Darth Hope
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Tiamat patientait à l’ombre d’un dais que portaient deux esclaves transits de chaleur. Le soleil reflétait sur leurs muscles seyants une fine pellicule de sueur et d’huile d’apparat. La dame Sith fustigeait du regard le vaisseau qui venait de se poser sur le quai extérieur et privatif de l’astroport de Ch’Hodos City. Les vaisseaux, les speeders qui s’élevaient dans les cieux, s’abaissaient vers la terre ou filaient droit permettaient parfois de contrer la morsure du soleil, mais jamais bien longtemps. Leurs ombres n’étaient pas assez grandes pour couvrir le principal dieu de la planète : son astre solaire. Depuis quelques temps, une sécheresse impitoyable sévissait sur une bonne partie de la planète, créant un climat défavorable à la paix. Les esprits s’échauffaient. Le prix de l’eau avait atteint son seuil le plus haut et le plus intolérable pour les plus pauvres. On faisait venir à coût exorbitants de la glace en provenance des glaciers de Ziost afin de remplir les réservoirs des palais. Toute cette tension, cette course à l’eau, rendait les Ch’Hodiens plus superstitieux que jamais. Les Temples, les dieux, les Siths , n’avaient jamais autant adulés qu’en cette période funeste.

La veuve de Ch’Hodos s’impatienta quand la passerelle heurta le marbre blanc du quai. Elle fit un signe paresseux et des soldats en uniforme pourpre, dont les pièves d’armures rutilaient au soleil engagèrent une haie d’honneur depuis la passerelle. Ou un couloir de la mort. Aux côtés de la dame, l’Intendant d’Akusha paraissait nerveux. Sa peau de falleen avait viré au violacé comme la teinte de sa toge et il guettait, mourant de chaud.



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- Je vais lui donner la tête moi-même et c’est non négociable.

A une heure de l’atterrissage, Dana créait déjà un drame. Elle faisait face à Lloyd devant le congélateur qui servait de sarcophage macabre aux restes de Jaden Ashar. Ses cheveux ondulaient comme au saut du lit et son regard portait encore des traces de sommeil. La soie rouge de son kimono tombait lascivement sur son épaule pâle. Mais sa figure portait le masque de la détermination et de l’entêtement.

- C’est moi qui ai voulu que Jaden meurt, je veux assumer ça devant mon époux. Et lui prouver moi-même ce qui arrive quand on me pousse à bout.

Il allait répliquer mais elle plaqua un index autoritaire contre ses lèvres pincées de désaccord.

- Epargne ta salive pour autre chose, sourit-elle.




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Une gueule et des crocs acérés jaillirent de la passerelle. Des griffes puissantes griffèrent le revêtement de marbre. Luis grogna, non mécontent de retrouver l’air libre après des jours d’enfermement. Sa longue queue se balançait dangereusement dans les airs et dans ses pruneles rougeâtres, un feu animal se consumait. Tiamat releva le menton et pinça le nez, incommodée par la présence de l’animal. Tel père, telle fille, songea-t-elle avec amertume. Ce goût par les choses sauvages la rendait malade. Tout près d’elle, le falleen s’était crispé. A la sueur induite par la canicule s’ajouta la froide transpiration de la peur. Un dévaronien apparut ensuite, tout petit dans l’ouverture du Sans-Visage. Il eût un sourire gêné pour le comité d’accueil et fit un petit signe de la main.

- C’est une vaste farce, s’agaça Tiamat, en lissant sa robe noire aux liserais argentés. Pourquoi Akusha est-il absent ? Il devrait récupérer sa petite catin lui-même.
- Navrée, dame Tiamat, le Seigneur est retenu par des émissaires de Sa Majesté Ramken.
- Et bien qu’il ne tarde pas. Ou je ferai en sorte qu’il devienne veuf, claqua-t-elle d’un ton sec. Cette garce me fait attendre.

L’Intendant déglutit avant de s’incliner en guise de soumission. Il n’avait rien pour apaiser la colère de la Dame Sith et préférait lui opposer un silence prudent. Il était habitué aux caprices ceux qu’ils servaient, qu’ils portent le nom d’Akusha ou de Tiamat ne changeait rien. Le profil bas demeurait la meilleure solution si l’on souhaitait garder la tête vissée sur ses épaules. Le soleil frappait au plus et au plus fort quand Dana apparut enfin.

Les soldats tournèrent leurs regards vers elle, ainsi que sa mère, l’intendant, les esclaves. L’espace d’une seconde son apparition captiva les âmes. Elle était celle que tous attendaient. Celle qui ferait peut-être revenir la pluie. Qui sauverait Ch’Hodos comme Shar Dakhan le fit. Et sa beauté magnétisait la moitié d’entre eux. Il n’y avait pas de vent sur Ch’Hodos, pas de brise, rien qu’une chaleur pesante, mais sa chevelure de jais semblait flotter dans les airs. Sa cicatrice à la lèvre brillait, frappée par la lumière du soleil, brisant le rouge qui peignait ses lèvres. Elle arborait la robe carmine de Ruth. Dans son ombre, Lloyd avançait. L’Inquisitrice dévisagea les soldats présents et une contrariété désagréable lancina son âme. Dès qu’elle fut arrivée devant sa mère, les hostilités débutèrent.

- Où sont les miliciens de la Forteresse ? Ces soldats portent les insignes des renégats.
- Ils portent fièrement les insignes du véritable Empire Sith, répondit Tiamat, froidement. Tes miliciens ont déserté dans les montagnes à l’Ouest où ils se terrent avec le reste de tes admirateurs. Ton cher mari a…eu la générosité de nous prêter ces soldats dévoués au Seigneur Ramken.
- Encore des rides, sourit ironiquement Dana. L’Alchimie aurait donc des limites.
- Surveille ta langue. Où je te la ferai couper.
- Dame Shar ! intervint l’Intendant en se pliant en deux, dans l’espoir de mettre fin à cet échange dangereux. Nous sommes honorés de votre retour. Le Seigneur Akusha a hâte de vous retrouver.
- Très hâte, souligna Tiamat d’un ton à la fois glacial et plein de satisfaction, comme si elle savait ce qui attendait précisément Dana.
- Il est bien le seul.
- Un nouvel esclave ? cracha-t-elle en remarquant la discrète présence du hapien.
- Au cas où les miens auraient déserté.
- Ils sont bien là, mais je te préviens, certains ont perdu leur langue. Tu vas devoir te satisfaire de celle de ton mari.

Dana crispa un sourire alors que sa mère faisait demi-tour. Mais les poings de l’Inquisitrice étaient fermés, soulignant la tension qui éclatait dans ses muscles. Elle aurait aimé la tuer, mais répandre le sang de Tiamat sur le sol de Ch’Hodos n’était pour le moment pas envisageable. Elle se détourna vers l’intendant.

- Je te laisse mon esclave et mes affaires.
- Bien sûr, bien sûr, Dame Shar.

Et elle s’engouffra dans les pas de sa mère, Luis sur les talons, pour disparaître dans le bâtiment qu’était l’astroport de Ch’Hodos City et dont le métal et le verre absorbaient ardemment la lueur solaire. Le falleen tordit son faciès de colère pour s’adresser au blond.

- Qu’est-ce que tu fais planter là, imbécile ? Va chercher les affaires de ta maîtresse et suis-moi.



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Les paysages ch’hodien défilaient sous le regard amer de Dana. L’espace urbain et dense de la capitale où se jouait le pouvoir avait laissé place aux étendues arides, parfois auréolées d’une végétation, d’un village fait de bric à broc, d’étales de marchands d’esclaves. Le speeder dévalait les routes poussiéreuses de Ch’Hodos. Dans l’habitable, Dana et sa mère se faisaient face dans un silence absolument polaire. Des kilomètres en arrière un petit convoi suivait : les soldats, les esclaves, les affaires, mené par l’intendant.

- Nous n’allons pas au palais de Ch’Hodos City, Akusha est en pleine orgie ? Quelle est son excuse cette fois ?
- Où est Jaden Ashar ? persiffla Tiamat.
- Il a eu un accident.
- Akusha a décidé de redorer le blason de Ch’Hodos, il s’est installé un temps à la Citadelle.
- Hein ? s’étrangla l’Inquisitrice en se redressant sur son siège.
- Il a dit qu’il y mettrait de l’ordre.
- Ce sale petit enfoiré, il n’a pas le droit !
- Oh, et il a pris les quartiers de ton père, ajouta-t-elle comme on mettait de l’huile sur le feu.

Dana préféra conserver le silence, la lèvre pincée jusqu’au sang, fixant les arêtes de la Citadelle se découper dans le lointain. Une nostalgie empoisonnée écrasa sa poitrine.



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Akusha ajustait les bracelets d’or à ses poignets noueux. Les émissaires de Ramken venaient de quitter la Citadelle tandis que d’autres oiseaux de mauvais augures s’y présentait. Il ajusta sa toge carmine, qui dénudait une partie de son torse décharné. Une twi’lek à la peau carmine et aux courbes ostentatoires s’approcha pour lui tendre un flacon de parfum et il s’en aspergea généreusement le cou. Il se tenait, en conquérant, dans la pièce principale des appartements de feu Shar Ram. L’ombre de sa silhouette se découpait dans la fresque peinte sur les murs, qui relatait les exploits de Shar Dakhan. Akusha détestait cet endroit. Un droïde protocolaire se présenta à l’entrée pour annoncer d’une voix synthétique défaillante l’arrivée de celle qu’il avait trop attendu.


Gravir les marches de la Forteresse était une épreuve en soi. Elles étaient nombreuses. Les habitants demeuraient la plupart du temps au premier niveau, où s’étendaient un immense marché et des habitations creusées à même la roche de cette falaise désertique. Le deuxième niveau concernait la caserne de l’ancienne milice des Shar, désormais occupée par des soldats de Ramken. Le troisième niveau était alloué aux esclaves et enfin, le dernier niveau au sommet protégeait le palais imposant. Une nuée d’oiseaux s’échappa des arbres sauvages qui se montraient depuis les jardins suspendus. Dana s’arracha à cette contemplation tandis qu’elle entrait dans la aula du palais, escortée par sa mère et deux soldats. Des esclaves se tenaient terrés dans l’ombre des piliers et des murs. Quelques droïdes allaient et venaient en silence. L’endroit était spacieux et sombre. Une certaine fraîcheur y régnait, contrastant avec la chaleur infernale dont l’air de Ch’Hodos était embrasé. L’intendant arriva cinq minutes après et fit un signe dédaigneux vers Lloyd pour qu’il dispose et parce que le blond semblait perdu, un autre esclave l’attrapa par le bras et le tira dans un recoin d’où ils pourraient assister au spectacle tout en étant disponibles pour leur maître.

Le visage ridé et hirsute d’Akusha émergea à la lumière. Assis sur le trône qu’occupait autrefois le père de Dana, il tendit la main et invita Dana à approcher, ce qu’elle fit d’un pas de plomb.

- Lana, enfin.
- C’est Dana, répondit-elle.
- Qu’est-ce qu’on en a à foutre ? gronda-t-il et elle dévia son regard ailleurs, parce que l’image d’Akusha vautré sur son trône lui brûlait la vue et les entrailles. Tu as pris du poids non ? Depuis la dernière fois.

Ses doigts noueux dansèrent dans l’air, tissèrent la Force autour du tissu qu’elle portait et un pan de sa robe céda, dévoilant un sein devant l’assemblée silencieuse de notables, d’esclaves, de soldats. Mais Dana demeurait impassible.

- On voit encore tes os à certains endroits, mais le reste c’est bien. Il faudra que tu manges plus. Où est Jaden ?
- Il aurait eu un accident, intervint Tiamat.
- Pas tout à fait, déclara Dana en reculant pour se diriger vers l’uns des caissons que Lloyd et d’autres esclaves avaient transportés jusque-là.

Akusha se redressa un peu, intrigué par le suspens que ménageait son épouse. De ses mains, elle fit céder le couvercle de l’un d’entre eux et délogea un sac qu’elle ouvrit. Ses doigts se refermèrent contre le cuir chevelure de la tête décapitée d’Ashar et elle se détourna, remontant les quelques mètres qui la séparaient du trône. Tiamat eut une légère grimaça de dégoût.

- Tu es complètement folle.
- Oui, je le suis ! répliqua Dana vers sa mère, furieuse. Il a mérité son sort.

Elle jeta la tête qui roula aux pieds du Seigneur. Il baissa ses petits yeux clairs sur le front du mort, y déchiffra la signature bien connue de Laduim. Les regards s’évertuèrent à rester bien bas. Une tension dangereuse oppressait les lieux.

- C’était mon apprenti, quel dommage de voir qu’il était aussi faible, commenta-t-il. Que dois-je comprendre, Lana, ou Lara, que…tu viens me mettre au défi.
- Que j’avais pas besoin de cet enfoiré pour retrouver le chemin de Ch’Hodos.
- Il fallait la marque de Laduim pour ça ? persiffla Tiamat, pleine de colère. On devrait t’exécuter.
- Laduim m’envoie un avertissement à travers ma propre épouse ? Pff, cela manque de sens, ricana Akusha avant de réclamer un verre de vin à son esclave twi-lek qui se dépêcha d’obéir, les genoux tremblants. Tu l’as tué toi-même ?
- Quelle importance ?
- Bien sûr que non. Et c’est pour ça que je t’en veux pas, déclara-t-il, la mine sombre. Laissez-nous, tous. Dehors.

Et fut comme une nuée d’insectes qui s’éparpillaient par tous côtés. L’esclave traîna Lloyd par le bras vers une porte de service dérobée. « Faut pas rester là » lui souffla-t-il dans un très mauvais basic. Tiamat et l’Intendant furent les derniers à quitter la grande salle qui ne résonna plus que des respirations de Dana et Akusha.

- Ton petit numéro m’a beaucoup fait rire. Qui a tué Jaden ? Que je renvoie la tête de son meurtrier à Laduim. Echange de bons procédés.

Elle prit une grande inspiration, mais ne dit rien.

- Parle !
- Je n’ai rien à dire, Seigneur Akusha, articula-t-elle simplement.
- Oh que si, lâcha-t-il de sa voix rauque. J’organise bientôt une cérémonie dans l’Arène, en l’honneur de Darth Ramken. Ses émissaires seront là, pour voir le sang des traîtres couler.

Encore un silence. Alors il but son vin, l’observant d’un œil mauvais, comme s’il était déçu par ce qu’il voyait.

- Ces cheveux noirs. Ils me déplaisent. Tu te les feras teindre. Je t’épargne l’humiliation du blond. Choisis une couleur qui me plaira. Et prends du poids. Tu es vraiment laide, comme ça. Tu trouveras un présent de bienvenue dans tes quartiers. Porte-le. Il m’a coûté cher.

Ironiquement, elle songea au kimono de soie rouge. Les ordres d’Akusha étaient sommaires. Ils cachaient sa colère monstrueuse.

- L’un de tes anciens esclaves a débauché la moitié de ta milice. Ils forment des poches de résistance inacceptables. Fais-leur retrouver la raison, ou ta chère planète finira à feu et à sang. Et tu finiras dans les flammes avec elle. Ta mort pourrait aussi régler bien des problèmes.



Lloyd Hope
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Lloyd avait été quasiment mutique depuis qu’ils s’étaient levés. Il s’était changé, pour revêtir un simple jean noir et un tshirt blanc, prenant soin de ne prendre avec lui rien qui pût permettre de l’identifier : pas de papiers, évidemment, pas de vêtements à l’insigne de la Marine Impériale, et Dana prendrait son sabre et son comlink à sa place. Pas de veste, donc pas de photo de Mat’aenna.

Il avait bien essayé de protester mais Dana l’en avait empêché, alors il était retombé dans un silence bougon. Seul Mumkin avait eu droit à une réprimande quand, lorsqu’il était remonté sur la passerelle chercher les affaires de Dana, le dévaronien s’était exclamé sur le statut de Lloyd.

- Nooooon, esclave ? T’es sérieux là ? C’est moi où elles sont de pire en pire tes couvertures ?
- Ta gueule et barre-toi vite fait.

En guise d’au revoir. Lloyd n’avait été soulagé que lorsqu’il avait vu le Sans Visage s’envoler dans les airs, quand il avait jeté un regard en arrière depuis le speeder chargé des valises de Dana. Autour de lui les conversations allaient bon train dans un basic chargé d’un accent nouveau pour lui. Un air chaud battait son visage quand le véhicule accéléra et il avait déjà chaud. Il se doutait que ses vêtements n’étaient pas approprié à cette planète, mais on lui en donnerait certainement de nouveaux lorsqu’il serait installé. En attendant, il laissait courir ses prunelles sur le paysage orange de la planète. C’était beau et… Sec. Il déglutit avec un soupir. Plus les secondes s’écoulaient et plus il se disait qu’ils ne s’étaient pas suffisamment préparés, qu’il aurait peut-être dû détourner Dana de cette ambition prématurée. Et puis… Il avait toujours un peu honte du cadeau qu’il lui avait fait. Elle avait dit qu’il était… Bien. Et qu’il n’aurait pas dû. Il se demandait s’il devait voir dans ces commentaires en demi-teinte la confirmation que ce cadeau n’avait vraiment de sens que pour lui. Sa petite voix disait qu’il n’aurait pas dû. Elle l’emmerdait. Elle et l’Intendant dont la tête ne lui revenait pas.



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- Ça va pas ? T’es malade ?
- Quoi ?

Le hapien s’était retourné pour faire face à l’esclave qui l’avait tiré de la pièce. C’était un type un peu plus jeune que lui, aux épaules rondes, au crane rasé et aux sourcils blonds. Les deux hommes se trouvaient dans un couloir sombre, bas de plafond. Plusieurs petites portes apparaissaient ici et là et la seule lumière venait de petits interstices dans le toit. Lloyd en déduisit que seuls les esclaves circulaient dans ce genre d’endroits exigus et sombres. Mais il se fichait pas mal de son environnement.

- J’sais pas, on dirait que t’as vu un mort.
- Ah nan, nan, ça va.

CA N’ALLAIT PAS DU TOUT. MAIS ALORS PAS DU TOUT. Dana avait sorti l’avertissement de Darth Laduim beaucoup trop tôt, Akusha la menaçait déjà, et bien sûr il ne pouvait pas intervenir. Lloyd était devenu rouge, puis blême, et il transpirait abondamment.

- Il faut trop chaud, sur votre planète.
- Ben t’as vu comment t’es sapé, aussi… Krishka te donnera autre chose dès qu’on montera.
- Krishka ?
- Oui, c’est la gouvernante, fit l’esclave. Tu t’appelles comment ?
- L… Vance.
- Ok Vance, moi c’est Lirik.

L’humain lui tendit la main et Lloyd la serra sans hésitation. Lirik allait déjà poser une autre question quand soudain, une porte s’ouvrit à la volée.

- Dame Shar monte dans ses quartiers, souffla une voix, et la porte se referma aussitôt.
- Ça c’est pour toi. Tu prends les affaires de la dame et tu les montes à ses appartements.

Il y eut un bref silence, durant lequel Lloyd se retourna un instant vers la porte par laquelle ils s’étaient enfuis de la salle du trône et où se trouvait encore Dana. Il aurait payé cher pour assister à ce qui se passait entre eux maintenant.

- Hé, fit Lirik. Tu comptes prendre des coups de bâtons dès le premier jour ou quoi ? Grouille ! Par là !
- Oui, oui.

Le hapien se hâta de prendre la porte qu’on lui indiquait. Il réapparut dans le hall, où les malles de Dana se trouvait toujours, et il s’en empara avant de regarder autour de lui, un peu paumé.

- Hum. Pardon, mais…

Une femme très jeune, aux tresses blondes un peu grossières, se retourna alors qu’elle était occupée à remplir une grande vasque d’eau. Elle parut outrée d’être ainsi interrompue dans sa tâche. Elle jeta à Lloyd un regard courroucé.

- Qu’est-ce que tu veux ? chuchota-t-elle.
- Les appartements de D… Dame Shar. J’sais pas où c’est.
- Tout au bout, de l’autre côté des jardins, faut les traverser.

Le hapien acquiesça de la tête et s’éloigna vers les quelques marches somptueuses qui conduisaient à une allée bordée de statues imposantes, mais la voix de la jeune femme l’interrompit presque aussitôt.

- Pas par-là, enfin ! Le chemin de service, à droite.

Lloyd prit le temps de se retourner pour lui grimacer un sourire désagréable.

- Trop aimable. Mer-ci.

Le hapien avait marché le long d’un passage caché à l’ombre d’un mur épais, fait de pierre jaune comme les dunes, passant sous des balcons chargés de plantes odorantes. Des jardins suspendus, il n’entrevit que quelques branches au feuillage élégant entre deux allées. On entendait le son de l’eau clapotant dans les bassins, témoins du luxe de la forteresse par rapport au reste de la planète qui semblait se dessécher à perte de vue. Il avait croisé d’autres esclaves qui allaient en sens inverse, et on lui avait jeté des regards méprisants. Il supposa que c’était à cause de sa tenue.
Quand il arriva à l’autre bout des jardins, il osa sortir de l’ombre pour rejoindre deux autres esclaves. Un jeune homme et une femme d’un certain âge qui le fusilla du regard dès qu’il s’approcha. Tous deux étaient d’une blondeur que le soleil rendait lumineux. Lloyd commençait à clairement comprendre ce que Dana avait voulu dire quand elle lui avait parlé de ses cheveux et de la position qu’ils lui donneraient sur sa planète.

- Qui es-tu ? avait lancé la femme d’une voix autoritaire.
- Vance. Au service de Dame Shar. J’apporte ses affaires.
- Un nouveau, commenta le jeune homme à ses côtés.

Si la femme était grande, plantureuse, avec des formes généreuses que ne cachait pas le drapé de la tunique d’un jaune solaire qu’elle avait revêtu, l’homme était quant à lui un peu gringalet. Il ressemblait à un adolescent qu’on avait affublé d’un pagne trop grand pour lui.

- Vance. Elle le toisa de la tête aux pieds, en le jaugeant. Ou le reluquant, il ne savait pas trop. Tu n’es pas Ch’Hodien. Tu connais nos coutumes et ton travail ?

Lloyd s’humecta les lèvres avant de répondre. Il faisait si chaud.

- J’étais esclave sur une autre planète. Je ne suis pas sûr d’être… Au point.
- Que sais-tu faire ?
- Heu… Les travaux manuels ? La mécanique, en particulier.

Soudain il eut une sueur dans le dos. Non, il ne fallait pas qu’on l’envoie vers les speeders, il fallait qu’il restât à côté de la Princesse de Ch’Hodos.

- Avant je m’occupais aussi de la sécurité de mon maître précédent, s’empressa-t-il d’ajouter. Et bien sûr, le ménage, les trucs comme ça.
- Mouais, fit la femme, dubitative. Bon, suis-moi. Chekat, viens avec nous.

Krishka – car c’était bien elle – fit rapidement faire à Lloyd le tour des quartiers lumineux de la Princesse de Ch’Hodos. Il n’eut guère le temps de s’extasier devant une terrasse ombragée par de grandes feuilles de palmier séchées, ou sur le puits de lumière qu’un atrium accueillait avec une fraîcheur inattendue. Le bruit de l’eau courait entre les parois, comme des bassins communiquaient élégamment. Le lieu était paradisiaque, mais le hapien essayait de se concentrer sur les propos de la gouvernante. Il s’agissait, comme il l’avait deviné, d’une sorte de chef des esclaves, esclave elle-même d’ailleurs.

- Bon, ici tous les esclaves ont des tâches majeures et des tâches mineures, en fonction de leurs aptitudes. Les tâches majeures sont celles qui sont à effectuer prioritairement pour toi. Par exemple…

Krishka s’arrêta pour faire face au hapien. Sans gêne, elle tâta son bras, puis son torse.

- Parmi tes tâches majeures, tu iras recharger les blocs de glace, pour qu’il y ait toujours de l’eau qui alimente les bassins de la Princesse. C’est une tâche qui nécessite du muscle et peu de cervelle, expliqua-t-elle avec un sourire mesquin. Les tâches mineures sont celles que font tous les esclaves indifféremment, mais après s’être chargé de leurs majeures. C’est par exemple, nettoyer les sols, servir à boire, lessiver les étoffes.

Ils s’arrêtèrent devant une chambre et le hapien fut un instant distrait. Il avait entraperçut un grand lit, des voiles blancs devant des ouvertures où une légère brise s’engouffrait, une décoration délicate. Il fut étonné de ce que la chambre de Dana n’eut rien à voir avec ce qu’il avait pu imaginer. Mais il ne savait pas très bien à quoi il s’était attendu de toute manière. Il déposa les affaires là où Krishka lui indiqua d’un doigt et une jeune femme prit le relais en déballant les affaires de la Princesse. Lloyd abandonna à regret les lieux pour suivre la gouvernante.

- Tu vas porter quelque chose de plus approprié, tu te fais beaucoup trop remarquer comme ça. Ensuite, tu pourras commencer à travailler. Tu t’y feras vite, tu verras. Il y a deux règles principales à respecter : premièrement, ici pas de lambinage. Quand tu as fini tes majeures de la journée, il y a toujours des mineures à faire. Deuxièmement, l’ordre d’un maître, de Dame Shar ou de n’importe quel membre de la famille ou invité de celle-ci, passe avant tout, quoiqu’il arrive. On te donne un ordre, tu l’exécutes. Peu importe la nature de l’ordre, peu importe ce que tu étais en train de faire.

Le hapien acquiesça en silence quand Krishka se retourna vers lui. Ils étaient arrivés dans une petite arrière salle où se trouvaient des bassines. Un esclave était entièrement nu, il se lavait sommairement sans une once de pudeur. A quelques pas de là, une autre esclave rinçait des étoffes. Des fils étaient tendus entre deux murs, où étaient suspendues des vêtements en train de sécher. Au milieu de la pièce, un trou, avec une échelle.

- Nous dormons un peu plus bas, dit Krishka comme il posait les yeux sur cet artifice inattendu. Tu pourras aller te reposer sur certaines heures de la nuit. Si aucun des maîtres n’a besoin de rien, bien sûr. Si tu respectes les règles, que tu travailles bien et que tu évites de te faire remarquer, tu verras que les maîtres seront cléments. Dans le cas contraire… Je me chargerai en personne de te faire regretter tes mauvaises conduites.

Elle avait dit ça sur un ton acide.



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Le hapien ne vit pas Dana pendant plusieurs heures. Si aux premiers instants il n’avait guère su que faire de sa carcasse, Krishka lui avait rapidement trouvé des tâches. Il avait récuré la tuyauterie d’une fontaine, aidé à dresser sur son piédestal une nouvelle statue qu’Akusha avait fait venir avec un groupe d’autres esclaves – la statue représentait Akusha lui-même, il était certain que cela plairait beaucoup à Dana – puis il avait dû écosser pendant une bonne heure des petits grains qui seraient nécessaires en cuisine. Pendant tout ce temps, Chekat avait toujours été à quelques pas, à faire des tâches inutiles, à lui lancer des œillades discrètes que Lloyd avait rapidement remarqué. Le petit devait être là pour le surveiller et cette sensation était désagréable.

Quand enfin il entendit Dana dans ses appartements, Krishka l’avait chargé de gratter à l’aide d’un petit outil toutes les anfractuosités de la balustrade ouvragée, ancienne, de la terrasse. Le soleil tapait sur son torse nu et il devina sans peine que bientôt, inhabitué qu’il était à un tel climat, sa peau serait rouge vif. Ses cicatrices luisaient de sueur, qui coulaient en gouttelettes sur un espèce de pantalon large et noir dont on l’avait affublé. En dehors de cela, il ne portait rien d’autre qu’un collier de cuir sombre, très près du cou, semblable à tous ceux que portaient les esclaves de la Citadelle. A l’intérieur du collier scellé, qui certainement devait certifier son appartenance à Dame Shar, on avait ciselé à la hâte son prénom, non sans au préalable avoir barré d’un trait au couteau le nom du précédent propriétaire – un certain Friskiat, mort pour avoir mal exécuté les ordres, avait expliqué Krishka. En dehors de ce pantalon et de ce collier, il était donc pieds nus. Mais les esclaves gardaient la citadelle d’une propreté exemplaire, et il avait à peine un peu de poussière sous ses pieds. Avec cet accoutrement, au moins, il ne détonait plus par rapport aux autres esclaves. On ne lui jetait plus de coup d’œil méprisant : il avait carrément disparu, comme une décoration discrète des appartements de la Princesse de Ch’Hodos.

Quand il vit Dana apparaître à l’intérieur, le hapien ne put s’empêcher de se redresser. Chekat se releva lui aussi pour l’observer. Le garçon était chargé de la même tâche que Lloyd et n’avait pas dit un mot pendant la dernière heure. Le hapien n’avait pas daigné lui parler non plus, mais il se doutait bien que le moindre comportement inapproprié de sa part serait rapporté. Alors à contre-cœur, avant même d’avoir pu croiser le regard de l’Inquisitrice, il s’accroupit de nouveau pour se remettre à l’ouvrage, le visage fermé et le front suant.
Darth Hope
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- C’est une blague ? lâcha sèchement Dana en levant les yeux sur la nouvelle statue qui trônait dans le hall principal. A l’ombre des piliers, la queue de Luis apparaissait et disparaissait, capricieuse et volatile. La créature veillait en silence ce qui ne rassurait pas l’intendant dont l’échine se courba face à la fureur sourde de l’héritière.
- Une toute nouvelle statue, une offrande.
- Elle n’a rien à faire là. Qu’on retire ça tout de suite, ordonna-t-elle alors qu’elle se tordait les doigts d’anxiété, maîtrisant sa colère.


Contre chaque mur ocre, des sculptures, deux fois plus grandes qu’un humaine. Elles étaient taillées dans le marbre sombre et corrompu des montages de l’ouest. A chaque fois qu’un Seigneur de Ch’Hodos, un Shar, succombait à la mort, il avait droit à son portrait en pied, gravé à jamais dans le temps et l’Histoire. Et Akusha se permettait, de son vivant, d’ériger son ego, aux côtés des pères de Dana, de ses aïeux, de Shar Dakhan lui-même. Oh non, pensa-t-elle avec haine, elle ne laisserait jamais ça passer.

- Le Seigneur Akusha serait très en colère, c’était un de ses présents pour votre retour.

Dana le tança d’un regard aussi noir que la pierre qui figeait ses ancêtres.

- Retire-moi ça. Ou je te fais jeter du haut de la Forteresse. Si mon estimé époux y prend ombrage, qu’il vienne me le reprocher. Et évite de me coller de si près. Je ne supporte pas ta sale odeur d’alien.
- Je...je vais voir, souffla-t-il en reculant, toujours courbé, la mine contrite.


Elle jeta une œillade méprisante à l’image d’Akusha et dans un tourbillon d’étoffe soyeuse, s’engouffra dans le reste du palais, tendue de colère. C’était une fuite en avant misérable. Les statues lui avaient donné l’impression de la juger incapable de se tenir devant ce glorieux passé et de s’en prétendre héritière. Damaya aurait mieux fait les choses, elle le savait. Luis poussa un grognement qui terrorisa les esclaves restés dans l’ombre de leur maîtresse. Cette dernière évita soigneusement les jardins suspendus et regagna ses appartements par un escalier principal à côté duquel on creusait la roche dans l’optique évidente d’installer un turbolift. Akusha, Tiamat, souhaitaient moderniser ce Fort demeuré statique trop longtemps. Elle ignora cette vision grotesque.



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Le privilège des hauteurs était de capter une légère brise que le commun des mortels, écrasé au sol, ne savourait pas. Chaque appartement du sommet de la Citadelle était doté d’une terrasse. Celle de Dana était orientée vers l’ouest et y poussait diverses plantes qui permettaient d’offrir un peu d’ombre, sauf pour les esclaves qui s’échinaient à faire revivre la balustrade. Sa main déplaça l’un des voiles translucides qui séparait sa suite du grand balcon. Le feuillage exotique des plantes qui rampaient sur la terrasse dessina sur son derme pâle une mosaïque d’ombre et de lumière.

- Kirshka ! appela Dana, d’une voix bien forte.

Quelques secondes après, la gouvernante surgissait dans une posture dévote.

- Oui, Dame Shar.
- Debout, vous deux, lança-t-elle vers Lloyd et Chekat.

Dana se tenait altière devant eux et méconnaissable.
Le soleil impitoyable de Ch’Hodos mordait sa chevelure sculptée en tresses et boucles, que surplombait un diadème. Et le jais avait laissé place à une rivière écarlate, éclaircit par des tons cuivrés. Elle avait passé ces dernières heures à exécuter les commandements d’Akusha. Sa nouvelle couleur de cheveux se mariait parfaitement avec sa robe émeraude qui rappelait les yeux de l’esclave à la peau torturée par le soleil. Le drapé soyeux ouvrait une vue un éventail sur sa poitrine rebondie et retombait sur ses hanches pour couvrir ses jambes.

Contre sa gorge, des pierres verdâtres formaient un collier qui cascadait jusque son décolleté. Le présent d’Akusha. Un ouvrage de joaillerie travaillé avec les minerais précieux des mines du sud ch’hodien.

- Tu n’as rien de plus utile à leur donner comme tâche ?

La gouvernante ne dit rien, gardant son regard rivé au sol.

- Je veux le nouvel esclave au service du souper. Fais quelque chose pour sa peau d’ici-là.

Kirshka fit de gros yeux vers les deux hommes pour les inciter à sortir. Alors que Lloyd la dépassait, Dana se retourna.

- Pas lui. J’en ai encore besoin.
- Besoin pour Dame Shar ? osa-t-elle demander, un peu surprise et surtout, très au fait des dispositions de sa maîtresse pour ce genre de besoin.
- Terminer la tâche que tu lui as confié, depuis quand dois-je rendre des comptes à mes esclaves ?
- Bien, Dame Shar.

