Maxence Darkan
Maxence Darkan
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La chambre de motel ne ressemblait plus à grand chose désormais. Le lit avait changé de place, le bureau, normalement dans le coin de la pièce était pile au milieu, juste devant le lit, il y avait toutes ces bouteilles d'alcool vide, des boîtiers de cachés non réglementaire tout aussi vide, un paquet de datapad empilés sur une petite table. Maxence, l'air hagard, frappait ses yeux rouges terriblement cernés sur son bracelet ou s'afficher un tableau holographique d'information avec des visages plaqué dans sur la droite. Des traits reliaient les dites informations entre elles, créant ainsi un véritable labyrinthe d'espionnage amateur. Elle attrapa une bouteille de whisky avant de faire lentement couler une partie de son contenu dans une petite flasque. Elle enfonça la flasque dans son blouson avant de boire à la bouteille. Elle avait bien avancé et bientôt, elle leur ferait comprendre.

-Fély essaye de vous joindre.

-Dis lui qu'j'suis en train d'baiser.

-Salut Max. Éos l'aurait accepté dans tous les cas. Putain, ton visage… l'hologramme du Gozzo, grimaça, tu t'es salement faite éclatée. Elle ne répondit pas, lui lançant simplement un mauvais regard. Ouais, peu importe. J'ai reçu ton message, à mon avis, vu les mots qui manquaient et les fautes d'orthographes encore pires que d'habitude, t'étais soit défoncée, soit bourrée, soit les deux. Il se gratta le front. Bon, je suis d'accord, ok ? J'ai sûrement pas envie qu'ils s'en sortent comme si de rien était. Mais. Tu prends encore ta merde ?

-Je suis en train d'arrêter.

-Bordel de merde, je te l'ai dis, je serais pas là pour te ramasser dans ton vomi au milieu de Pine Point. J'en ai ras le cul de jouer au tuteur entre toi et Bigord. T'as pas dormi convenablement depuis combien de temps ? Elle allait répondre, mais il l'interrompit. Sans compter les black out et les évanouissement de fatigue ? Pas de réponse. On est bien d'accord. Si t'arrête pas au plus vite, d'ici un an tu te souviendras même plus de ton nom de famille. Alors j'en suivrai quand… zzZZz.. ni de… ZzzZZ...

La communication s'interrompit sous l’œil désintéressé de la blondinette. Le visage au sourire narquois de Flakstaff le parieur -connu sous le nom de Samuel O'Connard- apparut à la place.

-Maxence. Dis donc, j'ai les infos que t'as récupéré sur eux, t'es… wow ! J'm'attendais à voir Maxence Darkan, pas une poubelle apathique avec des cheveux mal arrangés. La gueule que tu claques, c'est presque comique. 'fin bref, le Gozzo parle trop et on s'en branle. N'empêche, celle là… wow, elle réussit à être pire que toi. Il commença à compter ses arguments sur les doigts : Famille de merde, des penchants spéciste, j'en attendais pas moins d'une ratée d'son genre, jetée par les siens, récupérée à la petite cuillère, détestée par ses propres alliés, sauvée par un loser, j'pense que là, c'est comme un gros tas d'merde, on a plus qu'à shooter dedans pour admirer le spectacle. On est franchement pas loin d'y arriver, fais pas baisser la pression. C'était plus un ordre qu'un encouragement. Je sais à peu près comment on va faire, j'vais faire un tour par Pine Point d'ici peu. N'oublie pas que toi et moi, on est coincé ensemble jusqu'à la fin de notre petite épopée vengeresse. Au revoir, Max.

L'hologramme s'arrêta brusquement, laissant un calme plat dans la pièce, bercé par les quelques speeders de la rue qui passaient à toute vitesse. Indirectement, Flakstaff maîtrisait Maxence par la culpabilité, il lui en voulait de s'en être sortie, elle et pas les autres, alors emmenée par sa tristesse et le Speed qu'elle s'enfilait pour éviter de s'endormir la conscience lourde, elle le suivait et lui filait toutes les informations dont il avait besoin pour ruiner deux vies en particulier. Son but était simple, diviser pour mieux détruire : il fallait simplement une amorce et ensuite il les laisserait s'autodétruire. Pour ça, la mercenaire avait fait tourner tout son réseau de contact de l'Empire pour absolument savoir tout ce qu'elle pouvait savoir, au point où elle savait à peu près en temps réel où ils se trouvaient.

Elle attrapa sa bouteille pour la jeter contre le mur. Par réflexe, sans crier, sans rien, elle l'avait simplement jeté de toutes ses forces pour l'exploser. Elle enfila ensuite son bracelet et ses armes, posa une cigarette entre ses lèvres pour s'extirper de sa chambre insalubre. Dans les quartiers nord de [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien] -une ville qu'on ne présente pas deux fois-, elle était plutôt connue sous le nom de "Billie la furie", la pugiliste de l'arène clandestine du coin.

-Vous avez un nouveau message de Karmikaelle.

Alors ça n'étonnait personne de voir la blondinette, coquard à l'œil, lèvre fendue, bleus sur le visage et arcade ouverte. En plein milieu du marché de l'après-midi, elle déambulait sans but visible parmi les criards qui cherchaient par tous les moyens à atteindre leur chiffre d'affaire quotidien. Les Djiilo avaient une influence assez moindre dans cette ville qui se trouvait être un énorme melting pot d'ethnies et d'espèces. Parce qu'à Pine Point 86, tout le monde fuyait quelque chose, la plupart des groupes organisés autour de la ville restaient de simple petits gangs faisant leur loi dans les quartiers. Une aubaine pour la blondinette qui prenait ses marques dans cet environnement plutôt familier. Malgré la position équatoriale de la ville, le temps y était frais, déposant un brouillard partiel détourant les habitations de l'horizon.

-Vous devriez au moins lui répondre.

Le nord de la ville était l'endroit le plus intéressant historiquement parlant, les petites maisons minières tristounettes comme on en faisait plus, donnaient une atmosphère étrange lorsqu'on comprenait l'étendue des anciennes infrastructures minières rénovées, reconstruites, ou abandonnées qui les collaient directement. Bifurquant au coin d'une ruelle, l'entrepôt tant attendu se dessina finalement. Barricadé pour éviter le squat, la blondinette connaissait ce petit passage, caché par une vieille taule rouillée pour s'engouffrer dans ce monstre en ruine. Elle y avait laissé une caisse dans un bordel d'outils oubliés, à l'intérieur, le minimum nécessaire pour faire des explosifs artisanaux. Assise en tailleur, la clope jetée loin, elle s'occupait à fabriquer des grenades comme une enfant jouerait avec son cadeau de noël pas fou.
Karm Torr
Karm Torr
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Bonjour. Je recherche une jeune fille qui s’appelle Ma…
Va te faire cuire un œuf !
Mon dieu mais quelle grossièreté !

Hé oui.
Cette histoire contient des passages vulgaires, qui ne conviennent pas à tous les publics.

Si Karm n’avait pas été un Jedi, il se serait laissé aller à un brin de découragement. Ses recherches sur Nal Hutta se révélaient infructueuses et il ne savait trop quelle conclusion en tirer. Changer de planète ? Abandonner l’Espace Hutt complètement ? Ou tout simplement prendre son mal en patience et se dire que Maxence finirait bien par émerger un jour ou l’autre ?

Mais il faisait confiance en la Force et la Force lui soufflait que la disparition de son amie n’était pas l’un de ces week-ends prolongés que la mercenaire passait enchevêtrée avec des gens légèrement vêtus et fortement avinés, à fêter la sortie de la dernière grenade à la mode. Alors il enquêtait. Sans savoir précisément comment on s’y prenait.

La nuit tombait sur Nal Hutta et le jeune Maître réintégra sa chambre, non sans avoir et pour la énième fois tenté d’appeler Maxence en chemin. Qui n’était pas vide.

J’me suis permis de prendre une douche, déclara le jeune homme vêtu d’un simple boxer, qui suçait une sucette affalé sur son lit.
Fais comme chez toi. Du succès ?
Oui.

Léo, le frère de son ancien Padawan, tira la sucette de ses lèvres. Très lentement. En fixant Karm avec beaucoup d’intensité. Et déclara :

Elle est sur Nar Kaaga. On en saura plus une fois sur place.
Te sens pas obligé de m’accompagner, je pourrais me débrouiller seule une fois là-bas.
Je voudrais pas manquer de respect à un Maître Jedi, répliqua Léo, qui aimait définitivement manquer de respect aux Maîtres Jedis, mais j’irais pas jusqu’à dire qu’enquêter en pleine mafia soit précisément ton talent caché.
Sois pas injuste, j’ai appris tout un répertoire d’insultes, aujourd’hui.
Voilà.

Karm avait enrôlé Léo, qu’il supposait être un ancien amant de Maxence, pour l’aider dans son enquête. Lors de leur première rencontre, le jeune homme lui avait semblé assez familier de l’Espace Hutt pour être utile. À sa grande surprise, le jeune mercenaire s’était laissé convaincre sans beaucoup d’efforts, et surtout sans réclamer de rémunération. Il y avait anguille sous roche, c’était évident, mais pour l’heure, Karm avait décidé de remiser cette question-là à plus tard.

Ben du coup on repart dès que tu es habillé.

Le garçon se releva sans mot dire, mais avec un sourire un coin, Karm fit semblant de ne pas remarquer qu’il avait de fort jolies fesses et, trente minutes plus tard, ils décollaient de Nal Hutta.

J’adore cet endroit, s’exclama Léo quelques heures plus tard, quand ils atterrirent sur Nar Kaaga !
J’ai presque peur de demander pourquoi…
Les casinos sont géniaux. Y a rien de tel que de jouer à des jeux de hasard avec des gens qui ne comprennent rien à la Force. Un petit coup de pouce aux dés par ci, un petit coup d’oeil aux émotions des adversaires par là…
Dingue que tu sois pas resté au sein de l’Ordre Jedi, hein.

Léo se fendit d’un large sourire.

Pas vrai ? Je sens que j’ai raté ma vocation.

Les recherches sur la planète marécageuse leur prirent encore deux longues journées. En vérité, Karm avait beaucoup plus d’affection pour le turbulent détective qu’il ne voulait bien le laisser paraître. Léo était plein de vie et de créativité, intelligent et irrévérencieux, et son tempérament, malgré ses excès, plaisait à l’Ark-Ni. Et puis il semblait s’être épanoui en quittant l’Ordre, ce qui confirmait en soi les théories du Gardien selon lesquelles son institution devait apprendre à être plus souple, pour ne pas perdre le pari de la jeunesse.

Le troisième jour, le jeune homme débarqua dans la cantine où ils avaient pris leurs quartiers en déclarant :

Pine Point 86. Je voudrais pas dire, mais c’est quand même moi qui fais tout le boulot dans cette affaire.
Ton tee-shirt est à l’envers.
Ah ? Ouais.

Le détective retira son vêtement sans se soucier des autres clients, s’attira une demi-douzaine de regards lubriques, puis le renfila avant d’expliquer :

Je viens de me taper un Zeltron fait comme un dieu, avec un engin…
Euh.
… pour pirater les holosurveillances, je te raconte pas. Enfin bref. J’ai continué à faire la tournée des motels et elle réside dans celui-ci.

L’ancien Jedi transféra les données dans le datapad du Maître.

J’ai fait un tour dans sa chambre, elle est dans un sale état.
Maxence ?
La chambre, mais vu la tête de la chambre, Maxence aussi. C’est une véritable pharmacie là-bas dedans, et pas des plus légales. Bref, j’ai scruté la Force pour observer le passé récent et remonter un peu le fil, jusqu’à Pine Point 86, donc. À partir de là, j’imagine que tu pourras la détecter.
J’espère.

Karm avait l’air sincèrement préoccupé, et c’était une expression rare sur le visage. Léo posa une main sur son avant-bras.

Écoute, j’reste dans le coin si jamais, mais je suis pas sûr d’être spécialement le bienvenu, du coup, je te laisse continuer seul, OK ? Pas envie qu’elle me tire dans la tronche parce qu’elle est sous speed et que j’ai dit un mot de trop. Toi, tu t’en sortiras, t’as un sabre laser.

Le jeune homme esquissa une moue pensive.

Je t’assure que ce discours était beaucoup plus rassurant dans ma tête.

Ils engloutirent leur déjeuner et se séparèrent peu près, Léo prenant la direction des casinos. Karm tenta une ultime fois d’appeler son amie, avant de se plonger dans la Force, afin de sentir sa présence familière. Pine Pointe 86 était agitée par une vie intense et confuse, qui rendait l’exercice compliqué, et il fallut bien des fausses pistes avant que le Jedi ne s’arrête devant un entrepôt barricadé où, supposait-il, son amie était occupée à :


Réponse (a) : se saouler
Réponse (b) : se droguer
Réponse (c) : forniquer avec une reptile humanoïde
Réponse (d) : fabriquer des explosifs
Réponse (e) : les réponses (a), (b), (c), (d) et donc (e)


Le Jedi fit le tour de la bâtisse avant de repérer une petite ouverture mal recouverte par une tôle rouillée. Il s’y faufila facilement puis lança d’une voix faible, mais dont l’écho vint heureusement résonner dans la vaste structure métallique :

J’vais marcher d’un pas lourd pour annoncer mon arrivée et éviter que tu me tires dessus, OK ?

Et quelques minutes plus tard, il faisait son apparition en plein atelier d’arts décoratifs, spécialité explosifs militaires.

Salut. J’crois que ton comlink est cassé.

Les observations de Léo sur la chambre de la jeune femme l’avaient préparé à l’apparence déplorable de Maxence et il n’en marqua pas la moindre surprise. À la place, le Gardien s’installa sur une caisse renversée, non loin de l’établi de fortune de son amie, en espérant sincèrement que cette dernière n’avait pas perdu toutes ses facultés et qu’elle ne les ferait pas sauter tous les deux avec ses petits préparatifs.

Sympa comme endroit. L’entrepôt, déjà, puis la ville dans son ensemble. Les quarante prostituées qui ont tenté de me vendre leurs charmes avant que j’arrive jusqu’ici, c’était d’un pittoresque, je te raconte pas.

D’un geste de la tête, il désigna les grenades à moitié achevées.

C’est pour t’occuper les mains ou tu leur réserves une utilisation bien précise ?
Maxence Darkan
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Les mains dans la détonation, le processus de fabrication de ce genre de composant était d'une complexité maîtrisée par Maxence... quand elle n'était pas en sous l'emprise de substances à la localisation souvent très indéterminé. C'était le deuxième qu'elle préparait avant de le mettre dans la petite boule explosive, avec ça, elle n'avait plus qu'à fermer le tout et faire joujou. Mais voilà, ses doigts ne voulaient simplement pas répondre comme elle le souhaiter, la forçant à jeter le tout d'impatience à une dizaine de mètres de là en tentant de se calmer, une main sur le front. La voix du Jedi lui fit sursauter sa paume sur la crosse de son arme. Le premier réflexe restait celui de se dire qu'elle en avait potentiellement trop pris, pourtant les hallucinations visuelles ne faisaient pas parties des effets. Son regard croisa celui de Karm un court instant avant de revenir sur la grenade.

-Mon comlink fonctionne à la perfection. Et elle continuait de trifouiller un nouveau bidule de détonation. C'est pour m'amuser.

Elle n'avait pas vraiment l'air de s'amuser pourtant. Une expression vide et fermée bloquait tout ressenti. Elle ne semblait pas heureuse de le voir, mais pas non plus en colère. Quelques mèches lui servaient de rideau sur les flancs de son visage alors qu'elle se penchait encore plus sur ce mécanisme. Elle laissa un long silence s'installer. La blondinette cherchait ses mots, mais son cerveau trop embrouillé l'en empêchait. Trop dur pour elle de comprendre pourquoi son ami avait fait tout ce chemin jusque là pour la trouver dans cet état. Essayer d'interpréter les choses se montrait laborieux et loin d'elle l'idée de trop réfléchir.

-« On fuit tous quelque chose à Pine Point. » Tu fuis pas, toi. Finalement, ses doigts se dénouaient. T'as vraiment fait tout c'chemin pour me trouver, pas vrai ? Tu voulais des nouvelles, c'est ça ?

Comment pouvait-elle lui dire ce qu'il s'était passé ? « Du coup j'suis allée en plein milieu de l'Empire, en pleine guerre interne pour régler les caprices du Cartel en brisant mon contrat. J'aurais pu faire comme si de rien était, mais tout à foiré et maintenant j'me retrouve à chercher par tous les moyens à me venger » ? Ça aurait pu être un bon début, mais elle n'avait pas vraiment la force de lui présenter les choses aussi directement. Elle redoutait ce moment en particulier, le jour où elle le reverrait après Kar Delba pour lui expliquer pourquoi elle avait disparut sans prévenir. Maxence s'en voulait terriblement à propos de tout et sa tête embrumée ne l'aidait pas, elle ne voulait simplement pas affronter ses problèmes, pas maintenant, pas dans cet état.

-J'ai merdé. J'ai salement merdé.

-C'est pas peu dire.

-La ferme, Éos. La ferme !

Elle attrapa son bracelet pour le jeter au même titre que le premier détonateur. Facile à irriter… disons, plus que d'habitude. Ses yeux fixés sur l'IA désormais loin, elle se redressa vers son ami. Un visage tout à fait désastreux. Elle reposa sa grenade mi-construite pour le chercher d'autant plus du regard, encore hésitante sur ce qu'elle avait à lui dire. Elle dégaina un blaster et semblait le gigoter dans tous les sens alors qu'il était armé.

-Ils sont morts, Karm. Elle haussa les épaules. Comme ça, d'un putain d'claquement de doigts. C'est fou, hein ? Maxence Darkan à un cœur… faut vraiment être con pour ça.

Elle posa le canon de l'arme sur sa tempe, le chargeur glissa hors du manche au dernier moment, à l'instant même où son doigt appuya sur la gâchette. Dieu merci, l'arme fonctionnait seulement et uniquement s'il y avait une cellule d’énergie adéquat à l'intérieur. La blondinette laissa ensuite tomber le blaster négligemment sur le sol avant de sortir sa flasque et boire quelques grosses gorgés.

