule, avant de l’aider en se relevant à atteindre le bord du portail à son tour, plus haut. Hélios se percha à son tour, faillit perdre l’équilibre avant de se rattraper de justesse. Pendant ce temps, Lloyd avait saisi la princesse et il la porta à bout de bras, le plus haut qu’il put. Le corps inerte de Dana se désarticula, ses cheveux dansant au-dessus de la tête du hapien.

- Attrape-la !
- J’y arrive pas ! grogna Hélios, qui se tordait pourtant pour tendre la main, avant de laisser tomber. Ça sert à rien putain ! Même si je l’attrape, comment je fais pour la faire passer par-dessus !
- Je t’aiderai ! Je peux…
- Utiliser la Force ?

Lloyd tressaillit et le corps de Dana lui retomba dessus de façon désordonnée tandis qu’il se retournait. Il s’accrocha à la princesse des deux bras en faisant volte-face.

- Akusha.

Le vieillard avait pris quelques coups, en attestaient une pommette violacée et un pan de sa bure déchirée. Il descendait les marches de l’entrée de la demeure à pas mesurés, dardant sur Lloyd un regard dur.

- Serait-ce toi, le maillon manquant ?
- Je ne sais pas de quoi vous voulez parler.
- En tout cas, tu es le vrai boucher.

Il y eut un silence. Hélios s’était figé sur le portail, et il allait se décider à redescendre pour s’enfuir quand le hapien releva vers lui sa figure atterrée.

- Prends-la.
- Quoi ?!
- Prends-la !
- NON !

Lloyd jeta d’une poussée brusque le corps de la princesse au-dessus de lui. Hélios l’attrapa et perdit l’équilibre. Il fut renversé vers la rue et Lloyd l’entendit retomber de l’autre côté sous les cris étouffés de Shira, mais le hapien fit face à Akusha, prêt à l’empêcher de réagir. Mais ce dernier parut avoir anticipé le mouvement et à l’instant où Lloyd faisait un pas vers lui, il tendit une main vers le hapien.

Ce dernier ne comprit pas immédiatement ce qui se passa. Il fut propulsé en arrière et son corps se heurta avec violence contre le métal épais du portail. Sa tête avait frappé si fort que sa vue fut anéantie quelques instants, et son souffle coupé. Il s’effondra au sol, complètement sonné. Au-dessus de lui, il entendit le métal se tordre, puis s’arracher tandis qu’Akusha se frayait un chemin avec la Force. Bientôt, l’une des portes se coucha au sol avec fracas.

Le hapien rouvrit les yeux quand le seigneur Sith marcha sur le métal. Non pas parce qu’il espérait pouvoir s’enfuir à son tour, mais parce qu’Akusha l’avait attrapé par les cheveux et l’attira derrière lui comme une vulgaire poupée de chiffons, avec une force inattendue pour la silhouette décharnée qu’il arborait. Lloyd essaya de se redresser mais en vain ; il trébucha contre le sol chaud de la rue – du bitume que le soleil Ch’Hodien faisait fondre chaque jour. Mais il parvint à se tordre le cou malgré la douleur de son cuir chevelu, pour apercevoir Hélios et Shira qui, à deux, soulevaient Dana pour s’enfuir en claudiquant vers un speeder.

Akusha tendit sa main libre vers eux et avec horreur, le hapien vit le corps inerte de Dana être arraché des mains des deux esclaves pour voler dans les airs, à deux mètres au-dessus d’eux, avant qu’il ne la ramenât doucement vers lui.

Mais le seigneur Sith fut interrompu dans sa manœuvre. Lloyd s’était mis à se démener comme un diable. Usant de la Force à son tour, il s’était relevé pour tenter de s’arracher à la poigne d’Akusha. Ce dernier referma ses mains sur une touffe de cheveux du hapien qu’il venait de lui arracher tandis que Lloyd lui échappait. Il lâcha cette prise misérable pour mieux atteindre son sabre laser, mais déjà Lloyd bondissait sur lui, tête la première. Il planta son crâne dans le creux du ventre du Sith qui se renversa sous la force inattendue du hapien, que d’autres âmes avaient alimentée quelques heures plus tôt.

