Ma foi…

Noctis plissait les yeux, pour tenter de distinguer les formes du désert qui s’étendait au pied de la falaise dominée par l’ancienne station météorologique. Il aurait aimé deviner leur destination finale, mais ses efforts furent évidemment infructueux : pour un Hapien, la nuit de Louxor IV était aussi impénétrable que la plus profonde des obscurités.

… l’Espace Hutt est un endroit de plus en plus troublé ces derniers temps et les dernières campagnes militaires de l’Empire n’y sont pas étrangères. Y poursuivre des opérations devient terriblement délicat. Il faudrait s’y consacrer à plein temps pour pouvoir réellement garantir la sécurité de ses infrastructures, la qualité du personnel, ce genre de choses…

Et surtout, Noctis commençait à soupçonner les planètes centrales des Hutts de grouiller d’agents impériaux en train de préparer l’étape suivante du plan de conquête. La perspective de se frotter aux ambitions expansionnistes d’autres Seigneurs ne l’enchantait guère.

Je crains de devoir relocaliser l’essentiel des ressources que j’avais investie dans cette partie de la galaxie, pour être honnête. Arrêter les frais tant que je fais des bénéfices, vous comprenez. Ceci étant dit…

D’un regard circulaire, il embrassa le spectacle des Arcanautes qui s’activaient pour prendre le contrôle du système informatique de la station, un exercice rendu compliqué par les couches et surcouches de logiciel ajoutées au fil des temps, par des Carvers dont le développement virtuel n’était pas la grande spécialité. Les indigènes avaient inventé malgré eux un pare-feu d’une singulière efficacité : celui de la crasse incompétence.

… c’est inspirant, de vous voir dans vos œuvres en étant aux premières loges, et je crois qu’il faudrait qu’on se parle après cela. Il n’est pas impossible que j’aie à nouveau l’usage de vos services. Ça ne risque pas d’intéresser les Arcanautes au même titre, puisque c’est en dehors du territoire impérial, mais j’imagine que vous avez toujours votre propre équipe.

Depuis quelques semaines, Absalom réfléchissait à la situation des pirates hapiens, ces hommes qui cherchaient à se soustraire à l’influence d’un système matriarcal trop rigide en s’engageant avec la monarchie du Consortium dans une lutte terroriste. Pour l’heure, la place qu’un pareil groupe pouvait prendre dans ses projets le laissait encore indécis, mais il aurait de toute façon besoin d’une assistance paramilitaire.

Le Sith s’interrompit néanmoins et son regard se perdit un instant dans le vague, alors que l’esprit de la Triade frôlait le sien. Précautionneusement, il ouvrit une partie de ses pensées à celles de ses Acolytes et, après quelques secondes, les autres Siths lui firent percevoir ce qu’ils avaient vu eux-mêmes dans les replis de la Force.

Deux vaisseaux en approche, déclara le Seigneur d’une voix un peu lointaine. Venus de l’intérieur de la plaine…

C’était à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle : mauvaise, parce qu’elles annonçaient de nouveaux combats, qui ne seraient pas sans danger, et bonne, parce qu’elles suggéraient que leurs futurs adversaires avaient dépeuplé les positions proches de leur objectif pour tenter de reprendre le contrôle de la station de surveillance. Si les Arcanautes et les Siths parvenaient à l’emporter cette nuit-là, ils auraient probablement affaire à une moindre résistance dans les heures qui suivraient.

Difficile de dire combien de… d’individus…

Avec une pointe de racisme hapien, il s’était finalement retenu d’appeler les Carver des personnes.

Une trentaine en tout, peut-être. À un quart d’heure de vol, dans la nuit.

Zack choisit ce moment opportun pour annoncer qu’il était venu à bout des défenses informatiques de la station et que les tourelles qu’elles commandaient étaient pour l’heure hors d’état de marche. Il avait essayé d’en prendre tout bonnement le contrôle, mais sans succès : la partie de l’interface qui en contrôlait le système de visée de précision se présentait dans un dialecte incompréhensible et il avait paré au plus urgent en nettoyant le programme.

Chef !

C’était la voix de Mako qui résonnait dans les comlinks.

La base est sécurisée, on en a profité pour inspecter les caisses dans le hangar principal par où on est rentrés. Beaucoup de trucs pour la mécanique, mais une belle petite cargaison d’explosifs.

Noctis échangea un regard avec Joseph.

On peut démolir les terminaux de contrôle, suggéra l’Hapien, qui jugeait que quelques coups de sabre laser y suffiraient amplement, quitter subrepticement la station après l’avoir piégé, laisser les Carvers la réinvestir et la faire exploser. Puisque les défenses anti-aériennes ont été désactivées, elle ne nous est après tout pas essentielle…
Je sais pas si ce sera suffisant pour faire s’effondrer le bâtiment, commenta Mako, mais pour souffler tout le hangar, ça, c’est sûr, je doute que beaucoup de têtes d’antennes y survivent.
Encore mieux.

Le sens des machinations du Sith était en pleine effervescence.