-Et là tu dois d'dire : « Qui ? Mais qui est putain d'mort, Maxence ? » Elle leva les mains en l'air. Taha'san ! Taha'san et Skroutch, évidemment ! Tout les deux d'un coup. Elle expliquait la situation avec un sarcasme drogué assez étrange. Ils ont juste pris leur arme, l'ont pointé sur leur tempe et paf ! Morts. Balle dans leur propre putain d'tête. Z'étaient pas bourrés. Z'étaient pas défoncés. Alors devine pourquoi. Son doigt se leva lentement en direction du Jedi. « La Force ». Oh… ouais… pour rappelle, c'était ma cheffe Taha, et Skroutch un… camarade de travail.

Ce qu'elle ne voulait pas dire, c'était qu'au-delà de Skroucth qu'elle appréciait partiellement dû à sa loufoquerie et sa façon simpliste de voir le monde, elle avait commencé à s'attacher à la Rodienne presque au même titre que Karm. Certes, elles n'avaient pas la relation la plus saine du monde et Taha'san n'était pas au même niveau d'affection que l'Ark-Ni, mais elle était vraiment à ça de lui parler ouvertement. Son cœur s'était remis à battre la chamade en repensant à leur visage éteint, un contre coup émotionnel lié aux pilules qu'elle ignora en expirant difficilement, les yeux fermés. Le spectacle de la mercenaire était pathétique, mais elle n'en avait plus rien à foutre désormais.

-Et donc… on en est là. Nouveau haussement d'épaules. Pourquoi j't'ai pas donné d'nouvelles ? Parce que j'suis putain d'lâche, Karm. Elle s'approcha pour lui prendre les poignets et coller ses mains sur son visage douloureux. Soigne-moi.
Karm Torr
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Combien de fois avait-il vu une soldate ravagée par une bataille ? Pas les morts, pas les corps carbonisés entre des bâtiments que les explosifs avaient éventré, pas celles à qui les droïdes de combat avaient arraché un bras ou une jambe presque négligemment, mais les autres, celles et ceux qui étaient passés entre les tirs de blaster, et dont les souvenirs étaient pleins désormais de l’odeur de chair rôtie par les éclairs de Force ou les mitrailleuses automatiques.


Mais Maxence n’était pas une militaire, et, quoiqu’elle aimât se battre, elle n’était pas une guerrière. Karm avait croisé bien des fantassins brisés dans les cantinas des villes de garnison, et des Jedis, même, qui prenaient pour quelques semaines ou quelques mois la Force en erreur, après en avoir contemplé l’immensité destructrice dans la guerre contre les Siths. Certains quittaient l’Ordre, se perdaient dans les replis de la Galaxie, dans l’espoir de fuir les spectacles qu’ils emportaient avec eux dans leur mémoire.


Alors il l’avait écouté, en silence, sans bouger, le regard posé sur elle, avec cette sorte de douceur discrète qu’il avait parfois et qui devait passer inaperçue pour ceux qui le connaissaient mal. C’était une scène familière que son affection pour Maxence rendait plus dramatique encore, mais ses muscles se crispèrent tout de même quand elle pointa le canon de son arme. Difficile pour lui d’imaginer à quelles extrémités la drogue pourrait la porter.


Bien sûr que je vais te soigner, murmura-t-il, avant d’ôter les mains du visage de la jeune fille, pour l’entourer de ses bras et la serrer doucement contre son torse.


L’une de ses mains se posa au creux de ses reins, l’autre se glissa dans ses cheveux. De son prime enfance chez les Ark-Ni, Karm avait conservé la conviction que le geste devait parfois primer sur la parole. L’austérité des Jedis réprouvait souvent les contacts physiques, mais il en avait gardé le réflexe, quand la situation était grave. C’était la chaleur de la Force Vivante qui réunissait deux corps proches l’un de l’autre, et ainsi se communiquait la quiétude de l’un à l’âme troublée de l’autre.


Et puis après quelques secondes, il se mit à chanter. Tout bas, et c’en était presque inaudible. De toute façon incompréhensible : le chant avait les mots courts, presque tous monosyllabiques, typiques de la langue ark-ni. C’était une mélodie simple, comme celle que Maxence avait déjà entendu de sa part sur Coruscant, et mélancolique. Quand le chant fut fini, le jeune Maître expliqua :


C’est l’Adieu au Voyageur, le chant funéraire de mon peuple. Les Ark-Ni croient que quelqu’un meurt, il poursuit son voyage dans l’espace entre les étoiles, et quand le vide interstellaire est peuplé des vaisseaux des voyageurs éternels, que nous ne pouvons simplement ni voir, ni entendre, avant d’avoir fermé les yeux à notre tour.


Sans être ethnographe lui-même, Karm exerçait depuis suffisamment longtemps au sein de l’ExploCorps pour avoir appris des spécialistes de l’Ordre que le deuil impliquait des rituels, et que sans cérémonie, il n’y avait pas d’adieu aux morts, et pas de vie qui puisse être reconstruite.


Viens.


Le Jedi relâcha son étreinte pour prendre les mains de son amie et l’entraîner vers la caisse où il s’était assis lui-même. Là, il lui ramena délicatement les cheveux en arrière, avant de reposer ses mains sur le visage de la mercenaire. Petit à petit, la Force afflua en lui, en eux, pour apaiser la douleur d’abord, et ensuite soigner les blessures. Il ressentit plus vivement la souffrance de la mercenaire, ses blessures physiques et morales, comme s’il les avait reçues lui-même.


Finalement, le Gardien retira ses mains.


Je pense que je pourrais également te purger de l’alcool et de la drogue, mais on va dire que chaque chose en son temps. Parfois, il vaut mieux descendre à pied que sauter en parachute. Ou quelque chose comme ça, quoi.


Karm passa un bras autour des épaules de Maxence.


Je vois très bien de quoi tu parles. T’es pas lâche, tu me parais avoir une réaction très rationnelle, au fond, à quelque chose de terrible et d’en partie inexplicable. T’sais, y a des Jedis qui vont te dire que la Force est une chose belle et merveilleuse, mais en vrai, la Force, c’est comme la tectonique des plaques. Parfois, ça fait de chouettes montagnes, d’autres fois, c’est des volcans qui dévastent tout et des océans qui s’engloutissent. Et comme les immenses catastrophes naturelles, ce sont des phénomènes tellement éloignés parfois de nos expériences immédiates, de notre intuition de base de la vie de tous les jours, que ça nous laisse terrorisés, avec une impression de totale faiblesse.


La première fois qu’il avait vu une Tempête de Force, des mains d’une Dame des Siths sur un champ de bataille quand il avait quinze ans, Karm avait cru qu’il n’en dormirait jamais plus la nuit. Sur des kilomètres, un déchaînement titanesque d’éclairs qui avaient brûlé vifs, parfois en une fraction de seconde, des dizaines et des dizaines de soldats.


Franchement, l’attitude qui consisterait, en ayant vu ce que t’as vu, à repartir chez toi et vivre ta vie comme si de rien n’était, ce serait pas du courage, hein, ce serait de l’insensibilité. T’as pas à avoir honte d’être dans un sale état parce que tu souffres, et c’est pas un problème parce que maintenant, j’suis là pour m’occuper de toi, OK ?
Maxence Darkan
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Maxence le serra d'un coup, ses doigts agrippèrent les vêtements du Jedi. Elle n'avait jamais vécu ça auparavant, elle n'avait jamais eu besoin de quelqu'un pour la consoler d'une peine aussi forte qu'à cet instant. Son souffle saccadé, les yeux fermés, la mercenaire se laissait simplement bercer par le chant ressemblant à celui entendu dans les ruelles de Coruscant. C'était trop court, du moins, ça lui semblait trop court. Elle se laissa porter par son ami, ses yeux figés dans ceux de l'Ark-Ni dont la couleur variait entre bleu et vert, le visage de Maxence n'affichait pas de sourire reconnaissant, ni même de larmes coulant le long de ses joues, elle était abattue. Les rites funéraires qu'il avait décrits n'avait rien à voir avec la façon dont les mercenaire voyaient la mort. C'était un peu comme une culture en parallèle complète de l'espèce -une autre ethnie en somme- qui ne s'appliquait pas de la même manière pour chacun d'entre eux. Certains voyaient ça comme le début d'une autre vie, d'autres comme un but, ou une finalité qu'il ne fallait pas refouler, pour Maxence, c'était différent.

Son visage soulagé, assise à ces côtés. La Force n'a jamais été quelque chose de merveilleux, elle a toujours poussé la galaxie à s'entre-tuer pour des idéaux qui ne touchaient qu'une petite partie de la population, maudite par cette dernière. Elle n'aimait pas Karm parce que c'était un Jedi, elle l'aimait parce que c'était Karm et elle savait pertinemment qu'il y aurait toujours ce « don » qui les séparerait. Le bout de ses doigts effleurèrent sa peau réparée.

-Merci.

Elle n'avait pas grand chose d'autre à dire, Karm ne semblait pas non plus avoir besoin d'entendre plus venant d'elle. La blondinette glissa ses mains derrière sa propre nuque pour en détacher une chaîne. L'extirpant de ses vêtements pour découvrir un collier. Une sorte de lotus forgé plutôt misérablement pendouillait au bout, frappé dans un métal de mauvaise qualité, ce bijou ne valait absolument rien. Maxence enroula la chaîne entre ses doigts pour présenter l'ornement dans sa paume.

-J'lui ai toujours dit qu'il était moche. Elle m'a toujours envoyé chier, parce que « ça lui portait chance ». Y' m'reste plus qu'ça d'elle… ça, et une putain d'capsule de cendres. J'ai passé toute ma vie à être insensible, sans ça, je serais déjà morte depuis longtemps. Karm, j'suis une tueuse, j'en ai buté plus d'un sans même hausser un sourcil. Bordel de merde, y a pas si longtemps qu'ça j'ai éclaboussé un mec avec les tripes de son pote. Le bon vieux temps. Mais vous êtes tous les deux arrivés comme des putains d'fleurs, depuis j'pige plus rien. Maintenant j'me retrouve dans cet état, même pas capable de chialer.

Elle marqua une longue pause, considérant toujours le collier avec ce même espoir, celui de retrouver un peu de vie dedans, mais rien n'en sortait et elle en venait constamment à se demander pourquoi elle s'obstinait à le garder avec elle. Depuis Kar Delba, Maxence avait passé son temps à hanter les motels, marchant jusqu'aux miroirs placés derrière les portes, la glace brisée, la femme qui la regardait ne lui ressemblait plus. Il ne restait plus qu'une petite partie d'elle-même, mais le reste ne reviendra jamais. Son poing se serra autour, le posant sur sa cuisse, sa tête se redressa pour observer la grenade non loin.

-Edgard Pitch. C'est l'vrai prénom de Skroutch. Il nous l'a toujours caché, mais il l'a dit dans son testament. Si t'avais vu sa gueule, il en avait rien à foutre. Après tout, les testaments d'avant-mission étaient si nombreux qu'il ne pensait pas finir sa vie ce jour là. C'est moi… c'est moi qu'ai rendu la bague de fiançailles à sa copine.

Comme elle s'y attendait. Effondrée sur le pas d'une porte, sans rien à faire d'autre que pleurer, Maxence au-dessus, l'air grave, maintenant un visage impassible qui torturait ses membres d'un frisson de rage et de tristesse. L'Estafette de Kaaga disparut sur Kar Delba avec sa cheffe, la mercenaire se contentait désormais de regarder son monde s'écrouler. Elle se sentait faible, impuissante.

-L'homme qui… nan. Le fils de pute qui leur a fait ça… j'pouvais l'tuer. J'veux dire, une pression de la gâchette et ils étaient vengés… Y' a une vieille tradition de vengeance chez les mercenaires… 'fin, tradition c'est vite dit. Une balle par meurtre, deux par vengeance. Mais j'lui ai prit son putain d'index, il baigne dans du formol, sur le tableau d'bord de mon vaisseau et j'ai préféré le remettre aux mains des gens qui l'tortureront jusqu'à la fin d'sa vie pathétique. Elle échangea un regard rapide. Je sais. C'était pas l'bon choix. Haussement d'épaules. J'étais terrifiée. Seule et terrifiée. À un moment, il a posé sa main sur mon front et j'me suis vue morte.

Ce jour là, le prêtre tenta de lui voler sa vitalité, comme il l'eut fait à son propre apprenti. La première fois où les effets néfastes du Côté Obscur gouttèrent la peau de Maxence. Cette sensation atroce qui lui engourdit le corps pour forcer un long un râle de souffrance. Les cernes formaient par la corruption ne l'avaient pas quitté depuis.

-J'dors plus. Pas parce que j'y arrive plus, mais parce que j'veux plus.

Biologiquement parlant, elle dormait toujours, techniquement parlant, elle s'évanouissait dans son vomi.

-Comment t'as fait, toi ? T'es parti à la guerre, t'as dû voir des trucs. Mais t'es toujours là. Me dis pas qu't'as médité et qu'c'est la Force qui t'as aidé, parce que j'ai un deuxième flingue et il est chargé.

Ce n'était pas une menace, c'était de l'appréhension… de l'appréhension sous forme de menace.
Karm Torr
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La violence, la vengeance et les meurtres gratuits — tout cela était les tristes rappels du monde qui le séparait de Maxence et, pendant un moment, Karm se demanda s’il y avait une seule voie que cette conversation pût emprunter qui leur conviendrait à tous les deux. Mais avec Dantooine, il avait choisi de dédier sa vie à jeter des ponts entre son Ordre et le reste du monde, aussi compliqués que ces ponts-ils fussent à construire.

Du reste, Maxence était une destination qui en valait la peine.


Hmm…


La question était personnelle, et elle était compliquée.


J’suis pas tellement une référence, pour être honnête. Mais tu peux garder ton flingue, ça a rien à voir avec la Force. Tout du moins je suppose pas.


Le Jedi se mit à jouer machinalement avec un fil qui dépassait des coutures de son pantalon, à la recherche des bons mots pour exprimer des réalités fugitives dont il n’avait jusque là jamais parlé qu’à Luke, et en des termes encore très vagues.


Je suis pas le mec le plus… comment dire ? Psychologiquement dans la moyenne, quoi.


Pas très éclairant.


Je suis pas traumatisé par grand-chose. Y a deux ou trois trucs qui m’ont remué sur les champs de bataille, ça m’a empêché de dormir une semaine, mais après c’était passé. Et la plupart du temps, même les… Je sais pas. Les charniers, les choses comme ça. C’est pas que ça m’affecte pas, hein. Ça me rend triste. Mais c’est une tristesse calme. Une ou deux fois…


Il eut un bref regard en coin pour son amie, mais il lui sembla que la situation appelait à l’honnêteté. Maxence se confiait rarement de façon aussi ouverte, et c’était bien le minimum qu’il puisse faire que de répondre par une semblable authenticité.


Une ou deux fois, je me suis fait capturer. Ça arrive forcément, quand tu fais partie des avant-gardes et des commandos. Capturer, et donc torturer. J’ai été libéré rapidement et tout, mais quand même. Et ça m’a pas… Bouleversé. C’était hyper douloureux, hein, et désagréable, et j’ai eu peur que ça continue sans issue, mais une fois que c’était passé, c’était passé, et même sur le moment, j’aborde ça avec un certain fatalisme.


Ce n’était pas la première fois qu’il confessait une particularité psychologique à Maxence et, depuis deux ans qu’ils se connaissaient, la jeune femme voyait se dessiner les contours de ce que certains psychiatres auraient sans doute qualifié de maladie et que Karm avait fini par aborder comme une manière d’être.


Longtemps, j’ai eu l’impression d’être un monstre d’insensibilité à cause. Voir tous les gens autour de moi, Jedis ou soldats, retournés par la guerre et ses horreurs, et d’être moi aussi…


Il haussa les épaules.


Enfin bref, peu importe. Peut-être que je suis comme ça pour que les gens qui sont pas comme ça puissent s’appuyer sur moi. Du coup me voilà. T’es pas seule. Si t’es terrifiée, je te tiendrai compagnie. Tu peux m’accompagner dans mes missions pendant un moment, si tu veux. Généralement c’est très loin de tout cela, littéralement à l’autre bout de la Galaxie. Tu peux venir sur Dantooine. Y a mon Enclave Jedi, mais c’est pas comme un Temple, y a des civils qui vivent là-bas et personne viendra te bassiner avec des exercices de méditation. N’importe. T’es pas seule, j’suis pas un vague pote pour toi, j’suis ta fami. Ton amille. Ton… Hm.


Karm fouilla son répertoire de basic, toujours approximatif malgré plus de vingt ans de pratique, et conclut :


C’est vraiment une langue pourrie, vous avez pas un mot unique pour dire famille et ami. Disons… Ton proche. Voilà. Je suis ton proche.


Tout le monde devrait parler l’ark-ni, ce serait beaucoup plus simple. Pas de temps, pas de verbe, pas de mode, pas nom, chaque mot avec une petite dizaine de sens selon le contexte et l’intonation, et tout le monde était heureux !


C’est normal d’avoir envie ou besoin de se venger. C’est vrai que je pense pas que ce soit moral, mais ça, c’est mon avis particulier, et y a des milliers de culture dans la galaxie où on te dirait que t’as agi honorablement en infligeant la douleur à ton ennemi. De toute façon, c’qui est fait est fait, ce qui compte, c’est… Que tu fasses quelque chose de la mémoire de ceux qui sont partis. Au-delà de la vengeance. Une sorte de monument, tu vois. C’qui compte, je pense…


Un rongeur absolument répugnant choisit ce moment pour se faufiler entre les caisses métalliques pour venir les fixer avec insistance, afin de bien leur faire comprendre qu’ils étaient ici chez lui. Karm le fixa quelques secondes, le temps de lui faire comprendre que l’heure n’était pas au grignotage d’explosifs, et l’animal repartit comme il était venu.


C’qui compte, donc, c’est pas le corps qu’est sous la tombe, mais l’enterrement pour pour rassembler ses souvenirs, et le nom de ceux qui ont disparu que l’on écrit dans l’éternité. Alors ce qu eje propose, c’est que toi et moi, on se trouve un astéroïde sympa et pas trop fréquenté, que je te prête un sabre laser et que tu graves leurs deux noms avec, pour le laisser aller pour toujours entre les étoiles.
Maxence Darkan
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Les paroles de Karm avaient un goût, un goût de déjà vu qui lui faisait du bien. Elle n'avait, ni connu la captivité, ni les champs de bataille, elle connaissait les guerres de gangs, la violence des bas-fonds et celle qu'elle infligeait aux autres dans cette ville pourrie. Maxence forgeait chaque jour un peu plus son cerveau au goût du sang et celui de l'adrénaline du terrain, la plupart des visages frappés de la peur et de l'abandon qu'elle avait abattu, il n'en restait aucun souvenir, même les hommes déchiquetés par la montagne de muscle sur Lannik, rien ne lui venait quand elle y repensait... cette fois, c'était juste différent.

