Karm Torr
Karm Torr
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Le soleil était sur le point de disparaître au coin de la baie d’observation, alors que la station tournait lentement sur elle-même. De temps en temps, Karm pouvait apercevoir un vaisseau-marchand qui sortait de l’hyperespace et préparait ses manœuvres d’arrimage. On était loin de l’activité bourdonnante des grandes stations du Noyau, sur les principales routes commerciales, mais Centaur-XX restait une institution essentielle, dans ce secteur de la Bordure Extérieure.

Un peu plus loin, en effet, un large trou noir imposait des détours à tous les vaisseaux et, sans planète habitée à des années-lumières à la ronde, Centaur-XX était une escale nécessaire pour le ravitaillement des cargos qui desservaient les mondes agricoles et indépendants qui s’étendaient au-delà. Karm se souvenait d’avoir observé la station de loin, quand il n’était encore qu’un enfant, sur le pont d’un vaisseau ark-ni, alors que les siens venaient y livrer des minerais extraits d’un champ d’astéroïdes voisin.

Désormais, il était de l’autre côté. Après la succession des batailles et des péripéties, et comme l’enquête sur l’explosion du croiseur bakurien n’avançait pas, le Conseil s’était finalement décidé à remettre sur les rails la mission diplomatique à destination des Ark-Ni. Après bien des explications, un nouveau rendez-vous avait été pris. Dans quelques minutes, un émissaire viendrait les trouver, Luke et lui, qui attendaient là depuis plus de deux heures. Dans quelques minutes, Karm retrouvait son peuple.

Et il était nerveux.
Très nerveux, même.
Ce qui s’exprimait par une mine impassible et une contemplation immobile de l’espace infini.
Mais son anxiété était palpable à travers la Force.

Son datapad vibra. Il jeta un coup d’oeil au message qui s’affichait, écrit en idéogrammes ark-ni.

— C’est parti, souffla le Chevalier en se levant, après avoir serré doucement la main de Luke dans la sienne.

Ils remontèrent les coursives de la station jusqu’aux docks, pour rejoindre le quai qu’on lui avait indiqué dans le message. Trouver l’émissaire ne fut pas compliqué : une silhouette androgyne aux yeux turquoises et aux cheveux argentés se détachait au pied d’un vaisseau. De loin, on aurait eu bien du mal à la distinguer de Karm. De près, le Jedi était nettement plus musculeux que les autres Ark-Ni, parce qu’il ne s’était pas développé dans la gravité artificielle des vaisseaux, et un peu moins pâle.

Il était à peu près impossible de discerner l’âge ou même le sexe de l’émissaire.

— Tak sam, Karm Abd Oni Torr.
— Tak sam, Ark-Ni Mak.

Chacun inclina légèrement la tête en avant. L’émissaire posa les yeux sur Luke.

— Luke Kayan, Jedi soli. République Mak.
— Tak sam, Luke Kayan.

Après ces salutations d’usage, l’émissaire reprit en basic :

— Vous êtes de ceux qui voient l’espace au-delà du monde.
— Luke Kayan parle bien et avec sagesse.

L’émissaire inclina la tête, dans un signe d’assentiment, avant de les inviter d’un geste à monter à bord. Karm précéda Luke dans le vaisseau, pour que l’Hapien put suivre son aura. Il était convenu que les Jedis suivraient l’Emissaire jusqu’à un vaisseau de la Flotte, où la réception diplomatique à proprement parler aurait lieu.

Karm ignorait s’il devait être optimiste quant à cette mission. Les Ark-Ni cultivaient soigneusement une distance certaine avec les grandes affaires de la Galaxie et leur méfiance pour les étrangers était considérable. La République avait d’ailleurs confié aux deux Jedis un projet aux ambitions des plus modestes : l’autorisation pour les vaisseaux non-militaires de la République de s’approvisionner aux stations ark-ni, en échange de matériel aéronautique. Il n’était pas question d’alliance, ni même de rapports plus réguliers que cet échange de bons procédés.

L’Emissaire les conduisit sur le pont, sans paraître résolu-e à leur donner son nom. Dans le petit vaisseau, ils croisèrent trois autres Ark-Ni. Karm n’en reconnut aucun. Pendant un instant, il eut peur d’être incapable de distinguer les siens, après avoir trop longtemps vécu loin de la Flotte. L’Emissaire s’installa aux commandes et le décollage ne tarda pas.

— Bientôt…, murmura l’Emissaire, avec un sens de l’ellipse propre à son peuple.
— On arrivera dans moins d’une heure, traduisit Karm à l’intention de son ami.

Le vaisseau commença à trembler, sans que ni l’Emissaire, ni Karm ne parussent s’en inquiéter. La mécanique ark-ni avait la réputation d’être faite de bric et de broc. L’appareil n’en parvint pas moins à rentrer en hyperespace.

— Il faudra excuser les nôtres, reprit l’Emissaire, en pivotant sur son siège après avoir enclenché le pilote automatique, ils ne sont pas habitués à…

La phrase laissée en suspens, Karm compléta :

— … recevoir des invités…

Il attendit la suite mais rien ne vint alors il poursuivit :

— Donc ils sont pas au point sur les règles diplomatiques et tout ça.

L’Emissaire inclina la tête pour indiquer que c’était bien ce qu’elle avait voulu dire.
Luke Kayan
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La négociation devrait être facile, revue à la baisse, elle n’impliquait aucun accord militaire. Aucun accord tout court. Un simple échange de bons procédés qui pourrait profiter aux Ark-Nis bien qu’aux vues de leurs spécificités, Luke n’était pas sûr qu’ils veuillent ou ne sachent le faire. À une époque, cet éloignement mental et physique était aussi recherché par les Jedis. À cette époque, il était admirable de savoir le conserver. Le jeune homme avait donc compris, en retirant ses écouteurs, que l’échange ne serait pas aussi simple. Son rang n’aurait aucune importance là-bas, ses paroles seraient prises en compte selon leur finesse, leur intelligence, à l’instar de cette hypothétique gamine de 6 ans, plus maligne que le vieillard s’inclinant devant sa sagesse comme lui l’avait expliqué Karm, son Ark-Ni à lui.