La doyenne lança une œillade méprisante vers le Sith, comme s’il venait de commettre un impair, puis attrapa le plus jeune par le bras pour l’entraîner dehors. Alors que le hapien retournait à sa besogne et que le calme relatif régnait de nouveau, Dana s’assit sur le bord de la méridienne qui meublait la terrasse et le regard faire. Elle décrivit les traces que l’étreinte solaire avait déjà déposé sur ce derme dont elle connaissait la texture par cœur.

- Akusha s’est absenté. Sans doute une fête orgiaque dont il doit absolument profiter, dit-elle en faisant mine de s’adresser au vide. Sers-moi du vin.

Sur une table en métal forgé, une carafe de vin artorien et une coupe en cuivre patientaient sagement qu’un esclave daigne obéir. Dès qu’il s’exécuta, qu’il fut assez proche pour qu’elle puisse plonger son regard dans le sien, elle pinça ses lèvres vermillées. Il lui tendit la coupe au creux de laquelle le breuvage brillant se troublait. Elle la saisit, voulut la tirer à sa bouche mais il raffermit sa prise, le verre lui résista. Dana leva un regard furibond vers Lloyd. Elle lut directement, dans tout ce vert qui inondait ses yeux, tous les reproches qu’il souhaitait lui adresser. La tête de Jaden. La présence d’Akusha dans ce qui était censé être son fief. Le collier. Un collier qui, il le savait, devait brûler la peau de la gorge gracile de Dana et réduire en miette sa fierté.

- On n’offre pas ce genre de regard à sa maîtresse. Je dois mettre Akusha dans de bonnes dispositions. Et faire profil bas, souffla-t-elle en tirant sèchement sur la coupe pour l’arracher des mains de Lloyd. Ne fais pas confiance à Krishka. Elle appartient à ma mère, articula-t-elle ensuite à voix basse, profitant de la proximité pour faire passer son avertissement

Les lieux étaient trop vétustes pour permettre des dispositifs d’espionnage, mais les récents travaux de modernisation lancés par Akusha étaient en train de changer la donne. Et elle préférait ne pas tenter le diable. Un droïde bardé d’un mouchard, l’oreille d’un esclave trop curieux. Akusha cherchait à l’humilier : la statue, la coloration de sa chevelure, le bijou à porter autour du cou. Il n’y avait guère plus que le sabre-laser de Lloyd qui pendait à sa hanche pour la conserver du côté Sith. Elle savait toutefois que répondre à l’humiliation serait précipité un faux-pas. Elle devait prendre le recul nécessaire pour analyser la situation. Elle n’arrêtait pas de se demander ce que Damaya aurait fait dans cette situation, mais elle avait sa réponse. Damaya Shar, la parfaite princesse, aurait charmé et manipulé. Dana ne pouvait être dans la confrontation perpétuelle, pas sans allié, pas en infériorité numérique. Elle devrait faire parler ce qu’il y avait de plus obscur en elle. Et elle se désolait que Lloyd soit là, soudainement. Sa présence aurait dû réconfortante, mais il devenait témoin de son humiliation et bientôt témoin d’une partie d’elle qu’elle ne voulait pas lui dévoiler. Il y avait ce masque, elle ne savait plus très bien quel masque, mais elle n’avait pas envie de s’en revêtir devant lui.

Cette couleur de cheveux, songea-t-elle alors que la première gorgée de vin lui parut fade et acide. C’était faire d’elle une esclave haut de gamme. Lui épargner l’humiliation de la blondeur. Il souillait le hall de son palais de cette statue hideuse et l’obligeait à nier son ADN par ce caprice fantaisiste. Il souhait façonner une Dana Shar selon l’image qu’il lui convenait : pulpeuse, amusante, peu contrariante, avec une couleur de cheveux qui lui plaisait. En gros, il voulait d’une bouffonne et non d’une épouse. Akusha devrait prendre garde à ce que la création ne se retourne pas contre son créateur. Parfois, on pensait avoir le contrôle et il n’y avait que le chaos.

Mais le rouge lui allait si bien. En choisissant cette couleur, la même que le sang, la même que ses lèvres, la même que le kimono de soie qu’on lui avait offert, c’était à Lloyd Hope qu’elle espérait plaire et non à Darth Akusha. Lui, oh, lui, elle espérait qu’il détesterait ce choix.




Lloyd Hope
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Le hapien avait lâché le verre en pinçant les lèvres. Il n’avait pas répondu tout de suite. Lui aussi craignait, peut-être plus qu’elle encore, d’être écouté par des oreilles indiscrètes. Il était enfin débarrassé de Chekat, mais il savait que ce n’était que momentané. De plus que voulait-il dire exactement ?

Au début, les changements que Dana avait visuellement opérés l’avaient déstabilisé. Il avait l’impression d’avoir affaire à une autre Dana que celle qu’il avait eu à bord du Sans Visage et le fait qu’elle lui parlât si sèchement avait fait naître en lui une colère sourde. Il se pencha pour reposer la carafe de vin et en profita pour pouvoir lui répondre sur le même ton qu’elle avait eu avec lui, à voix basse.

- Si mon regard est inconscient, je dois dire quoi du numéro que tu as joué devant ton mari ?

Il avait du mal à masquer son acidité. Une part de cette émotion piquante avait des racines légitimes. Une autre part, et il le savait bien, était beaucoup moins noble. L’humiliation de n’être personne face à ce couple noble, et d’être traité suivant ce même constat : comme un inférieur.
Il s’était redressé et ils se défièrent un instant du regard, avant que Lloyd ne quittât la terrasse.



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Krishka jeta devant lui un bol en bois. Le fond du contenant luisait des restes d’une pâte épaisse et cireuse, d’une couleur vert clair. Le hapien était assis dans l’arrière salle aux bassines, où il avait eu enfin droit à une pause. Il avait dit à la gouvernante qu’il n’avait pu continuer la terrasse parce que Dame Shar avait demandé à être seule. La gouvernante l’avait chargé de nettoyer des nappes dans des bassines avant de les étendre. Un travail à l’ombre. Une clémence qu’il devait à Dana, mais il ne ressentait aucune gratitude pour le moment.
Quand il eut terminé, il s’était assis à même le sol près d’une ouverture pour profiter d’un peu d’air. Il avait ramené ses genoux entre ses bras, les pieds croisés et le regard aiguisé dérivant sur le paysage qui s’offrait au-delà de la petite arche. Il n’avait eu qu’une poignée de minutes à lui avant que la gouvernante ne débarquât avec son onguent. Le hapien avait baissé les yeux sur le bol.

- Tu appliques ça là où ça brûle, persifla Krishka.

Visiblement, la gouvernante n’avait pas apprécié de devoir appliquer un traitement de faveur au nouvel arrivant. Elle aimait habituellement procéder autrement : par l’humiliation et l’injustice, elle poussait les moins dociles des esclaves à prendre des libertés pour commettre des erreurs avant d’être exécutés. Quant à ceux qui avaient l’intelligence de se soumettre à son règne sur les esclaves, ils devenaient de bons et loyaux larbins. Mais ce Vance, décida-t-elle, ne payait rien que pour attendre, ce qui l’aidait à exécuter les ordres de Dame Shar avec un semblant de dignité.

- N’en profite pas pour te la couler douce. Tu dois aider les autres à retirer la statue.
- Heu… Celle qu’on a monté ce matin ?
- Oui, ordre de Dame Shar. Tu as quelque chose contre ça ?
- Absolument rien.
- Parfait. Quand ce sera fait, tu serviras le souper à la Princesse. Il s’agit d’aller chercher les plats et de les lui apporter, de la servir tout au long du repas puis de débarrasser. Tu crois que ce ne sera pas trop dur pour ta petite peau fragile ?

Le hapien releva vers la gouvernante un regard envenimé. Il pinça les lèvres pour se maîtriser.

- … ça devrait aller, grogna-t-il en baissant les yeux à nouveau.
- Bien. Et tu te laveras avant le dîner. Tu sens la sueur, c’est odieux. Pense à te laver après chaque tâche qui te fait transpirer. Sinon, tu vas incommoder les maîtres.

Krishka tourna les talons, laissant un Lloyd qui soupirait de frustration devant son bol. D’abord Dana qui le traitait comme un vrai esclave, sans la moindre douceur, qui portait la nouvelle robe que son mari lui avait offert et qui devait coûter dix fois plus cher que son kimono de merde. Ensuite il comprenait bien qu’il allait finalement être tenu à l’écart de ce qui se tramerait entre Dana et Akusha. L’homme avait beau être vieux et moche, si Dana avait décidé de se soumettre, qu’il touchât la moindre de ses mèches était une idée insupportable et il se demandait quelle folie l’avait pris de vouloir assister à ça. Et enfin cette pâte qu’il était censé s’appliquer tout seul dans le dos. Merci beaucoup, je regrette pas d’être venu, pour découvrir le paysage et les traditions locales.

- Fais pas cette tête, je vais t’aider si tu veux.

Le hapien tourna la tête vers sa droite. Une jeune esclave à demi drapé de blancs, ses seins complètement apparents entre de fines chaînes de métal brillant, lui adressa un sourire encourageant. Elle portait une tresse blonde, un maquillage légèrement aguicheur. Lloyd détourna le regard, gêné par tant de nudité non anticipée. Elle ne parut pas remarquer son embarras et vint s’agenouiller à ses côtés.

- C’est toi, Vance, c’est ça ?

Elle s’étaient penchée pour ramasser le bol, et elle récupéra un peu de cire du bout des doigts.

- Quoi, je suis déjà connu ? grommela-t-il.
- Il n’y a pas très souvent de nouvelles têtes. Enfin ça dépend des moments. Et puis tu t’es fait remarquer en arrivant. Aucun esclave ici ne se… pavane comme toi.
- Hein ?

Le hapien s’était tourné un peu brusquement. La fille le regarda, amusée, avant de poser ses doigts sur sa nuque. La cire était fraîche et soulageait la sensation de brûlure.

- Ne le prends pas mal. Je sais pas où tu as exercé mais chez nous, les esclaves doivent être en retrait. Toi quand tu traverses le jardin, on dirait que tu es un contremaître qui inspecte le travail. Ou un militaire qui cherche des mines dissimulées.

Oups.

- Ah. Hum… C’était pas pareil là d’où je viens. Je faisais dans la sécurité, pas dans le montage et le démontage de statue.

Elle gloussa avant de se mordre la lèvre inférieure.

- Tu le fais exprès ou quoi ? Tu vas pas survivre longtemps si tu critiques les décisions des maîtres.
- Je critique pas, voyons, c’est tout à fait normal de poser une statue de pierre de trois mètres de haut juste pour voir si elle va bien avec le reste, et de changer d’avis ensuite. Ca arrive à tout le monde.

Cette fois-ci la femme rit franchement.

- C’est pour ce genre d’insolence que t’as autant de… de marques ? dit-elle en remettant un peu de cire, un peu plus bas cette fois.
- Ah, ça… Non, c’est… J’ai dû me battre beaucoup pour protéger mes propriétaires précédents.
- Je vois.

Elle avait dit ça sur un ton léger, comme si elle n’en croyait pas un mot. Elle reconnaissait par endroit la trace de vieux coups de fouet sur la peau du hapien. Et les brûlures ne lui évoquaient pas les marques de sabres à laser, mais le métal chauffé à blanc que l’on appliquait parfois sur un esclave peu conciliant, ou sur les prisonniers de guerre.

- Moi je danse, dit-elle de but en blanc.

Elle traçait du bout des doigts des petits ronds délicats, pour faire pénétrer la cire. Le hapien était retombé dans la contemplation morne du palais. Par une petite ouverture, ils voyaient l’un des bassins des jardins suspendus. Il aurait aimé s’y rafraîchir. Ça ne serait pas au programme.

- C’est ta tâche majeure, c’est ça ? dit-il pensivement au bout d'un moment.
- Exactement.

Ça expliquait la tenue très légère.

- Et t’es pas censée faire des tâches mineures quand tu as pas une danse à exécuter ?

Elle sourit.

- J’ai un peu plus de chance que les autres. Quand je serai plus vieille, oui, sûrement. Mais pour l’instant, les maîtres veulent préserver mon corps, je ne dois pas abîmer mes mains sur des tâches ingrates.
- Quelle chance.
- Tu parles de moi, ou de mes maîtres ?

Lloyd ne répondit pas.

- Tu t’appelles comment ?
- Léti.
- Ok Léti, je devrais pouvoir me débrouiller à partir de là.

La jeune femme avait en effet commencé à appliquer la cire sur les épaules de Lloyd dans des gestes appuyés après s’être occupée de son dos et il craignait d’accepter une ambiguïté dont il ne maîtrisait pas les tenants et les aboutissants.

- Comme tu voudras, dit-elle en haussant les épaules.

Elle essuya ses mains sur son propre corps avant de disparaître. Le hapien termina de s’enduire avant de retourner dans l’allée aux statues pour aider les autres esclaves à retirer ce qu’ils avaient eu tant de peine à monter quelques heures plus tôt. Une part de lui redoutait un peu le souper. Il aurait dû en avoir hâte, mais il savait que ses propres ruminations de la journée empoisonnerait probablement le vin de la Princesse.
Darth Hope
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Dana avait regagné l’intérieur de ses appartements. Tel un fantôme de pierres précieuses et de soieries, elle s’était dirigée d’un pas morne vers la pièce la plus intime où son lit trônait, couvert de draps blancs. Aucune expression ne faisait vivre son visage maquillé et elle jeta un regard circulaire sur les lieux dont le ballet d’un droïde protocolaire dérangeait la tranquillité. Elle réfréna un sursaut chaotique dans sa gorge, mais réussit à contenir ses larmes, malgré le picotement dans ses yeux.

- Droïde. Dit-elle lâchement.

Le robot contrastait dans cet endroit si luxueux, fait de roche, de marbre, de tentures coûteuses. Seul un terminal holographique ancienne génération semblait s’accorder à lui, ainsi qu’un panneau de commandes discrètement intégré dans un mur à l’ancienneté douteuse. Le droïde bipa en levant ses deux bras mécaniques en l’air. On avait recouvert son corps métallique d’une toge blanche aux coutures pourpres, ce qui paraissait tellement ridicule. Mais il avait toujours été là. Parce que contrairement à un être organique, il ne dormait pas. La plupart du temps, il servait d’intermédiaire et de messager entre les maîtres et les esclaves.

- Appelle-moi Helios, ordonna-t-elle en s’installant sur le bord de son lit, croisant ses jambes. Et dis-lui d’apporter du meilleur vin que la merde qu’on m’a mis sur la terrasse.

Quelques bips plus tard et Dana était abandonnée à la solitude la plus complète.


Elle s’étendit au milieu de son lit et fixa le plafond voûté et ouvragé. Il était difficile de refluer les larmes et les souvenirs. Les premières coulaient déjà sur les reliefs de son visage, emportant le khôl, le blush et tous les artifices. Là où elles dévalaient, elles fissuraient le masque. Elle était chez elle.

Et quand le droïde revint bredouille, bipant vaguement qu’Hélios étaitt absent, elle dut se faire une raison.

Elle était désormais complètement seule.



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Tiamat porta élégamment une bouchée de viande à ses lèvres pincées. Dana reposa sèchement son verre d’eau. Elles dînaient dans la salle du palais dévouée aux repas. Et il y avait d’autres couverts installés, ce qui voulait dire que des invités devaient se présenter et qu’ils étaient soit en retard, soit absents. Pour ce que Shar en avait à foutre, de toute façon.

- C’est Hélios. Celui qui aurait débauché la moitié de la milice.
- C’était vraiment très drôle, répondit sa mère en la dévisageant avec une pitié méprisable, de voir ton droïde parcourir le palais à sa recherche. La petite fille à papa qui cherche désespérément son petit chien. Qu’est-ce qu’il te fallait cette fois ? Si tu avais besoin de te faire culbuter et bien….

Elle désigna les autres esclaves dressés dans l’ombre et attendant patiemment leur heure, pour servir de nouveaux plats.

- Le choix est vaste.
- J’arrive pas à croire que vous vous comportiez comme ça. J’ai grandi avec lui, souffla-t-elle en serrant le poing contre les drapés de sa robe émeraude.
- Et alors ? Ca ne l’empêche pas d’avoir pris la tête de cette rébellion ridicule. Peut-être que si tu ouvres tes jambes, il reviendra à la raison.
- Je voulais simplement qu’il me serve du vin ! s’écria Dana avec rage, outrée par les sous-entendus de sa génitrice qui visiblement, prenait un plaisir malsain à la torturer de la sorte.
- Comment va cette chère Darth Runà, puisque nous en sommes à parler de chiens loyalistes. Croit-elle toujours que tu es un genre d’élue de ses prophéties ridicules.

Dana secoua la tête, attérée. Sa mère semblait avoir repris du poil de la bête. La trahison rajeunissait visiblement. Elle qui n’avait été que l’ombre de Shar Ram, que la sorcière de la Citadelle qui ne sortait de sa tour que pour rabaisser sa progéniture, avait pris cette position de force qui aurait dû revenir à sa fille. Il ne fallait pas rentrer dans ce jeu de provocation et de haine.

- Je présume donc qu’elle va bien. Et nous ne nous en réjouissons pas. Je retourne sur Ziost dès demain et je laisse la décrépitude de cette planète maudite. Et souris, notre invité ne tardera pas.
- Des invités ?
- Il fallait te prévenir peut-être ? Ma pauvre, je crois que tu n’as pas pris conscience de ta situation. Les Ashar nous rejoignent pour le dessert. Il faut bien qu’ils récupèrent la tête de leur pauvre frère. Dont tu as lâchement commandité la mort. Mais ne t’inquiète pas. Le Seigneur Akusha m’a demandé d’apaiser les braises de la vengeance.


Jaden Ashar était le membre d’une fratrie de quatre héritiers. Il en était le plus jeune, le cadet prodige, le seul qu’avaient béni la Force et le Côté Obscur. Ses parents avaient tant espéré sa naissance afin de préserver la face devant le reste de la noblesse Ch’hodienne. Une lignée sans véritable Sith affilié à la Force tombait rapidement en disgrâce et rejoignait des couches moins privilégiées de la population. Dans força un sourire complaisant avant de boire de nouveau. Le petit Jaden avait sauvé son clan du déshonneur et l’avait même élevé. Un fils. Doué pour la Force. Cela valait plus que deux filles sensibles à ce don. Tiamat avait tout fait, usé de son alchimie, de certains de ses contacts scientifiques sur Ziost. La vie lui avait toujours refusé un troisième enfant qui aurait pu être un Sith. Les relations entre Shar Ram et elle avaient commencé à se dégrader dès ce moment-là.

Dana n’avait qu’un souvenir vague des frères de Jaden. Elle se souvenait de l’aîné, Jared Ashar. Et de deux jumeaux. Et ce fut le premier dont les pas résonnèrent fermement contre le dallage de la salle. Il était escortée par deux soldats et un droïde de combat dernière génération. Il portait un uniforme sobre et un magnifique sourire planait sur son visage. Un visage presqu’identique à celui de Jaden. C’était comme si la mort venait d’arriver à la Citadelle, personnifiée par des traits masculins. Elle détourna sa vue de lui, craignant de vomir. Darth Tiamat se leva pour le saluer avec toute l’hypocrisie dont elle était capable.

- La princesse Dana Shar, s’exclama-t-il avec aplomb en s’installant sur la place libre aux côtés de l’Inquisitrice.
- Jared…dit-elle sans grand enthousiasme.
- Nous allons faire venir le dessert, sourit poliment Tiamat.
- Non pas la peine, trancha-t-il sèchement. Je l’ai déjà sous les yeux.

Elle ignora le compliment sinistre. Il claqua froidement de ses doigts gantés de noir et l’un des soldats se précipita vers eux. Dans l’assiette encore pleine de Dana atterrit la tête mutilitée de Jaden Ashar. Elle affronta de nouveau son regard vitreux, aux orbites coulantes, son expression béante, ses joues nécrosées. Une sueur désagréable rafraîchit sa nuque contre laquelle, Jared Ashar ne tarda pas à faire glisser une paume conquérante.

- Je dois faire le deuil de mon petit frère, par votre faute.
- Elle ne l’a pas tué, rappela la mère.
- Ne me touchez pas sans ma permission, Jared, avertit Dana.
- Sinon quoi ? (Il se pencha un peu plus et fit couler entre ses phalanges la rivière d’émeraude qui cernait le cou de la Sith.) Un présent d’Akusha ? Ces pierres ont la propriété d’être insensible à la Force, je me trompe ?Enchaînée comme une chienne, en attente d’un jugement….qui je le regrette ne viendra pas de ma main.
- Jared, ça suffit, insista Tiamat.
- Dîtes-moi que vous regrettez, princesse, que la tête de mon frère soit dans votre assiette et que vous l’avez ramenée vous-même.
- Elle regrette.
- DITES-LE ! hurla Jared, la figure déformée par la haine.

Dana resta impassible. Elle dévia lentement son visage jusqu’à rencontrer les prunelles de son charmant interlocuteur.

- Jared. Dana Shar est folle, nous le savons tous. Sa fugue passée, sa faiblesse perpétuelle…Laduim s’est servi d’elle pour ce sombre dessein. Il faut dire que la génétique des Shar ne pardonne pas. Elle est folle, comme son père. Elle n’a pas tué Jaden Ashar. Et elle est prête à se repentir.







Elle tendit la main alors qu’il s’éloignait d’elle. D’un geste méprisant, elle dégagea la tête de Jaden de son assiette et sous les regards consternés des témoins de la scène, s’empara de sa fourchette et de son couteau. Elle découpa avec précaution la viande qui avait servi de socle au crâne décapité. Et une première bouchée disparut entre ses lèvres vermeilles et charnues, ensorcelant l’assemblée. Tiamat grinça un soupir de dégoût. N’avait-elle pas dit que sa fille était folle ? Jared, quant à lui, ne la lâchait pas du regard, tendu par la colère, par le désir, par une houlée de sentiments contradictoires envers la princesse de Ch’Hodos.

- J’ai hâte de passer au dessert, déclama froidement Dana après avoir mâché et avalé sa nourriture. Mais si vous ne souhaitez pas vous joindre à nous pour ça, la sortie est tout indiquée.

Nouveau signe. Le soldat ramassa la tête et Jared s’inclina vers Tiamat pour la saluer avant de prendre la direction indiquée.

- En fait, Jared.

Il marqua un arrêt.

- Toutes mes condoléances, pour la perte de Jaden, vraiment, sourit-elle et son sourire était étrangement magnifique.
- Venez me voir à Ch’Hodos City, chère princesse Dana, répliqua-t-il sur un ton hypocrite. C’est une invitation sincère. Vous apporterez le dessert à ce moment-là et toute votre sympathie. Sur ce.


Dès qu’il fut parti, elle rejeta ses couverts avec brusquerie. Dégoûtée.

- Et bien, où est donc passé ton appétit ? se moqua sèchement Tiamat.




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Léti l’aidait à se dévêtir. Cela faisait partie des tâches secondaires. La jolie blonde effeuillai sa maîtresse avec délicatesse, silencieuse et obéissante. L’étendue dorée de Dana était tournée vers la terrasse, vers les étoiles du ciel nocturne qui donnait un peu de répit à Ch’Hodos. La nuit était fraîche, mais sèche. Les mains de Léti s’étaient mises à défaire la coiffure, déployant les boucles rousses qui retombèrent sur les épaules pâles de Dana. Le droïde, lui, s’occupait de plier les étoffes et de les ranger

- Vous ne prendrez pas de bain, Dame Shar ?
- Non, je suis trop éreintée. Merci, je vais me débrouiller seule maintenant.
- Bien. Je suis désolée pour Hélios.
- Qu’est-ce que tu as dit ?
- Il l’a fait pour vous vous savez.
- Ne parle plus de lui, décida abruptement Dana. Mon nouvel esclave.
- Vance ?
- Je vois que tu as vite retenu son nom, fit-elle avec une certaine amertume.
- Il était différent des autres, ce n’est pas bien difficile.
- Comment va-t-il ?

L’esclave fut prise de court. Elle sentit une incompréhension gagner son esprit confus. Dana enfila un peignoir de satin blanc qu’elle ne noua pas.

- Je…j’ai peur de ne pas comprendre la question, Dame Shar.

Ce n’était pas tous les jours que les maîtres s’inquiétaient pour leurs esclaves.

- Sa peau va mieux ?
- Oui, je l’ai aidé à la soigner.
- Parfait, répliqua Dana. Je vais me coucher. Dehors.



Lloyd Hope
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Le hapien s’était assis contre un mur en marbre, à même le sol de la pièce aux bassines. La nuit était tombée et peu à peu, l’endroit s’était vidé des esclaves. Des draps blancs se mouvaient doucement sur leur étendoir, et le hapien gardait les yeux rivés sur le bout du couloir, d’où l’on apercevait l’arche par laquelle on accédait à la chambre de Dana Shar. Quelques heures plus tôt, Léti était passée devant lui. Elle se hâtait car, lui apprit-elle, on lui avait dit d’aller danser pour l’un des invités qui passait la nuit ici. Elle lui avait ensuite indiqué qu’il pouvait dormir avec les autres, en passant par l’échelle, mais il avait refusé, prétextant qu’il voulait être à proximité si jamais la Princesse appelait.

- Il y a un droïde pour ça, avait signalé la jeune femme en haussant les sourcils, mais il s’était entêté, alors elle l’avait laissé là.

Il ne quittait pas des yeux l’arche, y guettant la moindre ombre. Ce qu’il craignait le plus, c’était que Jared Ashar vînt chercher sa vengeance pendant la nuit. S’il venait, ce connard ne tomberait pas sur Vance mais sur Lloyd Hope. En repensant à la scène qu’il avait observé, impuissant, au souper, ses membres tremblaient encore. Il serrait ses poings à s’en blanchir les phalanges.
Non, ce qu’il craignait le plus, ce n’était pas seulement que Jared Ashar vînt. C’était que Dana se soumît à lui. Il risquerait leur vie à tous les deux s’il le fallait. Ce n’était pas du tout raisonnable.

Mais il revoyait les mains du frère de Jaden se presser contre les seins à travers l’étoffe couleur émeraude, se glisser entre ses cuisses et il n’était plus possible de dormir.

Personne ne vînt visiter la chambre de Dana cette nuit-là.



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A la fatigue de la nuit blanche s’ajouta la difficulté de l’une des tâches majeures qu’on lui avait affecté. Au petit matin, quand la Citadelle s’était mise à bourdonner comme une ruche à cause des esclaves qui s’activaient, Lirik avait emmené Lloyd dans les niveaux inférieurs. Ils avaient traversé le niveau des esclaves, qui vivotaient selon une société aux mœurs étranges. Des enfants vivaient seuls la journée entière dans les rues battues par le soleil, ou effectuaient de petites tâches ; raccommodaient des pièces de tissu, tissaient des cordons avec des herbes fines, dénoyautaient des fruits qu’ils portaient à leurs lèvres pâles. Certains d’entre eux portaient comme Lloyd un collier de cuir sombre, tandis que d’autres allaient le cou nu, n’appartenant en personne, probablement issus d’unions non légitimes. Quelques rares esclaves âgés, probablement trop vieux pour servir encore, essayèrent de leur vendre ici des grigris pour repousser les malheurs, là de l’huile pour assouplir la peau où les cors et les cals pouvaient devenir douloureux.
Lirik ne semblait pas voir l’étrangeté de ces lieux, et le hapien devait hâter le pas pour le suivre tout en jetant des coups d’œil curieux. Il croisa des regards, certains méfiants car son visage était inconnu, d’autres intrigués par… Il ne savait quoi. Sa beauté de hapien ? Les cicatrices qui marquaient son torse et son dos nus ? Il détournait le regard, mal à l’aise. On ne scrutait pas un Sith comme cela. C’était différent de Dathomir, où il n’y avait pas d’ambiguïté sur son statut d’objet. Ici on s’imaginait une histoire pour Vance, et il craignait d’attirer trop l’attention.

Lirik l’emmena plus profondément dans la forteresse. Le soleil disparut, remplacé par des bâtons lumineux d’une technologie déjà dépassée. Bientôt ils furent seuls à circuler dans un dédale sombre, et la chaleur fut remplacée par un froid mordant. Lloyd avait l’impression d’être entré dans un réfrigérateur, et en quelques sortes c’en était un : ils parvinrent à une grande pièce circulaire. Cet endroit était un grand cylindre creusé profondément dans la roche. La lumière du jour apparaissait loin au-dessus d’eux et éclairait l’énorme morceau de glace qui avait été déposé là. C’était un roc luminescent, fait d’arrêtes scintillantes. Le spectacle était original.

- Tu sauras retrouver le chemin pour venir jusqu’ici ? demanda Lirik, et sa voix se répercuta contre la glace en un écho ascendant.
- Ça devrait aller.
- Il va falloir que tu y viennes tous les matins. Parfois plus souvent, si jamais on manque d’eau. Ca arrive quand il y a beaucoup d’activité à la Citadelle, ou qu’il fait particulièrement chaud.

Lirik désigna une pioche, qui gisait là. Il y avait des grands morceaux de cuir entassés à quelques pas d’eux.

- Voilà, tu casses des gros morceaux, tu les empaquettes, et je te montrerai où les placer là-haut ensuite.
- Ok.

Pour cette première fois, Lirik resta avec lui tout le long de l’opération et l’aida même à casser la glace pour lui montrer la technique. Mais si fendre la glace nécessitait certes de la force pour planter la pioche, c’était de loin le plus simple. Car après avoir enveloppé un bloc suffisamment gros dans du cuir, il fallait enfiler un harnais pour porter la glace sur son dos. Il n’avait aucune idée de combien le morceau de glace devait peser mais le hapien dû se courber en avant pour soutenir ce poids écrasant dès que Lirik l’avait aidé à se relever.

- Ça va aller ? demanda l’humain, sans attendre spécialement de réponse. Tu vas t’habituer. C’est dur au début mais…
- Qui faisait ça avant ?
- Hum… Laram. Mais bon, il est mort. Pas à cause de ce travail, je te rassure. Il a eu une maladie. Du coup il était faible, alors… Il a été exécuté, il était devenu inutile. On se relayait jusqu’à ce que t’arrives… On n’est pas mécontents de te voir prendre la tâche, plaisanta Lirik tandis qu’ils ressortaient, le hapien supportant sur son dos le poids de la glace.
- M’étonne pas, grogna Lloyd.
- D’habitude, les types dans ton genre sont plutôt achetés pour être guerrier de spectacle.
- Guerrier de spectacle ?
- Ou mineur.
- J’préfère porter la glace.
- On en reparlera d’ici une heure.

--------

--------

--------Une heure plus tard, le hapien parvenait enfin au dernier niveau de la citadelle. Lirik le conduisit dans une pièce intérieure, dissimulée au bout d’un énième escalier de marbre, profondément enfoncée dans la roche. Il s’y trouvait un piédestal au centre d’un bassin, d’où gouttait les restes d’un cube de glace de la veille. Minuscule. Le hapien déposa son morceau par-dessus avec des grognements de douleur, Lirik l’aidant à se débarrasser de l’enveloppe de cuir. Non seulement il avait porté ce poids pendant longtemps, mais en plus il avait fallu grimper une telle volée de marches pour remonter jusqu’en haut de la Citadelle sous une chaleur de plomb que plusieurs fois, il avait cru défaillir. Dès que la glace fut posée, il se laissa choir à genoux dans le bassin où gouttait lentement la glace, alimentant le réseau d’eau des quartiers privés de la famille royale.

- Ha ha, rit Lirik, oui, je te conseille de partir très tôt le matin, tu souffriras moins.
- Ouais, ouais, j’ferai ça demain, fit le hapien essoufflé.

Il était trempé de sueur, jusqu’à son visage et ses cheveux dégoulinants de gouttelettes.

- Bon, encore deux, et tu pourras passer à des tâches moins fastidieuses.
- Deux ?

Le hapien avait relevé le nez, surpris.

- Comment ça deux ? Deux quoi ?
- Ben, tu crois quand même pas que ça va suffire pour la journée ? Il y a deux autres points comme celui-ci, un peu plus haut. Ça fait trois blocs de glace par jour.

Lloyd laissa échapper un râle de souffrance. Encore deux.

- J’vais pas pouvoir t’accompagner une seconde fois, par contre. Il faut que j’aille au marché alimenter les cuisines. Tu vas t’en sortir tout seul ?
- Ouais, ouais. J’me repose juste un peu.

Lirik le laissa là pour vaquer à ses occupations. Le hapien reprit son souffle dans cette pièce où il était seul, passa un peu d’eau sur son visage, avant de se relever. Il tituba en redescendant les marches. Sa tête bourdonnait de fatigue, mais il ne fallait pas réfléchir. Il avait encore deux allers-retours, et pas des moindres. Il fallait se hâter s’il voulait ensuite avoir un œil sur la Princesse.



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Lloyd ne put malheureusement passer de temps près de la Princesse. Son dernier aller-retour avait pris deux fois plus de temps que le premier, à cause de la fatigue et de la chaleur. Dans le quartier des esclaves, il avait été obligé de s’arrêter, glissant sur ses genoux, la pierre rêche des escaliers mordant ses genoux à travers la toile de son pantalon sombre. Des gosses s’étaient moqués de lui, et une vieille femme avait essayé de lui parler dans un si mauvais basic qu’il n’avait rien compris. Mais il devinait à la main tendue de l’ancienne esclave, dans laquelle étaient rassemblée de petites graines noires qu’elle voulait lui vendre quelque chose.

- Nerji, nerji, répéta la femme, et il se contenta de faire non de la tête.

Puis il était reparti en chancelant. Et il avait gravi des marches. Et des marches. Encore. La nuque battue par le soleil et la sueur, ses pieds nus rendus douloureux par les gravillons qui s’invitaient parfois dans les malheureuses sandales que lui avait prêtées Lirik.

Il avait rejoint la salle des bassines après ce dernier voyage, épuisé. Chekat était en train de laver du linge et le jeune humain regarda curieusement Lloyd quand celui-ci s’affala près d’une bassine et y plongea la tête. Il la ressortit en se frottant les cheveux et le visage.