Pour autant, si c'était différent, les séquelles ne s'en montraient que plus fortes. Quand sa mémoire lui revenait trop soudainement, que les drogues qu'elle prenait se mélangeaient un peu trop à son sang, alors elle avait cet acouphène qui lui brisait le tympan gauche, son cœur tambourinant et ces pertes violentes de contrôle.

-Proche c'est bien. C'est moche comme mot, mais c'est bien. Faudra qu'tu m'apprennes ta langue un t'ces jours. Un petit soupir amusé lui échappa. J'irais sur Dantooine... dans pas longtemps. Pour l'instant, j'ai des comptes à régler avec Nar Kaaga et Nar Kaaga à des comptes à régler avec moi. J'me suis engagée dans une histoire, une histoire dans laquelle j'vais pas t'embarquer parce que... Elle haussa les épaules en évitant son regard. Parce que j'suis têtue, j'suppose. Mais si t'as besoin d'mon aide, ou qu'tu veux prendre des nouvelles, j'répondrais présente.

Karm l'avait adouci, loin d'être clean à nouveau, une sensation nouvelle l'envahissait, le Speed qu'elle s'enfilait n'était pas un moyen d'oublier, mais plutôt de se souvenir, en présence du Jedi, la raison pour laquelle elle prenait ce genre de substance se transformait petit à petit. Le couteau qu'elle remuait dans la plaie ralentissait sa rotation pour se figer, il était toujours là, bien enfoncé, terriblement douloureux, au moins, il s'était figé. Le chemin qu'elle avait à parcourir restait long et dangereux, la mercenaire le savait très bien, mais il lui fallait monter la première marche.

-T'as vraiment des manières bizarres d'honorer les gens... mais ça a l'air bien. Ça a l'air super. J'vais t'avouer un truc. Elle extirpa de son blouson une boîte de pilules. Je sais pas si j'y arriverai, mais... elle la jeta, j'vais essayer d'arrêter... peut-être. Dans l'pire des cas, ça restera des belles paroles.

Elle s'extirpa du bras de Karm pour chanceler en direction de son arme laissée au sol. Elle y engouffra de nouveau le chargeur à l'intérieur avant de lancer un regard au Jedi tout en le rangeant bien à sa place. Éos non loin, elle se résigna à le récupérer aussi, même s'il avait tendance à très vite la mettre en rogne ces temps-ci. Accroupit, les mains tenant chaque côté de l'écran, elle semblait lui parler.

-Je crois... que j'ai passé un peu trop d'temps à m'cacher. Va falloir que j'me bouge le cul. Elle hocha la tête. Tirons-nous d'ici.

La blondinette emboîta le pas pour laisser derrière elle son travail d'explosif inachevé. Certes, ses couleurs n'étaient pas revenues, encore moins son petit sourire malicieux habituel, toujours incapable de pleurer la mort de son frère et sa sœur d'arme, elle le savait, rester comme ça n'allait pas arranger quoi que ce soit et si Karm pouvait la pousser à faire le premier pas vers le deuil, alors elle ferait des efforts, pour eux.

Dans les rues, en pleine après-midi, des enfants jouaient à la balle, se stoppant pour observer l'Ark-Ni intensément. Certains marquaient un mouvement de recule surpris, limite apeuré face à sa tête. Finalement, les adolescents un peu plus loin, eux, gloussaient à leur approche. La langue la plus parlée ici restait le Huttese pour des raisons plutôt évidentes, même si en général, le basic était largement maîtrisé en deuxième. Un humain d'une quinzaine d'années s'approcha avec un datapad, sourire aux lèvres, il leur fit un petit signe de main, brandissant la caméra de son appareil.

-Koochoo ! Koochoo ! Lança-t-il au Jedi. Koochoo ! Settah tshiiiiiz !

Maxence attrapa son ami par l'épaule pour se coller à lui et faire un signe de main à la caméra.

-Dis « tshiz ». Elle sourit. Tshiiiiiiiz !

Son sourire s'effaça dès la prise de la photo, il s'en alla auprès de ses amis en rigolant. La blondinette s'écarta en échangeant un regard avec Karm.

-« Koochoo », ça veut dire abruti ou idiot, un truc du genre. On a beau trouver de tout ici, les locaux ont pas l'habitude de voir des gens avec ta gueule et tes cheveux dans l'coin. T'sais c'que c'est, on est un peu bloqué dans l'idée de l'homme dans la femme, imagine si t'as la gueule des deux.

Elle ne parlait pas Huttese et le comprendre restait très, très minime, mais à force de vivre la plus grande partie de son temps dans l'espace Hutt, elle finissait par avoir les bases suffisantes pour percevoir ce qu'on lui disait. Les gros mots, par contre, elle les connaissait bien. Ce melting pot Pinones -les habitants de Pine Point- restait très archaïque, le spécisme restait un vague concept ignoré de tous, mais les différences physiques, elles, ne passaient pas inaperçues.

La ruelle suivante, vide, résigna Maxence à stopper la marche pour se tourner droit vers Karm

-Écoute, avant qu'on aille plus loin, j'voulais t'dire : j'suis désolée, j'm'en rends compte que maintenant, mais j'aurais pas dû t'ignorer. Elle le pris dans ses bras, pas pour se rassurer, mais bien pour le remercier. Le truc... c'est qu'je pense pas droit.... du tout. Alors j'vais t'demander d'me purger de c'que j'ai dans l'sang, parce que j'arriverai pas à tenir ton sabre dans cet état. Et parce que j'emmerde les parachutes.
Karm Torr
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Perspicace comme il l’était, quelque chose lui disait que le refus de son amie de quitter la planète où elle était venue noyer sa douleur, et les obligations qui aillaient avec, ne concernaient pas son inscription dans un concours de pâtisserie et sa volonté déterminée de participer à une opération de nettoyage de l’espace public. Le Jedi la considéra un instant, avant de hocher la tête, sans faire de question, qui eût été inutile : on peut déplacer les montagnes, mais il faut savoir choisir ses sommets.


Cool, fit-il sobrement quand elle se débarrassa de ses pilules, avant de se laver à son tour.


Ensemble, ils regagnèrent les rues, où le Jedi fut aussitôt l’objet d’une intense curiosité, qu’il accueillit avec son flegme habituel. L’expérience ne devait de toute façon pas lui être si étrangère que cela : son apparence entre l’humanité et la proche-humanité, entre le masculin et le féminin, et, pour ses observateurs les plus perspicaces, entre la petite chose fragile et le prédateur qui cachait bien son jeu, son apparence suscitait souvent le rire ou le malaise, et il accueillait ces réactions avec un certain fatalisme.


L’homme dans l’homme, c’est vachement ludique, lâcha-t-il d’un ton dégagé, ils savent pas c’qu’ils perdent.


Sur une nouvelle photo, il fit tout de même un sourire et le V de la victoire pour plaire à son public.


Les ravages de mon charme fou, conclut-il quand ils se furent enfin extirpés de la curiosité publique, pour un nouveau câlin dans la ruelle.


Le Jedi prit bien volontiers son amie dans ses bras.


T’inquiètes, j’vais te préparer pour que ça se passe bien avec mon sabre. On va faire ça dans mon vaisseau puis je te ramènerai ici quand ce sera fini.


Quel gentle(wo)man !


J’vais envoyer un message à Léo, dit-il quand ils eurent repris leur chemin, pour lui dire de pas trop nous attendre. Je doute pas qu’il aura trouvé de quoi s’occuper.


De fait, l’ancien Jedi allait de casino en casino, pour remporter de petites sommes, mais systématiquement, en utilisant ses pouvoirs avec une intelligente parcimonie afin de ne pas alerter les gros bras. Il n’avait certes pas demandé à Karm d’être payé pour ses services, mais ce n’était pas une raison pour ne pas empocher un petit profit dans toute cette affaire.


Quelques secondes plus tard, le Gardien reçut la réponse de son associé du jour.


Je viens de pécho un couple de Twi’Leks, lut-il à voix haute, la meuf et le mec sont aussi bien roulés l’un que l’autre. Elles sont vraiment sympas tes missions.


Karm rempocha son datapad.


Irrécupérable, dit-il avec une indéniable pointe de tendresse dans la voix.


Ils remontaient à nouveau les rues du marché et, de temps à autre, le jeune Maître jetait un regard protecteur sur son amie, d’abord pour s’assurer qu’elle marchait à peu près droit, et ensuite pour vérifier qu’elle n’allait pas fondre en larmes. Maxence avait probablement un genre de réputation à conserver sur Nar Kaaga.


Ils parvinrent tout à fois à peu près sans encombre à l’astroport.


Bip bip bip !
On est d’accord : elle a besoin d’un bon contrôle technique.
Bip !
Range cette torche, Blip.
Bip…


Ça lui apprendra à être serviable.


L’astromech disparaît dans la petite navette de l’ExploCorps, bientôt suivis par ceux qu’il considérait comme ses deux passagers. Quelques minutes plus tard, la rampe du vaisseau se repliait et ils remontaient dans le conduit d’atterrissage, pour enfin percer l’atmosphère. Karm attendit d’être en orbite pour se déboucler de son siège de pilote et entraîner Maxence dans l’unique petite pièce exiguë qui servait tout à fait la fois de cabine à coucher, de cuisine et de salon.


Le grand luxe, je sais, observa le Jedi, avant de la faire asseoir sur la banquette. J’te préviens, va y avoir un moment où t’auras un peu le tournis, voire la migraine, mais t’inquiètes, ça va passer. Fais voir ton ventre.[/color]


Que de privautés !


De fait, Karm passa sa main droite sous le haut de la jeune femme, pour la poser au-dessus de son estomac, tandis que sa main gauche venait lui couvrir délicatement la gorge. Petit à petit, il sentit le corps de Maxence, la Force qu le traversait, son souffle, le battement du sang dans les veines, le fonctionnement des organes. Il lui fallut un moment pour parvenir à se concentrer sur les substances étrangères, dans le sang et le tube digestif. Alors, redoublant de concentration, il entreprit de les purger méthodiquement.


Les effets s’en dissipaient lentement. C’était un travail plus facile que de guérir une blessure, où il fallait régénérer les chairs, mais plus long, parce qu’il s’appliquait à l’ensemble de l’organisme. Les idées de la jeune femme purent se troubler, alors que l’influence du Jedi la gagnait toute entière mais, quand les toxines commencèrent à disparaître pour de bon, son esprit s’éclaircit à nouveau et ses mains purent cesser de trembler.


Il avait fallu presque une heure en tout et Karm finit par retirer ses mains. Machinalement, il se massa l’arrête du nez, encore parasité par l’influence des drogues.


Ça devrait être bon, murmura-t-il néanmoins, avant de rouvrir les yeux. En tout cas, s’il y a encore des résidus, leur élimination sera beaucoup plus rapide.


Était-ce à dire que la Force avait un effet diurétique ?


Du coup. Ton astéroïde. Ici ou sur une autre planète ? J’ai de délicieuses rations de survie lyophilisées, alors on peut se faire un petit aller-retour dans un autre système si tu veux.
Maxence Darkan
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La présence de L-2 ne l'étonnait même pas. Trop concentrée à -essayer de- marcher droit, le frère de L-1 avait largement dû éclairer Karm quant à la position de Maxence dans l'espace Hutt. Le pauvre Jedi de la nature n'aurait eu tout simplement aucune chance de réchapper aux villes que la blondinette fréquentait sinon. Ça lui faisait du bien de savoir qu'un type dans le même genre que Maxence, avec qui elle avait tout de même eu une poignée de relations charnelles, s'était pointé pour aider son ami à la retrouver.

-Blip... ma boite de conserve préféré...

Après Éos, désolé Blip, tu devras toujours te positionner deuxième dans le cœur de la mercenaire. C'était une réaction un peu fatiguée qu'elle lui proposait pour des retrouvailles expresses après tout ce temps passé séparé, sa tête restait un peu ailleurs et elle suivait machinalement le Jedi dans son vaisseau pour s'asseoir à ses côtés et attendre qu'il l'embarque pour sa visite médicale -spatiale, qui plus est-. Effectivement, « le grand luxe », au moins, lui, avait la place pour se poser et penser convenablement dans son vaisseau, comparé à son fidèle chasseur qui ne pouvait que transporter quelques marchandises et une seule personne : son pilote, elle hocha la tête plutôt convaincu.

En soulevant légèrement son haut et après qu'il lui ait posé les mains sur sa peau, elle se rendait compte qu'il n'arrêtait pas de lui faire découvrir de nouvelles sensations. Un peu comme la première fois où il lui avait soigné le visage, en pire. Il l'avait dit, ça c'est passé, une terrible impression de se faire siroter la cervelle à la paille en plus d'une terrible envie de vomir sans pour autant être assez fort pour la faire passer à l'action. Bercée par les douleurs et malaises qui allaient et venaient, à la fin, sa tête n'était plus qu'une belle bouillie, mais une bouillie claire.

-J't'ai demandé d'me purger, pas d'me filer les symptômes d'une femme enceinte.

Un succès, Maxence était de retour. Elle posa une main sur son ventre, là où Karm l'avait posé avant, un petit gémissement lui échappa, une impression violente d'avoir mangé trop de malbouffe avarié, son corps était complètement retourné et il lui fallait un peu de temps pour se remettre physiquement.

-Lannik. Lança-t-elle à mi-voix entre deux gémissements. Les deux viennent de Lannik.

Et le hasard voulait que Taha'san soit née dans la capitale et Skroutch dans une banlieue d'une ville paumée au nord. Elle passa sa tête dans ses mains, assise, les coudes sur les genoux, repensant à ce qu'il lui avait dit, comment lui s'en était sorti, de ses traumatismes de guerre.

-Hé, j't'adore comme t'es. Elle se redressa, pour planter son regard frais dans le sien. T'sais. Elle désigna sa propre tête. Ta... euh...

-Sa tête.

-Nan, pas sa tête, connard. 'fin si, j'aime bien ta tê... et merde. Ta façon d'te comporter... J'aime bien ta façon d'te comporter. Je sais pas c'que tu ressens et j'm'en branle, parce que t'es comme ça, c'est tout. Une femme qui savait définitivement se faire comprendre. J'aime bien quand tu donnes l'impression d'en avoir rien à foutre, même quand c'est tendu, j'aime bien quand tu paniques quand on t'fait des avances, mais qu'tu fais vraiment tout ton possible pour pas y faire attention en rougissant comme une gamine devant un boys band et j'aime la façon dont... dont... tu vois l'monde. T'es cool quoi. Et j'l'ai pas dit, mais si j'suis devenue consultante pour l'Ordre, c'est quand même un peu grâce à toi.

-Si j'en étais capable, je pleurerai.

-Putain, mais ferme ta gueule, c'est quoi ton problème ? Elle soupira. J'suis sincère. Sans déconner, j'ai pas l'habitude de pouvoir parler à quelqu'un comme j'le fais avec toi. J'ai l'impression d'être au fond du fond, une sorte de... de trou qui s'termine pas, sauf qu'avec toi, elle haussa les épaule, j'suis p't'être toujours en train d'tomber, mais j'me sens mieux. Et... Petit moment de réflexion. ouais... j'crois qu'j'ai tout dit.

Maxence n'avait jamais l'impression de faire assez pour le remercier de tout ce qu'il faisait pour elle. Elle commençait tout juste à comprendre que c'était simplement une course contre elle-même, la menant à espérer des choses qui, au final, ne l'intéressaient pas forcément. C'était la dernière personne en qui elle avait confiance, lui et Fély, mais le Gozzo perdait chaque jour un peu plus patience à son égard. Peut-être que Karm réveillerait quelque chose pour que la blondinette fasse en sorte de retrouver la foi que Fély avait en elle.

-Voilà c'que j'te propose, tu vas tripatouiller ton vaisseau pour qu'il nous amène sur Lannik et moi j'nous prépare un délicieux repas lyophilisé en tête à tête. Et... euh... on s'mettra à poil pour faire un concours de cicatrices. Elle le pointa du doigt. Si tu crois qu'j'ai pas remarqué ta belle balafre sur ton ventre, tu t'fourres le doigt dans la bouche... ou l’œil. Ouais, l’œil.

Inconsciemment, ou consciemment, elle essayait de trouver de quoi occuper son esprit pour le reste du voyage. Allez savoir pourquoi, Karm à poil lui semblait la meilleure manière de se changer les idées. Pour autant, bien au-delà d'un beau gosse le haut manquant, derrière les cicatrices se cachait toujours une histoire, plus ou moins anecdotique qui trouvait toujours un sens quand on l'offrait à quelqu'un d'autre.
Karm Torr
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Merci.


Le regard bleu de l’Ark-Ni était resté fixé sur son ami pendant qu’on le couvrait de compliments, et si Maxence en avait été moins familière, elle aurait pu manquer l’émotion qui le traversait. Mais Karm était touché, et pas seulement parce qu’on tentait de le toucher. Depuis quelques années, il avait choisi de se fier à l’avis de ses proches sur lui-même, car n’était-il pas orgueilleux, au fond, de prétendre mieux se connaître que les gens qui partageaient si étroitement sa vie, Thann, Luke, Loé et Maxence ?


C’est pas forcément un mal de tomber, tu sais, murmura-t-il, parce que parfois on peut bien tomber. Parce que les trous qui n’en finissent pas, ce sont des tunnels, et les tunnels, ça mène quelque part.


Et après avoir fait profiter la mercenaire de cette précieuse sagesse de Jedi, il hocha la tête sans qu’on sût si c’était pour le repas seulement ou pour le strip-tease, avant de regagner la cabine de pilotage, où Blip était déjà branché aux systèmes du vaisseau.


T’as entendu notre passagère, capitaine Blip…
Bip bip bip, répliqua fièrement le droïde en attendant l’épithète !
… direction Lannik.