Dans les couloirs, le jeune Jedi reconnaissant suivait l’aura de son ami. Il avait jusque-là, salué l’émissaire en inclinant légèrement la tête et en lui rendant son « Tak Sam » d’un murmure. Il se rappelait du début de tout, lorsqu’il étudiait le peuple sur son datapad, piochant dans les maigres informations à leur sujet. Puis l’explosion, le naufrage, Karm Torr, leur union. Tandis qu’ils parcouraient les coursives, le Hapien sentit trois auras concentrées sur sa personne, probablement des locaux. Si son physique androgyne inspirait pour une fois la confiance, offrant aux hôtes du vaisseau, un reflet vaguement familier, ses yeux bicolores et sa crinière blonde rappelaient que cet homme était au minimum un métisse Ark-Ni. À l’instar de Karm, Luke abordait une silhouette plus athlétique que l’émissaire ou les autres bien qu’il semble plus élancé, fin. La fragilité qu’on lui prêtait ailleurs s’était gommée, rendant sa silhouette peut être menaçante pour ces êtres qui évoluaient dans l’espace sans effort. Contemplé tour à tour avec méfiance puis intérêt, le Jedi suivait docilement ses deux guides.

L’émissaire s’arrêta enfin pour prévenir de la difficulté des Ark-Nis à communiquer, Luke dû retenir un sourire. Si elle savait combien il y était accoutumé. Au lieu de cela, il répondit par un simple hochement de tête gracieux, acceptant les excuses – qui n’en n’étaient pas vraiment, certes de celle qui ne s’était pas présentée. Privé de vue depuis presque deux décennies, le Hapien avait noté quelques inflexions traîtresses de voix, une danse de pas évocatrices. Leur émissaire semblait être une femme, mais qu’importe vu l’importance que ces êtres singuliers donnaient au genre.
Luke essaya de tranquilliser son compagnon d’une onde de Force alors qu’il était lui-même nerveux. En plus d’évoluer dans une société totalement différente de la sienne—malgré des coutumes différentes, les sociétés fréquentées partageaient un noyau dur de codes communicatifs. De plus, les émissaires ou diplomates avaient normalement un bagage culturel plus cosmopolite tandis que ceux des Ark-Nis ne semblaient pas vouloir s’adapter. Luke avait l’impression de passer le fameux test des beaux-parents, et là, il ne s’agissait pas de satisfaire deux paires d’yeux fluorescents, sinon celles de toute la communauté. Décidé à suivre Karm dans ses conseils, le jeune homme ne s’était pas opposé à la main dans la sienne et il ne s’opposerait guère au reste, désirant autant réussir cette mission que satisfaire son aîné.

-Ne vous inquiétez pas, c’est déjà un honneur pour nous d’être reçus.

Le chevalier nota qu’il lui était moins difficile qu’au début de penser à murmurer. Il lui était en revanche plus compliqué de rester sobre. La diplomatie requérait des courbettes que les Ark-Nis – autant que Luke, détestaient. Il fallait influencer l’autre, le pousser à plier par le biais de nombreux mots riches, élégants, en mettre plein la vue, ne pas laisser le temps de réfléchir au potentiel signataire. Aujourd’hui, l’art de la parlotte pourrait signifier la perte de la République. Le Hapien s’était donc fait discret, une cascade de cheveux dorés retombait sur sa tête légèrement baissée, lueur qui marchait soigneusement à distance de celles bleutées des yeux Ark-Nis. Il lui semblait complètement fou de faire des efforts pour laisser ressortir sa vraie nature – discrétion, humilité, timidité et ne pas céder à des « vertus » pour lesquelles on l’avait programmé – assurance, charisme, élégance.

L’heure se passa silencieusement aux yeux de l’émissaire, mais Luke envoyait continuellement des messages silencieux à Karm. Il avait pris le « dessus » émotionnellement pour une fois, et c’était lui qui assurait que tout irait bien mentalement, sans l’ombre d’un doute. Les siens, il les gardait au fond de son cœur, souriant via la Force à celui qui l’avait finalement bel et bien envoyé retrouver son peuple. Le peuple des étoiles.

Luke qui avait toujours eu une fascination pour ces astres, et qui passait sa vie, gamin, à demander à son maître « les habitants de Coruscant voient-ils les étoiles ? » se demanda si ce n’était pas vraiment le destin qui avait organisé ce cruel naufrage sur Vonghaï, précédé par la mort des membres de l’équipage du vaisseau. Cela semblait un peu prétentieux, voir narcissique de penser que tous ces événements avaient eu lieu dans le but de les réunir, mais difficile de ne pas y songer. Dans ce monde de nuit perpétuelle percée de petite lueurs non moins immortelles, aux côtés d’un homme ayant navigué parmi elles. Sans ce naufrage, et toutes les missions suivantes, une chose était au moins claire dans l’esprit de Luke, jamais celle-ci n’aurait eu la chance de fonctionner. Il était si ignorant à l’époque, si inexpérimenté, gamin. Aujourd’hui malgré un apprentissage encore imparfait, le jeune homme pouvait au moins transmettre cet espoir à Karm. Oui, ils allaient réussir, à accomplir leur devoir et renouer avec son peuple dans de bons termes.
L’heure passée, le vaisseau s’amarra en douceur à un autre bien plus gros, celui diplomatique, préparé pour. Luke ne pouvait pas le voir, mais il avait été en réalité bien peu modifié. Destiné à recevoir des ambassadeurs ou non, il était plus fonctionnel que confortable, débarrassé de décorations inutiles.  Courbes savamment dessinées, lignes fines et horizons fuyantes. Un vaisseau rapide, destiné à tailler l’espace dans le vif. Pratique. Cela convenait parfaitement aux Hapiens, tout comme les sièges sans rembourrage dans lesquels ont les fit attendre, un café –quand même ! à la main.

Luke se tourna vers son ami, lorsque des présences s’annoncèrent. Sa bouche se referma et il se leva pour s’incliner devant les représentants ou intermédiaires. Impossible de savoir quand les négociations commenceraient réellement, vu que faire attendre leurs invités ne dérangeait pas les Ark-Nis, mais le blond était patient, c’était même une de ses principales vertus, toujours encouragée, jamais dénaturée, elle.
Karm Torr
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Luke avait probablement était le seul à percevoir la nervosité qui montait en Karm. Fidèle à ses origines comme à l’enseignement de l’Ordre, le jeune Chevalier avait conservé un visage impassible, alors qu’ils traversaient l’hyperespace et que le monde des Ark-Ni se rapprochait d’eux. Il se contentait d’observer les stries lumineuses de l’autre côté des hublots, et de se fondre dans la présence de Luke, à travers la Force.