Si l’explosion est suffisamment contenue pour épargner leurs vaisseaux, nous pourrions nous en emparer et les utiliser pour gagner les dunes. Cela devrait nous prémunir contre toute mauvaise surprise, puisque les leurs qui seraient restés en bas dans le désert auraient lieu de supposer que ce sont leurs frères qui reviennent du combat.

La faille creusée dans la montagne, la station aux données anciennes, le monstre alchimique terré dans les crevasses du canyon. Absalom éprouvait la frustration croissante de manquer de temps pour démêler le passé de cette lune, pour donner du sens aux indices épars d’une époque ancienne et glorieuse, et à la sorcellerie qui l’avait animée. En d’autres circonstances, il aurait transporté sur Louxor IV les archéologues de sa bibliothèque, afin d’y mener une investigation en bonne et due forme. Mais le temps pressait.

Darth Venenous vous accompagnera pour achever les Carver qui survivraient à l’explosion, répondit le Sith quand on l’interrogea. La Triade se chargera d’empêcher qu’ils atteignent les parties supérieures de la station, afin de s’assurer qu’ils soient bien pris dans le souffle de la détonation. Quant à moi, je veillerai ici à ce que le pilote du second vaisseau que le nôtre se chargera d’abattre n’ait pas la présence d’esprit de tenter des manœuvres d’évasion. Je vous assure qu’il fera une cible facile, malgré l’obscurité.

Il eut un temps d’hésitation, avant d’indiquer ses yeux de l’index de sa main gauche.

Malheureusement, en tant qu’Hapien, je vous serais d’une utilité limitée au dehors.

L’heure, en tout cas, n’était plus aux préparatifs : dans l’obscurité, les autres membres de l’expédition pouvaient déjà distinguer la silhouette des deux vaisseaux en approche, venus d’entre les dunes. Noctis, lui, dut se fier aux informations de la Triade. Quand elles furent confirmées par les Arcanautes, ses propres ordres résonnèrent dans l’esprit de ses disciples.

* Vous trois, assurez la sécurité de la coursive supérieure. Aucun insecte dans les couloirs. Venenous, rejoins les Arcanautes sur la passerelle d’atterrissage et prépare toi à recevoir les fuyards qui reflueraient depuis le hangar. *

Un assentiment informulé lui parvint à travers la Force et ses troupes prirent leurs positions. D’un geste de tête, Noctis indiqua à Joseph qu’il était prêt, puis il se posta lui-même tout près de la baie d’observation, les yeux fermés. S’il ne distinguait rien, il pouvait sentir petit à petit l’esprit des Carvers, comme un essaim informe et inquiet, dont les contours se précisaient à travers la Force. En bas, dans le hangar, Mako terminait de justesse le montage pyrotechnique et le hangar était promptement évacué.

Une première navette de transport entreprit une manœuvre pour descendre. Comme toujours sur Louxor IV, elle avait l’aspect monstrueux d’une machine fabriquée à partir de pièces sans rapport les unes avec les autres, assemblage disparate et précarité commandée par la nécessité et né de l’opportunisme des ferrailleurs insectoïdes, qui sillonnaient le désert à la recherche de débris spatiaux.

Une dizaine de Carvers en sortit, sans pénétrer dans la station. Ils attendirent que la seconde navette atterrisse, protégée par la première, qui avait repris un vol stationnaire au-dessus de la piste. Quand l’équipe fut au complet, ils se ruèrent dans une cohue plus ou moins organisée vers la station elle-même. Noctis, lui, s’était petit à petit immiscé dans l’esprit du pilote de la première navette, celui qui assurait désormais la sécurité aérienne de la petite invasion.

L’exercice était plus ardu que le Sith ne l’avait anticipé : le pilote ne s’appartenait pas entièrement. Comme tous les Carvers, il vivait une existence mêlée à celle des autres, et dans la masse indivise de ses impressions, Noctis peinait à distinguer ce qui lui appartenait en propre. Tant pis pour la subtilité : la délicatesse était le luxe de ceux qui avaient le temps. Soudain, une violente douleur explosa dans l’esprit du pilote : sensation brutale, insoutenable, tesson spirituel qui brûlait ses nerfs.

Le Carver sursauta, poussa un cri dans l’habitacle de son vaisseau et la navette, qui avait perdu son pilote et dont il avait bousculé le manche en tentant de se débattre comme un ennemi invisible et d’ailleurs illusoire, partit en vrille. La respiration du Sith était devenue courte, alors qu’il maintenait son emprise cruelle sur sa malheureuse victime, pour l’empêcher de prendre le contrôle de l’appareil et, quelques secondes, le vaisseau s’écrasa contre le flanc du canyon dans une violente explosion.

Au moment, dans le hangar, les Carvers qui avaient tenté de gagner le poste de commandement était confronté à un spectacle hostile dont l’étrangeté les avait pris entièrement à défaut. La Triade avait puisé dans sa sorcellerie sith pour ouvrir un portail depuis le néant et des vrilles de l’Obscur s’étaient enroulées autour de la passerelle métallique qui menait aux étages supérieurs. Les tentacules brûlants, suintants, barraient le chemin et les Carvers étaient contenus malgré eux dans le hangar de la station.