- Ça coûte cher, l’eau, hein ? dit Chekat.

Le hapien le regarda. Chekat, penché sur une bassine, s’amusa à essorer un linge à côté du contenant. L’eau se répandit avant d’être absorbée par la pierre jaune qui soutenaient leurs pieds. L’adolescent grimaça un sourire provocateur.

- Petit con, siffla Lloyd, et il l’ignora pour le reste de sa toilette.

Il avait déjà pris l’habitude, comme les autres, de ne plus se cacher. Les esclaves n’avaient pas de pudeur.



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L’après-midi était déjà avancée quand Lloyd et Chekat durent nettoyer une partie des jardins suspendus. Chaque jour, une bise nocturne laissait sur le palais un voile de poussière. Les jardins n’étaient pas épargnés et ce nettoyage devait donc être fait couramment : passer un balai humide dans les allées, ramasser les quelques feuilles qui s’étaient détachées des plantes et, désormais, ramasser de temps à autre la crotte d’un nexu qui était passé par là. Chekat suivait encore le hapien à la trace. Ce dernier s’était figuré que le garçon, qui ne devait pas avoir vingt ans, avait un mental très léger. Maladie ou défaut d’éducation, il n’en savait rien, mais Chekat se comportait comme un enfant farceur alors qu’il avait presque un corps d’adulte. Sa peau était plus foncée que celle de Lloyd malgré leur blondeur commune, et il n’avait guère de muscles. Ses os étaient visibles sous une chair tendre et jeune, comme s’il avait grandi trop vite et que l’alimentation n’avait pas été suffisante.

Au bout d’une heure de travail, Chekat, qui s’ennuyait, avait commencé à imiter les gestes du hapien, en se faisant remarquer ostensiblement. Si Lloyd éternuait – une fichue plante dans ce jardin insupportait ses narines – Chekat faisait semblant d’éternuer à son tour. Si Lloyd se retournait pour le regarder, il prenait un air innocent avant de se tourner lui aussi. Lloyd se lassa rapidement de ce petit jeu mais le gosse lui tapait sur le système.

Luis se glissait entre deux troncs d’arbre quand Lloyd grogna dans sa barbe que des claques allaient finir par se perdre. Chekat répéta la phrase d’une voix geignarde. Le hapien se redressa et le fusilla du regard. Chekat lui fit un visage surjouant la colère.

- T’es vraiment qu’un p’tit con.
- T’es vraiment qu’un p’tit con.
- Aouw.

Les deux esclaves se tournèrent vers Luis. Le nexu s’allongea paresseusement dans un carré de sable. Sa queue caressa le bord d’un bassin en marbre en les toisant de ses yeux rouges. Alors Lloyd se baissa, ramassa un caillou et le jeta sur Luis. Ce dernier ignora l’affront, mais Chekat fit les gros yeux à Lloyd.

- Ah, tiens, t’as perdu on dirait.

Chekat fit la moue avant de se baisser. Il ramassa un caillou et le jeta à son tour sur Luis. Le nexu grogna.

- Ah, tiens, t’as perdu on dirait, fit Chekat avec un mauvais sourire de triomphe.

Alors Lloyd posa le balai qu’il avait entre les mains et s’approcha du nexu. Luis leva vers lui sa face menaçante. Ses narines se soulevèrent. Il reniflait. Le morceau de cuir que Lloyd portait au poignet devait diffuser une odeur que les esclaves ne pouvaient pas identifier. Avec un sourire de défi vers Chekat, le hapien caressa le crâne du nexu, passant doucement ses doigts entre les épines.
Chekat parut incertain. Il avait perdu sa grimace provocatrice, et ses yeux jetaient autour de lui des œillades incertaines, mais ils étaient seuls à cet instant. Alors le jeune humain posa lui aussi son balai pour approcher une main tremblante vers le nexu. Il se rétracta une première fois, puis une seconde. La troisième fois, il osa toucher Luis du bout des doigts. Celui-ci eut un brusque mouvement de la tête et Chekat s’enfuit de quelques pas, arrachant à Lloyd un rire bref.

- On fait moins le malin hein ?

Chekat tira la langue et alla s’asseoir sous un arbre en boudant. Le hapien haussa les épaules, et s’en retourna récupérer son balai. Il se remit à éponger une allée de marbre en ignorant le garçon dont il espérait s’être enfin débarrassé.

Quelques minutes plus tard, il entendit dans son dos un cri étranglé. Il fit volte-face.

- Non Luis !

Le nexu avait refermé sa gueule énorme sur le bras de l’adolescent, qui était pétrifié de terreur. Lloyd lâcha son balai pour courir vers Chekat mais Luis, soudain animé par le souvenir du jeu amusant que Lloyd et lui avaient parfois dans la soute, quand il s’amusait à lui lancer ses morceaux de viande, s’enfuit brusquement, emportant Chekat avec lui. L’esclave fut brutalement traîné à travers les jardins suspendus, Lloyd sur ses talons.

- LUIS ARRETE ! LACHE LE !

C’était peine perdue. Ce fichu nexu n’écoutait rien et pas même sa maîtresse. L’étrange convoi dévala les marches du jardin et atterrirent devant les quartiers de Dana en bousculant d’autres esclaves qui crièrent d’horreur. Lloyd sur les talons, Luis dérapa entre les statues avant de s’engouffrer dans les quartiers de Dana. Heureusement, Luis ralentit dans l’entrée, hésitant sur le chemin à prendre, et Lloyd put se jeter sur lui sous les regards effarés d’une poignée d’esclaves. Il glissa ses doigts entre les mâchoires de Luis.

- Lâche-le Luis ! Lâche maintenant !

Le nexu consentit enfin à ouvrir la mâchoire, avec un geignement de lassitude. Chekat fut libéré et glissa au sol, blême. Son bras dégoulinait de sang. Les autres esclaves les regardaient, mains sur la bouche et yeux écarquillés. L’un d’entre eux fit les gros yeux à Lloyd en indiquant discrètement la pièce voisine du menton. Le hapien se retourna. Dans la pièce d’à côté…

… Dana prenait un bain.

- Heu… Pardon… Maîtresse, dit le hapien avec une hésitation.

Il y eut un moment de parfaite immobilité et de silence. Il se rendit compte qu’il était en train de soutenir le regard de Dana, que cela pouvait paraître bizarre et il se hâta de baisser les yeux. Son regard tomba sur Chekat. Le gosse regardait toujours le nexu, en état de choc. Lloyd se baissa pour ramasser l’adolescent et le porter. Puis de sa main libre, il attrapa Luis par une épine dorsale pour le tirer à lui.

- Je… Vais… Nettoyer les traces de cet accident. Ok ?

On ne dit pas « ok » à sa maîtresse.

- Ok, se répondit-il donc à lui-même, penaud, avant de disparaître.

Darth Hope
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La mort de Jaden Ashar aurait pu paraître anecdotique. Un sith de plus qui succombe à l’ambition d’un autre sith dans cette vaste Galaxie. Mais la guerre civile qui secouait l’Empire avait changé la donne. Il n’y avait plus de Siths. Il y avait des renégats et des loyalistes. Dana se retrouverait au cœur de ce conflit absurde. Elle ne se serait jamais imaginé qu’un ordre, soufflé au creux d’une oreille hapienne, dans l’intimité d’une cabine et menant à la mort d’un renégat impacterait autant son avenir sur Ch’Hodos.

La matinée suivant le souper, elle se réveilla tard et en sueur, catastrophée par une série de cauchemar. Jared Ashar était au-dessus d’elle et il la découpait, vivante, membre après membre. Et quand il en avait terminé, elle était propulsée face à son assiette, dans la coquerie du Sans-Visage. Et le réconfort des lieux était immédiatement chassé par la tête décapitée de Lloyd Hope qui gisait sur une barquette fumante. Elle avait hurlé et son hurlement était demeuré inaudible, piégé dans sa gorge terrorisée. Et à son réveil catastrophé, la silhouette d’Akusha se dressait entre les voiles translucides que la brise matinale heurtait. Sa sombre carrure se découpait dans la lumière jaillissante du jour et elle se demanda si elle ne rêvait pas encore. Elle rabattit les draps sur sa poitrine dénudée.

- Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle, la voix brisée par la sourde terreur qu’avait fait naître ce cauchemar en elle.
- Je m’ennuie.

Du Akusha tout craché. Oser se présenter dans sa chambre, son sanctuaire privé, pour lui débiter une connerie aussi infantile. Elle ramena une mèche carmine derrière son oreille et se redressa un peu.

- Et bien, c’est fâcheux, mais je dois me préparer.
- Est-ce que tu souviens de cette soirée où Darth Khorog nous a tous les deux humiliés.

Quel rapport avec l’ennui ? Aucun. Mais le vieil humain cachait bien son jeu. Sénile durant une minute, parfaitement lucide celle d’après. Ce comportement désarçonnant le rendait difficilement prévisible et manipulable. Dana s’humecta les lèvres et passa une main sur sa figure pâle.

- Peut-être oui…je consigne pas toutes les fois où un autre Sith m’humilie, grogna-t-elle.
- C’est lui qui a tué Jaden Ashar ?
- Q…quoi ? souffla-t-elle, stupéfaite. Non, certainement pas.

Il contourna le lit et s’installa au bord du matelas confortable. Dana soutint son regard et finit par le détourner, ruminant le dégoût et la haine qu’elle avait envers le dirigeant planétaire. Cependant, Akusha était un Sith encore redoutable, bien qu’elle ne connaissait pas toutes ses capacités, il avait la réputation d’être un excellent télépathe. Elle fut prise d’horreur à l’idée qu’il puisse découvrir les cauchemars dans lesquels elle avait baigné cette nuit et qui collaient encore à son esprit comme une poix sinistre. Mais il semblait calme et pensif à l’image d’un joueur d’échec qui réfléchissait à son prochain mouvement.

- Je me demande qu’est-ce qui peut lier une Inquisitrice Sith au Castellan Noir. Assurément, il manque un chaînon. C’est une énigme très divertissante pour mon vieux cerveau. Je pourrais t’arracher tout ça par la Force, mais ce ne serait pas aussi amusant qu’être sur les traces du meurtrier de mon apprenti. Je veux qu’il me sente arriver, petit à petit As-tu réfléchi ?
- Réfléchi à quoi ? articula l’Inquisitrice, plus qu’agacée. D’un autre côté, elle maîtrisait le tremblement de ses mains en raffermissant sa prise autour du drap.
- A la manière dont tu te soumettras à Darth Ramken lors des cérémonies que j’organiserai à l’Arène. Tu vas devoir préparer ton discours et t’adresser à la foule.
- Je ne compte pas prêter allégeance à Ramken.
- Nous verrons. Ton père a refusé cette même allégeance à Darth Ynnitach et où est-il désormais ? Réfléchis-y. Pacifier Ch’Hodos ou la voir…détruite, par le feu et le sang. La couleur de cheveux est bien, elle s’accorde parfaitement aux émeraudes du collier. Je t’en libérerai une fois que tu auras fait ce que j’attends de toi.
- Si je vous livre l’identité du meurtrier, lâcha-t-elle en se penchant vers lui, le ton confident. Vous accepterez que je ne prête pas allégeance.

Akusha sembla mesurer les tenants et aboutissants d’une telle offre. Il prit quelques secondes pour réfléchir, détaillant son épouse et ses pupilles dorées, porteuses d’un venin semblable à ceux des Serpents. Alors, il vit le bracelet qui cintrait son poignet, d’une facture médiocre, trop médiocre pour être portée même par une esclave. Il enregistra ce détail dans sa vieille mémoire.

- C’est trop tard. Il fallait répondre à cette question, le jour où je te l’ai posé.
- Alors prenez-vous-en à Laduim, suggéra-t-elle, le ton mauvais.
- Je disparaîtrais à Ch’Hodos City quelques jours, éluda-t-il en se redressant. Il joua avec ses bracelets en or, satisfait. Je dois rencontrer une délégation du Général Takeda. Un accord lierait son monde à Ch’Hodos, négocié dans mon dos par tes soins.
- Si vous vous étiez présenté ce jour-là, vous auriez pu le négocier vous-même.
- A quoi me servirait une épouse de ton rang ?

Et il quitta les lieux non sans y abandonner un reliquat de son aura mortifère. Un poids s’envola de la poitrine de Dana, compressée par la peur et l’incertitude. Je veux qu’il me sente arriver, petit à petit. Elle se prit la tête entre les mains, énervée contre elle-même et contre le monde entier. Pourquoi lui avait-elle promis qu’il ne resterait pas à l’écart. Elle ébouriffa ses cheveux dans un geste désespéré puis fit appeler Krishka. Que vienne vite, le jour où elle ouvrirait la poitrine d’Akusha en deux, pour en arracher le cœur.



Face à son indécision, Krishka se permit une remarque très brève :

- La rouge vous irait mieux, Dame Shar.

Dana demeura pensive face à la robe que portait une autre esclave, comme si elle n’avait été qu’un mannequin de démonstration. Deux autres femmes patientaient, dans des robes différentes, que Shar fasse un choix. Mais l’héritière n’avait pas la tête aux toilettes et à la coquetterie. Elle avait toujours soigneusement évité la mode de Ch’Hodos et ses décolletés, ses déshabillés, qui s’épanouissaient sous la chaleur et la canicule. Finalement, elle donna son assentiment pour la robe rouge. Et durant tout le temps où Krishka la vêtit de cette soie grenat, elle songea au kimono qu’elle avait eu entre les mains deux jours plus tôt, à bord du Sans-Visage.

- Jared Ashar est encore là, souffla doucement la gouvernante à l’oreille de sa maîtresse comme pour l’informer.
- Et en quel honneur ? Je lui ai montré la sortie hier.
- Il supervise les travaux de modernisation de la Citadelle. Il paraît que ses frères organiseront les cérémonies à l’Arène prévues par votre époux.
- Merci pour les informations, Krishka.

La concernée se courba bien bas. Dana demeura donc seule avec elle-même. Elle ignora le petit-déjeuner copieux qui était dressé dans ses quartiers. L’appétit avait filé et elle réfléchissait à un plan concret. Maintenant qu’elle avait sondé le terrain et pris la température, elle pouvait conclure qu’elle avait un pied dans le bourbier. Mais l’autre était encore sur la terre ferme. Akusha avait cette vanité. Il se savait fort dans la Force, mais il n’ignorait pas que son vieux corps le supportait de moins en moins, d’où ce collier qu’elle portait. Cette parure magnifique qui scintillait autour de son cou et qui l’empêchait pour un temps, d’utiliser la Force à ses pleines capacités. Ce collier était un aveu de faiblesse d’Akusha. S’il avait été persuadé de prendre le dessus par la brutalité, il ne se serait pas ruiné à se procurer ces pierres bien trop rares car minées à des endroits exceptionnels et dangereux. Dana pouvait encore sortir son épingle du jeu. Et pour cela, il lui restait à savoir ce que devenaient Hélios et sa milice.

- J’ai besoin de remplacer Hélios, annonça-t-elle vers la femme en charge des esclaves. Regarde parmi les esclaves qui ferait l’affaire.
- Un esclave pour veiller à votre sécurité, Dame ?
- Hélios était mon esclave personnel, de confiance et veillait à ma sécurité mieux que n’importe lequel de ces tarés de renégats. Tu as besoin d’un schéma, ou tu es trop bête ? Trouve-moi un remplaçant qui en vaille la peine, ou je serai très, très désagréable.
- Bien sûr, maîtresse.

La manipulation.
Dana observa son propre reflet dans le miroir de sa coiffeuse et accrocha pensivement une boucle d’oreille. Elle n’avait pas pu privilégier Lloyd au risque qu’ils soient tous les deux suspectés. En laissant le choix à Krishka, Dana se plaçait au-dessus de ton soupçon.



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Elle avait boudé ses thermes favoris, dans les souterrains du palais, pour plonger dans le bassin privatif creusé dans le marbre ocre de ses appartements. De grandes arches donnaient une vue imprenable sur le ciel de Ch’Hodos et baignait l’endroit de lumière. Face à elle, l’ouverture verss le reste de ses quartiers. Elle se prélassait. L’eau tiède dénouait ses muscles mis à vif par les tensions récentes. Les pas des esclaves glissaient sur le carrelage humide et une mosaïque de jade ornait le plafond. Le soleil se reflétait sur l’eau comme un miroir et ses rayons étaient renvoyés vers ce plafond étincelant. Des fleurs flottaient à la surface du bain et une huile épicée en assouplissait l’eau. Voilà donc à quoi servait la glace qui brisait le dos des esclaves. Elle avait relevé sa longue chevelure cuivrée au-dessus de sa figure impeccablement maquillée. Et quand ses servants étouffèrent des cris de terreur et que le sang jaillit, souillant le carrelage, la mosaïque, jusqu’à l’eau du bain, elle ouvrit les yeux qu’elle avait fermé. Autour de sa gorge, les émeraudes étincelaient. « Vous avez vraiment de sales faces de Mynocks » avait-elle froidement déclaré vers Vance, Chekat et Luis avant que le tout ne disparaisse.

- Nous allons nettoyer tout cela,Dame Shar, paniqua un esclave.
- Non et non, refusa-t-elle. Vance est responsable, il me nettoiera ça. Avec sa langue s’il le faut. Laissez-moi seule.

Les esclaves s’échangèrent un regard mortifié et quittèrent toutes et tous les pièces. Sans nul doute que le message serait très rapidement relayé au concerné. Aussi, il ne lui restait plus à attendre que, Vance réapparaisse aussi vite qu’il avait disparu, encore couvert du sang de Chekat. Il portait à bout de bras ce qui ressemblait vaguement à une serpillière et Dana se retint de rire. A la place, elle étira un sourire. Une odeur fleurie les séparait, ainsi que la totalité du bassin. Aux pieds de Lloyd, des marches s’immergeaient dans l’eau. -



Lloyd Hope
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Le hapien s’était glissé dans l’eau après un bref moment d’hésitation. Il ne pouvait s’empêcher de jeter des regards inquiets autour d’eux, mais tous les esclaves semblaient bel et bien partis et Luis gardait l’entrée de la pièce comme une menace tranquille, ses crocs encore dégoulinants de sang. De temps à autre, il léchait le sol marbré où le sang de Chekat séchait doucement.

- A sa place ? questionna Lloyd à voix basse, les sourcils levés tandis que ses émeraudes se plongèrent un instant dans les prunelles dorées. Tu veux dire, encaisser tout ton mépris, être trop aveugle pour voir ta beauté et trop vieux pour te faire correctement gémir mon nom ?

Il avait veillé à chuchoter, pour éviter que des oreilles indiscrètes ne pussent les trahir. L’eau était chaude et d’autant plus agréable que son corps était un peu douloureux de sa tâche du matin. Il fit courir ses mains sur ce corps que ses doigts voulaient connaître par cœur, comme s’ils ne l’avaient pas encore assez exploré. Sous l’eau, il frôla les hanches de l’Inquisitrice, dessina doucement dans son dos, avant de descendre caresser le rebondi de son fessier en étalant ses paumes avides.

- Non merci. A ce compte-là, je préfère être ton esclave.

Après tout, c’était de cette manière-là qu’elle l’avait appelé à elle. Le ressentiment qu’il avait eu contre Dana la veille semblait s’être envolé. La colère contre Jared Ashar l’avait maintenu éveillé tout ce temps. Se trouver dans ce bain maintenant lui apparaissait comme d’une douceur inespérée. Une récompense après le labeur et la sueur.

- Un esclave qui se permet des regards inconscients.

Il baissa les yeux entre eux, posant sa tempe contre celle de l’Inquisitrice et sa bouche s’entrouvrit soudain du spectacle qui s’offrait à lui entre les vapeurs et les clapotis de l’eau du bain. Les courbes de Dana lui apparaissaient sans fard, et il voyait les ongles manucurés de Dana sur lui, qui attisait lentement son désir comme si elle avait voulu le faire languir.

- Et des gestes inconscients, ajouta-t-il.
Luis eut un grognement et tous les deux sursautèrent en tournant leurs visages vers l’entrée. Mais il n’y avait personne et le hapien sourit.

- Bon c’est pas drôle d’être esclave le reste du temps, confessa-t-il soudain. Mais si j’ai le droit de me glisser dans ton bain je suis prêt à supporter cette humiliation.
Il ne bougeait plus.

- T’en fais pas pour moi ok ? Concentre-toi sur tes trucs… politiques. Je voulais juste te dire…

Il hésita, s’humecta les lèvres. Le corps de Dana était chaud contre lui, et sa peau scintillante appelait à des baisers moins chastes, mais il savait qu’ils devaient parler. Qu’ils n’auraient peut-être pas souvent d’autres occasions.

- En tant qu’esclave je peux facilement… me promener partout dans la Citadelle. Si tu as besoin que je… fasse quoique ce soit.
- Tu prendrais la bonne décision, hein ? souffla-t-il avec un semblant de menace dans sa voix qui n’était pourtant pas plus qu’un chuchotement. Tu m’enverrais si besoin. N’est-ce pas ?

J’ai tué Jaden Ashar. Son frère peut mourir aussi. Il y était prêt.



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- Mon tout petit, est-ce que ça va ?! Qu’est-ce qui s’est passé !

Krishka était penchée sur Chekat, dans l’ombre d’une minuscule alcôve, à un étage inférieur. Un esclave assez âgé avait descendu le gamin par l’échelle après l’avoir récupéré des bras de Vance qu’on avait envoyé nettoyer les dégâts. Puis on l’avait conduit sur sa couchette tandis qu’il braillait de douleur. Chekat était sorti de son état de choc pour fondre en larmes quand sa mère était apparue, catastrophée. Lirik et Léti avaient accouru pour prêter main forte. Ils avaient trouvé un tissu et Lirik se chargea d’envelopper fermement le bras sanguinolent de Chekat pour faire cesser le saignement.

- C’est un miracle qu’il soit encore en vie, grogna le plus âgé des esclaves.
- Mais qu’est-ce qui s’est passé ?

Krishka s’était agenouillée et elle lavait le sang du reste du bras de Chekat. Sa voix était paniquée.

- Le nexu a attaqué ton fils, expliqua Lirik. Et il l’a traîné sur plusieurs dizaines de mètres.
- Vance l’a fait lâcher en se jetant sur le nexu, dit Léti, d'une voix solennelle.

Il y eut des échanges de regard, et on confirma à Krishka que c’était vrai.

- Miel dit déjà que le nouveau parle au nexu. Que c’est louche.
- Pfff, Vance a crié à la bête à cause de la panique. J’y crois pas.
- Quand même, c’est bizarre que le nexu ait obéi…

De son bras valide, Chekat essuya ses larmes. Il essaya de parler mais s’étrangla un instant. Il renifla, puis essuya son nez et ses lèvres de sa manche avant de jeter un regard noir à Léti.

- C’est… C’est Vance, gémit soudain Chekat, plein d’amertume. C’est vrai qu’il parle au nexu ! Il lui a dit de me dévorer !
Darth Hope
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Loin du cercle addictif et charnel qu’entretenaient Lloyd et Dana, Krishka pleurait la douleur de son fils unique. Les brimades, les coups, la cruauté, la vie d’esclaves ; elle s’y était habituée. Elle y avait même pris une part active. Combien d’exécutions ? Combien d’injustice ? Mais quand on était esclave, la justice n’existait de toute façon pas. Il fallait savoir composer avec les maîtres et ruser tout en les contentant. C’était une société à part entière qui se soumettait à une autre, une hiérarchie de castes. Elle avait toujours protégé son petit Chekat adoré. Il avait été ses yeux et ses oreilles depuis tout bébé. Personne ne se méfiait du pauvre Chekat, trop faible, trop enfantin.

- Qu’est-ce qu’il se passe ici ? Krishka.

Le ton sec de Tiamat avait claqué dans l’air tel un fouet. Lirik, Léti, Méli et tous les autres s’empressèrent de s’agenouiller, la tête basse, le regard fixé au sol. La veuve de la Forteresse les terrifiait.

- Je dois me rendre à l’astroport, je t’ai fait appeler. Est-ce moi qui dois accourir à tes pieds ?!
- Non, maîtresse. Mon fils a été blessé par le nexu.
- Vraiment, s’agaça Tiamat en ajustant sa tenue de voyage. Celui de mon époux ? Il s’est trop approché de la cage ton rejeton incapable.
- Non, articula Krishka tremblante, la figure basse. Pas celui du Seigneur. Celui de votre fille. Il se promène en liberté. Il nous terrorise tous.
- Oh voyez-vous ça. La seule personne qui doit vous terroriser ici, c’est moi. Les crocs d’un nexu vous paraîtront encore trop doux face à ma colère. Alors mettez-vous au travail. Quant à cette bête. Elle est immonde, mais ne nous rappelle-t-elle ce merveilleux temps où mon époux était encore en vie et qu’il vous offrait à dévorer à ses animaux adorés.

Tiamat étira un sourire à la fois ironique et terrifiant.

- Je pars pour Ziost Krishka. J’ai hâte d’y retrouver mes esclaves, bons et dévoués. Pas comme la raclure que vous êtes tous. Et si à mon retour, cela se reproduit. Je les ferai venir pour vous remplacer.

Et des esclaves sans maîtres finissaient aux mines ou en pâture dans l’Arène. L’avertissement était clair. Alors que les esclaves obéissaient, se dispersant vers leurs tâches principales et secondaires, Krishka ruminait en pansant le bras de son pauvre « rejeton » qui sanglotait le nom de Vance. Vance. La doyenne avait désormais un plan tout tracé pour lui. Une route lente, sinueuse dont l’issue serait l’exécution. La princesse souhaitait un esclave personnel ? Elle allait lui offrir Vance. Il penserait encore être privilégié, au-dessus des autres. Il prendrait ça comme un don du ciel, pensa Krishka. Ce serait un cadeau empoisonné. Elle y veillerait personnellement.



Et un immense sourire sobre et hypocrite flottait sur ses lèvres alors qu’elle s’adressait à Lirik et Vance. Ce dernier était revenu de sa tâche secondaire : celle de nettoyer le bain de la princesse. Il avait tardé, mais personne ne s’en formalisa encore. Être seul pour effectuer un travail rallongeait la durée de ce dernier. Elle les avait convoqués dans la salle des bassines, désertes à cette heure avancée de la soirée. Tous étaient occupés aux cuisines. Lirik se tenait bien droit.

- Excellente nouvelle. Dame Shar, la princesse, souhaite remplacer Hélios. Et elle m’a chargé de ce choix.
- Parfait, souffla Lirik qui convoitait la place laissée vacante par le dénommé Hélios depuis le début de la guerre civile. J’ai toujours rêvé de me glisser entre les jambes de la princesse, termina-t-il avec un rire gras.
- Lirik, fit froidement Kirshka. Tu es tellement plus bête, plus gras, plus dégoûtant qu’Hélios. Même si la princesse voulait de toi, tu te ferais attraper dès la première nuit et le Seigneur Akusha t’exécuterait lui-même. Non, il faut quelqu’un d’intelligent, de discret, qui sait s’adapter à l’interdit. Hélios était le meilleur d’entre nous pour ça.
- C’était surtout un sale con.
- Vance ! décida-t-elle en frappant dans ses mains comme si une illumination lui était venue. Léti m’a dit que tu avais fait dans la sécurité de tes maîtres. Cela tombe bien, la sécurité de la princesse, c’est la principale prérogative de son esclave personnel.

Lirik bourra un coup de coude gras dans les côtes du hapien.

- « Entre autres », fit-il avec de gros guillemets.

Elle ignora son intervention et poursuivit.

- Tu ne répondras qu’à elle. Et tu devras veiller à ce qu’elle soit contentée, nourriture, habits, caprices. Et Dana Shar est capricieuse nous le savons tous, tu auras donc beaucoup de travail. Et puis, tu es le seul qui peut approcher son nexu sans être amputé visiblement. Ce qui est tout indiqué, n’est-ce pas ? Je suis sûre que la princesse sera ravie. Je sais pas où elle t’a ramassé, mais tu es le seul qu’elle considère pas comme un renégat, elle sera en confiance avec toi. Tu devras l’accompagner dans tous ses déplacements, pour veiller à ce qu’il ne lui arrive rien.
- En même temps, c’est une Sith, qu’est-ce qu’il pourrait bien lui arriver…
- Lirik, non, s’il te plaît, plus un mot, s’agaça Krishka. C’est la coutume. Le Seigneur (et elle parlait du père de Dana) avait le sien. Mon père. Oh, et Vance, ne pense pas une seule seconde que cela te retire ton statut d’esclave. Tu restes soumis aux mêmes règles que nous.

Bonne chance, semblait-elle lui dire avec ce dernier avertissement. Lirik haussa les épaules et s’ébroua vers ses occupations, aussitôt suivi de Krishka qui se dépêcha vers le chevet de son fils.



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Dana était sur sa terrasse, en compagnie d’un officier impérial dont l’uniforme prouvait l’allégeance ramkenienne. La princesse consultait un datapad, étendue sur la méridienne à l’ombre de ses plantes tandis que la femme blonde en armure demeurait impassible sous le soleil qui déclinait. Elle était équipée d’un blaster de poing à sa hanche et on devinait une vibro-dague mal dissimulée sous sa manche. Enfin, Shar leva son attention vers la militaire impassible.

- Trois marcheurs de reconnaissances KX-7, autant de chasseurs de chars Avengers. Oh et bien sûr, j’oubliais que la liste est encore longue. Vos éclaireurs étaient saouls ?
- Non, Dame Shar. Ce rapport détaillé a été scrupuleusement élaboré par nos meilleurs éclaireurs. Et le Seigneur Akusha souhaitait que vous en preniez connaissance.
- Où est-ce qu’Hélios a pu trouver autant de ressources ?
- Ce sont des ressources très limitées, Dame Shar, répliqua l’officier, frappée dans son ego. Les rebelles mènent une guérilla stérile. Mais elle agace votre époux comme une mouche agacerait un bantha.
- Quelle comparaison…s’amusa Dana.
- Avec tout le respect que j’ai pour lui.
- Bien sûr, bien sûr. Mais le Seigneur Akusha a toujours été très spécial, n’est-ce pas ?
- Et avec tout le respect que je vous dois Dame, je ne me permettrai pas d’en dire plus en votre compagnie. Car nous savons à qui va ma loyauté.
- Darth Ramken, mh ? Je sais. Bien, merci Capitaine ?
- Kell.
- Je n’oublierai pas votre visage, soyez-en sûre.

La capitaine en question se crispa un peu, face à la menace grossière. Leur échange maintenant silencieux fut interrompu par l’arrivée d’une ombre discrète. Encore une fois, Dana dévia son regard du datapad pour découvrir le visage familier de Vance. Derrière lui, émergea la présence de Krishka. La princesse se redressa un peu sur la méridienne, faisant couler le drapé de sa tunique légère qui en dévoilait à la fois trop et pas assez.

- Il me semble pas que je t’ai fait appeler, Vance. Que se passe-t-il ?
- Bien, je retourne à la caserne, Dame, annonça Kell, mal à l’aise dans ce palais étrange.

Un salut militaire et rigoureux plus tard, ils n’étaient plus que trois sur la terrasse. La gouvernante s’inclina bien bas et désigna le blond.

- Votre nouvel esclave personnel, Dame Shar. Je lui ai expliqué les règles.
- Vance ? Et pourquoi lui ? s’étonna-t-elle avec brio.
- Il avait déjà accompli ce genre de tâche pour ses maîtres précédents.
- Ce genre de tâches, mh…sourit Dana, amusée avant de se relever, abandonnant le datapad sur la banquette pour se rapprocher d’eux et tourner autour de Lloyd, de ce même pas diverti, le reluquant sous tous les angles. J’espère qu’il sera à la hauteur pour veiller sur mon corps et ma tranquillité. Comment va ton fils ? Tu sais, Luis ne voulait que jouer. Il est si seul.

Krishka força un sourire, refoulant sa colère, pour faire ce qu’elle savait le mien, se soumettre.

- Je crains qu’il ne perde définitivement l’usage de son bras.
- Ce serait terrible. Un esclave avec un bras en moins, articula-t-elle, faussement compatissante. Il ne servirait plus à rien, même dans les mines.

La doyenne blêmit. Ses lèvres se mirent à trembloter alors qu’elle se maîtrisait pour ne pas fondre en larmes.

- Je ferai venir un médecin, du centre de soins de la Forteresse. Pour que cela n’arrive pas.

Et la mère éplorée eut un sursaut de lucidité, incertaine, ne sachant comme réagir à cet acte de bonté soudain. Mais aucun Sith, surtout pas ceux qui vivaient dans ce palais, n’offrait ce genre de compassion.

- Je….je vous en serai infiniment reconnaissante.
- Je me fiche de ta reconnaissance. Considère cela comme une récompense. Pour m’avoir trouvé ce que je recherchais ! Oublie ce fâcheux incident, désormais. J’en ai des remontées acides rien que d’y penser.
- Nous ne voudrions pas vous contrarier, Dame Shar.
- Bien, alors disparais. Tes larmes vont me faire vomir.

Krisha lança un regard noir à Vance et se dépêcha vers la sortie. Dana se détourna ensuite pour reprendre le datapad d’où coulaient les précieuses informations dont elle avait besoin concernant la résistance.

- Akusha pourrait les écraser, fit-elle, amère avant d’offrir son regard à l’horizon que le crépuscule embrasait. Mais à la place, il se sert d’eux pour m’attirer sur Ch’Hodos et vouloir me faire jurer loyauté à Ramken. Ce n’était qu’un prétexte. Ils n’ont aucune chance de renverser les troupes renégates. Il faudrait un miracle. J’essaie de réfléchir, mais je comprends rien à la stratégie militaire et à toutes ces choses. Je suis juste une Inquisitrice Sith. Pas même une princesse Sith capable de prendre la bonne décision.

Sans lui accorder un regard, elle lui tendit le datapad.

- Ca te parlera sans doute mieux qu’à moi, un rapport militaire. N'est-ce pas que tu faisais pour tes anciens maîtres ?