Le trajet ne prendrait probablement pas plus d’une ou deux heures, parce que les deux planètes étaient très proches, et les calculs hyperspatiaux furent promptement expédiés. Quelques minutes plus tard, le Jedi enclenchait l’hyperdrive et les étoiles s’étendirent de tous les côtés du cockpit, avant que l’appareil ne disparut de l’espace autour de Nar Kaaga.


On a perdu aucun morceau au passage ?
Bip bip, fit Blip d’un ton rassurant.
Cool.


Karm quitta son siège pour rejoindre son amie dans la pièce principale.


Ah, dit-il d’un air qui pouvait passer chez lui pour de l’enthousiasme, la bonne odeur de rien de tout de la nourriture réhydratée.


Les rations de survie de l’Ordre Jedi étaient notoirement insipides. L’organisation était composée de trop d’espèces différentes et elle était en même temps trop petite pour ne pas employer un produit si générique qu’il en perdait toute saveur. Les grandes armées comme celles de la République pouvaient se permettre de s’adapter aux différentes espèces, dont elles comptaient dans leur rang des milliers d’individus, mais l’Ordre Jedi, lui, était forcé à la standardisation.


D’un autre côté, et loin de moi l’idée de suggérer que t’es pas un cordon bleu, mais c’est p’têt préférable.


Puis le Jedi détacha de sa ceinture les trois sabres qu’il encastra dans des encoches du mur manifestement aménagées à cet effet, avant de se débarrasser de son blouson et de retirer son t-shirt, avec la même et entière absence de pudeur que Maxence lui connaissait déjà. Les cicatrices étaient moins nombreuses qu’on aurait pu le croire, mais celle sur son ventre, quoique discrète désormais, se remarquait néanmoins. Les guérisseurs auraient pu l’effacer peut-être, mais Karm la conservait comme un souvenir, le rappel utile de ses erreurs passées.


Il l’effleure du bout des doigts.


Coup de sabre. Un jour, j’étais sur Coruscant et j’ai appris que Tavaï, mon ancienne Maître, se trouvait là-bas aussi. Je me suis planqué dans les bas-fonds, moitié pour me laisser le temps de réfléchir, moitié pour l’attirer et essayer… De résoudre la chose. À l’époque, je crois que je pensais y arriver tout seul, que c’était genre juste mon problème, façon héros débile d’holofilm.


Les inconséquences de la jeunesse !


Mais évidemment, mon mec s’est mis sur ma trace et m’a retrouvé, et avec lui un Maître de l’Ordre, une Sentinelle trandoshan spécialisée dans la lutte contre les Siths et les Jedis Noirs. Bref, une chose en entraînant une autre, on s’est retrouvés à combattre à trois contre un, contre Tavaï, sur un parking de Coruscant. Elle nous a mis la pâtée sévère.


Très rassurant.


Ekkt, le Maître, a fini décapité. Moi, elle m’a plongé son sabre dans les entrailles. Puis elle s’est enfuie. J’ai passé un moment en réanimation dans l’infirmerie du Temple sur Coruscant, puis sur Ondéron entre les mains des guérisseurs, avant de me réveiller, et après ça, une longue convalescence. Aujourd’hui encore, j’suis loin d’être aussi physiquement capable que dans ma jeunesse, ‘fin y a quelques années, quoi. Je me repose beaucoup sur la Force.


En un sens, sa blessure lui avait fait expérimenter par anticipation ce que les Jedis les plus âgés pratiquaient au quotidien : un corps meurtri, mais que la Force pouvait soutenir quand la nécessité s’en faisait sentir.


J’ai repris un entraînement physique plus intensif depuis quelques semaines et ça va me revenir doucement, j’imagine. Mais ça a bien duré un an. Et puis ça a pas mal chamboulé ma vision des choses. ‘Fin disons… Le fait que je dépendais des autres, que les autres dépendaient de moi, que j’étais une partie d’un effort collectif, tout ça, c’est devenu beaucoup plus concret.


Karm aurait préféré s’épargner cette épreuve, et surtout l’épargner à d’autres, mais il aurait menti en prétendant qu’elle ne lui avait pas été bénéfique à bien des égards.


Parce que tu vois, quand t’es explorateur solitaire ou même le seul Jedi dans un bataillon républicain, c’est facile de perdre tout ça de vue, même si ça peut paraître évident. Et passer un an à souffrir des conséquences de ma stupidité, devoir parler de tout ça à mon mec, à ma Padawane, au reste de l’Ordre, examiner l’attitude de Tavaï, ça m’a… Mûri.


Son t-shirt abandonné en boule sur une étagère murale, le jeune Maître partit s’asseoir sur la banquette.


Repartir avec pas grand-chose et en ayant fait plein d’erreurs, avec des trucs sur la conscience, je sais ce que ça fait et c’est possible. Faut juste… Disons que la douleur est un temps incompressible et faut accepter de morfler avant d’aller mieux.
Maxence Darkan
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Alors elle ne tombait pas. Elle courait dans le noir en tentant inlassablement d'attraper des mains qui ne voulaient plus d'elle, pas parce qu'elles ne voulaient pas d'elle, mais parce qu'elles n'existaient pas. La blondinette baissa un instant son regard vers ses pieds tandis que Karm se dirigeait vers la cabine de pilotage. Après une longue inspiration représentative de la triste frustration qui la poursuivait, elle s'accorda un moment pour préparer ce fameux repas en tête à tête. Un peu d'eau chaude par ci, quelques sachets pleins de bouffe sèche et sableuse, l'odeur qui s'en échappait la laissa dubitative pour la bonne raison qu'il n'y avait pas vraiment d'odeur. Sûrement fade, avec un arrière goût d'on ne sait trop quoi, qui vous obligeait à regarder l'arrière des paquets pour au minimum se rassurer sur l'apport nutritif de ce genre de produit. Heureusement, Maxence n'était pas une femme compliquée quand il s'agissait de manger.

C'était injuste de considérer les talents de cuisinière de Maxence avant même de l'avoir vu à l'œuvre. Il devrait goutter ses pâtes trop cuites assaisonnées à la cendre de cigarette tombée dans la casserole par mégarde en pleine vérification foireuse de la cuisson, le tout, accompagné par une sauce chimique industrielle pour lui faire oublier la fadeur du tout et ensuite, il pourra se permettre un quelconque jugement.

Il ne tarda pas à retirer le haut, la blondinette, elle, mangeait en le regardant. Ce n'était pas bon, ce n'était pas mauvais, c'était de la nourriture. Maintenant, elle se souvenait de cette discussion qu'elles avaient eu dans cette cantina de Coruscant plutôt spéciale, principalement pour parler travail, il en était venu à cette petite phrase précisant gentiment qu'il avait failli y passer. C'était donc sa maître. Elle hocha la tête, elle savait quoi en penser, elle comprenait ce qui l'avait mené à agir comme ça, mais les mots ne lui venaient pas. Karm s'était sûrement remis mentalement de ce qui l'avait vécu, à sa manière du moins. Pour autant, percevoir la façon et le chemin qu'il dut parcourir pour cela lui semblait impossible. « Accepter de morfler avant d'aller mieux ». Alors un jour, peut-être, elle se sentirait finalement libérée de ces vingt-deux putains d'années de vie.

Elle s'écarta de son plat, la nausée disparaissait en remplissant son ventre. Elle retira son blouson, puis son débardeur. Son corps avait légèrement changé depuis la dernière fois où il avait pu l'admirer sur Kaal, elle se construisait par le métier, au-delà des entraînements et malgré un passage à blanc, ses rencontres dans l'arène de Pine Point maintenait la construction de ses muscles bien en place. À vrai dire, son corps était représentatif de son mental, étrangement bien bâti, plein de cicatrices, plus ou moins grandes, plus ou moins visible, qui témoignaient d'une certaine négligence personnelle. Alors non, la blondinette n'était pas recouverte intégralement de marques indélébiles, disons qu'elle en avait suffisamment pour attirer l’œil. Que la cicatrice soit d'une taille d'un ongle, venant d'une explosion mal contrôlé, ou mal esquiver, comme la grande marque sur son épaule, arrivée de cela des années, à ses débuts sur Kashyyyk, elle en avait. Maxence n'eut jamais le temps, l'argent et l'envie de les faire disparaître.

Elle haussa les épaules.

-J'suis un peu l'héroïne débile des holofilms. J'aurais pas agi mieux qu'toi si tu veux savoir... j'aurais p't'être même fait pire et terminer à la place de la Maître décapitée. Elle pointa sa hanche, plus précisément le haut de son coccyx. Un Cargo civil de grande envergure qui faisait un trajet entre la république et l'espace Bothan, mon vaisseau était sur Kaaga, j'devais le prendre, puis embrancher sur un autre et rentrer au bercail. J'suis un aimant à emmerdes, tu m'connais, du coup, des pirates ont abordé. Ils ont pris des otages, une partie des voyageurs se sont rebellés et j'étais au milieu de cette merde à chercher un moyen de communiquer avec les autorités Républicaines.

Ce jour là, elle n'était pas seule, avec quelques compagnons d'infortunes qui lui donnait l'impression d'être la seule personne compétente pour sauver tout le monde. Une vraie héroïne d'holofilm débile.

-J'ai réussi : j'ai travaillé main dans la main avec les autorités républicaines. Sauf qu'avant ça, j'ai décidé de régler le compte du chef des pirates parce que... Parce que j'suis Maxence Darkan. Alors j'ai buté chacun des fils de pute qui s'trouvaient sur mon passage, parce que j'suis Maxence Darkan et j'l'ai confronté alors que j'étais désarmée et qu'il avait un sabre, parce que devine quoi ? Demanda-t-elle avec une pointe de folie dans le regard. J'suis Maxence Darkan. Elle reprit plus calmement. Il connaissait son arme, avait plus d'allonge que moi et me laissait pas une seule seconde pour contre-attaquer. Ça a duré quoi... trente secondes, une minute de combat à sens unique avant que j'comprenne que j'pouvais pas gagner. Donc j'me suis dit : « Prend toi un coup. Ça coûte rien d'essayer ». Un directe plongeant, un coup vers le haut, un autre vers le bas et une reprise latéral, c'était mon moment. Elle glissa la tranche de sa main contre la cicatrice. La lame s'est enfoncée, j'ai retenu son poignet et j'lui ai éclater l'nez avec mon front.

Elle marqua une pause en considérant l'histoire marquée sur sa peau. La mercenaire avait ensuite retourné la lame contre lui pour lui plonger dans le thorax, rempli de rage, comme à son habitude. Elle ne considérait pas ça comme un jeu, mais comme une façon de vivre, elle emmerdait la considération et l'empathie.

-Les forces spéciales dépêchées ce jour là m'ont recousu avant d'me transférer dans un hôpital sur Bothawi. Radio, anesthésie locale, opération et j'étais repartie. Les médecins m'ont dit qu'j'étais à rien de devoir me faire remplacer une parti d'mon os et aussi qu'j'aurais pu mourir du sang qu'j'avais perdu. Elle balaya le vent d'un geste vantard. J'suis receveuse universelle. Même son corps est égoïste. Le truc, c'est qu'en sortant d'l'hôpital, j'me suis juste demandée c'que j'allais bouffer ce soir.

C'était bien la morale malsaine de son histoire.

-J'ai pas peur de mourir. Mais là, elle ne s'en vantait pas. Après tout, j'peux rien y faire, un jour j'vais prendre une balle dans la tête, me faire transpercer par un sabre, ou m’électrocuter dans mon bain en changeant une ampoule et j'en ai rien à foutre.

Était-ce parce qu'elle se considéré indirectement comme une gamine talentueuse, mais jamais assez pour prendre place sur le podium ? Ou simplement par manque de compréhension ? Ce qui restait certain, c'était qu'elle vivait dans l'extrême et elle adorait ça.

-J'm'en veux pas pour tous les cadavres que j'ai laissé sur mon passage, j'men veux pas pour les vies qu'j'ai brisé, les cœurs que j'ai jeté, ou même la confiance que j'ai trahi pour mon propre compte. Et pendant longtemps, j'en avais rien à foutre des gens qui mouraient autour de moi. Pendant longtemps. Elle haussa les épaules. Est-ce que ça fait d'moi un monstre ? J'pense pas. Est-ce que c'était une erreur de penser comme ça ? Je sais pas.

Le fait d'avoir vécu seule pendant très longtemps en comptant sur son propre chef la troublait toujours. La confiance rapide de l'action, elle la connaissait, cependant la vraie, celle de tous les jours, elle ne la comprenait toujours qu'à moitié.

-Figure-toi que Maxence au cœur de pierre a peur maintenant, pas parce qu'elle est seule, mais parce que s'il t'arrive la même chose qu'à... qu'à... eux... J'sais pas si j'm'en remettrais. Et me fais pas dire c'que j'ai pas dit. Enchaîna-t-elle sans lui laisser le temps d'en placer une. Je sais très bien qu't'es bien plus fort que tu l'laisses penser, sauf qu'elle aussi elle était forte.
Karm Torr
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J’suis pas psy.

(Et dieu merci.)

J’peux pas te dire si c’est normal ou pas de pas avoir peur de la mort. Et honnêtement, un Jedi est plutôt mal placé pour aborder la question. On apprend dès notre plus jeune âge à envisager cette éventualité et moi-même ben… C’est pas que je m’en fiche, disons, mais c’est que ça me va. Mais je vais pas te saouler avec des considérations religieuses, t’inquiètes.

Pourtant, à n’en pas douter, il avait des idées vastes sur la question, à coups de Force Vivante, d’hiver et de printemps, de conscience et d’éternité. S’il avait pu se mettre une fleur dans les cheveux pour lui chanter la beauté de la vie et la douceur du repos éternel, en s’accompagnant au banjo électrique, il n’aurait probablement pas hésité.

Je crois que tu t’es attachée à des gens parce que… T’es plus une ado, quoi. T’es plus en train de grandir et d’essayer de te construire une carapace pour arriver péniblement jusqu’à l’âge adulte. Évidemment, c’est des situations hyper différentes, mais tu vois, quand t’es Initié, tu penses au moment où tu vas devenir Padawan, et Padawan, au moment où tu seras Chevalier et là… Ben ça y est. C’est ta vie. Il faut s’installer et en faire quelque chose.

Lui avait encore pensé au moment où il deviendrait Maître, mais cette ambition n’était pas partagée, loin de là, par tous les membres de son Ordre.

Ben peut-être que toi c’est un peu pareil, non ? T’as essayé d’être forte par toi-même parce que c’était comme ça qu’il fallait s’en sortir. Forte sans tes parents, forte sans personne, pour devenir indépendante et pleinement capable de survivre. Et là… Paf, t’es adulte. Maintenant y a plus de fuite en avant. Maintenant c’est toute ta vie, faut en construire quelque chose, alors tu commences à avoir… Des habitudes, des relations, même des valeurs.

Karm engloutit le reste de sa ration, avant de récupérer les déchets de leur repas pour les fourrer dans le conduit incinérateur, qui les propulsa droit vers les réacteurs du vaisseau.

T’as une vie maintenant. Des amis, des amants, un vaisseau, un Éos, des habitudes, des lieux préférés, une carrière. Peut-être que c’est pas un T3 sur Coruscant avec un job de huit à cinq, un fiancé et le gosse dans un futur proche, mais c’est une vie quand même, et ça fait mal qu’elle soit mise en péril. Mais la manière d’accepter la fragilité de ça, c’est aussi d’accepter d’en goûter les fruits. De pas faire genre tu continues à mener ta barque comme y a trois ou quatre ans, et d’admettre que t’as aujourd’hui des aspirations plus précises. Quant à l’empathie…

Après un haussement d’épaules, il revint s’asseoir, sur la banquette en similicuir, à côté de son amie.

Écoute, j’suis pas un intégriste… ‘fin… j’espère pas…

Il eut une moue pensive, pour couronner ce beau moment d’introspection, avant de reprendre :

Ouais, non. Donc, j’ai bien conscience que l’empathie, c’est culturellement très relatif. Tuer ses adversaires sans éprouver le moindre remord, c’est parfaitement acceptable dans beaucoup, beaucoup de sociétés. Est-ce que je trouve que c’est bien ? Non. Est-ce que je pense que ce serait préférable que tu éprouves de la compassion pour tes victimes et que tu laisses moins de cadavres sur ton passage ? Totalement. Perso, je veux la paix dans la Galaxie, l’amour universel et la communion tout nu dans la nature.

Sans exagération aucune.

Mais à mon avis, t’as possiblement tort de croire qu’avant t’avais un coeur de pierre et que maintenant, tu t’éveilles à la sensibilité. Que je sache, t’es pas prise de doutes existentiels désormais quand tu mitrailles des gonzes armés jusqu’aux dents pour tes missions. C’est juste que… Tu opères avec des catégories assez hermétiques, et les gens qui sont pas tes potes, ben tu pleures pas sur leur sort. Tes ennemis sont des ennemis, de bout en bout, et y a pas mal de mondes qui seraient d’accord avec cette vision des choses. À côté des ennemis, y a la masse des gens dont tu as rien à foutre. Et ce qui a changé, c’est que la troisième catégorie, celle de tes proches, est plus peuplée qu’avant.

En même temps, en partant de zéro, on fait vite des progrès spectaculaires

Et donc, je dirais que t’as pas changé tant que ça. Par conséquent, que c’est pas parce que tu souffres d’une façon assez inédite que ça te rend plus faible, parce que par ailleurs, ben… T’es toujours la même. Alors tu peux être rassurée sur ta capacité à affronter le monde. Et avoir peur pour les autres, c’est pas incompatible avec le fait d’être de taille à triompher de l’adversité. Pour être honnête, déborder de bons sentiments et de compassion, ça empêche pas d’être un beau gosse badass non plus.

Karm fit mine de ramener théâtralement ses cheveux en arrière.

Ceci étant dit en toute modestie, hein…
Maxence Darkan
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-Contente-toi de « beau gosse » pour l'instant. Mais j'crois qu't'as tort. Je crois... que Maxence Darkan est morte le même jour que sa sœur et son frère d'arme. Je crois que j'suis pas femme... c'qui fait qu't'as pas complètement tort. C'est juste plus compliqué qu'ça en a l'air. En fait, mourir c'est pas le mot, changer non plus et renaître encore moins... p't'être que t'as un mot dans ta langue pour décrire c'que j'vis. Au-dela d'mûrir et grandir, faudrait un mot qui puisse tous les réunir.

