Darth Hope
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Il avait commencé à pleuvoir.
Beaucoup.

L’averse était si dense qu’elle formait un rideau de plomb sur la route et couvrait les paysages sauvages de Jabiim. Le conducteur avait allumé tous les phares possibles de sa navette et son système d’essuie-glace s’épuisait frénétiquement contre son parebrise. Au loin, on pouvait entendre les grondements de l’orage, mais il faisait trop nuageux pour déceler le moindre éclair. Un peu d’eau s’infiltrait par les failles rouillées du speeder. Mumkin gardait sur les genoux, bien contre lui, un gros paquet enrobé dans du tissu aux icones folkloriques. C’était du pain fait par Mamy Zora. Il avait l’air d’un gamin qui retournait sur les bancs de l’école après de longues vacances. En face de lui, Dana avait posé sa joue contre l’épaule du Sith et dormait à poings fermés, malgré la pluie diluvienne, malgré les cahots de la route, les jurons du chauffeur, et surtout les regards acerbes que lançaient le dévaronien vers son patron. Il lui faisait des petits signes désespérés pour qu’il dégage l’Inquisitrice de lui.

Puis il y eut une panne. L’absence de mouvement avait brusquement réveillée l’humaine et elle aperçut dehors, la silhouette de Lloyd s’activer avec le besalisk qui, dépassé, avait demandé un sérieux coup de main. Une éternité plus tard, le blond remontait, trempé et bougon.

-On va jamais arriver jusqu’à l’astroport avec c’vieux taco, grinça Mum’.

D’autres autres pannes étaient survenues durant les deux heures d’un trajet qui en prit finalement trois. Lloyd et Mumkin s’en chargeaient à tour de rôle, chaque fois un peu plus trempés. Dana se passait de commentaire, malgré la frustration occasionnée par ces incidents. Elle ne s’était pas laissé rattraper par le sommeil et s’était contentée de regarder le néant au-delà d’une vitre. Chaque kilomètre, chaque minute, la rapprochait un peu plus de Ch’Hodos. Parfois une discussion entre les deux hommes lui parvenait, depuis un autre monde. Le cornu ressassait ce beau mariage, comme s’il n’avait jamais été émaillé d’incidents. Il rappela à quel point sa petite sœur était belle et que Zaos avait intérêt à gérer. Il fut assez fier d’extirper de sa poche un gros sachet d’herbes à fumer, avec un petit regard entendu vers Lloyd. Il jacassa encore sur les traditions de sa famille, essayant de leur faire comprendre ce qu’ils ne comprendraient jamais.

-Franchement, t’avais un boulevard avec Kashiina, y’a qu’un con qui aurait pas saisi l’occasion.

Arrête maintenant. Ok ?
Tu veux que j’arrête, maintenant ?
Y'aurait qu'un con pour te demander un truc pareil.


-Moi, j’ai eu quelques touches aussi hein, raconta-t-il en haussant plusieurs fois les sourcils avec un air énigmatique.

Et il décrivit les soi-disant prétendantes dont on pouvait douter de l’existence. Sa voix agaçait l’Inquisitrice, mais elle finit par s’y faire. De toute manière, elle était trop occupée à penser, car chaque mot de Mumkin la rapprochait un peu plus de la guerre. Elle avait entraperçu, à peine, ce qu’aurait pu être une vie sans l’Empire, sans l’Inquisition Sith. Une vie où on tissait des couronnes de fleurs et elle se souvint de Ruth et Mercy qui tentaient de lui inculquer les bases de cet art, entre deux rires provoqués par sa propre maladresse. La couronne fleurie se posa sur la tête d’un enfant mort, exécuté par un tir de blaster à bout touchant. Le souvenir lui remua salement les tripes. Il n’y aurait jamais d’autre vie. Personne n’était innocent. Et il n’y avait jamais assez de morts.



Enfin, les reliefs urbains de Choal, la capitale grouillante de Jabiim, déchirèrent le rideau pluvieux qui n’avait cessé de s’abattre. D’autres landspeeders se mêlaient au trafic pour accéder aux premiers faubourgs de l’immense ville. Et de nombreux airspeeders striaient les airs. Sous la pluie, ils n’étaient que des ombres et des bruits fuyants. Le pilote klaxonna plusieurs fois, ponctuant ses interventions d’insultes. Il fallut encore une éternité pour se frayer une route à travers la densité du trafic. La nuit tombait. Parce qu’elle sentait qu’ils approchaient finalement d’une première étape d’un voyage qui se solderait par leur séparation définitive, Dana fit glisser ses doigts, discrètement, sur le cuir de la banquette, jusqu’à ce qu’ils s’entremêlent à ceux de Hope.





Lloyd et Mumkin avaient disparu depuis quelques temps dans la soute, laissant l’Inquisitrice esseulée dans le vaisseau. Elle avait cru comprendre qu’ils avaient accueilli des derniers cadeaux, de la part de Goshgosh. Elle avait évité le dévaronien aux tatouages, de peur d’avoir des nouvelles d’un enfant auquel on avait donné son propre nom. Elle s’occupait dans sa cabine, à ranger tous les présents de Ruth. Deux caissons étaient ouverts au pied de sa couchette et agenouillée devant, elle faisait un tri pénible et maladroit. Et quand un objet la laissait perplexe, elle soufflait un sourire amusé. Elle rassembla toute la nourriture et les boissons pour les ranger dans l’espace sous son chevet, à portée de main au cas où elle aurait faim. Les vêtements allèrent dans les placards au-dessus de sa couche. Elle remarqua que Ruth lui avait cédé la robe rouge et la dorée, ainsi que la tunique transparente avec laquelle on avait souhaité la sacrifier. Les objets de toilette dans les compartiments autour de la douche. Et les onguents et autres présents trouvèrent place là où il en restait. Elle suspendit un bouquet de plantes séchées qui diffusa une odeur fleurie, lui faisant oublier l’air recyclé qui circulait et qui accentuait sa claustrophobie.

Enfin, elle se rapprocha du minuscule bureau latéral. A côté de la console holographique un peu vieillotte, elle retrouva son étui rempli de cigarras. Et dans la poche de son pull, elle saisit son briquet.

Elle entamait à peine sa cigarette en arrivant dans la coquerie. C’était la pièce la plus « conviviale » du Sans-Visage, l’une des plus grandes également, malgré son encombrement permanent. Après avoir lâché un soupir résigné, elle retroussa ses manches.

Lloyd la trouva en plein rangement. Il aurait pu avoir peur, en la découvrant assise à terre, des tas de caisses ouvertes devant elle. Fouillait-elle vraiment le vaisseau. En sentant sa présence, elle se détourna vers lui, deux rations militaires en main et le gratifia d’un regard à la fois sévère et dubitatif. Clope au bec, elle s’exclama :

-C’est périmé depuis quatre ans ces machins ! Et attention où tu mets les pieds, j’viens de nettoyer le sol.

Dana avait attaché ses cheveux en une couette haute, et quelques mèches rebelles retombaient le long de son visage, à l’œil au beurre noir toujours présent, bien qu’estompé.


-Ce connard de Zal Ykis, c’est ça qu’il aurait plutôt dû confisquer sur ce vaisseau, reprit-elle en secouant la tête avant de jeter les portions périmées dans la caisse qui lui servait de poubelle. Puis, elle se redressa, écrasa son mégot dans un cendrier improvisé sur une table qui paraissait lustrée et pimpante. Il y avait une odeur de produit nettoyant dans l’air. Il arrivait à Mumkin et Lloyd de faire le ménage, sans aucun doute, mais pas au point que la coquerie gagne dix mètres carrés et autant de luminosité.

Il y eut un long silence, durant lequel, elle s’était rapprochée du Sith. Il ne restait entre eux qu’un écart minuscule, de la portée d’un murmure. Elle évitait ses yeux verts et se bornait à regarder le col du T-shirt qu’il portait, sans songer à la peau qui palpitait en-dessous.

-Je t’en veux pas pour Jabiim. J’en veux pas à ton alien non plus. Je veux juste atteindre Ch’Hodos. Je te demanderai pas de prendre de risques. J’ai pas envie que…tu te retrouves piégé comme au Grand Temple.

Dana effleura son bracelet que Ruth avait renforcé en remplaçant les lianes d’herbes par des fines tresses de cuir souple.

-Je suis pas vraiment une princesse.

Ses prunelles dorées remontèrent, frôlèrent le regard émeraude et se hâtèrent de rejoindre le sol.

-Ou alors juste une princesse paumée. Mais merci. D’avoir fait un bout du chemin. J’avais jamais fait équipe avec quelqu’un avant.

Et je pense pas faire équipe avec quelqu’un après.







Mumkin enclencha la fermeture de la passerelle. Il avait passé une heure à papoter avec son cousin, à propos des affaires. Des bonnes affaires. Jabiim étant proche de la frontière, il y avait possibilité pour un transit de marchandises illégales. Les douaniers impériaux étaient faciles à corrompre sur Choal. La passerelle se soulevait et le dévaronien s’apprêtait à retourner au poste de pilotage, mais un bruit l’en dissuada. Il dût activer le levier en sens inverse, la passerelle fit machine arrière et une ombre se détacha juste devant, dressée sur le quai. Il reconnut vaguement les contours d’une silhouette masculine, vêtue de noire, drapée d’un manteau sombre dont les pans étaient assez ouverts pour que l’on puisse remarquer un sabrelaser, pendant à une ceinture. Un mauvais pressentiment saisi Mumkin qui remonta son regard sur la figure qui se dévoilant sous les projecteurs du hall. Un humain, à peine plus jeune que Lloyd, mais tout aussi beau gosse. Cependant, il avait la mine fermée et sévère et des mèches claires retombaient sur son regard glacial.

-Je..j’peux vous aider ? Nan, parce qu’on va décoller là et.

L’inconnu ne répondit pas. Il engagea un pas martial sur la passerelle qui vibra sous son poids. Le dévaronien recula.

-Je viens escorter l’épouse du Seigneur Akusha vers Ch’Hodos.
-Euh…

Le cornu regarda à gauche et à droite, perplexe.

-Je crois que vous vous êtes trompé de vaisseau M’sieur, parce que bon, on connait pas de Seigneur Kusha ici.
-Dana Shar, trancha le jeune homme d’une voix cinglante. C’est pour elle que je suis là.
-Aaaah. Ah. Dana Shar. Genre, l’Inquisitrice ?
-Oui. L’Inquisitrice Sith.
-J’vais la chercher. C’est de la part de son mari, c’est ça ?
-C’est ça.

Mumkin connaissait ce ton méprisant. Encore un spéciste. Mais il ne tergiversa pas et disparut dans les entrailles du Sans-Visage. A peine avait-il émis un sifflement de stupeur. Il avait déjà de la peine pour son patron, mais en même temps : cela lui apprendrait à flirter avec des Inquisitrices Sith, qui en plus d’être des allumeuses, s’avéraient aussi être des menteuses. Il lança un dernier regard vers l’étranger et eut un frisson désagréable. Encore un Sith. Ca commençait à faire trop de Sith dans son environnement proche. Il frappa deux, non plutôt trois grands coups à l’écoutille de la cabine du capitaine. Bam, bam, bam. Et encore, jusqu’à ce que le blond daigne bien lui ouvrir. Mumkin avait un visage grave.



Dana eut un sursaut alors qu’elle terminait de fermer une caisse dans la coquerie. La Force l’avait alertée subtilement, lui arrachant un frémissement inconfortable. Et elle sut qu’il la sentit aussi. C’était impossible, pensa-t-elle, il ne pouvait pas être là. Elle ravala un rire nerveux et abandonna son rangement pour s’élancer vers la passerelle. Elle circula dans la coursive principale, la peur au ventre, l’incertitude battait à ses tempes. Les lumières défilaient, le long d’une tuyauterie technique qui rampait sur les murs et les plafonds.

-Jaden…articula-t-elle en reconnaissant la figure de l’homme en sombre.

Il détourna ses yeux de la couleur de l’acier pour s’adresser à elle avec froideur :

-C’est humiliant de courir après vous, Dana. Je vaux mieux que ça.
-Tu t’es dit que t’allais enfin prouver que t’étais un Sith, râla-t-elle.

La surprise avait laissé place à l’aigreur.
Jaden Ashar était l’un des héritiers de la noblesse Ch’Hodienne. Sa lignée, aussi puissante qu’ancienne, avait toujours pesé dans la balance lorsqu’il s’était agi de conseiller les Seigneurs de Ch’Hodos. Les Ashar, comme leur nom l’indiquait, étaient liés aux Shar. Un lien de vassalité, de sang…personne n’avait jamais vraiment su.

-Et bien maintenant tu m’as trouvé, félicitations. Mais Akusha avait pas besoin d’envoyer un toutou maraudeur, j’allais rentrer seule.
-Je suis là pour m’assurer que vous arriviez à bon port. Rien de plus, rien de moins. Quelle dégaine, railla-t-il sur la fin en accusant le pull gris aux manches retroussés, l’œil au beurre noir, la coiffure inélégante. Une vraie princesse.
-Il va falloir quitter ce vaisseau, maintenant, décida-t-elle, le ton autoritaire.
-Je ne reçois d’ordres que du Seigneur de Ch’Hodos, Darth Akusha. A moins que vous ne vouliez que nous combattions ici.

Elle contracta sa mâchoire, lançant une œillade vers la coursive principale. Un combat, ici. Elle pourrait repousser Jaden sur le quai et engager le combat loin du Sans-Visage. Elle ne voulait pas mêler Lloyd Hope à ces histoires de planète. Mais elle ne faisait confiance qu’au hapien pour ce trajet. Elle se sentit acculée, comme une proie dans les phares d’un landspeeder. Elle entendit des pas. Lloyd et Mumkin approchaient. Elle devait prendre une décision maintenant. Jaden fit quelques pas de plus. Et elle en fit quelques autres vers lui, jusqu’à ce qu’ils se fassent face.

-Une fois sur Ch’Hodos, tu regretteras de ne pas avoir suivi les ordres d’une Shar, murmura-t-elle, pleine de haine.
-Quelle Shar ? Il n’y a plus de Shar depuis la mort de la princesse Damaya, répliqua-t-il dans un sourire froid, sur le même ton.



Lloyd Hope
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- Tu sais qu’c’était pas vrai, en fait, fit Lloyd en jetant un regard circonspect sur la coquerie, qui n’avait pas eu telle allure depuis un paquet de temps. Que t’es pas la femme de ménage du vaisseau ?

Il lui sembla que sous une mèche qui retombait sur le visage de Dana, il aperçut un petit sourire. Cela lui suffit et il repartit s’occuper de sa cabine.

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-------- Y'a son mari qui la réclame.
- Hein ? Quoi, à qui ?
- A Dana Shar. Dana Shar, épouse du Seigneur Jsépukoa.

Lloyd cligna des yeux plusieurs fois. Il venait tout juste de ranger les quelques cadeaux de la famille de Mumkin dans sa cabine et sa mémoire étant encore remplie d’objets à des lieues du charabia de son pilote, il n’arrivait pas tellement à mettre du sens sur ces mots inattendus. La tête jaunâtre du dévaronien cependant le toisait avec beaucoup trop d’intensité. Lloyd se passa une main sur le visage. Ces trois jours n’avaient pas tellement été reposants.

- Qu’est-ce que tu racontes.
- Je raconte que tu devrais voir par toi-même, le type attend sur la passerelle, là, maintenant. Il veut monter à bord. C’est un Sith aussi, pour info.

Le hapien sortit dans la coursive et s’achemina jusqu’à la passerelle, où un homme d’une trentaine d’années se tenait, la posture rigide. L’homme l’accueillit avec un regard de supériorité glaciale, dans une tenue noire et taillée sur mesure – du genre des Sith issues de familles. Des vrais Sith avec un héritage.
Lloyd resta sans voix quelques secondes.

- Et... vous êtes ?
- Lloyd Hope, s’entendit-il répondre en écarquillant des yeux ahuris.
- Ok Lloyd Hope. Dana Shar est à bord ?
- … Oui.
- En ce cas, j’embarque aussi. Prenez ça comme un ordre de l’Inquisitrice.

L’homme passa avec assurance devant un hapien pantois.

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-------- … et donc, la route qu’on a pris à l’aller ça va pas fonctionner, il paraît qu’il y a des patrouilles de dingue, à cause de la guerre civile ils ont dû vouloir mettre le paquet autour d’Ossus si tu veux mon avis. Bref, pour pas perdre de temps, si on peut pas remonter par la Perlemienne, faut qu’on récupère la Voie Hydienne en longeant la frontière, et on ressort dès qu’on peut. Alors j’aurais bien dit Botajef, mais ça a l’air compliqué ce secteur aussi…

Dans le cockpit, Mumkin était penché depuis son fauteuil sur une carte holographique. Dans le siège du copilote, Lloyd regardait la carte sans la voir. Et il écoutait d’ailleurs aussi le dévaronien sans l’entendre. Dans leur dos, l’écoutille du cockpit était verrouillée, fait rarissime pour être noté : cela faisait partie de leurs petites habitudes de la laisser toujours ouverte, pour pouvoir circuler plus facilement, pour pouvoir s’entendre à travers le vaisseau si l’un des deux appelait. Mais quand Lloyd avait brutalement fermé l’ouverture – la porte avait grincé de protestation, peu coutumière d’un tel traitement – Mumkin avait soigneusement évité de faire un commentaire.

- … donc soit avant à Phindar, mais après on va perdre un temps fou, parce qu’il faudra contourner la zone par Yavin et franchement, j’aime pas trop ce coin c’est plein de champs d’astéroïdes. Le plus simple c’est de tirer un peu plus loin, jusqu’au secteur Quelli, comme ça pfiout, direction Celanon et on n’a pas besoin de sortir de la Voie jusqu’à bifurquer vers Ch’hodos et voilà l'travail. Qu’est-ce que t’en penses ? Lloyd ? Hé, t’as rien écouté ou quoi ?

Le hapien soupira.

- Si, si. On prend la route que tu veux, j’te fais confiance. Combien de temps ?
- Ben, c’est là que le bât blesse, il va nous falloir plusieurs jours.
- C’est-à-dire.
- Ben j’sais pas, j’dirais au moins six ou sept. Mais bon, le plus long ça va être de traverser le bras républicain, après on va longer la frontière, on pourra passer en hyperespace sur des tronçons plus importants. Tu crois que tu vas tenir ?
- Quoi ?
- Tu sais, quoi.

Lloyd jeta au dévaronien un regard vide. La carte holographique jetait sur les cornes abimées de Mumkin des lueurs bleues graphiques. Le hapien resta silencieux un moment, refusant de répondre à la remarque du pilote.

- Bon ben on décolle, t’attends quoi.
- Ben faudrait peut-être prévenir les passagers. Si tu veux j’m’en occupe moi-même, mais c’est un peu le rôle du capitaine, alors…
- C’est bon, on décolle, et j’vais leur expliquer.

Le hapien s’extirpa du fauteuil de copilote tandis que Mumkin faisait disparaître la carte holographique avant d’enclencher un à un les commutateurs d’activation sur le tableau de bord. Un bourdonnement emplit l’habitacle, et des voyants lumineux s’illuminèrent les uns après les autres dans une cadence bien rodée.

- J’t’avais bien dit qu’c’était une mauvaise idée de la culbuter celle-là, grogna le dévaronien tandis que Lloyd déverrouillait l’écoutille dans son dos.
- Ferme-la et vole.

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-------Lorsque la passerelle fut fermée et que Lloyd apparut, blême, dans l’embrasure de la coquerie, Dana et le seigneur son époux se faisaient face. L’homme affichait un sourire en réponse à la mine furieuse de l’Inquisitrice et leurs visages n’étaient qu’à quelques centimètres l’un de l’autre. Le hapien s’éclaircit la gorge pour faire remarquer sa présence.

- Nous partons, annonça-t-il, glacial. Il y a trop de patrouilles républicaines sur le chemin que nous avons pris à l’aller. Nous devons faire un détour, un peu long.

Il ne savait plus par où. Ça n’avait pas d’importance.

- Le voyage va prendre quelques jours. Mais… Faites donc comme chez vous, ponctua-t-il, acide.

Il posa sur Dana un regard ulcéré. Te gêne pas pour moi, surtout.
Lloyd tourna les talons et les laissa à l’intimité qu’ils désiraient certainement. Il remonta la coursive d’un pas hâtif, s’engouffra dans sa cabine et en referma précipitamment l’écoutille.

La cabine lui parut vide et désordonnée à la fois. Le hapien s’assit avec lenteur sur sa couchette, et posa un regard éteint sur la couverture supplémentaire qu’il avait jeté là quelques minutes plus tôt.










Une couverture pour le cas où il y aurait une personne de plus à couvrir dans le petit espace exigu qui lui servait de lit.









Il repensa aux doigts qu’elle avait glissé entre les siens, dans le landspeeder.









Le retour à la réalité était plus brutal qu’il ne l’aurait cru.
C’allait être un long voyage.

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-------

-------Le Sans Visage avait quitté l’astroport de Choal sans problème. L’Empire était en effusion, et dans ce coin de la galaxie les contrôles étaient peu fréquents. Avec trois Sith à bord, ils risquaient de toute façon peu d’être inquiétés. L’appareil s’était donc éloigné de la surface de la planète, et par les hublots, on apercevait à travers l’atmosphère de Jabiim les interminables étendues vert-bleu qui recouvrait ce monde.

Les premières heures se déroulèrent dans un froid glacial. Les suivantes, dans un froid polaire. Lloyd passait le plus clair de son temps enfermé dans le cockpit ou bien dans sa cabine. Mumkin faisait tranquillement son travail de pilote en essayant ni de se retrouver dans les pattes de l’Inquisitrice et son Seigneur de mari, ni dans celles de son patron qui de toute façon ne répondait que par des répliques cinglantes et désagréables. Pourtant, il ressentait une certaine tranquillité : avec un coup de théâtre pareil, ils débarqueraient les deux époux vite fait bien fait à leur destination et la vie pourrait reprendre comme avant. Il retrouverait son patron blasé, à qui il arrivait à extorquer quelques autorisations tacites pour faire ses affaires de contrebande en échange de quelques services discrets et de savoir tenir sa langue et ses oreilles. Leur arrangement fonctionnait si bien, de toute façon, qu’il avait eu peine à croire qu’une Inquisitrice aurait réellement pu s’immiscer là-dedans durablement. Bon, le patron était d’une humeur massacrante, mais ça lui passerait. En attendant, Mumkin s’était retrouvé à faire passer lui-même les messages à leurs passagers, et vice-versa, Lloyd ne leur adressant pas la parole. Inconfortable, mais dans quelques jours, il serait donc libéré.

La navette sortit brusquement d’hyperespace et les occupants du vaisseau furent bousculés. Le dévaronien se rattrapa au tableau de bord avec un grognement. La baie du cockpit s’était brusquement assombrie et un son aigu, comme le sifflement d’une fuite de gaz sous pression, se fit brièvement entendre. Mumkin jura et se mit à contrôler les radars. C’était une précaution inutile : ils étaient seuls au milieu de nulle part. L’espace noir emplissait tout leur univers.

Le dévaronien haussa les épaules et réenclencha quelques commutateurs, avant d’appuyer sur une manette. Rien ne se produisit. Mumkin fit la moue.

- Hum… LLOYD ? Lloyd !

Pas de réponse. Mumkin s’extirpa de son fauteuil et alla frapper à la cabine de son patron, jetant des œillades inquiètes vers le fond de la coursive, espérant ne pas croiser tout le gratin de Ch’hodos qui s’y promenait peut-être.

Personne ne lui répondit.

Si Lloyd n’était pas dans sa cabine, et qu’il ne l’avait pas entendu depuis la coquerie, c’était donc qu’il était fourré dans la salle technique, au milieu du brouhaha ronronnant des machines. Le dévaronien s’empressa de trouver l’échelle et d’y descendre.

-------

-------

-------Cling, clang, cling, clang, cling.

- C’est qui ? aboya le hapien.
- Ben c’est moi.

La tête du dévaronien apparut dans l’espace encombré de tuyaux. La pénombre habituelle des lieux permettait toutefois de voir à peu près la silhouette de Lloyd, à genoux penché sur il-ne-savait-quoi, et Mumkin déglutit.

- On est sortis d’hyperespace.
- Ça, j’ai bien senti, merci, grinça Lloyd.

Le dévaronien soupira en baissant les yeux. Sa vision s’habituait à l’obscurité et il comprenait soudain l’agacement de son patron : une boite entière de petites seringues en verre était renversée et le hapien essayait de les replacer précautionneusement dans le coffret sans les casser.

- J’crois qu’c’est les pressurisateurs de l’hyperdrive.
- Ben, redémarre-le.
- Ben, j’ai essayé, ça marche pas.

Lloyd leva les yeux vers le dévaronien.

- Comment ça, ça marche pas ?
- Ben, ça répond pas.
- On est où ?
- En plein secteur Belsmuth.

Les deux comparses échangèrent un regard interdit.

- C’est pas bon, ça.
- Ben non.
- Y’a quelqu’un ?
- Nan, pas sur les radars en tout cas.
- Coupe le transpondeur. On est loin de Quelli ?
- Bah… A quelques heures quand même.

Le hapien soupira.

- Je t’avais dit qu’il fallait les faire réviser !
- Mais ouais mais avec Khar Delba, j’ai pas eu le temps ! Et on devait aller vite sur Jabiim…
- Hé bah on s’en s’rait peut-être bien passé, de Jabiim, surtout si ça impliquait qu’tu assures plus le B-A-BA de notre sécurité, lâcha Lloyd d’une traite, amer. Si je tiens mes promesses ça reste en échange que tu fasses ton putain de job, il me semble.

Mumkin ne dit rien. Ça ne servait à rien de discuter avec le patron dans ces moments-là. Il attendit quelques secondes, à triturer son veston.

- Heu… Bon, on continue sans hyperdrive alors ?
- Tu vois une autre solution ? s’énerva Lloyd, encore penché sur sa petite œuvre, à côté des bidons de slick.
- Ben non. Je passe en pilotage manuel alors. Dès qu’on arrive dans le secteur Quelli, je trouve un endroit où nous poser et je répare ça, c’est sûrement qu’une durite de…
- Ouais, ouais, fais ça.

Le dévaronien amorça un pas pour remonter sur l’échelle, mais il hésita.

- Heu… Tu fais quoi en fait ? demanda Mumkin sur un ton innocent.
- Qu’est-ce que ça peut t’faire.
- Ben… J’préfère savoir, si tu déranges tout et que y’a besoin de…
- Rien, rien. Je prépare des munitions, voilà. Comme ça ça ira vite.
- Ah. Bon.

Ça ne lui disait rien qui vaille. Mais ça ne servait toujours à rien de parler au patron dans ces moments-là.

- Bon ben, je préviens les passagers, hein ?
- Ouais, assure-toi aussi que personne ne descende ici. Dis qu’il y a une fuite dangereuse là-dedans ou jsais pas quoi, ok ?
- Comme tu voudras.

Mumkin consentit cette fois à remonter l’échelle.

Il ne restait plus qu’à parler aux passagers, pour leur annoncer le contre-temps technique. Le dévaronien se présenta devant la porte de la cabine de Dana Shar et son époux le Seigneur Onsavaitplukoa, et il arrangea son veston. Puis il leva une main pour la taper contre l’écoutille.

Toc toc toc.

- ALORS HUM. NAVRE DE VOUS DERANGER MONSIEUR ET MADAME, heu... LEURS EXCELLENCIALITES, annonça-t-il à travers la porte fermée, MAIS JE DOIS VOUS SIGNALER UN LEGER CONTRE TEMPS. NE VOUS INQUIETEZ PAS ET heu… NOUS VOUS PRIONS DE BIEN VOULOIR RESTER DANS VOS CABINES OU DANS L’ESPACE COMMUN DE DETENTE LE TEMPS QUE LA SITUATION SOIT REGLEE CAR UN INCIDENT TECHNIQUE DANS LE COMPARTIMENT INFERIEUR POURRAIT CAUSER DES DESAGREMENTS heu… OLFACTIFS. GENRE CA PUE BEAUCOUP DESCENDEZ PAS QUOI. LE CAPITAINE S’EXCUSE. Fin pas trop en fait mais bon… ET MOI AUSSI. BONNE… SUITE DE VOYAGE.

Et voilà l'travail.
Darth Hope
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Une flamme jaillit dans l’espace exigüe de la cabine.
Dana la porta, d’une main tremblante de colère, à la cigarra qui dépassait de ses lèvres charnues. Et elle était assise en tailleur sur sa couchette.et sa couette haute frôlait le plafond bas. En face d’elle, adossé contre un mur, Jaden patientait dans le silence le plus glacial, aussi immobile qu’une poupée de cire.

-C’est quoi l’topo en fait ? grinça-t-elle, encore enragée par les propos qu’il avait tenu sur Damaya Shar. Tu fais tout ce chemin depuis Ch’Hodos, en te cassant bien le cul pour pister ma trace je suppose, tout ça pour que je devienne ton espèce de prisonnière ? Prisonnière d’Akusha, c’est sérieux là ? J’ai pas de comptes à rendre à ce vieux con, s’il est encore là….c’est GRACE A MOI ! Et à ce mariage à la con !

Sa voix avait dérapé sur les derniers mots, elle fut incapable de se maîtriser. Elle se dépêcha d’inspirer une bouffée de toxines pour s’apaiser, mais cela ne fonctionnait qu’à moitié.

-Le Seigneur Akusha souhaite que son honorable épouse s’agenouille devant l’Empereur Ramken afin de pacifier Ch’Hodos. Qui est actuellement en proie à une guerre civile interne qui menace de décimer son peuple, expliqua-t-il sans émoi. Je suis là pour m’assurer que vous ne ferez pas demi-tour et qu’une fois là-bas, vous reconnaissiez sa légitimité à Darth Ramken. La fuite, ça vous connaît tellement, que cette précaution est nécessaire.

L’Inquisitrice fut secouée d’un rire abrupt et froid. Elle mit quelques secondes à reprendre le contrôle de cette hilarité qui trahissait sa contrariété sous l’indifférence de son homologue.

-M’agenouiller devant Ramken, t’es au courant d’où je reviens là ?
-Khar Delba. Nos renseignements ont été assez efficaces là-dessus.
-Ramken se déclare Empereur, j’en ai rien à foutre. Il décapite qui iil veut, rien à foutre aussi. Mais il se permet d’envahir Ch’Hodos avec le soutien de ce connard d’Akusha, de cette traîtresse qui est ma propre mère ?! Papa vous tuerait tous, à commencer par toi. Et c’est ce que je ferai aussi, t’en fais pas.
-Dana. Réfléchissez pour une fois dans votre misérable vie. L’Empereur Ramken est prêt à redonner à Ch’Hodos sa gloire passée.
-Il n’y a qu’un descendant de Shar Dakhan pour ça ! cria-t-elle en le fustigeant du regard, comme s’il venait de blasphémer.
-Il est prêt à faire de Ch’Hodos le nouveau Khar Delba, la nouvelle Korriban de l’Empire, un centre de religiosité sith précieux et sacré, insista-t-il en ignorant sa colère.
-Ce sont des conneries…Quoiqu’il vous ai promis…
-Dame Shar (Et il faisait référence à Damaya derrière ce nom plein de respect) n’aurait pas hésité une seule seconde à faire le bon choix.

La nouvelle mention de sa sœur fut de trop. Elle mobilisa la Force et d’un geste brutal, lança une onde qui le plaqua à la paroi et mobilisant la télékinésie, elle maintint la pression et si elle avait pu le tuer, l’étouffer, elle n’aurait pas hésiter une seule seconde.

-T’es pas autorisé à salir sa mémoire.

Le regard de Jaden changea brutalement. Il se voila d’un éclat de noirceur et Dana sentit la Force lui échapper comme une eau fuyante. Il fut délivré de l’emprise de l’Inquisitrice et se jeta sur elle aussi déterminé qu’un prédateur qui verrouillait sa proie. Les doigts gantés du Sith se refermèrent sur la gorge fragile de Shar. Il la souleva à la force de son bras et la plaqua violemment sur la couchette. Si violemment que le choc se répercuta le long de sa colonne vertébrale. Un geignement de douleur mourut dans sa trachée comprimée par la paume de l’émissaire Ch’Hodien qui la fixait avec une haine démesurée. Elle cligna des yeux, ses forces semblaient s’envoler. Même chercher de l’air et résister devenaient des efforts surhumains.

-N’outrepassez pas les limites, Dana. Je pourrais absorber votre vie, jusqu’à ce que vous ne deveniez plus qu’un corps desséché. Votre survie, vous la devez au Seigneur Akusha. Il vous veut vivante. Vous n’êtes qu’un pion sur l’échiquier.  Nous avons tous besoin de votre docilité.

Des voiles noirs passaient devant son regard alors que l’oxygène se raréfiait dans son corps et que ses lèvres prenaient une teinte bleutée. Ce faible fil qui la raccrochait encore à la vie, elle le devait à l’excellente maîtrise de Jaden pour la Force. Il avait un contrôle délicat du domaine de la corruption. Assez pour ne pas tuer lorsqu’il ne le souhaitait pas. Penché sur elle, il avait figé ses prunelles d’acier dans celles de l’Inquisitrice.

-La Force ne trompe pas. Vous n’avez jamais changé. Vous ne pouvez pas changer. Toujours aussi disgracieuse, faible, inapte. Votre rang d’Inquisitrice, vous ne le devez qu’au caprice de votre maîtresse. Votre survie sur Khar Delba, qu’à un petit coup de chance qui ne sourit qu’aux plus faibles de ce monde. C’est vous qui salissez la mémoire de Dame Shar, par votre propre existence.

Elle anticipa les larmes qui grimpèrent à ses yeux dorés pour les baigner d’une eau à la fois enragée et impuissante. Elle pleurait. Devant Jaden Ashar. L’humiliation enserra son cœur déjà à l’agonie. Aux plus faibles de ce monde. Qu’en savait-il ? Enfin, il desserra sa prise. L’air et l’énergie regagnèrent progressivement son corps, tandis que sa poitrine était silencieusement secouée par des sanglots silencieux, par le choc. Son bras pendait lâchement hors de la couchette, et sa cigarra s’était presque consommée. De ses doigts tremblants glissa le mégot.