Lloyd Hope
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- Et ceux qui me touchent…avec ma permission… Tu les tuerais aussi ?
- Essaie un peu pour voir, grogna Lloyd.



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- J’ai entendu ta conversation avec… le capitaine Kell, dit Lloyd tandis que son doigt courait sur le datapad, faisant défiler les données sous ses yeux.

Le hapien se tenait debout sur la terrasse, sa tenue rudimentaire éclairée par les rayons rouges du soleil couchant. Les griffes de Luis cliquetèrent sur le marbre tandis qu’il s’approchait d’un duo auquel il se sentait appartenir. Le nexu s’assit et les toisa, avant de bailler en montrant ses crocs multiples.

- Ce ne sont pas des ressources limitées. Ce sont de vraies ressources militaires, et qui ne peuvent pas avoir été rassemblées si facilement. Ce capitaine a voulu minimiser les données en comptant sur ton ignorance.

Lloyd leva les yeux vers l’Inquisitrice. Il n’était pas mécontent d’être devenu son esclave personnel. Il pourrait dormir à quelques mètres d’elle sans que cela ne soit perçu étrangement, même s’il devrait être particulièrement vigilant pour ne pas attirer l’attention par un comportement qui ne siérait pas à un esclave de son rang.

- Ils peuvent s’être procurées des ressources de deux manières : soit ton Hélios a des amis en dehors de Ch’Hodos qui ont su lui apporter discrètement du matériel, ce qui me paraît compliqué vu comme le système est surveillé. Soit ils se sont servis directement dans les ressources renégates, ce qui me paraît plus plausible. Mais aussi plus dangereux : il y aurait beaucoup plus de chances d’avoir absorbé une taupe avec eux qui informera Akusha sur leurs mouvements. Ce qui expliquerait comment le capitaine a obtenu toutes ces informations. Ce serait bien de pouvoir prévenir les loyalistes à ce sujet. Troisième possibilité : toutes ces données sont fausses et ne visent qu’à te faire croire que les loyalistes ont une chance pour voir comment tu vas essayer, ou non, de les contacter.

Le hapien jeta un bref instant un regard vers l’intérieur des quartiers de Dana, craignant qu’un esclave y soit dissimulé et entendît leurs propos, mais il ne semblait y avoir personne. Il poursuivit malgré tout un ton plus bas.

- Le mieux que tu puisses faire pour le moment serait d’essayer de te renseigner sur la provenance de leurs ressources, en essayant de savoir si par exemple une partie des ressources renégates aurait été subtilisée ou non. Et aussi d’essayer de trouver un moyen de contacter les loyalistes de façon discrète et sûre, sans tomber dans un éventuel piège tendu spécialement à ce sujet.

Ce qui serait un tantinet difficile vu la main mise d’Akusha sur Dana, et l’impossibilité de nouer une alliance avec quiconque sur Ch’Hodos. Autant dire que la situation de l’Inquisitrice était plutôt mal engagée. Mais il préféra ne rien dire, pour ne pas la décourager. Tout autant qu’il pensait qu’avec de la patience, la situation était réversible.

- Dis-moi, cet Helios… C’était juste un esclave ?

Le hapien éteignit le datapad, le posa sur la balustrade avant d’aller s’accroupir près de Luis. Il passa sa main sous sa gueule énorme et gratta doucement sa fourrure. Le nexu ferma les yeux un instant.

- Juste pour savoir comment il pourrait nous servir, bien sûr.

Pour cela uniquement, évidemment. Lloyd croisa le regard de Dana et le soutint avec une neutralité beaucoup trop prononcée pour être innocente.



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Léti se présenta pour la deuxième soirée consécutive dans les quartiers de Jared Ashar. Ou plutôt, une aile réservée aux invités dont Jared pouvait jouir pour lui seul. Les pieds nus de l’esclave tapotaient nerveusement le sol humide tandis qu’elle traversait une allée bordée de murs couverts d’élégantes mosaïques. Sa tresse blonde se balançait dans son dos ciselé de muscles fins et élégants, entre les chaînes scintillantes qui tintaient à chacun de ses pas.
Quand elle arriva dans le petit salon, le soleil disparaissait à l’horizon, jetant par une ouverture ses dernières lueurs oranges qui miroitaient en mille éclats dans l’eau d’une fontaine entourée d’un bassin circulaire.
Jared Ashar était allongé sur une banquette, à grignoter de petits fruits ronds comme des billes, un coude le soutenant pour faire face à un petit holoprojecteur où un jeune homme à la voix grésillante se plaignait avec amertume.

- … partie de la ville entière est détruite ! Notre propriété est bien gardée bien sûr, mais c’est décevant de voir que nos soldats peuvent se faire surprendre si facilement par une poignée de loyalistes en infériorité numérique.
- Décevant, en effet, soupira Jared.

Quand il vit Léti se présenter devant lui, il lui fit un signe bref en indiquant la haute fontaine. La jeune femme se dirigea vers les jets d’eau, puis entra, un pied délicat après l’autre, comme si sa prestation avait déjà commencé, dans le bassin de la fontaine. Du bout des doigts, dans chaque main, elle tenait de petits objets de métal composés de grelots et de petits clapets, que ses doigts agiles savaient animer en rythme, créant une musique aérienne et délicate. Alors, sur cet air improvisé, elle se mit à onduler son corps, dans des mouvements lascifs, que Jared contempla pensivement.

- Et de ton côté ? fit le jeune homme de l’hologramme. Est-ce que cette putain de Shar t’a donné un nom ?
- Non. Ni à moi, ni à Akusha. Mais nous trouverons. La question est : qui de nous deux le trouvera le premier, et cette information sera-t-elle partagée.
- Tu penses qu’il pourrait te cacher cette information ?
- J’en suis assez certain. Toute information se vend, petit frère. Ce n'est pas pour rien.

Et dire que c’était ainsi qu’il appelait souvent Jaden autrefois, pour le taquiner.

- Hé bien, j’ai une piste à te vendre.
- Allons bon. Laquelle est-elle ?

Le jeune homme rit. Léti n’écoutait pas, ses yeux ne croisaient guère ceux de Jared qui étaient rivés sur ces hanches qu’elle faisait danser entre les jets d’eau.

- Quel est ton prix ? fit l’hologramme d’une voix taquine.
- Ça dépend de la valeur de l’information. Mais je promets de te revaloir ça à l’occasion, s'il s'avère qu'elle valait le coup.
- Ok, faisons comme cela. Une jeune Sith a rejoint nos rangs récemment. Exfiltré par nos hommes, une traître à un Seigneur Sith du nom de… Ghrann. Dame Ghrann, de la planète Galidraan.

Jared regarda encore Léti, et lui fit un signe du doigt, pour qu’elle s’approchât de lui. Sans cesser de danser, la jeune femme sortit du bassin pour danser, le corps couverts de gouttelettes à quelques centimètres à peine d’Ashar. Ce dernier en profita pour faire glisser doucement une main pensive sur les reins de la jeune femme.

- Et donc ? fit-il en attrapant un autre fruit et il le tendit à Léti.

Cette dernière se pencha dans une posture suggestive pour l’attraper du bout des dents.

- Et donc, tu ne croiras jamais avec qui cette jeune apprentie a travaillé : avec une certaine Dana Shar, Inquisitrice.

Jared se redressa subitement, intéressé.

- Où est-elle, cette jeune femme ?
- Justement, j’essaie de la joindre. Il paraît qu’elle s’appelle Kahla. Elle aurait rejoint les troupes du commandant Gressik, sur Maridun. J’ai su qu’elle avait croisé Dana Shar complètement par hasard, on parlait de l’Inquisition avec…
- Maridun, répéta Jared sans plus écouter, et il pinça les lèvres.

La vérité était proche, il le sentait. Sa main remonta le long du corps de Léti et il pinça un téton si fort que la jeune femme sursauta sans pouvoir masquer sa douleur. Mais déjà elle arborait de nouveau le masque neutre de la soumission.

- Merci petit frère. On va voir où ça nous mène. Embrasse notre pauvre mère en deuil, pour moi. Veux-tu ?
- Comme tu voudras, mais tiens-moi au courant.
- Demain soir, quand tu reviendras. Tes cheveux seront aussi rouges que ceux de la Princesse, exigea-t-il, et enfin il consentit à la libérer. Va-t-en.

Léti resta un moment figée, avant de s’effacer en tremblant. Sur le chemin du retour, ses jambes lui parurent être du coton prêt à la laisser choir. Mais comme un fantôme, elle parvint à rejoindre la salle des bassines pour se laver, effacer les traces que l’invité avait décidé d’imprimer sa chair et qu’elle avait l’impression de sentir encore.
Darth Hope
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- Hélios, répondit-elle pensive, l’attention accaparée par le paysage qui flottait dans les dernières lueurs du crépuscule. S’il n’y avait pas eu Akusha, les Ashar, Ramken et ce collier de cuir autour de la gorge de Lloyd Hope, le moment aurait pu être paisible. Ses cheveux séchaient à l’air libre, embrassés par la chaleur tombante. A l’ouest, elle percevait le flanc décharné des montages où se terraient des mines, où se terraient une poignée d’hommes qui avaient décidé que cette planète appartenait encore au sang de Shar Dakhan. Des hommes loyaux, fidèles, comme le furent les Massassis de jadis. Des hommes comme Hélios. Comme Lloyd. Un léger frisson secoua son derme nu au souvenir du bain, de la réponse qu’elle avait eu à sa question et elle se mordilla la lèvre inférieure.


- Quelques esclaves ici sont…des bâtards de mon père. Chekat. Hélios, également. Il est né la même année que moi. Papa a cru qu’il avait une prédisposition pour la Force qui a fini par ne jamais se révéler, alors il l’a affecté à mon service. Depuis qu’il est jeune, il est éduqué à me plaire et m’obéir. C’était devenu naturel chez lui.

Elle se détacha de sa contemplation et retourna s’asseoir sur la méridienne aux coussins soyeux. Luis la suivit patiemment du regard. Elle ajusta le col serti d’or de sa tunique et se servit elle-même du vin. Le liquide qui jaillissait dans la coupe formait un tourbillon de souvenirs.

- Je pouvais tout lui dire. Quand j’ai fugué pour Kaas City, il a été tenu responsable de ma fugue. Il devait veiller sur la princesse. Il a été vendu à l’entreprise des Ashar, il est devenu l’un de leurs esclaves pour ces spectacles sanglants dans l’arène. Et quand je suis revenue des années plus tard eh bien…il était devenu fort, populaire, ne comptait aucune défaite dans l’arène. Il avait presque gagné sa liberté de cette façon. Il allait être libre.

Dana ménagea une pause et ses prunelles dorées chutèrent dans le regard de Lloyd, alors elle annonça sans émotion.

- Alors je l’ai racheté. Jared Ashar ne me refusait rien quand je lui faisais les yeux doux.

En quelque sorte, elle lui avait volé sa liberté si proche.

- C’était juste un esclave, finit-elle par trancher pour ne pas se laisser submergée par un passé trouble. Et oui, j’ai couché avec, si c’était ta vraie question, reprit-elle avec une touche d’insolence et de suggestivité. C’est à ça qu’un esclave personnel sert aussi. Il m’a touché, avec ma permission.

Et elle fêta cette confession provocatrice avec une gorgée de ce vin sucré qui fit briller ses lèvres mises à nue depuis le bain. Elle prit le temps d’une réflexion fronçant son nez qu’elle avait retroussé avant de souffler faussement innocente :

- Mais tu devais être dans les bras de Mat’aenna à ce moment-là, il me semble ?

Puis elle cligna des yeux, comme si la conversation n’avait jamais existé et ajouta :

- Je te fais confiance pour les données de ce rapport, capitaine. Si Akusha essaie de me baiser, il va chèrement le regretter. Il veut voir cette planète à feu et à sang, il risque de ne pas être déçu. Mais qu’il ne compte pas sur moi pour faire partie du brasier, non. Je veux être celle qui l’allumera.



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Elle n’avait pas daigné souper, préoccupée par cette histoire de guerre civile. Khar Delba lui semblait être une promenade de santé à côté de tout ce qu’elle devait traverser ici. Dana avait donné la possibilité à Lloyd de se restaurer s’il le souhaitait. Puis des esclaves étaient revenus dans la chambre pour préparer le coucher de la princesse. Parmi elles, Léti vaquait à ses obligations, l’âme en peine. Ses beaux yeux noirs se gorgeaient parfois d’eau et elle déglutissait souvent. C’était les mains tremblantes qu’elle détachait la tunique de sa maîtresse. Dana finit par soupirer.

- Que se passe-t-il ? Tu sais bien que je déteste quand on pleure, c’est pas bon pour mes nerfs
- Navrée Dame Shar…
- Réponds, ordonna-t-elle et Léti eut un sursaut, avant de baisser le regard au sol.
- C’est…Jared Ashar, maîtresse.

A ce nom, Dana retint sa respiration et jeta une œillade au reste des esclaves.

- Sortez tous.

Ils s’exécutèrent, à l’exception peut-être de Lloyd dont le statut et la curiosité permettaient d’ignorer cet ordre brusque. Léti commença à détacher les bijoux qui ornaient le corps dénudé de la Sith.

- Eh bien Jared Ashar, quoi ? la brusqua Dana qu’un mauvais pressentiment assaillait.
- Il m’a expressément ordonné de…de me teindre les cheveux.
- Et bien de quoi te plains-tu ? Tu devrais être contente qu’on t’ordonne de te débarrasser de toute cette blondeur.
- De la même couleur que les vôtres, maîtresse, termina Léti dans un souffle.
- Quoi ?
- Il a dit…le même rouge que la Princesse.
- Hors de question. Je t’interdis de faire ça, trancha-t-elle en repoussant doucement l’esclave pour aller se draper d’une étoffe trop légère, trop ch’hodienne.
- Il va me tuer si je n’obéis pas.
- Et bien t’iras pas, j’enverrai une autre esclave…
- Il lui demandera la même chose.
- Merde à la fin ! explosa Shar.

Léti rabaissa sa figure vers le sol. La princesse envoya un regard indéchiffrable vers Lloyd et secoua la tête. Elle avait encore le contrôle de la situation.

- Fais ce qu’il te dit, alors, décida-t-elle froidement et les larmes affluèrent de nouveaux aux yeux de la danseuse qui se contenta d’hocher de la tête. Et sois…médiocre. Il ne te rappellera plus après ça.

L’esclave approuva dans un sanglot bruyant avant de tourner les talons et de courir hors de la pièce. La nuit avait recouvert la Citadelle d’un voile de ténèbres et de secret. Son obscurité avait recueilli les chagrins d’une mère qui pleurait les blessures de son fils, les angoisses d’une jeune femme que l’on vendait sans scrupule, le désarroi d’une princesse insultée. Les prunelles brillantes de Dana ne lâchaient plus la silhouette de Hope.

- La mort de son frère a dû lui faire péter les plombs, dit-elle comme si cela expliquait tout. Hélios dormait sur la méridienne dans le balcon mais…

Elle n’osait pas dire qu’elle avait peur. Alors elle désigna le sol couvert de tapis près de sa couche.

- Tu peux dormir dans ma chambre. Je sais que Luis monte la garde mais…Akusha est entré ce matin pendant que je dormais, je ne l’ai pas entendu venir. Il sait déjouer la vigilance du nexu et…je veux plus être surprise, ni par Akusha, ni par Jared, ni par ma mère.

Et quand ils s’installèrent, lui au sol, et elle au bord de son lit. Dana tendit son bras, celui que trois serpents ornaient jalousement et chercha à tâtons la main du hapien pour la saisir doucement. Luis bondit dans le lit et le corps de Dana fut bousculé tandis que l’animal s’installait en prince sur la couche, comme s’il avait pressenti la terreur de sa maîtresse. Car l’Inquisitrice était terrorisée, non pas d’être surprise au saut du lit, mais de cauchemarder encore. Qu’Ashar découpe sa chair et qu’ensuite, la tête sans vie de Lloyd apparaisse. Elle resserra un peu plus les doigts du hapien.



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Le lendemain, elle se présenta sur l’un des chantiers en cours. En l’absence de sa mère, elle avait dû endosser le rôle temporaire de gardienne de la Citadelle et cette fonction l’éloignait des soucis, des cérémonies de l’arène qui approchaient et avec elles, ce maudit serment. Au matin, elle avait émergé paisiblement, contrairement à la veille. Derrière ses yeux ensommeillés, elle n’avait pas vu Lloyd et avait paniqué avant de le découvrir sur la terrasse, Luis à ses côtés. L’aube rouge avait jeté davantage de couleur dans sa chevelure cuivrée et frappait ses courbes dénudées d’une chaleur déjà insupportable pour l’heure matinale. Elle aurait souhaité se jeter dans ses bras, qu’il l’asseye sur la balustrade et…Krishka était arrivée avec d’autres esclaves pour préparer la princesse à sa journée. La gouvernante n’avait pas quitté Vance de son regard acerbe tandis qu’elle habillait Dana d’une robe irisée et bien trop suggestive.

Et sur le chantier, Jared Ashar avait plongé un instant son regard dans le décolleté plongeant de la tunique profitant que sa propriétaire s’intéressa aux droïdes qui s’évertuaient à mettre un peu plus de métal et d’acier dans le ventre de la Forteresse. Des esclaves les protégeaient du soleil, portant un dais au-dessus d’eux. Les yeux de Jared coulèrent ensuite vers Vance, qui collait l’ombre de sa maîtresse.

- Nouvelle acquisition ?
- Il remplace Hélios, je me sentais pas en sécurité, parmi tous ces renégats.Je présume que vous m’avez pas invitée à contrôler ce chantier dont je ne connais ni les tenants ni les aboutissants pour me parler de mes esclaves, décréta-t-elle.
- Je quitte la Citadelle demain matin. Je voulais vous revoir une dernière fois simplement, au cas où la princesse serait disposée à se repentir de ses crimes.
- Pitié, se moqua Dana. Vous êtes bien les seuls à pleurer Jaden.

Jared serra le poing, mais ne releva pas l’insulte.

- Les troupes renégates gonflent leur rang, dit-il subitement. Nous avons récupéré certaines recrues prometteuses, en provenance de Galidraan.

Dana s’efforça de rester impassible mais elle avait discrètement pincé ses lèvres. Jared étira un sourire mauvais.

- Je meurs de chaud sous ce cagnard, fit-elle. Je rentre.

- Vous savez, princesse Dana. Je pourrais me montrer plus clément qu’Akusha. Peut-être qu’il vaudrait mieux que je retrouve le meurtrier de mon frère avant lui. Si vous le protégez pour une raison ou une autre, comme de la loyauté stupide envers le Conseil Noir, je pourrais…faire en sorte de vous aider à conserver ce secret. En échange…

Il s’était rapproché d’elle et glissa une main contre sa hanche, froissant le tissu fin de sa robe. Elle lui attrapa le poignet et le força à éloigner ses doigts. Il résistait et elle dut mettre plus de force, jusqu’à s’en blanchir les phalanges.

- Ma mère vous l’a dit. Je suis folle. De plus, je suis mariée.
- Vous n’êtes pas au courant. Le Seigneur Akusha, vous méprise, tout le monde le sait.







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Le Temple Sith. Les esclaves n’avaient pas le droit d’y entrer. C’était un sanctuaire exclusivement dédié aux membres de la famille Shar et aux Siths du Clergé. En l’occurrence, en ces temps troublé, il n’y avait plus de prêtres, plus d’officiants. Ils avaient été convoqués au temple principal de Ch’Hodos City sur ordre d’Akusha, lui-même anciennement Grand-Prêtre. En cette fin de journée, Dana avait permis à deux intrus de s’y immiscer. Lloyd Hope et Luis. Ce dernier gardait les lieux comme à son habitude et veillait à la tranquillité du duo. La princesse savait que c’était le dernier endroit de ce palais où des oreilles indiscrètes se perdraient. Ils étaient assis sur des bancs noirs, côte à côte. Et dans ce lieu sacré, chargé d’Obuscrité, à la lueur sombre d’un lustre récemment remplacé, devant un autel vide et des étendards poussiéreux, elle sentait la colère du hapien à travers la Force.

- Je t’ai menti. Je t’enverrai pas, finit-elle par avouer. Je prendrai pas cette décision. C’est trop risqué. Akusha est en train de remonter les pistes vers le meurtrier de Jaden, il en a les moyens. Il va falloir songer à ce que Mumkin te récupère. Je contacterai Hélios, je trouverai un moyen. Et dès que j’aurais évalué ses forces je trouverai une solution pour rejoindre le Sans-Visage. Ce soir, je m'occuperai de Jared Ashar. Et j'assumerai seule.

Elle se remémora des mois auparavant, la colère de Khorog, l’ironie cinglante de Runà, le rire désagréable de Zyna. Tout cela lui semblait si loin.

- Avant que tu t’énerves et que tu cherches à me faire changer d’avis. Je voulais te dire.

Dana s’arracha à la contemplation de l’autel obscur pour admirer le profil du blond.

- Que tu es quelqu’un de loyal. Et j’ai besoin de loyauté dans ma vie, dit-elle doucement.

La dernière fois qu'elle avait été aussi douce, c'était lorsqu'elle lui avait souri sur le Sanguinaire avant de s'engager dans la tourmente de Khar Delba. Quand elle était persuadée que c'était la fin.



Lloyd Hope
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Quand ils s’étaient assis sur le banc, dans le Temple Sith, le hapien était encore furieux. Il s’était relevé, avait fait quelques pas devant elle avant de s’asseoir de nouveau. Il avait déjà mille idées déraisonnables. Il pouvait se procurer un couteau dans les cuisines. Il pouvait acheter du poison au marché. Il pouvait étrangler Jared comme il en avait étranglé d’autres.
Il s’était rassis près d’elle, rejetant ces idées les unes après les autres. Sa colère s’était muée en autre chose, quelque chose de plus calme, de plus lancinant au fond de sa poitrine, quand Dana eût dit tout ce qu’elle avait à dire.

Il plana un long silence. Puis il baissa les yeux, comme s’il avait pris conscience de quelque chose d’inéluctable, contre lequel il ne pouvait lutter. Contre lequel il avait déjà lutté en vain. Un soupir discret s’échappa de ses lèvres tandis qu’il contemplait ce pantalon de toile rudimentaire, ses mains abîmées posées sur ses genoux. Des mains qui ne méritaient probablement pas une princesse comme celle-là.

- … Ou je pourrais essayer de trouver Hélios, murmura-t-il. Partir dans les montagnes, me cacher avec eux quelques semaines.

Il songea au voyage que cela représenterait. S’il volait un motospeeder de la citadelle, il s’enfoncerait dans le désert en espérant avoir assez de carburant. Si jamais il tombait en panne, il se retrouverait à marcher dans le désert sans eau, pendant des jours. Il risquerait de mourir de soif, de se perdre bêtement dans cette étendue brûlante. Mais s’il s’y prenait bien… Pouvait-il aider à faire une différence ?

- Aider ses hommes à se rassembler, à s’organiser et même pourquoi pas leur obtenir une aide du Castellan Noir en personne. Et lui délivrer… tout message que tu souhaiterais lui faire parvenir.

Il haussa les épaules. Le Temple sombre déposait sur sa nuque blonde une fraîcheur bienvenue.

- Je sais pas, c’est une… Une possibilité. Tu pourrais dire que tu m’as envoyé au marché et que j’suis pas revenu, on en conclura à une fuite de ma part, et voilà. Sauf que…

Sauf que ça signifiait qu’il ne serait plus là pour la protéger. Et il n’était pas venu pour prendre part à la guerre civile, il était venu pour s’assurer qu’elle survivrait. Il émit un sifflement de dépit. Il aurait son comlink, elle aurait le bracelet pour le rappeler, au cas où.
Le hapien tourna son visage vers Dana, croisa son regard doré. Il se souvenait être tombé dedans, comme par surprise, dans un taudis du Camp Piya, quand il pensait qu’il allait mourir. Des mois s’étaient écoulés. Et pourtant… A cette époque-là déjà, il était dans une situation compliquée parce qu’il avait voulu l’aider. Il s’était encore mêlé de ce qui ne le regardait pas. Ça n’avait pas de sens. Ou bien, ça en avait trop.

- Ça tombe bien, j’ai besoin de gens envers qui… donner ma loyauté.

Il déglutit.

- Je veux dire… Je sais que j’suis pas très raisonnable, des fois. Mais c’est parce que… Parce que sans personne envers qui être loyal, tu vois… Disons que j’suis pas très doué pour faire les choses juste pour moi.

Il baissa les yeux de nouveau, la bouche entrouverte comme il essayait d’inspirer.

- Ça veut rien dire, désolé, se rétracta-t-il soudain avant de changer de sujet. J’aime pas les Temples Sith. Y’a que le Grand Temple de Kaas City qui peut éventuellement me rappeler un bon souvenir.

Sur ces mots le hapien se leva, fit quelques pas en tournant dans un sens. Revint dans l’autre. Recommença le même manège, les mains derrière le dos. A l’entrée du Temple, Luis parut quelque peu intéressé par le mouvement et se mit à suivre Lloyd des yeux. A droite, à gauche, à droite, à gauche.

- Voilà un plan, dit-il en continuant à marcher. Toi et moi on met un terme à la vie de Jared. Tu avoues à Akusha que c’est l’apprenti de Castellan Noir qui l’a tué ainsi que Jaden. Tu peux même dire que j’étais là tout le long, que je t’ai obligée, ou que sais-je. Ça t’achèterait du temps, de la crédibilité peut-être même. Ton mari va se lancer à mes trousses mais je serai déjà loin, pour retrouver les forces loyalistes.

Il s’arrêta pour lui faire face. Il ne savait pas si c’était une bonne solution. La meilleure solution selon lui aurait été de prendre la fuite avec Dana, mais il savait que ce n’était pas possible. Soudain il prit une inspiration et s’agenouilla devant elle. Les genoux de Dana étaient à la hauteur de ses épaules et il se sentit minuscule devant l’étendue dorée qui semblait hésiter. Néanmoins il lui adressa un regard implorant.

- Comme apparemment quand je lui arrache en y allant profond ça ne suffit pas, je viens quémander une promesse à ma maîtresse.

Ses propos ne paraissaient pas si absurdes : avec son pauvre collier de cuir, il avait l’air d’un mendiant. Il s'humecta les lèvres avant de parler.

- Quoique tu décides, que je m’en aille ou non, tu ne laisses pas tomber, Dana. Si je suis vivant, je reviendrai. Et tant que tu n’as pas la certitude absolue, tant que tu n’as pas vu mon cadavre identifié sans l’ombre d’un doute, c’est que je reviendrai te chercher. Ok ?

Ses lèvres se pincèrent un instant, et il leva les mains pour prendre le visage de Dana entre ses doigts. Sa chevelure carmine dévalèrent le long de ses bras que le soleil avait marqués de sa trace rousse.

- N’abandonne pas, Dana. T’as pas le droit. Parce qu’abandonner, ce serait m’abandonner. Et… Je peux pas vivre ça, là maintenant. Ok ?
Darth Hope
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Elle attrapa lentement les mains qui avaient capturé son visage et les invita à s’en éloigner, pour les guider plus bas, le long de sa gorge, puis contre son décolleté jusqu’à ce que les doigts du hapien froissent le tissu qui couvrait à peine le tatouage aux quatre lettres.

- Tu te rappelles d’Artorias, murmura-t-elle, penchée vers lui. Cette arrière-salle au Belladone quand on a décidé de tuer Luis Raidun. Ou…cet immeuble des Renseignements sur Kaas City, où on a décidé de tuer tout le monde. Il y a des choses qu’on doit cacher depuis. Si je te dénonce et qu’ils savent que tu es encore là. Tu as tout fait, tout ce que tu as pu. Tu es revenu me chercher sur Artorias, dans l’Enfer du 2331 tu es revenu aussi…au camp Piya tu es redescendu et tu m’as cherché, sur Jabiim, sur Galidraan. Tu es toujours revenu, Lloyd…ce fut suffisant. Largement suffisant. Tu as plus que sauvé que notre équipe toutes ces fois-là.

Dana croqua un sourire, maltraitant doucement la cicatrice qu’elle avait à la lèvre inférieure et ajouta :

- Je n’ai aucun message à faire parvenir pour Hélios. Si ce n’est que mon nouvel esclave personnel me donne davantage de satisfaction. Mais je lui dirai en personne. Ce qui veut dire que…on ne se sépare pas.

Elle avait pris cette décision parce qu’il avait réussi à la faire changer d’avis. Elle ne serait pas une véritable Sith si elle ne parvenait pas à le protéger d’un humain revanchard et d’un Seigneur Sith à moitié sénile. Elle lui avait dit que ces terres étaient son fief et que personne ne la contrariait. Il n’était plus question de perdre la face comme au Grand Temple de Kaas City. Il n’était plus question qu’il lui fasse confiance et qu’il se retrouve dans un pétrin, parce que le contrôle avait échappé à Dana.

- Jaden sera occupé ce soir. Cette salope de Tiamat est absente, comme Akusha, énuméra-t-elle sur un ton suggestif. Typiquement le genre d’opportunité dont je profitais…et dont tu vas profiter aussi. Il paraît que la nuit porte conseil. Je veux que celle-ci soit longue(Ses lèvres avaient rencontré la bouche du Sith avec ferveur avant de s’en détacher très lentement) et pleine de conseils.



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Aouw

Luis fixait le morceau de viande que Chekat tendait à bout de bras valide. Le steak de bantha se balançait mollement dans un mouvement qui hypnotisait la créature. Le jeune homme se retenait de trembler et il recula quand Luis s’ébroua pour attraper le leurre. Alors, l’esclave fila à toute vitesse, sanglotant, le puissant animal sur les talons. L’entrée des appartements de Dana Shar n’était désormais plus gardée. Chekat dérapa, jeta un coup d’œil par-dessus son épaule pour voir la gueule du nexu claquer dans l’air. Il paniqua et redoubla d’ardeur dans ses foulées qui le conduisirent dans les jardins suspendus. Ses sandales patinèrent contre la terre sèche, les feuilles, la pierre des allées, soulevant de la poussière. A la lueur des lunes de Ch’Hodos, il se guidait, connaissant le chemin par cœur. Enfin, son objectif fut en vue : une grande cage ouverte. Il prit de l’élan, jeta le morceau de viande à l’intérieur et fit un pas de côté. Luis se précipita, affamé, rua, heurta les barreaux et ses crocs se plantèrent dans la chair sanguilonente.

Bang.

Les portes de la cage s’étaient refermées, mais il ne le remarquerait qu’une fois son dîner terminé. Entre deux arbres, Chekat poussa un soupir de soulagement et d’un revers de main tremblant, essuya la transpiration qui avait inondé son front. Il pleurait toujours, mais un sourire mauvais avait pris possession de ses lèvres.


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Ils étaient occupés, à chercher l’un contre l’autre, les conseils nocturnes avisés. A oublier les impasses, le malheur, la mort qui tendaient leurs filets à chaque décision. Ils repoussaient une fois de plus les cauchemars, d’un baiser fiévreux, d’une caresse possessive. Jusqu’à ce que des bruits de pas dans les ténèbres figent leur étreinte. Des dizaines d’ombres avaient franchi l’entrée des appartements et s’étaient précipités vers la chambre de la princesse. Des soldats d’Akusha encerclèrent la couche princière. Krishka était là, entre les voiles translucides qui séparaient la chambre du reste des quartiers et son bras tendu pointait un doigt accusateur, une direction à suivre au regard enflammé de Jared Ashar qui venait d’apparaître.

Dana entrouvrit la bouche, paralysée de stupeur.


- Quelle…déception.
- Quoi ? s’exclama-t-elle. Sortez tous d’ici, vous n’avez pas le droit…
- Oh mais vous non plus. C’est autorisé quand c’est secret or…

Il brassa ses bras pour désigner les soldats impassibles et Krishka avant de se pointer lui-même.

- Ca ne l’est plus. Emmenez-le.

Ils auraient pu utiliser la Force, se lancer dans un combat qu’ils étaient certains de remporter, mais cela ferait beaucoup de cadavres à cacher, qui apporteraient beaucoup de questions. Dana croisa les prunelles satisfaites de Krishka. Cette vipère l’avait trahie et sans nulle doute qu’elle avait dû assurer ses arrières en mettant d’autres personnes dans la confidence, que Jared Ashar n’étaient pas venu défier deux Siths sans avoir songé à un filet de secours. Et si elle tuait Jared….tout n’était qu’un flot qui vrilla bientôt en tornade dans son esprit, précipitant une hésitation qui leur coûterait cher. Elle leva les mains et invoqua la Force jusqu’à la sentir trembler en elle. Un choc invisible repoussa brutalement les soldats qui encerclaient son lit. Dana avait sur son visage, une expression indescriptible. Ce n’était plus la princesse, mais l’Inquisitrice qui avait pris la décision de combattre.

Jared recula d’un pas mais ne se laissa pas démonter. Il fit un signe et deux soldats surgirent de son dos. L’un tenait contre lui, une Léti aux cheveux rouges et à la figure déformée par les coups et le sang, de sa tunique ne demeuraient plus que des lambeaux pleins de sang et sa chair portait des marques qui ne partiraient jamais. Le canon d’un blaster était grossièrement plaqué contre sa tempe. Dans toute cette bouillie de douleur, il ne restait plus que ses grands yeux clairs qui brillaient de souffrance. Dana laissa retomber ses bras le long de son corps. Elle attrapa le poignet de Lloyd pour l’empêcher de faire quoique ce soit, comme poursuivre le combat.

- Une esclave en otage ? Comme si j’avais quelque chose à foutre de son sort.
- Pas un otage…un simple reflet de votre futur. Vous êtes une loyaliste qui vous en prenez à des renégats en plein territoire de ces derniers. Akusha vous a pardonné la tête de mon petit frère. Il ne pardonnera certainement pas un massacre. En fait, c’est plutôt simple. Et quand il saura pourquoi un tel massacre…

De son uniforme sombre, il détacha un blaster qu’il pointa nonchalamment vers Hope.

- Quelle humiliation pour vous, pour votre lignée si pure.