Elle pensait, dans les grosses lignes et sans faire attention à la recherche d'un mot impossible, qu'elle avait largement gagné quelque chose, remplaçant de ce fait une ancienne partie d'elle-même. Gagné, n'était possiblement pas non plus le mot adéquat, remplacer suffit amplement. Karm avait raison, avec beaucoup de mal à l'admettre, Maxence savait qu'il disait vrai. Elle venait de se faire balancer hors de sa zone de confort, sans pour autant en sortir -la mort restait une drôle d'habitude-, pour lui donner un œil nouveau sur sa façon de penser, une façon de penser qu'elle ne voulait vraiment pas voir.

-Je sais pas. Admit-elle une énième fois en posant sa tête sur son épaule. J'ai pas envie d'te dire que j'vais faire en sorte d'être la gentille mercenaire dont tout l'monde rêve, commencer à courir sauver la veuve et l'orphelin, à m'lamenter sur le sort des gens qu'j'ai tué dans l'feu d'l'action ou à trancher le bon du mauvais -socialement parlant- d'une mission, parce que j'vais pas l'faire. Voyons ça comme de l'honnêteté. Avec toi à mes côtés, d'accord, j'veux bien activer le mode non létal de mes flingues, c'est tout c'que j'peux t'promettre. Mais ouais. Ouais. J'grandis.

Était-ce un nouveau départ ? Non, parce que les mots ne convenaient toujours pas à la mercenaire. Plus comme une continuité difficile de la vie de mercenaire, Maxence devait simplement comprendre et accepter les conséquences de son métier lorsqu'il s'agissait d'arrêter de faire cavalier seul. Elle se laissa une petite minute pensive sur l'épaule du Jedi.

-Dis. Le truc que croient les Ark-Ni sur la mort. C'est une façon de présenter les choses. Ça veut dire que les morts restent conscients de c'qu'ils ont vécu avant ? Elle allait dire quelque chose, mais elle préféra se garder deux secondes plus avant. Je... je crois... nan, j'suis sûre que j'm'en veux. Ce jour là, c'était comme dans un putain d'film, tu vois. Avec le grand méchant encore plus méchant que tous les méchants qu'on puisse rencontrer. Ça c'est passé en un claquement d'doigt, le cri, la grande baie vitrée et ses yeux jaunes. Elle claqua des doigts. J'ai pas pu agir, ou j'ai eu trop peur d'agir, mais ils sont morts sans qu'je puisse bouger. On était dans un manège à sensation. D'abord t'as la montée, tu sais c'qui t'attend au bout, mais tu t'chies un peu dessus parce c'est l'but. Alors tu continues d'monter avec un sourire nerveux en suivant les cliquetis d'la machine, t'arrives en haut, tu regardes, tu t'dis : « putain c'est beau » et pendant un moment, t'oublies qu'après tu tombes.

Maxence détestait les métaphores lorsqu'elles étaient utilisées de manière sérieuse pour décrire une action qu'elle pouvait simplement expliquer, mais elle ne voulait pas se remémorer directement ce qu'il s'était passé.

-Tu vas m'prendre pour une folle, mais j'les entends des fois. Des phrases ou des mots qu'ils ont déjà dit, des trucs qu'ils me répètent encore et encore... j'suis pas tarée. Je sais qu'c'est pas vrai, je sais aussi qu'c'est moi qui les invente pour me torturer, mais j'fais que d'les entendre et de les voir dans mes rêves, avec leur même sourire... méprisant. Ils me regardent de haut et me le reprochent tout le temps.

En général, les gens les plus fous sont les premiers à dire qu'il ne sont pas fous. Maxence avait ça propre manière de passer par les phases de deuils, l'une d'elle était la torture personnelle et la culpabilité. Tout nouveau pour elle, la blondinette s'écrasait dans ses pensées pleines de remords et de regrets, tout ce qu'elle voulait, ce n'était pas oublier, mais avancer. Une frustration qui lui prenait le cœur avec cette même idée.

-J'me dis juste que... s'ils étaient morts au combat, comme les mercenaires qu'ils étaient, j'l'aurais supporté. « Honneur et gloire », en gros. Il a fallut qu'ils se tirent une putain d'balle devant mes yeux. Sa gorge se noua, puis elle reprit. Faut voir les choses en face Karm, la paix, c'est une putain d'invention, ce mot il existe juste parce que l'espoir fait vivre. Une jour, la galaxie brûlera et j'ferais en sorte que tout l'monde ait son tour pour l'allumer.

La guerre qu'elle voulait mener restait celle contre la connerie, celle qui les avait mené à leur mort. Vous savez ce qu'on dit, on est tous le con de quelqu'un, donc celle là aussi ne s'arrêterait jamais, dans l'absolu.

-S'cuse. J'm'emporte. J'crois qu'sans l'alcool et la drogue dans l'sang, j'commence à fatiguer mentalement.

Elle glissa de son épaule pour poser sa tête sur ses jambes, elle monta ses mains sur le pendentif qu'elle portait toujours autour du coup et le caresser du bout des doigts. La blondinette s'épargna un supposer double menton d'un Karm penché sur elle pour obsever la cabine depuis ses genoux.

-Tu crois qu'ils m'en veulent vraiment ? Demanda-t-elle comme une enfant paumée. Comme si... j'sais pas, genre, depuis le putain d'au-delà ils se foutent de ma gueule ? J'ai trop d'questions en fait, ils sont juste pas là pour me répondre.
Karm Torr
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Les Ark-Ni pensent que les morts restent conscients dans la mort. Un peu comme s’ils passaient au monde suivant d’un jeu vidéo, tu vois.

En plus compliqué, bien sûr, mais Karm n’était pas sûr de maîtriser lui-même très à fond la mythologie de son propre peuple, faute d’y avoir passé toute son existence.

Moi, je crois des trucs un peu différents, bien sûr. Disons que… Quand quelqu’un meurt, c’est comme une pierre qu’on jette dans le lac. Il y a des ondes qui se répandent successivement, de plus en plus discrètes, et ensuite c’est le silence et le repos sous les eaux. Et alors, on peut laisser le galet-là ou on peut aller le chercher, ça dépend un peu de la manière dont on veut s’en souvenir.

Ce n’était pas d’une très grande clarté, parce qu’il devait faire des efforts pour ne pas ramener la Force dans l’histoire.

’Fin bref, je pense pas que ce soit de la folie de les entendre te parler. Les gens existent aussi en partie dans la mesure où ils sont liés à nous et où c’est nous qui les percevons. On est jamais que soi-même par soi-même, on vit à travers le regard et les pensées des autres. Quand on disparaît, ces pensées existent toujours et on continue à exister de cette manière. C’est une illusion que de croire que notre vie s’arrête aux limites de notre corps et de notre cerveau.

Voilà ce qu’on gagnait à s’engager dans des discussions philosophiques avec un mystique.

Regarde les ondes se propager dans le lac encore un moment, si tu en as besoin. Le passage du temps n’est pas fait de ruptures brutales, et il y a entre le souvenir, l’imagination et la présence des liens étroits et indissolubles. Tu les imagines parce que tu t’en souviens et tu t’en souviens parce qu’ils sont présents d’une certaine façon.

Tout en développant ses théories bizarroïdes, le jeune Maître caressait doucement les cheveux de son amie. Qui auraient mérité un bon shampoing.

J’pense pas qu’ils aient besoin de t’en vouloir, tu le fais très bien toute seule. C’est toi qui t’en veux et qui leur prête des mots, mais ta responsabilité, c’est de cultiver un souvenir d’eux qui ne soit pas seulement une expression de toi. Pour l’instant, tu te sers de l’idée que tu as d’eux pour te faire des reproches à toi-même, mais c’est un peu comme se regarder dans un miroir. Si tu veux leur rendre hommage, faut les imaginer te dire des choses comme ils en diraient par eux-mêmes, leur prêter les sentiments qu’ils ont eux-mêmes, plutôt que les scénographier dans ton drame mental personnel.
Bip bip, intervint le droïde, que toutes ces considérations laissaient de marbre, c’est-à-dire de métal, et qui jugeait qu’il fallait bien les avertir que le vaisseau en arrivait à mi-parcours.
Et honnêtement, ça a pas de sens de te reprocher d’avoir été impuissante face à un truc comme ça. Est-ce que tu te reprocherais de pas contenir les ouragans ou les chutes d’astéroïde ? C’est un peu la même chose. L’héroïsme et le courage, c’est bien, mais il y a des différentiels de puissance parfois tels qu’ils les rendent sans objet. On est pas courageux quand on fait un bras de fer avec un Wookie.

Face au peu d’émotions suscitées par son intervention, Blip pivote pour disparaître à nouveau dans le cockpit, un tantinet vexé.

Et ils se sont tirés une balle dans la tête, peut-être, mais ça les empêche pas d’être morts à la guerre. Si t’es dans un bâtiment qui s’effondre sur toi après la décharge d’une torpille, t’es pas mort dans un accident d’architecture, hein. On peut mourir à la guerre de bien des façons différentes. Qu’un Sith électrocute avec des éclairs ou qu’il manipule des esprits, c’est une arme qu’il utilise dans un combat, et quand on a pas les bons boucliers, ben voilà…

Ce n’était pas la première fois que Karm était confronté à la frustration d’une non-sensitive face à la puissance de la Force et de ses manifestations : souvent, les soirs d’après la bataille, quand les déplorations se mêlaient dans les casernes au goût de victoires toujours plus amères, il avait écouté les soldats parler des sorciers croisés au hasard des combats et de l’impression d’impuissance insurmontable qu’ils leur avaient laissée.

Du coup, j’pense que… Y a plusieurs choses à considérer. Accepter d’une part qu’un deuil, c’est long, que ça implique d’entendre les gens, que ça implique plein de choses, et que pour que le deuil passer, il faut accepter de le vivre, se faire des rituels, lui donner une place dans sa vie et pas se contenter de le subir comme un marasme. J’te dis pas d’aller graver des astéroïdes tous les jours, y a des manières plus accessibles d’honorer les morts.

Considérer, d’autres part, que la guerre est faite de choses en plus que les blasters, les sabres, les bombes et les épées, et que les armes invisibles sont des armes quand même, que c’est comme ça depuis toujours et pour toujours, et que de la même façon qu’on apprend à éviter les destroyers, on peut apprendre à composer avec ceux qui les manient.

Et admettre, enfin, qu’avoir été impuissante, c’est pas avoir été coupable, qu’il y a des choses auxquelles on ne peut rien, et des situations où survivre soi-même est déjà miracle. En admettant ça, on laisse ceux qui sont morts être pleinement eux-mêmes, plutôt que de se servir d’eux pour régler ses comptes avec soi-même.
Maxence Darkan
Maxence Darkan
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-Je sais même pas vraiment si j'ai envie qu'elles partent, les voix. C'est genre... pas réaliste, mais j'arrive à savoir le moment précis où ils l'ont dit. Quand j'me battais dans l'arène du coin, j'entendais encore Skroutch dire avec sa fausse voix d'homme virile balancer : « Y' tapent comme des mauviettes. » D'un côté, ça me rassure, de l'autre, j'ai envie d'tout foutre en l'air.

Mémoire-mémoire, fais-moi du bien. Il y existait tout un tas de phrases qui réapparaissaient un peu plus chaque jour, des trucs qu'elle avait presque oubliés et qui lui revenaient à la gueule comme un boomerang trop bien lancé.

-C'est vraiment une belle salope, la Force.

Un peu comme un•e très bel•le escorte qui vous emballe toute la soirée après l'avoir dûment payé•e. Alors elle vous emmène dans un joli hôtel qui fait bonne figure, vous chauffe, se fout à poil, vous fout à poil puis, au moment de passer aux choses sérieuses, elle vous attache au lit pour rendre le tout un peu plus pétillant. Sauf qu'une fois vos bras et vos jambes bien coincés par les cliquetis des menottes roses velues, elle vous regarde droit dans les yeux, sur le côté du lit avant de s'allumer une cigarette en rigolant. La suite, tout le monde la connaît, elle vous prend votre porte feuille se fout de votre gueule et se permet même de dire que c'est pas personnel avant de vous abandonner sur place. Évidemment, c'est à vous de vous débrouiller pour savoir comment vous en sortir, mais, même si elle vient de vous faire un sale coup, personne n'y peut rien, vous en demandez toujours plus venant d'elle. Disons que c'était la manière dont Maxence la voyait, n'allons pas lui donner raison.

-J'ai trop d'idées qui s'contredisent. Y' sont p't'être morts en combattant... c'était juste tellement... Lâche.

La bonne vieille rengaine de l'honneur. Pour elle, utiliser la Force pour se battre témoignait simplement d'une incapacité totale à se battre tout court. Faible, redondant, lâche et stupide restaient les quelques mots qui lui venaient à l'esprit lorsqu'on lui parlait des incroyables pouvoirs de la Force. Faire les choses par soi-même était quelque chose qui avait largement tendance à se perdre dans la galaxie. Certains se cassaient le cul à apprendre à manier une vibrolame, comprendre les paternes souvent répéter des tireurs d'élite ou des fantassins pour se montrer comme l'étoile montante des combats, d'autre savait tenir deux flingues et jongler avec des grenades pour rediriger ses ennemis à son avantage, et tous ces idiots se croyaient forts parce qu'il bougeait la main en fermant les yeux. Pathétique. C'était l'histoire d'une princesse ratée et d'un apprenti attardé, mis à mal par leur propre ignorance. Et ce compte de fait qui menait chacun des non sensitif à la haine et la vengeance se répéterait encore et encore jusqu'à la fin. Quelle fin ? Je sais pas. Ça sonnait bien.

-J'crois qu'j'vais rester encore un peu près du lac à regarder les ondes.

Elles avaient beau être douloureuse, c'était la dernière chose qui les séparait. Maxence finit par se prêter au jeu des métaphores. La culpabilité, pour autant, ne s'enfuyait pas avec de belles paroles -quoi que sincères-, sûrement partirait-elle un jour, mais il lui fallait encore du temps pour encaisser, tout ça parce qu'elle se sentait coupable et impuissante. Tout n'était que nouveauté et bouillie dans sa tête, mais elle s'y ferait, un jour.

-Des rituels... j'vois c'que tu veux dire. Elle ne savait pas trop comment s'y prendre. J'ai jamais fait ça, 'fin, tu sais, mes rituels, c'est la clope du matin, me regarder dans la glace pour vérifier les blessures que j'aurais pu m'faire pendant qu'j'étais défoncée et des trucs un peu trop automatiques. Faut... faut tout recommencer en fait.

Une idée soudaine, un nouveau deuil, on oublie, on recommence depuis le début et on se laisse couler. Bien évidemment, la mercenaire n'allait pas se lancer dans la construction d'un petit autel, allumant des cierges matin et soir en écrivant des poèmes en l'honneur du bon vieux temps. Non. Elle ferait ça de manière peut-être plus sobre, parce qu'ils l'étaient, sobres. Des gestes, des objets et des manières adéquates à certaines situations, des moments vécus, répété encore et encore par ces derniers qui, tout aussi soudainement que les phrases qui l'accompagnaient, lui vinrent à l'esprit comme un déclic.

-Quand c'est arrivé, je savais plus où m'placer. J'suis retourner seule sur Nar Kaaga, Bigord et Fély m'attendaient... les films font pas toujours d'la merde, parce que c'était presque ça. Les fameux sourires avec le « Alors ? Ils sont où les autres ? » et après tu leur dis. Bigord s'est écroulé sur les genoux, Fély disait plus un mot alors que mentalement, ces mecs là, c'est du métal. Bigord l'a pas supporté, il a disparu. Fély fait d'son mieux pour me tenir, mais il craque. J'ai pas réussi à gérer les choses. Du tout. T'as déjà dû faire ça ? Prévenir les familles et amis en personne ?

Et ce n'était que le début des cœurs brisés.

-J'ai fait en sorte de récupérer les corps. On les a incinéré. Y' avait familles, vieilles connaissances et tout un tas de Djiilo en train d'chialer. C'tait bizarre. J'ai pas réussi moi, à pleurer. Pas parce que j'essayais d'être forte, parce que j'y arrivais pas. Après ça, tout l'monde s'est séparé, il a disparu, j'ai disparu et Fély réparait les bout avec du vieux scotch humide. Elle devenait vraiment forte en métaphore.T'imagines, une ville qui s'vante de t'faire oublier, j'ai sauté dessus. Avant de s'y noyer lamentablement. J'ai balancé tous mes projets dans la case poubelle de mon cerveau et j'ai essayer d'oublier... en fait tout ce dont j'ai besoin, c'était de l'accepter. C'est ça l'idée ?

Malgré l'importance qu'elle pouvait porter à cette question, la réponse ne lui offrirait sûrement pas grand chose de neuf, le deuil restait l'une des seules choses que l'être intelligent appréhendait à ça manière. Certains l'acceptaient, d'autre le refusaient, ou le rejetaient, mais elle était sûre d'une chose, elle ne l'oublieraient pas.
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Ben c’est évident que tu vas pas reprendre tes projets comme auparavant, juste après ça, et que t’as besoin de temps pour t’y remettre. T’inquiètes, c’est pas parce que t’as laissé les trucs de côté pendant un moment que ça sera irrécupérable après. Mais je sais pas, moi, quand on se pète le bras, on se lance pas dès le lendemain dans des concours d’escalade et ben là c’est pareil. Il faut se mettre du plâtre à l’âme, souffrir un moment, se réparer petit à petit, et en garde toujours des fêlures, mais au bout d’un moment on peut repartir.
Bip bip, fit un voix robotique dans l’intercom.
C’est parti, déclara Karm en redressant délicatement son amie pour se relever et regagner le cockpit, toujours, et ça ne surprendra personne, torse nu.


De l’autre côté, les étoiles se ramassèrent sur elles-mêmes et le vaisseau marqua un à-coup, le temps pour les astres de redevenir des points uniques dans l’espace tout autour d’eux. La silhouette de Lannik se dessinait à tribord.


Blip, scanne les environs à la recherche d’un champ d’astéroïdes.
Bip.


Pendant que la carte tridimensionnelle des environs se construisait lentement au-dessus du petit holoprojecteur incrusté dans le tableau de bord, le pilote fit pivoter son siège en direction de Maxence et reprit le fil de leur conversation.