Akusha relâcha son emprise sur Dana, et le corps de l’Inquisitrice retomba au sol avec un bruit mat. Aucun des deux ne s’en occupait plus guère. Lloyd avait attrapé la main du Sith qui tenait le sabre laser et il se jouait entre eux un combat de Force invisible pour maintenir l’arme à distance – ou l’abattre sur le hapien. A quelques pas de là, Hélios et Shira revenaient sur leurs pas et attrapèrent Dana chacun par un bras pour l’emmener de nouveau vers le speeder. Ils la hissèrent sans ménagement avant de sauter eux-mêmes dans l’appareil. L’un de leurs acolytes démarra le moteur.

Lloyd sentit un vertige quand la sensation désormais familière de la Force se refermant sur sa gorge l’étreignit. La puissance du Sith était bien au-dessus de la sienne. Il ne tenait le choc, mentalement, que grâce à l’énergie ingurgitée plus tôt, et il savait que cet avantage allait vite s’affaiblir.

Tu n’arrives à te défendre efficacement que les premières minutes, disait la voix de Jephego dans sa tête. Ensuite, tu fatigues et tu baisses ta garde. Mais Jephego, à l’heure qu’il était, était sûrement mort.

Le hapien tenta le tout pour le tout. Il lâcha le poing du Sith, pour mieux jeter son front au milieu de la figure d’Akusha, de toute la force dont il était capable. Il ne le tuerait pas ainsi, c’était évident. Mais ce n’était pas son but. Il sentit néanmoins craquer un os, et il se releva le plus vite possible pour prendre le Sith par surprise.

Il utilisa ses dernières forces pour se jeter à la suite du speeder, qui commençait à partir. Dans son dos, il entendit un cri de rage d’Akusha, mais il n’avait d’yeux que pour les réacteurs du speeder qui jetaient derrière lui des flammes bleus vrombissantes. La Force le fit bondir en avant. L’instant suivant, il atterrit thorax contre la carlingue du speeder qui déjà avait pris de l’allure. Le choc lui écrasa les côtes. Son pantalon et une partie de sa jambe fut à moitié brûlé par l’un des réacteurs, mais déjà le speeder prenait un virage en trombe qui manqua de le déloger. Heureusement les mains d’Hélios et Shira surgirent des sièges arrière et le hissèrent à l’intérieur, où il roula confusément.

Les lumières des rues de Ch’hodos City défilèrent un moment au-dessus de ses yeux, tandis qu’il haletait pour reprendre son souffle. Déjà, Hélios enjambait le siège passager pour se remettre aux côtés de celui qui pilotait tandis que le visage de Shira apparaissait au-dessus de ses yeux.

- Ça va ?!
- La Princesse ?? lui cria-t-il en réponse pour couvrir le vrombissement des moteurs.

Shira lui fit un signe de côté. Dana était allongée sur l’une des banquettes du speeder et le hapien ne put s’empêcher de se traîner jusqu’à elle. Ses côtes de nouveau brisées lui arrachèrent un grognement de souffrance, mais il parvint à se recroqueviller près de l’Inquisitrice. Dans les lueurs des réverbères qui passaient à vive allure, et sous les yeux de Shira, Lloyd attira le corps de l’Inquisitrice à lui, la délogeant de sa banquette tandis qu’il posait son regard atterré sur les contusions dont Dana avait hérité. Elle était égratignée sur le front, arborait des bleus sur les épaules et… il reconnut d’autres bleus, d’autres brûlures.

Il la serra contre lui en enfouissant son visage dans ses cheveux, tremblant.

Shira détourna les yeux, essayant de lui offrir un peu d’intimité.