Et parce qu’elle ne répondait pas, gardant un silence rebelle, il leva deux doigts vers son soldat. Ce dernier pressa la détente et un tir de plasma à bout touchant acheva la vie de Léti qui ne devint plus qu’un corps inerte et une odeur de chair grillée. Dana avait tressailli et posé ses yeux sur cette chevelure rousse, comme la sienne, qui gorgée de sang s’emmêlait sur le dallage.

- Qu’est-ce que vous voulez Jared ?
- D’abord que cet esclave soit envoyé aux mines. (Il s’adressa aux soldats) Ramassez-moi ça.

Ce fut un fracas de bottes, de cliquetis d’armures et une fois qu’il ne demeura plus que de soldats près à saisir Lloyd, une fois que de la présence d’une Léti morte ne demeura plus qu’une tache rouge au sol. Jared termina :

- Qu’il soit envoyé aux mines et que je finisse ce qu’il était en train de commencer. Cette foutue esclave ne m’a pas satisfait.

Dana détourna son minois vers Lloyd, planta son regard dans le sien et secoua la tête.





Lloyd Hope
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Le hapien haletait. Il échangea un regard avec Dana, qui lui fit non de la tête et aussitôt il baissa le visage, se rappelant qu’il n’était qu’un esclave, qu’il ne devait pas attirer l’attention, que s’ils étaient déjà à la recherche de l’apprenti du Castellan Noir, il pourrait être reconnu. Deux gardes le maintenaient fermement, les bras pliés dans le dos et ils l’obligèrent à se courber tandis que déjà on le poussait pour sortir, sans ménagement. En sortant, tous pataugèrent pitoyablement dans le sang qu’avait laissé le corps de Léti au sol.

L’instant suivant, il était déjà dehors, abasourdi. Les gardes et lui dévalèrent les marches du hall d’entrée, parvinrent dans la longue allée aux statues. Ils s’immobilisèrent un instant pour passer des menottes aux mains du hapien, qu’il laissa retomber mollement devant lui avant qu’ils ne le poussent pour le forcer à marcher.
La nuit rendait l’endroit sinistre, une lune claire projetant les ombres des statues comme des témoins cruels. Lloyd essaya de ralentir. Gagner du temps, essayer de réfléchir. Les soldats ne lui en laissèrent pas le loisir : aussitôt il fut brutalisé ; la hampe d’une lance percuta son dos en une pointe douloureuse, on le poussa en avant. Il chancela.

- Attendez, attendez ! tenta-t-il. Votre maître, il va mourir ! Il y a un nexu qui…
- T’inquiète pas, le nexu est déjà neutralisé. Avance !

Le hapien ouvrit la bouche et la referma. Merde. Ni lui, ni Luis pour protéger Dana. Lloyd fut forcé de continuer à marcher. Où en était Jared ? Dana se laissait-elle faire ? Avait-il déjà…
Ils traversèrent la longue allée en poussant Lloyd devant eux.

On ne se sépare pas.

C’était fichu. Quoiqu’il fît, ils venaient d’avoir leur dernière étreinte pour un long moment. Il imagina Jared dans les genoux de Dana, et cette vision était insupportable. Et quoiqu’il fît, il était condamné. A la mine. Ailleurs. Peu importait. Condamné, séparés.

Alors, pourquoi ne pas tenir la promesse qu’il lui avait faite, un jour qu’elle était à lui, nue dans ce kimono noir ? Combien de putain de Luis Raidun ?

Soudain il s’arracha brutalement à la poigne des gardes, pour courir en avant. Les soldats ne furent pas longs à réagir. Ils se jetèrent à sa suite dans une course-poursuite que le hapien savait voué à l’échec : déjà il entendait grésiller leurs comlinks, dans lesquels ils ordonnaient de fermer les portes de la citadelle pour qu’il ne pusse pas s’enfuir. Lloyd bifurqua dans un petit chemin de service entre deux murs de pierre et un par un, les soldats le suivirent. Un tir de blaster frôla sa cuisse, mais déjà il s’engouffrait dans une porte latérale. Il dévala une série d’escaliers, les soldats toujours sur ses trousses, pour débouler dans les cuisines, ou plusieurs esclaves s’activaient. Lloyd en attrapa un et le poussa derrière lui pour barrer la route des esclaves.

- ARRETE TOI ! cria un garde en percutant de plein fouet le jeune esclave mis en travers de sa route.

Mais Lloyd n’entendait rien. Il sauta par-dessus une table, se rua vers une série de marmites. Un tir de plasma s’écrasa sur un mur et un trou fumant se forma dans la pierre jaune. Le hapien saisit une cocotte pleine d’eau bouillante, ignorant la brûlure qu’il en coûtait à ses mains, pour l’envoyer, pleine, sur les soldats. L’eau bouillante jaillit en brûlant le visage du premier d’entre eux et de l’esclave qui était toujours près de lui. Le soldat suivant s’était heurté au premier et fut un instant décontenancé avant de recevoir lui aussi une cocotte fumante dont le couvercle tinta dans sa chute. La troisième marmite envoyée acheva de jeter la confusion dans le groupe de soldats, et des esclaves dont certains subissaient quelques dégâts collatéraux dont le hapien n’avait que faire. L’instant suivant, il enjambait une ouverture vers l’extérieur pour se retrouver dans les jardins suspendus.

Il se mit à courir. Le plus vite qu’il pouvait. Sans voir la cage et Chekat qui le regarda passer avec des yeux ronds. Sans voir les statues, ni les arbres, ni la lune blanche de Ch’hodos. Ses pieds nus martelaient la pierre comme il remonta quatre à quatre les escaliers menant aux quartiers de Dana.

Quand il fit irruption, le souffle court, dans la chambre de la princesse, le hapien se figea devant le lit de Dana.

Trop tard, songea-t-il, et un cri de rage mourut dans sa gorge. Jared était entre les genoux de Dana. L’Inquisitrice avait les poignets liés à la tête de lit en métal, et le devant de sa robe était déchiré, dévoilant son corps nu. Ashar avait le pantalon baissa, et sa peau laiteuse disparaissait entre les cuisses de Dana.
Jared avait tourné vers lui un visage chargé de stupeur. Lloyd ne lui laissa guère de temps pour réaliser. Il se jeta sur lui et, de ses mains assemblées, saisit l’homme aux cheveux et au col d’une chemise qu’il avait à peine ouvert pour l’arracher à cette étreinte insoutenable. Le hapien projeta Jared contre un miroir. L’homme accusa le coup d’un cri rauque, avant de tendre les doigts vers le blaster resté au bord du lit. Celui avec lequel il avait certainement menacé Dana pour réussir à l’attacher. Le hapien ne lui laissa pas le temps de l’attraper. Il fracassa le crâne de Jared contre le miroir une deuxième fois, plus fort. L’ouvrage se fendilla en mille morceaux dont certains tombèrent au sol. Lloyd marcha dessus, s’y coupa les pieds sans même les sentir, car il était occupé à frapper encore. Finalement il jeta Jared au sol. Ce dernier gémissait de douleur, le visage couvert de sang.







- Chez la princesse ! cria Chekat. Il est retourné chez la princesse !

Les gardes, avec trois hommes en plus venus en renfort, passèrent à leur tour devant la cage du nexu au pas de course.






Lloyd avait saisi un morceau du miroir et venait de l’enfoncer profondément dans la gorge de Jared. Ses mains étaient autant couvertes de son propre sang car il avait refermé ses doigts sans protection sur cet arme improvisée, et son œuvre ruisselait d’une façon macabre. Il l’avait achevé sans délicatesse. Comme un boucher.
Mais il n’y avait pas le temps d’y réfléchir. Il se redressa pour faire face à Dana, croisa l’étendue dorée, ne savait pas ce qu’il aurait dû y lire. Du soulagement ? De la peine ? Était-il arrivé trop tard ? Il s’agenouilla sur le lit, à la place de Jared un peu plus tôt. Il passa les mains sur les cuisses charnues de la jeune femme, son ventre, laissant partout son sang et celui de Jared mélangés, souligna d’un trait rouge les quatre lettres sur la peau douce de Dana, sans rien dire. Son cœur battait encore la chamade de sa course folle et de ce combat sans élégance. De ses mains liées, il prit dans ses paumes rouges les deux seins tandis qu’il approchait son visage de celui de l’Inquisitrice. Des escaliers menant au jardin leur parvinrent les sons des bottes des soldats. Alors Lloyd écrasa rapidement ses lèvres contre les siennes, ses mains remontant dans la nuque de Dana pour la tenir. Il aurait tant voulu rester. Reprendre la place que Jared lui avait volé cette nuit. Mais il était trop tard. Il délia leurs langues à regret, retirant ses lèvres pour soutenir les prunelles dorées de l’Inquisitrice.

- Mes efforts ne suffisent jamais, souffla-t-il dans un constat sans appel. C'est pour ça que j’arrêterai pas de revenir. J’arrêterai pas d’être ton genre non plus. Alors sois sage… Ma princesse de Ch’Hodos.

Il déposa un furtif baiser sur les lèvres vermeilles avant de s’enfuir.

Dès qu’il sortit de la chambre, cependant, il tomba nez à nez avec les gardes qui s’engouffrait dans le corridor central. La seule issue. Le hapien prit la direction opposée et déboucha sur la terrasse. Il s’immobilisa, pris au piège, avant de jeter un dernier regard derrière lui.

Il prit une inspiration.

Puis il sauta par-dessus la balustrade.
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Dana respirait fort. Sa vision était brouillée par des larmes d’impuissance et de rage. Ses doigts enserrèrent les chaînes qui la liaient encore au lit et elle tenta vainement de s’en défaire, d’invoquer la Force. Mais ce connard de Jared Ashar avait usé de ces menottes qui neutralisaient spécialement les utilisateurs de la Force. Elle ne pouvait que s’épuiser, souillée de sang, et tirer encore avec l’impression brutale d’être à la merci de la première menace venue. Ces chaînes lui remémorèrent l’arme étrange qu’avait utilisé le « Mando » et qu’elle n’avait pas su contrer avec son don. Si elle n’avait plus la Force, que lui restait-il ? Et Lloyd ? Elle dirigea ses yeux écarquillés vers le cadavre inerte de Jared puis vers la sortie que Hope avait empruntée. Elle tira plus fort, appela son nom, le supplia de revenir et la nuit s’annonçait longue. N’était-ce pas ce qu’elle avait voulu ?





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- C’est mon épouse, hein ?

Le soleil frappait la joue pâle de Dana, sur laquelle deux sangs mêlés séchaient. A travers ses yeux mi-clos, elle distingua la silhouette d’Akusha qui se tenait en conquérant. La semelle de ses chaussures baignait dans l’hémoglobine de Jared dont le corps souillait encore le dallage raffiné. Elle eut un sursaut et sortit de sa léthargie. Un officier fit un pas vers le Seigneur Sith pour murmurer que oui, c’était bien son épouse. C’était pire que tout, Akusha était déjà revenu.

- C’est fâcheux et contrariant.
- Nous sommes en train d’établir un rapport clair, Seigneur Akusha, répliqua l’officier, lèvres pincées.
- Non, non, bailla le vieil homme en agitant la main comme si tout cela n’était qu’un verre cassé au cours d’un repas. Je vais m’occuper de tout ça moi-même. Rassemble la garnison en place cette nuit.

Deux militaires attrapèrent chacun un bras du mort et le traînèrent à terre pour l’évacuer. Le Sith contourna le lit et s’assit au bord, comme il l’avait fait deux jours plus tôt. Dana détourna la figure mais elle ne sut si c’était de honte ou de colère. Il se pencha et brisa les chaînes reliant les menottes de la princesse au montant de sa luxueuse couche. Il le fit au seul effort de ses mains ; un effort sublimé par une bonne dose de Force. Elle sentit ses bras endoloris retomber le long de son corps.

- J’ai une question, dit-il d’un air pensif, très calme et froid. Indifférent au sang dont elle était couverte, indifférent à sa nudité ou encore à son expression choquée. Je me demande, est-ce que le meurtrier de mon apprenti est celui de Jared Ashar, mh, mh. Si c’est le cas, ça veut dire qu’il est sur Ch’Hodos. Comment est-il arrivé là ?

Il lissa sa barbe soignée, badigeonnée d’une huile à l’odeur forte que Dana avait toujours détestée. Cependant, elle se tenait immobile et mutique.

- Hmmm, réfléchit-il de sa voix rauque. Dis-moi, Lana. Combien de temps ? Avant que…le maillon manquant ne vienne compléter la chaîne ? J’aime beaucoup cette énigme. C’est très divertissant.





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Elle tremblait au centre des thermes où elle avait été escortée par deux soldats et quelques esclaves pétrifiés. De Krishka et Chekat aucune trace pour le moment et mieux valait. Elle n’aurait pas supporté que la doyenne paraisse à sa vue, pas après sa trahison odieuse. Elle avait plongé dans les grands bassins d’eau huilée et parfumée. Les plafonds bas et voutés des souterrains semblaient écraser ces piscines à la mosaïque lapis-lazuli. Des braseros suspendus illuminaient les salles d’eaux. Elle était seule, immergée à moitié. Une esclave frottait le sang avec une éponge grasse, elle passait machinalement le long des courbes de Dana et cette dernière fixait l’entrée des thermes où les deux militaires veillaient toujours. On ne lui avait pas retiré les bracelets à la technologie anti-Force.

Elle était prisonnière, dans son propre palais. Mais cette idée n’était pas la plus désagréable. Elle ne cessait de penser à Lloyd Hope, aux derniers mots qu’il lui avait accordés, à sa fuite. Il pouvait être n’importe où. Il ne connaissait pas Ch’Hodos. Elle revit le sang de Jared jaillir comme un ruisseau furieux sortait de son lit, les mains du hapien devenir écarlates. Ces mêmes mains passer là où celles de l’autre humain étaient passées, effacer les traces par le sang, récupérer ce qui lui appartenait. Elle ferma les yeux et fit au mieux pour contenir ses sanglots. Une autre esclave releva sa chevelure, pour laver sa nuque. Et le reste de la toilette se fit dans un silence quasi-religieux.




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- Ce qui est arrivé est regrettable, lâcha Akusha en gobant un fruit immense. Du jus sucré éclata entre ses lèvres rêches pour couler dans sa barbe grises. Devant lui, une trentaine de soldats, tous de garde cette nuit-là. Les mines étaient graves et sombres. Il jeta une œillade vers Dana qui se tenait debout à côté de lui, propre, drapée de sa robe émeraude, coiffée comme une princesse de son rang, les cheveux sertis d’un diadème tranchant.

- J’ai entendu dire que du temps où Shar Ram n’était pas le lâche qu’il a été en refusant de se soumettre à l’Empire, il pratiquait la décimation.

Akusha tendit une main vers Shar, à la fois las et diverti.

- A toi l’honneur.

Elle n’avait aucune pitié pour ces soldats, qu’ils fussent à la solde d’Akusha, de Ramken ou de Jared lui importait peu. Ils l’avaient trahie, l’avaient encerclée comme une vulgaire criminelle, l’avaient vu dénudée, dans son intimité. Ils avaient vu les oiseaux mourir. C’était un spectacle qui se payait cher. Quant au Seigneur Sith, il souhaitait non seulement faire un exemple pour leur incompétence à avoir arrêté le meurtrier, mais également parce que son retour à la Citadelle marquait la fin de sa rencontre avec les représentants de Listehol. L’Etat-Major de ce dernier envoyait actuellement du renfort pour mater la résistance et s’installerait en partie à la Forteresse. Autant faire un peu de place, donc.

- Je veux tous les tuer.
- Moins raisonnable que son père, ricana Akusha et il croqua dans un nouveau fruit. Bien, après la décimation, tu décideras du sort de ceux qui restent.

Les doigts délicats de l’Inquisitrice donnèrent le signal. Un droïde passa entre les rangs, il scannait chaque matricule de soldat. La tension se répercutait jusqu’au trône. Akusha était fasciné par ces visages transis de peur ou de fatalité. Certains acceptaient la mort à venir, d’autres la redoutaient. Aléatoirement, le droïde pointait d’un bip un matricule sur dix. Les désignés furent invités à quitter les rangs. Ceux qui avaient échappé à cette malheureuse loterie dégainèrent leur blaster et exécutèrent les leurs, la mort dans l’âme, les yeux éteints, les mains parfois tremblantes. Puis, les nouveaux militaires, ceux du Premier Ordre dépêchés par le Général Takeda s’invitèrent dans la danse macabre. Ils désarmèrent les survivants et Dana porta sur ces derniers une œillade que toute humanité avait quittée.

Et elle tint à assister elle-même au reste de l’exécution. Jusqu’à ce que le dernier corps soit précipité du haut de la Forteresse pour se briser à des centaines de mètres plus bas, sur un tas d’os et de membres fracassés, appartenant à ceux qui l’avaient précédé. Elle n’éprouva aucun plaisir, et aucune paix ne vint après cette vengeance sommaire. Elle avait juste l’impression d’un statu quo angoissant. Derrière elle, à l’abri d’un dais et éventé par une twi’lek pourpre Akusha s’ennuyait.

- Satisfaite, Diana ?

Ils étaient sur le plus haut rempart et une brise brûlante mordait leurs peaux.

- C’est. Dana.
- Voici la version officielle du rapport.

Il claqua les doigts et un officier s’avança pour transmettre un datapad à la princesse. Elle en prit connaissance, blêmissant à chaque ligne.

- Jared et toi avez été les malheureuses victimes d’un esclave loyaliste. Ashar est officiellement mort en tentant de te protéger. Il a sauvé ta vie et nul doute que tu te montreras reconnaissante envers sa famille pour ce…sacrifice.
- Bien sûr, mentit-elle en crispant une main contre son ventre que la colère avait rendu douloureux.
- Tu iras leur présenter tes condoléances pour la perte de ce deuxième frère, de ce deuxième fils. Oh, cela risque d’être drôle. Je pense que tu es la dernière personne qu’ils souhaitent voir en ce moment. C’est drôle n’est-ce pas ? (demanda-t-il à la twi’lek qui se contenta d’approuver pauvrement)

Très drôle.

- Parfait, nous quittons donc cette Citadelle emmerdante et poussiéreuse pour….le palais de Ch’Hodos City. Les jumeaux Ashar doivent encore me présenter le plan des festivités. Fais tes affaires.



Lloyd Hope
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Le hapien avait chuté quelques mètres plus bas, sur un toit incliné dont émanait encore la chaleur du soleil même bien après que celui-ci se fut couché. Ses jambes avaient mal amorti le choc et il s’était affalé sur les tuiles en terre cuite, roulant sur le support dur. Puis il y eut une seconde chute. Il essaya de se redresser mais il atterrit sur un muret dont il glissa presque aussitôt pour tomber en travers de celui-ci. Il sentit deux de ses côtes se rompre sous l’impact, qui lui arrachèrent un gémissement de douleur. Il se laissa glisser en bas du muret et ses jambes le portèrent, dans une direction aléatoire, au pas de course, pour disparaître dans la nuit.








Lorsque le jour se leva, Lloyd était recroquevillé dans une ruelle, entre deux caisses de marchandises. Un homme en toge colorée venait de sortir de chez lui, par une porte bringuebalante, et lui donner un bref coup dans le pied du bout de sa sandale poussiéreuse.

- Dégage d’ici, esclave ! grogna l’homme au crâne dégarni. Va décuver ailleurs, va !

Le hapien grogna en se levant, et chancela, hagard vers la rue principale, qui s’étalait de mille couleurs, si différente de ce qu’il avait à peine aperçu lors de son cheminement nocturne. Aussitôt ses côtes se rappelèrent à son bon souvenir. Il grimaça. Il avait du sang séché partout, se souvint-il soudain quand des regards se posèrent sur lui, étonnés. Il hâta l’allure, au hasard des rues, et la foule qui se pressait au marché le contournait avec dégoût.

- Les bains ? demanda-t-il à une petite femme qui s’offusqua d’être interpelée, avant de recommencer avec un homme à la haute stature. Les bains ?

Personne ne lui répondit. On ne voulait rien avoir à faire avec un esclave qui avait une telle allure. Il se doutait que bientôt, il serait signalé à des gardes qui feraient le lien avec l’incident de la nuit dernière. Sans compter ses mains liées, qui le désignaient d’office comme un prisonnier enfui d’une geôle. Il avait soif, si soif, soudain. La chaleur matinale était déjà intense, plus encore dans la foule qui piaillaient en tout sens. Des étalages arboraient des marchandises de toute sorte ; fruits, légumes, savons, tissus, bêtes vivantes, esclaves. Mais il voulait de l’eau. Juste de l’eau.

Il s’arrêta au milieu de la foule qui circulait en se bousculant, et seuls les droïdes ne jetaient pas à Lloyd de regards curieux. Il leva le nez vers la Citadelle. Elle était si haute. Des dizaines et des dizaines de mètres plus haut. Dans la nuit, il avait dévalé sans réfléchir, persuadé que les soldats seraient à sa poursuite. Il aurait dû essayer de rejoindre le quartier aux esclaves, puis l’endroit où l’on stockait la glace. Là il y avait de l’eau. C’était toujours un plan valable, mais risqué.
Un speeder klaxonna et il se poussa pour le laisser passer. Au bout de la rue, il entendit des cris, des complaintes, et ses yeux se portèrent jusqu’à l’incident : les soldats bousculaient la foule pour se frayer un chemin. Le cherchaient-ils ? Peut-être pas. Mais il ne pouvait pas prendre le risque. Il se hâta de marcher dans la direction inverse, mettant entre lui et eux le plus de distance possible malgré la difficulté de progresser. Ses pieds nus, que le verre avait tranchés, piquaient douloureusement dans la poussière qui couvrait le sol de la rue, et un mal de tête lui enserrait le crâne. Le soleil agressait ses yeux, sa peau, et il n’y avait plus personne pour le protéger du reste du monde. Il poursuivit néanmoins, titubant, trébuchant parfois.

Jusqu’à ce qu’il perçût, à une trentaine de mètres devant lui, un autre groupe de gardes. Il jeta un regard en arrière. Les autres soldats se rapprochaient. Il était pris en tenaille. Sa respiration s’accéléra, la chaleur fut insupportable tandis qu’il tournait sur lui-même.

- Merde, merde, merde, grogna-t-il entre ses dents.

Ses yeux tombèrent sur les étalages d’un côté de la rue. On y vendait des peaux de bête. Il ne pourrait pas s’y cacher sans alerter les commerçants, il était beaucoup trop repérable. Il se retourna encore, fouilla l’autre série d’étalage pour découvrir une estrade. Des hommes. On y vendait des hommes. Torses nus, tatoués. Les muscles saillants, des cicatrices barrant leur peau usée par le soleil.

Le hapien se jeta dans cette direction. Au pied de l’estrade, un type ventru, portant de nombreuses bagues et une dent en or, braillait des annonces.

- Guélicor ! Messieurs dames, Guélicor sera bientôt un champion de l’arène ! Il a vaincu deux fois le célèbre Meksit aux jeux de Kénidia, l’année dernière ! Une santé de fer, il ne vous coûtera pas un crédit imprévu d’entretien !

Qu’avait dit Lirik ? Les types comme toi… A la mine… Ou des guerriers de spectacle.
Lloyd se fraya un chemin jusqu’à l’homme, qui fut un instant surpris. Il le toisa de la tête aux pieds.

- Hé, hé. Je suis à vendre. Vous me vendez ? Laissez-moi monter sur cette estrade et vendez-moi.
- Quoi ?

L’humain ventru écarquilla les yeux et un sourire mauvais se peignit sur son visage.

- T’appartiens déjà à quelqu’un mon grand, fit l’homme en désignant le collier que Lloyd portait autour du cou. Dégage.
- Non, non. Attendez. Il y a eu un règlement de comptes. Mon maître a été tué ainsi que tous les autres esclaves. Je sais me battre. Je ne vous décevrai pas, je vous jure.
- Je me fiche que tu te battes bien, moi je fais que vendre.
- Mais vous pourriez tirer de moi un bon prix, non ?
- Tsss…

Le marchand hésita, tandis que Lloyd, transpirant, jeta un regard inquiet vers les soldats qui se rapprochaient.

- Non ?? insista-t-il, pressant.

Un client, en toge élégante, suivi de deux esclaves qui portait ses affaires, se présenta devant l’estrade et commença à regarder les hommes alignés sur l’estrade. Ses yeux tombèrent sur Lloyd, et il parut intéressé.

- Je suis à vous dans une minute ! cria le marchand à son attention. N’hésitez pas à poser des questions aux guerriers déjà exposés !

Puis il sortit de sous sa toge un petit coutelas, faisant signe au hapien de sa main libre de s’approcher. Le petit homme jeta un coup d’œil autour de lui, vérifiant que tout le monde était trop occupé pour lui porter trop d’attention, et il glissa d’un geste plus adroit que l’on aurait pu s’y attendre la pointe de la lame sous le collier de cuir, dans le cou de Lloyd. La lanière chuta au sol et l’humain la piétina pour la faire disparaître dans la poussière.

- Bon. C’est quoi ton nom ?
- J’ai pas de nom, répondit Lloyd.
- Et j’vais te vendre comment, l’artiste, si j’peux pas te présenter ? Donne-moi un surnom, au moins !

Lloyd regarda à droite puis à gauche. Les soldats se rapprochaient. Ils contemplaient tous les étalages, un par un, à la recherche de marchandises probablement douteuses. Le groupe le plus proche prenait son temps pour regarder des femmes twi’lek enchaînées, alignées sur un banc. Le hapien reporta ses yeux émeraudes sur le marchand.

- Un surnom ? répéta-t-il, la voix inquiète. Un surnom.

Oui. Il avait un surnom. Un surnom qu’une seule personne pourrait reconnaître.

- Le boucher.
Darth Hope
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Dana était agenouillée devant la statue à l’effigie de Shar Dakhan. Elle se présentait à lui parfaite, malgré cette teinture ridicule qu’elle arborait pourtant avec autant de beauté que de fierté. Personne n’aurait pu colorer son ADN, ses origines. L’ombre de son glorieux ancêtre la recouvrait avec tant de poids qu’elle eût l’impression de ne plus jamais revoir le soleil. Elle garda le visage bas mais releva ses prunelles dorées vers le visage gravé dans le marbre sombre, qu’un drapé sculpté occultait de moitié. Elle lui adressait une prière silencieuse et faisait une promesse.

Celle ne de plus jamais revenir dans cette Forteresse, tant qu’elle ne serait pas le Seigneur de ce monde.

On lui avait retiré la Force, mais pendu à une ceinture d’or qui soulignait la courbe de ses hanches, le sabre-laser incurvé du hapien pesait comme son souvenir. Elle n’était pas encore sans ressources.


Gloire à l’Empire, souffla-t-elle dans une ultime dévotion et s’éloigna pour rejoindre l’entrée de la Citadelle, escortée par deux soldats du Général Takeda, dont l’uniforme noir absorbait le soleil ch’hodien.






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Depuis les airs, Ch’Hodos ressemblait à une immense tâche d’huile à la surface rutilante, frappée sans cesse par la lueur solaire. C’était une cité tentaculaire, bâtie dur l’un des plus longs fleuves de la planète – celui qui scindait le désert en deux à l’image d’un serpent géant. Ch’Hodos City avait été renommé dès l’avènement de l’Empire Sith fondé par Ynnitach ; la capitale avait porté - avant cela, plusieurs noms, la plupart en sithese, la plupart oubliés, sauf de quelques érudits Siths. C’était l’une des cités les plus importantes de Ch’Hodos, si ce n’était la plus importante. Elle concurrençait d’autres villes, comme Dahara, fondée sur le tombeau de la première et dernière Reine ch’hodienne : Dahara Shar. Une majorité des lignées siths de la planète avaient leur pied à terre sur Ch’Hodos City, d’où partaient les nervures du pouvoir depuis la chute des Shar. On voulait être au plus proche d’Akusha et de ses faveurs. Ch’Hodos City c’était aussi une modernité qui se refusait au reste de la planète comme en témoignait le ballet incessant des airspeeders et des vaisseaux en provenance et à l’arrivée de l’astroport flambant neuf.

La poussière du désert, accumulée à la pollution ambiante, créait parfois un brouillard atypique, ocre et sec, qui voilait les sommets escarpés des gratte-ciels. Seules les tours majestueuses du palais de Ch’Hodos City et de son temple noir transperçaient cette brume, rappelant la hauteur de ces lieux sacrés. Au centre de la cité, l’Arène où jadis, les Massassis s’affrontaient pour reprendre le pouvoir à la suite de la disparition de Shar Dakhan, élevait ses tribunes et s’ouvrait au ciel. La lutte, le sang, la mort. Les sports préférés des ch’hodiens.

Debout sur le balcon de sa nouvelle chambre, Dana admirait tout cela, impassible. Ici, plus de droïdes que d’esclaves et le ronronnement discret de leurs processeurs alimentaient ses oreilles. Elle se demandait si Lloyd Hope se trouvait quelque part dans cette étendue urbaine aux multiples ramifications où s’il avait pris la direction de l’ouest, où les mines lui réservaient un sort funeste.

Elle se demandait s’il était….mort.

Dana. Si je suis vivant, je reviendrai. Et tant que tu n’as pas la certitude absolue, tant que tu n’as pas vu mon cadavre identifié sans l’ombre d’un doute, c’est que je reviendrai te chercher. Ok ?

- Ok.

C’était impossible qu’il fût mort.

- Oui, Dame Shar ? souffla une esclave twi’lek qu’on lui avait attribué à son arrivée. Elle portait un fin collier de cuir autour de son cou au derme bleuté.
- Rien, allons satisfaire la demande de mon époux concernant mon nexu.
- Bien, maîtresse.
- Quel est ton nom, déjà ?
- Shira

Shar se pinça les lèvres en revoyant le corps de Léti heurter le sol, sa longue chevelure rousse gorgée de sang et de nœuds, le regard encore figé de souffrance. Son avenir, avait dit Jared Ashar.

- Bien Shira, ne me quitte pas d’une semelle.


Les portes grincèrent en s’ouvrant quand Shira appuya sur le panneau de commandes d’ouverture. Elle s’efforçait de ne pas trembler à l’ombre de l’énorme nexu de la princesse qui – depuis sa « neutralisation » semblait acerbe et agressif. Il grognait, montrait des crocs au moindre étranger qui s’approchait de Dana. Akusha lui avait donc laissé un choix très simple : soit il exécutait la bête, comme le nuisible qu’elle était, soit Dana l’enfermait. Et elle avait choisi l’ancien bureau de son père comme cellule. Une pièce abandonnée depuis des lustres. Shira enclencha la lumière et des volets se levèrent pour que les rayons solaires s’engouffrent par les fenêtres. Ils frappèrent un énorme portrait, accroché au-dessus de l’office où présidait son père. Leur lueur orangée dévoila les traits figés dans la peinture de Damaya Dina Shar. Et son regard déterminé, son sourire assuré, redonnèrent vie à la salle que la poussière recouvrait.

- Je te laisse en compagnie de Damaya, Luis. Tu seras nourri, mon grand..souffla-t-elle en flattant la gueule du nexu. Et quand je partirai, je reviendrai te chercher. Tu pourras dévorer Mumkin si tu veux, plaisanta-t-elle. Il te manque hein ?
- Aouw…

Elle retint un sourire et quitta les lieux, tandis que Luis bondissait sur le bureau pour s’y rouler en boule. Shira referma derrière elles et activa le verrouillage des portes, soulagée de s’éloigner de la créature. Elle en profita pour jeter un regard discret à sa nouvelle maîtresse, soulagée également d’avoir été retirée des mains d’Akusha pour servir une jeune femme en apparence si calme et si belle.



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La demeure des Ashar était en retrait de la cité. C’était un domaine impressionnant, qui aurait pu rivaliser avec un palais si la famille Ashar n’avait pas toujours été reléguée au second plan du pouvoir. Alors, ils avaient bâti leur influence et leur richesse sur le commerce, d’esclave au départ, puis ils avaient fait main-basse sur une partie de l’Arène en entraînant des guerriers renommés pour le combat. Ils avaient même noué quelques relations avec des géonosiens (relations discrètes, cela va s’en dire, c’étaient des aliens) afin de profiter de leurs conseils éclairés en matière de divertissement sanglant. Jared Ashar avait fondé un petit empire dans les technologies de construction et les droïdes. Tout Ch’Hodos souffrait de la canicule exceptionnelle, et les Ashar en souffraient aussi. L’import de glace était hors de prix et depuis la mort de Jadenet maintenant, celle de Jared, leur fortune semblait changer. Les cérémonies de l’Arène devenaient leur seule chance de préserver la face.

Les bassins d’eau de leur atrium étaient désespérément secs, au centre de ces derniers, sous le puits de lumière, reposait la dépouille de Jared Ashar, dans un cercueil ouvragé. Et des ombres tournaient autour, charognes ou éplorées. On murmurait des condoléances, hypocrites ou sincères. On chuchotait des spéculations, au sujet du meurtrier, au sujet du retour de Dana Shar. Les jumeaux Ashar avaient l’âge de cette dernière et ils entouraient leur mère effondrée qu’un voile noir recouvrait et derrière lequel des larmes silencieuses se versaient.


Aussi, tous les regards se tournèrent quand elle apparut. Et son apparition sembla suspendre la course du temps. Elle avait ce sourire maîtrisé, qu’un rouge prononcé sublimait et des cheveux flamboyants sous la tulle sombre qui les recouvraient. Et sa tunique de dentelle transparente traînait élégamment à ses pieds mais dévoilait secrètement son corps que des dizaines de bijoux gardaient jalousement. Les langues se délièrent davantage, commentant l’arrivée aussi surprenante qu’inconvenante de la princesse. Elle portait le noir déférent du deuil, mais en dessous, tout n’était que provocation.

- Cette putain de Shar, grogna Jacet, écœuré.
- Ne provoquons pas un scandale, intima son jumeau, Janek.