Et sinon, ouais, j’ai pas mal eu à faire ça, annoncer à des gens que leurs camarades, leurs amis et leur proche était mort au combat. Déjà, ben, y a la guerre, et de toute évidence j’ai survécu, t’imagines bien que ceux autour de moi, ça a pas été toujours le cas. Normalement, c’est de la responsabilité des officiers de faire ce genre de trucs, mais franchement, déléguer à quelqu’un d’autre la mission d’aller annoncer un décès dont on a été le premier témoin, je trouve que c’est assez moche. Donc voilà.
Bip bip bip, intervint le petit robot.


Le jeune Maître se retourna vers le tableau de bord et, une fois qu’il eut examiné la projection, le vaisseau se remit en route, en laissant la planète sur le côté.


Ensuite, une partie de mon rôle, comme explorateur, c’est de partir à la rescousse de vaisseaux qui se sont crashés sur des planètes hostiles, entièrement dépeuplées, inconnues ou très éloignées. Quand on sait pas trop quelles sont les conditions au sol, quoi, et qu’on hésite à envoyer une équipe de sauvetage traditionnelle, parce qu’on risquerait de les perdre aussi. Et des fois, ben, y a des survivants, mais des fois pas, et c’est pareil, je préfère être là quand on le dit aux familles.


Ainsi donc, la mort était sa compagnie de vie. Karm avait grandi avec elle : l’idée de sa propre fin et le spectacle de celle des autres. En devenant explorateur, il s’était éloigné des massacres, mais il ne l’avait pas quittée elle, et désormais il lui arrivait de la retrouver dans les décombres de vaisseaux en morceaux dans un désert que personne n’avait jamais foulé avant lui et où, pourtant, gisaient les corps inanimés des autres.


C’est des vaisseaux de colonisation, des missions scientifiques, des explorateurs civils, ce genre de trucs. Mais tu vois… Le revers de cette médaille, ‘fin le bon côté, c’est que parfois tu descends sur la planète et les mecs sont vivants. Et ils sont rapatriés grâce à toi. Bien sûr, quand tu fais la guerre, techniquement, c’est pour que d’autres aient pas à la faire, c’est pour contenir des invasions et tout ça, tu sauves des vies en te jetant sur le champ de bataille, mais avec l’assistance aux naufragés, c’est beaucoup moins théorique, beaucoup plus direct et beaucoup plus… Rassurant ? Quelque chose comme ça.


Le vaisseau commença à ralentir petit à petit, alors qu’ils approchaient de l’anneau d’astéroïdes que retenait dans son orbite une géante gazeuse inhabitée, dont la surface était agitée par des tempêtes spectaculaires aux couleurs bleus et rouges, comme une représentation abstraite, ironiquement, de la lutte entre les Jedis et les Siths.


Peut-être que tu pourrais t’essayer à des missions comme ça, parfois ? Des primes pour retrouver des gens qui se sont perdus ou protéger des villages ou des trucs dans le genre, c’est pas ce qui manque j’imagine dans la Bordure. C’t’un peu moins une activité de kajidic, c’est sûr, mais ça se fait toujours une fois de temps à côté et ça te permettrait, disons… De compenser un peu. De voir que tes compétences peuvent servir aussi à préserver les autres. Et c’est pas forcément moins rémunérateur ni plus pacifique.


L’appareil du Jedi se renversa lentement pour présenter son ventre à un astéroïde de deux ou trois kilomètres et Karm laissa Blip calculer la vitesse et la trajectoire de celui-ci, pour se caler sur les mêmes mouvements. De la sorte, ils purent enfin se poser à sa surface et se laisser emporter dans la lente évolution de l’anneau de roche autour de la planète.


Quand ils furent de retour dans la pièce unique, Karm décrocha son sabre principal du mur et le tendit à Maxence.


Fais pas attention aux marques, c’est des indications pour des positions de mains. J’essaie d’évaluer la dimension optimale pour la prochaine version, quand nos potes les scientifiques auront fini la miniaturisation des composants. L’amélioration est plus complexe que ce que je pensais et ça requiert pas mal d’adaptations, y compris dans ma technique, mais le fonctionnement basique reste le même. T’appuies, ça s’allume, t’y mets pas les doigts. J’t’accompagne dehors de toute façon.
Maxence Darkan
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Il l'a redressa et, tandis qu'il partait s'occuper du vaisseau, elle, préféra remettre ne serait-ce que son débardeur. Puis, dans un élan de force soudain, elle réussit enfin à se lever. Elle attrapa son débardeur qui confirmait parfaitement l'idée qu'il lui fallait une bonne douche et regagner une hygiène de vie ne serait-ce que minimale. Elle se posa ensuite épaule contre l'embouchure du cockpit pour considérer longuement l'astéroïde choisi. Un bon gros caillou qui flottait sans raison apparente, brute, lourd, isolé. Parfait. De retour dans la cabine, elle prit le manche pour le considérer comme une poule devant une fourchette.

-T'es toujours sur ton idée alors ? L'assistante m'a envoyé un message pour me dire ou m'procurer mes pièces, c'était plus simple de mon côté faut croire, mais j'suis pas allée les chercher. 'fin bref, j'ai un message à faire passer à l'espace.

Elles se dirigèrent vers la petite pièce qui servait d'entrée et de sortie au vaisseau pour se tourner vers deux combinaisons de sortie en environnement hostile. Une combinaison qui faisait vite oublier l'idée de faire ça avec style. Elle retira son pantalon pour enfiler le bas, puis zippa rapidement le haut avant de placer le casque sur sa tête. Petite vérification du matériel de chacun, elles étaient parties pour un tour de décompression. Un gros bruit de ventilation se fit entendre puis, plus rien. La porte s'ouvrit en silence, accrochées au vaisseau par des lignes de vie, elles s'aventurèrent, les bottes cramponnées sur la poussière et la roche.

-J'suis jamais sortie dans l'espace en dehors de mon vaisseau. Admit-elle en admirant la vue. C'est cool... c'est super cool.

Ses pas lents et hésitants sur la terre en manque de gravité, elle s'arrêta non loin, sur un bout de terrain plat, là où on les verrait bien, si tant est qu'une personne trouve cet astéroïde à la recherche de traces.

Elle savait qu'il ne s'agissait que d'une marque fait au bâton qui chauffe sur un caillou au milieu de l'espace, entre les mains d'une junkie qui s'était vaguement promise d'arrêter le Speed. Pour autant, Maxence vivait toujours dans l'absurde, elle a grandi dedans et s'est forgée en tant que tel. Ce n'était qu'une gamine des bas-fonds, mercenaire sans cœur qui tuait pour l'argent n'ayant que pour seul ami proche un Jedi en marge des siens dans la façon de percevoir son Ordre, ne nous mentons pas : dur de trouver plus absurde.

Sa respiration raisonnait dans toute la combinaison, levant les yeux au... disons « ciel », la mercenaire jeta un œil à Lannik qui se profilait calmement au loin. Avec un peu de patience, elle aurait pu voir la planète tourner. Son regard se redirigea sur sa main gauche, le manche du sabre serré entre ses doigts par peur qu'il lui échappe des mains, elle le laissa glisser le long de sa paume pour sentir l'amorce du sabre. Le bruit d'allumage ne raisonna que dans ses vêtements, pour Karm, de loin, ce n'était qu'une simple lumière bleue jaillissant en silence. Avec fébrilité, Maxence ne s'engagea pas dans une tentative de moulinet, mais simplement de compréhension de l'objet, là où faire la guignole sur Abhean avait un côté trompe la mort moqueur grisant, elle voulait juste que, dans la finalité, ce soit bien. Pas parfait, mais bien.

La blondinette brandit lentement le sabre avant d'enfoncer la pointe dans le sol. Cette façon de graver la roche, un peu nouvelle, lui donna quelque peu du file à retordre. Perdu dans ses pensées, elle se déchaînait, les muscles durement bandés, passant et repassant la lame sur les traits qui ne lui semblaient pas parfaits, chaque lettre faisait la taille d'un humain normalement constitué. Elle alla du T au N, passant par l'apostrophe, puis du S au H dans la simplicité d'un surnom aux vagues airs d'onomatopée stupide d'un motard s'écrasant au sol après un joli soleil depuis sa motojet. Le travail terminé, une longue et saccadée inspiration lui échappa, puis elle recula de quelque pas pour admirer son œuvre. Un sourire timide sur le visage, la blondinette en venait à se foutre de sa propre gueule, une catastrophe, les traits n'étaient pas droits, tremblants. La lame se rétracta.

-Je crois... j'crois qu'c'est à peu près comme ça qu'j'voyais la chose : Moche. J'ai fini. Laisse-moi juste une petite seconde.

Les bras ballants, le regard soutenu sur sa calligraphie enfantine. Maxence n'en revenait toujours pas, elle aurait fumé, si seulement c'était possible. Sa langue caressa le bout de ses dents, suivi d'un hochement de tête résigné, la mercenaire tourna les talons pour retourner dans le vaisseau, ne pouvant pas s'empêcher de jeter un dernier coup d'œil par-dessus son épaule.

-T'sais c'qu'on répétait avant de partir en mission ? « Aujourd'hui, il n'y aurait pas de sépulture décente, alors regardez une dernière fois votre voisin de gauche, parce qu'on a que ça à offrir, nous, des larmes, du sang et d'la sueur. Que votre vie soit longue et votre mort rapide. » Putain... je maudis le jour où Skroutch nous l'a sorti. Pseudo-philosophe de guerre, abruti fini et sûrement avec des connexions mal arrangées du côté d'son cerveau, mais un bon gars. Aller.

Elle s'engouffra une nouvelle fois dans la salle de décompression, pour un tour de compression cette fois. Il les avait eus, ses larmes, son sang, sa sueur et sa mort rapide, peut-être que c'était tout ce qui comptait. Les voyants tournèrent au vert, signe qu'il était temps de retirer cette immonde combinaison. Le casque en moins, le haut ouvert sur ses flancs, sans un mot, elle se précipita dans le cockpit, aux côtés de Blip, pour coller sa tête à la vitre.

-Démarre mon grand, c'est l'moment d'prendre du recule.
Karm Torr
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Brrrrrr.
Shhhhhh.
Brrrrrr.
Shhhhh.
Brrrr…



Manifestement, le comlink intégré à la combinaison de Karm ne fonctionnait pas. Le Jedi tapota du plat de la main contre son casque, sans succès, alors il se contenta de lever le pouce à l’attention de Maxence, pour l’inciter à commencer son travail de pyrogravure. Pour sa part, il l’observait attentivement, et surtout pour s’assurer que le sabre n’allait pas échapper aux mains de la jeune fille et partir vivre ses propres voyages dans la ceinture d’astéroïde, parce que la perspective de chercher un bout de métal dans un endroit pareil n’avait rien de très engageant.


La géante gazeuse dont il ignorait le nom occupait presque tout leur champ de vision et il fallait attendre les lentes évolutions de leur astéroïde pour voir apparaître ou disparaître la silhouette de Lannik, beaucoup plus loin. Les tempêtes titanesques au-dessus de leurs têtes jetaient leur lumière rouge et bleue sur le travail de Maxence et, quand la mercenaire eut fini, Karm commenta sobrement :


Brrrrr. Shhhh. Brrrrr. Shhhh.


Alors, portés par ces paroles pleines de sagesse, ils rebroussèrent jamais et l’Ark-Ni put enfin se débarrasser de son casque défectueux.


Bip bip bip bip, demanda l’astromech dans le droïde quand Maxence, plus pressée que lui, eût donné ses ordres ?
Pour sûr, répondit son maître, encore occupé à se débarrasser de sa combinaison.


Alors les réacteurs du vaisseau se réveillèrent dans le silence de l’espace interstellaire et, lentement, l’appareil, après s’être ébranlé, s’éleva au-dessus de l’astéroïde.


Stabilise-toi, fit le Jedi arrivé subrepticement dans le cockpit. On va éviter de se prendre les autres cailloux.
Bip bip…, répliqua le droïde d’un ton pincé, assez vexé que l’Ar-Ni eût cru la précision nécessaire.


Pour faire bonne mesure, Karm activa les bouliers déflecteurs. Le vaisseau suspendit son ascension et là, une dizaine de mètres au-dessus de l’énorme rocher, les deux passagers purent admirer les inscriptions maladroites de Maxence. Dans quelques milliers d’années sans nul doute, d’autres explorateurs se pencheraient sur ce curieux vestige archéologique en s’interrogeant sur le sens religieux de ces signes incompréhensibles.


Le Jedi récupéra délicatement son sabre des mains de son amie pour l’accrocher à sa ceinture, avant de se glisser dans le siège du pilote.


Prends ton temps, dit-il simplement, tout en commençant les calculs pour leur voyage hyperspatial de retour.


Une demi-heure plus tard, cependant, Blip intervint en ces termes choisis :


Bip bip bip.
Ah ouais.


La console du tableau de bord affichait son scan de l’anneau d’astéroïdes.


On s’approche d’une variation gravitationnelle qui resserre la ceinture, va falloir qu’on s’extirpe avant d’être écrabouillés.


Et ainsi l’appareil s’ébranla à nouveau, pour slalomer doucement entre les rochers qui continuaient leur lente révolution autour de la planète et rejoindre l’espace plus dégagé. Un dernier coup d’oeil confirma que l’inscription était devenue invisible, mais préservée de l’air et de l’érosion, elle poursuivrait là sa course infinie pendant fort longtemps encore.


Le silence régnait dans le cockpit alors que le vaisseau à une allure modérée s’éloignait de la géante gazeuse. Au loin, près de Lannik, on pouvait apercevoir d’autres bâtiments qui sortaient de l’hyperespace, des cargos marchands ou des transports de voyageurs.


Bip bip, confirma finalement l’astromech.
C’est parti.


Karm abaissa la manette de l’hyperdrive et les étoiles tout autour d’eux disparurent.


Bien. Ceci étant dit, mademoiselle Darkan, une mission, croyez-moi, de la plus haute importante, quoique pas rémunérée du tout, vous attend.


Le jeune Maître prit son amie par les épaules et les manœuvre jusque dans la salle unique, pour la planter devant la cabine sanitaire du vaisseau.


Une douche. Active l’option shampoing. Euh…


Après un regard pour les cheveux de Maxence, il préconisa :


… deux fois. Frotte bien partout. C’est nécessaire. J’retourne dans le cockpit, pour ne pas froisser ta pudeur légendaire.


Sur ces bonnes paroles, il pressa le mur à côté de la douche et un panneau s’ouvrit pour révéler des vêtements soigneusement empaquetés et calés dans des étagères exiguës.


C’est le mien, tu devrais pouvoir rentrer dedans.


Avant de disparaître dans le cockpit, le Jedi lança encore :


Prends pas le tee-shirt avec un mynock qui fait du karaoké, c’t’un de mes préférés.


Puis il se laissa tomber dans le fauteuil du pilote.


Bip bip bip…, demanda obligeamment le robot ?
Non, j’doute qu’elle ait besoin de polir du métal.
Bip bip ?
Ni d’huile de moteur.
Bip…
Non mais c’est gentil de vouloir aider, hein.


Blip tourna un œil électronique on ne peut plus méfiant vers son explorateur.


Quand elle reviendra, j’lui proposerai une bonne poignée de boulons, j’suis sûr que ça lui fera plaisir.


Pour la peine, le droïde jugea à propos de pincer le pilote à la fesse gauche.
Maxence Darkan
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Elle observa son dessin un peu plus longtemps que ce qu'elle aurait cru. Chaque seconde, elle se disait simplement que c'était super moche, qu'elle ne savait pas trop pourquoi elle avait fait ça, que, pour sûr, s'ils étaient toujours vivants, ils se seraient, sans aucun doute, foutus de sa gueule en la félicitant d'avoir eu les couilles de faire ça avec un sabre laser sur un astéroïde paumé. Mais... c'était ça, ce petit bout de vie qu'elle cherchait sans le vouloir dans le pendentif qu'elle portait autour du coup, comme une pilule qui l'aidait à faire couler leur mort, petit à petit, pour les faire disparaître, s'en rendre compte et simplement l'accepter et reprendre avec les idées claires. Le vaisseau s'éloigna et fit disparaître la gravure par la distance.

-Je sais pas trop comment j'dois m'sentir mais... mais j'sais pas trop comment j'dois m'sentir.

C'était leur de la douche pour la blondinette qui lançait des regards perdus à Karm. Était-ce si terrible que ça ? La réponse, évidemment, était oui.

-T'es sûr qu'tu veux pas m'accompagner sous la douche ? Elle passa sa main dans ses cheveux. Ouais, nan en fait, t'as raison.

Sans plus attendre, elle s'engouffra dans la cabine exiguë pour se laver de fond en comble. Elle n'arrivait pas à savoir s'il s'agissait de larmes qui coulaient le long de ses joues ou simplement l'eau, mais elle en fit rapidement abstraction pour passer plusieurs coups de shampoing sur sa tignasse. La blondinette ne savait vraiment pas comment se sentir désormais. Il y avait tant à dire et si peu à faire pour la calmer. Près de quinze bonnes minutes plus tard, elle se séchait pour se rhabiller. Maxence attrapa un t-shirt en évitant soigneusement le mynock qui fait du karaoké. À la place, elle en prit un blanc, dont les manches étaient bleues foncées, simple et efficace.

Elle venait de sortir, un style à la sauce Karm, des vêtements qu'il ne retrouverait sûrement jamais et, vu sa réticence à donner un de ses t-shirts préférés -ironique pour un Jedi- il le savait parfaitement. De retour dans le cockpit, elle observa un temps les traits qui filaient de chaque côté du vaisseau, les bras croisés et quelques cheveux encore humides lui collant à la nuque et au front.

-Bip bip ? Coupa l'astromecano de ses pensées.

-Nan, j'ai pas besoin d'boulons. Mais c'est gentil, merci.

Elle lui tapota doucement le haut de la caboche. Toute cette petite escapade avec Karm s'était passé si rapidement qu'elle n'avait pas eu le temps de faire un point réel sur elle-même, avec le fait de s'être rapidement faite purgé des merdes qu'elle avait dans le sang, la mercenaire se montrait fatigué et sans son boost quotidien, les idées ralentissaient dans sa tête. Elle n'avait pour autant pas perdu l'envie de régler ses affaires avec les Siths, mais voyait tout ça d'un œil nouveau. Alors elle continuait de regarder par le cockpit les étoiles filer comme un adolescent par une vitre pendant qu'il se fait chier en cours de math. Étrange restait le mot qui tournait dans sa tête, elle voulait juste se recentrer sur ses sentiments pour savoir réellement ce qu'elle ressentait. Elle n'était, ni heureuse, ni rassurée, en fait, un peu de ça, pourtant, toujours mêlé à de la haine, de la frustration et une bonne dose de tristesse.