-Je suis ravi que vous ayez pris l’excellente décision de coopérer, Dana. Le Seigneur Akusha sera ravi aussi. Son épouse lui a beaucoup manqué. Et l’Empereur Ramken saura récompenser votre excellent choix.

C’était ça, la loi du plus Fort, hein ?

Et des coups secs étaient venus ponctuer sa défaite cuisante. Jaden avait souri aux propos de Mumkin. Tout semblait sous contrôle.








Par un malheureux hasard, ils se retrouvèrent tous à la coquerie. Cela n’était pas arrivé depuis des dizaines d’heures. Lloyd Hope avait passé son temps à éviter le monde, chose exceptionnelle dans un endroit aussi confiné qu’un vaisseau de la taille du Sans-Visage. Mais le temps et l’espace venaient d’atteindre leurs limites. Jaden était posté dans un coin, dans le dos de l’Inquisitrice qu’il ne lâchait pas du regard, comme sa mission l’exigeait. Et Dana était devant un plat, froid qu’elle fixait sans le voir. Elle avait détaché ses cheveux pour les ourler artificiellement autour de son cou, et occulter la marque que les doigts de son compatriote avaient laissé sur sa peau irisée. La présence de Lloyd la sortit à peine de sa léthargie.

Il eut un profond silence.


-Lloyd Hope, n'est-ce pas ? fit l’émissaire. Votre nom me dit vaguement quelque chose. Vous avez été l’apprenti de Darth Laduim? Je parie que cela à impressionner, Dana.

Jaden s’approcha de l’Inquisitrice, il fit courir froidement ses mains gantées dans sa chevelure pour la dégager dans son dos et révéler l’état de sa gorge, comme si cela était un avertissement tacite et silencieux.

-Elle est facilement impressionnable.
-La ferme…souffla-t-elle, mais sa voix porta à peine.

Elle tendit la main vers sa cigarra et son briquet, qui gisaient pauvrement à côté de son plat, mais Jaden les éloigna d’elle à l’aide de la télékinésie.

-Il va falloir abandonner ces mauvaises habitudes. Ch’Hodos attend un héritier pour sa stabilité politique. Vous devez donc ménager votre corps, et votre santé. Cela fait trop longtemps que ce mariage est stérile.

Un rire échappa aux lèvres pâles de Dana. Un héritier ? C’était quoi cette connerie, encore ? Il n’avait jamais été question d’héritier lors de son union avec Akusha. Comment cela aurait-il été possible de la part d’un vieil homme qui passait son temps à la dédaigner et à s’endormir dès qu’il partageait sa couche. Et ce sujet était particulièrement gênant maintenant qu’il était abordé devant Hope, dont elle évitait patiemment le regard. La honte était trop grande.

-Dana et moi avons grandi ensemble, sur Ch’Hodos, raconta platement Jaden en s’éloignant d’elle, comme s’il tenait à mettre les choses au clair avec l’autre Sith également. Nous nous connaissons bien, n’est-ce pas ?
-Tu parles d’une enfance, lâcha-t-elle après s’être penchée un peu plus pour récupérer ses cigarettes. L’envie de fumer l’avait emporté sur la faim, et au diable cette histoire d’héritier. Elle se remémora l’accouchement de Mercy et crut vomir à la simple idée de devoir partager son sort à l’avenir. Elle ne serait jamais faite pour ça.
-J’espère que vous ne vous étiez pas trop attaché à elle. Même si, en tant que Sith, je ne vous prêterai pas une faiblesse aussi conséquente. Mais il me semble tout à fait étrange qu’elle se retrouve sur le vaisseau de l’apprenti du Castellan Noir, par un simple hasard des choses.

Après tout, sa mission consistait à rassembler le maximum d'informations sur Dana Shar afin de faire un rapport des plus exhaustifs au Seigneur Akusha. Jaden Ashar n'était pas du genre bavard, ou à s'épancher en discussion mondaine. Et ses yeux dardés sur la nuque de Dana, comme une arme la tiendrait en respect, avaient repris leur froideur habituelle.

Lloyd Hope
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Lloyd avait croisé les bras, épaule contre le montant de l’écoutille ouverte qui donnait sur la coquerie. Il resta un moment silencieux, mal à l’aise. La marque dans son cou, le briquet et les cigarras écartés, cette histoire d’héritier. Tout cela ne me regarde pas, avait-il envie de leur cracher au visage. Qu’elle aimât ou qu’elle acceptât que son mari l’étrangle pendant qu’il la besognait, et qu’ils espéraient une grossesse de cette union, tout cela appartenait à une vie intime dont il ne voulait rien savoir.

- Apprenti de Darth Laduim, vos informations sont correctes, confirma-t-il, sombre. Et vous, vous êtes ?
- Jaden Ashar, en charge des troupes impériales sur Ch’hodos.

Le hapien haussa les épaules.

- Jamais entendu parler.

Voilà qui remettait un tout petit peu les choses à leur place, dans un premier temps. Sur Ch’hodos, ce Jaden Ashar était peut-être quelqu’un, mais pas sur ce vaisseau, pas dans la hiérarchie de cet Empire où on n’avait jamais entendu parler de lui. Quand il échangea un regard glacé avec le Sith, il vit dans les yeux de Jaden Ashar que celui-ci avait parfaitement compris le message. Les pupilles du Sith brillaient de fureur. Lloyd soutint ce regard avec un visage impassible.

- Bref. Nous allons devoir faire escale pour une raison technique. Je passais juste vous donner quelques recommandations. Notre objectif est de nous poser sur un vaisseau stationnaire militaire afin que nous puissions faire les réparations requises.
- Votre appareil ne m’avait pas l’air fiable, en effet, fit Jaden, cynique.
- Le CS Escorial a déjà répondu à notre appel en ce sens, poursuivit Lloyd d’une voix cassante, ignorant la remarque. Nous l’accosterons dans une heure.

Le hapien fit une pause, le temps d’obtenir l’attention du Sith.

- Il va de soi que c’est un vaisseau loyaliste, précisa-t-il. Et même si nous sommes évidemment tous loyalistes à bord et celui-là, d’avertissement, tu le saisis ?les membres de l’équipage seront certainement nerveux. Tout Sith que vous soyez, je vous demanderai de rester à bord du Sans-Visage et la mettre en veilleuse. Je vais devoir m’absenter pour m’entretenir avec le commandant de bord pendant que Mumkin s’occupera des réparations.

Lloyd en profiterait certainement pour contacter Darth Laduim et lui demander exactement qu’elle était la loyauté de ce Jaden Ashar. Avec un peu de chance, il me demandera de m’en débarrasser.
L’homme en question parut contrarié.

- Vous manquez de subtilité, lâcha Jaden sur un ton envenimé.

Lloyd désigna d’un coup d’œil l’Inquisitrice dont la chevelure dissimulait une partie de son visage.

- Et vous de savoir-faire, rétorqua le hapien, avant de s’éloigner vers le cockpit.

Dans la coquerie, Dana et Jaden restèrent seuls. Le silence ne dura que le temps nécessaire à ce qu’ils fussent sûrs que le hapien ne les entendrait pas. Alors l’émissaire glissa sa main gantée dans la nuque de Dana et serra les doigts, lui infligeant une pression douloureuse, mais il n’utilisa pas ses pouvoirs.

- Tu sais ce qui aiderait beaucoup Ch’hodos, Dana ? siffla Jaden. Qui te permettrait un peu de te racheter ? De briller pour ton retour sur notre planète ? Que l’on ramène la tête de l’apprenti du Castellan Noir à Ramken.

Il relâcha doucement sa prise, pour se mettre à replacer tranquillement les cheveux de l’Inquisitrice, comme on arrangerait une poupée.

- Evidemment, je ne peux pas m’en prendre à lui comme ça, tu serais fichue de lui venir en aide. Mais réfléchis-y.

-------

-------

-------Dans sa cabine, Lloyd avait revêtu son uniforme qui, cyniquement, le rapprochait de l’allure de Jaden Ashar lui-même : une tenue noire, des gens noirs, une ceinture où pendaient son sabre laser et son blaster de chaque côté de ses hanches. Avant de mettre sa veste, cependant, il glissa dans la poche intérieure de celle-ci, près de son laissez-passer qui lui tenait toujours lieu de papiers d’identité à cause de cette foutue Inquisitrice, un étui à lunettes.
Certes, il ne portait pas de lunettes.

Il entendit des bruits étouffés venant de la cabine d’à-côté et s’efforça de tenir la bride de son imagination glauque.

Bam bam bam.

- Lloyd ! On est en approche ! L’officier de liaison veut te poser quelques questions avant d’autoriser l’atterrissage, tu viens ?
- J’arrive, grommela le hapien en déverrouillant sa cabine.

Mais au moment où il posa un pied en dehors de celle-ci, il y eut une secousse brutale et toutes les lumières du Sans-Visage s’éteignirent. Le hapien perdit l’équilibre et tomba à genoux à côté de Mumkin lui-même qui venait de glisser sur son séant dans une obscurité totale. Le vaisseau était devenu soudain très silencieux. Ça ne pouvait pas être bon signe.

- Merde. Les moteurs ont lâché ?
- On dirait, glapit Mumkin, que Lloyd entendait se relever avec frénésie.
- Va essayer de relancer depuis le cockpit, je vais voir pourquoi le jus est coupé en bas.

Le hapien se mit à chercher à tâtons, à genoux, la voie vers l’échelle, qui descendait dans la pièce technique. Pendant ce temps, Dana et Jaden étaient certainement enfermés dans le noir, dans leur cabine. Les écoutilles fonctionnaient grâce à l’électricité et sans connaître les manipulations à réaliser, ils n’avaient aucun moyen de sortir de l’espace exigu de leur cabine.
Lloyd était cependant loin de s’inquiéter pour cela : à l’heure actuelle, ils étaient en train de dériver sans plus aucun contrôle sur la trajectoire de leur vaisseau et ça c’était autrement plus flippant.
Il parvint à la fameuse échelle et se laissa glisser à la hâte dans la pièce inférieure. Heureusement, Mumkin et lui connaissaient leur appareil sur le bout des doigts et y circuler dans le noir n’était pas si difficile. Il s’orienta, courbé, dans le petit espace et s’agenouilla devant un panneau qu’il ouvrit à tâtons. A l’intérieur, plusieurs voyants clignotaient, rouges. Il actionna plusieurs interrupteurs dans un sens, puis les réenclencha dans l’ordre inverse. Certains voyants restaient rouges, deux d’entre eux passèrent au orange.

- MUMKIN ! cria-t-il vers l’échelle. ESSAIE DE REDEMARRER LA ?

Il entendit la voix du dévaronien lui répondre de patienter. Quelques secondes plus tard, les voyants rebasculèrent au rouge.

- Hé merde.

Avec frénésie, il recommença l’opération, sans succès. Il vérifia des branchements à tâtons, s’agaça en jurant. Il chercha dans un autre compartiment, et il put enfin mettre la main sur la lampe torche laissée là au cas où. Un faisceau lumineux éclaira l’endroit. Il braqua la torche sur l’arrière du panneau de commandes, où de multiples branchements se croisaient, et se mit à les vérifier un à un. Mais il ne trouvait rien qui clochait.

- LLOYD ! LLOYD !
- QUOI ?
- L’ATMOSPHERE ! LA GRAVITE ! ON EST TROP PROCHES DE DATHOMIR !
- HEIN ?!


Le hapien se mit à paniquer. Ils étaient proches de la planète. Sans correction de trajectoire, ils allaient en effet être attirés par la gravité et s’y écraser s’ils ne parvenaient pas à redémarrer les moteurs à temps pour se positionner en orbite.

Comme pour confirmer ses pensées, il sentit le Sans Visage se mettre à vibrer.

Il coinça la torche entre ses dents et entreprit de tout débrancher avec des gestes désordonnés. Puis à tout rebrancher.

Le Sans Visage vibrait désormais tant qu’il lui devenait difficile, d’insérer correctement les fiches dans les orifices prévus à cet effet. Ils traversaient l’atmosphère, devina-t-il, et probablement que par les hublots, les passagers pouvaient soudain voir le sol de la planète se rapprocher à toute allure.

Ah bah, je vais p’t-être le buter plutôt que prévu, le Jaden Ashar. Dommage que ça signifiait enterrer son pilote et la Princesse de Ch’hodos en même temps.

- MUM REDEMARRE MAINTENANT ! hurla-t-il en priant pour que sa voix couvre le tonnerre produit par le frottement de l’air contre la carlingue du Sans-Visage.

Bientôt, ils sentirent l’attraction de la gravité à l’intérieur du vaisseau qui concurrençait le système de gravité artificielle. C’était à dire, que le sol devint progressivement un mur, et que tous les passagers, Lloyd comprit, devait s’accrocher à ce qui leur tombait sous la main pour ne pas valdinguer contre un mur devenu un sol. Une myriade d’objets volèrent dans l’appareil.

-------

-------

-------Dans le cockpit, Mumkin n’avait pas pris le temps de remettre sa ceinture. Il flottait de côté dans le siège de pilote et il appuyait frénétiquement sur la manette devant lui, par à-coups.

- J’ESSAIE MAIS CA MARCHE PAAAS ! CAAA MAAAARCHE PAAAAAAS, gueula-t-il d’une voix beaucoup plus aiguë que d’ordinaire.

De l’autre côté du transparacier, il voyait la planète se rapprocher follement.



De loin, la surface de Dathomir paraissait rouge grenat. Des tâches sombres s’étendaient, là où les forêts marécageuses étaient les plus denses. Des montagnes par endroit déchiquetait un ciel sombre avec une certaine majesté. En d’autres circonstances, le spectacle en valait la peine.



Mais Mumkin ne voulait pas mourir là.





























Les moteurs se rallumèrent à quelques kilomètres au-dessus de la surface. Soudain, sous les doigts glacés du dévaronien, la manette répondit. Il l’enclencha brutalement et le Sans-Visage bascula.

- WOUUUUH !

Il partit dans une vrille catastrophique. Dans la soute, les caisses basculèrent les unes contre les autres.

- J’VAIS REGLER CA ATTENDEZ ! hurla Mumkin que plus personne n’entendait.

Mais le sol se rapprochait trop vite. Quand le dévaronien réussit à stabiliser le Sans-Visage dans un sens adéquat, celui-ci était toujours lancé à pleine vitesse et il décapitait la cime des arbres d’une haute forêt. Le fracas du bois sur la carlingue s’ajoutait au grondement des moteurs qui rugissaient. Mumkin essaya de ralentir, secouant encore dans un nouveau sens tout le contenu de la navette.

L’instant suivant, le Sans Visage sortit des branchages pour survoler un grand marécage sombre et Mumkin vit là l’opportunité de tenter un atterrissage tout en douceur.

La douceur fut telle que le crâne de Mumkin percuta le tableau de bord quand les patins du vaisseau rencontrèrent le sol boueux de Dathomir.
Darth Hope
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Dans la coursive qui menait aux cabines, Jaden la gratifia d’un brusque coup sur l’omoplate pour la contraindre à avancer plus vite. Mais ses pas refusèrent d’accélérer. Elle repensait aux mots tranchants de Lloyd, à son regard ulcéré, à sa froideur. Il avait vu la marque sur la gorge et s’était contenté…s’était contenté de quoi ? repensa-t-elle. De jouer à l’apprenti du Castellan Noir comme si de rien était ? De se lancer corps et âme dans un concours d’ego Sith ? Elle avait cru qu’il valait mieux que Jaden Ashar et tous les autres. Mais voilà, l’erreur de jugement que Zora lui avait prédit en retournant la carte de la Justice. Elle se serait trompée sur toute la ligne à propos de Lloyd Hope. Il la prenait, puis l’abandonnait. Davantage qu’un Sith, c’était un homme.

Cling.

Jaden referma brusquement l’écoutille de la cabine et elle déglutit. Il était temps de se préparer à quitter le Sans-Visage. Elle ne pourrait aller avec jusque Ch’Hodos, sa décision était prise. Elle se préicpita vers ses affaires, rattacha l’étui de sa pique-laser à la cuisse sous l’attention glaciale de son compatriote. Elle y glissa son arme, contente de retrouver le poids familier de la garde contre le galbe de sa jambe. Elle se dépêcha de rattacher ses cheveux en un chignon lâche et retira le pull gris en serrant les dents, enragée. Ashar détourna le regard quand la taille nue de l’Inquisitrice se dévoila, contractée par ses mouvements secs.

-Il est hors de question que j’apporte la tête de Lloyd Hope à qui que ce soit, fit-elle, contrariée.
-Par faiblesse pour lui, je présume.

Elle se figea, un débardeur sombre entre les mains et se retourna pour lui faire face, outrée par la remarque.

-Par manque de temps. Et par sens des priorités. J’irai sur Ch’Hodos avec toi, j’ai compris. J’vais faire le grand blabla devant Akusha, pacifier mon peuple. Ok ? Mais on change de vaisseau.

Il était hors de question que Hope approchât de Ch’Hodos, ce serait risqué qu’il y soit prisonnier.

-On va profiter de l’escale technique, je vais réquisitionner une navette. Tâche de te faire petit, souffla-t-elle en enfilant son débardeur qui défit un peu plus sa chevelure mal attachée.
-Vous n’êtes pas en position de donner des ordres. Le temps où vous étiez la petite fille de Shar Ram qui me rabaissait est révolu. Ce vaisseau continue jusque Ch’Hodos. Où il sera très bien accueilli.

Son sang bouillait dans ses veines. Déjà elle sentait son rythme cardiaque s’emballer, mû par la colère et l’impuissance. Elle se dirigea fébrilement vers la porte, mais il se dressa devant la sortie, comme un obstacle jaillissait du sable en plein désert. Dana se mordit l’intérieur de la joue si fort qu’elle goûta bientôt à la saveur de son propre sang.

-Oh, je ne vous laisserai pas le prévenir. Retournez vous asseoir sur votre couchette et plus un bruit.
-Je fais tout ce que tu me demandes. Faudrait au moins me faire cette fleur.

Il abaissa sur elle des yeux intransigeants. Jaden Ashar était indifférent aux charmes de la Sith. Là où d’autres avaient succombé à son regard ensorcelant, ses longs cils parfaitement irréguliers, ses joues colorées d’un fard envoûtant, la longue courbe tracée de sa gorge à ses seins audacieux ; lui n’avait cédé au dédain le plus complet. Parce qu’il n’était pas homme à se soucier de la gente féminine. Seule lui importait la puissance et la renommée. Et Si Dana Shar était encore en vie, c’était parce que plus fort que lui l’exigeait. Sinon, il en aurait terminé et se serait arrogé le droit de réclamer le trône de Ch’Hodos. Après tout, lui aussi n’avait-il pas du sang de Shar Dakhan qui coulait dans ses veines ? Un héritage que les Shar avaient toujours dénié à sa branche.

-Vous êtes pathétique, Dana. Vous ne comprenez rien au rapport de force. Ni à la guerre que vous avez pourtant étreinte à de nombreuses reprises, n’est-ce pas ? Il n’y a pas de place pour des fleurs en ce monde. Si vous m’obéissez c’est parce que je vous ai vaincu une fois aujourd’hui et que je vaincrai encore s’il vous prenait l’idée de…contrarier ma mission.

Dana lui céda un crachat en plein figure. Sa salive reluisit sous les néons blafards de la pièce, glissant contre le faciès désormais tordu de colère du Sith. Il empoigna la nuque de l’humain et pivota avec elle pour la plaquer contre la porte. Elle laissa échapper un cri de douleur quand le métal de l’écoutille heurta son dos avec violence. Mais elle bravait le regard sans humanité de Jaden.

-Je ne vous écarterai pas les jambes, comme doit le faire l’apprenti de Laduim. Vous…représentez la lie de notre espèce. Dame Tiamat aurait dû vous tuer lorsque vous n’étiez qu’une enfant, pour éviter que la honte que vous êtes ne se propage comme…une tumeur. J’aurais dû vous tuer, ce jour-là.

Elle savait exactement à quel jour il faisait allusion. Elle fit un mouvement et il la cogna de nouveau contre la porte pour qu’elle l’écoute, jusqu’au bout. Un nouveau gémissement franchit ses lèvres et porta au-delà des parois.  

-Le Seigneur Ram eu pitié de vous et a retenu mon bras. Mais plus personne ne le retiendra à votre prochaine incartade. Alors, allez vous asseoir sur cette couchette et ne bougez plus. Vous aurez tout le loisir de jouer de vos charmes larmoyants devant le Seigneur Akusha. Vous en aurez besoin.

Il la libéra et elle se dégagea sèchement de lui, non sans un regard assassin. Elle aurait voulu aller au combat, là tout de suite. Mais l’endroit était trop étroit, rendant l’utilisation de sa pique -laser impossible. Il aurait eu l’avantage, comme il l’avait toujours eu lors de leurs confrontations passées. Raide, le visage éteint, elle s’installa sur la couchette. Elle finit par s’y allonger, tétanisée par les souvenirs qu’il avait brassé dans la fange qu’était son esprit. Elle ferma les yeux, pensa à Lloyd, mais l’image du blond fut bientôt chassée par le soleil invaincu qui régnait dans le ciel de Ch’Hodos.









Une secousse l’éjecta de sa couchette.
Elle embrassa le sol avec fermeté et quand elle ouvrit les yeux, le noir total ne cédait qu’un pan de son règne à une diode de secours verdâtre qui clignotait mollement, menaçant de s’éteindre à tout moment. La lueur qu’elle dispersait était à peine suffisante pour reconnaître la cabine et son mobilier. Il n’eût plus que des sons dans un silence absolu. Des grincements qui s’apparentaient aux gémissements d’un vaisseau à la dérive. Elle crut entendre de lointains échos de voix, comme des cris que l’on se lançait. Elle écouta sa propre respiration chavirer à chaque seconde. Il lui semblait que l’air se raréfiait et que plus elle expirait, plus elle allait mourir. Elle effleura les contours de son bracelet, tâta sans le presser le bouton correspondant à 122-6. Elle faillit appuyer. Appuyer de toutes ses forces pour qu’il vienne la chercher. Elle s’apprêtait à le faire quand elle sentit la poigne gantée de Jaden emprisonner son bras.

-Ce Hope va le payer très cher.

Elle étouffait.

-Je ne compte pas vous lâcher, ponctua-t-il froidement.

Il alluma son sabre-laser. Le rougeoiement grésillant de la lame tailla les ténèbres, jetant sur leur figure des ombres rouges et inquiétantes. Il s’apprêta à enfoncer son arme dans l’acier de l’écoutille quand une autre secousse frappa le vaisseau que l’atmosphère de Dathomir était en train d’engloutir avec autant d’avidité qu’un monstre affamé. Jaden perdit violemment l’équilibre. Dana entendit le bruit d’un choc sourd. Le sabre-laser s’éteignit. Elle demeura au sol, rampa vers l’écoutille avant d’être percutée par une gravité qui s’alourdissait. Elle retomba vers la douche. Une paroi de verre amortit sa chute et se fissura sous le poids de son corps. Elle lâcha un cri mêlant stupeur et souffrance.


Un autre choc, une vrille et le corps de Dana se souleva encore avant de retomber lourdement contre un mur. Les placards s’étaient ouverts et avaient déversé leur contenu. Etendue, le visage transpirant et rouge, Shar admirait l’immobilité soudaine et le silence. A travers le hublot, la lumière incertaine de Dathomir lui offrit le spectacle de sa cabine désordonnée. Jaden était étendu près de l’écoutille, un peu de sang luisait sous sa tête inconsciente. Elle serra les dents et fit un immense effort pour se redresser. Elle tituba jusqu’à lui. Sa vision se brouillait par moment. Il fallait profiter de l’occasion. Elle s’installa à califourchon sur lui et saisit une vibrodague qu’il avait à la ceinture. Ses gestes étaient tremblants, incertain et sa conscience peinait à se maintenir à flots.

-C’est la loi du plus Fort…dit-elle péniblement.













Les prunelles dorées du Seigneur Ram transperçaient les deux combattants de l’arène. D’immenses dais avaient été étendu au-dessus de cette dernière qui, circulaire, accueillait des gradins vides. Seule la tribune royale avait ses ombres, dont celle du puissant Sith. Comme de coutume, les anciennes lignées siths de Ch’Hodos envoyaient leurs enfants s’affronter. Ce privilège n’était attribué qu’aux familles qui avait vu au moins une de leur génération être corrompue par la Force. Et ces générations demeuraient rares. Tout le monde admirait d’ailleurs Shar Ram pour avoir engendré deux sensitives. Une prouesse dont peu d’autres clans issus des Massassis pouvaient se targuer. La faute à la consanguinité ou au hasard génétique. Toujours était-il qu’il attendait que le combat débute.

Car sa dernière fille, Dana, y participait.

Elle faisait face au jeune et prometteur Jaden Ashar. Elle n’arrivait pas à chasser la peur, l’effroi et l’admiration qu’elle avait pour son adversaire. Du haut de ses quartorze années, elle n’était qu’une fleur qui s’épanouissait à peine, qui avait subi les entraînements sévères de son paternel sans jamais être à la hauteur. Elle avait toujours contemplé Jaden en silence, l’avait trouvé beau, fort, inaccessible. Elle en était tombée amoureuse dès leurs plus jeunes âges, dès le berceau, presque. Mais il l’avait surpassé et il n’avait d’yeux que pour son aînée.

-Vous ne pouvez faire semblant dans la Force, Dana. Vous ne pouvez pas prétendre que vous pourrez changer.

L’adolescente était pétrifiée.

-TU PEUX ! s’éleva la voix de Damaya depuis la tribune. ECRASE-LE DANA !

Elle eut comme une décharge électrique qui parcourut son corps tendu. Les mots de Damaya résonnaient encore dans son esprit, ils combattirent la peur, l’incertitude, l’angoisse. Elle pouvait changer, n’est-ce pas ? Elle pouvait encore…vaincre Jaden et lui prouver qu’elle aussi était digne de son regard et de sa convoitise. Dana leva une expression interdite vers son aînée qui la fustigeait du regard. Dama’ se tenait perchée, aussi autoritaire que la reine qu’elle serait amené à devenir. Elle donna le courage à sa cadette qui fronça les sourcils et refit face à Jaden.

-J'vais pas me laisser faire, encore une fois.

Elle tendit les mains et fit de son mieux pour rassembler la Force comme on le lui avait enseigné. Ce fut fastidieux, mais quelque chose en elle, réussit cet exploit. Jaden n’attendit pas et il s’élança, porté par la Force. Ils combattirent uniquement avec leurs mains, leurs jambes, mobilisant leur maîtrise de la Force pour augmenter leur vitesse, leur puissance, leur acuité. Mais il se montra supérieur, malgré les tentatives de Dana, malgré la profonde volonté de cette dernière. Il frappait sans relâche. Elle ne sut esquiver davantage. Elle ne put contrattaquer. Un coup percuta son abdomen si fort, qu’elle sentit une onde de choc se répandre douloureusement contre ses organes. Et il frappa encore.

Il n’avait aucune humanité dans son regard. Seulement de la rage.

Dana tomba à genou dans le sable brûlant que l’ombre du dais n’avait pas réussi à rafraîchir. L’ombre d’Ashar l’enveloppa, mortelle, glaciale. Et elle crut qu’elle ne reverrait plus le soleil.

















Jaden ouvrit les yeux brusquement. La lueur diurne de Dathomir s’infiltrait dans la cabine et frappait timidement son visage. Il détourna son attention vers l’écoutille qui était grande ouverte. Dana Shar avait fui. Son expression se tordit de douleur quand il tenta de se relever.
















Elle titubait dans la coursive principale du vaisseau. Ses épaules heurtaient les parois.

-Lloyd ?! Mumkin ?! LLOYD ?! appelait-elle.

Sa main tenait encore la vibrodague de Jaden, à la lame immaculée. Une douleur pulsait dans le bas de son dos, rendant sa progression difficile. Aucune réponse. Elle arriva à la passerelle ouverte et la lumière du jour la saisit toute entière. Elle plissa les yeux, groggy et alla dans cette direction. Elle fit un pas vers l’extérieur, dans l’espoir de trouver le capitaine ou le pilote, mais son pied ne rencontra que le vide et elle bascula.

Les arbres et la terre meuble amortirent à peine sa longue chute. Le vaisseau avait stoppé son fol atterrissage au sommet d’une pente raide, que le corps de Dana dévalait à toute vitesse. Elle ne s’arrêta que cent mètres plus bas quand le relief devint à nouveau plat. Elle étouffa un hurlement alors qu’elle se remettait péniblement. Une pointe douloureuse paralysait son ventre. Elle découvrit avec horreur qu’un morceau de bois sombre s’était fiché dans ses chairs, sans doute lors de sa chute brutalement. Elle respirait mal, emportée par le choc, le visage marqué d’égratinures, les bras salis de terre. Le jour arrivait à percer à travers les arbres décharnés d’une forêt marécageuse. Elle redressa son attention et devina la silhouette du Sans-Visage à des mètres plus haut. Escalader la pente qu’elle venait de dévaler lui demanderait un effort surhumain. Elle serra les dents et se concentra. Ses deux mains s’étaient lovées autour du bois qui sortait de son flanc. Elle compta jusqu’à dix mais n’eût pas le courage. Il lui fallut respirer, se concentrer à nouveau, ne pas anticiper la douleur. Surtout pas.

Un.

Elle tira fermement et dans un râle de douleur. Heureusement, le débris ne s’était pas enfoncé profondément, elle saignait superficiellement, mais la souffrance demeurait vive et handicapante. Elle pressa une paume sur la plaie qui pulsait douloureusement.

-Lloyd ! s’écria-t-elle à bout de souffle vers l’ombre lointaine du vaisseau.

Elle grimaça et recula doucement. Il devait bien exister un autre chemin pour rejoindre le vaisseau. N’importe quoi, un détour. Ses muscles endoloris lui envoyaient des signaux désagréables et elle avait l’impression qu’à certains endroits, ses nerfs se brisaient. Elle entreprit quelques pas hagards dans une direction qui lui parut prometteuse.

-La poisse...souffla-t-elle, les yeux à moitié clos.


Et alors qu’elle s’enfonçait dans la forêt tout était flou. Son esprit parvenait difficilement à comprendre. Le Sans-Visage s’était crashé ? Où ? Comment ? Elle accéléra le pas malgré la douleur, traversa à travers les arbres au silence morbide. Puis elle se mit à courir sur quelques mètres avant que sa blessure ne se rappelât à elle. Elle dut ralentir dans un râle douloureux. Elle déglutit péniblement. L'odeur de son sang émanait dans l'air, il se mêlait à l'atmosphère lourde qui régnait sur la planète, et il arrivait aux narines de prédateurs endormis...qui avaient vu leur ciel être déchiré par la percée catastrophique du vaisseau.

Lloyd Hope
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Biiiip. Biiiip. Biiiip. Biiiip.

L’alarme discrète d’une machine endommagée s’insinua dans l’esprit de Lloyd. Une douleur dans la nuque – sa blessure ? – acheva de l’éveiller.

Quand il ouvrit les yeux, sa vision ne rencontra que le sol de métal une série de voyants qui clignotaient à quelques pas de lui. A part quelques outils qui avaient volé et les lumières rouges de mauvais augure, la salle technique n’avait pas été trop endommagée. Il sentait la gravité tous ses membres, et il respirait un air humide. Ils étaient donc vivants, bien qu’échoués quelque part.
Avec un grognement, le hapien se remit sur ses jambes et se hâta vers l’échelle, non sans s’aider des parois pour tenir droit car l’appareil était incliné et rendait son cheminement maladroit.

Cling, clang, cling, clang, cling.


- Mum ? Dana ?

La lumière du jour, orangée comme une fin d’après-midi, éclairait la coursive jusqu’au cockpit. De loin, Lloyd vit le corps du dévaronien renversé sur le tableau de bord et il bondit vers l’habitacle.

- Mumkin !

Il attrapa le pilote par une corne pour redresser son crâne. Celui-ci gémit en ouvrant les yeux. Pas de fracture visible, le bougre s’en sortirait avec une bonne bosse. Restait à vérifier…

- Elle s’est enfuie !!

Lloyd lâcha la corne et la tête du dévaronien retomba lourdement sur le tableau de bord. Mumkin geignit, mais le hapien ne l’écoutait pas. Il était ressorti du cockpit pour faire face à l’humain qui se tenait en haut de la passerelle ouverte. Jaden avait une sale allure. Il était livide, du sang s’était écoulé le long de son cou et tâchait le haut de sa tenue élégante, froissée. Le Sith tenait en outre son sabre laser éteint dans sa main, comme s’il s’était attendu à tout instant à être attaqué. Il jetait des regards fous en contrebas.
Le hapien le rejoignit et se pencha prudemment lui aussi vers l’extérieur.

Le ciel de Dathomir était remplie de nuages orangées. La forêt qui s’étendait devant eux était éparse ; beaucoup d’arbres morts ou cassés faisaient des trous dans le paysage. Pourtant, la visibilité était presque nulle : une brume épaisse naviguait entre les troncs imposants. Au sol, la terre n’était que boue. On apercevait parfois les racines des arbres plonger dans des marécages opaques.

En dehors des craquements sinistres qu’émettait parfois le Sans Visage, le silence était total, comme si le vaisseau était un pavé jeté dans une mare qui avait fait taire tous ses habitants. Il semblait à Lloyd que ceux-ci les guettaient en secret, dissimulés dans la brume, dans la boue, derrière les troncs. Mais il n’avait pas le temps de s’inquiéter de ce mauvais pressentiment : il y en avait un autre.

La trace qu’avait supposément laissée Dana dans la boue s’arrêtait une centaine de mètres en contrebas. Mais on n’y distinguait personne.

Le hapien la cherchait toujours des yeux lorsqu’il sentit un gant froid l’attraper par le col. Jaden Ashar s’était accroupi près de lui et avait rapproché son visage à quelques centimètres du sien. Lloyd vit les yeux injectés de sang de l’humain et au fond, loin au fond de sa pupille, une panique dissimulée sous des couches de colère.