Finalement, ils abordèrent l’un des grands vaisseaux de la Flotte. Karm en reconnut la silhouette. Il l’avait vu bien des fois, lors des réunions, quand plusieurs familles se retrouvaient, pour discuter des affaires ou mener une opération en commun. Les portes de l’une des baies s’ouvrirent, comme pour avaler la navette, qui s’y faufila sans difficulté.

A l’intérieur, on pouvait remarquer que l’appareil avait été soumis bien souvent à l’ingéniosité de ses propriétaires. Nombreux étaient les circuits, les modules, les conduits à avoir été remplacés. Si le vaisseau avait conservé, de loin, un aspect ordinaire, ses entrailles révélaient un enchevêtrement de bricolages tous plus exotiques les uns que les autres. Certaines des pièces que l’on avait utilisées là n’avaient même pas été conçues pour l’aérospatial. Pourtant, tout fonctionnait.

La rampe de la navette baissée, Karm et Luke purent rejoindre le hangar, où les attendaient des visages tous familiers. Les différences avec celui de Karm étaient parfois très subtiles mais, chez d’autres, une coiffure singulière ou des grains de beauté permettaient de reconnaître qui était qui. Il était en revanche singulièrement difficile de deviner, au corps ou à la voix, lesquels de ces Ark-Ni étaient des hommes et lesquels étaient des femmes.

— Oni, murmura quelqu’un.
— Mama…, risqua Karm, soudain très timide ?

Une femme se détacha de la foule et ses bras se refermèrent sur le jeune Ark-Ni. Ils échangèrent quelques mots dans leur langue, à voix basse, et Karm dut retenir des larmes d’émotion, puis sa mère desserra son étreinte et ce fut l’heure des présentations. Elles ne facilitèrent guère le travail de Luke : cinq ou six personnes lui furent présentées sous le simple nom de Torr, et les autres, sous celui de Vaï.

Quand on les invita enfin à quitter le hangar pour rejoindre l’une des salles des ponts supérieurs, Karm demanda à l’Emissaire :

— Seulement deux familles ?

L’Emissaire inclina la tête sur le côté.

— Problème ?
— Ta famille est ta famille. Et les Vaï sont des marchands. On a pensé que c’était…

Karm hocha la tête et termina à l’intention de Luke :

— … les mieux placés, pour parler.

C’était assez dire que les dissensions frappaient rarement la Flotte, puisque toutes les autres familles étaient apparemment prêtes à confier une affaire aussi déterminantes dans les mains de seulement deux d’entre elles.

Dans les coursives du vaisseau, chacun vaquait à ses occupations. La présence de Luke attirait cependant un certain nombre de regards méfiants et, quoique le Jedi ne fût pas capable de les croiser, il devait sans doute sentir, à travers la Force, que tous les Ark-Ni n’accueillaient pas les étrangers avec une égale bienveillance. Karm, lui, faisait l’objet d’une curiosité dénuée de toute hostilité, comme si son escapade dans la vaste galaxie n’avait rien changé à son appartenance à la communauté qui vivait et travaillait là.

Les portes d’un vaste salon communautaire se refermèrent bientôt sur eux, coupant court à la curiosité des membres de l’équipage. On était loin ici des salles de réception diplomatique des grandes ambassades que l’on trouvait dans les capitales des mondes de la Républike. Des sièges, des canapés, des poufs, pour la plupart fabriqués avec les moyens du bord et rembourrés de vêtements qu’on n’avait plus pu rapiécés, de toiles spatiales usagées, qui trouvaient une seconde vie en offrant un peu de confort, occupaient tout l’espace, dans une disposition apparemment anarchique.

Karm guida Luke vers un fauteuil manifestement pris au cockpit d’un chasseur impérial, avant d’être modifié, et il s’assit lui-même sur un pouf, fabriqué à partir d’un parachute d’éjection, cousu sur lui-même et rembourré d’autres parachutes.

— Tu viens d’où, Kayan ?

La question était sortie de nulle part, et sans préambule. La formulation avait été brusque, mais la voix douce, et l’on devinait que l’intention n’avait pas été d’agresser.

— Tu connais Abd depuis longtemps ?
— Qu’est-ce que tu fais de tes journées, quand t’es pas ici ?

Et les questions commencèrent à fuser dans tous les sens, toutes adressées à Luke, et toutes destinées à cerner un peu mieux cet étranger qui se présentait là, pour parler avec eux.
Luke Kayan
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Abd? Oni, tout ces noms pour désigner le porteur d'un troisième: Karm? Et même d'un quatrième: Tam. Luke aurait probablement eu tendance à perdre son sang-froid s'il n'avait pas été entraîné pour de telles situations et surtout prévenu par Karm. Lorsqu'il doutait ou s'embrouillait, le blond choisissait de sagement se taire, davantage attentif pour essayer de saisir comment cette société fonctionnait. Nul besoin d'être psychologue ou sociologue pour remarquer la méfiance qui perlait, à l'instar de gouttes de sueur sur le dos d'un homme menacé d'un fusil. Cependant, il y avait également de la curiosité, ce même sentiment naturel dont s'était servi Saï pour sortir son ancien Padawan de son mutisme. Le jeune homme s'appliqua à nourrir cette puissante alliée en répondant patiemment à ses hôtes. Bien que ses propos soient clairs, il imaginait facilement que d'autres interrogations découleraient de ses explications. C'était un premier lien, déjà, en plus de montrer sa bonne volonté pour coopérer.