-J'sens super bon. Admit-elle, coupant le silence qu'elle s'obstinait à garder. J'aime bien ton shampoing. Dis, tu veux bien...

-Bip ?

-Non, Blip, j'ai pas non plus besoin d'huile de vidange. Il avait l'air déçu. Du coup, Karm, ça t'dis d'rester un peu à Pine Point avec moi ? Pas longtemps, 'videmment, juste, tu sais, passer un peu d'temps ensemble, l'histoire d'une soirée. T'inquiète, j'essaierai d'pas m'foutre à poil pour qu'on s'envoie en l'air. Elle ricana amèrement en repensant à Abhean. J'connais quelques bars qu'ont des boissons sans alcool et d'la flotte hyper bonne, à c'qui paraît. Sinon y a une branlée d'club de strip tease avec des Zeltrons bien foutus qui seraient près à t'bouffer tout cru s'ils le pouvaient... et gratis en plus.

Ce rendez-vous aux arrières goûts d'amis -vaguement- friendzonés restait parfaitement intéressé, mais pas dans le sens que toute personne censée pourrait percevoir. Il lui restait un peu de temps à être elle-même, elle voulait simplement le passer avec quelqu'un en qui elle comptait beaucoup.

-J'te l'ai dit, j'vais rester un p'tit bout d'temps là-bas, juste pour régler une dernière chose, une bonne fois pour toute, je serais toujours présente pour... pour tes potes en bure et surtout pour toi, mais j'aurais la tête prise. Va falloir que j'me remette dans l'flot des Djiilo, que j'reconstruise pas mal de trucs que j'ai pété, des liens j'veux dire. J'ai quelques dettes à payer, que j'repose quelques bases oubliées, sans compter les dettes qu'on m'doit.

Ces « dettes » n'avaient rien à voir avec l'argent ou bien quelque chose de physique, c'était une façon adoucie de dire qu'elle avait des gueules à péter, des gens à braquer pour calmer leur mœurs, des contacts à reprendre et surtout, mais pas des moindres, un couple à foutre en l'air.

-J'veux penser à autre chose et faire des trucs qui m'éclatent avec toi avant d'y retourner une dernière fois, ne serait-ce que l'espace d'une soirée. Pis... j'ai pas vraiment envie d'rester seule. C'est pas super amusant d'boire des coups toute seule.
Karm Torr
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Bien sûr que j’passe la soirée avec toi !
Bip bip bip, s’exclama Blip avec enthousiasme, qui se voyait déjà électrifier de jolies droïdettes avec une sacrée carrosserie dans les recoins obscurs du hangar à cargos miniers !
On va s’enfiler jus de fruit sur jus de fruit et se gaver de sushis vegans, ça va être la totale déglingue !
Bip…, fit le robot d’un ton consterné.
Oh c’est bon, je plaisante.
Bip ?
’Fin pas tant que ça.

Le droïde activa brièvement sa soufflerie en guise de soupir, tandis que son maître se tournait vers Maxence.

Moi et mes potes en bure, on peut se débrouiller, si t’as des affaires à régler, t’es consultante pas salariée, t’inquiètes pas pour ça. De toute façon, les Sentinelles te diraient que le kajidic est la priorité.

Puisqu’au fond, c’était en se présentant comme une future informatrice d’exception sur les affaires de l’Espace Hutt que Maxence avait pu négocier sa relation privilégiée avec l’Ordre Jedi, et si tous les liens de la jeune fille avec le kajidic s’estompaient, les enquêteurs du Temple ne manqueraient pas de voir cela d’un mauvais œil.

Et pour le shampoing, je le fabrique moi-même. Vois-tu, je commence par récolter le pus qu’on trouve sur les tétines d’un mammifère amphibie de la planète…

L’esprit des fêtes me pousse à jeter un voile pudique sur ces explications atroces, afin de préserver l’appétit des lecteurs, mais il est certain que Maxence en apprit plus qu’elle n’aurait jamais voulu en savoir sur les shampoings artisanaux de son explorateur favori — « c’est très antiseptique », lui assura-t-il avec beaucoup d’entrain — et que le vaisseau finit par réintégrer son dock sur Nar Kaaga.

Amuse toi bien, Blip, lança Karm à son droïde quand ils s’éloignèrent de l’appareil !

Quelques mètres plus loin, le Jedi confia à son amie :

La dernière fois, il a tenté de pécho un chariot élévateur automatisé, mais ça s’est assez mal fini. Le pauvre petit va toujours trop vite en besogne.

Pas facile d’être un astromech.

À Pine Point, la nuit était tombée. Les étals du marché avaient laissé place à des stands de nourriture à emporter, où on grillait tout ce qu’on pouvait faire griller, avant de faire frire le reste. Des promeneurs déjà sévèrement alcoolisés louvoyaient entre des poteaux qu’ils voyaient en triple, tandis que des gens se disputaient dans un basic approximatif pour des raisons qui leur échappaient déjà depuis un moment.

Tout cela ne perturbait guère le Jedi qui, en bon explorateur, était familier de l’ambiance festive et vomissante de la Bordure Extérieure.

Ah, excellent, s’exclama-t-il en entraînant Maxence par le bras vers l’un des vendeurs à emporter, ça a l’air hyper bizarre, faut absolument goûter. ‘Jour, m’sieur.
C’est deux crédits, grogna M’sieur entre ses mandibules.
C’est vegan ?
Tu veux mon grill en travers de la face, princesse ?

Après une rapide recherche sur son datapad…

Quand tu veux, hein, j’ai que ça à foutre…

… Karm parvint à identifier deux brochettes effectivement vegan. Plus pauvre de quatre crédits et plus riche d’une nouvelle expérience culinaire, il laissa Maxence choisir à sa téméraire fantaisie, avant de s’éloigner du stand, poursuivis par les grommellements insistants de leur cuistot irritable.

C’est légèrement épicé, prévint le Jedi, avant que Maxence n’ait eu l’occasion de croquer dans l’un des légumes grillés, qui donnait l’impression de faire du bouche-à-bouche à un lance-flammes. Bon, donc, il te faut un bar à strip-tease, tu disais.

Et lui, hélas ! Il se sacrifierait pour la cause et offrirait du soutien moral à son amie, en se forçant à lui tenir compagnie pendant que de séduisants messieurs peu farouches se déhancheraient devant lui. L’existence vertueuse du Maître Jedi est faite de semblables moments d’insigne abnégation.

Je désespère pas de t’enrôler un jour dans mes divertissements de plein air. Planète sauvage, escalade, kayak sur des courants violents, parapente, ce genre de choses.

Et après ça, quinze jours de plus pour se remettre de ses vacances.

Parfait, déclara-t-il enfin devant une enseigne holographique où l’on voyait un bel éphèbe chevauchait un missile à la forme quelque peu équivoque et les mots :


AUX TORPILLES À PROCTONS


Hephephep

Le videur Thisspiasian se dressa devant eux, avec un sifflement réprobateur.

Pas de nourriture dans le club.

Karm fourra la brochette toute entière dans sa bouche, avec une facilité déconcertante qui eût laissé les danseurs des Tropilles à Proctons bien rêveurs, et, en gobant tous les morceaux de légume, déclara :

Hmaaaoèmes !
Pardon ?

Le Jedi déglutit, les larmes aux yeux.

Oh la vache, ça pique.
Vous êtes drogués, fit le videur d’un ton soupçonneux ?
Même pas. Je disais : y a pas de problème. On peut entrer ?

Le Thisspiasian se mit à le déshabiller du regard.

C’est pour les auditions ?
Pardon ?
Vous êtes souple ?
Très, fit naïvement le Jedi.

C’est beaucoup plus technique qu’il ne l’avait cru, de rentrer dans un club de strip-tease !
Maxence Darkan
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C'était fou ce qu'on pouvait faire avec un peu de connaissance de la nature et d’excentricité Jedi, qui aurait pu croire qu'avec un peu de pus et de toutes de fluides corporel et végétal raffinés. Elle passa sa main dans ses cheveux, loin d'être dégoûtée, une morbide admiration de ses yeux fixant ses pointes, elle sentait tout simplement bon. Elle fit un petit à l'astromécano près à draguer la petite robote farouche du coin, la blondinette jeta un œil à son bracelet.

-Ouais, Éos a déjà essayé d'faire la cours à la voix d'un distributeur automatique. Il a découvert plus tard qu'elle s'était faite remplacée son ancienne voix masculine. Depuis, il s'est promis d'jamais recommencer. C'est un hétéro dans les circuits, j'y peux rien.

-Je ne comprendrais jamais l'amour.

Éos était -dans les grosses lignes- un Darkan, évidemment qu'il pouvait absolument rien pigé à ce monde nouveau. En parlant de nouveau monde, le stand de nourriture laissa la blondinette quelque peu dans le doute. Elle hésitait grandement entre les insectes grillés ou les frites de mandibules géantes... la brochette d'insectes grillés était un tel délice qu'elle ne put s'empêcher de les prendre, ça croustillait avec un intérieur fondant, saupoudré d'épices exotiques, tout bonnement succulent. Elle l'avait gobé avant même d'arriver au club, grattant les petites pattes coincées entre ses dents.

-Et moi ? Vous m'demandez pas si j'suis souple ?

-Pour les femmes c'est à côté.

-Ah ouais ? Et comment tu peux affirmé qu'c'est un mec ?

-Bah... Il haussa les épaules. Il a pas de poitrine ?

Elle échangea un regard avec Karm avant d'étouffer un rire.

-Faut t'y faire, t'aura beau tromper les gens avec ta belle gueule, va falloir apprendre à rembourrer tes soutifs. J'peux t'apprendre si tu veux. Elle passa devant le garde du corps. On est là pour admirer la vue... quoi que... On peux utiliser les barres de pole dance quand on est clients ? Il a la danse facile vous savez...

-Y' a des salles privées, je suppose que si vous voulez vous éclater à deux c'est pas mon problème. Évitez de laisser des tâches.

C'était exactement le genre de mots qu'elle voulait entendre venant de cet homme. Un poète. Elle passa son bras autour du cou de Karm pour l'accompagner à l'intérieur de cette merveille de corps finement sculptés. Le club, rempli d'hommes légèrement habillés se trémoussant à chaque coin, accueillant en grande partie des femmes, avec une petite partie d'hommes et encore moins d'hermaphrodites, simple question démographique Pinone. Première halte, le comptoir, évidemment, où une bande de femmes, sûrement plus jeunes que Maxence lançaient déjà des regards intéressait en direction de ce tombeur de Jedi. Vite calmées par une blondinette armée, le barman débordé vînt à leur rescousse de soif de boissons sans alcool :

-J'vais prendre un un whisky dou... Sa langue passa sur ses dents. Un Peps', sans sucre. Elle se pencha vers son ami. J'te conseille le Kid'Nudcha, c'est sans alcool et sans caféine, si tu veux découvrir un truc bizarre qu'y' faut absolument goûter, cherche pas plus loin. J'crois qu'c'est un mélange de quinze fruits différents, ça t'explose les papilles, mais c'cool.

Après tout, le choix restait sien. Elle lui prit ensuite le bras pour l'amener dans une banquette, juste en face de deux danseurs pas forcement gaulés comme des montagnes de muscles, mais pour sûr, des abdominaux qui ne donnaient envie que d'une chose, les caressait du bout des doigts avec un petit sourire nerveusement excité et des sourcils haussés à s'en faire péter le front... et pas que.

-T'sais, t'as pas intérêt d'désespérer sur l'idée d'me voir t'accompagner faire des trucs dans des mondes sauvages, parce que j'compte bien t'suivre là-bas un t'ces jours. J'veux qu'tu nous trouves des trucs à escalader et des cascades à sauter... non, c'est pas c'que j'voulais dire. Ou même faire du camping au milieu d'une plaine gigantesque qu'à un nom spécifique, mais j'ai oublié lequel.

-Une steppe.

-Ouais, « steppe ». D'mon côté, j'vais pas désespérer d'te voir te trémousser à moitié nu autour d'une barre pour le plaisir de tous les clients... t'as déjà pensé à une reconversion en tant que strip teaser ? J'suis sûre qu'ton mec ador... Ses yeux s'écarquillèrent. Oh, putain, ton mec, j'avais oublié ! En y repensant, elle soupira. C'tait vraiment un coup dans l'dos. J'ai eu l'temps d'm'engueuler avec lui, j'l'ai traité d'tocard, Éos l'a traité d'tocard et on a failli s'foutre sur la gueule avant qu'je pige qui c'était réellement. T'aurais pu juste me l'dire, j'sais pas... j'veux dire, à un moment on a arrêté d's'engueuler, on a discuté calmement et y' m'a dit qu'y' flippait parce qu'il était gay. Sans déconner, putain, c'est un Jedi.

Il ne lui avait pas dit directement qu'il avait « peur parce qu'il était gay », mais qu'il avait peur de ce que pensaient les gens de lui quant à son homosexualité, une idée qui passait largement au-dessus de la tête de Maxence comme un Karm devant une vaginette dernier cri.

Après une belle réflexion personnelle, elle gloussa inévitablement, cette escapade avec Luke avait tout de même failli finir par blasters et sabre dégainés. Le début restait indéniablement poilant. Dans l'idée, le fait de savoir qui il était réellement n'aurait pas changé la manière dont Maxence le voyait -un tocard-, mais elle aurait au moins fait l'effort de se tenir, ne serait-ce qu'un minimum.

-Et me balance pas le coup de « c'qui compte c'est la mission avant tout » -elle avait prit un ton faussement chouineur-, parce que ce serait l'hôpité qui s'fout d'la charital. Franchement, j'pige pas c'que tu lui trouves... mais si t'es heureux avec lui, elle leva les paumes au ciel, alors c'est pas mon putain d'problème. Puis nouveau gloussement. Nan, j'suis sérieuse, j'suis qui pour juger les liens indéfectibles de l'amour ?
Karm Torr
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On peut danser autour d’une barre ?


Karm eut l’air beaucoup trop intéressé pour être honnête, mais il faut dire qu’il considérait la chose comme une sorte d’attraction, un peu comme un toboggan aquatique ou une balançoire anti-grav. Les attractions à l’intérieur n’étaient pas mal non plus et le Jedi fut peut-être moins absorbé par la carte du bar que par les danseurs qui se trémoussaient.


Pur intérêt ethnographique !


Le Jedi inclinait la tête sur le côté pour suivre les ondulations des fesses d’un Falleen particulièrement dévêtu quand on l’interrogea sur sa commande.


Hmmmm, fit-il d’un ton distrait ?
Qu’est-ce que j’vous sers, répéta le barman ?
Un Falleen.
Pardon ?
Eeuh… Kid’Nunchunk. C’qu’elle a dit, là.


Quelques minutes plus tard, il se laissait tomber gracieusement dans une banquette, une paille dans la bouche, en contemplant deux danseurs pleins de charme, parce que c’était à cela que le contraignait ce soir son indéfectible amitié et que, hélas ! il faut parfois se faire violence pour le bien des autres.


Mais quand la conversation vint sur son petit ami, il consentit à détourner le regard de ces messieurs les artistes pour considérer Maxence. Un sourire amusé se dessina sur son visage d’ordinaire si flegmatique.


J’étais sûr que vous vous adoreriez.


Il s’était imaginé plusieurs fois la rencontre de Luke et Maxence, et toujours avec une hilarité croissante.


Éos, j’espère que t’as enregistré leur tête-à-tête, j’t’échange ça contre un rencard l’IA holographique qui accueille les visiteurs au Muséum Galactique d’Histoire Naturelle sur Coruscant. Elle a été conçue en partenariat avec l’ExploCorps, j’ai des contacts. Son nom, c’est…


Karm fit un geste de la main comme s’il semait devant eux des paillettes magiques.


Sylvie.


Puis le Jedi reprit un peu de son sérieux.


C’était bien que vous vous rencontriez, j’pense. T’as pu découvrir toute la diversité de mes fréquentations, il a pu être exposé à des perspectives sensiblement différentes sur notre relation, et puis vous avez des compétences complémentaires. J’me doutais que la rencontre serait un peu clash, mais honnêtement…


La suite se perdit dans de longues secondes de réflexion, pendant lesquelles le Gardien tourna et retourna des phrases dans sa tête, sans parvenir à s’en formuler aucune qui ne ressemblât à pas à une accusation.


Ça fait des années que Luke et moi, on est ensemble, finit-il tout de même par expliquer, et ça fait des années qu’il a du mal à vivre notre relation. Honnêtement, c’est… Pas très valorisant pour moi, quoi. Il est plein d’admiration pour moi et tout ça, et il fait des efforts, mais disons que moi, je serais partant pour, genre, me marier ou un truc comme ça, et lui, c’est plutôt au stade de sous-entendre très, très vaguement à quelqu’un que peut-être on est pas que des amis. Y avait un gouffre au départ, mais le gouffre arrête pas de se creuser, j’ai l’impression.


Karm avait le Kid’Nudcha mélancolique.


J’suis hyper amoureux, hein, y a pas de problème. Il est brillant, et adorable, et compréhensif avec mes… nombreuses excentricités…

Tout du moins c’était que l’Ark-Ni supposait, faute d’avoir le moindre point de comparaison.


… et il est doué là où moi je suis pas exceptionnel, et inversement, du coup on fait une sacrée équipe sur le terrain. Mais c’est vrai que j’pensais pas qu’après toutes ces années, toutes ces aventures, et l’approbation tacite d’un Ordre qui m’a fait Maître à trente ans à peine passé, on serait encore à ce point dans le placard et si éloigné l’un de l’autre sur ce qu’on attend de notre relation par rapport au reste du monde.