- C’est votre faute, elle était sous votre responsabilité.

Le hapien ne répondit pas tout de suite. Il se dégagea brutalement de l’emprise du Sith, non sans devoir repousser sèchement Jaden. Ce dernier ne résista guère et Lloyd supposa qu’il subissait encore le contre-coup de l’atterrissage.

- La question c’est pourquoi avait-elle besoin de fuir, rétorqua-t-il d’une voix envenimée, mais une part de lui s’insurgeait contre lui-même : Jaden avait raison, en étant le capitaine de ce vaisseau, c’était lui le responsable des trois autres pauvres âmes qu’il transportait.
- Parce que c’est une lâche qui refuse de prendre ses responsabilités !

Les deux Sith se toisèrent un moment. Mumkin glissa sa tête douloureuse dans la coursive, discrètement. En silence, Lloyd finit par tâter sa veste. L’étui à lunettes n’avait pas été cassé mais surtout, il trouva le comlink dont il vérifia le voyant.
Non, personne n’avait bipé. Il le remit à sa place avec un geste irrité.

- Ecoutez, je me contrefous de vos querelles personnelles, finit par lâcher Lloyd avec amertume. Nous sommes sur Dathomir, cette planète n’est pas assez peuplée pour qu’on y trouve les moindres secours nécessaires, Dana risque vite d’être en danger. Allez la chercher, réglez votre affaire pendant que Mumkin et moi, on remet les systèmes fondamentaux du vaisseau en état pour pouvoir repartir.
- Vous me prenez vraiment pour un imbécile, persifla Jaden. M’envoyer au loin pour que vous puissiez vous échapper ?

Lloyd fronça les sourcils.

- Vous n’en avez rien à foutre, du danger qu’elle court ?
- Dana n’en fait qu’à sa tête, c’est une enfant gâtée. Je croyais que vous saviez un peu mieux qui se trouvait à bord de votre vaisseau.

Oui, moi aussi.

- Envoyez votre alien, là. Qu’il la repère. Il nous envoie sa position, j’irai la récupérer ensuite.
- Hors de question. Mumkin reste au vaisseau. C’est un pilote, pas un explorateur.

Le dévaronien acquiesça silencieusement de la tête, dans le dos du hapien.
Après quoi, il y eut un long silence. Laisser le Sans Visage seul avec ce Sith et Mumkin ? C’était prendre un gros risque pour le vaisseau. Laisser Mumkin seul ? Si la forêt était dangereuse, le dévaronien pourrait toujours s’enfermer à l’intérieur.

------

------

------La forêt sentait une drôle d’odeur de végétation humide. Parfois, il s’y mélangeait des relents putrides et Lloyd se demandait si sous ses bottes qui s’enfonçait presque au-dessus de la cheville à chaque pas, il n’écrasait pas des animaux morts, noyés dans la fange qu’abritaient ces arbres épars. A peine une demi-heure après avoir quitté le vaisseau, Lloyd avait l’impression que la lumière déclinait déjà. Jaden marchait à quelques pas de lui et tous deux avaient gardé le silence un long moment, préférant être à l’affût d’un indice sonore et n’ayant rien à se dire de toutes les manières.
Ils avaient contourné la piste par laquelle ils avaient supposé que Dana avait glissé, et était descendu à flanc de collines en comptant retrouver les traces de l’Inquisitrice là où ils ne les apercevaient plus du vaisseau. Malheureusement, après avoir suivi des traces de pas sur quelques dizaines de mètres, une mousse épaisse était venue recouvrir le sol et plus aucune trace n’y était visible. Ils avancèrent à l’aveuglette. Lloyd tendait la Force autour de lui, en vain.

- Le pire, c’est que quand on va la trouver, cette folle va me sauter dessus à tous les coups, commenta Jaden comme s’il se vantait.

Lloyd ferma les yeux un bref instant, s’exhortant au calme. Je ne veux putain de pas savoir l’intensité de vos ébats, merci.

Jaden glissa soudain dans une anfractuosité du sol et s’éclaboussa complètement le pantalon d’une boue épaisse.

- Par Karos, on perd notre temps ! s’exclama-t-il, furieux. Dans quelle merde vous nous avez fourrés, Hope !
- Chut.

Lloyd s’était immobilisé. La sensation d’être épié lui était subitement revenue. La brume, elle, s’était si épaissie qu’ils ne voyaient plus qu’à quelques mètres devant eux. Jaden ignora son ordre et se rapprocha brusquement en quelques enjambées.

- Ecoutez-moi bien, s’il arrive quoique ce soit à l’Inquisitrice, le S…

Jaden s’interrompit au milieu de sa phrase. Un bruit de branches brisées s’était fait entendre à quelques pas de là. Ils tournèrent tous deux leur visage dans la direction, mais un voile de brume dissimulait la source du bruit. Celui-ci se répéta.

- Dana ? appela Lloyd, mais il savait que c’était impossible : il ne la sentait pas dans la Force.

Le hapien dégaina son blaster, et s’avança doucement vers le bruit, l’oreille aux aguets. Derrière lui, Jaden avait ressorti le manche de son sabre et s’écartait de côté, cherchant lui aussi à sentir l’intrus qui se dissimulait mal dans la Force.

Car il y avait bien une force imposante, une…

Une forme s’était dessinée dans le voile gris entre les arbres et Lloyd fut un bref instant pétrifié. Il rangea doucement son blaster.







C’était un rancor.

Lloyd tourna les talons et se mit à courir droit devant sans réfléchir.

Derrière lui, il entendit les pas lourds de la bête se mettre en action, et un grognement furieux résonner.
Jaden réagit comme lui : il se mit à courir le plus loin possible, dans une autre direction. Le hapien jeta un bref coup d’œil dans sa direction et jura entre ses dents : le rancor avait décidé de suivre Lloyd.

Il dérapait dans la boue, tandis que le rancor, lui, avait l’avantage du terrain : la bête monstrueuse, dont la couleur aurait pu se confondre avec des troncs d’arbre, sautait d’un pied sur l’autre en avalant plusieurs mètres à chaque pas. Ses griffes se tendaient vers le hapien, qui slalomait entre les troncs, glissait sur la mousse, trébuchait parfois dans la boue.
Il s’étala de tout son long dans une grande flaque et un moment, crut que la bête allait réussir à le saisir. La Force aidant, il parvint néanmoins à se jeter de côté, se relever et se mettre à courir. Le rancor contrarié émit un nouveau long cri de fureur, et cette fois-ci essaya d’allonger ses pas déjà immenses, pour attraper sa proie.

Il se revit un bref instant courir dans une autre forêt. Dana, les bêtes qui l’obéissaient. Mais elle n’était pas là.

Lloyd parvint, essoufflé, à une falaise. La forêt s’arrêtait abruptement et il dût freiner des quatre fers pour ne pas basculer dans le vide. Il plongea de côté et le rancor qui avait espéré se jetait sur lui fondit sur le bord de la falaise. La créature bascula dans le vide, tenta maladroitement de se rattraper à coups de griffes contre la terre meuble, qui s’arracha par mottes avant de dévaler plusieurs centaines de mètres en contrebas.



Le hapien se retrouva tremblant, assis dans la boue. Quand il se releva enfin pour jeter un regard autour de lui, il avait perdu le sens de l’orientation. Où se trouvait le vaisseau ? Et Dana ? Et Jaden ? Il poussa un soupir accablé, et retira l’un de ses gants sales pour plonger la main dans sa veste. Cette fois, pour y tirer son comlink et appeler Mumkin, tout en essayant de rebrousser chemin.

Il ne fit que deux pas et soudain le comlink lui échappa des mains tandis que son pied était happé. Son corps bascula en arrière et il n’eut que le temps d’un bref cri de stupeur et de douleur avant d’être aspiré vers le ciel, tête en bas.

L’opération folle ne cessa que lorsque la chaine au bout de laquelle mordait le piège fut tendue contre l’arbre.

Et Lloyd se retrouva là, tête en bas, comme un vulgaire gibier pris dans un collet de métal, qui lui enserrait douloureusement la cheville. Une mer de nuages oranges tapissait sa vision, et la brume se levaient contre des montagnes dont les cimes pointaient vers le bas, suspendues par une forêt lugubre.

Quelle vue, songea Lloyd avec cynisme.

Il fallait juste espérer qu’il n’y avait pas un autre rancor parti cueillir des hapiens dans les arbres.
Darth Hope
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Dana progressait lentement. Elle chancelait, une main ensanglantée plaquée avec fermeté contre son abdomen. Sa vision se brouillait ou peut-être que c’était cette brume qui avait soudainement avalé le sol marécageux et les troncs tordus de cette jugnle inconnue. Elle poursuivit, un pas fébrile après l’autre. Son corps n’était qu’une minuscule tâche qui s’enfonçait plus profondément dans la forêt. Le soleil dathomirien et ses reflets orangés avaient désormais du mal à percer les épais branchages qui se ramifiaient au-dessus de Shar.

Elle ignorait les bruits, ceux de grattements, de grognements, de croassements parfois trop lointains pour s’en soucier, mais assez proches pour sentir son cœur s’emballer. Elle grimaça, les muscles raidis par la douleur. Son sang fuyait de sa plaie, coulait entre ses doigts sales.

En face d’elle, une masse sombre avait conquis la brume. Se dressant, majestueuse, sur un arbre arraché à sa terre. Elle rampait le long de son tronc mort et ses yeux brillants absorbaient le brouillard. L’Inquisitrice se pétrifia. Dix mètres les séparaient, mais en détaillant l’imposante musculature la bête, ses longs membres agiles pourvus de griffes acérées, elle comprit que cette distance serait bien vite avalée. A la pâle lueur du jour, elle décrivit l’aspect reptilien de la bête, sa taille encore modeste pour un représentant de son espèce. Dana recula avec prudence, sans quitter la bête du regard. La sith embrassait sa peur avec tout le courage dont elle était capable. Mais son cœur battait trop vite et attira l’ouïe acéré du prédateur. Plus que le son exquis de cette respiration saccadée, il avait senti le sang frais et tiède.

Le pied de Dana trébucha mollement contre une racine épaisse et elle bascula à terre dans un bruit sourd. La créature prit cette faiblesse comme un signal et bondit vers elle. Les yeux dorés s’écarquillèrent avant de se figer dans le temps, dans les quelques secondes qui séparaient la gueule impitoyable du rancor de sa gorge.

Sa gorge…

Elle ferma les yeux. Elle préférait mourir ici, tout compte fait. Loin de la guerre. Elle était prête à abandonner. Akusha l’aurait bien dans le cul, pensa-t-elle dans un sourire insolent. Pour une fois, elle laissa la Force décider et se noya en elle.

Un souffle ardent balayait le derme suant de son décolleté. Était-ce celui de Lloyd Hope ?

Elle ouvrit brusquement les yeux pour rencontrer ceux du rancor qui se tenait immobile au-dessus d’elle, sa mâchoire difforme à quelques millimètres seulement de sa figure crispée. Elle eut l’impression que leur respiration s’étaient alignées sur le même rythme. La Force était partout. Dana la sentait s’arracher à la boue, à la nature, au ciel qu’occultait les feuillages sombres. Dissimulées dans ces derniers, deux ombres assistaient à la scène. L’une d’elles avait un arc bandé entre les mains et la pointe d’une flèche aiguisée visait la tête du rancor. L’autre se pencha à son oreille pour y déposer quelques mots et la flèche fusa, rapide et puissante. Son trait mortel traversa le crâne de l’animal sans un bruit ou presque. Dana sursauta vivement, soudainement coupée de la Force. Elle admira le corps monstrueux tomber lourdement dans la boue, sans vie. Elle détourna à la hâte son attention vers les arbres d’où avait été décoché le tir.

-Pas un geste.

Tout près de sa tempe, une femme pointait une autre flèche. Discrètement, elle tâta sa cuisse pour découvrir avec horreur que sa pique-laser n’y était plus. Elle avait dû la perdre lors de sa chute brutale tout à l’heure, quelle poisse.

-J’comptais pas bouger.
-Alors ferme-la en ce cas, intervint une autre voix féminine. Beau tir, Thea. Mais tu as de la chance, celui-ci était jeune, à peine sorti des chairs de sa mère.
-J’aurais pu l’avoir plus tôt si elle n’avait pas été là ! s’indigna la dénommée Thea.
-Il allait trop vite pour toi. Une chance qu’elle l’ai ralenti, ricana l’autre.
-Où suis-je ? articula Dana.
-Sur notre territoire. Tu viens du vaisseau qui s’est écrasé ? On peut te pister sur des kilomètres à la ronde avec l’odeur de ton sang.
-Il devait sans doute y avoir des hommes aussi, glapit Thea avant de raffermir sa menace en remarquant Dana s’agiter.
-C’est quoi votre territoire, putain, insista-t-elle.

Les deux femmes échangèrent un regard circonspect.

-Dathomir.
-Da..thomir..répéta-t-elle , percutée par le choc de l’information.

A l’autre bout de l’Empire, tellement loin de Ch’Hodos. Elle serra les poings pour absorber l’immense colère qui inondait chacune de ses veines.

-T’es paumée, c’est normal. Et t’as appris ça où ?
-Appris quoi ?
-A parler aux Rancors.
-Je veux juste retourner au vaisseau.
-Ca sera pas possible, déclara l’autre avec autorité.



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Thea




Lloyd n’aurait su dire combien de temps il était resté ainsi. Assez pour que le sang affluât à sa tête de manière douloureuse. Jusqu’à ce qu’une ombre s’étendit sur le paysage inversé. Il put reconnaître un parfum féminin. Une autre présence s’approcha. Il eut à peine le temps de les décrire qu’un violent coup porté à son visage l’assomma.









Elles avaient marché longtemps. Théa dans son dos, et celle qui s’était présentée ensuite comme Hebe ouvrant la marche. Contrairement à Thea, Hebe était grande et sa musculature développée. Elle ressemblait à un félin tant dans ses mouvements que dans sa physiologie. Elle avait des yeux en amande et des traits effilés. Thea était plus petite, plus jeune également. Toutes deux arboraient des tatouages ou des peintures sur la figure. Des marques de guerres, des marques d’un statut social chèrement acquis, des marques d’une communauté à laquelle elles étaient fières d’appartenir. Ces femmes, songea Dana, ne ressemblaient pas à celles qui peuplaient le campement des Serpents. Elles étaient majestueuses et indomptées. Aucune hésitation ne perturbait leur pas agile, aucune vision ne leur faisait baisser le regard. Shar, à côté, paraissait bien pâle, faible et démunie. Elle suivait le rythme en titubant, la main toujours refermée sur sa plaie humide.

-Et si on croise d’autres rancors ?
-Et bien, tu l’eur feras la causette, ironisa Thea. Une femme ne devrait pas avoir peur des Rancors. Elle ne devrait pas avoir peur tout court.
-Tu semblais pas avoir peur pourtant quand il t’a sauté dessus et que t’es restée le cul à terre, comme un homme.
-Laissez tomber…capitula-t-elle avant de lever son regard vers la destination qu’ils venaient d’atteindre.

Elle arrêta de marcher pour contempler le flanc de montagne qui se dressait devant elle, jusqu’à transpercer le ciel aux nuages flamboyants. Derrière elles, la forêt s’étendait sur des centaines de kilomètres. Dans la roche montagneuse avait été sculpté une entrée que la végétation grignotait chaque siècle un peu plus. Thea la poussa pour qu’elle se remette en branle et elles franchirent cette porte immense, si immense qu’elle n’aurait pu servir qu’à un titan. L’ombre de la montagne les engloutit toutes. Le ventre de la montagne était frais, mais sec. Elle comprenait pourquoi les deux femmes portaient, par-dessus leur légère armure de cuir reptilien (sans doute de la peau de rancor), des fourrures épaisses. Son derme se hérissa. Elles suivirent une longue galerie taillée dans la roche, des torches ardentes balisaient le chemin, ainsi que des statues aux visages brisés et méconnaissable ; si vieilles que le temps avait figé des rides dans leur corps de pierre.

-Où est on ?
-T’en poses des questions, s’agaça Hebe.

Enfin, un courant d’air caressa leur peau et elles arrivèrent dans un village, en plein cœur de la roche. Entre des vestiges anciens, on avait dressé des tentes de bonnes factures, faites pour durer. L’endroit était circulaire et un puit de lumière jaillissait depuis le sommet de la montagne pour éclairer un arbre au tronc blanc et aux branches dénudées. Ses racines s’enfonçaient dans un grand bassin d’eau et Dana pensa que c’était une ancienne fontaine. Toute la vie, ici, semblait s’organiser autour du puits de lumière.

-Bienvenue dans la tribu des Montagnes…?
-Dana, ponctua-t-elle d’un air absent.

Car en dérivant sur le décors, elle était tombé dans les profondeurs d’un regard émeraude. Lloyd était là. Elle crut s’élancer mais Hebe la retint par le bras.

-Parfait Dana, on va te présenter à notre reine, savoir ce qu’on fait de toi.
-Attendez, cet homme là-bas…fit-elle en voulant se dégager.

-Pourquoi est-il dans une…Cage ?
-Tu le connais ? Il vient du vaisseau aussi, j’suppose. Les hommes qui tombent du ciel sont bénis, disent nos dieux. Dans quelques jours, on les chassera.
-Hein ?! Attendez..les chasser ?
-Tu comprendras, avance.



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Hebe


Dans la cellule, on les avait menottés, mains dans le dos pour s’assurer de leur docilité. En passant devant, Dana dénombra deux autres hommes en compagnie de Hope. Ni Jaden, ni Mumkin en faisait partie. Elle ralentit un peu, mais Hebe la traîna plus fort et elle lâcha un râle de douleur en plaquant de nouveau sa main à son flanc blessé. L’un des compagnons d’infortune du blond se détourna vers lui, un sourire amusé aux lèvres. Le sourire de ceux dont le seul espoir résidait dans l’idée d’une mort prochaine qui abrégerait leur vie pénible. Il avait les cheveux très courts et noir, mais ses yeux bleus luisaient dans la pénombre de la montagne. Son corps était frêle, aussi mince que celui d’un adolescent et pourtant, il arborait bientôt vingt-cinq années. Des haillons saillaient à ses muscles trop secs.

-T’as pas de chance mon pote. T’aurais mieux fait de t’écraser sur une autre planète. Moi c’est Varell, retiens mon nom. C’est ptetre le dernier que t’entendras de ta vie d'homme libre





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Varell


Dana cria sa douleur quand l’aiguille perça sa chair pour la suturer d’un fil raide et ferme. Elle finit par serrer les dents et porter son regard sur le plafond de la tente d’où pendait du petit gibier écorché. Elle ferma les yeux dans un nouveau gémissement de souffrance. La femme penchée au-dessus d’elle semblait ignorer ses souffrances. Elle s’appliquait à refermer sa blessure et s’adressait à Hebe.

-Elle est tombée du ciel aussi ?
-Oui. Elle parle aux rancors.
-J’suis Inquisitrice Sith, lâcha-t-elle entre deux soupirs de douleur, énervée. Je représente l’Empire qui a conquis cette planète.
-Oui, nous connaissons bien l’Empire, dit la femme qui la soignait. Nous marchons encore sur les crânes de ses soldats, dans la forêt, quand nous allons chasser. Alors…

Elle glissa une main douce contre sa chevelure sale avant de l’empoigner sèchement.

-Si tu ne veux pas qu’on marche sur le tien, il va falloir oublier l’Empire.
-Vous trahissez….s’indigna-t-elle pleine de rage.
-Aucun Empire, surtout pas celui qui met à sa tête des hommes, ne nous soumettras. Et c’est une honte qu’une femme s’y soumette.

Elles s’affrontèrent d’un regard envenimé. Hebe avait la main sur la garde de son épée, prête à intervenir.

-Et t’es qui ? cracha l’Inquisitrice, furibonde.
-Je suis la reine de cette tribu.
-La Reine Aurea est une légende vivante. Porte-lui du respect.



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Aurea



-Hebe, je veux m’assurer de ce que tu as dit. Si elle survit, elle sera l’une des nôtres. Si pas…alors personne ne pleurera une catin de l’Empire. C’est la loi de la plus Forte qui compte. Surveille-la d’ici ce soir.

Ouais, j’connais ça, soupira intérieurement Dana. Bande de salopes…



Quand Hebe la poussa hors de la tente royale, la plus grande, celle qui était le plus proche du puits de lumière, Dana chercha l’autre Sith du regard. Mais Thea apparut dans son champ de vision, interrompant ses recherches.

-Alors qu’a dit Aurea ?!
-Elle va combattre le rancor de la reine. Si elle survit, ce sera l’une des nôtres.
-Pff, personne survit à son rancor.
-C’est peut-être mieux comme ça.

Dana fit un effort considérable pour garder un peu de dignité face à ce qui l’attendait. Alors qu’elles longeaient le bassin, elle dressa son minois vers la lumière qui jaillissait depuis des cieux trop éloignés.

-C’est quoi cette histoire de chasser vos prisonniers ?

Ca l’inquiétait plus que l’idée d’affronter un rancor.

-C’est comme ça qu’on trouve nos maris ! Si on réussit à attraper un homme tombé du ciel, c’est encore plus prestigieux ! On dit que ce sont des compagnons faits pour les reines, expliqua Thea, le regard pétillant de défi. Une fois qu’on réussit à l’avoir, il nous appartient.
-Comment on fait pour participer ?

Et les deux femmes se mirent à rire forts. Shar crispa sa mâchoire.

-Il faut être une sœur de la tribu pour ça.
-J’ai juste à battre ce rancor alors ?
-Oublie ça, tu n’y arriveras pas. Celui que tu as croisé dans la forêt, c’était un bébé. Là, on parle du rancor d’Aurea. Et il a un appétit féroce pour le sang de l’Empire.

Dana attrapa brutalement Hebe par le collet, les yeux injectés d’une colère qui fit fondre l’or de ses prunelles pour le métamorphoser en coulée de lave. La Force vibra autour d’elle, le Côté Obscur se manifesta dans la pâleur de sa peau, sensible à sa rage.

-Blasphème encore une fois contre l’Empire et je t’arrache la langue.
-Lâche-la.

L’Inquisitrice sentit la pointe d’une flèche flirter avec sa nuque trempée de sueur. Thea accentua la pression et Dana relâcha Hebe sèchement. Cette dernière ne tarda pas à contrattaquer avec un coup de poing qu’elle envoya directement contre la mâchoire de la Sith.

-Sale garce. Ne me touche plus jamais. J’espère que ton agonie avec le rancor sera pas trop brève.

Dana allait s’effondrer, mais Hebe la rattrapa au vol par les cheveux et fit pointer son visage vers la cage plus loin, à travers ses yeux mi-clos, encore sonnée par la douleur, elle aperçut Lloyd . La dathomirienne plaqua ses lèvres contre l’oreille de la Sith. Autour d’elles, il y eut un petit attroupement. Sur toutes les lèvres on scandait avec admiration le nom d’Hebe.

-Tu le connais. C’est pour ça que tu veux participer ? Je vais me faire un plaisir de le chasser comme une bête. Et il sera mon esclave.

Dana avait dû mal à contrôler sa respiration. Elle avalait péniblement le revers humiliant que lui infligeait la guerrière. Elle goûta à ses mots comme on goûtait à du poison, s’affranchit de tout espoir face au destin qu’elle traçait pour Lloyd.

-Il fera comme tous les hommes de la tribu. Il devra pourvoir au moindre de mes besoins. Et il me procurera des filles.
-J’vais te tuer…souffla-t-elle entre ses dents serrées.

Nouveau coup de poing, dans son abdomen, contre sa plaie fraîchement suturée. Un cri de douleur jaillit de sa gorge. Le monde vacilla autour d'elle. Elle aperçut les traits familiers de Lloyd se tordre dans sa vision brouillée. Puis ce fut le noir.



Lloyd Hope
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Lorsque Lloyd ouvrit les yeux, il vit d’abord les barreaux d’une cage et au-delà, un arbre lumineux. Des silhouettes passaient devant lui, se souciant à peine de sa présence tête contre le sol et un moment. Des feuilles s’agitaient doucement dans l’arbre blanc, majestueux. Il crut un moment qu’il faisait un rêve. Le slick lui faisait parfois voir ce genre d’absurdité. Mais le slick éteignait la douleur, et il sentait pulser à l’arrière de son crâne sa blessure encore douloureuse. Était-il tombé sur la tête ?
Il se souvint soudain de la course avec le rancor, de la disparition de Dana, de leur crash misérable sur Dathomir.

Le hapien essaya de se relever, mais il sentit aussitôt les liens qui bloquaient ses bras dans son dos et ses pieds liés ensemble. Il grogna en essayant de basculer sur son séant, et enfin il put interpréter le monde qu’il voyait autour de lui.

Il était enfermé dans une cage étroite, dont le métal proprement entretenu accolait d’autres cages, et d’autres prisonniers. Ils se trouvaient dans un village et de grandes tentes au tissu épais bordaient une allée qui conduisait à la place centrale, à une vingtaine de mètres, où l’arbre majestueux s’épanouissait sous une lumière harmonieuse. Le village grouillait paisiblement, majoritairement de femmes vêtues de cuir ou d’armures en écailles. Le hapien essaya de se redresser, de chercher quelqu’un à qui s’adresser.
Bien sûr, il n’aurait qu’à expliquer qu’il était officier dans l’Empire, on s’excuserait et on le laisserait sortir.

- Hé ! appela-t-il, et une femme dotée d’une lance se tourna vers lui, le toisant de toute sa hauteur. Je… Il y a erreur, là. Vous avez dû me trouver dans la forêt mais je ne suis pas hostile, je suis…

Il s’interrompit car la femme soudain avait retourné sa lance et inséré le manche entre les barreaux. Elle lui assena un bref coup dans la poitrine. Il glapit un bref cri de douleur.

- Aïe. Merde. Vous pas parler basic ?!
- Ta gueule.

La femme avait ponctué son propos d’un nouveau coup douloureux et le hapien se tût. Donc si, elle parlait le basic. Et non, on n’allait visiblement pas juste l’excuser et le laisser partir.

Le fil se tendit dans la Force.

Le hapien chercha Dana du regard. Il la vit passer près de l’arbre et leurs yeux se rencontrèrent. Dana était vivante, blessée, et… Libre. Bon, alors si lui ne pouvait pas échanger avec ses geôlières, l’Inquisitrice parlerait en leur nom, et on le libèrerait donc. Dana disparut, emportée par d’autres femmes, et soudain il réalisa : le camp n’était pas majoritairement peuplé de femmes, il était peuplé de femmes tout court. Ou alors, les seuls hommes qui habitaient ici étaient cachés. Il n’y avait que dans les cages voisines que d’autres hommes étaient visibles. Tous l’ignoraient, à part ce Vassell, auquel Lloyd ne répondit pas : deux femmes venaient d’arriver devant sa cage et le regardaient comme une curiosité. L’une des deux, dotée d’une chevelure blonde et d’un visage fin, fit signe à sa geôlière. Cette dernière déverrouilla la porte de la cage. Lloyd s’apprêta à sortir mais il reçut immédiatement un nouveau coup de hampe et se retrouva de nouveau scotché au fond de sa cage. La femme blonde s’accroupit pour entrer à demi dans la cage. Elle devait avoir à peu près son âge, et il lui sembla que le contact visuel ne se faisait pas, même si elle regarda son visage brièvement. Puis elle se mit à le palper. Elle pétrit brièvement les muscles de ses bras, puis de ses jambes.

- Qu’est-ce que vous f… Hé !

Il avait sursauté quand la femme avait subitement pressé ses parties génitales à travers son pantalon. Sans se soucier de ses protestations, elle porta ensuite les mains à son visage et écarta les lèvres du hapien sans délicatesse pour y découvrir ses dents.

- Il a l’air en bonne santé, même si son crâne est un peu abimé, fit-elle en lui tournant la tête, pour constater les marques de sa blessure à l’arrière du crâne.
- Il faudra vérifier qu’il n’a pas de malformation, ajouta l’autre femme qui l’avait accompagnée.
- Ça m’étonnerait, globalement le patrimoine génétique a l’air très bon.
- Ça va, je vous dérange pas ? grogna Lloyd.

La femme ne répondit pas. Elle l’attrapa par les cheveux pour le forcer à tourner sa tête dans l’autre sens. Le hapien résista un bref instant pour la forcer à lui répondre.

- OH ! Je suis un officier impérial, et un Sith, qui plus est, si vous… Ah !

La femme venait de lui asséner un virulent coup dans la mâchoire. La lance de la geôlière vint ponctuer ce premier coup par un second, brutal, et Lloyd suffoqua.

- Il est agité.
- C’est qu’il est en bonne santé.
- Oui, mais on va lui donner un petit sédatif, quand même.
- Quand ils sont prostrés dans leur coin, en général, ça finit que le type est impuissant. Tu te souviens de Marta l’année dernière ? Elle a chassé un type sur des kilomètres et elle était fière de sa prise, c’était un jeunot rapide, avec des bonnes jambes musclées. Et au final, impossible de le faire bander, une catastrophe. Moi, je l'avais vu tout de suite qu'il avait le menton trop fuyant, les mains qui tremblent. C'est jamais bon signe.

Les femmes eurent un rire bon enfant, tandis que le hapien clignait des yeux en les regardant, ahuri. Sa poitrine était douloureuse à chacune de ses inspirations à cause des coups de hampe.

La geôlière s’accroupit à son tour, pour accompagner la première femme qui s’était penchée dans ses cages. Lloyd essaya de reculer mais il ne pouvait pas aller plus loin. La geôlière avait plongé les doigts dans sa poche et en avait sorti une petite bille. D’une main elle attrapa la mâchoire de Lloyd avec une poigne solide, appuyant pour le forcer à ouvrir la bouche. Le hapien résista. La femme blonde n’hésita pas à s’emparer de la lance pour pointer, cette fois-ci, la lame vers sa gorge. Elle appuya sans ménagement et un léger fil de sang coula dans sa gorge. Il ne résista pas plus et ouvrit la bouche. La geôlière effrita la petite boule d’il ne savait quoi. Un goût abject, acide, se répandit sur sa langue, se mélangea à sa salive. La geôlière le força à refermer la mâchoire et il s’exécuta. Il essaya de ne pas avaler, projetant de cracher ce contenu dès qu’elles seraient parties, mais les deux femmes eurent l’air de comprendre son petit plan. Ou plutôt, elles avaient l’habitude.

- Avale.

La femme blonde appuya de nouveau la pointe de la lance sur sa gorge. Il fut obligé de déglutir.

- Voilà, c’est bien, dit la geôlière, et elle caressa doucement les cheveux de Lloyd. Il est pas mal, hein ?
- Oui, Théa et Aurea vont se le disputer à tous les coups.

Les effets de ce qu’on lui avait donné se firent sentir au bout de longues minutes. Il sentit ses membres se détendre malgré lui, et ses pensées s’encombrer de pensées inutiles. Il se sentait nauséeux.

On le tira de la cage. On libéra ses pieds et ses mains de leurs liens et il put se lever, mais il titubait.

Le village ne ressemblait plus qu’à un fouillis de couleurs et de lumières, et plus rien n’avait de sens. Le sol le frappa deux fois de suite. Il comprit à la troisième fois qu’il n’était pas attaqué par la pierre à ses pieds, mais que c’était lui qui ne tenait pas debout. Des bras l’aidèrent à se remettre et on le tira sans ménagement dans une tente. L’intérieur était illuminé d’un flambeau qui jetait une lumière vive sur une table, sans chaise. Il y avait des voix, des conversations, mais Lloyd ne comprenait plus rien. Il reçut des coups, on tira sur ses vêtements.

- J’ai dit : DESHABILLE-TOI, ordonna encore la voix, et enfin les mots parurent prendre un sens.
- Il est pas très résistant aux substances, remarqua une autre voix.

Il y eut des mouvements. Il percuta un meuble, le sol, il sentait le tissu s’en aller, il aidait sans comprendre.

Et puis, il eut froid. Partout.

-------

-------

-------Les yeux de Dana. Quelque part, loin. Ou pas. Les avait-il rêvés ?

Quand l’effet commença à se dissiper, Lloyd se sentait malade. Il avait cette nausée, il grelottait de froid quand bien même on lui avait remis ses vêtements. Mais il sentait d’étranges courbatures et ses habits avaient été passés maladroitement, si bien qu’il se sentait enveloppé n’importe comment. Les barres de la cage dans son dos meurtrissaient sa chair ; il avait dû s’endormir. Sa bouche était pâteuse, et il se souvenait vaguement de ce à quoi on avait soumis son corps, le temps où il avait été drogué. Il se souvenait de quelques mots qu’elles avaient prononcé en le touchant comme on pétrit la chair du bétail pour voir s’il est prêt à aller à l’abattoir. « Usagé », par exemple. Comment pouvait-on être usagé ? Quel cirque ces femmes avaient-elles fait et pourquoi ?

- T’as pas bonne mine. C’est pas une mauvaise stratégie, tu seras peut-être moins coursé.

Le hapien tourna la tête sur le côté. Son voisin de cage, Vassell, avait l’air en effet plus pimpant que lui. Il était jeune.

- Tu m’as l’air mieux renseigné qu’moi, maugréa Lloyd. Tu m’expliques un peu là ?
- T’es dans le village des Elites Dorées, dit seulement Vassell.
- Voilà qui m’avance beaucoup.
- Tu tombes vraiment de nulle part, toi. C’est une tribu. Sur Dathomir, les tribus de femmes sont dominantes. Et tu es un homme dans une tribu de femmes. Elles collectent les hommes pour les chasser. Les bons, en tout cas. Ceux qui sont pas suffisamment de bonne qualité, elles les donnent à manger aux rancors.
- Ah.
- T’inquiète, t’as l’air de faire partie du haut du panier, comme moi.
- J’sais pas si c’est censé me rassurer.
- Hum… Tu vas voir ça bientôt. J’pense que si.