Leur mère demeura mutique, paralysée par une dignité soudaine et une colère sourde. Et quand Dana osa se présenta à elle, elle dut retenir sa main de voler dans la figure princière. Mais tout le monde les regardait, prêts à se repaître d’une scène qui ferait le tour de toute la noblesse impériale, jusque Ziost, juse Kaas City, indifférente aux allégeances des uns et des autres. Et la dame Ashar était de la vieille école.

- Comment oses-tu te présenter ici ? cracha-t-elle tout bas derrière son voile endeuillé. Toi qui as apporté la tête de mon fils le plus aimé. Et malgré ça, Jared t’a protégé, il a protégé celle qui s’est réjouie de la mort de notre Jaden. Tu avais grandi avec lui, tu partages son sang.
- Oh…Jenna, souffla Dana d’une voix douce, dévoilant son meilleur jeu d’actrice et son hypocrisie termina d’enfoncer le couteau dans la plaie. La princesse attrapa les mains de la mère entre les siennes. De loin, le geste ressemblait à n’importe quelle étreinte de sympathie, mais Jenna sentait les doigts de Dana écraser les siens dans une poigne douloureuse. Elle grimaça sous son voile. Jenna, répéta-t-elle, toutes mes condoléances. Je venais embrasser Jared une dernière fois, pour lui souhaiter un bon voyage. Saviez-vous que le soir de sa mort, avant que cet esclave nous attaque, il me…confessait m’aimer. Il me disait que j’étais la seule à compter à ses yeux. Vous devriez respecter ça.

Shar relâcha sèchement les poignets de la Dame et se détourna vers ses deux fils restants. Ils se défièrent en silence une seconde et elle engagea un pas macabre vers le cercueil. Contrairement à Jaden, les yeux de Jared étaient clos. Il avait été lavé, parfumé, habillé, coiffé. Bref. La mort le drapait d’une dignité qu’il ne méritait certainement pas. Dana se pencha, une partie de sa chevelure rousse glissa sur ses épaules et caressa le visage blafard du défunt. Elle approcha ses lèvres des siennes et chuchota :



- Il n’a pas pu te le dire, alors je vais le faire. C’était lui, l’apprenti du Castellan Noir, qui a tué Jaden sur mon seul ordre. Et il m’a donné beaucoup de satisfaction à le faire. Ensuite, je me suis offerte à lui, pour le récompenser parce que j’aime quand il me donne du plaisir. et qu'il me possède. (Elle sourit et ses prunelles brillaient) Je t’avais dit qu’il te tuerait aussi. Et je vais t’avouer quelque chose….


Elle laissa dériver ses lèvres souriantes vers l’oreille de Jared pour déposer son ultime confession, qu’il emporterait avec lui dans la mort, comme une malédiction. Et puis, elle plaqua brièvement sa bouche contre la sienne, ignorant l’odeur rance du musc dont on avait recouvert Ashar pour masquer le parfum de la mort. Le spectacle était parfait. Déjà, on murmurait que la princesse s’était repentie de son acte de folie, celui d’avoir offert la tête de Jaden Ashar à Akusha. On la plaignait presque, en supposant que Laduim avait dû la forcer, ou la torturer pour accomplir cette sombre œuvre et qu’il avait ensuite envoyé l’assassin de Jaden pour la tuer elle, pour s’en débarrasser pour qu’elle ne parle plus. Des larmes de crocodiles suffisaient à renverser une situation. Ce qu’on ne pouvait avoir par la force, il fallait l’obtenir par de nombreux autres moyens.

Sois sage....ma Princesse de Ch'Hodos

Son sourire quitta ses lèvres et elle revint auprès de la famille endeuillée.

- Mon époux m’a dit que vous organisiez les jeux cérémoniaux à l’Arène. Je veillerai personnellement à ce qu’un hommage soit rendu à Jaden et à Jared. Ce serait mon acte de regret, mon mea culpa, dit-elle clairement pour que tous puissent l’entendre.

Jenna se contenta d’incliner la tête, encore brisée par la soif de vengeance. Janek s’avança parce qu’il était sans doute le plus raisonnable de tous.

- Nous acceptons, princesse Dana.
- Parfait. C’est une trêve alors.

Et elle quitta les lieux, la mine soudainement fermée et sombre.




Lloyd Hope
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Hey Lloyd






Le hapien s’éveilla en sursaut, ballotté dans une pièce sombre. Ou plutôt, la soute d’un cargospeeder, dans lequel il était attaché par ses menottes rudimentaires. Le grondement du véhicule emplissait l’habitacle, dissipait la voix de Dana dont il avait rêvé brièvement avant d’être arraché à la douceur des songes pour revenir dans son corps douloureux. Ses deux côtes brisées rendaient la position difficile à tenir, et il tâcha de se redresser. Un cahot le balança plus brutalement que les autres et il laissa échapper un grognement.
Quelqu’un à ses côtés bougea à son tour. Dans la pénombre, il reconnut le corps épais de Guédicor, qui avait été vendu avec lui. C’était une force de la nature ; deux fois plus épais que Lloyd, et deux têtes plus haut que lui, le visage du gladiateur était bouffi par les blessures passées, mais des boucles rousses sauvages adoucissaient son allure et se mêlaient à une barbe fournie. Guédicor jeta un regard à Lloyd.

- On est réveillé, le boucher ?
- Ouais, croassa Lloyd de sa bouche pâteuse.

En dehors des deux hommes, la soute était vide et leurs voix résonnaient quand ils parlaient. Ils avaient été parmi les premiers vendus au marché. Le hapien avait entendu d’une oreille distraite que des jeux prendraient place bientôt à Ch’Hodos City, que l’on cherchait de bons potentiels pour se démarquer. Pas forcément pour rafler toutes les mises, mais pour donner du spectacle, voir des combattants inoubliables.
Un homme distingué, les cheveux grisonnants, avait pris Guédicor grâce à une réputation déjà taillée, même s’il avait obtenu une ristourne en argumentant que le gladiateur était en fin de carrière. Le marchand avait rétorqué qu’il offrirait certainement prochainement une mort glorieuse et honorable pour son propriétaire, ce qui lui permettait d’en tirer un bon prix. Puis l’acheteur avait été séduit par l’histoire de cet ancien esclave, reconverti en guerrier après qu’il eût sauvagement découpé le corps d’un rival de la famille à qui il appartenait. Depuis, avait affabulé le marchand, c’était son mode opératoire, il découpait les gens et il gardait sur ses mains et son visage le sang de sa dernière victime. Alors l’acheteur l’avait acquis pour 66 000 crédits, et le marchand avait paru satisfait.
Les soldats, eux, étaient passés et les avaient toisés sans les inquiéter davantage. Après quoi ils avaient été conduits dans le cargospeeder par des esclaves qui ne leur accordèrent pas un regard.

- T’as vraiment l’intention de mourir dans l’arène ? demanda Lloyd sur un ton distrait.

Ses pensées voguaient toutes vers la Citadelle. Il fallait espérer qu’après Jared, on n’osa plus si facilement s’en prendre à la Princesse de Ch’Hodos. Il fallait espérer que la laisser attachée l’avait écartée de tout soupçon auprès des yeux de son mari, qui n’en avait pas profité.
Il fallait espérer, sinon tout cela n’aurait servi à rien.

- T’as vraiment l’intention de survivre à ton premier combat, dans ton état ? rétorqua Guédicor, acide.

Le hapien haussa les épaules et ne répondit pas, lui non plus.





Heureusement, les jeux n’étaient pas pour tout de suite. Après plusieurs heures de route, Guédicor et Lloyd avaient été débarqués dans la grande cour d’une demeure qui ressemblait à s’y méprendre à une prison : des murs hauts dotés de tourelles, des cellules alignées contre les murs, et des hommes aux muscles saillants qui les jaugèrent du regard dès qu’ils furent arrivés. Au-delà des murs, on apercevait les gratte-ciels de Ch’Hodos City dont le centre se trouvait à quelques kilomètres à peine de leur enceinte. Ici le sable était épais, et à peine Lloyd posa-t-il le pied par terre qu’il comprit qu’ici non plus il ne serait pas à l’abri de la chaleur intense, d’un soleil agressif.

Il n’eut guère le temps de s’inquiéter davantage. Une grande brute, dont le visage portait un masque de fer, le poussa vers une salle intérieure. Guédicor et lui durent se déshabiller après avoir été libérés de leurs chaines, puis plonger dans un bassin d’eau tiède, nus comme des vers sous le regard sévère de quelques autres guerriers. Puis on leur avait serti le cou d’un nouveau collier, beaucoup plus sophistiqué que celui qu’il avait eu à la citadelle : c’était un dispositif proche de celui que Dana avait expérimenté sur Artorias. Un cercle de métal, dont on pouvait activer une électrocution pour punir… ou tuer. Puis on entreprit de les marquer tous les deux du sigle de la maison sur l’épaule gauche. Le hapien laissa échapper un cri de douleur quand celui que l’on appelait le mentor, la grande brute masquée du nom de Jephego, apposa le poinçon de fer chauffé à blanc contre sa peau. La brûlure mordit sa chair en profondeur, dessinant dans un cercle deux lettres élégantes : G. R., initiales de Gallis Rhysode, le seigneur et maître de cette maison.

Mais le seigneur Rhysode, Lloyd ne le vit guère. Malgré la fatigue, il prit rapidement le pli du rythme de vie imposé aux gladiateurs.

Se lever, courir, manger, s’entraîner, combattre, manger encore, courir encore, s’entraîner encore, et se coucher. Cela lui rappelait vaguement ses années à l’Académie. L’une des différences majeures, cependant, était le manque cruel d’intimité. Lloyd était parqué dans une cellule avec deux autres gladiateurs : Guédicor et un jeune mirialan au corps sec et au crâne rasé, les bras et le visage couverts de tatouages, du nom de Fesset. Ils dormaient tous sur le même tapis rêche. Les premières nuits, le hapien les passa à surveiller ses deux acolytes, incapable de ne pas se sentir menacé par une telle proximité.
Le jour, il mordait la poussière. Littéralement. Les gladiateurs étaient entraînés à des techniques qui lui faisaient défaut, et il ne cessa de se retrouver au sol, face contre le sable brûlant. La chaleur le terrassait. Son corps avait du mal à suivre. Il se gardait bien d’utiliser la Force, ne souhaitait pas attirer l’attention, mais il commença cependant à en user parfois discrètement, pour renforcer sa puissance physique notamment, car une règle d’entraînement de la maison Rhysode consistait à électrocuter devant les autres, chaque soir, le gladiateur qui avait perdu le plus de combats dans la journée. Jephego infligeait lui-même le châtiment. Trois fois sur quatre, il l’infligeait à Lloyd.







Les jours se suivirent, ainsi que les nuits vides.








Combien de Luis Raidun ?









Un après-midi, Fesset fut tué. L’un des gladiateurs lui avait porté un coup de masse au visage, et le crâne du mirialan s’était fendu sous l’impact. Fesset était tombé au milieu de la cour. Lloyd et Guédicor retirèrent le corps. Ils l’enterrèrent dans une fosse, derrière un bâtiment, sous l’œil sévère de Jephego. Puis les combats reprirent comme si rien ne s’était passé. Le sable avait absorbé le sang, et une tâche sombre resta le seul témoin de l’incident. Rapidement la tâche disparut, dans le mélange de sable que les pieds des gladiateurs produisaient pendant leurs combats faits de cris, de coups et de sueur.









J’ai besoin de loyauté dans ma vie.







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- Bon, grogna Jephego, agacé. Le bâton, c’est pas ton truc. La lance, non plus. Il va falloir te décider, le boucher.

Le hapien se releva en gémissant. Il essuya sur son pantalon ses mains où le sable s’était collé à la sueur. Sur son torse, la tâche bleue qui trahissait la blessure interne qu’il avait subi à ses côtes se résorbait un peu. Par miracle, car les entraînements ne le ménageaient pas.

- Je sais me battre avec des lames longues et tranchantes, répéta pour la énième fois le Sith.

Evidemment, il était hors de question d’admettre que l’arme à laquelle il était le mieux entraîné était le sabre laser.

- On t’en procurera lors des combats officiels. En attendant, tu n’arrives à te défendre efficacement que les premières minutes. Ensuite, tu fatigues et tu baisses ta garde.
- J’ai l’habitude des combats courts, tenta-t-il d’expliquer. Et qui se finissent vite par la mort de mon adversaire.

Jephego siffla entre ses dents.

- Tes combats doivent être un art, un spectacle. Tu ne comprends rien à cette finesse. Le combat doit être long et plein de surprises, d’élégance.

Lloyd soupira. Au fond, Jephego avait raison. Il avait le même problème dans ses combats au sabre laser. Il allait vite et fort, mais si jamais l’adversaire déjouait ses premières attaques, il se fatiguait. Ses victoires avaient toujours reposé là-dessus : tuer vite. Sans élégance. Il passa une main sur son visage. Guédicor se tenait toujours à quelques pas, après l’avoir mis à terre en l’écrasant sous son corps épais.

- Ok, ok, admit le hapien. Je vais réessayer. Donnez-moi quelque chose qui ressemble à une lame, au moins. Que je puisse simuler un sabre ou une rapière.

Jephego grogna un assentiment, et fit apporter à Lloyd une lame émoussée. L’entraînement reprit.

Guédicor mit un peu plus de temps à l’emporter. Le hapien essaya de retrouver l’élégance des combats au sabre laser… Mais son adversaire parvint au bout de quelques minutes à planter son bâton dans ses côtes meurtries. L’instant suivant, il mordait encore la poussière.
Darth Hope
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- Pardon ?
- Chanter, ce serait un hommage apprécié par nos invités pour mes frères décédés durant le banquet qui précède les premiers combats, répéta froidement Jacet. Il paraît que vous avez une voix merveilleuse non ?

Akusha semblait ennuyé par ces pourparlers. Jacet était venu au palais de Ch’hodos City pour lui présenter « sa marchandise », des guerriers surentraînés : la majorité était des aliens. Il y avait un twi’lek à la peau verte dont les muscles saillaient tant qu’ils donnaient l’impression d’être sur le point d’exploser. Assise sur un fauteuil, tout près d’une fontaine, Dana avait été indifférente à l’étalage de toute cette testostérone et Jacet Ashar avait le culot de lui demander ça. Shira se pencha pour lui offrir un plateau garni de sucreries qu’elle ignora. Darth Akusha lui en réclama avec appétit. Manger le distrayait de cet ennui total.

- Mais c’est ce soir, trancha-t-elle d’un ton sec.
- Parfait, nous nous verrons ce soir donc. Vous serez des nôtres Seigneur Akusha ? Rhysode serait honoré.
- Je suis attendu ailleurs. Une nouvelle apprentie m’attend.

Jacet serra les dents, désabusé par la capacité du vieillard à remplacer si vite son frère. En plus de l’humiliation infligée par le choix d’avoir préféré la demeure de Rhysode à celle des Ashar. Il y avait une rivalité tendue entre leurs deux noms. Ils baignaient dans les mêmes activités, souhaitaient accaparer les mêmes lauriers. Mais Rhysode était un véritable sSith, il avait donc l’oreille attentive d’Akusha depuis le décès de Jared.

- Une nouvelle apprentie ?
- En provenance de Galidraan, elle m’a été recommandée par le commandant Gressik.

Dana sentit son cœur se rompre dans sa poitrine. Elle baissa les yeux vers le sol, s’efforçant de cacher sa préoccupation. Galidraan. Jared en avait également parlé, tout cela ne pouvait être que des coïncidences. Jacet étira un mince sourire et se gratta l’arête du nez, avant de froncer les sourcils.

- Si je puis me permettre, son nom ne serait pas Kahla ?
- Tout à fait, et je suis sûre qu’elle aurait beaucoup de choses à me dire sur ce que devient cette vieille peau de Ghrann ainsi que…d’autres détails.
- Des détails, répéta Jacet, intéressé. Bien sûr, souhaitez-lui la bienvenue de ma part. Mais maintenant que j’y pense, ne la connaissez-vous pas, princesse Dana.

Cette dernière se redressa vivement sur son siège comme si elle venait de recevoir un coup brusque. Elle faisait son possible mais cacher sa pâleur devenait difficile. Elle articula avec tout l’aplomb dont elle était capable.

- Non, ça ne me dit rien.
- Oh, parce qu’on m’avait dit que vous aviez travaillé ensemble sur Galidraan il y a quelques jours ?

Akusha fut tiré de son ennui soudainement et il déposa un regard attentif sur son épouse dont les doigts tremblaient contre la soie de sa robe. Elle déglutit péniblement.

- Je chanterai ce soir, affirma-t-elle pour détourner l’attention, pour faire comprendre à Jacet qu’elle se soumettrait s’il cessait ses allusions.
- Ce sera un ravissement pour les oreilles, j’en suis certain.

Il s’inclina bien bas devant le couple de Sith, satisfait et claqua des doigts pour que ses guerriers qui avaient fait partie du décor décampent sous la surveillance accrue de soldats. Dana dirigea avec prudence ses prunelles sur son époux, mais ce dernier gobait des sucreries et s’amusait à faire manger une esclave dont la chair débordait sous sa tunique serrée. Elle s’humecta les lèvres.










La demeure du Seigneur Rhysode avait été bâtie à l’ombre de l’Arène. Il n’était pas rare d’entendre la foule houleuse depuis les pièces chaleureuses de la bâtisse urbaine. Comme les riches demeures de Ch’Hodos, elle avait été construite autour d’un atrium dont les bassins scintillaient d’une encore fraîche, perçue à travers un bloc de glace. Des fleurs en sublimaient la surface, diffusant un parfum agréable dans l’air. Les murs étaient peints de fresques colorés, rappelant l’histoire ch’hodienne et ses nombreux hommages à Shar Dakhan. Des étendards Sith dévalaient le long des colonnes de marbres et indiquaient qu’il s’agissait là de la demeure d’un Sith. Rhysode et son épouse flânaient parmi les rares invités, triés sur le volet. Tous les deux avaient les cheveux foncés qui statuaient de leur haut rang dans la société de Ch’Hodos.

Aux côtés de Jacet Ashar, Dana les observait, crispée. Une coulée de bijoux d’or couvrait ses seins et retenaient un tissu clair, qui retombait sur ses hanches et ses jambes, découvrant son ventre, ses bras, une partie de ses cuisses. Elle était peu vêtue, mais élégante et la chaleur nocturne qui s’abattaient sur eux n’aurait pas permis une robe plus conséquente. Jacet glissa une main galante dans son dos nue, effleurant sa chevelure portée librement mais sertie de perles. Il se pencha à son oreille.

- Ne me décevez pas, murmura-t-il alors que le Seigneur Rhysode approchait, impeccablement tiré à quatre épingles dans un uniforme noir. Elle laissa échapper un sourire hypocrite, peu désireuse de faire la conversation, trop préoccupée par cette traîtresse de Kahla. Elle n’aurait jamais dû la laisser partir ce jour-là, dans la mine.
- Princesse Dana Shar, ou Inquisitrice ? dit Rhysode en plissant ses yeux vers elle. Comment préférez-vous que l’on s’adresse à une femme de votre rang ?
- Comme cela vous arrange, je suis pas très contrariante.
- Vous méritez meilleure compagnie qu’un Ashar, la mort rôde autour d’eux et tente de vous atteindre à travers, venez, venez, on m’a dit que vous chanteriez ce soir ?
- Moi chanter ? Voyons, (Et elle lança un regard plein de défi à Jacet) On a dû vous mener sur une fausse idée. Non, je suis là exclusivement pour admirer ce que votre maison fait de mieux.

Et elle fut entraînée par Rhysode à la figure sévère vers le centre de l’attention. La femme du Seigneur la saluer avec autant de sincérité qu’un gangster Hutt. La soirée allait être longue. Et ils s’installèrent tous, en petits comités, autour des bassins. Ashar fit venir trois de ses guerriers dont le twi’lek à la carrure imposante. Des exclamations d’admiration franchirent des lèvres transies et féminines. Dana leva les yeux au ciel. Du temps de son père, l’Arène servait à autre chose que ces combats spectaculaires, mais Akusha avait sponsorisé cette pratique pour l’ériger au rang de sport national et elle avait toujours trouvé ces guerriers vulgaires et grossiers. Jusqu’à ce qu’Hélios en fasse partie, qu’elle se rendit compte qu’elle l’y avait condamné en fuguant. Des applaudissements chassèrent ses souvenirs alors que Rhysode s’était levé pour présenter ses hommes à son tour.

Ils s’alignèrent au milieu de l’atrium sous la lueur des braseros et des lunes de Ch’Hodos.


Bang.


La coupe de Dana venait de lui échapper des mains pour percuter le carrelage. Le vin qu’elle contenait se répandait comme du sang dans les jointures, mais personne n’avait remarqué l’incident sauf Shira qui se dépêcha de ramasser. L’Inquisitrice, elle, demeurait immobile, les prunelles fixées sur…

- Le Boucher ! Une nouvelle acquisition, prometteuse à en croire Jephego. Un investissement que je ne regrette pas.

Et au moment où les yeux du boucher allaient enfin croiser les siens, elle détourna vivement sa figure pour encaisser le choc. Le banquet reprit son cours. La musique, les danses, la nourriture en excès. Jacet ruminait dans son coin, aux côtés de ses guerriers mutiques. Deux humaines riaient devant Guédicor et flattaient le relief de ses muscles du bout des doigts. Dana n’osait pas approcher, mais elle aurait voulu lui dire de fuir. De ne surtout pas rester là. Cependant, ces mots n’auraient aucun sens. Mieux valait qu’elle se tienne éloignée de lui. Alors, elle se rapprocha de Guédicor aussi, laissant filer un regard vers le boucher à ses côtés. Machinalement, elle envoya ses doigts caresser le biceps du géant qui ne semblait pas se formaliser. Les autres femmes s’intéressaient désormais à Lloyd.

- Le boucher mh ? articula l’une d’elle, en se mordant la lèvre.
- C’est plutôt excitant comme nom, renchérit sa comparse. Qu’en pensez-vous princesse Dana ?
- C’est…assez vulgaire, à vrai dire, je préfère celui-ci.

Tout pour détourner l’attention de Lloyd.

- Il ressemble à tous les autres, geignit-elle. Oh Seigneur Rhysode ! Pourrait-il nous faire une démonstration ?

Le Sith se rapprocha, soucieux de plaire à ses invitées.

- Bien sûr, il pourrait combattre l’un des hommes d’Ashar et…
- Oh un combat, nous pensions à quelque chose de plus….intime…

Dana enfonça ses ongles dans la chair musclé de Guédicor, jusqu’au sang, pour contenir une rage soudaine. Le guerrier ne broncha pas. Soudain, les deux femmes se détournèrent vers elle, mais ce n’était pas la princesse qu’elles regardaient, plutôt son esclave terrée dans son ombre.

- Vous pourriez lui faire monter celle-là, par exemple ?
- Bien sûr, je ne peux rien refuser ce soir, concéda Rhysode dans un sourire contrit.

Il n’était pas spécialement enchanté à l’idée d’offrir ce genre de spectacle, mais les familles de ces deux demoiselles investissaient dans ses affaires. Et il n’avait aucun scrupule à ce genre de bassesse. La tête de Dana lui tourna au moment où il s’adressa à elle :

- Vous permettriez bien sûr que votre esclave…

Pourquoi dirait-elle non ? Sans paraître suspecte, elle avait l’impression qu’une horrible paranoïa étreignait son cœur que quoiqu’elle fasse, ils sauraient pour Lloyd. Et que si elle le protégeait, ce serait pire. Elle évitait le regard de ce dernier et l’impatience de ses hôtes commençaient à se faire ressentir. Elle était dans une impasse, elle aurait voulu les tuer tous. Mais le visage de Léti jaillit dans sa mémoire et elle réussit à répondre :

- Je préférerai voir celui-ci à l’œuvre.

Il y eût un silence, l’épouse de Rhysode secoua la tête en faisant de gros yeux. Elle rejoignait les moues déçues des deux invitées. Rhysode avait le choix entre froisser la princesse déchue, loyaliste de surcroît ou décevoir sa femme et ses hôtes.

- Navrée, Dame Shar, mais une prochaine fois peut-être ?

Il claqua des doigts et des soldats poussèrent Lloyd ainsi que l’esclave twi’lek vers le centre de l’atrium. Tous les regards se tournèrent sur ce couple improvisé. Les yeux pétillaient déjà d’une excitation inavouable. Dana suffoquait. Shira s’allongea au sol, docile, soucieuse de ne pas désobéir aux maîtres. L’Inquisitrice aurait aimé hurler.

Sois sage.

Non, non, elle ne pouvait pas être sage.


- Il doit préférer les hommes, commenta l’une des deux spectatrices, agacée que le boucher hésite, parce qu’il semblait hésiter.
- Il obéira, rassura Rhysode d’une voix contrariée.

Dana se redressa en catastrophe.

- C’est l’esclave du Seigneur Akusha, annonça-t-elle. Il m’a expressément dit qu’il avait l’exclusivité sur elle. Il serait contrarié d’apprendre ce qui se passerait ici. Parce que je lui dirai, je suis fidèle à mon époux.
- Loin de nous la volonté de faire un affront au Seigneur Akusha, concéda Rhysode en haussant les épaules. Faisons combattre l’un des hommes d’Ashar contre le boucher, pour oublier cette déconvenue !



Lloyd Hope
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Lloyd était resté un moment figé, interdit. Shira s’était approchée de lui, et il avait vu ses yeux bleus fatalistes l’encourager pauvrement tandis qu’elle posait sa main sur son torse et rapprochait son corps élégant. Et lui était incapable de bouger. Il sentait les regards des invités, le regard de Dana qu’il évitait de croiser, le regard de Mat’ à travers ces yeux si similaires dans le corps de Kahla et bientôt l’air lui manqua. Il avait pris une inspiration mal aisée, avait reculé d’un pas.

Puis soudain les mots de Dana avaient claqué dans les airs sans qu’il les comprît, et Shira s’éloigna de lui. Il resta planté là, à déglutir, égaré. Il crut entendre quelques rires, puis un humain à la peau sombre se présenta devant lui. Il portait des bottes de métal qui cliquetaient à chacun de ses pas, ainsi que des pièces d’armure autour du bassin, des genoux et sa tête était enserrée d’un casque qui laissait apparaître son visage aquilin. Des yeux noirs le jaugeaient du regard et Lloyd tâcha de chasser la stupeur qui l’avait pris.

- Vous combattrez à mains nues, sur le mode de la lutte. Le premier qui bloque l’autre à terre l’emporte, déclara Rhysode d’une voix d’habitué. Et ne vous abîmez pas trop, c’est un combat amical, je ne voudrais pas que la marchandise de mon ami Jacet soit abîmée pour les jeux.

Ashar eut un sourire contrit, aussi hypocrite que les propos qu’il venait d’entendre.

- Dites plutôt que vous avez peur que votre vendeur de viande à la sauvette ne se débine si l’adversaire est trop sensuel avec des accessoires, rétorqua-t-il, et il y eut quelques rires.

Lloyd déglutit en tâchant d’ignorer l’humiliation. C’aurait été une tâche plus facile s’il n’avait pas su tout ce temps que Dana assistait à la scène dont il était l’objet. Il s’efforça de rester les yeux rivés sur l’homme d’Ashar, qui avait jeté son bâton derrière lui et se mettait déjà en position de lutteur. Il fit jouer ses muscles, se frotta les mains comme pour les préparer à un exercice qu’il connaissait par cœur.

- Voici Faucet, commenta Ashar. Ce sera sa première saison officielle ; je l’ai acheté dans les combats clandestins de Dahara. Une vraie perle rare.

Faucet fit craquer son cou de mouvements étranges de la tête. Puis il fit signe à Lloyd d’approcher. Le hapien prit sa propre posture d’en-garde, et l’adrénaline vint rapidement à son secours.

La lutte dura quelques minutes, au grand plaisir des convives qui commentaient certains mouvements, certains muscles, ou faisaient des pronostics. Lloyd parvint à garder le dessus au départ du combat. Faucet était rapide, mais la Force aidait le hapien à anticiper légèrement certaines de ses prises. Plusieurs fois, leurs membres se heurtèrent. De brefs coups s’échangeaient, pas forcément douloureux mais parfois humiliants ou déstabilisants. Deux fois Faucet réussit à attraper Lloyd : une fois par la cuisse, mais le hapien se dégagea avec un coup de genou brutal ; une seconde fois par la taille, et il faillit chuter mais dans son élan Faucet trébucha sur le pied de Lloyd et il dût lâcher s’il ne voulait pas devenir la victime jetée au sol par sa propre prise.
Enfin, il y eut une prise décisive. Faucet avait enserré le cou du hapien au creux de son coude plié contre lui après avoir réussi à se glisser brièvement dans son dos ; Lloyd porta les mains à ce bras étrangleur, labourant la peau de ses doigts vengeurs, mais Faucet le tenait trop fermement. Les muscles du guerrier étaient rigides comme la pierre.

- Ben alors, murmura Faucet à son oreille, on a du mal à être aussi dur que ça, hein ?
- Ta gueule, grogna Lloyd entre ses dents.

Le hapien envoya un coup de coude dans les côtes de Faucet et ce dernier relâcha un bref instant sa garde. Suffisamment pour que Lloyd se courbe en avant, emportant l’adversaire avec lui. Faucet résista et ils furent déséquilibrés. Les deux hommes chutèrent au sol dans des gerbes de sable. Ils roulèrent et l’homme d’Ashar avait décidé de ne pas lâcher le hapien, il conservait sa prise autour de son cou en encaissant les assauts du hapien. Finalement la jambe musclée passa en travers du corps de Lloyd pour l’immobiliser contre le sol et, tout en maintenant son bras écrasant contre sa gorge, il utilisa le poids de son torse pour enfoncer la tête du boucher dans le sable.

Lloyd sentit la piqûre du sable contre son visage, retint son souffle pour ne pas respirer ses grains qui ajouteraient à la douleur, et l’instant suivant on entendit des applaudissements. Faucet relâcha son étreinte et le hapien fut libéré.

- Suffit, suffit, exigeait Rhysode tandis que les deux guerriers se relevaient. Faucet a gagné, j’en conviens. Faucet, je vous autorise un mot pour la victoire, si vous le souhaitez.

Une manière habile de détourner l’attention de Jacet, qui aurait aimé profiter de l’occasion pour se pavaner. Faucet, lui, se débarrassa brièvement du sable qui couvrait son corps par endroit avant de retirer son casque. Il libéra des boucles noires avec un sourire enjôleur en direction des trois femmes assises au bord du bassin. Dana se tenaient avec elles et le hapien ne put s’empêcher de lui adresser un regard désolé avant de détourner les yeux vers le sol.

- Mon corps est à votre disposition, mesdames, et évidemment tout à fait fonctionnel, énonça Faucet avec fierté, tirant quelques exclamations amusées à l’assemblée. Sa vigueur contenterait même une princesse.

L’homme mit un genou à terre, se prosternant élégamment devant les dames, une œillade étincelante pour la Princesse de Ch’Hodos. Bien sûr, quand on vivait dans une maison de guerrier, on n’avait guère l’occasion d’assouvir ce genre de désir. Il courait une croyance selon laquelle priver les gladiateurs de ce genre de plaisir les rendait plus hargneux au combat. A la place du boucher, Faucet n’aurait pas hésité un instant à profiter de la twi’lek. Quand il se releva, un sourire aux lèvres, il ne vit pas venir le coup de poing qui lui défit la mâchoire. Il encaissa le coup avec un hoquet de douleur et de surprise. L’assaut été venu du boucher qui s’était avancé avec fureur.

Le hapien se jeta sur Faucet. De rage, il le poussa vers un bassin et le guerrier percuta brutalement la statue centrale en s’y renversant. La statue, qui représentait un jeune guerrier tenant vaillamment un bouclier devant lui, vacilla avant de tomber. Elle se brisa avec fracas contre le bord du bassin. Les convives eurent des cris de stupeur, mais le hapien ne voyait rien et n’entendait rien. Il écrasait ses poings de toute sa force contre la face de Faucet, dont le sang colorait déjà l’eau claire en volutes sombres sous la lueur des flambeaux. Faucet essayait de se défendre mais Lloyd était à califourchon sur lui, ses genoux bloquant ses membres et il écrasa encore son poing fermé sur le visage de son adversaire.

Il allait le tuer. Il ne savait plus pourquoi, déjà. Ses poings demandaient le sang et de sa gorge un cri de rage s’était échappé, irrationnel.

Il ne put pas terminer ce qu’il avait commencé. Un ordre de Rhysode avait claqué dans l’air et deux gladiateurs arrachèrent brutalement Lloyd de sa proie. Il cria, se démena, en vain. On le tira en arrière, on l’emmena de force dans la cour d'entraînement à quelques pas de là et les convives disparurent à son regard.

Quand sa crise de fureur s’éteignit peu à peu, bloqué qu’il était par deux guerriers massifs qui l’avaient maintenu au sol après l’avoir traîné dans le sable, Jephego fit son apparition, tenant dans sa main un objet filiforme et noir que Lloyd ne reconnut pas. Les guerriers retournèrent le hapien pour le mettre sur le ventre. Il mordit la poussière, encore.

Et soudain, il sentit la morsure du fouet. Le fil claqua contre son dos, et une ligne traça une souffrance aiguë contre sa peau suante. Puis une seconde, et une troisième encore. Jephego s’appliquait. Sans émotion, il administrait la sanction d’un geste précis et musculeux. Le hapien serrait les dents pour se faire taire, pour empêcher sa voix de le trahir, de révéler au monde qu’il avait mal, et pas qu’à cet endroit que martyrisait celui qui l’avait entraîné jusqu’ici.
Lloyd n’était pas puni pour la statue, au fond, et il le savait. Rhysode lui faisait surtout payer deux humiliations : celle d’avoir perdu son combat, et celle d’avoir pu paraître insuffisamment soumis devant les invités.

Il encaissa les coups suivants la respiration sifflante et la mâchoire crispée. La sueur se mélangea à sa salive, qui dégoulinèrent pauvrement sur sa joue avant de goutter dans le sable.