- Je viens d'une planète appelée Hapès, mais je vis sur une autre, nommée Ondéron. Sillonnée par des zones de végétation dense, des sources d'eau qui chantent et à proximité d'une jungle touffue de laquelle s'échappent des cris d'animaux, des oiseaux, des canidés, des félidés. - Sous l'inflexion d'un jeune Ark-Ni, il raconta brièvement mais non sans une certaine poésie, à quoi ressemblaient les êtres à plume, ou les prédateurs d'Ondéron, voir le Temple, sa "maison" enracinée au sol. De sa poche, le Jedi sortit aussi une plume, quelques brins de poils et deux ou trois feuilles qu'il avait pris la liberté d'emmener pour les tendre au plus curieux de.-

- Je le connais depuis plusieurs mois déjà, et nous travaillons ensemble. - Confia-t-il.- c'est aussi un très grand ami, et je suis heureux de connaître sa communauté. Lorsque nous ne sommes pas ici, nous explorons des planètes ou négocions, comme aujourd'hui, avec des gens, afin de créer des liens entre diverses sociétés, nous défendons aussi les plus fragiles, parfois en combattant.

Le jeune homme résuma leurs missions, soulignant le fait qu'ils voyageaient beaucoup dans l'espace, même s'il reconnaissait volontiers ne rien savoir des vaisseaux. Hésitant à le faire lui-même, le Jedi envoya une légère onde à son compagnon, il ne voulait pas commettre l'irréparable en contant leur naufrage sur Vonghaï, lequel avait entraîné l'explosion complète d'un vaisseau et l'anéantissement de son équipage. De même, il avait évité de trop appuyer sur l'aspect guerrier de leur "travail" pour ne pas avoir l'air d'une menace, y compris indirecte. Les Ark-Nis ne voulaient pas se mêler des soucis des autres, il serait donc de mauvaise augure de se présenter tel le sombre présage qui ramène derrière lui, ses problèmes et ceux de nombreux inconnus.

Involontairement, ses yeux étaient restés pratiquement tout le temps scotchés sur l'endroit où le mot "mama" avait été prononcé. Fouillant le vide tandis que sa voix agréable et chuchotante répondait aux questions, le regard bicolore du Jedi avait sondé les orbes turquoises de celle qui avait tiré à Karm, une émotion vive, au point qu'il ne puisse s'empêcher de l'exprimer. Cherchait-il son approbation? Probablement celle-ci plus que celles des autres, notamment parce qu'il fallait s'accrocher aux connaissances de Karm, afin de convaincre, donc sa famille. La raison de cette stratégie était donc professionnelle, à moins que ce ne soit qu'une excuse? Le jeune homme n'était pas jaloux mais souvent intrigué par les relations filiales, ayant lui-même connue une défaillante, voire toxique. Si son ami avait souffert à cause de son maître, Luke avait vécu l'enfer avec un membre de sa propre famille, le plus important sensément, sa mère donc.

- Nous souhaiterions vous proposer un accord.
- Après un long moment passé à répondre uniquement aux sollicitations de ses interlocuteurs, le Jedi avait enfin trouvé l'instant T pour introduire le sujet. Il avait attendu ce blanc qui indiquait que les curieux étaient suffisamment rassasiés pour passer au "café": ce pour quoi tous s'étaient réunis ici. Luke demeurait toutefois prudent, ses mots se déliaient doucement, se détachant avec calme de son palais et il mesurait chacune de ses ponctuations. Pour cette négociation aux apparences modestes, le jeune homme déployait toutes ses capacités diplomatiques. Il ne pouvait clairement pas échouer aujourd'hui.- Il s'agirait de laisser les vaisseaux non-militaires de la République s'approvisionner chez vous, en échange de quoi cette dernière vous offrirait du matériel aéronautique. Vous êtes déjà capable de grandes choses avec du matériel ancien, parfois jugé inadapté par les autres sociétés, moins habiles, imaginez ce que vous pourriez faire avec ces nouveautés.

Le jeune homme laissa planer un silence. Il n'avait flatté personne sinon émis un constat simple. D'ailleurs, ce dernier le faisait légèrement frémir lorsqu'il s'imaginait de possibles Ark-Nis obscurcis par un événement politique. Ce serait de redoutables pirates galactiques vu leurs capacités à manier et aménager les vaisseaux.

- Justement, nous n'avons pas besoin de ces "améliorations", tout fonctionne comme il faut avec ce que nous avons. La proposition est alléchante et juste, mais nous voulons garder notre neutralité, et non servir de cible à un ennemi de la République pour avoir collaboré.

- Rien ne serait signé. Il s'agit d'un accord verbal, en toute confiance. Si les choses commençaient à se tordre, politiquement parlant, il serait toujours temps de rediscuter des termes du contrat. De même que nous pourrions avoir une période d'essai, voir si cela vous convient?

Luke n'attaqua pas sur un sujet évident, afin de leur éviter cette inutile humiliation: le bric à brac de matériel collés et pourtant fonctionnel tenait du génie, cependant rien n'était éternel. Coupés de tout ou presque, les Ark-Nis n'étaient probablement pas riches, leurs ressources limitées, un jour, leur vaisseau pourrait tomber en panne sans que la résistance volée à la cafetière de la salle de repos ne puisse les sauver.

- Je répète que ces vaisseaux seraient ni militaires, ni touristiques. - Il cacha son agacement, dirigé envers la République qui se servait d'eux comme d'émissaires. Lui travaillait pour le Temple, m'enfin, si le Conseil les avaient envoyé ici, ce devait être une cause juste.- et que ce traité peut être rompu. Karm. Enfin Abd... m'a conté que vous n'avez qu'une parole, c'est pourquoi je vous propose de tourner cela à votre avantage. Pour que vous vous sentiez en sécurité, et parce que nous avons confiance en vos valeurs, nous sommes prêts pour une période d'essai sans aucun engagement. Dans un mois, vous pourriez rompre l'accord s'il ne vous convient pas ou que vous jugé être envahi, ou mêlé à des affaires étrangères.

Le jeune homme laissait une marge énorme aux Ark-Nis, mais il ne s'imaginait pas les gagner à sa cause en serrant les boulons, ni en laissant des zones d'ombres. Complètement transparent, par pur instinct, il laissait aussi filer cet état d'esprit au travers de la Force -- comme s'il y avait des sensibles parmi le peuple des étoiles outre Karm. Réceptif et clair dans ses explications, il abordait des traits de visage détendus, un regard confiant, quoi qu’évidemment légèrement éteint, et l'allure générale d'un modeste négociateur. Les enjeux n'étaient pas primordiaux en réalité pour la République. C'était un genre de bonus, mais Luke ne voulait absolument pas rater cette mission, autant qu'il désirait satisfaire les Ark-Nis car c'était dans sa nature de désirer satisfaire les deux parties. À défaut d'un bon diplomate et d'un négociateur connu pour n'avoir qu'une parole, c'est ce qui faisait de lui un si mauvais commercial.