Comme pour confirmer ses propos plusieurs geôlières, avec leurs armures en écaille, s’approchèrent des cages. A plusieurs, elles se mirent aux angles des cages pour les soulever et les transporter. Lloyd sentit sa propre cage tanguer sous lui tandis qu’on le déplaçait. Cette fois, il ne dit rien : il avait vu les bleus sur sa poitrine à cause de la lance et mieux valait de toute façon attendre le bon moment pour ficher le camp.

Les cages en rejoignirent d’autres, dans une salle rocheuse un peu isolée du village. Lloyd fut un moment estomaqué : dans les autres cages, plusieurs hommes étaient entassés. La plupart étaient maigres, maladifs. Certains étaient nus, certains étaient mutilés. Il y avait même quelques vieillards. Lloyd comprit alors ce que Vassell entendait par « le haut du panier ».
A côté des cages, il y avait une grande porte en métal. Des grognements provenaient de cet endroit et firent frissonner le hapien. Une geôlière alla justement jusqu’à la porte et tapa la hampe de sa lance contre le métal. Les grognements s’intensifièrent, et la geôlière beugla d’une voix affectueuse :

- OH MAIS OUI C’EST QU’IL VA AVOIR UN BEAU DINER CE SOIR, HEIN KRODOK ? UN BEAU DINER !

Devant cette scène surréaliste, d’autres femmes préparaient une sorte d’arène : devant la porte, le terrain s’enfonçait dans la roche, et on consolidait à l’aide de tronçons de bois le cheminement vers le trou. On avait approché l’une des cages, où quatre hommes, deux vieillards, un zabrak et humain maladif, étaient prostrés, l’œil vide. Comme s’ils acceptaient leur sort.

Lloyd s’efforça de respirer calmement. L’humiliation qui avait eu lieu quelques minutes plus tôt dans la tente n’était rien en comparaison de la perspective d’être déchiqueté vivant par un rancor adulte.

C’était un Sith, se rappela-t-il platement en son for intérieur. Il ne pouvait pas s’enfuir tout de suite, mais il trouverait un moyen. Et Dana allait certainement négocier pour qu’on le laissât tranquille, voilà tout.
Darth Hope
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-Enfin réveillée. Pas trop tôt, s’indigna une voix rauque.

Elle fronça les sourcils et se redressa sur un coude. La douleur à son abdomen lui piqua les nerfs et elle gémit doucement avant de serrer les dents, agacée par cette blessure. Elle avisa la femme à son chevet. Derrière les peintures qui ornaient son visage, elle avait du mal à deviner son âge. Peut-être la trentaine passée. Elle possédait une chevelure blonde, ornée d’osselets et de pierres. L’Inquisitrice sentit sa tête tourner et elle se pencha pour vomir un peu de bile sous les yeux sans expression de l’inconnue. A l’intérieur de la tente qui les abritait, une fumée âcre prenait aux tripes et remuait les estomacs. La Sith avait vomi en comprenait qu’elle provenait d’un autel sur lequel brûlait des organes frais.

-C’est quoi cette odeur…
-Du foie de rancor, c’est pour porter bonne fortune. Lève-toi, j’dois te préparer.
-Me préparer à quoi ?
-Affronter le rancor. Si ton sang coule, il fera une offrande pour nos dieux.

J’ai été sacrifiée un peu trop de fois ces temps-ci. Dana eut une nouvelle grimace.

-Vos dieux…
-Les dieux de Dathomir sont puissants, conta la femme avec un sourire transi. Ils font couler une force mystique dans les veines de cette terre et la transmettent à leurs filles.  Je suis une des prêtresses de cette tribu. Parce que la force mystique m’a bénie. Je m’appelle Havi.
-Encore des conneries, prépare-moi qu’on en finisse, s’impatienta Dana, la rage au ventre.
-Ta combattivité t’honore. Mais est-ce du courage ou de l’inconscience.

Havi guida l’humaine jusqu’au centre de la tente. Elle s’empara ensuite d’un petit pot en terre cuite et y plongea ses doigts afin d’appliquer l’onguent noir autour des yeux brillants de Dana. La fumée envahissait l’air, lui irritait les narines et la gorge. La prêtresse prononçait des mots dans une langue qu’elle ignorait et traçait des ombres sur son visage. L’huile sombre qui s’étalait sous ses paupières et glissait sur sa peau suante avait l’odeur de graisse. Elle eut un nouveau haut-le-cœur quand elle comprit que c’étaient les foies carbonisés et broyés qui coulaient sa figure.

-Aussi petite nature.
-C’est à gerber.
-Ca va exciter le rancor, de sentir la chair des siens sur toi.
-Et après ? Quand je l’aurais mis à terre. Je pourrais participer à votre chasse.

La blonde posa sèchement son pot sur une table. L’impatience de Dana lui donnait un sentiment mitigé : de pitié, d’admiration. Elle se plaça devant l’autel et tendit ses bras vers les cieux, face à plusieurs figures gravées dans du bois, de la pierre, du métal. Autant de visages, de corps qui représentaient leurs dieux.

-Si tu vaincs le Rancor et que tu survis à son courroux, cela fera de toi une des nôtres. Aurea décidera de ta place ensuite. Guerrière, prêtresse…

Elle laissa ses bras retomber le long de son corps et étira un sourire entendu qu’elle offrit à l’impériale.

-Et t’autorisera à chasser pour te ramener un homme.
-Parfait.








Enfin, la lumière avait décliné dans le puits. La nuit tombait sur Dathomir et les entrailles de la Montagne s’illuminaient de brasiers. L’ambiance était à l’effervescence et l’air était galvaudé de la force des dathomiriennes qui se rassemblaient au plus profond de la roche. Même les petites filles suivaient avec fébrilité les pas de leurs mères. Elles prenaient place dans les hauteurs, ou près de l’arène improvisée. Et quand Dana apparue, escortée d’Hebe et de Thea, les cris retentirent. En écho, les grognements qui perçaient depuis l’autre côté de la porte métallique se firent plus insistants.

L’Inquisitrice avait en main une lance, qu’on lui avait mise dans la paume sans la consulter. Une piètre arme face au monstre qu’elle s’apprêterait à affronter. Face à elle, au milieu du carré de combat, on avait libéré quelques hommes dont la peur irradiait dans l’atmosphère. Une femme à la lance aiguisée réclama le silence tandis qu’Aurea apparaissait au milieu des siennes.

-Mes sœurs ! Des années ont passé depuis que notre Reine a dressé Kodrok. La Reine Aurea dont la gloire ne se ternit jamais, que les dieux ont béni comme si elle avait été leur propre fille ! Ces hommes, ces moins que rien, mettront Kodrok en appétit pour son dessert (Et elle pointa Dana de son arme, étirant un sourire qui dévoila des dents si blanches qu’elles contrastaient avec ses peintures faciales). Ce soir, nous accueillerons une sœur ou alors…nous nous réjouirons de la mort d’une ennemie !

Le sol gronda quand les portes métalliques vibrèrent pour s’ouvrir. L’ombre du rancor recouvrit le sol, avalant les proies qu’on lui offrait ce soir. Dana releva sur lui des yeux tremblants. Elle raffermit la prise sur sa lance pour empêcher tout le reste de son corps de trembler. Elle fit le même effort pour se contraindre à ne pas reculer face à la masse imposante de Kodrok qui s’était élancé à la lumière. Elle retint son souffle.

-Kodrok, fit la reine avec une assurance débordante.

L’animal dressa l’attention vers la source de cette voix familière, soudainement docile. Aurea eut un sourire froid et ses lèvres articulèrent clairement :

-Tue-les tous. Ces quatre pauvres déchets et cette catin de l’Empire. Je te récompenserai avec plus de chair encore.

Et il se mit à rugir et son rugissement réveilla sa plaie tant il était intense. Dana lui reconnut au moins sept mètres de haut. Ce n’était effectivement pas un bébé. Les pauvres hommes reculèrent vers elle, mais ils furent tous fauchés d’un coup de patte dont les griffes écorchèrent profondément leurs chairs, jusqu’à les laisser agonisants sur le sol rocheux. Leur sang avait été projeté jusqu’à la Sith qui demeurait immobile, tétanisée. L’hémoglobine s’ajouta à l’horreur qu’on avait étalé autour de ses yeux. Kodrok la fixa et sentit l’odeur des siens.

-Je suis le cœur de l’Obscurité, récita-t-elle, les muscles tendus alors qu’elle se mettait en garde. Je ne connais pas la peur mais je l’instille à mes…ennemis.

Elle sentit la Force venir à elle au moment où la bête la chargea dans un hurlement atroce. Dana écarquilla les yeux et roula au sol pour échapper aux griffes mortelles. Elle serra les dents et se concentra, puisant dans ses tripes autre chose que la peur et l’incertitude.

Il chargea de nouveau et elle tendit ses bras fermement. Il y eut des exclamations de surprise quand le rancor fut percuté pour l’onde de répulsion. La Sith se précipita sur lui. A chaque pas de course, elle prenait de l’élan, puisant dans la Force pour sauter à hauteur de son poitrail.. Elle aligna la pointe de sa lance, prête à attaquer.

-Kodrok ! guida Aurea, figée de colère.

Le rancor se reprit. Sa patte percuta Dana en plein vol pour l’envoyer s’écraser Au sol à des mètres de là. L’Inquisitrice eut l’impression de se briser sur la roche. Elle roula sur le côté et cracha, figée par la couleur pourpre de son propre sang qui s’était répandu hors de sa bouche. Elle sentit la colère lui enserrer douloureusement la poitrine.

-Elle est à terre, achève-là.
-Trop brève comme agonie, signala Hebe à Thea.

La bête avala la distance qui la séparait de sa victime, gueule grande ouverte. Dana se redressa péniblement. L’adrénaline étouffait la souffrance de ses os, mais son corps peinait à se mouvoir aussi rapidement qu’elle l’aurait voulu. Les hurlements féminins coulèrent à ses oreilles avec indifférence. Elle promena son regard sur la foule, jeta son attention sur chacune des cages présentes, jusqu’à ce que ses yeux charbonneux arrivent à lui, en même temps que la griffe du rancor s’abattait sur elle.

Le sang jaillit.

Elle le vit s’épanouir dans l’air, au-dessus d’elle, tandis qu’elle chutait à terre, le ventre en feu. Kodrok rugit sa satisfaction et tourna autour du corps inerte de l’Inquisitrice. La Reine se para d’un sourire satisfait.

-On dirait bien qu’il veut donner du spectacle. Voyez comment se soumettre aux hommes rend faible. Tu as gagné le droit de t’amuser avec elle Kodrok, mais ne fais pas trop durer le suspense.

Dana gémit et tenta de se relever. Elle retomba pauvrement, joue contre la roche fraîche et maculée de sang. Elle n’arrivait pas à croire, que tout se finirait ainsi. Devant son œil écarquillé, elle voyait ce que sa mort apporterait. Peu de choses. Elle serait vite oubliée. Lloyd pourrait sans doute s’en sortir seul, cette fois-ci. Elle allait fermer les yeux.

Tends la main.
Il va m’la manger si je fais ça.


Et elle se sentit pousser vers la cage du nexu.

Le rancor se pencha sur elle, approcha de son corps meurtri ses crocs affamés. Elle huma la puanteur de sa gueule putride, où macéraient encore les chairs de ses précédentes proies. Elle raffermit ses doigts autour de sa lance sous les regards attentifs de la foule.

-Elle bouge encore ? s’enquit Thea, toute excitée.
-Plus pour très longtemps.


Et il sera mon esclave.
Il devra pourvoir au moindre de mes besoins.


Les mots de Hebe la réveillèrent brusquement. Elle pivota sur le dos dans un cri mêlant rage et douleur et planta son arme dans la mâchoire qui s’apprêtait à la broyer. Elle invoqua la Force, profitant de ce sentiment d’invulnérabilité que lui procurait l’adrénaline. Elle offrit son regard à celui de la bête, banda ses muscles et enfonça sa lance davantage. Rien qui ne tuerait le rancor, mais la douleur le choquait assez pour tenter de reculer.

-Je vais te tuer, promit-elle.

Elle se laissa porter quand il se redressa et d’une acrobatie simple, se réceptionna au sommet du crâne de la créature. Elle retira sa lance et se dépêcha de la planter dans la tête monstrueuse. Elle sentit l’os résister contre la pointe de sa lance. Aurea se redressa. Elle avait pâli.


Dana cria et toutes s’exclamèrent en la pointant du doigt, car de sa plaie au niveau du ventre, là où était passée la griffe, quelque chose sortait. Et l’Inquisitrice invoquait la Force, quitte à s’y sacrifier. Elle emporterait le rancor avec elle. Elle eut un sourire à travers son visage maculé de sang et d’onguent, tandis qu’elle rassemblait la Force autour du néant, qu’elle usait de sa sorcellerie, comme elle n’en avait jamais usé. De sa chair prit forme un portail noir et des tentacules le franchirent. Thea plaqua une main choquée contre ses lèvres.

Je m’engage dans l’Obscurité….

Kodrok hurla au moment où le contact avec ces choses brûlèrent ses nerfs, ses muscles, consumant son être par un simple contact. Il ploya, soumis par la souffrance. Le mouvement fit perdre l’équilibre à Dana qui bascula dans le vide. Et parce que l’animal était plié en deux, elle ne chuta que de trois mètres au lieu de sept. Son corps rebondit lourdement contre le sol, soulevant une gerbe poussière. Le portail se rompit, son lien avec la Force également. Elle cracha plus de sang et peina à maintenir sa conscience à flots.

-C’était quoi ces trucs ? s’exclama Thea.

La créature se remettait de ses brûlures et il n’avait d’yeux que pour la source de son malheur. Cette humaine fragile qui peinait à respirer au sol, désormais. Il brandit sa patte, ses griffes brillèrent au-dessus de Dana, prêtes à l’empaler.

-KODROK, s’écria Aurea. Arrête !

Il suspendit son geste comme le reste des spectatrices suspendirent leur souffle, accrochées aux lèvres de leur souveraine.

-Cette femme s’est bien battue. Elle a de toute évidence, les dieux de Dathomir de son côté.
-Mais…Aurea…commença Hebe, figée de stupeur.
-J’ai pris ma décision, trancha-t-elle. Ramassez-la et soignez-la. C’est désormais votre sœur. Et la mienne. Que l’on prépare aussi les hommes. La chasse aura lieu dans deux jours.


Lloyd Hope
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- DANAAA !

Le cri de Lloyd avait été inaudible. La foule autour de l’arène s’était massée et les cris d’encouragements, les commentaires, les pronostics, les grognements de la bête, tout cela avait noyé la voix du hapien dans un brouhaha festif. On tapa des mains quand l’Inquisitrice évita de peu un nouveau coup de griffe mortel. Des poings se levèrent quand son sang gicla dans les airs.
C’était une fête, alors qu’elle allait mourir sous ses yeux.
A genoux parce que la cage était trop petite pour tenir debout, la tête appuyée contre les barreaux comme s’il avait pu passer au travers, le hapien tenta de faire appel à la Force, en vain : le rancor était beaucoup trop loin. Autre chose, alors ? Une diversion ?

Lloyd se concentra pour attirer la Force à lui, puis la jeta sur la lance de la guerrière la plus proche. L’arme vola dans les airs. Il allait la retourner contre la femme quand…

- AH !

Il ploya brusquement sous la douleur. Cette fois, la geôlière n’avait pas frappé pour l’avertir. Elle avait frappé pour faire mal, d’un coup profond dans les côtes. La lance qu’il avait fait voltiger grâce à la Force était tombée lourdement au sol et la femme la récupéra avant de s’acheminer aussi vers lui. Les cris de la foule couvrirent un peu leur conversation.

- … fait ça ?
- Oui ! Il est… J’en étais sûre.
- … isoler.

Le hapien n’eut que le temps de lever le regard vers les deux femmes avant de se prendre les coups suivants. Elles s’y étaient mise à deux. Elles le rossèrent sans ménagement. Il essaya de se recroqueviller au fond de la cage, mais il n’y avait guère de place pour fuir et il reçut des coups au visage, sur le thorax, dans le ventre.
Les coups ne cessèrent que lorsqu’un grand silence apparut brutalement dans l’arène. Interpelées, les deux geôlières regardèrent dans la direction du rancor et Lloyd tâcha fébrilement de se redresser pour voir à son tour.

Il était tellement sûr qu’elle était morte.






Mais non. De longs filaments, épais comme des tentacules, étaient apparus autour de l’Inquisitrice et un bref instant, il crut qu’un nouveau danger attaquait Dana. Avant de comprendre que… c’était elle qui les contrôlait, puisque le rancor en fut victime une seconde plus tard.

Comme tout le monde, Lloyd retint son souffle. Son cœur battait à tout rompre. Aurea intervint en sa faveur, et le combat sembla être terminé. Il y eut de nouveaux cris d’admiration, des sifflements, mais beaucoup de conversations animées, surtout.

Le hapien ne vit pas venir le nouveau coup qui cogna sa tempe, et tout fut plongé dans le noir de nouveau.

-------

-------

-------- … assez exceptionnel, mais ça va nécessiter une surveillance accrue.
- La drogue ne va pas suffire ?
- Pour le moment, si, mais il faudra cesser de lui en administrer quelques heures avant la chasse. Sinon, il n’offrira pas un beau spectacle.
- C’est dommage qu’il soit tout abîmé.
- C’est superficiel, ça se résorbera.

Lloyd ouvrit les yeux. La douleur et le froid l’étreignirent. Pourtant, plusieurs flambeaux brûlaient dans la salle circulaire. Il tourna la tête et sentit le monde chavirer. Il était engourdi, allongé sur une table, ou un autel, il ne savait exactement, mais il sentait son torse nu sur une surface froide. On avait eu la décence, cette fois, lui laisser ses effets sur ses membres inférieurs, mais ses mains étaient de nouveau liées ainsi que ses pieds.
L’effet de la drogue était quant à lui moins fort que la première fois qu’on lui avait administré la petite matière friable. Le hapien cligna des yeux, et sa vue se stabilisa.

Il y avait là deux femmes, dont l’une qu’il avait déjà vue. La femme blonde qui l’avait palpé la première fois, avec les peintures sur le visage, et une autre, grande à la stature large, qui jeta sur lui un regard de convoitise qui le mit mal à l’aise. La blonde, pour une fois, le gratifia un vrai regard, dans les yeux.

- Ah, te voilà éveillé.
- Mmh, grogna-t-il.

Ses mâchoires étaient crispées par la douleur. Son torse et son visage était joliment orné d’hématomes ronds, comme si la geôlière avait voulu le décorer du bout de sa lance de jolis pois pour le préparer à la chasse. La femme se mit à contrôler ses contusions du bout de ses doigts ornés de longs ongles blancs.

- Tachi, laisse-nous.
- Appelle-moi s’il s’agite.
- Bien sûr. Mais il va rester calme.

Les deux silhouettes disparurent du champ de vision du hapien. Il essaya de tourner sa tête de l’autre côté, mais le décor à sa gauche était exactement le même : des bougies, de drôles de sculptures, un parfum étrange. Quand elle revint vers lui, la femme blonde s’approcha avec un petit pot en terre cuite et un bref instant, il crut qu’elle allait le soigner. Mais l’odeur de la mixture lui fit immédiatement comprendre que ça n’avait rien à voir. Il grimaça quand, avec deux doigts, elle commença à lui tracer des signes sur le torse. Le mouvement lui rappela un souvenir. Une autre encre, un autre corps, un autre lieu.

- Les dieux t’ont offert un don qui n’appartient ici qu’aux seules femmes, dit-elle d’un ton égal. N’en fais plus usage. Le don ne t’appartient pas. Il appartiendra à celle qui t’aura chassé, et tu ne pourras t’en servir qu’avec son autorisation. Mais ne t’inquiète pas : tu seras chassé par quelqu’un à la hauteur de ta valeur. Les meilleures d’entre nous combattront pour t’obtenir.

Lloyd la regardait toujours tracer des volutes sur son torse par endroits tuméfié.
C’était absurde. Il avait renoncé à faire entendre raison à qui que ce soit. Il fallait juste qu’il trouvât un moyen de s’enfuir. Sauf que… Dana. Si seulement il pouvait ne serait-ce que joindre Mumkin… Son comlink !

- Où est ma veste ? sursauta-t-il soudain.
- Mise à part. Ne t’inquiète pas, elle sera rendue à ton épouse lorsque celle-ci t’aura maté. Elle décidera de te la rendre ou non. Ce n’est pas perdu.

Le hapien retomba dans un mutisme hébété. La femme cessa son œuvre et parut la contempler avec satisfaction.

- Redresse-toi, ordonna-t-elle soudain sèchement.

Lloyd parvint à se redresser pour se retrouver assis sur la table de préparation. La tête lui tourna. Il avait beaucoup trop pris de coups sur la tête ces derniers temps et il eut une crainte irrationnelle sur des séquelles durables. Mais non, il avait été drogué. Ça irait mieux, plus tard. S’il tenait le coup, s’il ne s’agitait plus pour qu’on ne lui administrât plus cette fichue drogue.
Dans son dos, il sentit que la prêtresse avait commencé à tracer aussi ses signes sibyllins.

- Bon, il y a une chose que tu dois savoir : quand la chasse débutera, les hommes les plus faibles sont exécutés. C’est-à-dire que ceux qui ne jouent pas le jeu de la course et du combat sont hors concours dès le départ. Ça limite la soumission trop rapide. Ensuite, les femmes vont chasser l’homme qu’elles convoitent. Pour savoir lequel chasser, elles vont venir vérifier un peu les proies toute la journée de demain. D’où viens-tu ?

Il y eut un bref silence, pendant lequel le cerveau de Lloyd traitait l’information au ralenti.

- De l’Empire.
- Non. Je te parle de ta planète d’origine.
- Hapès.

La femme éleva les sourcils.

- Je n’en ai jamais entendu parler. C’est loin ?
- Oui.
- Tu n’as pas été conçu dans l’inceste ?
- Quoi ? Mais non.
- Parfait.
- Aurea veut qu’ils soient exposés dès demain matin, j’aimerais bien les nourrir maintenant. Tu as bientôt fini avec celui-là ?

La femme armée qu’il avait vue un peu plus tôt était revenue d’un pas nonchalant.

- Oui, j’ai terminé, tu peux le récupérer.

Tachi s’approcha d’un pas de conquérante. Elle attrapa Lloyd par le bras et le fit descendre à terre d’un geste brusque.

- Alors ?
- Il m’a l’air en bon état, vous ne l’avez pas trop abimé. Mais… pas très intelligent.

Tachi haussa les épaules.

- On leur d’mande pas d’réfléchir, de toute façon.

-------

-------

-------La nuit avait été longue. Et glauque. Recroquevillé dans sa cage, n’ayant plus que son pantalon et ses bottes, Lloyd avait passé le plus clair de son temps à grelotter, dans un état de sidération désagréable. Ils avaient eu une sorte de pâté avant que les flambeaux fussent éteints, puis il y avait eu le silence et la nuit. Des gardes, nombreuses, avaient patrouillé autour des cages. Avant de s’endormir, Vassell lui avait confié que toute cette sécurité n’était pas tant par crainte qu’ils s’échappent que par crainte que quelqu’un vint les abimer ou les « tripoter », comme avait dit le jeune homme, avant que la chasse eût lieu.
Lloyd n’avait pu ensuite fermer l’œil.

-------

-------

-------Au matin, ils avaient eu une nouvelle fois droit à cette pâté infâme. Le hapien l’avait dévoré. Son corps se fichait encore moins de la faim que de la douleur et de l’humiliation. Au travers de la brume qui quittait peu à peu son esprit, un instinct de survie le maintenait alerte malgré la fatigue et les mauvais traitements.

Quand la lumière fut suffisamment intense, on ouvrit les cages, une à une. Lloyd avait espéré pouvoir marcher un peu, mais au bout des quelques minuscules pas que lui permettaient ses liens, on le conduisit, comme les autres, à un mur de pierre au bout du village. Déjà, toute une petite foule de femmes se pressaient les regardaient passer avec un intérêt tout particulier. Tous les hommes avaient été débarrassés au moins de leurs vêtements du haut, et on les positionna sous des crochets de métal sertis dans la roche. Quand le hapien comprit pourquoi, il sentit la panique gagner son esprit. Mais partout où il regardait, il y avait ces guerrières armées. Elles étaient nombreuses, et lui sous l’emprise encore quelque peu de la drogue administrée par la geôlière ne serait pas en mesure de leur échapper. Il serra les dents quand la geôlière arriva à sa hauteur. Alors, elle le força à s’asseoir et passa autour de son cou un collier de métal étroit qui lui enserra la gorge, glacé. Avec une chaîne courte, elle l’accrocha sèchement au mur.

Ce fut ainsi qu’il se retrouva à genoux, les mains, les chevilles et le cou dans le métal, à la merci d’une foule venue vérifier la marchandise. Il se laissa pendre en avant, autant que le lui permettait sa chaîne, pour s’obstiner à regarder le sol devant lui et ignorer les premières mains qui venaient tâter ses muscles, tirer un peu sur ses cheveux. Parfois, quelqu’un relevait son visage et tripotait ses paupières pour mieux voir ses yeux, ses lèvres pour mieux voir ses dents et il restait là à se faire manipuler, atterré et impuissant.

Il n’avait plus l’impression de faire partie des êtres conscients de ce monde. Il était une marchandise, une proie.

Quelqu’un dit qu’il n’était plus en très bon état. Il était d’accord avec cette personne-là.

-------

-------

-------Quand la Force l’alerta sur la présence de Dana, il consentit soudain à lever ses yeux émeraudes. Le soulagement de la voir non seulement vivante, mais debout fut intense mais tout aussi brutalement, il eut conscience du spectacle qu’il offrait. Il était à genoux, incapable de se défendre, ses cicatrices et hématomes exposés comme une saleté indélébile. Quelque chose se mit à brûler au fond de sa gorge et dès que Dana fut à portée, il ne put que la gratifier d’un regard haineux et de lèvres pincées.

- Ça va, tu t’amuses bien ? siffla-t-il, acide, avant même qu’elle fut assez près de lui pour se parler de façon plus privée.

Il regretta aussitôt ses propos, parce que Dana était probablement la seule personne qui le considérait peut-être comme un être conscient ici et pas un simple objet, mais sa gorge était si serrée, et malgré toute la douleur, il avait repensé à ces gémissements entendus de l’autre côté de la paroi dans le Sans-Visage.
Il s’agita dans ses chaînes, essaya stupidement se relever avant d’être stoppé net dans sa tentative par la chaîne qui se tendit et le ramena brusquement à terre. Il accusa le coup et préféra tomber de nouveau dans sa contemplation du sol, à genoux.

- Quand tu auras fini de te faire acclamer, tu penseras p’t-être à dire à tes nouvelles copines que j’suis pas du bétail, décréta-t-il. A moins que tu participes à la fête ?

Dana ne ferait jamais ça, bien sûr, c’était purement pour la provoquer. Pour ce qu’il avait fait passer Dana pour sa femme de ménage, pour lui avoir dessiné sur le ventre, et partout, c’était ça, qu’il récoltait ?

Ce que tu peux être con. Et minable, putain.
Darth Hope
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Les lèvres de Dana demeurèrent closes de longues secondes. Un temps beaucoup trop court pour encaisser les mots de Lloyd Hope. Elle avait pensé caresser le summum de la douleur aujourd’hui : la chute brutale après le crash, les coups de Hebe, les griffes impitoyables de Kodrok. Tout était imprégné dans sa chair et dans ses os abîmés. Mais les paroles du Sith achevaient ce qui restait d’intact en elle. Son esprit, sa volonté si forte quand il s’était agi de descendre dans cette fosse embrasser la mort pour pouvoir lui éviter à lui, un sort autrement plus funeste. Elle s’abaissa lentement pour arriver à sa hauteur et le fixer dans les yeux.

-M’amuser ? répéta-t-elle sur un ton qui oscillait entre l’ironie et la colère. Tu penses que ça m’amuse de crever comme du gibier ? Tu penses que si des MOTS avaient suffi, j’serai descendue me faire déchiqueter ?

Elle ravala presque son dernier mot pour contenir l’amertume et la haine, mais ce ne fut pas suffisant. Ils envahirent ses poumons, comme de l’oxygène empoisonné. Elle sentait sa tête qui tournait et ce n’état pas à cause de ses blessures récentes. C’était un autre genre de nausée ; celle qui secouait le corps quand on était profondément dégoûté. Dégoûté des autres. Dégoûté de soi-même pour avoir cru à tant de mensonges, pour avoir été si naïve. Elle ignora les larmes brûlantes qui inondaient désormais ses yeux dorés. Elle fixait le sol.

-Je suis désolé de pas avoir été là quand Raidun te défonçait à l’étage. J’regrette de pas être monté te chercher sur Khar Delba. Que des foutus mensonges pour mieux me baiser.

Ses doigts rampèrent fébrilement jusqu’au bracelet qui ornait son poignet. Elle en défit les lanières et le présenta devant les yeux du captif.

-Je suis pas ta putain. Je vais te sortir de là parce que t’es un Sith, alors laisse-moi t’attraper lors de cette foutue de chasse à la con. Mais après on sera quitte. Et tu ne m’adresseras plus jamais la parole. C’est clair ?

Et elle fourra le bijou dans l’une des poches du pantalon qu’il portait encore et se releva pour le toiser. Elle aurait aimé évincer le sentiment qui lui tordit les tripes en le voyant ainsi enchaîné, à la merci des dathomiriennes. Mais une autre blessure anéantissait son âme et elle n’était pas sûre de s’en remettre. Runà, Jaden…ils avaient tous raison. Elle réussit à décrocher son regard de la vision pathétique qu’il offrait. Et elle pensa qu’elle ne devait pas offrir meilleur spectacle.







La journée avait été longue. Elle avait refusé de manger, refusé d’autres soins, parce qu’elle sentait que ses besoins physiologiques n’avaient plus d’importance. Dana ne quittait pas la tente qu’on lui avait assigné bien qu’elle fût libre de se promener dans le village. Elle se concentrait sur la chasse à venir et essayait d’éluder les échos de la voix de Hope dans son esprit meurtri. Elle était restée silencieuse et impassible, aussi éteinte que la lueur du jour à l’heure du crépuscule, quand on était venue la chercher pour la baigner. Face à son manque de volonté, Havi avait pris sur elle de récurer le sang, la terre, la sueur qui avaient formé sur son derme, une bouillie sèche. Les mots de la prêtresse lui paraissaient évanescents. Le plafond voûté des thermes creusés à même la roche semblait vouloir l’écraser et elle se recroquevilla davantage dans l’eau. La blonde l’avait séché et lui avait offert une tenue au cuir de rancor souple, ainsi que des vêtements à mettre en dessous. De retour à sa tente, Havi avait poursuivi son petit rituel. Dana était demeurée aussi docile qu’une poupée, perdue dans sa colère et sa tristesse. Elle n’avait pas remarque qu’on lui avait tressé une partie des cheveux et qu’on avait, à l’aide de pinceaux, dessiné sur son visage pâle où persistaient les vestiges pathétiques d’un œil au beurre noir. Elle aurait voulu qu’Aurea ne donne pas l’ordre à la bête de l’épargner. Elle aurait souhaité sentir ses griffes impitoyables lui transpercer le corps.




-Tu n’es pas en état.
-Je le suis parfaitement.
-Tu refuses de te nourrir, tu refuses de poursuivre les soins de tes blessures. Tu ne tiendras pas une heure dans la forêt.

Aurea lui avait rendu visite et Shar lui avait fait part de sa volonté de participer à la chasse. Pour une souveraine, la dathomirienne semblait bien proche de son peuple. C’était elle qui venait à ses sœurs et non qui les convoquait. Dans un autre contexte, Dana aurait pu apprécier le geste. Mais pas aujourd’hui. Assise sur le bord d’un lit couvert de peaux de bêtes, elle se prenait la tête entre les mains. Elle essayait de se réveiller de ce mauvais cauchemar mais rien ne fonctionnait.

-Pourquoi lui avoir ordonné de m’épargner ? demanda-t-elle soudain.
-Pour que tu sois ma sœur.
-Je n’ai qu’une sœur et elle est morte, fit-elle avec amertume.
-Pour que tu m’enseignes également. Que tu m’enseignes à contrôler la force mystique des dieux. Comme tu l’as utilisé face à Kodrok.
-Alors laissez-moi participer à la chasse et je vous enseignerai tout ce que vous voudrez, lâcha-t-elle d’un ton morne.
-Je ne suis pas sûre que tu y survives et j’ai besoin de toi, vivante.
-Je ne mourrai pas.
-Comment peux-tu en être aussi sûre ? s’insurgea la Reine en la toisant sévèrement.
-Comment vous savez que votre foutu cœur bat dans votre poitrine ? Je le sais pas et pourtant, c’est comme ça. Je veux cet homme. Je vous enseignerai après.
-Bien. L’homme qui est tombé du ciel. Je vois. Tu peux participer, mais saches que si tu y laisses ta vie. Je me débrouillerai pour qu’il y laisse la sienne aussi en compensation.

Quelle importance, après tout. Avait-elle encore envie de se battre pour Lloyd Hope ? Elle acquiesça en silence et Aurea parut satisfaite. Elle lui recommanda de manger et de se soigner, parce que la chasse était un sport éprouvant.


La nuit fut longue et douloureuse. Une fièvre délirante l’avait cueillie au milieu de son sommeil, alors que l’une des blessures infligées par le rancor s’était rouverte. Elle s’était réveillée en sueur pour constater le sang qui maculait les bandages dont on avait entouré son abdomen. Dana se rallongea sur sa couche, la respiration sifflante. Il fallait qu’elle se rendorme. Elle ferma les yeux, prête à sombrer. A l’aube, une Havi catastrophée était entrée dans sa tente. Elle s’était précipitée à son chevet pour découvrir la fièvre qui n’était pas retombée, les plaies encore à vif malgré les premiers soins de la veille et une Inquisitrice que la vie s’apprêtait à quitter. La prêtresse glapit son désarroi et se dépêcha de rassembler ses onguents et son matériel. Tout l’avant-midi, elle s’occupa du corps blessé de la Sith, parfois sous les ordres d’une Aurea intransigeante qui venait réclamer des bonnes nouvelles concernant l’état de santé de Dana et qui n’en avait que des mauvaises.