C’était la première fois que Karm parlait de tout cela à qui que ce soit, et il ressentait tout en même temps un grand soulagement et une immense culpabilité. Les craintes de Luke l’avaient forcé de facto dans un certain isolement sur ce chapitre, puisque le secret auquel le jeune Hapien avait longtemps tenu avait impliqué que son compagnon ne s’ouvre pas de ses sentiments à qui que ce soit qui leur fût trop proche. Alors Karm gardait tout pour lui, en se débattant avec cette unique expérience amoureuse, à la manière d’un moine combattant, c’est-à-dire au fond assez mal.


Mais il avait l’impression de critiquer Luke, et c’était peut-être ce qu’il faisait en effet. Cette idée le remplissait d’un malaise terrible, persuadé qu’il était de devoir reconnaître tous les mérites à l’Hapien, qui avait, selon lui, accepté de s’adapter à lui, et de progresser pour lui, des épreuves bien terribles assurément pour le jeune Consulaire.


Wow, murmura Karm, je sais pas c’qu’ils foutent dans leur jus de fruits mais ça me pousse beaucoup trop à la confidence. Désolé, j’avais pas l’intention de t’assommer sur mes probl… mes considérations sentimentales.
Maxence Darkan
Maxence Darkan
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-Tous les fichiers sont envoyés par message Karm. Heureux d'avoir fait affaire avec vous. Je pense que l'enregistrement holovidéo de Maxence en sous-vêtements avec la mâchoire qui se décroche vous plaira beaucoup. Sylvie vous dites ?

Elle leva les yeux au ciel, uniquement parce qu'elle ne pouvait pas lui retirer l'idée que cette situation était particulièrement marrante : elle, à moitié à poil devant un aveugle qui ne se doutait de rien, alors qu'elle tout juste le fin mot de cette histoire. Finalement, la mercenaire comprit ce qui clochait chez ce cher amant de Karm, c'était un to... timide. Un timide incapable de s'affronter lui-même. Sa main libre s'enroula autour de la nuque de son ami, tandis qu'elle admirait les deux hommes.

-T'as raison, j'en ai rien a foutre... nan, j'déconne évidemment. Écoute Karmi... ah... ouais, j'voulais essayer un surnom, mais ça marche pas. 'fin bref, tu m'connais, les relations et moi c'est... j'ai du mal. J'suis sortie deux fois avec deux garçon différents et ça avait rien d'aussi sérieux qu'toi, j'étais ado, le premier était un vrai fils de pute et le deuxième, j'me suis comportée comme une salope. Puis ensuite elle a découvert l'étendue de sa sexualité et blablabli et blablabla. C'que j'en ai appris ? Que dalle, c'est juste incomparable par rapport à toi.

Elle marqua une pause en se demandant comment lui expliquer les choses. Étant donné que le premier garçon était un sale con abusif pour son âge et l'autre un gentil gars que Maxence avait foutu en l'air mentalement, elle se demandait sérieusement ce qu'elle pouvait lui dire la-dessus. La blondinette plissa les yeux en fronçant les sourcils, c'était comme résoudre une énigme dans son cas, mais elle se remémora la discussion qu'elle avait eue avec Luke ce jour là et, par réflexe, elle posa son verre sur une petite table, pour sortir une cigarette de sa main désormais libre.

-Bon, tu sais c'que j'pense de Luke ? Que c'est une chochotte, une chochotte capable de pleins d'trucs. Mais une chochotte avant tout... et un sacré tocard. J'peux vraiment pas l'blai...

-Maxence.

-Ouais, c'est pas la question. Elle se mordit la lèvre supérieure pour ne pas rire. Quand j'l'ai découvert en fouillant son datapad... euh, j'veux dire, j'ai pas fouillé, nan, c'est genre, il était là, allumé, j'ai vu vos p'tits messages et tout, j'avais pas du tout l'intention d't'envoyer une photo d'moi à poil, mais alors pas du tout. Bref, j'l'ai découvert, donc, et du coup on en a parlé. J'dois t'avouer un truc, j'flippais pour toi, j'me demandais vraiment pourquoi lui, il est... tellement... Luke ? Dans l'genre les yeux rivés sur l'Ordre, à se demander s'il fait bien, si ça plaît, si c'est une bonne idée, s'il est pas en train d'contrarier l'autre en se disant que la mission passe avant tout, qu'il faut absolument l'accomplir à la perfection, à tout vérifier, écouter et réécouter les ordres... franchement, j'ai cru qu'j'allais imploser.

Elle avait pensé à lui. Les deux, Karm et Luke, semblaient opposés sur pleins de points, des points qui, aux yeux de Maxence, étaient les plus importants pour tenir une relation, ne serait-ce qu'amicale. Cependant, elle avait calculé cette fameuse pointe d'excentricité Karmesque dans sa relation amoureuse et son amant.

-En fait, j'me disais qu'il en avait rien à foutre de toi, que, si t'étais dans la merde, mais que t'aider revenait à « trahir » tes potes en bure... bah, il te laisserait sur place en suçant les boules du conseil. Sans offense. Mais je sais pas c'qui s'est passé et c'qui s'passe entre vous, il avait l'air de dire que vous aviez beaucoup parlé sur certains points et j'ai sûrement pas envie d'm'avancer... mais j'vais quand même le faire. J'lui ai demandé s'il était prêt à quitté les Jedis pour toi s'il le fallait, tu sais c'qu'y' m'a dit très exactement ? … J'aurais pas du rajouter « très exactement », en gros qu'il est prêt à l'faire rien qu'pour ton joli p'tit cul. Elle haussa les épaules. J'le crois. J'le crois complètement et j'pense même qu'il est fou amoureux d'toi. Il est juste très con.

Le maniement des mots est un art.

-Tu veux un conseil ? Un conseil à la Darkan ? Elle se tourna vers lui. Fous-lui une baffe. Genre, une torgnole et mets les choses au clair une bonne fois pour toute.

Un excellent conseil, pour sûr, je propose de régler tous les problèmes galactiques de la même manière : La faim dans la galaxie ? Une baffe dans la gueule des gens sous-nourris. La guerre ? Une baffe pour chacun des camps.

-Écoute, parler pour dire des trucs utiles, j'sais pas faire, mais Luke c'est juste un mec qui s'en veut d'pas pouvoir bander devant une paire de nibards, avec délicatesse, sans compter l'fait qu'il est flippé du cul parce que c'est un Jedi et que : « c'est pas bien d'être amoureux » -elle insista les guillemets avec ses doigts- alors qu'il a largement le temps et l'intelligence de savoir quelles genres de priorités impliquent de kiffer ton p'tit boule. À un moment ou un autre, tu pourras plus t'permettre de faire des efforts à sa place et inversement, donc, c'que j'propose, c'est sortir de votre pseudo-zone de confort et se foutre sur la gueule si nécessaire pour clarifier les choses entre vous. Bordel de merde, fais lui comprendre que ta bite vaut toutes les paires de nibards du monde et qu'y' pourra pas toujours se cacher derrière l'Ordre et l'homophobie galactique.

Elle s'était un peu emportée vers la fin et venait tout juste de le remarquer. Le fond y était, pas la forme.

-Tu veux t'marier ? Grand bien t'fasse et franchement, je serais la première à t'ramener deux anneaux sur un plateau en phrik pour te souhaiter les plus belles années de ta vie avec ton mari, mais j'ai pas envie d'te voir seul face à tous les invités, la cérémonie organisée et Luke introuvable parce qu'il est incapable de l'dire. Voulait-il faire une cérémonie ? Peu importe. Mets-le en confiance, un endroit romantique, genre, un club de strip-tease ou une arène illégale de combats d'Ewoks, vous vous posez à l'écart des regards et vous discutez de ce qu'il va falloir faire, pas de ce que vous pensez, mais ce qu'il va falloir faire pour que tout le monde se sente bien dans son couple sans avoir à se confier en buvant un cocktail non alcoolisé interdit dans la moitié d'la galaxie parce qu'il est accusé de donner du diabète et des hallucinations. J'déconne. Ça donne pas d'diabète.

À dire, Maxence trouvait ça simple, mais à mettre en pratique, il fallait compter le passé, la vie au sein de l'Ordre qui lui paraissait tout de même toujours floue et pleins d'autres trucs sûrement très importants à leurs yeux.
Karm Torr
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Maxence.


Karm se mit à considérer son amie avec un air grave.


J’imagine qu’on a dû te le dire bien des fois, mais sérieusement : comme carrière, tu devrais faire poète.


Tant que le lectorat ne parlait pas basic, ça passerait crème.


Le jeune Maître eut un mince sourire et concéda :


J’suis pas sûr d’avoir tout compris exactement ce que tu voulais me dire, ni au fond ce que ressent Luke. C’est clair qu’on a beaucoup parlé lui et moi, mais… Je sais pas, je deviens peut-être plus impatient en vieillissant. J’ai l’impression qu’on fait que ça, confronter nos opinions. On va ravoir la même conversation, sur tous les progrès qu’il fait petit à petit, et comment il faut lui laisser du temps, ce qui est parfaitement compréhensible et bien normal, et j’en tirerai une petite nouvelle concession, et je me sentirai à nouveau coupable de lui avoir fait une sorte de chantage affectif pour satisfaire mes lubies personnelles, tandis qu’il sera encore plus mal à l’aise qu’avant.


Ce fut lorsqu’il s’entendit pousser un soupir résigner que l’Ark-Ni se reprit et s’exclama — à sa manière, c’est-à-dire qu’il fit une déclaration posée et flegmatique :


La vache, hors de question de m’apitoyer sur mon sort, j’suis pas malheureux du tout. Viens.


L’explorateur n’avait rien contre un peu d’introspection, mais il jugeait qu’épiloguer indéfiniment sur ses sentiments trahissait une complaisance douteuse pour soi-même. Il y avait de l’orgueil, celui-là, à s’épier les moindres mouvements de l’âme et un Jedi digne de ce nom devait se concentrer sur les actes, plutôt que de raffiner des abstractions.


Il abandonna donc son verre sur la table, prit la main de son amie et l’entraîna à l’écart des podiums où se trémoussaient pourtant consciencieusement les danseurs venus des quatre coins de l’Espace Hutt.


Oh ouiiiii, un Bishônen !
J’vous d’mande pardon ?


Une troupe de demoiselles en pleine enterrement de vie de jeune fille et de dignité lui fourra une liasse de crédits dans le pantalon.


Danse pour nous !
Ah. Euh. C’eût été avec plaisir, répondit obligeamment le Jedi en extirpant les billets de son boxer pour les rendre à la future mariée, mais malheureusement je ne travaille pas ici.
On peut peut-être s’arranger, intervint une autre.
Oui, oh la la, sans doute, allez donc parler au manager pour voir si c’est possible.


Et Karm en profita pour prendre la fuite et aborder un second videur, dans le fond de la grande pièce principale, qui, les bras croisés, était en train de dormir debout du haut de ses deux mètres cinquantes.


’Soir.
RrrrRRRRRrRrrRRrr.
Bonsoir ?


Sur la pointe des pieds, l’Ark-Ni tapota de l’index l’énorme biceps du monsieur.
Pas de réaction.
Alors il haussa les épaules et se faufila derrière lui avec Maxence pour atteindre les salons privés.


Il ouvrit la première porte pour découvrir trois femmes qui frappaient frénétiquement dans leurs mains tandis qu’un droïde de protocole enchaînait les déhanchements gauches sur son podium.


Mesdames. Je ne suis pas. Programmé. Pour ça.
Plus vite ! Plus vite !
Euh… Désolé… On repassera, hein.


Il referma la porte avant de murmurer :


Ou pas…


Puis une seconde porte, derrière laquelle un couple était en train de…


Erk, fit Karm en refermant précipitamment.


La troisième fois fut la bonne : le petit salon était désert. Un canapé en faux cuir, un bar automatique aux prix exorbitants et un podium avec sa barre de strip-tease. Bref, c’était le paradis terrestre.


Mais je vois ce que tu veux dire, quand même, sur l’idée qu’il faut parfois se parler un peu brusquement pour que les choses avancent et qu’on peut pas toujours chercher le consensus. Peut-être que notre relation repose trop sur les compromis et que ça crée des frustrations multiples. Peut-être qu’il faut aussi que je me rappelle qu’il est tout de même plus jeune que moi, et que c’est bien normal qu’il progresse plus lentement.


L’Ark-Ni se laissa tomber sur la banquette.


Après tout, c’est moi l’adulte mature et responsable, dans toutes ces histoires, que dis-je…


Il tira une chips coincée entre les coussins depuis dieu sait combien de temps et l’avala sans hésiter.


… le maître sage et vénérable.


(C’était à se demander comment il avait survécu tout ce temps à ses pratiques alimentaires douteuses.)


OK. Montre moi tes moves. Je te propose un dance off. Celui qui gère le mieux la barre de strip tease gagne… Euh…


Un dîner en tête-à-tête avec Blip ?
Un voyage dans les marais putrescents de Nal Hutta ?
Le droit de recoiffer l’autre à coups de blaster ?


Le droit à un mois… Non ! Trois mois de surnoms stupides pour l’autre personne. J’te préviens, tu vas perdre et j’vais t’appeler Madame la Duchesse.
Maxence Darkan
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-Mais je suis une poétrice.

Affirma-t-elle calmement avant de se laisser entraîner dans tout le club par son ami, un sourire ahuri ornait son visage alors qu'il se démenait du mieux qu'il pouvait se sortir de la dure vie des soirées en collectivité. Non sans montrer plus d'intérêt à ce qu'il se passait dans les autres salles privées et il fallait dire que ce couple faisait preuve d'une souplesse tout à fait étonnante, prenez des notes, cette jambe ne devrait pas se trouver là. Une fois dans leur salle privée, rien qu'à deux, elle s'adossa à la barre. Elle savait pertinemment qu'elle ne donnait pas forcement d'excellents conseils, mais il avait saisi le gros de son idée, rester à rien faire n'arrangerait pas les choses.

-Trois mois de surnoms stupides ? J'aurais été plus joueuse à ta place, genre, trois mois d'robe pour moi ou d'bure pour toi. Mais bon, c'est pas comme si tu m'fais douter sur tes capacités à t'dandiner autour d'une barre, donc on reste sur les surnoms.

Elle se tourna vers un petit panneau holographique mural pour régler l'ambiance de la salle. C'était fou la modernité qu'on pouvait apporter à une pièce que n'avait pour bute que de se rincer l'œil ou... ou faire comme le couple d'à côté tapant à répétition sur le mur, sûrement en train de jouer avec un ballon. Ce genre d'endroit, aux allures d'autel pour la blondinette, ne lui cachaient plus rien. Alors, elle appuya sur la lumière sobrement nommée « Trip en trique » : un mélange d'une couleur jaune et violette, se répercutant dans tous les coins et éclatant soudainement le visage des deux gugusses. Puis la musique, elle prit la première qui ne semblait pas explicitement impliquer des bruits de femmes en plein orgasme rajoutés au montage, ça ne restait pas forcement incroyable, mais la musique y était. Elle se tourna vers Karm retirant premièrement ses chaussures et ses chaussettes avant de jeter son blouson sur lui. C'est bon, calmez-vous, il faut pouvoir se mouvoir sans un vêtement restreignant les mouvements. Attrapant ensuite la barre centrale, elle semblait se refaire à l'idée de danser en marchant autour.

-J'te préviens, j'ai appris des plus grandes et elles étaient foutrement bonnes. Autant physiquement que dans leur métier, supposément. J'vais t'laminer et j'espère que t'es prêt à t'faire appeler : « le nain » jusqu'à la fin d'notre petit accord, mon cher maître vénérable.

Karm et son sens du réel avait de quoi l'animer dans cette quête du surnom. La compétition se montrerait certainement très dure, mais la première place, il faudra la mériter. Se laissant prendre par la musique, ses mains saisirent la barre en hauteur pour glisser légèrement vers le haut. Sa jambe droite s'enroula autour, tandis que la gauche se raidit pour tendre son corps proche du métal. Il était d'ailleurs légèrement tiède, ce qui lui paraissait un peu dégueux-. Pour un œil aguerri de strip-teaseur•euse, ses mouvements n'étaient pas parfaits, mais elle avait cette patte coquine qu'elle maniait avec parcimonie dans la gestuelle. N'allons pas plus loin pour préciser qu'elle aurait fait une excellente strip-teaseuse.

Sa tête s'élança rebattant ses cheveux par-dessus son front comme une -petite, les cheveux mi-long ça flingue un peu- cascade dorée. Puis son corps entier se mit à tourner sur lui-même, tournant en même temps autour de la barre, levant une jambe bien au-dessus de sa tête, l'outil entre ses cuisses, le visage rivé vers le bas suivant l'alignement de son bras, le torse bombé pour se mettre en valeur -et elle se mettait en valeur-, l'autre main pour la tenir, une jambe pour l'aider et la pointe du pied comme une girouette, mais une girouette un peu sexy quand même.

Puis l’enchaînement se poursuivit souplement, une vague idée derrière la tête, ses traits droits témoignaient de la concentration qu'elle avait à choisir et former les positions devant l'Ark-Ni. L'histoire de cette compréhension développée de la barre de pole dance restait un fier souvenir de la blondinette, avec la valse, les flingues et les phalanges plantées dans les mâchoires, il n'y avait que ça de vrai pour s'exprimer sans s'envoyer en l'air. Elle en venait à toucher soudainement le plafond de la plante, retombant, ses mains accompagnant le métal afin de se retourner et terminer dos à Karm. Elle saisit la barre une dernière fois, s'en aidant pour contrebalancer son corps dans une jolie roue, face à lui, cette fois. La blondinette passa le dos de sa main sur son front avant se s'étirer durement les bras.

-Pfiuu... J'aurais dû m'échauffer. Crâneuse. J'ai appris pleins d'mouvements après avoir pris une cuite d'une semaine. Elle s'approcha pour se mettre à califourchon sur lui, ses paumes sur ses épaules. J'arrêtais pas d'revenir au même club pour voir la même nana qu'a fini par me faire des cours. Allumeuse. J'dois dire que j'suis encore meilleure quand j'suis déchirée. Elle laissa retomber ses iris le long du cou de Karm pour observer le bas de son ventre. C'est une photo d'Luke que j'sens dans ton pantalon ? Un long ricanement lui échappa tandis qu'elle s'écroula à ses côtés. C'est bon, j'déconne, à ton tour maintenant, j'veux voir ton p'tit cul m’impressionner.

Elle étendit ses bras sur le dossier de la banquette pour croiser les jambes, sa position préférée pour profiter des spectacles de danse en milieu clos.
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