Subitement Luke se demanda ce qu'ils feraient pendant que les Ark-Nis se réunissent, décident d'accepter ou non, ce qui pouvait prendre plusieurs jours. À moins que ceux-ci ne tentent directement le tout pour le tout? Karm et lui pourraient alors profiter du temps gagné pour enquêter sur le vaisseau bakurien saboté. L'idée de séjourner, dans tous les cas, sur le vaisseau des Ark-Nis ou à proximité lui insufflait une peur presque adolescente, futile et stupide. Il avait l'impression de s'imposer à la famille de son compagnon lors de fêtes annuelles. C'était ridicule. A(b)dorablement ridicule, sans doute.
Karm Torr
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— Est-ce que c’est bien différent, un vaisseau militaire, et un vaisseau pas militaire ?

La question avait été posé par un garçon qui ne devait pas avoir plus de neuf ans et, malgré son ingénuité, elle parut considérée avec beaucoup d’attention par les autres.

— Torr a raison, reprit quelqu’un. un vaisseau qui amène des vivres à un avant-poste, est-ce que c’est un vaisseau militaire ou un vaisseau non-militaire ?
— Les vaisseaux militaires appartiennent à l’armée, et les autres, non.
— Et les sociétés militaires privées ?
— Les vaisseaux militaires répondent aux ordres de l’armée, réessaya Karm, et les autres, non.

Silence pensif.

C’était la méthode ark-ni : une discussion collective, qui tendait à préciser les termes, pour bien comprendre la situation et susciter un consensus. Il fallait que chacun ait eu l’impression d’avoir dit tout ce qu’il avait à dire et d’avoir compris tout ce qu’il y avait à comprendre. Ces habitudes avaient été forgées au fil des générations et elles étaient les garantes de la stabilité politique, ainsi que du bon fonctionnement des équipages.

Mais c’était aussi une discussion socratique qui poussait ceux qui n’y étaient pas habitués dans leur retranchement, en les forçant à interroger ce qui pouvait leur paraître relever de l’évidence, comme la différence entre le militaire et le civil.

— Pourquoi on attaquerait pas une infirmerie, reprit le garçon, qui devait donc être apparenté à Karm, d’une manière ou d’une autre, ? Parfois, ça arrive, non ?
— C’est vrai, fut bien obligé de reconnaître le Jedi. Mais la guerre, c’est très loin d’ici.
— Quand on extrait du minerai pour une planète, dans les astéroïdes, intervint l’Emissaire, on fournit des matériaux qui peuvent servir à la guerre, ou attirer la convoitise des pirates. Ces accords-là, ils ne sont pas différents.

De ceux que la République proposait.

— Voilà, renchérit Karm, au bout du compte, c’t’une sorte d’accord commercial, quoi.

Une conversation s’engagea en ark-ni entre un petit groupe. Parfois, des gens sortaient de la salle de discussion sans faire aucune excuse, ou d’autres arrivaient. Tout se passait à peu près à l’opposé des pratiques protocolaires ordinaires lors des missions diplomatiques. Karm se releva pour se pencher vers Luke et murmura :

— Si jamais tu t’demandes, j’crois que ça se déroule plutôt pas mal.

C’était difficile à déterminer, parce que les Ark-Ni semblaient toujours perpétuellement méfiants, de sorte que l’on croyait n’avoir jamais rien acquis, mais ils étaient aussi toujours perpétuellement calmes et attentifs, de sorte qu’on était certain de ne rien avoir perdu. Karm tenta de communiquer à Luke sa confiance à travers la Force.

— Et si un vaisseau impérial voulait utiliser une de nos stations, à un moment ?

Un cas pour le moins théorique, dans la mesure où la Flotte opérait l’immense majorité du temps dans les secteurs de la Bordure Extérieure les plus éloignés de l’Empire.

— Ce serait un contrat d’exclusivité, à cet égard.
— D’un autre côté, qui ici accepterait de vendre quoi que ce soit à l’Empire, lança une voix peut-être plus âgée que les autres. ?

Il y eut un murmure d’approbation. Si les Ark-Ni avaient de sérieuses réserves à l’égard de la République et de son fonctionnement, l’Empire était encore plus éloigné de leurs idéaux. Karm, qui sentit que les premiers arguments fondamentaux avaient été exposés, et que leurs interlocuteurs avaient besoin d’en méditer les tenants et les aboutissants, déclara simplement :

— On va manger.
— Tu connais le vaisseau, répondit l’Emissaire.

En d’autres termes, iel ne les accompagnerait pas, ce qui était en réalité une marque de confiance. Karm hocha la tête, avant de poser la main sur l’épaule de Luke, pour lui faire comprendre qu’ils partaient. Il croisa le regard de sa mère et sa mère lui sourit. L’Ark-Ni se sentit un peu plus nerveux encore. Finalement, il entraîna son ami à l’extérieur de la salle, pour emprunter les coursives, en direction du mess.

— Faut un moment pour qu’ils digèrent tout ça et qu’ils y reviennent avec des observations plus pragmatiques, mais manifestement, c’est pas une proposition qui rebute tout le monde. Tu vas voir, les discussions ça s’passe souvent comme ça. On donne quelques infos, les gens y réfléchissent, on recommence, et en trois ou quatre sessions, la décision collective est prise.

En somme, le processus n’était pas nécessairement plus lent que dans une organisation plus hiérarchisée.

— Et puis, c’est pas très politiquement correct, et j’veux pas te blesser ni rien, mais faut avouer que le fait que tu sois aveugle, ça joue pas mal en notre faveur. C’est très respecté par les Ark-Ni, ça te donne une sorte d’autorité morale directe. De la superstition, bien sûr, mais on va pas se plaindre.

Un détour plus tard et ils débouchaient dans le mess, occupé par une poignée d’autres personnes. Luke s’attira inévitablement quelques regards curieux.