Les participantes avaient été alignées devant l’arbre majestueux qui ancrait ses racines au plus profond de la montage. On disait que cet arbre était l’avatar d’un dieu et qu’il possédait la force mystique, lui permettant de vivre dans la roche. Depuis le puits de lumière, les reflets du crépuscule tombaient sur le village. La chasse débuterait dès la nuit tombée. Elles étaient moins nombreuses que les proies à traquer, mais une bonne partie de ces dernières risquaient sans doute de mourir. Il fallait donc multiplier les chances de pouvoir trouver un mari pour la majorité d’entre elles. Hebe envoya un regard fier et défiant à Thea qui se contenta de sourire. Les deux femmes semblaient en compétition pour le même homme. Lé geôlière à la lance comptait parmi les chasseuses. Une prêtresse passait devant elles, sous la surveillance maternelle de la Reine, et agitait un encensoir. L’odeur était reconnaissable entre toutes : du foie de rancor.

-Puissent les dieux bénir cette chasse et vous ramener de quoi perpétuer la survie du village. N’oubliez pas que les hommes sont faibles, ils n’ont qu’un rôle dans cette vie. Tuez ceux qui vous donneraient des filles faibles, et capturez ceux qui, parmi les plus résistants pourront faire de vous des mères fières.

Elle ménagea un petit silence et le coin de ses lèvres se retroussa en un sourire qui ne disait rien qui vaille.

-Je suis sûre que vos choix sont déjà faits. Je le vois dans vos yeux brûlants.

Quelques rires fusèrent dans le rang. On s’apprêtait à se donner du courage, quand une silhouette chancelante s’invita parmi elles. Aurea serra la mâchoire en découvrant Dana, qui tenait à peine debout, au milieu de ses « sœurs ». Hebe ricana.

-Tu n’es pas sérieuse.
-On avait un accord.
-Cette nuit encore, tu étais presque morte.
-Je vais bien, merci, grogna-t-elle, la tête bourdonnant d’une douleur insipide.
-Ah ouais ? intervint Hebe qui poussa sèchement l’Inquisitrice. Affaiblie, cette dernière perdit l’équilibre et s’étendit de tout son long au sol, juste au bord du bassin. Dana fixa son reflet dans l’eau, elle y découvrit ses cernes morbides, son teint pâle couvert par quelques peintures tribales et ses yeux que la vie avait presque quitté. Elle grimaça et fit un effort considérable pour se relever.
-Peut-être qu’elle devrait faire partie du gibier à abattre ? Ce serait juste un acte de mansuétude que de l’achever.
-Hebe, tiens ta foutue langue, s’énerva la souveraine.
-Nous avions un accord…insista-t-elle, la voix rauque.

Aurea sembla peser le pour et le contre, fortement contrariée. Elle dévisageait la Sith, persuadée du sort qui l’attendrait dehors. Toutes passaient leur regard de l’une à l’autre, figée par la tension soudaine.

-Bien, accorda la reine, à contrecoeur. Qu’on lui donne des armes. Et que les dieux aient pitié d’elle.
-Pas besoin d’armes….
-Quoi ?
-J’ai déjà ce qu’il me faut.

Dana avait beaucoup de défauts. L’entêtement, l’inconscience, la colère, un goût prononcé pour les hommes qui étaient des cons finis, mais…elle n’était pas suicidaire. Glissé dans son pantalon, sous son armure, le sabre-laser de Lloyd attendait son heure de gloire. Elle l’avait subtilisé dès que Havi avait levé sa garde, appelée par des devoirs sacrés. Elle avait rampé hors de son lit et avait erré dans le camp, à la recherche des affaires du blond. Havi l’avait surprise juste après son « vol », et l’avait uniquement sermonnée pour être sortie du lit dans son état. L’adrénaline faisait encore effet depuis et elle était prête à planter cette lame dans la gorge de toutes ces salopes.


L’air frais de la nuit fouetta sa figure trempée de sueur et créa un contraste qui réveilla son corps endolori. Il chassa la léthargie induite par la fièvre. Dana prit une grande inspiration. Autour d’elle, les silhouettes des chasseuses se dispersaient déjà vers la forêt qui bordait la montagne. Elles ne devinrent plus que des pas silencieux et invisibles. Tandis qu’elle, on entendrait sa respiration saccadée à des lieues à la ronde. Mais c’était parfait. Elle souhaitait que Lloyd puisse l’entendre et la repérer plus vite.

Lloyd Hope
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Le reste de la journée lui avait laissé du temps pour réfléchir. Ou plutôt pour ressasser. Pendu au bout de sa chaîne, il avait alterné les moments de colère - contre Dana pour s’être enfuie du vaisseau, contre Mumkin pour ne pas avoir fait les révisions nécessaires, contre Jaden pour exister, contre les dathomiriennes pour le mauvais traitement qu’elles lui réservaient et, bien sûr, inlassablement, contre lui-même pour être un imbécile, un lâche, et un sentimental – et des moments de profond désarroi. Chaque fois qu’il sentait le bracelet dans sa poche, il repensait à ces yeux dorés qui avaient brillé quand elle avait compris qu’il avait voulu lui éviter ce collier, et la brûlure en lui-même était plus vive, plus douloureuse que tous les coups de lance qu’on avait pu lui infliger. Alors il se sentait si bas qu’il se répétait qu’il avait peut-être mérité son sort, et comme pour confirmer ses dires la geôlière repassait régulièrement devant lui et s’amusait à frotter sa cuisse contre son visage, dans un geste évident de concupiscence. Comme pour dire « si t’étais à moi, tu sais bien ce que tu me ferais ».
Lloyd parvint en fin de journée à se forcer à rester vide, indifférent, à laisser tout couler en lui et sur lui comme si plus rien n’existait, comme si plus rien n’en valait la peine. Ne rien ressentir et rester comme mort, c’était encore ce qui était le plus tolérable.

-------

-------

-------Le lendemain, à la tombée de la nuit, les cages furent ouvertes. Les geôlières pointaient leurs lances dans le dos des prisonniers pour les faire avancer et Lloyd obéit en silence, les yeux baissés devant lui afin d’être sûr de ne croiser aucun regard qui l’enterrerait plus encore. Son plan était simple : il irait droit devant. La chance le ramènerait au vaisseau, ou il mourrait dévoré par un rancor. Il était hors de question de tomber dans les griffes de qui que ce soit. Mieux valait mourir que de devenir un esclave : il avait servi l’Empire du mieux qu’il avait pu, mais sa vie ne trouverait pas un sens sur Dathomir. Et vu l’état de Dana, de toute façon, il doutait qu’elle fut capable de le chasser plus vite que certaines des femmes qui étaient venues le voir au cours de la journée. L’une d’entre elles, athlétique, s’était accroupie devant lui et lui avait murmuré une promesse à l’oreille : qu’elle irait jusqu’à la mort s’il le fallait pour qu’il lui appartînt. Ce serait donc sa mort à elle, ou sa mort à lui, s’il n’arrivait pas à fuir.

Il retrouva la sensation de la boue sous ses bottes lorsqu’on les conduisit dans la forêt. Dans l’obscurité, celle-ci n’avait pas la même allure que ce qu’il avait vu lors de leur atterrissage : de nombreux sons se faisaient entendre, des croassements, des cris rauques dans le ciel, des grincements. Et le froid était plus intense, la visibilité moindre, l’Obscurité plus prégnante. Lloyd s’était mis à frissonner. Les hommes furent libérés de leurs liens autour des pieds, mais leurs mains restaient attachées, et on leur expliqua qu’il ne fallait pas partir tout de suite : il y aurait un coup de sifflet. A ce moment-là, ils pourraient fuir. Dix minutes plus tard, il y aurait un deuxième coup de sifflet. Et les chasseuses partiraient à leur tour pour les rattraper.

Le hapien jeta un coup d’œil à sa gauche. Vassell était nerveux.

- Tu comptes faire quoi ?
- Retourner à mon vaisseau et me tirer. Défendre chèrement ma peau.
- C’est un plan stupide.
- Ouais. Parait que j'suis pas très futé. Et toi ?

Vassell haussa les épaules.

- Je viens de la capitale. J’étais dans un convoi pour repérer de nouvelles zones potentielles pour les mines. Ça sert à rien d’essayer de le retrouver, ils sont partis depuis longtemps. Alors je vais essayer de trouver une tribu d’hommes qui pourra m’aider à rentrer. Certains disent qu’ils existent mais…

L’humain ne termina pas sa phrase.

- La capitale, répéta Lloyd. C’est où ?
- Deux milles kilomètres d’ici, vers l’est.

Autant dire complètement hors de portée. Sauf s’il récupérait son vaisseau.

- Ton plan est pas beaucoup plus élaboré que le mien.
- A la différence que si elles m’attrapent, je me soumettrai. Le temps de réussir à m’échapper plus tard.
- Plus tard, tu veux dire une fois que tu seras esclave ? C’est perdu d’avance, j’imagine qu’elles savent mater leurs hommes, justement.
- Je serrerai les dents le temps qu’il faudra, rétorqua Vassell, un peu amer.


Fuuuuuuuuuuuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiit !


- Bonne chance quand même.
- Toi aussi.

Les hommes s’élancèrent dans la nuit. Dans son dos, Lloyd entendit que certains d’entre eux étaient exécutés : on entendit des gémissements et des gargouillis après le bruit sec d’une lance plantée dans un corps. Probablement ceux qui n’avaient pas voulu courir.

-------

-------

-------Lorsqu’il entendit, loin derrière lui, le deuxième coup de sifflet, Lloyd avait déjà parcouru quelques centaines de mètres. Sa progression était difficile. La boue, les racines, la crainte dès qu’un grognement retentissait. Il avait trébuché plusieurs fois, s’était étalé de façon pathétique dans la terre meuble et humide, ses mains liées l’empêchant d’avoir son agilité ordinaire. Le froid mordait son torse nu couvert de boue, de foie de rancor et de sueur, et à ses oreilles sifflait constamment sa propre respiration effrénée. Il sentait encore les hématomes douloureux sur sa poitrine, et le sang pulser à l’arrière de son crâne comme sa blessure récente n’avait guère été ménagée.
Mais le pire, c’était qu’il ne voyait rien. Il avait eu un petit espoir, avant le début de la chasse, de pouvoir reconnaître le relief : l’endroit où il s’était crashé, le grand marécage à proximité qu’il avait repéré quand ils étaient sortis chercher Dana, ou même la falaise où le rancor avait basculé. Mais l’obscurité avait tout englouti et il savait désormais qu’il avançait complètement à l’aveuglette et son espoir de retrouver le vaisseau fut complètement anéanti.
Il avait bien dans la poche un bracelet qui activait un comlink, mais celui-ci était soit dans sa veste, soit par terre là où il était tombé dans le piège. Il n’arrivait pas à se souvenir s’il avait récupéré le comlink avant d’être capturé. Il ralentit, sortit le bracelet de sa poche. Sous ses doigts, il lui sembla que les trois serpents déversaient un venin qui lui brûlait les entrailles, mais il tâcha d’en faire abstraction. Il appuya sur les deux boutons, au cas où le comlink se ferait entendre dans la nuit. Mais bien sûr, il n’entendit rien. L’autre bouton aurait dû activer un motospeeder qui était beaucoup, beaucoup trop loin d’ici, dans un monde auquel il ne voulait plus penser. Il rangea le bracelet dans sa poche et se remit à courir.

-------

-------

-------Au bout d’un long moment, il eut une conscience aiguë d’un problème dans son environnement : il n’y avait plus de grognement, plus de croassement. Seuls ses pas qui s’écrasaient dans la boue résonnaient dans la forêt. Il étendit la Force autour de lui, mais celle-ci resta silencieuse. Dana n’était pas là. Quelqu’un d’autre ? Un rancor ?
Il essaya d’accélérer, mais son corps accusait une fatigue certaine. Les derniers jours n’avaient pas été propices au repos et si la Force aurait pu l’aider à booster sa course, il n’arrivait tout simplement pas à y avoir recours. La fatigue, le manque de… Volonté. Une part de lui, peut-être, voulait plutôt qu’on l’abatte.

Il y eut un bruit sec à quelques mètres derrière lui et il cessa aussitôt sa course. Il fit volte-face, le souffle court, et ses yeux fouillèrent la nuit, sans succès.

Soudain, un trait siffla à son oreille, passant à quelques centimètres de sa peau. La flèche se figea dans un tronc derrière lui. Lloyd recula maladroitement, à l’affût, mais la chasseuse était tout simplement invisible dans l’obscurité et la brume.

- Sortez de l’ombre, ordonna Lloyd, mais seul le silence, dans un premier temps, lui répondit. Je veux voir contre qui je me bats, au moins : ce combat est déjà assez déloyal comme ça.

Il agita ses mains liées devant lui, pour ponctuer ce qu’il venait de dire : sans bras, qu’est-ce qu’une chasseuse pouvait craindre ?

Une silhouette se dessina dans la nuit. Une queue de cheval faite de cheveux clairs, un visage régulier. La chasseuse était jeune et arborait un petit sourire.

- Trouvé, dit-elle simplement avec un sourire. Je pensais que tu serais plus difficile à attraper que ça.
- Je suis pas encore attrapé, corrigea le hapien.
- Non, mais bientôt.

Thea sortit une nouvelle flèche de son carquois, et elle sortit également quelque chose de sa poche. Lloyd ne voyait pas quoi, mais elle s’en servit pour enduire le bout de sa flèche. Après quoi, elle banda son arc, et le visa.
Le hapien recula encore, concentré. Lorsque le trait partit, il aurait dû se planter droit dans ses chairs afin de lui infliger un poison qui le soumettrait mais, bien sûr, la Force aidant, la flèche fut déviée au dernier moment et se ficha de nouveau dans un tronc. Thea siffla de colère. Lloyd arracha la flèche de l’arbre des deux mains. C’était une bien piètre arme, mais c’était mieux que rien.

- Il va falloir venir me chercher au corps à corps, je crains que les flèches ne fonctionnent pas sur moi.
- Tu n’as pas le droit d’utiliser le don ! cracha Thea. Quand tu seras mien, je te punirai pour un tel affront. Seules les filles de Dathomir peuvent être bénies par les Dieux.
- Hé bah, ils ont peut-être fait une exception pour moi.
- Uniquement pour que tu puisses engendrer des filles elles-mêmes dotées de ce pouvoir. Et ces filles, tu me les donneras.
- Viens les chercher, alors.

Thea le toisa, consternée. Elle tira de nouveau une flèche, et recommença sa petite manipulation. Mais cette fois, au lieu de bander son arc, elle le déposa au pied d’un arbre, puis s’avança doucement vers lui.

- Si tu te laisses faire, je déposerai le poison délicatement, ce ne sera pas long et ce ne sera pas douloureux.

Cette phrase sonna un vieux souvenir dans l’esprit de Lloyd. Il le rejeta au fond de lui-même comme si sa mémoire avait essayé de le noyer par surprise. Traitresse.

Soudain Thea se jeta sur lui. Il essaya de bondir en arrière, et d’agiter la pauvre flèche qui lui servait d’arme. Mais la jeune femme était agile, et elle le contourna en deux grandes enjambées avant de se retrouver derrière lui. Elle se plaqua contre lui, dans son dos, et amena la pointe de sa propre flèche sur la gorge du hapien. De son autre bras, elle tâcha d’immobiliser les mains de Lloyd.
Ce dernier tenta le tout pour le tout. Il se propulsa en arrière, se jetant sur le tronc le plus proche et écrasa brutalement Thea contre celui-ci, elle se mit à suffoquer et lâcha momentanément sa prise. Il se dégagea, se retourna et leva sa flèche pour la planter dans le corps de la chasseuse quand…

- AH !

La douleur subite le fit chanceler de côté. Sur le moment, il ne comprit pas comment Thea avait pu lui insérer une flèche dans le flanc avec tant de rapidité et de force.

- Tu es nulle, Thea ! fit une voix à quelques mètres de là, dans un arbre.

Soudain, il comprit. Il y avait deux chasseuses autour de lui. Malgré son flanc douloureux, dans lequel était resté fiché la flèche, il se mit à courir aussi vite qu’il le pouvait, en haletant.
Déjà de nouveaux traits sifflèrent à ses oreilles. Il ne se retourna pas pour voir s’il arrivait à les distancer. Il courait pour sa vie. Pour ce qu’il restait à sauver, s’il restait encore quelque chose.
Un bracelet, peut-être.
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La tête lui tournait. Le coup de sifflet avait déclenché sa progression, mais les autres concurrentes – en meilleure forme et davantage habituées à l’exercice, entraînées pour depuis leur enfance, l’avaient devancée. Elle cogna son épaule contre un tronc d’arbre et s’y figea, essoufflée par la centaine de mètres qu’elle avait déjà parcourus. D’entre ses lèvres s’évadait une vapeur maladive. Sa fièvre menaçait de refaire surface malgré la médecine d’Havi. Elle grelottait sous le cuir qui protégeait sa peau blessée à tellement d’endroits. Cependant, un éclat perdurait dans l’or de son regard. Une étincelle qui s’épanouissait et dévorait l’obscurité alentours avec lucidité. Derrière la souffrance d’un corps brisé, sa volonté n’avait jamais été aussi forte.

Après le combat contre le rancor, elle s’était sue incapable de combattre à nouveau. Entre deux pics fiévreux, elle avait mobilisé ses réflexions, prenant les paroles de la prêtresse comme un fil conducteur vers la réalité. Elle s’était accrochée, en dépit de la douleur, de son esprit en charpie, pour rassembler quelques morceaux d’un plan de bataille. Elle avait repensé à la tenue de Lloyd Hope, elle s'était souvenu du sabre-laser qui pendait à sa ceinture, mais aussi de sa veste qui devait abriter la fameuse ligne 122-6. A cet instant, elle avait compris qu’il aurait sans doute plus besoin du bracelet qu’elle.

Dana possédait le comlink, le sabre, mais manquait encore d’énergie. Elle se décolla de l’arbre et hasarda quelques pas dans la brume nocturne, dans l’obscurité dont elle perçait à peine les secrets. La lune de Dathomir était plus intense que son soleil et sa lueur traversait silencieusement les ombres, comme une coulée d’argent : dévoilant du relief, des repères qui disparaîtraient le lendemain. Elle entendit du bruit et se contracta, les sens en alerte. Ses doigts glissèrent dans son pantalon, saisirent le métal du sabre-laser qu’elle empoigna pour le brandir, sans l’allumer, le souffle contenu dans sa poitrine. Un grognement répondit au silence.

Encore un putain de rancor.

-T’en as mis du temps, fit-elle alors qu’elle voyait son ombre émergée entre les arbres.

Il était moins imposant que Kodrok, deux, voire trois fois moins. Sans doute encore un jeune égaré de son nid par l’appel de la viande fraîche qui résonnait ce soir dans la forêt. Il dévoila ses crocs, comme s’il lui souriait, mais elle n’eût pas le temps d’apprécier son geste. Son pouce glissa contre le commutateur du sabre et la lame pourpre jaillit dans les ténèbres. Le crépitement sec avait alerté la créature qui s’était immobilisée.

-Allez, approche, que j’t’allume, lui dit-elle en se mettant en garde, concentrant la Force autour d’elle.


Il y eût un hurlement dans la nuit noire. Il s’entendit sur des kilomètres et broya les oreilles attentives. Quelques chasseuses avaient cessé leur attaque, surprises par l’écho, permettant à un Vassell essoufflé de reprendre la fuite. Elles se regardèrent, incertaines puis se remirent en chasse.










Lloyd dût freiner sa course brutalement.
Thea et Hebe surgirent dans son dos, prêtes à en terminer mais elles dirigèrent leurs armes vers l’ombre qui s’était dressé sur le chemin du hapien. Thea serra les dents de contrariété.

-Sérieusement ?! C’est pas le moment pour qu’un rancor me gâche ma chasse ! geignit-elle avant de décocher sa flèche.

Qui n’atteignit jamais sa cible. La bête lâcha un rugissement de douleur, pourtant. Un vent glacial balança les feuillages et permit aux rayons lunaires de jeter leur lumière sur le dos de l’animal. Hebe recula d’un léger pas, frappée par la surprise de découvrir Dana à califourchon sur le rancor. Théa blêmit. L’Inquisitrice serrait en main le sabre-laser qui brillait désormais au-dessus de son poing et l’animal qu’elle chevauchait perdait beaucoup de sang au niveau de l’abdomen. Elle l’avait soumis, péniblement, par la Force et la douleur. Elle en était encore essoufflée et sa poitrine se soulevait par saccade douloureuse. Cependant, elle dans son état, elle avait eu besoin d’une monture pour rattraper son retard, pour arriver à temps dès que le comlink biperait, dès que le fil rouge dans la Force vibrerait.

-J’ai bien dit que je te tuerai, annonça-t-elle vers sa rivale.

Hebe grimaça un sourire. Elle avait eu le temps, après la stupeur, de rassembler ses esprits.

-Thea, tuons cette garce.
-Aurea nous…
-Aurea ne sera pas obligé de le savoir. La chasse tue aussi les femmes faibles.

La jeune blonde leva son arc, visant la Sith. Cette dernière se laissa glisser du dos de l’animal pour se vautrer à terre. L’animal poussa un cri de rage et se pencha vers elle, mais elle brandit sa lame, le regard aussi dur que l’acier. Elle se concentra pour maintenir le carcan de la Force autour du rancor, pour s’assurer une trop fragile docilité.

-T’en veux encore ?

Un nouveau hurlement bestial puis le monstre tourna les talons avant de s’enfoncer dans la nuit, espérant panser ses plaies. Dana se redressait péniblement quand une flèche se planta dans son épaule droite. Hebe abaissa son arc avec satisfaction.

-Encore debout.
-Lloyd, fit-elle clairement vers le hapien. Tu as le choix. Tu peux courir. Ou rester. Mais si tu cours, je ne pourrais plus te rattraper. Si tu restes, je pourrais te protéger de ces deux salopes.

Et elle progressa vers Thea et sa consoeur, animée par une rage qui excitait ses sens. Elle avait déjà connu cette combattivité, lorsqu’elle se battait dans les Lames Rouges où elle avait pris à ignorer sa propre douleur en l’infligeant à l’adversaire. Thea eut un sursaut et dans la panique, décocha une nouvelle flèche en direction de Dana. Cette dernière mobilisa la Force et déploya une onde de choc qui les frappa de plein fouet. Elle accéléra ses pas et s’élança, brandissant le sabre-laser. Elle avait jeté son dévolu sur Hebe avec qui elle avait des comptes à régler. Ses cheveux de jais flottèrent dans l’air froid alors qu’elle rabattait la lame sur la guerrière. Hebe hurla de douleur avant de tomber à genou. Elle fixait avec horreur son bras, qui gisait désormais au sol, un arc encore fermement tenu à la main. Dana pointa la lame près du cou de la dathomirienne. Les reflets rouges de l’arme frappaient leurs figures marquées de peintures. Celles de Dana faisaient ressortir ses yeux lumineux. Elle fit un mouvement, prête à enfoncer la lame dans la gorge qui avait fait tant de promesses.

-Arrête ! s’écria Thea, complètement paniquée. Je t’en prie ! C’est une sœur !
-Elle a voulu me tuer, dit Dana. Et toi aussi.
-Hebe a mauvais caractère, mais elle ne mérite pas de mourir comme ça ! On…on te laisse l’homme tombé du ciel si c’est que tu veux.
-Dîtes-moi comment retourner au vaisseau.
-C’est…impossible, tu te rappelles pas ? On a marché des heures, pris des raccourcis, c’est à l’autre bout de la forêt ! Y’a pas que des rancors…vous mourrez avant même de l’atteindre, on s’perd vite dans la forêt. Y’en a qui ont déjà essayé.

Hebe profita de ce moment pour poignarder la cuisse de Dana d’une flèche qu’elle avait dans sa main encore valide. L’Inquisitrice cria de douleur et se plia en deux. De ce même poing libre, Hebe enchaîna avec un coup dans la mâchoire. Shar fut projetée au sol. Elle gémit quand son dos percuta la terre humide.

-Pétasse, siffla Hebe en tenant son épaule à laquelle manquait un bras. Aurea fait de toi une sœur, et tu nous trahis avec tes projets de fuite. Je savais qu’elle n’aurait pas dû t’épargner.
-Hebe, arrête !

Thea était complètement dépassée. Elle leva son arc à nouveau et une flèche vola à quelques centimètres de la tête de Hebe qui s’immobilisa.

-Arrête, répéta-t-elle. Elle a gagné sa proie. Tu l’as vue ! Elle a chevauché un rancor, même Aurea n’a pas réussi cette prouesse !
-Un coup de chance simplement ! Elle m’a coupé un bras !
-C’est la loi de la plus forte. Nous devons rentrer te soigner.

Hebe cracha une promesse de vengeance sur Dana avant de faire demi-tour. Allongée au sol, fixant le ciel, l’Inquisitrice respirait mal. La souffrance dépassait l’adrénaline. Elle avait mal partout. A son épaule perforée, à sa cuisse poignardée, à son abdomen. Elle éteignit le sabre-laser et tourna son visage vers Lloyd, attendit qu’il croisa son regard pour lui révéler le comlink qu’elle tenait dans une main et qui avait bipé quand il avait appuyé.

Thea s’apprêta à suivre son aînée, mais elle se ravisa pour s’adresser à elle.

-Si tu veux retourner à ton vaisseau, tu auras besoin de l’aide d’Aurea. Je te conseille de retourner au village avec ta prise. Le soleil va bientôt se lever, tu verras la montagne, il suffira de se diriger dans sa direction. A l’aube, les rancors ne chassent pas, tu auras le champ libre. Si tu t’entêtes et que tu tentes de retrouver ton vaisseau, dans ton état, je donne pas chère de ta peau. (Puis elle fit une moue capricieuse en admirant Lloyd.) Quel dommage….je me serai si bien occupée de toi.


Thea n’avait pas menti.
La montagne se dressait, majestueuse, au-delà des arbres, dès que le soleil reprit son règne.

-C’était quoi ton plan, fit-elle vers Lloyd, toujours allongée à terre. Tu espérais retrouver le Sans-Visage ? Sur la jungle de Dathomir ? Dathomir a brisé nos soldats, elle est impériale parce que le sang des nôtres abreuvent sa terre. Elle t’aurait brisé aussi et aurait bu ton sang.

Elle rejeta le comlink vers lui.

-J’ai tenté de joindre ton alien, sans succès. Il va falloir m’écouter maintenant et suivre mes plans. Et après on sera quittes, ok ?

Complètement quittes…

Lloyd Hope
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Le Sans-Visage trônait au bord d’un plateau humide. Il dépassait de la brume, sa silhouette artificielle maladroitement inclinée, et la passerelle laissée ouverte toute la journée avait finalement été refermée, une nouvelle fois. A bord, Mumkin réessaya de contacter le comlink.

- Lloyd ? Lloyd ici Mumkin. Attends les consignes. Lloyd ? répétait-il plusieurs fois par heure.

Mais la fréquence 122-6 restait désespérément silencieuse. Après avoir guetté le retour du hapien ou de Jaden ou de l’Inquisitrice, après avoir fait les quelques réparations possibles, il était vite arrivé à la conclusion qu’il aurait pu probablement tenter de s’envoler, mais il ne pouvait pas retourner dans l’espace vu la panne qui s’était produite. Il fallait aller dans une vraie structure urbaine, où il pourrait tenter des réparations plus solides. Mais où cela se trouvait-il ? Sur ses radars, il n’y avait rien à des kilomètres. Mais surtout, ne pas avoir de nouvelles de son patron l’inquiétait au plus haut point. Il pensa à essayer de survoler la zone, mais ça lui paraissait risqué : il utiliserait du carburant peut-être en vain. Et Lloyd certainement saurait mieux s’orienter en lui donnant rendez-vous au seul point connu de ce lieu : là où ils s’étaient écrasés.

- Lloyd, ici Mumkin, reprit le dévaronien recroquevillé sur le siège de pilote. Promis je fais toutes les révisions qu’il faut la prochaine fois. Reviens s’teuh plait maintenant.

Une diode s’alluma sur le tableau de bord, puis s’éteignit. Il entendit un grattement retentir, comme si quelque chose grattait la coque du Sans-Visage, et Mumkin rentra la tête dans les épaules.

- Lloyd, ici Mumkin. J’ai peur tout seul.

-------

-------

-------Lloyd s’était appuyé contre un tronc et laissé glisser doucement à terre, le souffle court. Tout s’était passé si vite. Un instant plus tôt, il avait cru que les flèches le transperceraient. Puis que le rancor le dévorerait.

Mais Dana était apparue et il la regardait encore après le départ de Thea et Hebe, abasourdi. Il laissa tomber la flèche qu’il tenait encore dans ses mains pour rattraper maladroitement le comlink contre son torse. Il resta un moment silencieux. Les mots de Dana volèrent comme d’autres traits audacieux, lui en rappela d’autres, qui s’étaient plantés durement dans sa chair quelques temps plus tôt.

Je suis désolé de pas avoir été là quand Raidun te défonçait à l’étage. J’regrette de pas être monté te chercher sur Khar Delba. Que des foutus mensonges pour mieux me baiser.

Avec ses mains toujours liées, il rangea comme il put le comlink dans sa poche. Voilà, il avait de quoi s’appeler d’une poche à l’autre. Mumkin aurait beaucoup rigolé à cette blague, songea-t-il. Son alien. Son putain d’alien qui avait eu raison sur Dana et lui depuis le départ.
Le hapien s’évertua à arracher la flèche plantée dans son flanc. Il tira d’un coup sec et un grognement de souffrance s’échappa de ses lèvres. Puis il y eut de nouveau cet étrange silence. Les bruits de la forêt avaient repris le dessus. Lloyd lâcha la flèche et appuya comme il put sur la plaie qui déversait un filet de sang.

Au bout d’un moment, quand la douleur fut un peu plus supportable, il se mit à considérer Dana de nouveau. Il n’avait pas besoin d’y voir comme en plein jour pour s’apercevoir que son état n’était guère mieux que le sien. Dana avait des vêtements adaptés au terrain, contrairement à lui, mais là s’arrêtait son avantage. Elle était à terre.
Il détourna le regard, considéra la montagne. On apercevait la montagne. Théoriquement, ils auraient pu marcher dans cette direction. Dana aurait fait fuir les rancors avec son pouvoir et…
Le hapien fit non de la tête pour lui-même. C’était insensé. Il était prêt pourtant à mourir ici. Mais pas à condamner Dana en même temps.

Il se força à se relever. Ses jambes encore sous le coup de la course folle qui venait d’avoir lieu le firent vaciller un instant mais en titubant, il parvint à enjamber les racines et les flaques de boue qui le séparaient de Dana. Il se laissa tomber à genoux à côté d’elle. Du même geste sec avec lequel il s’était libéré de sa flèche, il arracha celle que Dana avait dans la cuisse. Elle eut mal. Les yeux émeraudes du hapien restèrent vides. Pourtant, après avoir jeté la flèche pleine de sang, il appuya sa main contre la plaie comme il l’avait fait pour lui-même. Il parla sans la regarder.

- Les Sith ne méritent pas d’être sauvés les uns par les autres, je te rappelle. Mais j’ai fait une exception pour toi, je peux pas te reprocher de faire la même chose. Alors tu as raison : quand on repartira, nous serons quittes, et on pourra s’ignorer comme les bons Sith qu’on sera ensuite.

Faire comme si rien ne s’était passé d’important. L’indifférence, la haine, ils connaissaient cela si bien. Serait-ce plus difficile de s’ignorer entre eux que d’autres rivaux ? Pour lui, oui. Mais elle n’avait pas besoin de le savoir.
Il baissa les yeux vers elle, croisa dans la pénombre les prunelles dorées qui le fustigeaient. Il soutint un bref instant son regard, et sortit le bracelet de sa poche.

- Et à ce moment-là, tu me rendras le bracelet. Avant ça, c’est notre seul moyen de communiquer et j’espère bien que la dompteuse à laquelle j’appartiens désormais comprendra que ça peut encore nous être utile.

Il lui attrapa le poignet pour essayer de lui remettre de force le petit objet.

- Mais reste tranquille putain. Si c'est si insupportable que j'te touche comment t'as fait pour tomber dans mes foutus mensonges, hein, grinça-t-il, amer.


Darth Hope
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Elle avait arrêté d’opposer de la résistance dès qu’il avait grincé des dents avec amertume. Elle sentit le cuir des lanières s’ourler autour de son poignet pâle, le métal familier des tubes qui s’entrelaçaient, singeant des serpents. Dana détourna sa figure vers Lloyd, elle demeura silencieuse à écouter leurs respirations saccadées et à entendre leurs regards qui s’étaient combinés. Sous son dos, dans le creux de ses reins, la terre épousait ses formes, marquée de son poids. Peut-être qu’elle avait perdu beaucoup de sang, peut-être pas assez.

-Est-ce que tu m’appartiens ? articula-t-elle, sans animosité, les yeux à demi-clos, fébrile d’épuisement. Où est-ce que je t’appartiens ?



Le retour au village ne fut qu’un long trajet flou. Comme dans un songe, elle s’était vu ramasser le sabre-laser pour le rengainer dans la chaleur de ses vêtements. Les femmes se méfieraient moins s’il arrivait au village toujours attaché. Il était nécessaire d’endormir leur vigilance afin d’élaborer un plan de fuite clair et de rassembler des informations topographiques fiables sur la région. Elle réfléchissait encore à une issue quand elle avait manqué de s’écrouler, abattue par la fatigue soudaine qui peser sur ses épaules, trahie par son propre corps qui tentait de se réparer sans le repos nécessaire. Dana avait le souvenir vague des mains de Lloyd qui la rattrapèrent pour l’aider à marcher. Et plus ils marchaient, plus la montagne s’était rapprochée, les engloutissant dans son ombre froide.