Quand l’aube se leva sur le véhicule toujours lancé à vive allure, Ch’Hodos City avait disparu. A perte de vue, des dunes et des rocailles oranges, le désert. Hélios avait pris son tour pour piloter, et l’autre conducteur somnolait sur le siège passager. Derrière lui, Shira essayait de rester éveillée, et ses prunelles bleues regardaient avec appréhension défiler cette étendue aride, les bras refermés sur ses genoux ramenés près d’elle, sa tête posé contre un appui-tête.

Et derrière encore, au pied d’une banquette salie par le sang et la sueur, le hapien avait à peine bougé depuis plusieurs heures. Il s’était endormi avec le corps de Dana sur lui, les bras refermés sur elle et les jambes emmêlées aux siennes, comme un serpent se serait mélangé à une proie avec jalousie, et malgré leur posture inconfortable, on les avait laissés tranquilles.

Le soleil perça l’atmosphère chargée de poussière qui traversait le speeder, se déposa sur leurs paupières closes.



Darth Hope
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Longtemps après l’aube, les droïdes et les services anti-incendie de la capitale seraient rassemblés autour de la grande demeure des Rhysode dont les flammes léchaient encore les murs d’acier et de marbre. La fumée qui se dégageat du braiser était visible à des kilomètres à la ronde et les médias de la planète ne tardèrent pas à s’agiter. Au palais, il fallut les contenir, retenir l’information, émettre de faux rapports officiels dont le Seigneur Akusha était si friand.

Ainsi, avant la nuit suivante, les journaliste titraient déjà, non sans un certain goût pour le scandale, que les résistants loyalistes, aidés par l’apprenti du Castellan Noir avaient attaqué la demeure du noble Rhysode, qu’ils avaient massacré ses convives innocents, abusé de son épouse et de ses hôtes et enfin que dans une tentative désespérée, après s’être attaqué à la princesse Dana Shar sur le point de prêter allégeance à Darth Ramken, l’avaient enlevée sans autre forme de procès pour qu’elle ne puisse exprimer librement sa nouvelle allégeance.

Dès lors, le clivage de la planète se renforça et la guerre civile débuta véritablement sur Ch’Hodos. Beaucoup se sentirent trahis par Hélios pour s’en être pris aux symboles historiques de leur peuple, pour avoir violenté la dernière Shar. Au mieux, ils se désintéressèrent de la cause loyaliste, au pire, leurs cœurs changèrent pour se joindre aux renégats. Quant à ceux qui avaient toujours été indifférents au conflit, ils le restèrent non sans amertume, non sans lassitude pour cette guerre civile qui se prolongeait et dont la violence résonnait désormais dans leur quotidien. On se méfiait également des esclaves, que l’on pensait à tort tous acquis à la cause de Hélios. Dans les maisons renégates de grandes purges débutèrent dès la sortie de l’article scandaleux. On envoyait les esclaves aux mines et on en rachetait de nouveau, de préférence de mondes lointains. Les marchands gonflaient leurs profits et surfaient sur cette vague soudaine. De partout, on capturait de pauvres malheureux pour remplir les étalages des commerces d’esclaves de Ch’Hodos City.

Une cité résistait pourtant à ce vent de folie. Dahara, la deuxième ville planétaire s’était renfermée sur elle-même à l’image d’une huître dont avait tenté de subtiliser la perle. Cet écrin de verdure, établi sur le bord du seul fleuve de la planète, se confinait au fur et à mesure que la guerre civile faisait rage.


Le Seigneur Akusha ne répondait pas aux sollicitations venues de Ziost sur l’état de la résistance loyaliste. Ces récents combats l’avaient poussé à concilier vieillesse dégénérescente et limites. Il avait trop donné et son corps se remettait à peine du prix à payer. Contraint d’être alité et sous surveillance pendant quelques temps, il transmettait ses ordres à son intendant qui se contentait loyalement de les relayer aux autorités et à la noblesse qui forgeait Ch’Hodos. Il avait fallu calmer les ardeurs des Seigneurs Taral et Kaar qui réclamaient les têtes de l’apprenti du Castellan Noir et d’Hélios pour la perte de leur progéniture.