— Tu te sens comment ? Pas trop stressé ?
Luke Kayan
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Luke était fasciné par la manière dont réfléchissaient puis discutaient les Ark-Nis, en famille et non entre élus. Quelque part c'était un peu risqué de donner la parole à tous ceux qui le souhaitaient, y compris des esprits manquant de formation ou justement, trop malins, désirant semer le chaos, mais la théorie en soi lui plaisait. Il offrit un sourire à son ami, soulagé que ce dernier lui offre un indice positif quant à la suite des événements. Le processus n'était pas si long que ça, mais pour une personne non-habituée il y avait de quoi perdre patience. Saisir des noms et des informations au vol, sans en saisir le fil rendait l'attente davantage pénible. Heureusement, Luke avait été soigneusement formé par Saï, si bien que son maintien, son visage, jusqu`à sa respiration s'étaient figés. Ses traits se détendirent toutefois lorsque Karm évoqua une alliée inattendue: sa cécité. Le Hapien dût retenir un éclat de rire. S'il était relativement fermé au sujet de toute farce voir simple évocation concernant son orientation sexuelle, il s'amusait beaucoup des bévues provoquées par son handicap. Les gens se sentaient naturellement mal à l'aise et avaient pour habitude de compatir. Luke prenait un malin plaisir à écouter les plus mielleux, les hypocrites se rabaisser à des gérémiades ou des caresses peinées. Aujourd'hui, l'angle d'attaque était plus original.

-Du moment qu'ils ne considèrent pas cela comme une malédiction céleste suite aux erreurs commises dans ma vie précédente... Ça ne me dérange pas; je dirais même plus profitons-en. - Sans aller jusqu'à en surjouer, le Jedi se disait qu'il pourrait se servir de cet avantage inattendu. Alors qu'il cherchait encore comment, plusieurs personnes révélèrent leur curiosité au sein de la Force sur son passage. Luke les salua poliment. Ce geste dût les surprendre, étant donné que s'il n'avait pas les prunelles délavées, ni les paupières fixes était clairement non-voyant. Sa manière un peu trop droite de se tenir, de ne pas réagir aux reflets lumineux ou mouvements et de saluer dans le vide ne trompaient pas. Mais il trichait, juste un peu.- Les Ark-Nis connaissent-ils la Force?

Interrogea le jeune homme lui aussi très curieux à l'égard du peuple du Gardien. Ce faisant, ils avaient atteint la fameuse salle à manger, tout ce qu'il y avait de plus pratique et modeste. Un point de convergence où les mécaniciens ne s'attardaient certainement pas, et comme tous semblaient l'être au sein de ces familles. Cela dit, Luke aurait pu leur reconnaître un certain goût, pourvu d'yeux fonctionnels. L'endroit était ordonné, propre, destiné a limiter tout accident de jambes ou de pieds. Dans cet atmosphère où l'odeur du cambouis était atténuée, le Hapien se détendit légèrement. Il aurait voulu répondre à la question de Karm courageusement, néanmoins sa volonté de ne jamais mentir à ce dernier le résigna à énoncer la stricte vérité. Face aux Ark-Nis, il avait affiché une mine courtoise accompagnés de gestes mesurés, tout ce qui pouvait donner une sensation de sûreté et de sagesse -- renforcée sans qu'il ne le sache à ce moment par son handicap. Le visage toujours serein, la voix basse, il accéda toutefois à laisser son compagnon lire en lui.

- Je le suis. Dans un environnement complètement inconnu, au milieu de l'espace où je n'ai pour seul repère que le plancher de ce vaisseau, au sein d'une société ayant pour seul réel point commun avec celles planétaires la capacité à parler Basic, je le suis naturellement. Et puis, c'est stupide, mais c'est ta famille et j'aimerais autant partir sans causer le courroux, le soulèvement de tout le clan, ou une explosion.

Il rit malgré lui, conscient que de nombreux endroits par lesquels il était passé avaient fini en un bazar monumental. Le laboratoire d'Hapès explosant dans leurs dos alors que Velvet, Orme et lui en réchappaient, exactement comme des les holofilms d'aventures n'en était qu'un exemple. Et si l'on s'attardait sur Belsavis -- une mission facile, un échange de procédés médicaux, une mise à niveau des connaissances. Non, mieux valait ne pas songer à Belsavis et ce que ce rendez-vous chez les Soeurs de l'infinie Consolation avait entraîné.

Luke réhydrata une salade maintenue dans un sachet hermétique sous forme de poudre, après qu'un droïd lui l'ait donné. Un robot plutôt basique si l'on considérait les avancées formidables de cette société avait noté le blond. Tandis que celui-ci demandait à Karm ce qu'il voulait, le jeune homme plongea sa fourchette dans son met, étrangement pas mauvais pour de la nourriture "d'astronaute". Mais ce fait était plus logique, étant donné que les Ark-Nis vivaient ici. Ou peut-être qu'ils se contentaient de rations alimentaires mais avait souhaité recevoir leurs invités en grande pompe? Dans ce cas, cette salade valait davantage que les petits canapés sophistiqués des soirées-galas sur Coruscant. Histoire de ne pas sembler discourtois ou d'inquiéter son ami, le blond fit mine de manger avec appétit malgré le stress qui occupait effectivement une bonne partie de son estomac.

- Mais je me sens aussi curieux, et je voudrais savoir si chercher à "visiter" le vaisseau, observer les habitants ou discuter avec risquerait ou non de saboter les négociations. J'aimerais en apprendre davantage sur les Ark-Nis, pas au point de paraître grossier cela dit.

Aux vues des particularités de la famille de Karm, Luke préférait demander avant de faire quoique ce soit. Il ignorait si ceux-ci considéreraient un intérêt pour leur culture comme une marque de respect, une menace ou carrément une insulte, style, animaux de foire. Le blond s'était mis à réfléchir à ces trois options et ce qui influençait un individu pour choisir telle ou telle interprétation lorsqu'un bruit se fit entendre. Luke supposa à la voix "Je ne traîne pas, je mange juste quelque chose" que c'était le jeune curieux à qui il avait confié la plume et les feuilles. Ce dernier avait-il réellement faim ou cherchait-il un prétexte pour rejoindre l'étranger et l'aventurier?