Les cris avaient retenti dans le village quand les chasseuses revenaient avec leur trophée. Les plus vieilles, celles dont les tempes avaient déjà blanchi et dont les poitrines s’affaissaient – accablées par le temps, commentaient amèrement les prises. L’effervescence avait réveillé Dana. Ses oreilles captèrent des mots de félicités, des injures, des ricanements moqueurs ou des sifflements admiratifs. Les mains ne tripotaient plus les muscles du hapien, elles se tenaient désormais éloignées de lui, maintenues en respect par sa nouvelle appartenance. Il était le compagnon de l’une d’entre elle et seule cette dernière pourrait se permettre de le traiter comme un esclave. Elle en avait gagné le droit en chassant dans la forêt.

Presque toutes les participantes avaient ramené un homme. Même Théa que l’on croyait hors course à cause de la blessure de Hebe s’affichait fièrement avec un Vassell vaincu à ses pieds. Tout le monde admirait la blonde, louait sa parenté proche avec la reine, l’acclamait comme la future souveraine de leur minuscule nation. Le soleil jetait sa lumière dans le puits et irriguait les branchages de l’arbre d’une lueur ocre. Ils furent tous invités à se présenter devant une tente dont le tissu était peint de symboles rouges. Un rouge bruni par le temps. Du sang séché. Dana faisait son possible pour se maintenir consciente. Encore en alerte dans ce monde inconnu, ce ne fut pas bien difficile. On fit agenouiller les hommes devant leurs maîtresses. Et Aurea apparut à l’entrée de la tente. Elle croisa le regard de l’Inquisitrice et sourit avant de s’exclamer :

-La chasse a été fructueuse cette année. Comme nous l’ont ordonné nos dieux, les unions doivent être consommées dans l’heure qui suit le lever du soleil et nous y sommes. J’espère que vous n’avez pas trop empoisonnées vos flèches mes sœurs. Vos…hommes ont besoin de toute leur énergie désormais.

Des rires éclatèrent dans la foule massées derrière les participantes.

-Thea. Tu es la première.

Dana lança des regards paniqués vers Havi qui se rapprocha d’elle tandis que Thea et Vassell entraient dans la tente. Elle se pencha à l’oreille de la prêtresse pour lui souffler avec agacement.

-Il se passe quoi ?
-Je crois que tu ferais mieux de patienter, ce sera plus limpide qu’un long discours.

Un silence religieux s’abattit sur l’assemblée. Même la roche s’était tue. D’interminables secondes s’étirèrent et des cris étouffés parvinrent de la tente.




Havi sourit avec satisfaction et déballa d’un carré de tissu une racine qu’elle présenta à la blessée.

-Mords ça, ça apaise les douleurs mais ça ne retire absolument pas les autres sensations, expliqua-t-elle sur un ton entendu.

Les doigts de Dana saisirent la plante mécaniquement.

Elle aurait voulu trouver ce moment gênant, à penser que tout un village assistait au coït du couple, sans le voir certes, mais n’était-ce pas pire ? Elle mordit dans la racine, mâcha lentement, laissa le goût rance infuser dans sa salive, se répandre dans son corps. Après une vingtaine de minute où les imaginations n’avaient cessé de s’emballer, Théa ressortit, un sourire comblé sur ses lèvres. Elle fut suivie de Vassell à nouveau enchaîné qui ne semblait pas particulièrement défait. On acclama la jeune femme. Dana ne sentait plus la souffrance de son corps. Elle aurait préféré.

Deux autres couples passèrent ainsi, et au fur et à mesure, la tension qui contractait les muscles de l’Inquisitrice se renforça.  Quand son nom résonna sous le silence de la foule et qu’on releva sèchement Lloyd parce qu’il n’avait pas l’air de souhaiter se lever, elle sentit sa gorge se nouer.



Dans la tente, plusieurs lumières éclairaient un espace circulaire. Un autel était dressé en l’honneur des dieux et chacune des figures était maculé de sang vieux et frais. Elle aperçut une vieille dame qui terminait de retracer un symbole au sol. Des bougies parfumées délimitaient le dessin qu’elle faisait avec concentration. Elle entendit un cliquetis dans son dos, on retirait ses chaînes au hapien. Était-ce pour autant qu’il aurait une possibilité de fuite ? Ils étaient piégés comme des rats et c’était elle qui les avait menés droit dans ce guet-apens.

-Déshabille-toi, lui ordonna la vieille prêtresse, sans ménagement.

Elle ne sut pourquoi elle obéit. La résignation, peut-être. Les effets de la racine, sans doute. Elle détacha les sangles de son armure souple. Le cuir tomba lourdement à ses pieds. Elle se dévêtit des linges qui dormaient en-dessous, dévoila le bandage à l’abdomen, ses bleus récents, toutes les meurtrissures de son corps et elle eut honte qu’il puisse les voir, acter de sa faiblesse qu’on avait gravé jusque dans sa chair. Elle eut le courage de faire face à Lloyd alors que la vieille défaisait sa longue chevelure de jais.

Il verrait.

Il faisait si clair ici.

Il verrait les lettres sur son sein.

Mais cela avait-il de l’importance ?

Seul le bracelet couvrait encore sa chair. Et il donnait l’impression de l’habiller assez.

-Allonge-toi là, dit-elle dans un mauvais basic en lui désignant le symbole au sol, entre les bougies.  Et toi déshabille-toi aussi, râla-t-elle comme si elle avait marre de répéter toujours la même chose. L’âge rendait aigri.






La vieille femme parut satisfaite. Elle retourna un sablier sur l’autel et quitta les lieux.

Autour d’eux, le silence.

-Je peux leur dire que t’es impuissant, souffla-t-elle. Tu irais nourrir Kodrok. Je peux aussi faire semblant d’être contentée. Ou alors…

Et il sentit ses doigts féminins rouler le long de son torse.

-On sera quitte après. Comme…de bons Siths. Et on sauve nos vies. Rien de plus.


Lloyd Hope
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- Rien de plus, hein ?

Parle pour toi.

Le hapien s’était agenouillé suite à l’indication sèche de la vieille femme. Lui aussi avait dû se dévêtir. Comme Dana s’était exécutée, il en fit de même. Elle lui avait demandé de suivre son plan de toute façon. Mais il ne put s’empêcher, en retirant ses bottes, en dénouant sa ceinture, de repenser à la façon dont on l’avait déshabillé l’avant-veille, pour le manipuler péniblement. Et à la façon dont Darth Runà lui avait dit, de sa voix cinglante, qu’il devait commencer par retirer sa chemise. Et une fois nu, il se sentit plus vulnérable encore, comme si la défaite était évidente.

Son corps portait le même genre de blessures fraîches que celui de Dana. Et le même genre de brûlures plus anciennes. La lumière était vive. Il lui semblait que le corps de Dana, allongée devant lui, avait au moins pour lui la beauté folle de la féminité, les courbes et les couleurs de la jeunesse, peut-être même la délicatesse du sang royal dans ces cheveux brillants, cette peau douce au teint parfait, ces longs cils recourbés.
Mais lui, son propre corps lui semblait juste être une charpente contre lesquelles trop de pluies s’étaient abattues : des pluies de sang, des pluies acides, des pluies de sueur, des pluies de larmes, des pluies de honte, des pluies de guerre, des pluies de fuite, des pluies de douleur. Des pluies impériales, mais pas de celles qui caressaient les pointes magnifiques des Grands Temples du Clergé : de celles qui noyaient les crânes des soldats sur les champs de bataille, de celles qui remplissaient les bunkers pour y dissimuler les cadavres d’enfants flottant dans les égouts chargées d’urines déversées par les beaux quartiers de Kaas City. Voilà ce qui luisait sur sa propre peau. Et les traces de boue qu’il avait essayé d’effacer maladroitement en se déshabillant ajoutait à cette image impropre.

Il était blême.


Il avait mal. Le sang avait cessé de couler sur son flanc mais la douleur était toujours là. Et un autre genre de douleur, aussi. Il serra les lèvres, et baissa de nouveau les yeux sur elle.

H.

O.

P.

E.

Il fronça les sourcils. Dans une langue, il ne savait plus laquelle, son nom signifiait quelque chose. On le lui avait dit, une fois, quand il avait voyagé dans l’espace Hutt. Il ne savait plus quelle langue, il ne savait plus quelle signification. Il se demanda s’il délirait. Il pencha la tête de côté, comme si changer de sens de lecture pouvait donner une autre signification à ce tatouage qu’il se souvenait avoir embrassé dans une cellule, sur Dromund Kaas. Mais non.
Il ne comprenait rien à Dana.

- C’est quoi, ça.

Sa voix n’était plus qu’un souffle éteint, et il ne bougeait pas. Il n’avait toujours rien commencé. Pensivement, comme elle l’avait pour lui, il fit néanmoins courir doucement ses doigts sur elle. Sur sa cuisse blessée. Des yeux, il suivait ses propres doigts en attendant les explications de l’Inquisitrice. De la Princesse de Ch’hodos. Une princesse devait-elle s’expliquer devant quelqu’un comme lui ? Probablement pas.

- Tu as de la fièvre, constata-t-il platement.

-------

-------

-------Dehors, les chasseuses et les prêtresses attendaient patiemment. D’habitude, les premiers gémissements arrivaient vite. Là, on s’ennuyait ferme, alors que d’ordinaire, on aimait bien commenter la virulence des ébats. C’était une forme de victoire tacite, que l’homme chassé procurât du plaisir. Est-ce que l’homme tombé du ciel ne fonctionnait pas ou bien était-ce leur nouvelle sœur qui s’était évanouie à cause de ses blessures ?

- Avec moi, il aurait fait son travail vite fait bien fait, commenta Hebe avec amertume.

-------

-------

-------Mais dans la tente, Lloyd ne bougeait toujours pas. Et il savait que Dana attendait. Et sa proposition était claire. Pourquoi ne pouvait-il pas tout simplement profiter d’un dernier moment de félicité ? Tout s’était accumulé dans sa chair ; et pas que le désir. Il allait falloir, effectivement, qu’il s’emploie à faire ce qu’on attendait de lui, mais il avait l’impression, simultanément, que c’était probablement le dernier moment que Dana lui accorderait pour l’écouter. Chaque fois qu’il se décidait à formuler des mots, il lui semblait que c’était une erreur, que Dana retournerait contre lui sa faiblesse qu’elle connaissait déjà pour tant. Mais chaque fois qu’il renonçait à parler, il lui semblait renonçait en même temps à ce qui avait fait de lui un égal face à Dana Shar, depuis leur toute première collaboration. S’il parlait, il briserait cet accord tacite qui avait consisté à ignorer certaines choses qui le liaient, il lui semblait qu’il avouerait la misère intime avec laquelle il cohabitait depuis si longtemps. S’il ne parlait pas, il ne prouverait qu’une fois de plus qu’il était un lâche, qu’il se soumettait à Dana sans la moindre protestation.
Mais n’était-ce pas ce que l’on faisait devant une princesse ? Une princesse qui se servait de lui parce qu’il était un amant disponible ?


- Moi, je t’appartiens, on dirait, commenta le hapien pour faire écho au cri venu de l’extérieur, et comme elle tardait à lui répondre franchement au sujet du tatouage. Mais seuls des princes et des rois peuvent posséder des princesses. Et je ne suis rien de tout ça. Et de toute façon la place est prise.


- Et tu me fais mal, lâcha-t-il alors que son souffle saccadé glissait au-dessus du nombril de Dana, comme si les mots avaient sauté de sa bouche sans qu'il les contrôlât. Un mal de chien.

Il ne voulait plus qu’elle le voie. Pas avec la marque de l’anneau dans son cou, qui rappelait l’exposition de la veille, pas avec les traces bleues qu’avaient laissées les lances des geôlières, pas avec ces yeux-là qui menaçaient de le trahir à tout instant par un surplus d’humidité.
Ses lèvres se murent un moment en silence, sur le derme qui se hérissait sur son passage.

- Mais si la princesse le veut, alors… Dis-moi comment elle le veut, souffla Lloyd. Et je le ferai, pour qu’on soit quittes, après.

Après.
Il ne voulait pas penser à l’après.
Il savait que le retour à la réalité serait brutal. Il l’avait déjà vécu. Il aurait dû s’y préparer, pour limiter les dégâts. Mais à cela non plus, il ne voulait pas penser.
Il sentait Dana se cambrer doucement sous ses mains.
Darth Hope
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Le sablier continuait d’égrainer ce qu’il restait de sable.
La respiration de Dana était courte, sa peau frémissante et brûlante. Agenouillée près des bougies, elle rabattait lentement la chemise de lin qu’elle avait porté sous l’armure. Le tissu s’imprégna de sa sueur, colla à ses courbes encore chancelantes. Elle savait que bientôt, la racine qu’elle avait mâchée cesserait de fonctionner sur son métabolisme et que ses nerfs se réveilleraient, aussi furieux qu’un léviathan tiré trop tôt de son sommeil. Pour le moment, elle ne sentait que les courbatures induites par ce qu’ils avaient partagé et cette maigre douleur lui apportait une sensation de plénitude.

Ses cheveux humides coulaient devant sa figure et elle admirait Lloyd au travers de ce rideau sensuel.

-C’est ton nom, répondit-elle. Le mot sur mon sein.

Un silence alourdit l’atmosphère, on entendait presque les grains de sable frotter contre le verre. Elle rajusta la manche du chemisier et ressentit le besoin de briser cette tranquillité soudaine.

-Mon mari ne me touche pas. Il ne m’a jamais vraiment touché à vrai dire. Il me méprise et m’ignore, avoua-t-elle sans émotion, habituée à ces faits humiliants. Nous…ne sommes mariés que pour des raisons politiques, c’est tout. Jusqu’à aujourd’hui, il se fichait bien de ce qui pouvait m’arriver. Lloyd. Ecoute-moi. Je vais te dire ce que signifie être quittes. Tu ne dois pas approcher de Ch’Hodos. Tu dois retrouver le Sans-Visage seul et partir avec Mumkin. Jaden a prévu de vous faire prisonniers une fois que nous serions arrivés…Tu seras un bon Sith, tu retourneras à Dromund Kaas, tu feras ce qu’il faut pour cette guerre. Peut-être même que…tu retrouveras Mat’aenna. C’est ce que tu as toujours voulu, non ? Te concernant aussi, la place était déjà prise. Tu penses ne pas pouvoir rivaliser avec des seigneurs, des princes. Quelle importance. Moi je ne peux rivaliser contre une simple domestique.

Un mouvement derrière les portes de la tente mit fin à son épanchement. La vieille femme refit son apparition, accompagnée d’une guerrière qui enchaîna de nouveau le hapien. La prêtresse âgée fit signe à Dana de se lever et plaqua une paume indécente à l’intérieur de ses cuisses. L’Inquisitrice eut un sursaut outré.


-Parfait. Je vais préparer pour les suivants.












Ils sortirent sous les regards curieux et les applaudissements de Thea qui avait tenu à assister au « spectacle ». On les sépara et Lloyd fut amené à une immense tente en bordure du village, au plus près de la paroi rocheuse. Le tissu était déchiré par endroit, laissant filer les courants d’air et l’humidité. Une vingtaine d’hommes se tassaient à l’intérieur, les mains pourvues de chaînes. Ils étaient attablés à une grande table et mangeaient de ce gruau horrible qu’on lui avait déjà servi. Pourtant, les discussions allaient bon train. Il fut poussé autoritairement à l’intérieur et Vassell vint immédiatement à sa rencontre, reniflant un peu le sale goût qu’avec le pâté.

-T’es pas tombé sur la pire, mon pote. Et moi non plus. Ecoute. On a tous les deux envie de sortir d’ici. Moi j’ai pas de vaisseau, toi t’as un vaisseau. T’as pas les plans de la forêt, moi je connais à peu près le terrain à force d’y travailler. On peut avoir un accord, non ? A moins que t’aies envie d’être trait tous les soirs, jusqu’à ce que ta fille arrive dans ce monde de dingue ? Après, tu seras bon le rancor. Merci, au revoir. Allez tiens, mange, on va parler un peu.















-Comment était-il ?

Aurea plongea une jambe galbée dans l’eau tiède des thermes. Assise dans un coin du modeste bassin de roche, Dana releva à peine la question, elle regardait son sang se mêler par petites volutes à l’eau du bain, pensive.

-Assez bon, s’il a réussi à rouvrir tes blessures. Tu passeras chez Havi, elle te soignera de nouveau.

La Reine immergea complètement son corps et se déplaça aux côtés de sa nouvelle protégée, le regard sévère.

-J’ai tenu ma parole, tu as participé à la chasse. Il va falloir tenir la tienne, maintenant.
-Je vous apprendrai, lâcha-t-elle d’un air absent.
-Je veux chevaucher un rancor aussi. Kodrok m’obéit, mais me refuse encore ce privilège. Ma force mystique ne semble pas l’y émouvoir.
-Je ne peux pas vous apprendre ça, j’ai failli y laisser la vie, c’était un coup de chance, répliqua-t-elle dans une grimace de douleur. Son corps se réveillait et il n’appréciait pas se souvenir de ce qu’elle avait osé sous la tente.
-Et le bras de Hebe, un coup de chance aussi ?
-Cette garce le méritait.

Aurea lui attrapa sèchement le menton pour la forcer à affronter ses yeux pleins d’intransigeance. Les yeux d’une reine. Des yeux qu’elle-même n’aurait jamais.

-C’est une sœur, compris ? Mutile-la encore une fois et j’arrache ton cœur de ta poitrine.

Elle interpréta le silence de l’Inquisitrice comme un consentement.

-Lloyd ne vivra donc pas avec moi.
-C’est son nom ? Non. Les hommes vivent à l’écart. Ils s’occupent des mines en journée et le soir, ils regagnent nos couches. Puis dès qu’ils ont accompli leur devoir, ils retournent dans leur enclos à bétail. Je vais te laisser du temps pour te remettre, et nous commencerons ensuite l’enseignement.

Dès que la reine eut quitté l’endroit, Dana porta un coup de rage dans l’eau. Elle avait pensé trouver une solution en revenant au village. Résultats : ils n’étaient que davantage pieds et poings liés. Elle plaqua une main contre sa blessure à l’abdomen, gémissant de douleur. Sa voix se répercuta contre les rochers qui formaient la salle de bain.

Lloyd Hope
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La cuillère de Hope tomba mollement dans le gruau.

- Tu manges pas ? Parce que si tu manges pas je veux bien ta part.

Le hapien poussa le bol vers Vassell, et celui-ci se mit à dévorer avec avidité. Lloyd posa les coudes sur la table et passa les mains sur son visage, ferma les yeux.


- T’en fais une tête. Ça s’est si mal passé que ça ? Parce que bon, hum, j’ai attendu car Thea… Voulait entendre et… Ben…

Le hapien soupira bruyamment et Vassell n’insista pas, se remettant à manger le gruau. Lloyd aurait aimé être laissé seul avec ses souvenirs. Par-dessus tout, il aurait aimé pouvoir accompagner Dana jusque sous sa tente. Il avait cru, sincèrement cru qu’après cette épreuve ils pourraient tous les deux trouver un endroit sûr dans lequel panser leurs plaies ouvertes, qu’il pourrait alors lui dire, lui répondre, puis qu’il pourrait se loger quelque part et fermer les yeux, oublier quelques instants ces deux journées atroces, pour pouvoir ensuite retrouver du courage quand un nouveau jour se lèverait.
A la place, il devait se contenter de plus de frustration. La seule éclaircie, c’était la révélation que Dana avait faite : son mariage n’était que politique, et n’était pas consommé. Pour cela, au moins, il savait que le plan de l’Inquisitrice ne tenait pas la route. Il était hors de question de la laisser là, à la merci potentielle d’un Jaden qui pouvait réapparaître d’un instant à l’autre.
Car si ce n’était pas des gémissements de plaisir qu’il avait entendu de l’autre côté de la paroi, dans le vaisseau, c’était donc autre chose qu’il comptait bien faire payer, au moins symboliquement, à ce petit prétentieux de Jaden.

- Bon, écoute, fit Vassell qui semblait perdre patience, et se penchait au-dessus de la table pour éviter que les autres ne les entendissent. Tu vois les types autour de nous ? Ils ont abandonné. Une fois que t’as abandonné, toutes les portes se ferment, parce que petit à petit, le travail à la mine te tue, t’épuises, et tu es plus capable de cavaler comme le jour de la chasse. Si on veut agir, c’est dans les jours prochains.

Lloyd consentit enfin à acquiescer.

- Mon vaisseau est à un sacré bout de chemin, apparemment. De l’autre côté de la forêt, en direction de la montagne. Plusieurs heures de marche.
- Ouais, je vois. Le jour où on part, il faut partir le matin. La journée, tu vois, on s’occupe pas trop de nous. Par contre, quand elles vont comprendre qu’on leur aura échappé, elles vont se mettre en branle pour un autre genre de chasse. Une chasse vengeresse, qu’elles appellent ça. C’est quand elles traquent un ennemi ou… Un déserteur, en quelques sortes. Et déjà qu’une par une elles sont redoutables, tu imagines quand elles s’allient. Bref, y’aura pas de coup d’essai.

Le hapien opina positivement du chef.

- HOP HOP HOP ALLEZ !

Le cri venait d’une petite femme aux formes rondes et à la voix tonique. Tous les hommes se levèrent à son appel et Lloyd imita les autres.

- Gart, tu me débarrasses tout ça ! Toi, le nouveau là, ton nom ?
- Vassell.
- Bien, Vassell, tu vois ces sacs, tu les prends sur ton dos. Toi, ton nom ?
- Hope.
- Parfait Hope, tu comptes aller loin à fuir comme une gourde percée ?

Lloyd baissa les yeux sur son torse dont la plaie à la hanche avait recommencé à fuir, effectivement.

- Machrol, tu lui trouves un maillot et tu lui fourres quelque chose pour arrêter le saignement. Et maintenant c’est parti allez !

-------

-------

-------Le début de la journée fut difficile. On avait affublé Lloyd d’un bandage misérable qui l’inquiétait ; avec cette mixture horrible dont l’avait affublé la prêtresse, il avait peur d’une infection et on ne lui avait rien donné pour nettoyer tout ça, ce qui ne faisait que confirmer les dires de Vassell : on le considérait là pour un temps court, il n’était pas un investissement à long terme. Sauf qu’il avait besoin d’un minimum de santé s’il voulait effectivement sortir Dana et lui de cet endroit. On lui avait également donné un maillot sans manche qui avait visiblement déjà bien servi à d’autres. Puis il avait suivi le mouvement. Encadré de plusieurs guerrières, les hommes sortirent du village en un long cortège et marchèrent dans la forêt pour rejoindre un autre flanc de la montagne. Chacun portait des sacs de matériel, lourds et encombrants. Leurs pas étaient ralentis par la boue et le poids de leur fardeau, mais les guerrières parfois se moquaient d’eux pour leur lenteur et leur faiblesse.
Puis ils s’arrêtèrent quelques instants en file indienne. Là, sous un soleil ocre, un tunnel à même la roche s’enfonçait profondément. Des flambeaux éclairaient le large corridor, et la femme qui menait le cortège d’une main de maître se mit à dispatcher les hommes dans différentes galeries.

Lloyd fut séparé de Vassell. On lui colla une pioche dans les mains, et on lui indiqua une zone à creuser.

Tchok, tchok, tchok.

Il n’y avait pas de filon à trouver, même pas de sens particulier, il fallait juste casser la roche, aller tout droit.

Tchok, tchok, tchok.

Autour de lui, les autres hommes ne parlaient guère. Au début de la journée, entre deux coups de pioches, deux hommes lui avaient demandé quelle chasseuse l’avait eu. « Ah, la nouvelle », lui avait-on dit, « celle qui mate les rancors ». On lui avait conseillé de bien répondre à ses besoins, une femme comme elle n’aurait aucun mal à le remplacer, si elle le souhaitait. Lloyd n’avait rien répondu, et ils avaient continué à travailler en silence.

Tchok, tchok, tchok.

Malgré le froid des galeries, Il avait vite transpiré abondamment. Il essayait de ménager sa plaie, mais la petite femme que l’on appelait Galara était venue lui assener des coups de bâton dans le dos et lui avait promis le fouet s’il ne redoublait pas d’effort. De ses muscles, Galara comptait tirer tout ce qui était possible pour avancer le projet d’extension du village.

Tchok, tchok, tchok.

Il y avait parfois des pauses de quelques minutes, mais ils ne mangèrent rien de la journée. Lloyd avait pâli. Quelqu’un s’était moqué en disant qu’après la chasse, c’était normal d’être épuisé. Ca irait mieux demain, lui dit-on.

Tchok, tchok, tchok.
















Tchok, tchok, tchok.

























Tchok, tchok, tchok.

























































Tchok, tchok, tchok.





























-------Quand enfin la fin de la journée arriva, Lloyd avait l’impression que ses muscles allaient le lâcher. Il tremblait tant cet effort répétitif et prolongé était inhabituel. Galara eut la bonté de lui promettre une autre tâche pour le lendemain, pour que les gestes ne fussent pas les mêmes, mais elle précisa qu’elle n’aurait pas toujours cette élégance. Le hapien ne répondit rien et il suivit le cortège au retour, hagard, en titubant sous son sac. Vassell n’allait pas mieux. Le pauvre s’était évanoui au milieu de la journée et Galara fit une blague potache sur le fait qu’elle espérait qu’il avait de meilleures aptitudes pour ses autres besognes.

Le seul moment acceptable de cette journée fut celui où on les conduisit, une fois de retour au village, vers un grand bain collectif. Les hommes se dévêtaient et s’y baignaient nus. Certains se frottaient de façon particulièrement virulente, et Lloyd supposa qu’il s’agissait d’une obéissance pour les femmes qui n’aimaient pas que leur mari fut sale en entrant dans leur couche.
Avec maladresse, Lloyd se déshabilla à son tour et se glissa dans l’eau froide en frissonnant. Il retira le malheureux bandage, qui était imprégné de sueur et de poussière, et nettoya maladroitement la plaie.

A côté de lui, Vassell était resté allongé par terre, tout habillé, sans entrer dans le bain collectif.

- Tu ferais mieux de te laver, fit Lloyd. Tu es couvert de poussière.

Vassell tourna la tête.

- Ouais, ouais, je sais. J’ai juste trop mal. Je crois que mon dos va céder. C’est possible, ça, se casser le dos comme ça à cause des coups de pioche ?

Lloyd haussa les épaules.

- Je pense pas. Ca ira mieux demain. J’ai entendu dire qu’on dormait pas avec… la chasseuse ?
- Non. Elles nous foutent dehors quand elles nous ont traits. C’est mal vu de garder son homme. Signe de faiblesse.
- Tu as l’air de bien les connaître pour quelqu’un qui vient pas d’ici.

Vassell le regarda de nouveau, tandis que le hapien mettait ses mains en coupes pour asperger et frotter son visage noirci par la poussière de roche qu’il avait respiré toute la journée.

- J’ai grandi sur cette planète. On en parle beaucoup, de ces tribus à la capitale. Certains considèrent que la capitale aussi devrait revenir à ce mode de fonctionnement. Comme quoi ce serait la tradition, expliqua-t-il avec une certaine amertume.
- Je vois. Et si je t’emmène dans mon vaisseau, tu vas aller où ? Retourner à la capitale ? Ou bien tu… quittes la planète ?

Vassel retint son souffle.

- Tu m’emmènerais ? Dans l’Empire.
- Non. Mais si tu voulais en sortir, il y a l’armée.
- L’armée.
- L’armée impériale.
- L’armée impériale, pour moi, c’est un tas de corps répandu dans les marécages. Non merci.
- Ce n’est qu’une infime partie de l’Empire que tu as vu, et certainement pas la meilleure. L’armée procure un métier à ceux qui n’ont rien. L’Empire te donnera un statut, si tu es prêt à te battre pour lui.

Vassell parut réfléchir.

- C’est ce que tu as fait, toi ?
- En quelques sortes.
- Tu es devenu quelqu’un d’important, alors ? C’est pour ça que tu as ton propre vaisseau.
- Mouais.

L’humain se redressa soudain et se mit à se dévêtir.

- J’vais y penser, si on s’en sort vivant.
- Ok.

-------

-------

-------La nuit précédente, une chasseuse était morte à cause d’un rancor. Cette chasseuse n’avait pas encore eu de filles. Au village des Elites Dorées, où la loi de la plus forte primait, on était pragmatique : on enterrerait dignement le corps, mais les biens que la défunte avait laissé derrière elle serviraient, c’était ainsi qu’elles fonctionnaient. Aussi Dana s’était déjà vue attribuer une tente. L’endroit n’était pas très grand, mais il laissait assez d’espace pour une couche, un bureau doté d’un fauteuil en bois, un petit âtre, un meuble où ranger ses affaires. La couche n’était pas très grande, on y aurait tenu qu’à une seule personne pour dormir confortablement. Mais l’endroit était très douillet. Il y flottait une odeur d’encens et de bois séché. Des bûches étaient empilées près de l’âtre et Galara, avait insisté sur le fait que c’était à lui de remettre des bûches en arrivant, et aussi en repartant. Et que si celle qui l’avait chassé tardait à venir, il fallait qu’il trouvât à s’occuper : il y avait souvent des vêtements à nettoyer ou à suspendre, à réparer. Ou encore, des choses à ranger, et probablement que Dana saurait avec le temps lui dire ce qu’elle souhaitait qu’il fît de plus.

Quand Dana entra dans ces lieux qui étaient désormais les siens, bien après que la nuit fut tombée, Lloyd s’était assis au pied de la couche de Dana. On lui avait pourtant ordonné de s’y agenouiller en attendant sa prédatrice s’il n’avait plus rien trouvé à faire, mais il avait mal au flanc et avait essayé de trouver une position plus confortable. Il avait remis son maillot sans manche, qui était encore un peu humide après avoir été lavé dans l’eau du bain collectif. S’il était propre, son visage affichait cependant des cernes plus importants que d’habitude et ses yeux étaient rougis d’avoir été exposés à la poussière toute la journée. Il songea à ces hommes qui, après de telles heures de travail, devaient encore subir des ordres sans une once de compassion. Faire leur besogne, comme avait dit Galara.

Quand le hapien croisa le regard de Dana, il comprit tout de suite qu’elle aussi avait encore en tête le souvenir de ce qui s’était passé à l’aube et il détourna le regard en s’humectant les lèvres, avant de s’efforcer de se relever. Il avait vu aussi tout de suite qu’elle aussi avait eu une journée éprouvante. Ses yeux avaient glissé sur le bracelet. Il lui fit signe d’aller vers la couche.

- T’inquiète, c’est pas pour ça. J’suis pas en état.

Il écarta les bras comme pour ponctuer ses propos, apportant la preuve par l’évidence. Il avait bien l’air d’un mineur, même après son lavage. Il avait la mine épuisée et l’œil hagard mais il lui semblait pourtant qu’il était moins défait que lorsqu’il avait dû se déshabiller, le matin même.

- Viens t’asseoir. Je veux vérifier les pansements qu’elles t’ont fait. Ces chasseuses ont des habitudes douteuses et je veux vérifier que tes plaies se sont pas infectées. Je maintiens que tu avais de la fièvre, ce matin.

Si les chasseuses avaient entendu qu’il donnait les ordres, il aurait reçu de nouveaux coups de bâton, qui aurait ajouté des marques rouges dans son dos déjà abimé.
A peine fût-elle assise qu’il remarqua une blessure fraîche sur son épaule.

- Qu’est-ce que tu as fait ? demanda-t-il.

Il porta une main au front de Dana. Elle était chaude, mais pas brûlante, du moins lui semblait-il. Il entreprit, sans demander l’autorisation de l’Inquisitrice, de défaire l’armure qu’elle avait revêtue, pour la libérer de ces liens lourds et la laisser en chemise.

- J’ai rencontré un type qui a l’air de connaître un peu la topographie des lieux, se mit-il à lui résumer. Je dis un peu parce que j’ai pas trop confiance en lui, en réalité. Mais j’ai pas mieux sous la main. La journée nous travaillons à une mine à quatre ou cinq kilomètres d’ici, à droite en sortant du village.

Sur cette fichue planète, il n’arrivait même pas à distinguer le nord du sud, l’est de l’ouest. Il s’énerva sur un nœud, tira un peu brutalement et le fil céda, il libérant la poitrine de Dana. Il jeta le morceau d’armure sur le bureau au pied de la couche.

- Vassell – le type en question – dit qu’il nous faudrait nous enfuir à l’aube. Mais que si on s’enfuit, quand les chasseuses s’en rendront compte, elles organiseront un genre de chasse de vengeance où elles s’allient toutes pour exécuter ceux qui leur ont fait affront. Et que si on fait ça, on a intérêt à être déjà très loin quand elles s’apercevront de notre disparition.

Il avait libéré une jambe de Dana, et était en train de retirer le morceau d’armure lié à son autre cuisse avec des gestes que la fatigue rendait un peu malhabiles. Mais l’Inquisitrice se retrouva bientôt dans sa chemise de lin. Lloyd releva les yeux, croisant enfin ceux de Dana, dont il avait évité la couleur dorée jusqu’ici, il ne savait trop pourquoi. Par peur qu’elle l’arrête, peut-être ; par peur d’y voir un regret.

D’une tente voisine leur parvinrent des gémissements. Des hommes s’étaient mis à travailler.
Darth Hope
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Elle n’avait pas parlé. Constater les marques de maltraitances sur le corps du hapien avait été une bonne excuse pour ne pas croiser son regard. Elle avait senti une tension dans sa mâchoire en décrivant chaque rougeur, chaque hématome, chaque plaie que ces foutues dathomiriennes avaient peint sur Lloyd. Dana en ressentit une grande contrariété. Elle se dégagea de la couche avant même qu’il ne puisse inspecter ses propres blessures. Elle était raide, engourdie par sa fièvre et par la douleur sourde qui paralysait certains de ses muscles. Sa chemise de lin retomba sur le haut de ses cuisses et elle fit quelques pas vers la table. La chaleur de l’âtre s’empressa de lécher sa peau déjà brûlante. Elle avisa un plateau sur lequel on avait déposé de la nourriture, une carafe et un seul gobelet. Nouvelle contrariété. L’Inquisitrice versa le contenu de la cruche dans le verre en métal.