Un hangar plein de caisses.
Qui faisaient tic tac.
Ils n’avaient pas songé un seul instant à les inspecter. Après tout, elles étaient toujours là : c’était le décor ordinaire de leur domaine, qui se retournait pourtant contre eux. À l’explosion du vaisseau contre la montagne, le groupe fit un mouvement pour regagner l’extérieur et Mako choisit le moment pour déclencher l’explosion. La Triade se replia précipitamment dans le couloir supérieur. Le portail fermé, les vrilles de l’Obscur se dissipèrent dans une fumée âcre.

L’explosion n’avait pas été violente, faute d’avoir eu assez d’explosifs, ou le temps de concevoir une bombe élaborée, mais elle avait tué une bonne partie des Carvers. Pendant qu’une partie des Arcanautes prenaient d’assaut le vaisseau resté sur la piste d’atterrissage, les autres attendaient des pieds fermes les Carvers survivants, qui après avoir repris leurs esprits, ne manqueraient pas de tenter de prendre la fuite.

Dans l’obscurité, le double sabre rouge de Darth Venenous brillait d’un éclat inquiétant.

Hmoui…


Des flemmes léchaient encore les mousses accrochées à la falaise aride, là où le vaisseau avait explosé, et Absalom fixait cette seule lumière qu’il était capable de voir dans l’obscurité de la planète.


Pour être honnête, j’aurais dû être capable de mieux maîtriser son esprit. J’aurais dû me préparer à l’étrangeté d’une pensée en colonie, puisque ce sont des insectes. Mon entraînement manque de rigueur.


C’était au fond une remarque qu’il s’adressait à lui-même plutôt qu’à Joseph, qui venait de le complimenter. En tout cas, le Sith était plus exigeant encore avec lui-même qu’avec ses disciples. L’erreur était permise — le contraire eût été selon lui idiot et contre-productif — mais elle devait inviter à de sobres réflexions. Absalom se promit de trouver des cobayes dont la structure mentale atypique lui permettrait de s’exercer, pour être prêt à manier toutes les psychologies. Pour l’heure, la mission se poursuivait.


Ensemble, le mercenaire et le sorcier quittèrent le poste de commandement pour rejoindre la coursive supérieure, où la Triade reprenait tant bien que mal des forces. Les trois sorciers dont les esprits s’étaient inextricablement mêlés voyaient leurs pouvoirs mis à rude épreuve lors de cette expédition et, en leur jetant un coup d’oeil froidement calculateur, Noctis songea qu’il serait nécessaire d’accélérer la formation de leur remplaçant : la sorcellerie les consumait plus rapidement qu’il ne l’avait pensé et bientôt la Triade dépérirait, ayant sacrifié les dernières années de son existence à servir leur maître avec un zèle fanatique.


Le spectacle qui les attendait était saisissant : les tentacules de l’obscur avaient laissé de profondes entailles fumantes dans la galerie métallique et les murs de permabéton. Au rez-de-chaussée, l’explosion avait déchiqueté les caisses de matériel et les corps des insectes. L’odeur de chitine calcinée le disputait à celle du métal tordu par la chaleur. Un Carver dont tout le bas du corps avait été sectionné se traînait avec l’énergie du désespoir vers un blaster si proche, et pourtant infiniment loin.


Absalom s’agenouilla près de lui, détacha son sabre de sa ceinture, en plaçant la garde contre le crâne de l’insecte, qui leva vers lui un regard désespéré.


Ne vous inquiétez pas, murmura-t-il avec une compassion qu’on eût dit authentique, ce sera bref et quasi indolore.


La lame rouge et brûlante jaillit, perfora le crâne de l’infortuné rescapé et, son cerveau fondu, la créature retomba inerte. Le Sith désactiva son sabre et se releva, alors que tout autour d’eux, les Arcanautes s’activaient pour inspecter les caisses survivantes et les Carvers, à la recherche de tout ce qui pouvait être utile.


Des livres, oui. Enfin, vous savez, largement compris. De la connaissance, en somme. Qui ait une valeur historique ou mythologique. Mystique ou philosophique. Des artefacts à la rigueur.


Absalom préférait les textes aux objets. Les artefacts étaient parfois trop mystérieux, trop impénétrables pour se révéler d’une quelconque utilité. Ceux qui venaient d’époques immémoriales pouvaient résister pour toujours à la sagacité des meilleurs archéologues. Avec les mots, on avait toujours une prise. Il suffisait de recruter les bons linguistes et de faire tourner les bons programmes.


Tout est en ordre, déclara Darth Venenous, qui s’était porté à leur rencontre.


La Kaminoane tendit une paire de lunettes de vision nocturne à son maître. Absalom ajusta à contrecoeur l’objet prévu pour un Carver et put à nouveau profiter de la vision kaléidoscopique qu’elle lui offrait. Comme les Arcanautes en avaient prévu le juste nombre pour leur propre usage, il lui faudrait bien s’en contenter. Dehors, la piste d’atterrissage était elle aussi jonchée de cadavres, que les hommes de Joseph avaient fini de dépouiller.