- Moi aussi je veux partir Torr. J'aimerais visiter des mondes, comme vous, et défendre la justice.

Gagné. Luke sonda le garçon, s'apercevant sans difficulté et assez rapidement que ce dernier n'était pas sensible à la Force. Un brin de peine s'installa dans le fond de son estomac -- dérobant de façon partielle le peu de place qui y restait pour la nourriture, mais il se reprit rapidement.

- Je pense que tu devrais en parler avec ta famille. Leur expliquer tes objectifs, démontrer ta motivation. Il faut toujours prôner la sincérité et la vérité.

- Ils sont si fermés, j'ai peur d'un refus immédiat, d'un enfermement dans mes quartiers.

En tout cas, le garçon n'avait pas suffisamment peur de Karm ou de lui pour se confier directement. Peut-être étaient-ce les broutilles offertes par le blond qui lui avaient donné l'élan nécessaire? En tout cas, l'Ark-Ni se dirigea vers sa -presque- copie conforme, plus intéressé par l'expérience de ce dernier, ancien "prisonnier" du vaisseau qui avait su s'en défaire.

- Comment as-tu fait? Hein?

Demanda l'aventurier en herbe, ses yeux turquoises scintillant plus que de coutume. Luke pendant ce temps se rappelait que chez ce peuple, les enfants sages pouvaient être considérés à part entière par les adultes. S'ils gagnaient l'amitié de ce garçon, peut-être faciliteraient-ils encore leurs négociations. Le Chevalier chassa néanmoins ses idées un brin calculatrices. Il était obnubilé par la réussite de cette mission somme toute simple et avait troqué sa spontanéité habituelle pour un professionnalisme froid, ce à quoi il se refusait. C'est donc en considérant l'enfant -- ou l'adolescent comme un de ces sujets si nombreux à aider qui avaient croisé leur route. Aussi attentif que prudent, il prêta l'oreille aux réponses de Karm. Les particularités de ce peuple le forçaient à faire davantage attention encore à chacun de ses mots, ce qui ne l'empêcha pas de se risquer à un sourire pour le curieux qui avait déjà sa sympathie.
Karm Torr
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— Ben ça dépend ce que tu appelles « croire à la Force », j’suppose.

Luke était encore suffisamment téméraire pour poser des questions d’ordre religieux à Karm dont c’était, après tout, l’un des sujets favoris.

— Ils croient en quelque chose qui transcende la réalité mais… Pas forcément à la Force telle qu’on la conçoit nous, t’sais ? A des parties de la Force. En gros, pour eux, la vie est un voyage perpétuel, dont le départ et l’arrivée sont perdus au-delà des limites de notre conscience, et il faut avoir la foi pour espérer arriver au bout. Après, bon, j’avoue que je suis parti beaucoup trop jeune pour vraiment saisir les subtilités, puis y a pas tellement de clergé ni rien, c’est plutôt, genre, des croyances populaires, alors ça s’acquiert surtout par immersion.

C’était en retrouvant ce vaisseau de son enfance que Karm se rendait compte de combien il avait changé. Il n’était plus un Ark-Ni. Plus vraiment. Même son corps portait les traces de sa différence, jusque dans ses muscles et dans ses os. Dans les coursives du bâtiment interstellaire, il se sentait à la fois comme l’un des leurs et comme un étranger. Quand il songeait à la vie qui aurait pu être la sienne, cantonné aux coursives des vaisseaux, il en éprouvait comme un malaise de claustrophobe.

Assis à table, il passa commande au droïde et laissa échapper un rire attendri quand Luke partagea ses angoisses démesurées.

— Tu vas avoir du mal à pas provoquer d’explosion, souffla-t-il sur le ton de la confidence, parce que t’es quand même une sacrée bombe…

Un compliment direct comme il en avait le secret, et qu’il utilisait parfois pour tromper les inquiétudes ou la réserve de Luke, en l’embarrassant un peu. Mais c’était aussi que plus il regardait les Ark-Ni tout autour d’eux, qui se ressemblaient tant, plus il trouvait Luke séduisant. La différence était à n’en pas douter une qualité précieuse.

— ‘Fin bref, c’est ma famille oui et non, quand même. J’ai connu l’Ordre infiniment plus longtemps que je ne les ai connus eux. Tu devrais être plus stressé à la perspective de rencontrer mes amis.

Les « amis de Karm » étaient une communauté aux frontières pour le moins nébuleuses, que le jeune homme évoquait parfois, mais qu’il était en général impossible à bien cerner. Ces amis étaient éparpillés aux quatre coins de la Galaxie, rencontrés au hasard des missions : des membres de l’Armée Républicaine, des scientifiques, des contrebandiers, des paysans. Il y en avait d’autres, au Temple, depuis quelques années, d’autres Gardiens ou des membres de l’ExploCorps. C’était bien eux que Karm considérait comme ses proches.

— Après, j’avoue, ça me stresse aussi. J’ai pas dit trois mots à ma mère. J’me demande si je suis censé avoir une grande conversation avec elle ou faire comme si de rien n’était. En tout cas, devrait pas y avoir trop de problèmes à visiter le vaisseau, si t’es avec moi. Tout seul, je crois que ça passerait moins bien, par contre.

Mais ces considérations furent interrompues par l’irruption d’un jeune curieux dans leur conversation. Et à leur table. Karm le considéra un instant, sans se livrer aux mêmes calculs que Luke. L’idée que le jeune garçon pût leur servir de levier dans leurs négociations avec le reste de la communauté ne lui traversa même pas l’esprit. Il était loin d’être un parfait Consulaire.

— Ben moi, c’est quelqu’un qui m’a emmené. Une Maître Jedi.
— Cool !
— Disons que y a eu du bon et du mauvais, quoi.

Du très bon et du très mauvais, pour être précis.

— Il paraît que tu sais te battre et tout.

Karm haussa évasivement les épaules.

— T’sais, y a plein de gens qui quittent la Flotte, hein.

L’adolescent esquissa une moue dubitative.

— OK, p’têtre pas plein de gens, mais ça arrive quand même régulièrement. Pour toujours ou pour quelques années. Déjà, tu pourrais devenir marchand. Les marchands, ils font toujours des voyages hors des vaisseaux.
— Hmoui, concéda le jeune.