-Du vin, constata-t-elle en remarquant sa couleur pourpre tourbillonner. Je parie qu’il n’est pas aussi bon que celui d’Artorias. Mais qu’il doit être meilleur que ce que Runà t’a servi sur Kaas City.

Ses doigts chipèrent un généreux morceau de pain et elle revint à la couche où elle s’assit en tailleur dans une grimace de souffrance. Le matelas de fourrure s’affaissa sous son poids et elle fit signe au Sith de s’asseoir près d’elle. D’abord, elle lui tendit le pain. On lui avait expliqué par le menu la manière dont les hommes étaient traités. Les privations absurdes, sans raison, la mine, les coups de pioches dans la roche, les coups dans gourdin dans la chair. Ses paumes s’enroulèrent autour du gobelet et elle trempa ses lippes dans le vin.

-Je suis désolée pour ce matin. Je ne voulais pas que…tu te sentes comme eux.

Elle lui offrit la coupe de vin, qu’ils partageraient puisqu’il n’y avait qu’un verre. Le breuvage n’était pas à la hauteur du nectar artorien, il manquait de saveurs, mais il désaltérait bien, faute de mieux. Et l’alcool restait encore le meilleur remède pour certaines plaies ouvertes.

-L’esclavage est monnaie courante sur Ch’Hodos. Mais jamais, j’ai traité mes esclaves comme elles traitent les leurs.

Dana se sentait le besoin de se justifier, pour lui faire comprendre qu’elle n’était pas une sauvage de Dathomir, qu’elle n’approuvait pas le fonctionnement de cette communauté. Ses lèvres brillaient, encore touchées par le vin qui séchait à leur surface. Elle essaya de faire fi des clameurs qui envahissaient l’extérieur, de se concentrer sur autre chose.

-Vous avez vos chances.

Vous. Elle s’excluait de facto du plan. Et parce qu’une image valait beaucoup de mots, elle retroussa son chemisier pour découvrir son abdomen meurtri. La petite plaie qu’Aurea avait suturé à son arrivée semblait se rétablir, mais le sillon sanguinolent creusé par la griffe furieuse du rancor n’avait pas belle figure. Havi avait passé un fil de suture épais pour rassembler la chair de l’Inquisitrice, mais la cicatrice, qui s’étendait sur des centimètres, suintait et autour d’elle, la peau était rouge. Elle aurait donné n’importe quoi pour avoir du kolto, même synthétique. Et puis, il y avait cette nouvelle plaie à l’épaule, dont elle tut l’origine, qui n’arrangeait rien à son état général. A chaque expiration, le derme de son ventre se soulevait, déformait la blessure, ravivait la souffrance.

-Se battre devient difficile. Mais je pourrais vous gagner du temps, faire diversion. Dans mon état, je ne ferai que vous ralentir. Je subis pas ton sort ici, alors c’est plus logique tu t’en ailles le premier.

Le tissu retomba sur son abdomen. Et elle frôla du bout de l’index les rougeurs visibles sur les muscles hapiens.

-Fuir ne sera pas suffisant pour moi. Je les tuerai. Pour avoir levé la main sur un Sith.

Elle s’humecta les lèvres, récoltant le goût du vin et lui offrit un regard entendu.

-C’est mon travail d’Inquisitrice, après tout. (Elle ménagea un court silence et lui indiqua des affaires soigneusement pliées sur une chaise, près de la table) Tes effets sont là. Ton sabre, ta veste, ce qu’elle contenait. Je crois…qu’il ne manque rien.

Pas même l’image de Mat’aenna sur ce papier plié en quatre. Elle avait vérifié dans l’espoir de ne pas le trouver, mais elle l’avait senti, dormant dans l’une des poches intérieures. Elle s’était faite du mal en le dépliant pour affronter le sourire sans âge de la Twi’lek.

-Tu peux dormir ici cette nuit. Dans un vrai lit. Je…te laisserai la…place.

Sa voix déclinait au fur et à mesure que sa peau irisée se couvrait d’une sueur maladive. La fièvre remontait. Elle vit flou une seconde et son corps faible céda, chutant contre lui. Ses paupières étaient lourdes et son esprit tournait au ralenti, ankylosé. Elle plaqua sa joue brûlante contre le torse de Lloyd, et ses mots n’étaient plus que des souffles portés par la fièvre, par le délire.

-T’es un vrai Sith…tu pourrais avoir…toutes les princesses de cette Galaxie.










Des sons étouffés la tirèrent de son demi-sommeil. A travers ses yeux mi-clos, elle distinguait des ombres s’agiter dans un tourbillon de lumière. Son cerveau fit enfin la mise au point et elle se précipita hors du lit, frappée par l’adrénaline, car Galara était penchée au-dessus de Lloyd, prête à le frapper de nouveau.

-Retourne dans l’enclos !
-Non ! rugit Dana en s’interposant. Elle avait attrapé le poignet de la géôlière, et serrait si fort qu’elle espérait le lui briser.
-Quoi ?!
-Il reste ici, je l’ai décidé ! Il..il n’a pas terminé son travail, et il va s’y atteler toute la putain de nuit, alors dégage.

Elle repoussa brusquement la femme qui grogna d’inconfort en se massant le poignet.

-J’ai dit, dégage ! s’écria-t-elle.

Lloyd put sentir la Force qu’invoqua Dana pour projeter le corps de la dathomirienne hors de la tente. Elle passa ses mains dans ses cheveux, atterrée et se détourna vivement vers lui tandis qu’il se relevait. La fièvre était retombée, mais qui savait quand elle ressurgirait, aussi sournoise qu’une vipère. Elle devait profiter de ce moment de lucidité, de cette énergie rare qui ravivait son corps.

-Tu pars dès l ‘aube, décida-t-elle. J’ai un plan pour qu’on ne vous lance pas la chasse tout de suite. Je te rejoindrai après, quand j’aurais fini. Pour te rendre le bracelet, comme prévu. Tu peux te reposer avant, je laisserai plus personne rentrer.

Elle saisit l’ourlet de son chemisier et s’en débarrassa pour le lui tendre.

-Ce maillot que tu portes, il va te refiler toutes les maladies du monde. Des chemisiers, j’en aurais d’autres.

Lloyd Hope
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L’allusion à Runà avait laissé Lloyd silencieux. Pourquoi lui rappeler cet épisode maintenant ?
Il la regarda revenir avec le morceau de pain et le gobelet, continuer ses propos absurdes. Désolée pour ce matin. Mes esclaves. Vos chances.

Il mordit doucement dans le morceau de pain. Son estomac lui réclamait tant cette texture, ces nutriments, et pourtant il lui sembla que l’aliment n’avait aucun goût. Il mâchonna en silence, jusqu’à s’arrêter lorsqu’elle souleva sa tunique. Il laissa alors retomber sa main sur sa cuisse pour toiser Dana de ses yeux émeraudes, consterné. La blessure n’était vraiment pas belle. Elle n’avait pas seulement besoin de repos, elle avait besoin de médicaments pour lutter contre l’infection. Mais Dana ne semblait pas en avoir conscience, elle glissa sur lui et il fourra vite le dernier morceau de pain dans sa bouche pour se libérer les mains et rattraper le gobelet avant que celui-ci ne se renversât. Il le posa sur le petit meuble de chevet avant de faire basculer Dana sur la couche. Il remonta ses jambes pour l’y allonger, afin qu’elle y soit plus confortablement installée. Puis il se laissa glisser à terre, les genoux sur l’une des peaux qui couvrait le sol et conservait un peu la chaleur de l’âtre.

Voilà, ça y était, il était à genoux devant la couche comme un bon esclave. Peu lui importait. Il avait glissé ses doigts dans la main de Dana et posé sa tête sur les peaux qui servaient de matelas. Dans l’âtre crépitait toujours les flammes qui jetaient des ombres dansantes sur les parois de la tente, comme des ombres chinoises qui racontaient une histoire que Lloyd ne pouvait comprendre. Ses paupières étaient lourdes.

Mais il fallait qu’il réfléchisse. Dana n’était pas en état de courir dans la forêt. Plus le temps passerait, plus sa blessure empirerait. Il ne savait pas ce qu’elle faisait la journée, mais ça n’avait pas vraiment l’air propice à la récupération non plus. Dana avait raison sur une chose : le plus tôt serait le mieux. Il fallait qu’il réussisse à trouver un plan. Peut-être que Dana et lui pourraient se donner rendez-vous dans la forêt à l’aube, trouver une excuse pour échapper quelques minutes à

Trouver une excuse pour




























Tchok, tchok, tchok.

































- Qu’est-ce que tu fais encore là, toi !

La voix de Galara le fit brusquement sursauter. Soudain la couche de Dana réapparut, le crépitement des flammes, le sol dur sous ses genoux.

- Petite vipère, ne profite pas du feu et du vin de ta chasseuse ! Je vais te…

Le gourdin se leva et Lloyd n’eut que le temps de se retourner sur son séant et de lever une main dans l’espoir de dévier le coup, mais brusquement Dana fut là. Elle vira sans ménagement Galara. L’humaine fut propulsée hors de la tente, trébucha à l’extérieur et s’affala sur la pierre dure. On l’entendit jurer, mais elle ne rentra plus. Ses pas s’éloignèrent, tandis que Lloyd prenait d’une main absente la chemise que Dana lui tendait. Elle n’était plus vêtue que de ses longs cheveux noirs, de son tatouage et de son bracelet, et de ces blessures. Il repensa à ce même corps qu’il avait vu sous une tunique transparente sous les lunes de Jabiim. Comment sa beauté l’avait giflé plus durement alors que lorsqu’elle avait écrasé ses doigts sur sa joue, sur l’Egide. De comment il avait eu la sensation qu’un joyau précieux brillait, qu’il avait failli perdre, que d’autres avaient essayé de briser. Que personne ne pourrait comprendre, que ce n’était pas à mettre entre n’importe quelles mains. Que ni les mains de Svan, ni celles de Raidun, ni celles de Kedrod, et encore moins celles de Jaden pourraient faire honneur à ce diamant solitaire. Il se souvenait comment il avait voulu la couvrir, pour mille raisons dont au moins la moitié n’étaient pas avouables.
Elle ne se rendait pas compte.

Lloyd jeta la chemise sur la chaise. Il retira son maillot, qui en effet malgré le pauvre lavage était dans un piteux état et avec lequel il ne voulait pas trop la toucher, et il se baissa pour passer un bras sous les genoux de Dana. Il la fit basculer pour la porter comme on aurait porté une princesse, ignorant la douleur de son flanc et les protestations de Dana. Il la déposa sur sa couche, puis il se mit à fouiller la pièce. Il finit par trouver ce qu’il cherchait : une pièce de linge propre et un pichet d’eau. Il apporta le tout près de l’Inquisitrice, mouilla le linge dans le pichet et s’assit au bord du lit recouvert de peaux de bête.

Il ne savait pas combien de temps ils avaient dormi, mais la fièvre de Dana cette fois était évidente. Ses pupilles étaient dilatées, ses lèvres plus rouges que d’ordinaire, sa peau brûlante et frémissante. Alors il s’était mis à l’éponger doucement, pour faire baisser la température. Il attrapa la main de Dana pour mieux faire glisser doucement le linge humidifié le long du bras de Dana. Il fit de même avec l’autre, puis il hydrata ses jambes. A travers le linge, il pétrit doucement les pieds, les mollets, les cuisses bouillantes de l’Inquisitrice, et ses sourcils restaient froncés, à guetter le délire sur les lèvres de Dana. Il voyait les flammes de l’âtre danser dans les yeux dorés, s’y perdait. Se rappelait y être tombé comme on manque une marche.
Il rinça plusieurs fois le linge, pour le rafraîchir, car celui-ci devenait aussi brûlant que la peau de Dana au fil de ses gestes répétés. Il s’occupa aussi de son visage, essuyant le front de Dana, ses joues rouges, ses lèvres charnues sur lesquelles il fit glisser son pouce d’un air pensif, caressant la cicatrice comme il l’avait fait d’autres fois, sur Dromund Kaas. Puis il épongea sa gorge, sa poitrine. Ses yeux autant que ses doigts s’attardèrent sur le tatouage. Il soupira.

- Madame la Princesse de Ch’hodos, énonça-t-il sur une voix trop déférente pour être naturelle, si je t’emmène pas avec moi, je ne pars pas, dit-il simplement.

Il avait eu le temps de réfléchir, en passant ce linge sur la peau frissonnante. Le temps de peser le pour et le contre, le temps aussi de mesurer à quel point il s’était déjà beaucoup trop condamné à effleurer ces courbes périlleuses.
Hope ne le sait pas encore, mais il repart avec une malédiction.
Darth Runà avait raison.

- Alors il va falloir qu’on construise un meilleur plan que ça. Ta blessure va te dévorer vite. Je veux t’emmener dans un centre médical impérial le plus rapidement possible. Et si je dois t’assommer pour ça je le ferai, ok ?

Il se baissa soudain pour retirer ses bottes. Il monta ensuite dans le lit pour s’étendre aux côtés de Dana.

La couche était trop petite pour deux. Lloyd fut obligé de passer un bras sous le cou de Dana, pour que la tête brune puisse reposer sur son épaule, et de l’autre il attira la hanche de l’Inquisitrice pour que leurs deux corps tinssent sur l’étroite couche, collés l’un contre l’autre. Il récupéra de sa main libre le linge humide laissé sur le bord du lit, et continua doucement sa tâche. Il la sentit frémir lorsqu’il essuya les bords de sa plaie, là où la griffe du rancor l’avait si durement atteinte.

- On reviendra se venger, si tu veux. Quand tu iras mieux. Quand je t’aurais ramenée sur Ch’hodos. C’était ça le deal, tu te rappelles ? Le caveau. Son visage entre les mains de Dana. Leurs lèvres avaient été si proches et… Après seulement, on sera quittes.

Il prit une inspiration, posa sa joue sur le cuir chevelu de Dana. Il retourna le linge, pour chercher la parcelle de tissu la plus fraîche, et revint éponger le visage de l’Inquisitrice.

- C’est pas négociable, ajouta-t-il plus fermement, et il fit descendre le linge humide sur le ventre de Dana. Sinon j’obtiendrai ton accord par la torture, même si je suis fatigué. Ok ?

Il sourit au souvenir des mots – des suppliques ou des ordres – de la Princesse de Ch’hodos à son encontre, quelques heures plus tôt. Une malédiction.
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Un sourire fit écho au sien, animant la cicatrice blanche qui barrait sa bouche ardente. Elle souriait depuis un autre monde, car il lui semblait que les mots de Lloyd n’étaient pas réels. Peut-être étaient-ce d’autres mensonges ? La fièvre perturbait son sens de la réalité et leurs corps innocemment rapprochés avaient un goût d’irréel. Ok…qu’elle avait soufflé. Ok pour qu’il l’emmène avec lui. Ok pour qu’il l’assomme. Ok pour le deal. Ok pour..la torture. Elle était tombée dans ses paroles, comme elle chutait dans la profondeur ses yeux émeraudes. Et chaque fois qu’il avait passé le linge humide sur son derme pâle, la température n’avait fait que s’emballer.


La lumière du matin frappa sa figure perlée de sueur, au travers d’une petite ouverture entre deux pans de tissu. Le feu dans l’être s’était éteint, il ne restait plus que des braises rougeoyantes. Ils avaient beau se trouver dans la Montagne, la clarté de l’aube envahissait tout. Elle se déversait sur le moindre objet, sublimait l’air de ses rayons colorés. Elle s’accoutuma progressivement à la luminosité, quand elle sentit le souffle tiède et endormi du hapien s’échouer contre sa chevelure, comme des vagues se brisaient silencieusement sur le rivage.





Des bruits de pas autour de la tente lui indiquèrent que la vie reprenait son cours dans le village. Elle releva la tête, qui lui semblait si lourde, grimaça son mécontentement de devoir être arrachée à tant de confort et la laissa retomber pour mieux lever ses yeux vers le Sith. Elle essaya vainement de ne pas trop s’attendrir devant ses airs endormis. Des mèches blondes coulaient sur son visage toujours un peu cerné. Elle approcha ses doigts, prête à les dégager afin de l’admirer, quand il ouvrit les yeux à son tour.

-J’ai quelque chose à te demander, dit-elle doucement.

-Eh, Dana !

La voix de Hebe perça à travers le tissu. On entendit quelques rires à sa suite.

-Puisque tu te vautres dans les bras de ton moins que rien, tu l’amèneras à la mine toi-même. Et enchaîne-le. On tolère pas les chiens en liberté ici. Galara s’occupera bien de lui ensuite, il me semble qu’ils ont quelques comptes à régler.

Les ricanements moqueurs s’éloignèrent et la présence de Hebe ne fut bientôt plus qu’un souvenir désagréable. Dana échangea un dernier regard avec le hapien et prit sur elle de briser l’être de chair difforme qu’ils formaient sur la couche. Elle passage au-dessus de lui, demeura de courtes secondes à califourchon sur lui, pour graver l’image de sa figure encore marquée par le sommeil dans sa mémoire.

-Je te demanderai plus tard, ok ?

Il sentit le poids de la Sith s’envoler et elle attrapa ses affaires. Des vêtements qu’elle portait à son arrivée, ne demeurait plus que son pantalon de cuir. Elle y glissa sa cuisse blessée, puis sa jambe. Contre toute attente, elle se saisit du maillot qu’il portait la veille pour l’enfiler. Il était trop grand et dut nouer les bretelles pour éviter que sa poitrine ne s’en évade. Couvée par un silence, baignée par la lumière diurne, elle approcha ses mains de la veste impériale.

-Ce serait moins suspects si c’est moi qui la porte. Je ne perdrai rien.

En constatant qu’il n’avait pas quitté la couche, malgré son agitation, elle agrippa un fruit posé sur le plateau, à côté d’autres aliments et se rapprocha pour le lui tendre, comme elle lui tendait son sourire. Celui qui mettait en exergue sa cicatrice.

-J’espère que tu as repris des forces.















Il avançait devant elle, les mains enchaînées. Cependant, Dana n’avait pas verrouillé les bracelets de fer qui cernaient les poignets du Sith. Il pourrait s’en débarrasser aisément le moment propice, il suffirait juste de forcer un peu. Discrètement, il lui indiquait ainsi le chemin à suivre pour la mine. Les autres hommes avaient déjà été menés à ce lieu maudit et le village ne se repaissait plus que des clameurs féminines. Les guerrières se préparaient à la chasse au gibier. Elle croisa leur regard et elles soutinrent le sien avec défi, car hier, Dana avait fait partie des leurs. Et elle avait reçu une flèche en pleine épaule en guise de bienvenue. La chasse avait été éprouvante pour son corps et sans l’appui d’Aurea, qui s’était absentée, elle n’avait eu d’autres choix que de mettre un terme à sa convalescence pour accompagner les chasseuses. Ils recroisèrent Hebe qui cracha aux pieds de l’Inquisitrice avec amertume. Il reviendrait se venger. Dana n’oublierait pas. Elle reviendrait et ferait de cette montagne de malheur un tombeau pour elles toutes. La Sith boîtait un peu, à cause de cette cuisse mal soignée. Havi avait tartiné la blessure d’un cataplasme sans effet si l’immobilité du repos n’y était pas combinée. De temps à autre, pour une question de crédibilité, elle poussait un peu Lloyd.


Dana réclama une pause après deux kilomètres. La fièvre avait encore engourdi ses membres et paralysé sa respiration. Elle ne prit que cinq minutes de répit et ils poursuivirent jusqu’à l’autre versant de la Montagne, où les hommes s’alignaient déjà sous le jour ocre. Ils n’étaient que des silhouettes, parfois décharnées. Shar frémit à l’idée que Lloyd puisse, un jour, devenir l’une de ses ombres. Elle hâta le pas en soufflant à son oreille.

-Mets-toi à côté de ce Vassell, je vais m’occuper des géôlières.

Tandis qu’il rejoignait le rang, elle se dirigea d’un pas ferme mais chancelant vers les trois guerrières dont Galara. Cette dernière avait les yeux revanchards. Elle ne pouvait rien attenter contre le hapien tant que Dana serait là.

-Tu vas le ramollir à lui faire des traitements de faveurs et il finira par crever dans la mine.
-Il est si bon que je pouvais pas m’empêcher d’en réclamer encore, peut-être que c’est ce qu’il te manque. Un vrai mâle.

La provocation était le domaine de prédilection de Dana. Un art qu’elle cultivait depuis son enfance. La figure ronde de la femme vira au cramoisi, indignée par l’insulte que sous-entendait la verve de la nouvelle arrivante. L’Inquisitrice jeta une œillade vers les hommes. Lloyd semblait s’être placée près d’un brun à la gueule de voyou. Elle mobilisa la Force autour de son esprit. Elle avait eu pour plan de contrôler les trois geôlières, mais dans son état de faiblesse, elle devait revoir ses ambitions à la baisse. Sa sorcellerie creusa une ouverture dans la Force, jusqu’à l’esprit étriqué de Galara qu’elle soumit sans trop de peine. Les prunelles de la dathomirienne s’assombrirent tandis que le vide s’imposait dans son cerveau et que les commandements de Dana s’y insinuaient comme du poison.

-Tue-les toutes.

Galara se détourna vers ses sœurs dans un cri de rage et abattit sa lance dans la poitrine de l’une d’entre elle, qui surprise, cracha un peu de sang.

-C’est le moment ! hurla-t-elle vers les esclaves. Que ceux qui veulent être libres courent pour leur vie !

Elle se fichait pas mal de leur liberté, mais plus il y aurait de proie, plus cela ralentirait d’éventuelles chasseuses. Galara et la dernière guerrière s’étaient engagées dans un combat acharné que la femme rondelette perdit, la gorge tranchée par la lame de sa propre sœur. Le sang souilla la terre sombre de Dathomir, au pied de la montagne. Il coulait dans les crevasses et se répandit jusqu’aux pieds de la Sith.

-Quelle incapable, siffla-t-elle, énervée. Sa main avait déjà empoigné le sabre-laser de Lloyd.

Il fallait finir le travail. Son adversaire hésita quand la lame rougeoyante crépita soudainement. Dana adopta l’une des positions de garde qu’on lui avait enseigné. Il fallait toujours laisser le plus fort venir à soi. La guerrière chargea. Et trouver une faille. La lame laser fondit dans le ventre féminin au moment où Dana s’était baissée pour éviter un coup de taille. Son ennemie s’effondra, face contre terre et la Sith manqua de la suivre, tant l’effort avait pompé ses ultimes réserves d’énergie. Elle tomba à genou sous la résonnance de son nom qui fut crié au loin. Le monde vacilla et la montagne, le ciel, l'horizon se mêlèrent indifféremment. Elle allait toucher le sol quand un bras la rattrapa avec fermeté.

















Et alors qu’il avait accouru, dans l’espoir de porter secours à Dana, Lloyd put croiser le regard d’acier de Jaden Ashar.

Qui était apparu comme par magie et qui souleva le corps de l’Inquisitrice dans ses bras. Son uniforme noir avait quelques écorchures, et sa chevelure n’était plus aussi soignée qu’à son embarquement à bord du Sans Visage, mais visiblement, il avait survécu deux jours à la malédiction de Dathomir, ce qui prouvait ses qualités de Sith.

-Je savais que je ne pouvais pas vous faire confiance pour protéger l’Inquisitrice, lâcha-t-il froidement.

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Les trois hommes filaient à travers la forêt comme des proies parfaitement conscientes de la nécessité de se fondre dans le paysage, tout en fuyant leurs prédateurs. Tout s’était passé si vite que Lloyd n’avait eu le temps que de se débarrasser de ses chaînes et d’indiquer à Vassell de prendre les devants. Ils s’étaient immédiatement mis dans la formation qu’ils tenaient toujours, une heure après : le jeune humain en tête, qui avait assuré reconnaître la bonne direction, et derrière, à quelques mètres de distance les séparant l’un de l’autre, le hapien et Jaden. Ce dernier portait toujours Dana, avec une endurance remarquable vu le terrain difficile qu’ils s’efforçaient de couvrir. Autour d’eux, quelques autres esclaves en avaient aussi profité pour tenter leur chance, mais bien d’autres étaient restés en arrière, probablement tétanisés par la crainte d’être chassés, non pas cette fois pour être trait mais pour être tué. De plus, où iraient-ils ? La première ville était si loin…
Ce que redoutait Lloyd, cependant, était que certains d’entre eux, pour gagner les faveurs des chasseuses se fussent hâtés au village pour les prévenir de leur fuite. Cependant, ils n’avaient encore croisé personne. Ni rancor, ni chasseuse, ni flèche sortie de nulle part. Ils progressaient en silence. Vassell avait peur, Jaden était concentré sur sa tâche… Et Lloyd ruminait.

Le soleil avait fini par se lever un peu plus haut, jetant sur les flaques de boue des reflets orangés, réchauffant les troncs sinueux de la jungle, éveillant les petites créatures qui se dissimulaient dans les branchages au-dessus de leur tête. Il régnait une odeur de végétation humide, et le hapien respirait cet air en grandes goulées pour ne pas ralentir malgré son flanc qui tirait douloureusement, malgré ses muscles endoloris, malgré les regards sombres qu’il jetait à intervalles réguliers vers son rival.

Devant eux, Vassell ralentit soudain l’allure jusqu’à s’arrêter. Les deux autres hommes se rapprochèrent et s’immobilisèrent à leur tour.

- Que se passe-t-il, tu es perdu ?

L’humain se retourna pour faire face aux deux Sith, ses mains toujours liées devant lui comme il avait été enchaîné le matin même par Galara. Depuis qu’ils étaient partis, il n’avait posé aucune question au sujet de Jaden, comme si un instinct lui avait soufflé le danger potentiel que représentait le Ch’hodien.

- C’est pas ça, c’est que je nous ai conduit presque à la sortie de la vallée. Mais à partir de là… Je sais pas où est tombé le vaisseau de Lloyd.

Le hapien, encore essoufflé, se laissa choir une épaule contre un tronc et détourna ses yeux atterrés.

- J’en sais rien, convint-il, morne.

Jaden laissa échapper un soupir excédé.

- Je me demande sur quel sujet on peut compter sur vous, râla-t-il.
- Vous êtes sortis du même appareil que moi, rétorqua Lloyd sur le même ton. Vous devriez savoir au moins autant que moi où se trouve le vaisseau.
- Je vous faisais confiance pour savoir au moins retrouver votre appareil, à défaut de savoir le piloter !
- Faire confiance ? On vous a pas appris à l’Académie que c’était pas une bonne idée ?se moqua Lloyd.
- L’Académie était censée nous apprendre quelque chose ?
- La loyauté, peut-être ?
- C’est bizarre, j’avais cru comprendre que la loyauté, c’était pas votre fort, insinua sèchement Jaden.

Le hapien se tourna brusquement vers le Sith et le fusilla du regard. Vassell leva ses mains enchaînées, espérant calmer le jeu.

- Wow, wow, wow, le but du jeu c’est de s’en aller d’ic… Hé !

Il était trop tard. Jaden avait déposé – jeté ? – Dana au sol quand Lloyd s’était brusquement levé pour se diriger vers le Sith. Un instant plus tard, le hapien avait empoigné Jaden par le corps et celui dégaina son sabre laser. Lloyd le plaqua brutalement contre un tronc et la lame du Sith jaillit entre eux deux. Lloyd ne recula pas.

- Alors on s’est renseigné, c’est ça ?
- Tu pensais pas que j’allais embarquer dans le vaisseau d’un type que je connais pas ?
- Et ton plan de me faire prisonnier, tu l’as conçu avant ou après avoir étranglé ta femme ?
- Quoi ?

Vassell s’était mis à jeter autour de lui des regards terrifiés.

- Arrêtez ça ! Le sabre, il va attirer les chasseuses, on va tous…
- HA HA HA HA HA HA HA !

Le rire de Jaden avait éclaté en déchirant le silence de la forêt. Vassell se mit à reculer dans l’ombre, certain que survivre, maintenant, signifiait s’éloigner du conflit stupide dans lequel s’était lancé les deux hommes. Lloyd, sourcils froncés, écrasait un peu plus l’humain contre l’arbre noueux, duquel une floppée d’oiseaux s’envolèrent en croassant d’un timbre lugubre.

- Tu croyais vraiment que c’était ma… femme ? Jamais je n’aurais pris pour femme une trainée pareille.

Lloyd resta silencieux, mais la surprise marqua brièvement ses traits.

- Son époux est le vénéré Seigneur Akusha. Un puissant Sith qu’elle ne mérite pas. Sur Ch’hodos, il est l’une des plus grandes figures de notre peuple.

Le hapien ne savait pas s’il aurait dû être soulagé ou mortifié. Il ne savait qu’une chose : mari ou pas, Jaden lui sortait par les yeux. Il lâcha le Sith, mais pour poser la main sur son poignet.

- Il me semble que c’est mon arme.

Jaden se dégagea de sa prise et força Lloyd à reculer en le menaçant de sa propre lame rougeoyante.

- Apparemment, tu l’avais égaré aussi, alors. Comment cela se faisait-il qu’elle le possédait ?
- J’étais prisonnier, elle a récupéré mes affaires, dit-il prudemment.
- Aha, fit Jaden avec un sourire. J’espère que vous n’avez pas couché avec. Sur Ch’hodos, Akusha vous trancherait la tête pour ça.
- La loi de Ch’hodos et ton seigneur Akusha, je me torche avec.

Il y eut un bref silence, et le Ch’hodien perdit son sourire au profit d’une mine grave.

- … Une traînée, conclut Jaden.

Le hapien se pencha brusquement pour passer sous le sabre de Jaden et fonça dans le ventre de son adversaire. Les deux Sith basculèrent dans la boue en arrachant branchages et buissons. Vassell avait laissé échapper un cri, mais soudain il se retourna pour fuir la scène. Lloyd avait empoigné de nouveau le bras qui tenait l’arme pour éviter d’être transpercé par sa propre lame tandis que Jaden essayait de se dégager en repoussant le hapien. Les deux Sith avaient rougi sous l’effort et une brève lutte brûlante se déroula à deux pas du corps allongé de Dana, toujours inconsciente.

- Une traînée ! cria le Sith, conscient que cela attisait la colère de son adversaire.

Lloyd gratifia Jaden en percutant brusquement son front contre le visage du Sith, qui laissa échapper un cri de douleur. Le hapien crut qu’il allait réussir à récupérer son sabre quand il sentit soudain une sensation d’effondrement se produire dans son propre corps. Il sentit ses membres perdre leurs forces et sa respiration même ralentir. Jaden put alors le repousser sans difficulté. D’un coup de pied, il repoussa le hapien qui s’effondra au sol. Jaden se releva, maintenant autant que possible le pouvoir de corruption qu’il lui servait à écraser le Sith. Lloyd essaya d’attirer la Force à lui, mais le Ch’hodien le surpassait largement à ce petit jeu et, le corps plongé dans la boue, le hapien ne put que se figer quand il sentit la chaleur de son sabre frôler sa gorge. Jaden s’approcha doucement, le tenant en respect.

- J’aurais aimé vous emmener comme trophée de plus grande valeur que cette traînée. C’aurait été une belle prise à offrir au Seigneur Ramken.
- Sale traître à l’Empire, éructa Lloyd.
- Bref, je vais devoir me contenter d’annoncer vous avoir tué. Ce ne sera déjà pas si mal, pour assurer la loyauté de Ch’hodos au nouveau Seigneur Noir.
- Vous conduirez Ch’hodos à sa perte. Le Castellan vous écrasera.
- Vous ne serez pas là pour vérifier votre pronostic, ricana Jaden.

Il allait enfoncer la lame dans la poitrine du hapien quand un étrange cliquetis se fit entendre à quelques pas. Comme un seul homme, Jaden et Lloyd tournèrent leur visage en direction du bruit et leurs yeux s’arrondirent comme des soucoupes.




Huit, douze.




Huit pattes, douze yeux.






L’araignée était d’une blancheur mystérieuse. Il semblait que ses longues pattes, aussi grandes et arquées que certains des troncs brisés de la jungle, mais fines comme la lame d’un sabre laser, étaient aussi translucides que du transparacier. Son corps, dont l’arrière était gonflé comme une poche mouvante, était suspendu sur cet artifice de pattes qui la maintenait plus grande qu’au moins deux fois la taille de Jaden, qui recula d’un pas prudent. L’araignée ne bougeait pas, sauf les minuscules poils qui frémissaient sur ses pattes. Deux crochets sous les six paires d’yeux s’ouvraient et se refermaient à intervalles réguliers, comme si l’araignée respirait pensivement. Mais les globes noirs fixaient les deux hommes avec une concentration qui rappelait à Lloyd les regards des chasseuses lors de son exposition sur la place du village. Si l’araignée était venue tâter ses muscles, il n’en aurait pas été étonné. Mais figé dans la boue, il était paralysé.

Jaden recula encore d’un pas, et son mouvement parut intéresser la créature, qui fit elle aussi un pas en sa direction. Le Sith se figea. Livides, ils regardèrent la créature tordre son corps. Elle leur présenta soudain l’arrière de son corps dans une contorsion lui permettant de ne pas les perdre de vue : elle se préparait à projeter quelque chose et, venin ou toile, les deux Sith percevaient à travers la Force obscure qui se tramait dans la forêt que la créature était loin d’être inoffensive.
Jaden leva un bras tremblant vers elle, pour tenter d’user de son pouvoir, mais en vain. La créature était imperméable. Pire. Il lui semblait qu’elle avait déjà eu à faire à ce genre de repas. La sueur perlait sur le front de Jaden, ses lèvres tremblaient. Lloyd jeta un coup d’œil vers lui.

- Vous comptiez la ramener vivante, dit-il à voix basse.
- Ce n’est plus le moment pour les chamailleries, Hope, le tança Jaden.
- Je sais. Prenez Dana, ramenez-la au vaisseau.

Le Ch’hodien lui aussi jeta un coup d’œil prudent vers Lloyd.

- Qu’est-ce que vous racontez.

Lloyd plongea doucement la main dans son pantalon, et en extirpa lentement, très lentement pour ne pas réveiller l’instinct prédateur de l’araignée immense, son comlink.

- Je raconte que vous allez sortir de la vallée et utiliser mon comlink pour retrouver Mumkin. Vous prenez Dana avec vous pendant que je retiens… ça.