Le butin était maigre. Les Carvers, mal équipés, ne possédaient que des armes rudimentaires. On avait tiré tout de même de l’un des corps qui, par chance, avait résisté à l’explosion pour s’enfuir, un datapad qui contenait les codes d’identification pour les vaisseaux en approche du camp, sans description du camp lui-même. Les explorateurs s’en tournèrent donc vers leur guide.


Le Carver qui les avait mis sur la voie considérait désormais la station d’un air pensif, et même franchement cupide. Absalom ne pouvait s’empêcher de penser que, dans toute cette histoire, il était le principal gagnant : il avait pu faire libérer une partie de son clan et le Jedi Noir ne doutait pas que désormais, il investirait avec eux cette station et prendrait le contrôle des batteries anti-aériennes. Sa position dans les environs n’en serait que d’autant plus consolidée.


Une période faste, j’ai l’impression, glissa-t-il d’un ton dégagé.


L’autre lui répondit par une expression que sa physiologie rendait indéchiffrable à l’Hapien, mais à travers la Force, le Sith fut persuadé de percevoir sa satisfaction.


Vers quoi s’achemine-t-on, désormais ?
Le camp de la tribu Kri. Ou…


Le Carver adressa un regard circulaire aux cadavres de ses congénères.


… ce qu’il en reste, fit-il avec une vibration de contentement. Le camp est dans les dunes. Les dunes entourées par les montagnes. Les montagnes pleines des batteries. Que vous avez…


Désactivées, fit-il comprendre, en faisant un signe vers la station de surveillance.


Imprenable. Avant vous. Le camp est dans…


Le Carver fit une série de signes avec les mains, incapable de retrouver le mot qu’il cherchait en basic. Les yeux plissés, visitant les pensées de son interlocuteur, Noctis suggéra :


Bunker ?
Oui ! Oui ! Mais vieux, très vieux bunkers. Bunkers de l’ancien roi sith. Presque des ruines. Des trous de partout, couverts avec… N’importe quoi. À moitié sous le sable. Comme une ville. Mais un peu démolie.


C’était plutôt une bonne nouvelle, songea Noctis. Il avait craint que le canon ne fût le seul objet encore présent sur place, mais si d’anciennes installations survivaient, il y avait une petite chance pour en trouver d’autres.


Le canon est… Bunker. Bunker, canon, la même chose. Énorme.
Hmm…


Les super-armes des Siths étaient rarement des modèles réduits, et Absalom se demandait ce que les Arcanautes avaient prévu pour transporter un pareil engin.


Mais démontable, s’empressa d’assurer le Carver, probablement sans en avoir la moindre idée.
Si c’est bien le canon a creusé ces canyons… J’imagine qu’il était pointé vers la planète. Quel meilleur moyen de régner sur un monde que de le diriger depuis sa lune en le menaçant constamment d’une explosion ?


Le Carver haussa les épaules. Les intentions de ce roi quasi légendaire, disparu dans les méandres d’un passé mythque, lui échappaient entièrement et il ne s’en préoccupait guère. À son humble avis, le canon ne fonctionnerait plus jamais. Son imagination était limitée par les rares ressources à sa disposition et les Carvers de cette lune vivaient une existence de bricolages incessants qui n’offraient pas la perspective de projets grandioses.


Quoi qu’il en soit, intervint Darth Venenous, qui dit installation en dur et en partie souterraine dit actions de guérilla quand nous arriverons. Nous profiterons de l’effet de surprise avec les premiers que nous rencontrerons, mais les autres pourront ensuite se dissimuler dans la structure et nous attendre au tournant. Et nous n’avons guère la capacité de prévoir un bombardement.
Combien sont-ils, interrogea encore le Seigneur ?


Leur guide murmura des mots que Noctis supposa être des chiffres, celui des morts de la station et de l’équipe arrivée en renfort.


Quatre dix. Cinq dix peut-être.
Quinze ou cinquante ?
Cinquante. Mais… Pas tous des guerriers. Certains petits.
S’ils se sentent sans défense, fit Noctis en se tournant vers Joseph, il ne serait peut-être pas impossible de négocier. L’essentiel de leurs guerriers se trouvent probablement ici, ils ne se montreront probablement guère enthousiastes à la perspective de se faire anéantir. Et, après tout, vous ne venez que pour leur prendre un canon qu’ils ne savent pas faire fonctionner et moi des objets ou des textes dont ils n’auront jamais l’usage.
Non, non, pas négocier, s’exclama le Carver qui redoutait de voir ses agents de destruction ne pas finir le travail, les tuer ! Les tuer tous.
Éviter des effusions de sang inutiles, poursuivit le Sith sans lui prêter attention, profiterait à notre propre sécurité et, au demeurant, ils pourraient avoir des informations précieuses sur l’endroit qu’ils occupent. C’est un point à ne pas négliger : le maniement d’un canon aussi ancien n’aura rien d’une évidence et tous les indices en la matière seront bons à prendre, fussent-ils fragmentaires.