A quelques pas de là, le cours de la soirée avait repris, indifférent au sort des deux guerriers. Faucet et la statue avaient rapidement été dégagés du paysage, eux aussi, même si l’un des bassins avait pris une teinte rosée. Les conversations reprirent au sujet du genre d’instruction qui devait être donnée aux gladiateurs pour les rendre vigoureux et simultanément s’assurer de leur soumission. Jacet discourait un fameux équilibre qu’il savait obtenir à l’aide d’une amertume qu’il entretenait parmi ses combattants contre les autres maisons et leurs techniques déloyales ; ce à quoi Rhysode répondait que le caractère de la bête choisie jouait aussi beaucoup dans l’efficacité des procédés utilisés.

Les deux jeunes femmes qui avaient réclamé de voir le boucher à l’œuvre, elles, papotaient plus franchement de ce qui les avait intéressé dans cette lutte, tout en dégustant un vin riche aux côtés d’une fontaine qui, elle, avait été préservée de la fureur du hapien.

- Une pièce étonnante, ce boucher, fit l’une d’entre elles. Un comportement un peu inapproprié mais c’est agréable à voir quand ils sont insoumis, n’est-ce pas ?
- Oui, répondit sa comparse. J’aurais bien aimé le louer une nuit avant qu’il soit tué pendant les jeux, mais je ne voudrais pas perdre mon argent s’il est impuissant…
- Ça arrive parfois, commenta la première. Ils prennent un mauvais coup et l’organe ne se remet pas. Tu pourrais peut-être demander à vérifier avant.
- Bonne idée. Si toutefois le seigneur Rhysode me permet de le vider avant son combat.
- Oh, il y a des techniques, fit l’autre d’un ton badin. Pour te contenter sans que lui ne soit satisfait.

Leur conversation se poursuivit dans une ambiance guillerette.




Darth Hope
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L’épouse de Rhysode s’approcha des deux femmes bavardes et de Dana qui, sans ses bracelets anti-Force, les aurait malmenées. Mais il fallait compter sur autre chose, jouer une comédie dont elle n’avait voulu le rôle principal. L’épouse du Seigneur était élégante dans sa soierie pourpre qui soulignait un corps de quarantenaire qu’aucune grossesse n’avait déformé. Elle avait les joues rosies par du maquillage coûteux et une perruque blonde emplies de bijoux luxueux encadrait sa figure pâle que deux grands yeux noirs magnifiaient.

- Mera, Polla, s’adressa-t-elle, complice, vers les deux amies qui n’avaient cessé de glousser. Princesse Dana. Je suis ravie que cette soirée ai réussi à vous charmer. Nous pouvons discuter des prix en toute discrétion, bien évidemment.
- Oh avec joie mais…(La dénommé Polla grimaça en adressant un sourire hypocrite à Dana) la princesse est fidèle à son époux, comme elle l’a si bien dit je doute que…
- Mera de la lignée Taral et Polla de la lignée Kaar, reprit l’Inquisitrice au souvenir de ces noms vaguement familiers. Ces deux femmes avaient l’âge de Damaya et avaient toujours fait partie de ces « dames » qui s’étaient complus à rabaisser Dana dans son enfance, son adolescence, et ce soir, elles riaient en sa compagnie, s’abreuvaient d’un vin entêtant, se permettaient des remarques futiles. C’étaient elles les vraies princesses de ce monde, protégées par la puissance de leurs pères, Sith renommés de Ch’Hodos.

Un silence s’installa, et chacune patienta que Dana poursuive.

- Les Seigneurs Taral et Kaar seront ravis d’être traînés dans la boue une fois que j’aurais annoncé à tout Ch’Hodos l’obsession de leur fille pour…vider ce genre d’esclave. Ne sont-ils pas des proches conseillers du Seigneur Akusha, Mera…votre cher papa n’était-il pas un Haut-Inquisiteur ? Mais oui, je l’avais souvent croisé au Grand Temple de Kaas City. Un Sith très rude. Quel dommage qu’il se soit enfoncé dans la traîtrise.

Polla blêmit et le si joli visage de Mera se déforma dans une moue enragée. L’épouse de Rhysode s’empressa de se placer entre les deux, soucieuse de préserver la tranquillité de cette soirée.

- Voyons, personne ne pensait à entacher la réputation de ces Seigneurs. Je vais raccompagner Mera et Polla à la sortie, la soirée touche à sa fin, je pense.
- Faîtes donc, approuva Dana en trempant ses lèvres fardées dans sa coupe de vin artorien. Papa avait mis ces Seigneurs au pas par le passé, je ne vois pas pourquoi je serais pas capable d’en faire autant avec leurs filles.

La maîtresse des lieux lui accorda un sourire forcé et entraîna ses deux convives vers la sortie. Ces dernières avaient fusillé l’héritière d’un regard vindicatif. L’ambiance guillerette avait soudainement laissé place à une tension polaire. Dana se saoula un peu à sa coupe, contrariée. Shira demeurait dans son ombre, recroquevillée, les yeux bas, comme si elle sentait la colère qui couvait dans la poitrine de sa maîtresse. L’attention de cette dernière se détourna vers Rhysode et Ashar qui semblaient être en pleine négociation.



- La mort de vos frères a considérablement fragilisé la position de votre famille à Ch’Hodos City. Je suis prêt à racheter vos affaires…
- Seigneur Rhysode, déclara un peu sèchement Jacet, vous avez laissé rentrer la vipère qui a participé à cet effondrement, chez vous.
- La dame Shar ? sourit-il. Une Sith de seconde zone, folle de surcroît…mais..

Il glissa un regard étrange sur les courbes de la concernée, à des mètres de là.

- Terriblement séduisante, j’en conviens.
- De seconde zone ? s’agaça Ashar en plissant les lèvres dans une grimace outrée. Ces bracelets, qu’elle porte à ses poignets ne sont là que pour l’empêcher d’utiliser la Force. C’est elle qui a tué Jaden, sur ordre de l’Inquisition, j’en suis persuadé.
- Suggérez-vous un autre combat ce soir ? sourit Rhysode sans quitter la princesse des yeux.
- Je suggère de mettre vos propos à l’épreuve, Seigneur, si toutefois vous méritez encore ce titre.  Elle approche…

Et ils firent mine de changer de conversation au moment où Dana les atteignait. Elle déposa sa coupe sur le plateau d’un droïde à la carrosserie dorée et croisa les mains pour s’exprimer avec clarté.

- J’aurais souhaité voir Faucet et le boucher.
- Je ne vous savais pas si gourmande, ironisa Rhysode en cachant son sarcasme derrière une gorgée de vin.
- Je représente les volontés de mon époux ce soir. Il m’a autorisé à choisir deux combattants pour qu’ils s’affrontent dans l’Arène durant les cérémonies, pour mon seul plaisir. Je veux voir leur sang couler, mais j’aimerais leur parler avant pour m’assurer qu’ils m’offriront un spectacle digne de ce nom. Si je suis satisfaite, le Seigneur Akusha le sera et je serai dans de bonnes dispositions pour faire ce qu’on attend de moi. Mon époux paiera.


Les deux hommes se lancèrent une œillade convenue et Rhysode fit un pas vers elle.

- Bien sûr, mais me feriez-vous en échange, l’honneur d’une démonstration ?
- Une démonstration ? s’agaça Dana, persuadée qu’ils allaient remettre cette histoire de chant sur le tapis.
- Nous….aimerions tous voir de quoi la dernière fille de Shar Dakhan est capable, répliqua Jacet.
- Avec ces menottes ? claqua-t-elle d’un ton glacial.

Rhysode fit un signe vers l’un des soldats venus escorter la princesse. Il lui indiqua d’un geste autoritaire les bracelets technologiques qui enserraient ses poignets pâles. Le militaire obéit, désactivant le tout d’un simple coup de clé magnétique. Dana se massa les articulations que ce poids contrariant avait quitté. Elle sentit la Force couler de nouveau et était prête à s’en abreuver.



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]


Jacet Ashar était adossé à un l’un des piliers de l’atrium. Droïdes et esclaves nettoyaient les traces du banquet quasi-orgiaque de cette soirée. Les convives avaient quitté cette scène de débauche et on avait fait venir Faucet le boucher, sous les yeux attentifs de Dana dont la parure d’or luisait, fondant contre sa peau irisée. Ashar avait un blaster pendant à la hanche, bien en évidence, mais il avait aussi ce twi’lek guerrier-esclave qui veillait chèrement à sa protection. Rhysode également s’était placé à l’ombre d’une colonne curieux malgré les airs soucieux de son épouse qui lui chuchotait à l’oreille d’éconduire Dana au plus vite, que c’était une femme dangereuse. Les deux esclaves se tenaient debout, au milieu des bassins, l’un en plus piteux état que l’autre et elle déplorait que ce fut Lloyd. Dana plongea un pied sensuel dans l’eau souillée du bassin et s’avança vers eux tout en parlant :

- Je vous ai choisi pour vous affronter dans l’Arène et m’offrir un meilleur spectacle que celui de ce soir qui était assez minable.

Telle une prédatrice, elle s’était mise à tourner autour d’eux, effleurant au passage l’arête d’un abdomen ou le dénivelé d’un pectoral. Elle sentit Lloyd tressaillir légèrement quand elle fit courir ses doigts sur les lacérations fraîches que le fouet avait creusé dans son dos. Elle tâcha de rester stoïque d’ignorer la haine, l’inquiétude, pour se concentrer sur son rôle. Faucet la suivait du regard, une lueur à la fois défiante et lubrique inondait son visage. Il savourait la voix de Dana Shar autant que ses pas félins qui menaient une ronde autour de lui.

- Celui qui l’emportera.

Elle étira un sourire vers le boucher qu’elle dirigea ensuite vers son rival.

- Me contentera.

Ashar fronça les sourcils et quitta l’appui de la colonne.

Dana défaisait lentement les attaches de sa robe qui bientôt coula le long de son corps féminin, se froissant au sol.

- J’espère que ça vous motivera. Ce sera un combat à mort. Sans reddition. L’enjeu est de taille, n’est-ce pas ?



Clap.

Clap.


Le Seigneur Rhysode frappait vigoureusement dans ses mains, la pupille enflammée par le discours de la Sith.

- Vous avez le sens du spectacle, princesse.
- Complètement folle, grogna Jacet entre ses dents serrées de contrariété. Que dira le Seigneur Akusha ?
- Oh mais mon cher Jacet, trancha-t-elle froidement en détournant son corps nu vers lui. Il sera là pour assister à ce que je sois contentée, c’est le genre de spectacle qu’il trouve divertissant. Vous vouliez une démonstration ?

Son visage se ferma et elle se concentra pour se saisir de la Force. Elle plissa les yeux et désigna à cette dernière ses deux cibles. Elle usa de sa sorcellerie avec aplomb, s’enlisant dans ces deux esprits pour s’arroger le contrôle absolu. Et dans leurs têtes vides résonnèrent ses volontés, comme des chuchotements évidents. Le guerrier twi’lek passa soudainement son bras autour de la gorge de son maître. Jacet, surpris, manqua d’air assez vite et n’arriva pas à saisir son blaster car il se débattait. Quant à la deuxième victime, l’épouse de Rhydose, elle avait avancé solennellement, plongeant dans le bassin, rejoignant l’estrade centrale où se tenait Dana et les deux hommes. Elle s’agenouilla de manière suggestive devant Faucet. Rhysode passa du rouge de l’indignation à une pâleur indécente. Dana tremblait faiblement, concentrée à maintenir ce carcan de Force autour de ces esprits. Contrôler un esprit était une action compliquée, deux esprits cela prenait autant d’énergie que de prudence.

- Dois-je continuer ? articula-t-elle vers Rhysode et Ashar.
- Non ! Non.

Et elle relâcha son emprise dans une moue soulagée. Elle tituba et perdit l’équilibre, soudainement faible. Lloyd s’était précipité dans un réflexe sec pour la cueillir dans ses bras avant qu’elle ne touche le sol.

- Ca suffit ! s’exclama Rhysode qui récupérait son épouse hagarde contre lui. Remettez-lui ces foutues menottes.

Il croisa le regard d’un Jacet vert de rage qui reprenait péniblement sa respiration et qui semblait lui dire : « Je vous l’avais dit ». Un soldat se précipita et alors que Dana se redressait, prenant appui sur le boucher, il la saisit par le bras, profitant de sa faiblesse passagère et les menottes claquèrent à ses poignets. La Force disparut et le visage de Lloyd également alors qu’elle sombrait, épuisée.


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Le boucher avait été isolé, pour mieux lui faire regretter le fiasco de ce soir. La porte de sa minuscule cellule sans fenêtre s’ouvrit sur la silhouette d’une Shira silencieuse. Ses lekkus bleutés flottèrent une seconde dans l’air quand elle se détourna vers lui. Elle portait une tunique simple et impudique et avait entre les mains un bol rempli de kolto synthétique.

- Dame Shar m’envoie, elle m’a dit de soigner tes blessures. Et de te transmettre un message.

Elle hésita et se rapprocha de lui. A la lueur d’un néon jaunâtre et maladif, elle commença à appliquer le kolto sur les plaies du dos hapien. Bientôt il sentirait la molécule synthétique faire douloureusement effet, il ressentirait ses nerfs se reformer, sa chair bouger pour se régénérer. La nuit serait douloureuse. La main de Shira tremblait.

- Elle te dit : « Ne perds pas. » Je termine ça et je vais la rejoindre au palais.

Un silence et :

- Si elle n’avait pas menti, on t’aurait envoyé aux mines. T'aurais dû obéir et me prendre tout de suite, souffla-t-elle atterrée et dans un mauvais basic. Dame Shar a menti, je suis pas l’esclave d’Akusha, pas pour ce genre de chose. Pourquoi t’as frappé Faucet ?

Lloyd Hope
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La morsure du kolto synthétique avait déjà commencé à faire effet. Lloyd tremblait. Ce n’était pourtant pas le froid, les nuits n’étaient pas si fraîches. Mais son corps était encore couvert de sueur, et tout bouillonnait désagréablement dans sa tête. Le combat raté, la punition, le défi de Dana, sa fichue nudité devant un Faucet qui avait presque bavé d’envie. Ajouté à des jours de fatigue et de souffrance, c’était soudain trop. Le hapien se tenait les genoux, assis dans cette cellule d’isolement. Sa propre odeur lui fichait la nausée. Il avait envie de virer cette twi’lek de son espace – et putain de merde quelle idée avait-elle eue de prendre une putain de twi’lek comme esclave personnelle – mais il savait qu’il fallait profiter de ce petit coup de pouce.
Il avait posé son front sur ses genoux.

- De quoi j’me mêle ? avait-il sèchement répondu.

Il avait failli dire quelque chose de plus désagréable, mais il avait eu peur qu’elle s’en allât sans avoir terminé d’appliquer le kolto.
Il eut un sursaut quand les doigts de Shira frôlèrent une nouvelle trace de fouet.

- Aïe.

Shira soupira avec agacement.

- Oui, ben, j’me dépêche, figure-toi.

L’esclave continua sa tâche en silence quelques secondes. A chacun de ses mouvements, des bracelets aux oreilles du hapien, qui lui rappelaient la fois où Léti s’était occupée de lui. Aussitôt la vision de son corps étalé, mort, dans la chambre de Dana lui revint à l’esprit et il la chassa avec un grognement.

- Comment elle va ? demanda-t-il au bout d’un moment.
- Qui ?
- La princesse. Dame Shar.
- Heu… Elle va… Bien. Pourquoi tu poses ce genre de questions ? Je pourrais lui rapporter, tu sais. Que tu poses des questions suspectes.
- Ouais, souffla Lloyd. Fais ça. Dis-lui que le boucher pose des questions sur comment elle va.

Dis-lui que ça l’inquiète, avait-il envie d’ajouter. Mais c’était trop risqué, alors il s’était arrêté là. Shira leva les yeux au ciel. Quand elle eût terminé son office, la twi’lek disparut sans un mot, avec la même discrétion que lorsqu’elle était venue.





Le hapien avait essayé de dormir sans succès. Il se morigéna intérieurement : pour une fois qu’il était seul, qu’il pouvait abaisser sa garde. Mais il avait l’impression que le kolto lui rongeait les os, décomposait ses chairs.
Et les scènes de la soirée qu’il venait de vivre ne cessait de défiler devant ses paupières closes. Alors il jurait de tuer Faucet dans l’arène, et de tuer Jacet également un de ces jours.

Finalement, comme il ne pouvait pas dormir, il s’était levé et avait commencé à s’entraîner dans l’étroitesse de sa cellule. Essayer de retrouver l’élégance des mouvements au sabre laser, mimant une arme tranchante, travaillant le passage d’une posture à une autre. Depuis combien de temps ne s’était-il pas sérieusement entraîné au duel ?




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Quand Jephego déverrouilla les cages, le hapien fut le premier à sortir de la sienne. Il se dirigea droit vers les bains et se plongea rapidement dedans pour retirer le surplus de kolto que d’autres risquaient de remarquer. Ainsi que laver ses mains sur lesquelles le sang de Faucet avait séché. Une idée soudain avait germé dans son esprit rendu plus vif par le désir de vengeance, par la fureur provoquée par le défi de Dana.
Quand il ressortit pour aller rejoindre les autres qui commençaient à s’étirer dans la cour, Jephego l’intercepta. Il toisa le hapien de haut en bas.

- C’était une lutte minable, hier soir, le boucher.
- Je sais, merci, grogna Lloyd, et il essaya de s’en aller mais Jephego fit un pas pour lui bloquer le passage.
- Par contre, j’ai vu autre chose.

Lloyd leva les yeux vers la grosse brute. Les petits yeux de Jephego se devinaient sous son masque, noirs et brillants. D’aucuns disaient que ce masque était là parce que son visage était complètement brûlé. D’autres guerriers soufflaient quant à eux que Jephego avait offensé une maison et avait fait croire à sa mort, ce qui l’empêchait de dévoiler aujourd’hui son vrai visage.

Lloyd n’avait que faire de tout cela. Dans ces yeux, il avait vu un intérêt s’éveiller et il resta sur ses gardes.

- La rage dont tu as fait preuve pour lui labourer la face. C’est ça, qu’il te faut.
- Il m’a insulté, je n’ai fait que répondre et c’était idiot.
- Oui, c’était idiot. Il n’empêche que Faucet a appuyé sur un bouton. Je te conseillerai de réfléchir à ce qui a déclenché chez toi une telle fureur. Et à l’invoquer lors de ton combat contre lui, dans l’arène. Sinon, c’est la mort.
- Donnez-moi une arme tranchante et je n’en ferai qu’une bouchée de toute façon.
- Ce n’est pas ce que veut le public de l’arène, le boucher. Vois les choses ainsi : si tu ennuies le public, que tu tues sans mise en scène, sans élégance, le public réclamera que tu sortes, ou que tu sois exécuté. Si au contraire tu le satisfait, il réclamera que tu te battes encore. Alors tu rapporteras beaucoup à la maison. Et le seigneur Rhysode n’est pas ingrat : hier soir il t’a fait punir parce qu’il est juste. Demain il te récompensera si tu lui rapportes. Parce qu’il est juste. Utilise cette rage pour plaire au public, et tu gagneras peut-être un jour ta liberté.
- Je ne suis pas une bête de foire.
- Faux. Je n’ai aucune idée de ce que tu étais avant. Mais tu en es une, maintenant. Et je te conseille de t’entraîner à te dompter avant de connaître la justice d’un public insatiable.

Jephego s’effaça, laissant la voix libre au hapien. Ce dernier passa vers la cour en grognant.




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Ce jour-là, Jephego ne lui laissa aucun répit. Plusieurs autres guerriers en outre s’étaient moqués de Lloyd. D’aucuns auraient aimé chevaucher la twi’lek quand l’opportunité avait été donnée. Ils jouaient avec ses nerfs, et le hapien avait perdu patience. Il remporta la victoire ses deux premiers combats, mais en les expédiant lamentablement. Ses deux opposants avaient pris des mauvais coups ; un coude dans la gorge pour l’un, un coup de tête dans le nez pour l’autre. Jephego lui avait encore rappelé la nécessité de l’élégance du combat, du sens du spectacle.

- Je croyais que le public voulait du sang ! lui cria Lloyd en réponse.
- Oui, il en veut plusieurs fois au cours du combat, le boucher ! Pas que tu fasses de la charpie en deux coups de couteau ! Bordel, porte ton nom ! Que fait un boucher, hein ? Il prépare la viande, il l’attendrit longuement avant de la découper. Et quand il commence à la découper, c’est quand il sait qu’une pièce est prête, qu’elle sera parfaitement goûteuse une fois préparée avec soin, pour faire son geste devant des clients impressionnés, qui ont attendu ce moment !

Guédicor s’était présenté devant le hapien. Le grand aux boucles rousses n’avait pas beaucoup progressé depuis son arrivée dans la maison Rhysode, à la déception du seigneur possédant celle-ci. Cependant, pour sa défense, Guédicor avait déjà beaucoup d’expérience, et il avait vaincu Lloyd à plusieurs reprises. Il répondait en outre mieux aux exigences de Jephego, car il avait appris à faire durer le combat, à amener son adversaire là où il le souhaitait, comme une recette infaillible, qui fonctionnait la plupart du temps.

Le combat s’engagea avec des épées de fer rouillées, dont le tranchant n’était plus guère utile qu’à faire semblant de posséder une arme véritable. Le hapien tâcha de canaliser sa frustration, de la retourner contre Guédicor. Ce n’était pas aisé. Il avait de la peine pour ce pauvre bougre qui avait, au fond, accepté la fatalité : il allait mourir dans l’arène pendant les jeux. Ils en étaient tous les deux certains. C’était pour ça qu’il n’affinait plus sa recette, qu’il se battait avec des automatismes prévisibles. Lloyd avait vu les failles, et il était difficile, dans les conditions qui étaient les siennes, de ne pas les exploiter pour en terminer rapidement.

Lloyd essaya de mobiliser ce qui creusait chez lui les sillons les plus profonds de haine, de souffrance, de dégoût de soi, comme il l’avait appris à l’Académie, autrefois. Cet entraînement-là n’était pas si différent de ce qu’il avait vécu sur Korriban.

Qu’est-ce que tu fous Lloyd ?

Tout ce qu’il avait vécu avec Dana…

N’était-ce pas rien de plus que des blessures supplémentaires, des failles qu’un princesse avait provoqué en lui, pour le disloquer plus encore ? Pour qu’il soit plus prêt encore d’éclater en morceaux ? Cette armoire à glace aux boucles rousses n’était-il pas plus chanceux que lui, à pouvoir accepter que la mort fut proche, comme une délivrance ?


T’as intérêt à être le plus fort Lloyd. Je veux te craindre encore.

Ce jour-là, Guédicor ne remporta pas le combat. Lloyd l’avait battu en endurance, avait martelé ses jambes, ses bras, son torse de coups douloureux mais non dangereux, l’avait fait tourner en bourrique jusqu’à ce qu’il s’effondre au sol d’épuisement. Alors il l’avait roué de coups pour l’achever avec des grognements rauques.
Personne n’était intervenu.

Jephego parut satisfait.
Darth Hope
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Elle était recroquevillée sous le grand tableau de Damaya et pleurait. Luis la surveillait depuis le piédestal qu’était l’office, dans la pénombre de la pièce, il grognait pauvrement à chaque sanglot comme s’il accompagnait sa maîtresse dans cette catharsis de larmes et de geignements étouffés. La nuit commençait à décliner dans le ciel ch’hodien. Elle avait expérimenté une sorte de crise d’angoisse profonde, qui avait fait ressurgir trop de choses dont les ombres de Luis Raidun et Jared Ashar. Elle avait beau eu leur enfoncer la tête dans l’eau, sous la surface de glace, ils martelaient sans cesse pour remonter. En arrivant au palais, après le banquet, elle avait refusé le bain, les soins, le repos, elle avait chassé les esclaves, les droïdes, l’intendant falleen trop zélé, et avait couru ici. Le seul espace clos où personne n’oserait la déranger.

Personne sauf Darth Akusha.

Quand les portes se déverrouillèrent sur sa silhouette décharnée, elle détourna sa figure baignée de larmes brûlantes. Sa coiffure défaite lui collait aux joues et elle se pinça les lèvres. Puis à la lueur tamisée d’une lampe, elle découvrit le sang.

Un sang dont les mains d’Akusha étaient recouvertes. Le liquide écarlate ruisselait le long de ses doigts et s’écrasait lourdement au sol.

Ploc.

Ploc.

Ploc.

Dana écarquilla les yeux et ses mains agrippèrent l’angle du bureau pour s’y appuyer et redresser son corps en affaibli. Ses bras tremblaient, ses jambes la soutenaient difficilement.


- J’ai trouvé le maillon manquant, dit-il, très satisfait.
- Qu’est-ce que vous…avez fait ?
- Kahla n’était pas à la hauteur. Et elle détenait des informations à propos de l’énigme que je ne souhaitais pas partager.

Il avait….tué Kahla. Shar aurait dû ressentir du soulagement ; un témoin de moins dans la cage aux oiseaux, une épine retirée. Une personne en moins qui savait. Mais un frisson glacial remonta le long de sa colonne vertébrale, parce qu’Akusha savait. Son cœur s’emballait douloureusement. C’était foutu.

- Qu’est-ce qu’elle vous a dit ?
- Rien que tu ne saches déjà…lâcha-t-il en se rapprochant et son aura écrasante suffit à aplatir Luis, qui semblait terrorisé par le vieil homme. Ce dernier empoigna son épouse par la gorge pour la plaquer brutalement contre le mur. Le sang de Kahla rougit sa peau nacrée et elle entrouvrit les lèvres pour puiser un mince filet d’air. Pourquoi ne me l’a-t-il pas rapporté lui-même ?! gronda-t-il, transi de colère. L’apprenti du Castellan Noir. Pourquoi envoyer sa petite catin, MA femme ?

Il la relâcha avec une telle brusquerie qu’elle percuta le sol dans un bruit sourd, le souffle rauque. Elle rampa dans l’espoir de s’éloigner, de se relever mais il empoigna sa chevelure et elle lâcha un cri de rage et de souffrance.

- Je ne compte pas me faire humilier par le chien de Laduim…alors quand je mettrai la main sur lui.

Dana se débattait sous cette poigne impitoyable. Elle n’aurait jamais cru que le vieillard puisse avoir autant de forces. Elle gémissait entre ses lippes tremblotantes, blême comme la lune, terrifiée.

- Je lui offrirai un spectacle qu’il emportera avec lui, dans la mort. Je te donne un avant-goût.

Et le premier coup qu’elle reçut en pleine figure lui donna l’impression que sa mâchoire se disloquait.



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- Aouch…grogna Dana devant le miroir alors que Shira passait un tissu imbibé de kolto synthétique sur ses plaies.

Le soleil traversait les verres teintés des fenêtres de sa chambre. Un droïde médical lui transfusait des antidouleurs, mais la souffrance demeurait. Les bips réguliers du robot, la mine grave de la twi’lek, cette envie de vomir permanente induite par une peur irrationnelle.

- Je vais tenter de dissimuler les traces sous du maquillage, Dame Shar. Mais sur votre corps…la robe prévue pour les cérémonies..
- On s’en fiche, fais de ton mieux et dégage-moi ce droïde…souffla la princesse, les yeux emplis de larmes acides qui empoisonnaient son regard triste.

Elle déglutit péniblement quand l’aguille du droïde quitta sa veine et son attention retomba sur le datapad reposant sur la coiffeuse. Son discours de soumission à Ramken défilait lentement et chaque mot lui retournait l’estomac. Elle devrait prononcer ces horreurs à la fin des jeux, lorsque le vainqueur du dernier combat aura été annoncé. Shira poursuivait ses soins et Dana se rassurait comme elle le pouvait : Akusha ne connaissait peut-être pas encore le visage de Lloyd Hope, pas pour le moment. C’était une course contre la montre qui s’engageait.

- J’ai un message pour vous.

Dana tressaillit légèrement. Un message de Hope ? Alors elle croisa son reflet dans le miroir, découvrit sa lèvre éclatée par les coups, sa joue violacée, sa peau marquée à tous ces endroits, mais elle ne s’apitoya pas. Darth Akusha avait eu tort de penser que la violence physique avait un quelconque effet sur elle. Elle ressentait la douleur dans sa chair, mais pas l’humiliation. Shira se pencha pour murmurer.

- Hélios sera là, lors des jeux. Vous devez pas faire ce discours.

Et la twi’lek se recula immédiatement avant de reprendre son travail, les doigts fébriles.
Shar, elle, croisa une dernière fois son propre regard dans la glace.


Combien de Luis Raidun ?
Autant qu’il en faudra pour protéger Lloyd.



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Darth Akusha l’attendait, l’air grave. Il se tenait debout devant un airspeeder immense aux insignes impériaux. D’un œil acéré, il inspecta la tenue de son épouse. Il avait donné ses directives pour qu’elle paraisse sous son meilleur jour, sans pour autant renvoyer une image qui aurait pu le ternir lui. Aussi, il avait expressément demandé à ce qu’elle porte du noir, en hommage au deuil de la famille Ashar. Sa robe ténébreuse était taillée de manière asymétrique, couvrant son corps d’un côté, le dénudant de l’autre. Une dualité qui plut au Seigneur. Il ne se formalisa pas qu’on vit encore les traces de ses poings sur le derme pâle de la princesse. Il ne dit rien et l’intendant leur ouvrit l’accès au véhicule. Tout au long du trajet, elle avait gardé un silence de plomb, rabattant son attention sur le discours qu’on avait prévu pour elle. Akusha ne commenta pas ce mutisme, persuadé que la correction d’hier l’avait aidé à se résigner au moins sur ce point. A l’approche des environs de l’Arène alors que les airs se noircissaient de speeders aux occupants impatients d’assister aux festivités, il déclara :

- Une fois que tu seras soumise au nouvel Empereur, tu ne quitteras plus le palais. Jusqu’à ce qu’un héritier vienne au monde. Quand il viendra, tu quitteras ce monde.

Un enfant au sang Shar serait tellement plus simple à manipuler qu’une princesse instable, à la soif d’indépendance trop forte. Elle quitta les yeux de son datapad pour les figer dans ceux du Seigneur, le visage éteint.

- Et comment j'aurais un héritier sans partager votre couche ?
- Le Seigneur Kaar, le Seigneur Taral, les frères Ashar, le Seigneur Rhysode. Aucun d’eux ne refusera si je leur ordonne de se glisser dans ton lit.
- Si l’héritier est de leur sang, ils se retourneront contre vous et prendront le pouvoir, dit-elle avec lassitude en éteignant le datapad.
- Qu’ils essaient.

Dana se renfrogna alors que l’airspeeder ralentissait.










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L’Arène formait un ovale de sable en plein cœur de Ch’Hodos City. Elle captait les rayons solaires qui embrasaient le sable et reflétaient sur lui une lumière ardente. On avait dressé des dais solides au-dessus des tribunes qui accueillaient déjà des spectateurs par centaines. Des droïdes de combats patrouillaient entre les rangs, parfois accompagnés d’un soldat. Les vendeurs clandestins et à la sauvettes se sauvaient à leur vue, se terrant sous les gradins. Ils proposaient de la nourriture, prenaient parfois des paris illégaux. Aucun vaisseaux ou appareils n’était autorisé à survoler le centre de l’Arène et à cet endroit, là où les combattants se produiraient, le ciel était bleu, clair, vide de toute présence. Le brouhaha assourdissant résonnait comme autant de prières et faisait vibrer l’atmosphère de milliers de voix excitées.


Dana et le Seigneur Akusha arrivèrent dans la tribune royale escortés de soldats et droïdes. Ils y rejoignirent Jacet Ashar et le Seigneur Rhysode. Le Seigneur Taral, drapé d’une armure sombre, était également présent, en compagnie de sa fille et de son fils. Ils se saluèrent brièvement. Et Akusha prit place sur le trône qui lui était dédié. L’Inquisitrice s’installa sur un siège en retrait, à côté de l’épouse de Rhysode. Elles ne s’échangèrent pas un regard, laissant planer entre elles, un silence plein de mépris.

- Le combat vedette, le dernier, mettra en scène les guerriers choisis par votre épouse, Seigneur Akusha, déclara Rhysode avec un sourire complaisant aux lèvres.

Le vieil homme fit signe à un esclave de rapprocher un plateau de fruits et il se mit à gober un raisin juteux, portant une attention sur les tribunes déjà noires de monde.

- Et qui a-t-elle choisi ?
- Faucet, de la maison Ashar et le boucher, un guerrier de mes propres rangs. Nul doute que le spectacle sera à la hauteur.
- Je ne connais ni l’un ni l’autre. Dara, j’espère que tu as fait un bon choix. Si je m’ennuie lors du combat vedette, je risque d’être de mauvaise humeur.
- Aucun risque, claqua sèchement Dana dans son dos.
- En fait, Jacet.
- Oui Seigneur ? se pencha l’interpelé, tout ouïe.
- Nous avons l’identité du meurtrier de votre frère, vos frères peut-être. Lloyd Hope, l’apprenti de Laduim. Nous avons des raisons de penser qu’il se terre sur cette planète, sans doute que Laduim l’aura envoyé donner du renfort aux loyalistes
- Ah bon ? s’étonna Ashar en serrant les dents. Vous êtes sûr qu’il est là, sur Ch’Hodos.
- Certain. Sachez une chose, un pigeon, peu importe où vous le relâcher dans ce vaste monde, regagnera toujours l’endroit où se trouve sa femelle.

Dana se redressa sur son siège, tressaillant.

- Femelle ? grogna Jacet, baigné d’incompréhension.
- Je peux lancer mon apprenti à sa recherche dès maintenant, Seigneur Akusha, intervint Taral, le ton rude.
- Inutile. Annoncez le début des combats, je vais crever d’ennui.