Jaden ne répondit rien. Entre l’araignée et lui-même, il maintenait le sabre laser de Lloyd. De sa main libre, cependant, il tendit les doigts pour attraper le comlink. Le hapien sentit l’objet quitter ses doigts et déglutit. Puis le Ch’hodien recula vers Dana. Quand il se pencha pour la ramasser, l’araignée parut vouloir le suivre, alors Lloyd leva les bras, les agita brièvement, et il fut de nouveau le centre de l’attention de l’araignée. Derrière lui, il entendit Jaden éteindre le sabre, et s’éloigner à pas lents, à reculons, les bras chargés d’une Inquisitrice inconsciente.

Lorsque la créature se rapprocha un peu plus de Lloyd, penchant vers lui son tronc gonflé, le hapien sentit son corps se mettre à trembler désagréablement.

------

------

------Lorsque Vassell entendit des pas derrière son dos, il crut d’abord que les chasseuses l’avaient rattrapé, et que c’était la fin. Il essaya sans grande conviction de se cacher derrière un tronc, à guetter ses poursuivants, quand il vit enfin la silhouette apparaître à quelques mètres de là : c’était l’homme qui portant la dompteuse de rancor. Il était blême, mais ses pas maintenaient une allure vive, comme s’il avait vu un fantôme. Vassell sortit de sa cachette.

- Vous êtes là ! Vous m’avez fait peur !

Jaden ne répondit rien. De son nez s’échappait un filet de sang. Essoufflé par la course folle qu’il venait de faire, il dut rapidement déposer Dana de nouveau, en essayant de l’asseoir maladroitement contre un tronc.

- Votre… Votre forêt est infernale, croassa-t-il entre deux inspirations.

Vassell ne releva pas le commentaire. Ses yeux fouillaient la forêt au-delà du Sith accroupi.

- Où est Lloyd ?
- Mort.

L’humain déglutit. Il y eut un silence, puis Vassell fit un signe à Jaden en direction de Dana. La dompteuse de rancor avait ouvert les yeux. Le Ch’hodien eut une moue dégoûtée.

- C’était un traître à Ch’hodos, siffla-t-il entre ses dents serrées à l’adresse de l’Inquisitrice. S’il vous a vraiment souillée, il ne méritait rien d’autre.

------

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------Le cocon était suspendu, de la forme d’un œuf, parmi d’autres. Pris dans une toile, élevé dans les arbres. Lorsque le vent jetait sur la cime une bourrasque, les cocons s’agitaient doucement, se balançaient comme des pendules sous le ciel orange de Dathomir.

Le cocon était chaud. Le poison, par contre, était très désagréable. Quand les petits crochets au bout des pattes de l’araignée s’étaient plantés dans son torse à travers la tunique que Dana lui avait donnée, il avait d’abord cru que les coupures ne brûleraient pas longtemps. Mais peu à peu le poison s’était répandu dans son sang et ses veines s’étaient enflammées une à une, à mesure que ses membres s’engourdissaient. Ainsi le venin de l’araignée lui permettait de rendre sa proie paralysée de douleur et affaiblie, de façon à ce qu’elle put tranquillement l’emballer pour l’emporter. De cette phase-là, il ne se souvenait pas de grand-chose. Il avait été trop concentré sur la douleur, sur les frissons qui secouaient son corps, sur son effort pour se recroqueviller sur lui-même de façon à cacher son visage dans ses genoux pour préserver une poche d’air. Puis il s’était senti ballotté, un long moment.

Il n’avait aucune idée du temps qui s’était écoulé. Probablement pas trop longtemps. Le venin faisait toujours effet, mais par vagues douloureuses qui lui rappelaient vaguement un autre poison, injecté dans une cellule sur Dromund Kaas. Sauf que cette fois-ci, Dana ne serait pas là pour déposer sur ses lèvres un dernier baiser de sang et de slick. Le goût de sa langue, la douceur de ses lèvres, l’anfractuosité que l’on sentait quand on effleurait sa cicatrice. Ses grands yeux outrés quand il s’était moqué d’elle. Il aurait aimé lui dire autre chose comme derniers mots que ceux qu’il avait prononcé juste avant leur fuite. Juste avant qu’un autre la prît dans ses bras.




Ch’hodos. Lloyd ne connaissait rien à la politique. Il ne s’y intéressait guère que lorsque cela avait une influence sur les opérations militaires auxquelles il participait. Cependant, il n’était pas étranger aux discussions qui se jouaient parfois autour du Castellan, concernant la fidélité des différentes forces armées qui constituaient les troupes impériales. Ainsi donc, Ch’hodos, comme d’autres, avaient trahi. Et l’Empire était plongé dans une guerre civile.

Et lui ?

Il venait d’épargner Jaden Ashar. Un renégat. Qui ramènerait Dana à Akusha. Non, qui ramènerait Dana à Ch’hodos, qu’elle devait sauver. Y parviendrait-elle ? Avait-elle un plan aussi solide que le genre qu’elle avait imaginé pour eux au village des chasseuses de Dathomir.
Il ne connaissait rien à la politique, mais il avait quelques notions de stratégie. Il aurait pu lui être utile. Mais pourquoi songer à tout cela ? Sa loyauté allait à Darth Laduim. Mais jamais son Maître ne viendrait le chercher ici.







Soudain, l’attente de la mort lui parut insupportable : il n’avait sa photo de Mat’aenna, Dana ne lui avait pas dit ce qu’elle voulait lui demander, Mumkin allait oublier de faire réviser l’hyperdrive, Jaden Ashar allait lui faire des marques sur le cou.

- MAIS QUEL CON ! se mit-il à hurler.

Le cocon se mit à gigoter sous l’effet de ses impulsions, des coups sans effet qu’il donnait dans la toile gluante.

- ALLEZ VIENS ME BOUFFER TOI ! SALE POUFFIASSE D’ARAIGNEE ! POURQUOI EST-CE QUE TU M’AS PAS DEJA DEMEMBRE HEIN !









Un rapace tournoya autour de l’étrange insecte qui se démenait dans ce cocon et qui lui parut intéressant.



La seconde suivante, il plongeait vers sa proie.
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Mort.





Elle n’arrivait pas à associer ce mot à Lloyd Hope. Sa tête s’était mise à tourner désagréablement et ce n’était pas imputable à ses blessures. Quelque chose s’était effondré dans son esprit et plus rien n’avait de sens. Tout se confondait dans une mêlée amère. Elle avait l’impression que les troncs d’arbres se déformaient en horribles sourires qui se moquaient d’elle, de son malheur, de ce trou abyssal qui s’était ouvert dans sa poitrine.

-C’est impossible, réussit-elle à articuler.
-Ne perdons pas davantage de temps sur cette planète de merde.
-Où est-il ? Demanda-t-elle en se relevant fébrilement sur ses coudes. Sa chevelure sombre se souleva, sillonnée de branchages, de feuilles et de boue.
-Dans l’estomac d’une araignée, sans doute démembré avant, je ne savais pas qu’il vous fallait des détails morbides, ironisa-t-il.

Dana détourna sa figure vers un Vassell blême qui secoua la tête. Elle encaissa un niuveau choc qui ruduoya son âme davantage qu’elle ne l’aurait cru. Agenouillée sur la terre maudite de Darhomir, elle porta ses mains tremblantes devant ses yeux écarquillés. Il n’y eût que le silence à la surface de son esprit. La glace avait tout avalé, les souvenirs chancelants, leur chaleur, leur réconfort même dans les moments les plus désespérés. Elle adressa à Jaden un regard éteint et tendit sa paume, se concentrant sur la Force. Il sentit le sabre-laser de Lloyd lui échapper, attiré comme un aimant entre les doigts de l’Inquisitrice.

-Je vais le chercher.
-Il n’y a plus rien à sauver, s’agaça-t-il en la voyant se relever avec difficulté. Vous tenez à peine debout, conservez cette énergie pour atteindre le vaisseau.
-Un vaisseau sans capitaine ne t’amènera nulle part ! S’écria-t-elle d’une voix tremblante.

Elle pleurait. Ses phalanges se raffermirent autour de la garde du sabre, à en blanchir tandis que des larmes brûlantes traçaient des sillons brillants sur ses joues sales. Le Sith poussa un profond soupir d’impatience et de rage. De sa poche, il extirpa un comlink qu’elle reconnut immédiatement au travers de sa vision brouillée par’les sanglots.

-Il m’a confié ça. Et il m’a dit de vous conduire au vaisseau. Tout à fait son genre, petit chevalier servant qui se sacrifie pour sa catin…
-La ferme…

Il avait raison. C’était tout à fait le genre de Lloyd. Elle se remémora avoir été confiée à Jonas, sur Kaas City, pour fuir pendant que le hapien demeurait pour faire le sale boulot. Elle fit un effort surhumain pour stabiliser sa vue, chercher un repère, choisir une direction. Elle mit sur la piste de Hope toute la Force dont elle était capable, en vain. Il n’y avait que les ténèbres et le silence. Vassell se racla la gorge pour rappeler subtilement sa présence et elle dirigea sur lui une œillade morne qu’il considéra.

-Je sais où cette chose a pu l’emmener. Je peux indiquer la direction mais j’y foutrai pas les pieds. Ces trucs mangent pas leur proie de suite, elle les mettent dans un garde-manger à la con.

L’espoir qui perça ses tripes fut douloureux. Elle approuva d’un hochement de tête bref.

-Comme si j’allais vous laisser faire…grogna Jaden dans un rictus sévère. Nous retournons au vaisseau.
-Je mourrai avant et Akusha l’aura bien profond dans le cul.

Il se redressa d’une impulsion et s’approcha d’elle. Dana sentit le souffle enragé et brûlant de Jaden s’écraser contre sa figure. Et il aurait pu goûter le sel de ces larmes s’il s’était avancé d’un millimètre de plus. Ils se toisaient avec défi comme deux bêtes prêtes à se sauter à la gorge.

-Il l’a eu profondément dans le fondement dès l’instant où vous avez décidé d’écarter les jambes pour le chien de Laduim.
-J’espère qu’il y aura pris autant de plaisir que moi en ce cas, ce sale traitre.

Jaden leva sa main afin de saisir sa gorge, mais elle lui agrippa le poignet au vol et retourna son élan en lui tordant le coude dans le dos. Il lâcha un grognement de stupeur, surpris par la douleur soudaine. Elle força jusqu’à sentir le point de rupture, les dents serrées de rage. Elle ignora la souffrance à son abdomen, transportée par une rage glaciale.

-Dans la cabine quand t’étais inconscient. J’ai retenu mon bras parce que tu es mon cousin. Nous sommes donc quittes. Et tu n’es désormais plus qu’un traître que je dois abattre. Comme j’abattrai tous ceux qui lèchent le cul de Ramken sur Ch’Hodos.

Elle le repoussa sèchement, essoufflée et fit signe à Vassell de la précéder. Jaden reprit son souffle. Porter l’Inquisitrice, parfois au pas de course, lui avait demandé de puiser dans la Force de manière déraisonnable. Il ne serait pas en état de donner lui donner la chasse. Il fit face à un dilemme désagréable : la poursuivre pour s’assurer qu’elle se tue pas ou retourner au vaisseau et attendre son retour. Un retour qu’elle paierait chèrement. Il leva le comlink à hauteur de ses lèvres et enclencha la communication vers le Sans-Visage.













Dana progressait seul au milieu d’un paysage macabre. Elle pesait ses pas comme elle le pouvait, afin de ne pas attirer le prédateur dont lui avait parlé Vassell avant de l’abandonner à l’entrée de ce territoire morbide. La lueur pourpre de la lame-laser éclairait faiblement sa figure où se battaient des résidus de larmes, de terre, de sang et de peinture noire. Le sabre crépitait régulièrement et surtout, il permettait de défaire les toiles qui se seraient dressées sur son chemin. L’Inquisitrice faisait de son mieux pour ne pas lever les yeux au ciel et décrire les cocons macabres suspendus aux branches décharnées. Elle avançait prudemment la Force afin de sentir le fil rouge. Mais sa respiration saccadée et forte, mue par sa souffrance et sa fièvre risquaient à tout moment d’attirer le monstre qui régnait dans ce monde lugubre. Elle baissa son regard sur le sol et vit trouble un instant avant que sa vision ne se focalise clairement sur des ossements. Des crânes, parfois encore pourvus d’un casque aux insignes impériales. Elle déglutit péniblement. C’était un véritable tombeau à ciel ouvert. Quand des hurlements déchirèrent l’air, elle se figea, comme toute la faune environnante. Dana reconnut la voix de Lloyd qui lui paraissait encore si loin. Nouveaux cris et elle se jeta dans la direction de ces mots hurlés. Elle glissa plusieurs fois dans la boue et les morceaux d’os, s’étalant a terre. Plusieurs fois, elle crut qu’elle ne se relèverait pas, mais la chaleur du sabre-laser dans sa main et les cris qui s’étaient tus avaient suffi à lui insuffler assez de courage pour combattre sa douleur et se remettre sur pieds.



Un trait carmin cisailla le ciel pour transpercer le rapace en pleine poitrine tandis qu’il amorçait son piqué vers sa proie. Dana leva pauvrement son bras pour rappeler l’arme et se dirigea d’un pas chancelant en direction de la forme ovale que représentait le hapien. Elle tomba à genoux une première fois, brisée par l’épuisement et la souffrance. Tant pis, elle décida de poursuivre à quatre pattes. Jusqu’à arriver sous le cocon. Trois tentatives plus tard, elle réussissait enfin à tenir sur ses jambes. Elle rata son premier coup de lame-laser qui s’abattit dans le vide. Et elle se concentra difficilement. Nouvel essai et le cordon de fibre qui retenait le cocon fut tranché. Elle éteignit le sabre et accompagna la chute de Lloyd, s’agenouillant, la respiration bruyant.

-Lloyd..souffla-t-elle en plantant ses ongles sales dans la matière du cocon, tentant de la déchirer avec les forces qu’elle arrivait péniblement à rassembler. Elle réussit à dégager se gorge, son torse. Elle n'attendit pas qu’il soit complètement libéré pour passer ses bras fébriles autour de lui et le ramener contre elle.

Elle pressait ses doigts dans la chevelure blonde, essayait de réguler sa propre respiration dans l’espoir de sentir celle du hapien. Et transportée par l’inquiétude et le soulagement, elle n’entendit pas les craquements sinistres aux alentours, comme s’ils étaient épiés.

Dans le dos de Dana, la créature à huit pattes et aux nombreux yeux s'élança, avide de nouvelle chair fraîche à conserver pour ses repas ultérieurs. Ses pattes filiformes et translucides s'étaient mis en branle comme une machine que rien ne pourrait stopper. Son ombre se figea au-dessus du couple. L'Inquisitrice détourna sa figure, trop tard, tétanisée par la mort qui tombait droit sur elle.

Jusqu'à ce que le corps monstrueux se torde de douleur, transpercé par une lame crépitante et carmine. La silhouette de Jaden Ashar émergea. Il était blême, rompu par la fatigue, mais il tenait debout, le sabre à la main. Il darda sur eux un regard plein d'amertume.

-J'ai pour ordre de la ramener vivante.

Et il se détourna pour enfoncer une nouvelle fois, son arme dans l'abdomen de l'araignée qui rugit de souffrance.

Lloyd Hope
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Il avait senti Dana à l’extérieur du cocon. La lumière pénétra entre les filaments, écartés par les mains sales de l’Inquisitrice qui vinrent le cueillir, le sortir de son œuf, attrapant sa nuque, se penchant sur lui dès que le haut de son corps avait été libéré. Lloyd avait répondu à cette recherche, il avait fait de son mieux pour dégager ses bras et son corps lui sembla agir seul ; il avait attrapé Dana, pressé son visage humide contre lui dans une étreinte fébrile et silencieuse. Il était pourtant dégoûtant dans cette matière gluante mais seule comptait cette sensation de réconfort, à la sentir si près de lui. Vivante. Et lui aussi, vivant. Comme si leurs deux corps ne pouvaient respirer sans s’assurer de la survie de l’autre, sans ces étreintes déraisonnables, qui n’avaient rien de ce qu’on leur avait appris sur les relations entre Sith, qui peignaient sur le visage de Jaden une profonde aversion.

- Vous avez bientôt fini ? siffla-t-il.

-------

-------

-------Les trois Sith marchaient dans l’ombre des arbres noueux. Ils avaient retrouvé Vassell, qui les avait vus revenir, soulagé, et qui les avaient guidés de nouveau sur les traces de leur trajectoire initiale.
Depuis combien de temps avaient-ils quitté le village ? Plusieurs heures. Quatre, huit ou douze, Lloyd aurait été incapable de dire. Pour assurer leur survie, Lloyd et Jaden respectaient une trêve tacite, mais l’un comme l’autre devait s’interroger sur ce qu’il adviendrait s’ils rejoignaient le vaisseau. Le hapien aurait bien exécuté l’émissaire à la première occasion : un renégat de moins. Une chance de survivre en plus pour leur voyage vers Ch’hodos, lui semblait-il.
Mais sans l’autorisation de Dana, c’était un peu compliqué. Peut-être ruinerait-il les chances de la Princesse pour négocier un retour au loyalisme de sa planète.

Qu’arriverait-il si elle n’y parvenait pas ? Dana deviendrait-elle renégate, elle aussi ?

Il repoussait ces questionnements quand la voix de Jaden s’éleva.

- Ici Jaden Ashar au Sans Visage. Sans Visage répondez.

Le comlink resta désespérément silencieux. Le s’immobilisa, échangeant des regards. Lloyd, dont les vêtements et les cheveux étaient encore couverts par endroits de filaments translucides et gluants, tendit la main vers Jaden avec un regard entendu.

- Votre saleté d’alien est probablement déjà mort, à l’heure qu’il est.
- Il y a plus de chances que mon pilote me réponde qu’à vous, dit-il calmement.

Jaden consentit à lui donner le comlink, et Lloyd essaya à son tour.

- Mumkin, c’est Lloyd. Réponds dès que tu nous entends, s’il te plait.

Le message resta sans réponse. Le hapien haussa les épaules.

- Nous sommes probablement encore trop loin, conclut-il, essayant de garder un certain optimisme, et il se tourna vers Vassell. Tu penses que tu pourrais nous conduire à un point de vue ?

L’humain sembla réfléchir. Il grelottait dans son maillot sale, mais ses yeux étaient animés de la volonté de vivre.

- Peut-être. Il y a un plateau devant nous, avec un sommet suffisamment élevé pour apercevoir pas mal l’environnement, je suppose. Mais la forêt y disparaît. Nous serons à découvert, les chasseuses risquent de nous apercevoir de loin.
- C’est déjà un miracle qu’elles ne nous aient pas déjà rattrapés. Vous ne trouvez pas cela suspect ?
- Elles sont peut-être sur le chemin du vaisseau alors que nous sommes peut-être loin du bon chemin, suggéra Lloyd d’un air sombre. Mais il n’y a pas mieux à faire pour l’instant. Conduis-nous là-bas, Vassell.
- Ok.

Vassell était visiblement de moins en moins à l’aise avec le trio qu’il guidait. Il commençait à se demander s’il n’avait pas fait une grossière erreur en s’associant à Lloyd. Il avait compris, depuis, que les trois appartenaient à une certaine hiérarchie impériale et que lui n’était personne. Qui lui garantissait qu’il n’allait pas mourir si tôt qu’il ne serait plus utile ? Mais il ne pouvait rien faire de mieux pour le moment.

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-------

-------Les arbres s’éclaircirent en effet à mesure que la marche du groupe les amenait en hauteur. Le soleil semblait moins ardent entre les branchages. Touchait-on à la fin de l’après-midi ? De Dathomir, Lloyd ne connaissait même pas le temps de rotation : les jours étaient-ils plus longs ou plus courts que sur les autres planètes ? La veille, la journée à la mine lui avait paru interminable, mais la tâche et la fatigue n’avaient pas dû l’aider à faire une bonne estimation. Le sol était devenu gris comme de la cendre, moins humide que les marécages qui baignaient les racines, plus bas dans la forêt, et la faune se faisait-elle aussi plus discrète. Le terrain devint plus pentu, et bientôt la simple marche se transforma en une ascension semblable à des escaliers de roche.
Les derniers arbres disparurent, laissant le groupe à découvert. La vue était dégagée, mais que sur un angle restreint. Ils s’arrêtèrent, et Vassell pointa un doigt vers l’horizon.

- Vous voyez le flanc de montagne, là-bas ? C’est de là qu’on vient. Le village est un peu plus bas. Le problème, maintenant, c’est que les chasseuses ont l’habitude de grimper aux arbres les plus hauts pour tenter d’apercevoir les mouvements. Elles repèrent comme ça de loin les rancors, par exemple, parce qu’ils secouent les cimes lorsqu’ils chassent en bousculant les arbres.
- Merci pour le cours d’éthologie. Et sinon, le vaisseau est par où ?

Tout le monde cherchait des yeux le Sans Visage. Sans succès. Il n’y avait devant qu’une mer d’arbres sombres, et au loin des sommets qui perçaient les nuages.

- Si on monte plus haut, on prend le risque d’être aperçus, rappela Vassell.

Lloyd et Jaden se défièrent du regard.

- Je ne la lâche plus d’un pouce, croassa le Ch’hodien.

Le hapien soupira.

- Bon, j’aurais peut-être une meilleure portée avec le comlink là-haut de toute façon. Je m’y colle. Vous ne bougez pas d’ici.
- Un peu de camouflage ?

Vassell s’était penché pour ramasser la terre grise de Dathomir.

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-------

-------L’ascension de Lloyd était vite devenue un exercice d’escalade. Ses vêtements, sa peau et ses cheveux étaient tapissés de terre, que les filaments gluants avaient aidés à faire tenir. Pendant que ses doigts agrippaient la pierre, l’aidant à soulever son corps sur une corniche élevé, il songeait avec une certaine contrariété que toute cette saleté allait boucher les conduits d’évacuation du Sans Visage. S’il y avait un Sans Visage, et pilote pour le faire voler.
Plus en hauteur, le vent commença à fouetter son visage. Son flanc le faisait toujours souffrir, mais le soulagement d’être en vie, d’avoir serré Dana contre lui peut-être aussi, avait réveillé son corps qui se battait pour aller toujours un peu plus haut, malgré ses bottes qui dérapaient parfois sur la roche qui s’effritait. La lumière déclinait doucement, mais ils auraient encore quelques heures de visibilité, estima-t-il.

Il finit par se hisser sur un étroit sommet plat, habité seulement par quelques buissons écarlates, à demi desséché par le vent qui à cette altitude ne cessait jamais de souffler. Les membres endoloris, la sueur collant sa tunique contre son torse, le hapien roula sur le dos et se laissa respirer un bref instant. Quand il le put, il se redressa enfin sur son séant pour regarder la vue panoramique qui lui était offerte.












Et soudain, il le vit.

La coque du Sans-Visage était toujours calée au bord d’un plateau de basse altitude, émergeant d’un marécage, la carcasse penchée au bord d’une piste qui plongeait dans la forêt.
Le cœur du hapien battait à tout rompre quand il sortit de ses doigts sales le petit cylindre de sa poche. Il le porta tout de suite à ses lèvres.

- MUMKIN ! Mumkin, ici Lloyd.

















Silence.















- LLOYD ! C'est toi ?! Putain la frousse !
- Mumkin !! Mumkin je te vois, j’suis pas loin !

Il n'avait jamais été aussi content d'entendre son putain d'alien.

- Mais t’étais où ?! J’ai cru que Dana et son mari t’avaient tendu un piège, j’allais presque partir ! Tu les as largués j’espère cette fois ?
- Heu… Pas exactement. Et c’est pas son mari.
- Ah.

Silence glacial au bout de la ligne.

- Me dis pas qu’on repart avec.
- Hé si.
- Me dis pas que maintenant vous mélangez à trois.
- Sûrement pas. ... Mais maintenant que tu le dis, c’est une idée.
- QUOI ? Après tu dis que j’suis dégueulasse !
- Ouais, c’était juste pour voir si t’étais en forme. Ça a l’air, je suppose donc que le Sans Visage va bien.
- Ouais ouais, paré au décollage, manque juste l’équipage quoi !
- Ok bouge pas, on arrive.

Lloyd coupa la communication et prit une grande inspiration. Le soulagement avait desserré sa poitrine, et soudain Dathomir lui parut moins hostile, moins laide. Un regard circulaire lui apprit qu’il n’y avait aucune zone urbaine à la ronde, comme Vassell le lui avait dit. Un léger sourire s’était peint sur ses lèvres en repensant à la tête qu’avait dû faire Mumkin pendant leur conversation.

Le sourire mourut aussi vite qu’il était arrivé.

Lloyd avait posé les yeux sur la forêt juste en dessous.

Les arbres se mouvaient à plusieurs endroits. Les trajectoires convergeaient.

Vers Dana et le reste du groupe.

Il essaya de se hâter pour redescendre, mais ses pieds glissèrent au bord de la corniche. Il allait aller trop lentement.

- DANA ! RANCORS EN APPROCHE ! cria-t-il.
Darth Hope
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Trois rancors avaient surgi.
L’un d’entre eux était perché au sommet d’un arbre qui ployait dangereusement sous son poids imposant. Dana et Jaden s’étaient mis dos à dos, dans une formation martiale qui leur vint comme un réflexe. Vassell ne restait pas trop loin de leurs ombres, terrifié. Pour le moment, les prédateurs demeuraient immobiles, jaugeant leurs victimes.

-Tu es l’apprenti d’Akusha, souffla-t-elle amèrement, d’une voix très basse pour ne pas exciter l’appétit des bêtes. Tu devrais pouvoir nous sortir de là.
-C’est vous l’Inquisitrice Sith. On n’obtient pas ce titre par pur hasard.

Shar étira un sourire derrière le masque de salissure qui séchait sur sa figure. Son œil brillait d’une détermination que son corps avait du mal à supporter, mais elle tenait encore debout, parce qu’elle poussait ses limites, jusqu’à les briser.

-Aurais-tu les genoux qui tremblent, Jaden ?

Et elle alluma le sabre-laser de Lloyd dont le bruit et la lueur attirèrent les oreilles des rancors. Le meneur décida de quitter son perchoir. Le sol trembla quand il sauta à terre, écrasant son poids dans la boue. L’humaine bloqua son souffle pour faire taire la douleur qui tançait son abdomen. Les fils de suture avaient permis à la plaie de ne pas se rouvrir, malgré son agitation récente, mais la cicatrisation se passait mal. Et elle allait devoir rendre des comptes, tôt ou tard. Ses doigts enserrèrent la garde de la lame, épousant parfaitement sa forme incurvée. Elle espérait, sincèrement, que Lloyd aurait pris la bonne décision de fuir, qu’il avait repéré le vaisseau, qu’il s’y réfugierait, soignerait ses blessures.

Le rancor esquissa un mouvement, bandant ses muscles puissants pour se jeter sur eux. Un grondement sourd stoppa son élan. Le sol vibra et une brise violente coucha presque les troncs les plus fragiles. Dana écarquilla les yeux avant de les relever au ciel, que l’imposante ombre du Sans-Visage venait de recouvrir. Elle décrivit le ventre métallique, encore marqué du précédent crash ; la coque externe portait des éraflures profondes et elle poussa une exclamation de surprise en remarquant deux canons légers se mouvoir. Elle n’eût que le temps de bondir sur le côté. Déjà, les décharges plasmas éventraient la terre pour atteindre de plein fouet le rancor. Ce fut bientôt comme une scène de guerre qui se rejouait. L’armement du Sans-Visage s’enclencha à nouveau. D’autres déflagrations. D’autres tremblements. Le vaisseau, en vol, stationnaire au-dessus de la forêt avait pris pour cibles les animaux restants. Vassel et Jaden étaient le ventre plaqué à terre.

Enfin le silence.
L’odeur de chair brûlée, de métal fondu, de plasma en fusion se délitait dans l’air.
Les oiseaux de Dathomir reprirent leurs horribles piaillements qui ne formèrent que des chants sinistres. Déjà, certains charognards approchaient des carcasses des rancors à la peau brûlée.





Elle recracha un peu de terre et de sang, essoufflée. Au travers des mèches désordonnées qui rampaient sur sa figure méconnaissable, elle vit la passerelle du Sans-Visage heurter brusquement le sol. La silhouette de Mumkin apparut, floue parce que la vision de Dana s’éteignait. Elle eut un sourire à peine visible.

Foutu alien.

Et sa joue retomba mollement contre la boue.

Deux bras la soulevèrent et elle espérait qu’ils appartenaient à Lloyd Hope.








-Alors j’avais peur qu’ils soient endommagés avec le crash, des canons tout neuf, pff t’aurais imaginé le coût pour les faire réparer ? Nan, nan. Mais ils vont plutôt bien, débriefa le dévaronien alors que Lloyd s’engouffrait dans le vaisseau à la suite de Jaden. On l’embarque celui-là ? C’est qui ? fustigea-t-il en portant sur Vassel un regard méfiant.

Hope allait faire un signe d’approbation quand une flèche sortie de l’ombre, franchit les airs pour se planter dans la gorge du dathomirien. Mumkin glapit un cri de peur et de stupeur. Un autre trait fut décoché et se ficha dans la coque. Il sursauta, eût à peine le temps d’apercevoir des figures féminines émerger qu’il se précipitait dans le vaisseau en déclenchant la fermeture de la passerelle, terrorisé.

-Putain !

Plusieurs chocs sourds se répercutèrent contre la carcasse du Sans-Visage.

-Avec ou sans ton accord, patron, je nous décolle d’ici ! s’exclama-t-il en se précipitant vers le cockpit, tout blême.







L’ombre de Jaden Ashar la recouvrait. Et ses propres genoux tremblaient contre le sable chaud de l’arène de Ch’Hodos City. Un silence mortifère s’était abattu dans l’air, liant les langues des rares et privilégiés spectateurs dont le Seigneur Ram. Damaya Shar avait serré la rampe qui la séparait de l’arène jusqu’à s’en blanchir les phalanges. Relève-toi, Dana, pensait-elle. Le jeune Jaden porta un regard vers la tribune royale et croisa les regards de plusieurs dignitaires qui approuvèrent sans un mot. Il revint alors à l’adolescente vaincue et concentra la Force dans son poing. Il viserait un point vital dans son abdomen, porterait le coup de grâce. Dana ne réagit pas, elle détourna sa figure pétrifiée vers la silhouette de sa sœur aînée qu’elle décevrait sûrement.

Il s’apprêta à abattre son coup mais une main ferme retenait son bras. Shar Ram avait sauté dans l’Arène et avait interrompu l’exécution. Ses prunelles dorées fustigeaient sa fille à terre.

-Quelle déception.

Il repoussa Ashar avec mépris. Ce dernier se prosterna devant le dirigeant, la mâchoire contractée par la frustration d’avoir été arrêté. Agacé, Ram gifla sa progéniture si fort que le choc retentit dans les tribunes vides. Déjà affaiblie par les coups précédents, elle s’étala au sol, sans résistance, se contentant d’accepter cette brûlure de plus.

-Qu’est-ce que je pourrais tirer d’autre de toi, sinon de la honte ?

Mais l’ombre de Jaden avait disparu et le soleil la baignait de nouveau à travers les dais.











Elle se réveilla en sursaut et un néon blafard remplaça la lueur du soleil Ch’Hodien. Elle grimaça en tentant de se relever et renonça tant la douleur était grande. Son visage bascula sur le côté et elle décrivit une pièce qu’elle ne connaissait pas, dont l’agencement ne lui était pas familier. Elle plissa les yeux, tâchant de mobiliser sa mémoire sur les évènements récents. Les rancors, les canons du Sans-Visage, la silhouette de Mumkin, les bras qui l’avaient arraché au sol alors qu’elle sombrait dans l’inconscience. Des larmes silencieuses coulaient de ses yeux, mais elle ne savait pas pourquoi. Aucun sanglot n’étreignait sa gorge ou ne sollicitait sa poitrine. Elle passa une paume hâtée contre ses joues humides et prit une profonde inspiration. Elle était sur le Sans-Visage, c’était une certitude. Seulement, ce n’était pas sa cabine et de Jaden, aucune trace. Elle eût l’espoir, une seconde, qu’il avait péri ou qu’il n’avait pu embarquer. Qu’elle était libérée de son parrainage oppressant pour le compte d’Akusha.

Dana se conforta dans les draps de la couchette, plongea son visage dans l’oreiller, prenant un peu de répit avant de se pétrifier. La literie…elle ferma les yeux et inspira trop vite ce qui déclencha une légère toux. Elle avait l’odeur de Lloyd. Elle reconnaissait ce parfum pour l’avoir trop de fois senti à même la peau du hapien.

La stupeur lui donna l’énergie nécessaire pour s’asseoir sur la couche. Le plafond était bas et bardé de LEDs pâles qui jetèrent sur ses joues des ombres timides. Et parce qu’elle était dénudée, à l’exception d’un bandage propre qui cintrait son abdomen, elle remonta le drap sur ses courbes. Elle eût un sursaut quand l’écoutille grinça. Elle se dépêcha de se rallonger et ferma les yeux. Elle entendit des pas contre le revêtement métallique du sol de la cabine. Ils se rapprochaient et avec eux, la fragrance familière du Sith. Elle lui sembla qu’il fut très proche, comme pour vérifier son état, puis qu’il s’éloignait. Elle ouvrit alors les paupières et fixa sa silhouette. Il était de dos, occupé sur une affaire qu’elle ne distinguait pas.

-C’est…ta cabine ? demanda-t-elle un peu abruptement.

Un impérial dévoué m’aurait légué la sienne.

Le temps où elle avait investi le Sans-Visage pour la première fois lui paraissait si loin. Elle aurait pu poser d’autres questions, plus pertinentes. Où était Jaden Ashar ? Avaient-ils quitté Dathomir ? Combien de temps était-elle restée inconsciente ? Mais rien d’autre n’avait franchi ses lèvres. Son corps se souleva un peu et elle s’assit, toujours en retenant le tissu dans une intimité et une pudeur qui semblaient incongrues.




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