Noctis fit un signe à son bras droit et la Kaminoane entraîna aussitôt leur guide, qui protestait vivement, un peu plus loin sur la plateforme. Le Hapien baissa la voix et poursuivit :


Si nous options pour une approche plus diplomatique, il est préférable que nous empruntions notre propre vaisseau. Que nous prétendions avoir été alertés par le bruit des combats à la station, alors que nous cherchions le canon, que nous sommes arrivés pour prêter assistance, mais trop tard. Que la tribu de notre guide était en train d’annihiler les renforts qu’ils avaient envoyé et que si nous avons pu exterminer leurs attaquants, nous n’avons hélas pas pu les sauver eux.


Le Sith n’avait apparemment aucun scrupule à substituer une tromperie à une autre.


Cela présenterait d’ailleurs l’avantage incident de déclencher très probablement une guerre ouverte entre les deux tribus à notre départ, une guerre dans laquelle nous pouvons espérer que notre guide et les siens soient durement éprouvés. J’imagine que les Arcanautes préféreraient que les informations de leur passage ici, et de ce qu’ils y ont trouvé, ne filtrent pas au-delà de Louxor IV…


C’était une bonne chose d’acquérir une arme exceptionnelle, c’était encore mieux de la garder secrète en éliminant les témoins gênants.

Je suis d’accord, répondit Noctis, avec un hochement de tête. Toute diplomatique qui soit notre approche, il est essentiel que nous apparaissions comme des menaces potentielles. C’est manifestement le fondement de l’ordre sur cette lune et qui plus est, nous souhaitons prendre l’ascendant aussi rapidement que possible.


Les clans avaient l’air si farouchement opposés les uns aux autres que le Sith s’attendait à tout instant à ce qu’un groupe de Carvers encore inconnu ne surgisse soudainement, pour une raison qui leur était propre, afin d’agresser le clan Kri. L’instabilité des relations entre les autochtones pouvait compliquer considérablement les travaux de fouille et l’Hapien jugeait plus prudent d’en finir au plus vite.


Après avoir interrogé Darth Venenous d’un regard globulaire et facetté absolument indéchiffrable, auquel l’Inquisitrice lui répondit en haussant les épaules en signe d’incompréhension, Absalom emboîta le pas aux Arcanautes et, bientôt, le vaisseau des rebelles impériaux s’élevaient dans la nuit.


L’appareil survolait une vaste cuvette sablonneuse entourée presque de toute part par des massifs montagneux. Jadis, quand les batteries aériennes qui devaient couvrir les crêtes des contreforts rocheux avaient été parfaitement fonctionnelles, l’endroit avait dû se montrer quasiment imprenable pour un assaut aérien, et si tous les canyons qui y menaient étaient surveillés par des abominations alchimiques comme celles qu’ils avaient dû affronter eux-mêmes, l’accès par voie terrestre avait été tout aussi dangereux.


C’était une forteresse dont on aurait peiné à deviner ce qu’elle avait de naturel ou d’artificiel. Le canon avait creusé, à en croire leurs guides, certains des défilés entre les falaises et Noctis en venait à se demander si les montagnes elles-mêmes n’avaient pas été érigées par quelques prouesses de géoingénierie, pour abriter le fleuron militaire que constituait le canon.


Tu le sens… ?


Darth Venenous hocha lentement la tête.


La présence du Côté Obscur, expliqua le Sith aux Arcanautes. Très sensible, dans les sables, en contrebas. Ils sont imprégnés par endroits d’une puissance étrange.
Des vortex de sables mouvants, répondit la Triade, de cette voix éloignée qui semblait porter en elle son propre écho, doués d’une conscience propre. Les sables sont vivants, par ici. Et affamés.


Pour une fois, Darth Noctis était bien content de se trouver dans un vaisseau volant.


Le jour est en train de se lever, maître, murmura la Kaminoane.
Déjà… ?
La rotation de la lune est assez rapide.


Pour l’heure, cela dit, Absalom était toujours plongé dans la plus profonde obscurité.


On approche de la destination, intervint le pilote dans les comlinks, je vois les ruines à douze heures. Qu’est-ce qu’on fait ?
Essayons de nous poser le plus près possible, que nous évitions les sables. Et que notre entrée soit remarquée. Tenons-nous sur nos gardes. Les armes en évidence, mais sans être menaçants. Il s’agit d’imposer notre autorité sans déclencher un affrontement.


Des projecteurs s’allumèrent soudain sur les toits de l’ancien complexe militaire, pour balayer la nuit, avant de se fixer sur la silhouette du vaisseau en approche. Dehors, en bas, une agitation fébrile se mit aussitôt à régner. Pour les Carvers, le Vautour 2 était une apparition futuriste qui imposait la circonspection. Quand l’appareil se posa enfin sur un vaste espace circulaire qui avait peut-être été jadis justement une piste d’atterrissage, il fut promptement encerclé.


Quelques mâles, je pense, commenta Venenous à l’intention de son maître encore aveuglé, alors qu’elle scrutait la foule rassemblée autour du vaisseau, des femelles… autant que je puisse en juger, leur physiologie n’est pas exactement… des vieillards, possiblement, et des modèles miniatures, peut-être des enfants.
C’est plutôt bon signe, jugea Noctis, les gens tendent à ne pas emmener leurs enfants à un assaut.