Mais le plus grand silence provenait de la demeure Ashar. On ne vit ni n’entendit les survivants de la fratrie qui s’étaient murés chez eux et les portes du domaine demeuraient obscures et closes.





[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]




Et quand Dana ouvrit péniblement les yeux, l’aube était encore rouge et conquérait le dangereux désert qu’ils traversaient encore. Sa gorge sèche eût soif, son ventre vide eût faim, mais elle ignora leur appel car elle était absorbée dans la vision du visage familier de Lloyd Hope, si près du sien. L’intérieur de l’habitacle était étouffant de chaleur. Le speeder ne supportait plus très bien cette longue cavale à travers les étendues arides et sauvages. Shira avait fini par s’endormir elle aussi, mais sa main était discrètement gardée par celle d’Hélios qui avait repris sa place de passager. Tous leurs corps épuisés ballotaient au gré de la vitesse changeante, des cahots, des ralentissements brusques pour éviter un obstacle naturel qui soudain jaillissait. Un nouveau soubresaut plaqua davantage Dana contre le hapien, et ils coulaient tant l’un contre l’autre qu’elle eût l’impression qu’ils n’étaient plus qu’une seule entité, qu’une seule et même respiration. Mais celle du Sith était sifflante à mesure que chaque inspiration cisaillait un peu plus ses côtes fêlées. Le visage de l’Inquisitrice se troubla dans une grimace compatissante. Elle tentait de rassembler les morceaux épars de sa mémoire, de reprendre le fil de la soirée catastrophique. A la place, elle ne réussit qu’à expulser des larmes silencieuses, comme si son corps savait avant son esprit. Et soudain, elle plaqua ses lèvres contre le front de Lloyd, marqué d’un hématome sombre. A son tour, elle passa ses bras endoloris autour de lui et serra davantage pour le protéger, même s’il n’y avait peut-être plus de danger, même s’il était trop tard pour ça, elle l’étreignit fort, malgré sa respiration en souffrance et les grognements d’inconfort qu’il émit depuis son sommeil à peine réparateur.

- Lloyd, je…débuta-t-elle dans un murmure.
- On va bientôt arriver, surgit la voix d’Hélios alors qu’il s’était courbé pour enjamber une partie de son siège et s’installer à côté de Shira endormie. Il darda sur leurs membres entremêlés un long regard et Dana leva le sien vers lui, surprise.
- Hélios…
- Je pensais pas que tu étais capable de ça.
- De ça. Tu parles de…
- Je parle pas de combattre ou de Force, la coupa-t-il. Je parle de sentiments, autre que la rage, la haine ou la tristesse.

Conservant un silence gêné, elle se détacha de Hope et s’évertua à le ramener sur la banquette. Encore un grognement de douleur et elle prit plus de précautions pour ne pas le réveiller. Une fois étendu, elle souleva sa tête blonde, s’installa sur le siège et laissa retomber la joue du hapien sur ses cuisses. Ainsi, elle faisait désormais face à Hélios et reprenait un peu de contenance.

- Shira et toi, débuta-t-elle d’une voix blanche.
- Tu le sais peut-être pas, mais sa mère était l’esclave personnelle de Damaya. Elle est morte brûlée vive avec le reste. Tu dois pas t’en rappeler.
- J’avais autre chose en tête, souffla-t-elle en abaissant les yeux vers le visage presque paisible du Sith qui reposait sur elle.
- Toujours est-il qu’on veut la même chose, Dana. On veut chasser tous ces bâtards de Ch’Hodos, Akusha, Tiamat. J’espérais y arriver sans toi mais, je suis pas un Sith.
- Mais t’as du sang Shar, répliqua-t-elle, acerbe. Ironiquement, quelques esclaves en ont. Je suis pas la dernière…

Elle avait dit ça comme on énonçait une fatalité et il sourit au moment où un rayon solaire filtra sur leurs figures.

- T’es la dernière Sith à porter ce nom, ça revient au même.