Lloyd Hope
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La clameur provenant des gradins se faisaient entendre jusque dans les geôles où les gladiateurs étaient parqués, un par un. Les lueurs du soleil de Ch’hodos traversaient des ouvertures dotées de barreaux, qui donnaient sur la rue, où mille pieds passaient dans l’espoir d’apercevoir ce qui se passait dans l’arène même s’ils n’avaient pas eu de tickets.
Les combats avaient duré une journée entière. Le hapien était resté assis, à regarder aller et venir les guerriers rassemblés dans ces loges de misère qui avaient été affectés à la maison Rhysode. Jephego passait entre les cellules, clamant les résultats de certains combats, leur rappelant des anecdotes d’exploits du passé, accomplis par des guerriers de l’Arène dont on pouvait douter de l’existence.
Lorsque Guédicor fut appelé, Jephego posa une main sur son épaule avant de le laisser rejoindre l’arène. Le grand roux n’eut aucun regard pour ses congénères, il partit confiant ; pas la confiance de la victoire, mais la confiance dans le fait qu’il avait fait ce qu’il fallait, que le destin déciderait pour lui : s’il devait vivre, il l’emporterait, s’il devait mourir, il perdrait.

Assis sur un banc de métal, le hapien triturait pensivement entre ses doigts le fin bracelet de cuir qu’il portait autour du poignet droit. C’était la seule chose qui lui restait de Dana. Elle serait là, dans les gradins, certainement dans une loge royale, pour l’observer. Il ne pourrait pas la regarder. Ce serait trop suspect. Pourtant il fallait qu’il survécût. Il fallait aussi qu’on ne pût le reconnaître. En dehors de ce bracelet, il portait le même pantalon de toile qu’il avait eu, esclave, mais la maison Rhysode lui avait donné des bottes en cuir en bon état, ainsi qu’un ceinturon dont le cercle de métal, devant, lui couvrait un peu le ventre. Enfin, le collier de métal resterait autouret de son cou jusqu’à ce qu’il mît un pied dans l’arène, où il en serait temporairement libéré. C’était la tradition.
Il faisait encore tourner le fin bracelet sur sa peau nue quand des acclamations plus virulentes que les autres se firent entendre. Les pieds des spectateurs frappaient les bancs de bois et les escaliers de pierre, faisaient gronder tout le sol de l’arène dans un champ macabre. Un autre combat venait de se terminer. Guédicor y avait-il survécu ? Lorsque Jephego passa, silencieux, entre les cellules des guerriers encore vivants, tous comprirent qu’on ne reverrait pas le grand roux, dont le corps devait être traîné dans le sable pour être évacué de l’arène.

- Kashiet ! cria Jephego. C’est ton tour.

Dans la cellule en face de celle de Lloyd, un homme à la peau rouge, un peu plus jeune que le hapien, se leva, son armure sur les tibias cliquetant à chacun de ses pas. Jephego déverrouilla la cage, et on Kashiet s’éloigna bravement. On entendit son cri lancé à la foule lorsqu’il entra dans l’arène pour la saluer comme un rancor, avant de foncer face à son adversaire.

- Le boucher, tu as de la visite.

Lloyd bondit sur ses pieds, le cœur battant. Jephego s’écarta quand le hapien s’accrocha aux barreaux de la cellule et… Il sentit aussitôt le goût de la déception dans sa bouche asséchée par la soif : ce n’était pas Dana qui venait lui rendre visite, bien sûr, comment avait-il pu croire cela un seul instant ? C’était le Seigneur Rhysode en personne. Le maître de cette maison était vêtu d’une longue toge rouge de cérémonie, et prenait garde en s’approchant à ne pas salir ses bottes impeccablement cirées dans le sable qui couvrait le sol poussiéreux des loges. Il adressa à Lloyd un regard énigmatique avant de venir se positionner devant lui. Le hapien recula de quelques pas, et pour lui faire face sans avoir à le regarder il se rassit en baissant la tête.

- Le Boucher, commença Rhysode. Tu seras le prochain à entrer dans l’arène, le sais-tu ?

Lloyd acquiesça prudemment, sans mot dire. Il ne trouvait pas bon signe que le maître se fut déplacé pour venir le voir. Soit c’était pour lui demander une faveur… Soit c’était parce que son sort avait déjà été décidé.

- Ce sera le dernier combat de la journée. Mes guerriers ont bien travaillé. Ils ont remboursé le prix que j’ai payé pour eux : soit en procurant du spectacle, soit en mourant en mon nom.

Il y eut un bref silence, pendant lequel le hapien resta obstinément les yeux baissés. Rhysode ne parut pas s’en offusquer.

- Tu ne m’as pas coûté très cher à l’acquisition, pour être honnête. Mais j’ai un problème qui… Disons-le clairement, pourrait provoquer un prix que je ne suis pas prêt à payer. En demandant que tu sois celui qui te batte pour ce combat final, la princesse Shar a mis sur tes épaules une partie de mon sort, vois-tu ? C’est sur toi que va reposer l’opinion de la foule à mon encontre et… Bien sûr, celle du Seigneur Akusha. Jephego m’a dit que tu avais progressivement développé une rage qui te donnait un peu plus… Le sens du spectacle, depuis la prestation minable que tu m’as faite lors de la soirée avec mes invités. Je suis venu m’assurer que tu te souviendrais de cette dimension-là.

Rhysode se tourna vers Jephego, qui s’était éloigné quelques secondes avant de revenir près de son maître, et lui fit un signe de la tête. On entendit un « Oooh » de la foule, signifiant que quelque chose d’intéressant venait de se passer dans le combat de Kashiet contre son adversaire. Rhysode ne s’y intéressa guère. Jephego déverrouilla la cellule, et Rhysode y entra d’un pas conquérant tandis que le hapien se levait, prudent. Les deux hommes se firent face, et Lloyd soutint le regard du noble. Si un jour ce dernier devait voir le visage de l’apprenti du Castellan, il était désormais certain qu’il se rappellerait du Boucher. Mais tant pis.

- Sais-tu que tu as une affinité avec la Force ?

Lloyd se tendit.

- C’est la raison pour laquelle je t’ai acheté. La raison pour laquelle je ne pense pas avoir payé très cher pour ce que tu es. J’imagine que tu as été un esclave ?

Le hapien resta silencieux.

- Peu importe. Voilà ce que je te propose. Tu vas combattre avec une lame tranchante, comme tu l’as demandé. Tu vas faire saigner ton adversaire, tu vas faire durer le spectacle, et tu agiras pour que ton surnom marque les esprits. Qu’Akusha se souvienne toujours de ce combat mémorable. Que la foule soit transportée d’extase. Et ainsi… tu sauves mon honneur ce soir. En échange, et si j’estime que tu as joué le jeu… Je t’enseignerai. Tu pourrais très vite devenir un champion inestimé, si tu savais discrètement utiliser la Force à ton avantage… Qu’en dis-tu ?

Lloyd hésita. Il s’humecta les lèvres. Ce n’était pas le genre de proposition à laquelle il s’était attendu. Dans le dos de Rhysode, Jephego s’approcha, et tendit au hapien la garde d’un sabre long et tranchant. La lame était légèrement recourbée, et elle était d’une brillance inattendue. Une arme noble. Lloyd referma lentement ses doigts sur la garde. Elle était légère, et il leva la lame devant ses yeux. Il vit ses prunelles émeraudes s’y refléter : ses yeux étaient injectés de sang, des cernes couraient sur sa peau encadrée de mèches devenues un peu trop longues, une légère barbe lui mangeait le visage. Il se reconnaissait à peine. Mais il se reconnaissait toujours trop.

- Merci, fit-il en baissant l’arme, puis il affronta de nouveau Rhysode du regard. Que se passera-t-il si je l’emporte ? Comment les jeux se termineront-ils ?

Rhysode parut surpris par la question. Il haussa les épaules.

- Hé bien, par des discours. Quelque chose en l’honneur du Seigneur Ramken, je crois… Mais si tu es vainqueur, je vais d’abord t’emmener te présenter au Seigneur Akusha et à la Dame Shar pour que tu t’inclines devant eux. Parfois, l’organisateur des jeux prévoit un traitement spécial pour les champions de l’arène. Ne compte pas trop sur la promesse de la Princesse cependant, si c’est à cela que tu penses.

Lloyd pinça les lèvres. Il hésita un moment. Il y avait quelque chose à tenter. Rhysode était-il davantage loyaliste ou renégat ? C’était trop risqué. Il renonça pour une requête plus simple.

- Je ferai du spectacle, annonça-t-il en baissant les yeux. Mais je garderai la même apparence que celle avec laquelle j’aurais terminé le combat devant le seigneur Akusha. Pour ma réputation.
- Bien entendu. Nous avons un accord, alors.

Le hapien acquiesça en silence, et Rhysode se détourna pour sortir. Jephego referma la cellule, et de nouveau les clameurs de la foule emplirent l’espace. Lloyd contemplait la lame après s’être rassis. Il passa le bout des doigts sur le fil et aussitôt du sang perla. Le liquide sombre et rouge dégoulina le long de sa main, puis goutta dans le sable. Et soudain, il eut l’idée qu’il lui semblait avoir attendu jusqu’ici.




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- LE DERNIER COMBAT, MESDAMES ET MESSIEURS. CHOISIS PAR LA PRINCESSE DANA SHAR, EPOUSE DU SEIGNEUR AKUSHA, DEUX GUERRIERS VONT S’AFFRONTER A MORT.

La voix du présentateur était répercutée dans l’arène par des droïdes volant dotés de haut-parleurs. Ils survolaient la foule. Le soleil rouge de Ch’Hodos jetait ses dernières lueurs sanglantes sur les centaines d’âmes réunies, qui achetaient des boissons à des droïdes. Des billets passaient de main en main, les pronostics allaient bon train. On avait jamais entendu parler de ce boucher qu’annonçait le programme.

- FAUCET !
annonça la voix tonitruante. 22 VICTOIRES AU COMPTEUR, IL A VAINCU LE FAMEUX KHENESIS IL Y A QUELQUES SEMAINES. IL A TUE POUR VOTRE PLUS GRAND PLAISIR ET IL N’HESITERA PAS A RECOMMENCER.

Il y eut un tonnerre d’applaudissements et de cris de joie et de fureur. L’alcool aidait le public à apprécier l’évènement. Faucet avait clairement la côte. Il arriva dans l’arène au pas de course. Son visage portait encore des marques inélégantes des poings que Lloyd avait écrasé dans sa face, mais il portait la même armure que lors de la soirée où ils s’étaient affrontés. Il s’arrêta au centre de l’arène, où il brandit fièrement une lance au manche épais, saluant la foule.

- ET… LE BOUCHER. NOUVEAUTE DE L’ARENE, DE LA MAISON RHYSODE. SERA-T-IL A LA HAUTEUR OU BIEN FAUCET N’EN FERA-T-IL… QU’UNE BOUCHEE ?

Il y eut des rires dans le public agité, mais malgré tout des applaudissements accueillirent le hapien quand on le libéra de son collier de métal. C’était Jephego qui s’en était chargé, gratifiant Lloyd d’un regard d’approbation avant que celui-ci entrât dans l’arène.

Le public l’observa curieusement s’avancer. Il marchait lentement, ménageant l’effet du sang qui dégoulinait abondamment de son visage, de ses mains, et de ses avant-bras. Il avait légèrement sectionné les pliures de ses bras, qui avait versé un sang suffisant pour se peindre ainsi le visage et se rendre méconnaissable. Il en avait même enduit ses cheveux pour les rabattre en mèches humides en arrière. Et pour parfaire son accoutrement macabre, il s’était peint un serpent rouge sur le ventre.

Les deux hommes se firent face. Les yeux de Faucet brillaient de haine au souvenir de l’affront qu’il avait subi. Le hapien leva son arme devant lui, et tous deux attendirent que fut donné le coup d’envoi.

Quand le Seigneur Akusha leva enfin une main pour signaler qu’il donnait son assentiment pour le début du combat, un coup de sifflet retentit et la foule se tut, ruant leur regard sur les deux hommes prêts à combattre.

Faucet s’approcha en menaçant Lloyd de la pointe de sa lance, mais le hapien l’évita aisément, comme il avait aisément évité les premiers portés par le gladiateur lors de leur toute première lutte. Ils tournèrent l’un autour de l’autre pendant plusieurs minutes, et Lloyd ne tenta aucune attaque. Faucet lui, en tentait mais sans grande conviction ; davantage pour occuper son adversaire, tester sa forme. La foule commença rapidement à s’impatienter, leur lançant des cris de rage pour exciter les deux guerriers, qui parurent longuement sourds à leur demande.

Enfin, Faucet crut voir une ouverture. Il fonça droit devant et essaya d’enfoncer la pointe de sa lance dans la cuisse du hapien qui se déporta au dernier moment. L’épée de Lloyd vola à son tour et de la pointe du sabre il trancha superficiellement la peau de Faucet à l’avant-bras. Ce dernier recula avec un sourire de moquerie pour ce coup si insignifiant.

Mais le sang avait commencé à couler.

Comme le sang de Jared dont il avait peint les seins de Dana. Comme le sang de Jaden dont elle l’avait aidé à débarrassé son corps, sous la douche. Comme le sang de Zal à travers lequel elle l’avait embrassé.
Comme son propre sang qu’elle avait sucé sur son pouce, sa langue léchant son doigt tandis que l’étendue dorée l’allumait comme cela n’aurait dû être permis.

Faucet tenta une nouvelle attaque, plus osée. Il manœuvra sa lance comme un bâton le fit virevolter, faisant reculer Lloyd de plusieurs pas avant de se jeter sur lui, outrepassant la garde de son épée et plantant le bois de la lance dans le ventre du hapien qui se courba sous la douleur en baissant son arme. Aussitôt Faucet se jeta sur lui, profitant de ce moment de faiblesse pour aller au corps à corps et tenter d’abattre son poing sur le crâne du hapien, mais Lloyd fonçait déjà en avant et il enfonça brutalement son épaule dans le ventre de Faucet en passant sous la lance. Faucet se courba comme lui et ils se roulèrent dans le sable. Le hapien se releva prestement et traça prestement, de la pointe du sabre, une ligne verticale sur le ventre dénudé de Faucet.
Ce dernier donna un coup sur la lame de Lloyd à l’aide de sa lance pour s’échapper et se redressa aussitôt à son tour.

- A quoi tu joues, le boucher ?? lui cria-t-il, surprit, et le sang couler entre les poils noirs qui couvraient son torse suant.

On vit les dents du hapien apparaître tandis qu’un sourire étira sa face rougie par le sang.

- Oh… je vais juste… te dessiner sur le ventre.

Faucet ignora l’absurdité de la remarque. La foule s’était tue de nouveau, se demandant pourquoi, vu ce début de combat, les deux guerriers n’en avaient pas déjà profité pour être plus meurtriers l’un envers l’autre. Faucet avait déjà estimé qu’il avait suffisamment de spectacle. Ils pouvaient passer aux choses sérieuses. Il fonça de nouveau sur Lloyd, sa lance devant lui avec une allonge qui lui permettait de frapper sans être gêné par l’épée du hapien. Ce dernier déjoua l’attaque au dernier moment en attrapant la lance juste en dessous de la pointe de sa main libre. Il tira sur l’arme pour attirer Faucet à lui. Mais plutôt que d’utiliser l’épée, le hapien enfonça brutalement son front dans le visage de Faucet, dont le nez craqua sous l’impact. Puis d’un coup de pied, il le renvoya en arrière tandis qu’un « Oooh » faisait vibrer la foule.

- ET PARTOUT ! hurla Lloyd en un cri de rage.

Faucet recula de plusieurs pas, enragé par la douleur. Son nez dégoulinait de sang sur sa bouche et dans sa barbe, et ses traits étaient déformés par une grimace menaçante. Mais il ne voulait pas laisser plus de sang à Lloyd pour se remettre, alors il attaqua immédiatement. Le hapien essaya d’éviter la lance encore et encore, mais la pointe finit par se ficher dans son épaule et il lâcha un cri de douleur à son tour en reculant. Il fonça dans le tas à son tour. Il passa sous la hampe de la lance que Faucet vit tournoyer devant lui pour cisailler les cuisses de l’adversaire de la pointe du sabre, juste au dessus des pièces d’armure, comme il l’avait fait plus tôt. Sans être mortelles, ces blessures déversèrent encore leur lot de sang qui se répandirent dans le sable pour le plaisir de la foule.

Il y eut de nouveau plusieurs attaques et défenses manquées, et à plusieurs reprises le hapien traça des lignes rouges dans la peau de son adversaire : dans le dos, aux épaules, sur le ventre, aux mains même jusqu’à ce que Faucet changeât enfin de stratégie. Il reprit sa lance comme un bâton et s’en servit pour bloquer les attaques de Lloyd ; ce dernier n’utilisait pas le tranchant de la lame contre le bois pour ne pas l’abîmer depuis le début du combat et Faucet avait fini par le comprendre. Il bloqua la main du hapien contre sa lance dès la tentative suivante et en profita pour jeter son pied dans le ventre de Lloyd qui fut projeté en arrière. Ce dernier sentit le choc dur contre son bassin et son dos dès qu’il heurta le sable.

Soudain le ciel orange tournoya au-dessus de lui. Son souffle était coupé et ses mains battirent un instant le sable dans une panique à peine contrôlé pour se relever malgré le choc. Il se redressa sur son séant au moment au Faucet voulut réaliser son coup final : le guerrier, à quelques pas de distance, prit sa lance d’une main solide et la positionna au niveau de son oreille, avant de la propulser de toute sa force, pointe en avant, vers Lloyd. Le public retint son souffle, au comble du plaisir.

Tu ne peux pas utiliser la Force.

Mourir ?


















T'as besoin de loyauté dans ta vie.


















Ma Princesse de Ch'Hodos.


















Il essaya de détourner son corps en roulant sur lui-même au dernier moment mais il n’évita pas tout à fait la lance. Celle-ci se figea profondément à l’arrière de sa cuisse, déchirant la toile. Il fut momentanément cloué au sol, sur le ventre, sa gorge crachant un nouveau cri de douleur qui se répercuta jusqu’au public impressionné par le lancer de Faucet. Ce dernier parut déçu de ne pas avoir tué le hapien mais était revigoré par la blessure qu’il venait de lui infliger.

Lloyd passa une main tremblante sur sa cuisse. Ses doigts épousèrent les contours de la lance et il l’arracha d’un coup sec. Le sang sur son visage était sillonné de larmes que lui arrachait la souffrance, mais il se releva tout de même en chancelant. Il boita sur quelques pas en se retournant pour faire face à Faucet, qui s’était mis à rire à gorge déployée, puissamment. Pour le spectacle.

- Alors le boucher, tu comptes faire quoi, maintenant ? Rends-moi mon arme et je t’exécuterai avec le moins de souffrance possible, je te le promets.

Le hapien cracha au sol pour toutes réponses, et une tâche sombre de plus se forma sur le sable déjà souillé par le sang. La foule scandait le nom de Faucet, demandait une fin spectaculaire pour ce combat excitant, mais Lloyd jeta son épée à terre, aussi bien que la lance, avant de s’avancer en boitant vers Faucet.

- Oh, comme tu voudras, l’impuissant. C’est moi qui vais me la faire, la princesse. J’vais la prendre dans tous les sens. T’façon, toi, t’aurais pas pu, hein. Faut être dur pour ça, le boucher.

Le hapien lui sourit à travers ses traits sanglants. Faucet n’aurait pas pu dire mieux.
Il avala d’un pas claudiquant les derniers mètres qui les séparaient. Il essaya d’asseisner un coup de poing à Faucet mais celui-ci l’évita en riant. Le gladiateur parvint à mettre dans les côtes de Lloyd un coup douloureux qu’il essaya d’ignorer, mais c’étaient ces mêmes côtes qui avaient été brisées quelques jours plus tôt et il les avait senti s’enfoncer encore. La douleur lui voila le regard et il sentit un poing s’écraser contre sa tempe. Lloyd tomba au sol lourdement. Faucet avait décidé de ménager son effet à son tour. Il gratifia le hapien d’un nouveau coup de pied dans le ventre et celui-ci se tordit de douleur. Puis Faucet se détourna pour aller chercher son arme, mais Lloyd l’en empêcha en balayant ses jambes d’un coup de pied pour le faire chuter son tour.

Les deux hommes rampèrent l’un vers l’autre et une lutte minable débuta sous les sifflements de la foule. Ils en étaient venus à des coups misérables, à des crachats, à des griffures. Lloyd avait réussi cependant à dominer Faucet et s’était mis sur lui, son corps en travers du sien.

Et soudain, il plongea son visage dans le cou de Faucet. Quand il le releva l’instant d’après, Faucet se mit à hurler follement, d’une douleur inattendue qui le fit gigoter pauvrement sous le hapien. Ce dernier dégoulinait d’un sang nouveau contre la bouche, sur la gorge, comme il venait de mordre de toutes ses forces le cou de Faucet pour en arracher de la peau et il ne savait quoi d’autre. La foule se remit à hurler de surprise et de jubilation devant une telle sauvagerie.

Alors Lloyd profita de la panique de Faucet pour se redresser et bloquer les mains de l’adversaire sous ses genoux, avant de lui arracher le casque qui lui protégeait le crâne. Et il reprit enfin ce qu’il avait commencé dans un bassin, sous une statue brisée : il écrasa ses poings dans le visage de Faucet, de toute sa rage, de tous ses muscles qu’il avait tant travaillé ces derniers jours, et il continua jusqu’à ce que le gladiateur fut pris de convulsions horribles, que le glougloutement du sang qui jaillissait dans le sable lui indiquait que la boîte crânienne était brisée et jusqu’à ce qu’il fût sûr qu’il n’y avait plus de cervelle suffisamment rassemblée pour que Faucet pût encore se souvenir de son nom.

Alors il s’arrêta enfin, pour relever le visage. Sa poitrine se soulevait au rythme de la respiration folle que lui imposait son corps pour récupérer, pour survivre devant cette foule qui s’était levée sur les gradins en hurlant, jubilant de ce retournement de situation. En les regardant, il se rendit compte que du sang et du sable emplissait sa bouche et il cracha une dernière fois sur Faucet avant de se lever. Il marcha lentement, en boitant, pour aller récupérer son épée. Puis il revint vers le cadavre, du même pas misérable, et se pencha pour attraper de sa main libre la chevelure de Faucet. Il tira vers lui pour dégager ce qui restait du crâne vers lui pour mettre au jour le cou du gladiateur qu’il trancha d’un coup net avec son sabre. Puis il se redressa et brandit la tête déformée par ses coups au-dessus de lui, dans un geste de victoire.

Il se retourna sur lui-même, comme pour la montrer longuement à tout le public, et s’arrêta enfin devant la loge royale. Jusqu’ici, il n’y avait pas jeté un coup d’œil. Mais maintenant, il reconnaissait à travers ses yeux voilés de sang le Seigneur Akusha qui trônait et, à ses côtés, Dana dont la peau dénudée, blanche contrastant avec sa robe noire, attisait l’imagination, même à des dizaines de mètres.

Il brandit encore le crâne.

- Tiens, Akusha, murmura-t-il entre ses dents. C’est comme ça que j’te finirai si tu la touches, ok ?

Lloyd se tourna une dernière fois vers la foule, et lança la tête ensanglantée au hasard dans le public. Il y eut des cris d’horreur, de plaisir, d’effroi, d’admiration, de dégoût. Et des rires.

Voilà comment s’amusait le peuple de Ch’Hodos.

Et voilà comment le Boucher faisait le spectacle.
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Les cris avaient résonné tout au long de la journée et le temps s’était étiré un peu plus à chaque combat. Ashar et Taral commentaient ces rencontres sanglantes sous l’œil indifférent d’Akusha qui ne semblait pas contenté. Il avait attiré une esclave askajienne tout en chair sur ses genoux et demeurait immobile, les yeux mi-clos comme s’il…méditait. Et si Dana n’avait pas possédé ses bracelets anti-Force, sans doue l’aurait-elle senti s’épanouir dans la Force et y déployer son aura d’obscurité. Au fil des heures, les hurlements de la foule lui avaient paru plus qu’un écho éthérique. Elle n’entendait plus que le rythme effrené de son cœur que chaque battement rapprochait un peu plus de la fin. Elle répondit à peine quand on s’adressait à elle, mimait un sourire qui ne dupait pas, jetait une œillade éteinte à qui de droit. Jusqu’à ce que le combat vedette arrive enfin sous la bénédiction d’un soleil rouge. Elle tendit son cou pour mieux apercevoir le boucher et ses yeux rencontrèrent la silhouette d’un Lloyd méconnaissable. Elle n’avait reconnu que son regard émeraude dans cette étendue écarlate. Elle paniqua, crut voir sécher sur la peau hapienne le sang de Luis Raidun et de tous les autres, et crut comprendre que cette peau réclamait plus de sang encore. Elle tressaillit dès que le sifflet retentit et que le premier coup fut porté.


- Ca suffit !

Tous les visages de la loge royale se détournèrent vers elle, sauf celui d’Akusha dont l’attention n’avait pas quitté l’Arène. La princesse s’était imprudemment redressée dans un sursaut indigné alors que le boucher, à terre attendait la sentence d’une lance vengeresse. Jacet arqua un sourcil :

- Qu’est-ce qu’il vous prend ? N’est-ce pas vous qui avez décidé d’un combat à mort. On voit tout de suite lequel des deux a été motivé par l’attrait de vos cuisses, ricana-t-il sous les sourires moqueurs de Mera et de l’épouse de Rhysode qui se complaisaient de voir la Sith humiliée. Faucet est assurément d’un autre niveau que ce petit vendeur de viande à la sauvette.

Rhysode cacha sa face déçue derrière une paume, dans un geste plein d’amertume. Que le boucher meurt, mais qu’il le fasse vite pour abréger cette honte horrible dont cette défaite l’affublerait. Akusha leva une main pour les faire taire et Dana se rassit lentement, horrifiée. Derrière son blush généreusement appliqué pour couvrir les marques de coups, sa peau avait blêmi. Lloyd allait mourir, par sa faute. Parce qu’elle avait lancé un défi absurde dans l’objectif de le secouer un peu. Il allait mourir et elle ne pouvait rien faire pour empêcher ça, si ce n’était mourir avec lui. Elle fit un signe précipité vers Shira, parce qu’elle ne se sentait pas bien. La twi-lek se dépêcha de lui servir un peu d’eau et de l’aider à ne pas s’effondrer davantage. Et quand les cris jaillirent des gradins pour saluer le retournement de situation, Dana eu l’impression qu’un tremblement de terre secouait Ch’Hodos City. Elle avait dirigé ses prunelles brillantes vers le sable ensanglanté alors que son esclave détournait sa figure de ce spectacle macabre, Dana Shar sombrait dedans.

.Je voulais pas dire ça. Je voulais… Je voulais te prévenir.

Le sang giclait de la figure de Faucet, éclaboussant les poings de Hope, le sable alentours.

Depuis le début, j’ai voulu te dire qu’il fallait pas qu’tu t’intéresses à moi. J’ai vraiment essayé, j’te jure.

Faucet ne bougeait plus. Sa face n’était plus qu’un amas de chair et d’os.

Je suis ça, Dana. Tout ça.

L’ombre du boucher, de l’alcoolique, du lâche, du fou le recouvrait.

Et les spectateurs déchaînèrent leur plaisir coupable dans un même rugissement quand il brandit la tête de son adversaire comme une offrande au soleil.

Le chien errant du Castellan.

Dana retint son souffle tandis qu’il leur présentait son macabre trophée. Sa respiration n’était plus qu’un filet suspendu aux yeux émeraudes.

C’est moi.

- Il a gagné, souffla-t-elle avec soulagement.

Le Seigneur Akusha avait chassé l’esclave de ses genoux et s’était penché pour mieux aviser le vainqueur. L’ennui avait quitté son regard. Derrière lui, Rhysode jubilait tandis que Jacet Ashar encaissait l’humiliation. Sa maison semblait définitivement foutue. Le vieillard s’adressa à Rhysode mais ne quittait pas le boucher de son regard acéré.

- Dîtes-moi, Rhysode. Ce boucher.
- Une pièce impressionnante n’est-ce pas ?
- Je veux le voir combattre encore. J’aime sa rage. Il a une part d’ombre en lui qui me plaît.
- Mais assurément, Seigneur Akusha.
- J’ai décidé de décaler le discours de reddition de Lara. Il sera prononcé chez vous, après un nouveau combat du boucher contre…moi.

Sous les hourras perpétuels de la foule, un silence de plomb s’écrasa dans la loge royale. Ashar eût un sourire amusé tandis que Rhysode baissait les yeux et que Dana tremblait.

- Contre vous ? Mais….il n’a aucune chance, grinça Rhysode.
- Il en aura une, s’il me demande grâce. Tu entends ça, Lana ? Ta petite loyauté….gagne encore quelques temps de sursis. En attendant, nous nous retrouverons chez vous Seigneur Rhysode, pour nous présenter ce vainqueur.
- Et qu’en est-il de la promesse de la princesse ? intervint Jacet, comme le dernier rut d’un animal blessé.
- La promesse ? s’interrogea le Sith en piochant dans une corbeille de fruits frais et rutilant.
- Celle d’ouvrir ses jambes au vainqueur. Elle nous a assuré que vous trouveriez le spectacle divertissant.

Akusha consentit enfin à détourner son attention vers la concernée qui ne broncha pas. Elle planta ses pupilles contre celles du dirigeant et elle le pensa si fort qu’il n’eut aucun mal à le lire dans son esprit, au travers de la Force.

Vous vouliez qu’on m’engrosse. Ce ne sera qu’une occasion de plus, pensait-elle avec insolence.

- C’est une récompense qu’il mérite, lâcha-t-il sur un ton indifférent. Et assurez-vous de doubler ses gains, pour le spectacle. La foule semble contentée.

Un officier déboula soudainement dans la loge et posa un genou au sol, le front luisant de transpiration. Il tremblait et annonça dans le dos de son Seigneur, d’une voix précipitée

- Mon Seigneur, ce sont les émissaires de Ziost. Ils ont été enlevés, par les loyalistes. Ils se rendaient à l’Arène et…nous venons de recevoir le message. Je…ne comprends pas, nous avions redoublé de vigilance et…ahm.

Le vieux Sith poussa un soupir contrarié.

- Je ne pourrais visiblement pas me présenter à votre petite cérémonie de ce soir, Rhysode. Mara me représentera. Seigneur Taral, vous venez avec moi. Il va falloir définitivement mettre un terme à cette vendetta loyaliste.


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La demeure des Rhysode brillait de milles feux, des éclairages puissants qui défiaient la nuit noire de Ch’Hodos. Les guerriers avaient été conviés à faire partie d’un décor titanesque et parmi eux, le boucher se tenait là, ensanglanté, le corps couvert d’hémoglobine, de sable de sueur. Il s’attirait de ce fait des regards admiratifs de la part des invités qui, plus nombreux que lors du dernier banquet, piaillaient avec entrain. Certains jalousaient la fortune de Rhysode, son flair d’avoir acquis un homme aussi doué. Jephego était lui, tendu de fierté, comme un père présentait fièrement son enfant le plus prometteur. Il considérait que le succès du blond n’avait été permis que par l’entraînement qu’il lui avait fourni ainsi que sa pédagogie. Les meilleurs augures semblaient sourire à la maison Rhysode désormais sous les feux des projecteurs de la haute société ch’hodienne. Mais il aurait beau cherché du regard, aucune trace d’Akusha, ni même de Dana. Il n’y avait que des visages inconnus.

Rhysode daigna enfin s’intéresser à son guerrier prodigue alors que l’alcool endormait les veines de ceux qui en consommaient immodérément. Il mena le boucher un peu à l’écart, dans la cour où l’air nocturne et brûlant caressa leurs figures.

- Le Seigneur Akusha a eu un contre-temps. Mais il a été très satisfait de toi il, ahm. Il aimerait que tu le combattes dans quelques jours. Je t’interdis d’essayer de gagner contre lui, dès qu’il te mettra à terre, tu devras faire le signe de reddition. C’est un caprice de sa part, je veux pas que ça te coûte la vie. Akusha est un Sith, un guerrier redoutable. Même si tu as la Force, tu serais perdu en t’entêtant contre lui. Tu seras bien récompensé, la princesse…elle sera à toi ce soir, ainsi que beaucoup de gains. Ta victoire on en parlera encore longtemps. Je vais faire de toi un Massassi, un véritable dieu-guerrier.

Et ils regagnèrent l’intérieur de la villa. Lloyd put reprendre sa place centrale au milieu des guerriers. La princesse serait à lui ce soir, alors pourquoi n’était-elle pas là. Soudain, la musique ralentit et l’orchestre joua une autre mélodie. Les discussions se turent et les regards se détournèrent de l’alcool et des guerriers au moment où une voix féminine retentissait, chantait avec clarté comme elle avait chanté face à un feu, sur un rivage lointain :

- Car cette vie est une symphonie douce-amère

Mais pour le moment, il n’y avait que sa voix qui s’élevait au-dessus de ces têtes étrangères.

- On essaie de joindre les deux bouts, tu te retrouves esclave, puis tu meurs.

Enfin, on s’écarta, car Dana Shar s’avançait. Elle descendit dans le bassin et foula l’eau de ses pieds nus pour traverser l’atrium, pour se rendre jusqu’à lui.

-Je te mènerai sur la seule route que j'ai jamais parcourue. Tu sais, celle qui te mène à ces endroits où toutes choses se rejoignent..

Finalement, elle était devant lui et ses lèvres rouges brillaient, comme le sang séché sur la peau du boucher. Elle s’était avancée vers lui tel un sacrifice, une offrande supérieure, tel un aimant attiré par le métal. Elle avait franchi cette distance d’un pas aussi conquérant que résigné, dans une marche qu’aucun obstacle n’aurait pu brisé. Il put poser son regard sur l’Inquisitrice et Rhysode fit un geste vers ses esclaves.


Pas de changement, je ne peux pas changer, je ne peux pas changer.

Les esclaves les avaient guidés à l’abri, dans les bains de la maison, puis les avaient discrètement laissés. Lloyd s’apprêtait à plonger dans l’eau, mais elle le retint d’une poigne ferme et secoua la tête.







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