Mais ce n’était pas une vérité universelle et les jeunes Carvers pouvaient tout aussi bien être enrôlés précocement dans les luttes de leurs parents. En tout cas, Noctis se résolut à retirer ses lunettes de vision nocturne, pour préserver son apparence, et il descendit en premier, la main posée sur l’avant-bras de Venenous, qui le guidait ainsi. Les silhouettes encapuchonnées qui le suivaient contribuaient à donner un air solennel, étrange et même intimidant à ce débarquement.


Sur l’esplanade régnait en effet un silence de mort. Seul le vent du désert qui soufflait des grains de sable troublait l’attente prudente.


Tu vois un canon, murmura le Sith à son bras droit ?
Non, répondit l’Inquisitrice, mais il y a des entrées vers des souterrains et une bonne partie des bâtiments sont dévorés par des dunes. Je pense que le vent a déplacé les sables au fil des siècles et qu’une partie des collines autour de nous sont en réalité des bâtiments ensevelis.


Noctis hocha la tête, puis souffla :


J’ai toujours rêvé de faire ça.
Quoi donc ?
Ça.


L’homme retira sa main de l’avant-bras de son Inquisitrice, fit deux pas en avant et déclara d’une voix forte et assurée :


Conduisez-moi à votre chef.


Silence, toujours, puis un Carver qui s’appuyait sur un canon de fusil blaster en guise de canne sortit du cercle de la foule inquiète pour s’approcher de son étrange visiteur.


Je suis le plus âgé ici, mais notre chef est parti.
Parti ?
Protéger l’une de nos…


Le vieillard hésita, avant de choisir le mot le plus vague possible :


… installations.
Dans ce cas, il est mort, répondit froidement le Sith.


Il y eut un murmure dans l’assemblée. Noctis savait ces premières minutes essentielles : leur arrivée théâtrale, les déclarations dramatiques, le jour qui naissait en même temps qu’ils débarquaient, tout contribuait à impressionner fortement les esprits de celles et ceux qui les écoutaient, agités déjà par une nuit d’inquiétude, et ainsi il les trouverait plus malléable.


Vous les avez tués…, demanda le vieillard avec moins d’animosité que de prudence ?
Nous avons tué ceux qui les ont tués.


Même sans les voir, Noctis, dans sa nuit personnelle, percevait l’anxiété des Carvers qui l’entouraient. Il cessa de s’adresser au vieillard, pour les haranguer tous à la fois.


Je suis le Seigneur Noctis et je suis venu pour vous prendre sous ma protection. Vos guerriers sont tombés dans une embuscade cruelle, lâche et terrible, fomentée par un clan ennemi qui cherchait à s’emparer de vos défenses anti-aériennes, sans aucun doute pour lancer un assaut contre votre village. En attendant les premiers bruits des combats, nous avons volé jusqu’à eux, mais comme nous sommes arrivés, il était déjà trop tard.


Légèrement, avec une parcimonie presque homéopathique, Darth Noctis laissait une Aura de Ténèbres émaner de lui, pour cultiver la peur dans le coeur de celles et ceux qui l’écoutaient et les laisser suspendus à ses lèvres, et d’autant plus susceptibles d’accueillir des sauveurs désormais inespérés.


Nous étions sur cette planète pour des fouilles archéologiques et nous ne nous attendions guère, cette nuit, à affronter le spectacle des murs fissurés par les explosions, des corps des vôtres déchiquetés par les vibrolames et brûlés par les tirs de blaster.


Il y eut des cris étranglés et des vrombissements que Noctis interpréta comme l’équivalent de pleurs.


Spectacle terrible et injuste. Ceux qui vous ont agressé ont été abattus par notre vengeance. Les hommes que vous voyez derrière moi…


D’un large geste de la main, il désigna les Arcanautes.


… ont purgé la face de cette lune de leurs vies inutiles et cette lame…


À ces mots, le Sith activa son sabre laser et il y eut un mouvement de recul, mais les Carvers se mirent à fixer l’éclat rouge et brûlant avec une fascination presque hypnotique. Petit à petit, le Sith laissait son Aura de Ténèbres se défaire, pour que l’espoir et la reconnaissance puissent prendre sa place.


… s’est plongée dans la cervelle de ces lâches et de ces traîtres. Mais ceux qui nous avons tués n’étaient qu’un commando. Derrière eux, il y a tout un clan qui n’aura pas renoncé à ses projets. La station est détruite. L’assaut peut être imminent.


C’était d’autant plus crédible que ce genre d’affaires constituait le quotidien des différentes tribus.


Mais quel intérêt peut bien prendre un Sith à notre misérable existence, demanda le vieillard, moins impressionnable que les autres peut-être ?
Je vous l’ai dit, répondit Noctis en désactivant son sabre, Nous sommes ici sur les traces d’un héritage de mon Ordre, à la recherche des reliques du Roi Sith qui a construit cette base, creusé ces canyons, enchanté les sables qui vous entourent et opposé la voracité de ces monstres à la concupiscence de vos ennemis…


Rappeler les prouesses de cette figure légendaire était un moyen de leur suggérer subtilement que ses propres pouvoirs étaient peut-être tout aussi terribles.