Dana se mordit l’intérieur de la joue pour maîtriser ses émotions et dévia son attention au-delà de la vitre du speeder pour détailler le paysage rocailleux et ardent. Ils se rapprochaient des montagnes.

- Je me rends compte que je connais pas Ch’Hodos. J’ai grandi à la Forteresse, j’ai connu Ch’Hodos City, je suis allée à Dahara une seule fois avec Papa et je m’en souviens même plus.
- Il va falloir remédier à ça, s’amusa Hélios. Un jour. Quand on aura remporté la victoire. Je pensais vaincre Akusha seul, je m’y étais préparé.
- Il faut un Sith pour le vaincre. Un Sith comme Papa, répliqua-t-elle. Ou un Sith comme…
- Damaya, finit-il. Je sais.

Et il se retourna, reprenant la main douce de Shira au creux de la sienne. Dana arracha ses yeux dorés à la contemplation du paysage aride et s’intéressa à d’autres reliefs qui formaient les traits magnifiques de Lloyd Hope. Elle glissa le bout de ses doigts le long de son nez, contre le rebondi de sa joue pâle, remonta vers les horizons semblables à des champs de blé ; ses phalanges disparurent sous les mèches blondes, encore salies de sang à certains endroits. Ou un Sith comme Lloyd Hope…voulait-elle dire.




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Ch’Hodos n’avait pas d’océan, pas de mers, pas de lacs. Son eau se puisait au plus profond de sa roche rouge et brûlante d’où surgissait la source d’un unique et long fleuve aux rives parfois verdoyantes, permettant à des oasis de naître ou de se créer moyennant l’installation de systèmes et de canaux d’irrigations. La sécheresse frappait Ch’Hodos City mais pas ces régions où une agriculture modeste côtoyait moins de technologie et où les superstitions étaient fortes et bien ancrées. Mais en dehors de ces paysages rassurants, le désert dévorait absolument tout, excepté, peut-être, les nombreuses montagnes qui peuplaient la surface de la planète et renfermaient des mines de minerais précieux. Certaines n’étaient que des tombeaux, parfois oubliés, où gisaient d’anciens Seigneurs Siths, parfois des descendants de Shar Dakhan, parfois autre chose, comme des descendants de Kissai ou de Massassis qui autrefois peuplaient la planète à son âge d’or. Le sable et la pierre avaient englouti ces vestiges que de rares archéologues Sith avaient tenté de percer, mais Ch’Hodos était un monde mineur, boudé en faveur de ses grandes sœurs comme Korriban ou Khar Delba. On ignorait donc encore beaucoup des trésors qu’elle pouvait receler.


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Hélios en avait trouvé un. Au cœur d’une chaîne de montagnes rouges aux mines désaffectées. Au-delà de ces pics acérés qui côtoyaient le soleil pourpre, une vallée de canyons écarlates abritait une ancienne cité Sith désormais en ruine. C’était là, qu’il avait établi son quartier général, à l’abri des regards, profitant des systèmes d’un ancien bouclier défensif qu’il avait réussi à remettre en marche grâce à des générateurs à plasma extérieur. Il avait alimenté ainsi une partie de ce que le réseau d’énergie de cette ancienne ville offrait encore. Il y avait trouvé des droïdes poussiéreux, la moitié bonne pour la casse, mais l’autre moitié possiblement opérationnelle si on changeait leurs batteries et qu’on les bricolait un peu. Hélios était plus tôt fier de ce repaire tombé du ciel ou presque, qu’il avait trouvé après des jours d’errance dans le désert et les montagnes à être traqué par les soldats renégats. Il avait vu ça comme un signe. Un signe qu’il avait du sang Sith, lui aussi, et que la Force -si elle lui refusait sa sensibilité, avait consenti à le conduire ici.