Nous sommes à la recherche des secrets qu’abrite ce désert, qui sait, peut-être cette base elle-même, et qui sont depuis trop longtemps tombés dans l’oubli. Laissez-nous étudier ces ruines pour prix de notre protection. Il fut un temps où celles et ceux qui vivaient aussi, sous le regard du Sith, n’avaient à craindre nul adversaire.
Mais je ne crois pas…


La protestation du vieillard fut interrompu par un cri jeté depuis la foule. Des mots incompréhensibles commencèrent à fuser, prononcés par des voix dont le ton était urgent, presque désespéré. Noctis recula d’un pas, pour laisser se dérouler ce qui était de toute évidence un débat communautaire sur la marche à suivre.


Pendant une bonne demi-heure, les discussions allèrent bon train.


Tout cela traîne en longueur, murmura le diplomate à son Inquisitrice, ils commencent à réfléchir et ça pourrait ne pas jouer en notre faveur. Mettons-leur la pression.


Comme un seul homme, les Siths tournèrent le dos à la foule et prirent la direction de la rampe du Vautour 2.


Non ! Non, Seigneur, pas partir, lança une femme depuis la foule, dans un basic maladroit.


Elle rompit le cercle pour se jeter aux pieds du sorcier.


Mes frères, tous, morts. Enfants à nous, jeunes encore.


L’inquiétude de la nuit, le désespoir des nouvelles et la terreur que lui avait inspirée l’aura obscure l’avait laissée tremblante comme une feuille.


Pitié, murmura-t-elle, Pitié, pitié. Pitié.


Ses frères avaient-ils été de ceux qu’ils avaient tués dans l’explosion ou massacrés dans le combat sur la plateforme ? En tout cas, Noctis se pencha vers elle, pour l’aider à se relever et déclara d’une voix forte :


Puisque vous insistez, nous restons.

L’espoir était une puissante motivation après une nuit d’angoisse et Joseph avait fait miroiter au clan décomposé qu’ils avaient trouvé en descendant de leur vaisseau un futur plus glorieux qu’ils n’auraient pu l’imaginer. Confusément, ils sentaient bien que les ruines que leurs ancêtres avaient investi, que les machines incompréhensibles qui se désagrégeaient lentement depuis une époque immémoriale dans les recoins de leurs habitations et les textes indéchiffrables qui couvraient les murs, les signes cabalistiques et les mystères impénétrables, étaient la source de pouvoirs pour eux impossibles à expliquer ni utiliser, mais qu’un Sith, un Sith véritable, pourrait peut-être manier. Et comment ne seraient-ils récompensés de leurs services, s’ils le guidaient vers les pièces les plus intéressantes ?


Noctis commençait à distinguer, mais avec bien des difficultés, les silhouettes dans la lumière encore faible de l’aurore. C’était plutôt à travers la Force cependant qu’il sentait le mouvement de la foule, l’esprit qui se tournait vers l’opinion de la majorité, comme un troupeau se ressemble, pour être plus fort une fois groupé.


Très bien.


C’était une nouvelle voix, autant que pouvait en juger le Hapien. Une femme était sortie du lot. Le vieillard qui avait pris la parole en premier, à cause de ses opinions, avait été relégué au milieu du groupe.


Nous vous conduirons vers ce que vous cherchez.
Vous parlez un excellent basic, remarqua le Sith.
J’ai été vendue enfant comme esclave à un chasseur de primes et je ne me suis échappée que plus tard.


Histoire désolante pour un homme qui, comme Absalom, jugeait l’esclavage une institution répugnante, mais instructive : cette femme avait eu toute la galaxie pour se cacher mais elle était retournée sur une lune désolée pour vivre au milieu des ruines. Voilà qui suggérait chez les Carvers un attachement sincère pour leur planète, ou à tout le moins pour leur communauté, et par conséquent un intérêt supérieur à protéger leurs conditions de vie.


Vous avez fait preuve d’un noble courage, commenta-t-elle d’un ton presque paternel. Vous avez deviné ce que nous cherchons, n’est-ce pas ?
Oui. Mais je ne sais pas si vous en tirerez tous les avantages que vous pensez.


Noctis se retourna vers Darth Venenous.


Organise la défense des installations.


Une attaque était fort probable, mais mieux valait entretenir le climat d’anxiété générale, qui leur servait à inféoder le clan. La Kaminoane inclina la tête, puis le Seigneur se retourna vers son interlocutrice.


Nous vous suivons.


La foule se fendit en deux pour les laisser passer et Noctis dut plisser les paupières pour saisir la silhouette de leur guide, alors qu’elle le menait jusqu’au tunnel étayé avec des poutrelles de bric et de broc qui s’enfonçait dans la dune sablonneuse. Dès qu’ils en eurent passé le seuil cependant, la Carver activa une manivelle et une puissante lumière électrique illumina l’intérieur. L’Hapien cligna plusieurs fois des yeux, avant d’éprouver le soulagement d’une vision retrouvée.


Quelques mètres plus loin, ils débouchaient dans une immense salle carré, dont les murs en plans inclinés convergeaient vers le sommet. L’architecture n’avait plus grand-chose à voir avec les constructions bricolées dont les Carvers de Louxor IV semblaient s’être fait une spécialité.


C’est une pyramide, commenta Noctis, dans un murmure, plutôt pour lui-même que pour ceux qui l’accompagnaient.


L’idée qu’ils avaient atterri dans ce qui avait été jadis peut-être une ville prestigieuse, ou tout du moins une remarquable installation militaire, et que les secrets de cette puissance lointaine était désormais ensevelis et presque impénétrables le rendait un peu mélancolique. Il sentait le Côté Obscur de la Force qui imprégnait les murs, témoignage de la grandeur révolue du roi qui avait construit la base.


Deux pyramides, expliqua la Carver, l’une au-dessus, l’autre en-dessous. Par ici.


Elle les conduisait dans une nouvelle coursive et, après avoir dépassé ce qui avait dû être des turbolifts, hors de service depuis longtemps, elle descendit des escaliers métalliques. Noctis comprit ce qu’elle avait voulu dire : ici, les plans des murs s’inclinaient dans l’autre sens, de sorte que les deux pyramides, la souterraine et celle qui émergeaient, étaient symétriques, avec une base commune.


Voilà.
Hé bien…


La pyramide inférieure était en réalité un silo qui abritait un immense canon. À en juger par les mécanismes qui entouraient son socle, il devait être fixé à une plateforme qui s’élevait jusqu’au sommet de la pyramide supérieure pour tirer dans l’atmosphère. Pour l’heure, l’appareil était recouvert d’une épaisse couche de poussières.


Joseph, je crois que vous avez de longs travaux de démontage devant vous, commenta Noctis en faisant lentement le tour de la machine.


Il n’y connaissait pas rien pour ainsi dire en armement militaire, mais il fallait bien avouer que la machine était conséquente.


Et j’imagine que nous avons pour notre part un long travail de fouille.


Le Seigneur se retourna vers la Triade, dont la présence était presque insoupçonnable, dissimulée dans les ombres de la pièce et les replis de leurs robes noires.


Commencez à inspecter les lieux, relever les inscriptions et cataloguer les artefacts.

Sans un mot et d’un même mouvement, les trois acolytes quittèrent le silo pour se livrer à cette tâche importante.


Je remonte pour m’assurer que ni vous ni nous ne soyons dérangés pendant notre entreprise.


Et il leur fallut en effet bien des heures pour arriver à leurs fins. L’exercice n’avait rien d’aisé : le canon était ancien et complexe, il fallait d’abord le comprendre et ensuite en manipuler les pièces détachées avec précaution, pour les charger dans la navette. Quant aux découvertes archéologiques, elles se livraient malaisément, le temps, le sable et les occupants successifs des lieux ayant détruit presque tout ce qu’il y aurait eu à y trouver.


À la surface, Absalom s’était engagé dans de longues discussions avec les Carvers. Pour comprendre les règles informulées qui gouvernaient à leur existence sur cette lune si hostile et à leurs rapports avec les autres clans, pour sonder leurs souvenirs et les légendes qu’ils nourrissaient à propos des ruines où ils avaient élu domiciles et de leurs lointains bâtisseurs. Ces informations, il le savait bien, étaient faites d’infimes vérités diluées dans beaucoup de fantasmes, mais il lui fallait bien proportionner ses espoirs à la réalité du terrain.


Aucune attaque ne survint, puisque leurs seuls assaillants jouaient désormais le rôle des protecteurs, mais cette tranquillité retrouvée, les Carvers l’attribuèrent à la présence protectrice du Sith. Plutôt d’une fois, Absalom avait veillé à contempler l’horizon d’un air déterminé, les cheveux battus par le vent du désert, en levant les bras comme incantateur, avec quelques formules incompréhensibles, pour les persuader qu’il employait ses vastes pouvoirs à assurer leur protection en domptant le désert. La théâtralité était après tout une ressource précieuse.


La nuit recommençait à tomber quand le canon fut enfin embarqué. Noctis avait retrouvé Joseph au pied du vaisseau des Arcanautes, désormais lourdement chargé.


Nous retrouverons notre propre appareil en empruntant l’un des vaisseaux des Carvers, expliqua le Seigneur. Il nous faudra encore un moment pour achever l’étude des lieux.


Le Sith tendit au mercenaire la main pour une poignée sincère.


Joseph, quelque chose me dit que nous aurons encore l’occasion de collaborer ensemble à l’avenir et c’est une occasion que j’accueillerais avec plaisir. En attendant, soyez prudent.


Puis il se tourna vers les Arcanautes.


Dites à votre major que… Hé bien, dites-lui simplement que s’il a besoin d’aide pour ses efforts politiques à l’avenir, je suis très disposé à l’écouter.


Et à l’appuyer.
Peut-être.


Debout sur l’esplanade, Noctis fit mine de suivre du regard le vaisseau des Arcanautes qui décollait, même si l’obscurité l’aveuglait déjà complètement. Darth Venenous se porta à sa rencontre et il sentit sa présence à travers la Force.


Alors comme ça on se propose de faire la révolution… ?
Disons que j’aime susciter le débat public.
Avec des canons géants ?


Le Sith esquissa un demi-sourire.


Tu veux en faire une explication psychanalytique ?