Sous les vestiges des bâtisses, des thermes fonctionnels puisaient leurs eaux d’une source jalousement ancrée dans la roche montagneuse. Le plafond vouté, ouvragé à même la pierre sombre était pas et les bassins dessinaient un labyrinthe d’intimité et de secrets. Shira passait un tissu parfumé entre les cuisses sales de Dana qui trempait dans l’eau fraîche. Elle remonta le tissu sur son ventre, le long d’une hanche et recommença. Le clapotis de l’eau créé par ses mouvements résonnait dans un silence étrange.

- Il y aura peut-être un héritier en fin de compte, constata franchement la twi-lek quand elle comprenait ce qu’elle nettoyait contre les courbes intimes de la princesse. Il n’y avait pas que de l’huile, ou de la poudre cuivrée, mais autre chose qui avait séché et qui semblait prometteur.
- Ne dis pas n’importe quoi, lui répondit l’Inquisitrice en se pinçant les lèvres, s’efforçant de laisser le souvenir refluer à l’image de cette eau pure qui rinçait tout. Shira avisa les marques sur le corps qu’elle toilettait.
- Je suis rassurée, sourit enfin Shira après avoir soulevé la chevelure rousse pour frotter doucement la nuque et laver la transpiration.

Un parfum entêtant commençait à flotter dans l’air.

- Rassurée ? répéta pensivement Dana.
- Oui, le bouc..je veux dire, le Seigneur apprenti du Castellan Noir. Et vous. Vous…
- Nous formons une équipe, coupa-t-elle en se dégageant des soins de la bleutée, agacée. Nous travaillons ensemble. C’est assez, je suis propre, je vais m’habiller.

Ses forces lui revenaient progressivement, malgré la fatigue. Un plateau échoué sur le bord d’un des bassins, près de sa tunique légère témoignait qu’elle avait pu manger et boire avant son bain. Il ne restait plus que la douleur des courbatures et les souvenirs qui hantaient sa mémoire.







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Lloyd avait été transporté dans ce qui ressemblait à l’ancienne aile médicale de la structure. Les lieux abandonnés depuis des lustres faisaient pâle figure, mais un droïde médical s’était occupé de lui ainsi que l’un des médecins qui composaient les rangs loyalistes. Et quand Shira guida Dana jusqu’à lui, elle s’était attendue à le voir alité, mais son cœur loupa un battement en le remarquant debout, faisant face à l’une des baies qui donnaient sur le paysage rougeâtre des canyons qu’enfermaient les montagnes. La luminosité du jour leur parvenait à peine, mais jetait sur eux des reflets carminés. La twi’lek les abandonna à leur solitude. Shar décrivit brièvement les lieux d’un regard incertain. Quelques moniteurs étaient allumés, on avait bricolé des consoles qu’on avait péniblement raccordé à un réseau capricieux. Elle avait revêtu une tenue qui lui seyait plus que les robes au déshabillé sulfureux. Ses courbes étaient jalousement gardées par du cuir sombre, qui gainait sa taille et ses cuisses et une bure légère alourdissait ses épaules. Elle était redevenue l’Inquisitrice Sith et ses cheveux bien rangés en une tresse pourpre encadraient son visage pâle. Ses talons résonnèrent contre le dallage quand elle s’approcha de lui. Elle avait un comlink dans une main gantée, un sabre-laser dans l’autre.

- Tu devrais pas être debout, je crois, débuta-t-elle. On m’a dit que tu avais beaucoup de blessures et qu’il te fallait du repos. Et…

Elle laissa un silence s’installer avant de déclarer avec aplomb

- J’aimerais vraiment que tu te reposes et que tu ailles mieux, ok ?

Et dès qu’il se retourna, elle ne sut empêcher son corps de se précipiter pour se heurter violemment à lui et l’enlacer avec force. Elle ne disait rien de plus et reprenait son souffle contre lui, le visage enfoui dans l’uniforme noir qu’on lui avait prêté. Il sentait le kolto synthétique et elle sentait les huiles parfumées et elle respira le mélange des deux, resserrant ses bras autour de lui pour qu’elle le sente vivre.

- J’ai qu’un seul co-équipier et c’est toi, alors…repose-toi.







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