Ce n’était pas exactement le genre d’aventures romanesques qu’il avait en tête.

— Mais sinon, ouais, tu peux partir tout à fait. Suffit juste de dire que tu as décidé. T’as quel âge ?
— Treize ans.
— Bon ben t’es majeur du coup.
— Oui mais ça, c’est en théorie. En vrai, ils vont me mettre la pression et tout.
— Ouais, sans doute. Mais si t’es pas capable de résister à la pression de tes parents, est-ce que t’es bien certain de pouvoir résister à celle du monde ?
— Hmm…
— T’sais, si t’as l’impression d’être coincé, c’est d’abord parce que tu es coincé à l’intérieur de toi-même. C’est pas une mauvaise chose. C’est même normal. Tout le monde a besoin de temps pour se développer. Attends encore un peu, mûris tes projets, et quand tu seras prêt, tu t’en vas, et ta famille, elle se fera une raison.
— Oui mais toi, quand tu es parti, tu étais beaucoup plus jeune.
— Chacun est différent.

Voilà des réponses qui disposaient à de sobres réflexions. L’adolescent resta un moment silencieux, avant de reprendre :

— Kayan, comment il est, Karm ? Il est resté un Ark-Ni dans sa tête ou bien… ? Il a vraiment des pouvoirs magiques et tout, maintenant ?
Luke Kayan
Luke Kayan
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- Hum. Je comprends. J'aime leur façon de penser, optimiste.

- Il sourit, imaginant de son mieux comment un Ark-Ni se situait dans cet entre la vie et la mort, ses rêves, ses espoirs. Priaient-ils cette "Force" à laquelle ils croyaient? Pour sa part le Jedi pensait toujours que croire en la Force ne relevait pas de la religion, mais il avait saisi la nuance exposée par son ami, et au lieu d'entrer dans le débat, avait choisi de profiter de la définition, d'essayer de se mettre à la place de ces gens courant la Galaxie par monts et par vaux. Cette vie ne lui aurait probablement pas plu personnellement, puisqu'aveugle ou non, Luke aimait, à son rythme, voyager, découvrir des mondes, des cultures différentes. Plus que l'esprit encore, cela forgeait la tolérance, l'humilité, qualités essentielles d'un Jedi qu'il avait toujours craint de perdre. Au fond, tout le monde avait besoin de croire en quelque chose. Les Ark-Nis en quelque chose ou quelqu'un qui transcendait la réalité, lui aux principes de l'Ordre.

- Karm!

Répliqua le complimenté, dont le rouge aux joues était savamment relevé par des mèches de cheveux frisées qui balayaient son visage. Comme toujours, lorsque Karm détournaient ses propos innocents en des jeux de mots douteux, le Jedi se sentait aussi intimidé et indigné que ravi. Bien malgré lui, un de ses doigt s'était saisit d'une mèche pour l'entortiller autour. C'était aussi bien un signe de gêne chez lui que de séduction -- un des rares employés.

Sa minauderie ne dura qu'une seconde fugace cependant, car il y avait le garçon curieux qui continuait de fixer Karm, aussi bien via le regard que la Force. Le Hapien sentait l'impatience, l'avidité, l'intensité commune à tous les adolescents, peu importe leur culture. Cette "race" à part était fascinante, dotée semblait-il d'un langage inter-galactique se passant de mots ou de croyances. Ils étaient des adolescents, braves, imprudents, forts et fragiles, expérimentés et nouveaux-nés à la fois. L'adolescence ou l'ode aux oxymores, voilà un titre alléchant de livre d'études du domaine que Luke aurait bien écrit s'il s'y connaissait, seulement, cette étape avait été particulièrement réduite chez lui qui ne s'exprimait presque pas, docile et trop bien dressé. À part un pic de légères bouderies à l'idée de devenir un Consulaire ennuyeux, condamné à travailler dans l'ombre, pied de gru aux galas, il n'avait posé aucun réel problème à Saï, renonçant à un premier éveil de tendresse auprès d'un garçon de deux ans son aîné pour lui. Le jeune homme ignorait donc cette impétuosité, l'envie brutale de changer qui l'aurait définitivement dérouté à cette époque où il ne rêvait que de stabilité et de normalité.

Le moment le plus mouvementé avait été la découverte de son homosexualité, mal assumé à 14 ans, d'autant plus qu'elle avait fait fuir - littéralement- sa meilleure amie Elora alors amoureuse de lui. Tout ce que pouvait conclure Luke suite à ces nuits éhontées de larmes silencieuses dans un oreiller trempé était qu'il préférait l'âge adulte. Ses 25 ans lui convenaient parfaitement, et d'ailleurs, il ne craignait pas de vieillir, pensant surtout à ce que l'expérience pourrait lui apporter, par extrapolation à l'Ordre qu'il désirait continuait de servir.

En ce qui concernait Dax l'Ark-Ni rêvant d'ailleurs, il semblait avoir décidé de sauter l'adolescence, chose que sa communauté semblait normaliser. Majeur à 13 ans? Luke avait dû retenir sa tête d'effectuer un brusque virage pour se planter face à celles de ses interlocuteurs qui discutaient tranquillement de départs. Le Jedi voulait bien prendre en compte le fait que la société dans laquelle il avait évolué était très différente, mais sincèrement, la façon de s'exprimer de ce gosse, ses idées peu approfondies révélaient une adolescence typique. Il n'y avait aucune maturité réellement apparente chez ce rêveur dont Karm modérait en douceur les désirs. Son ami se débrouillait de mieux en mieux en ce qui concernait la pédagogie ou tout simplement, l'expression. Malgré un langage parfois haché, des mots dévorés au passage, son charisme se développait convenablement. En tant que professeur officieux, Luke y veillait soigneusement y compris quand il n'en avait pas l'air. C'était une des raisons pour laquelle il avait entamé le sujet de la Force et de la religion. D'une part, les propos de l'Ark-Ni l'intéressait toujours dans le domaine, si étendus soient-ils, de l'autre, il savait que c'était un thème apprécié par son ami. Il l'évoquait naturellement avec plus de facilité, développait avec patience des arguments crédibles, ce qui satisfaisait à la fois la curiosité et la fierté de l'enseignant sans diplôme.


- Un mélange des deux.
- Répondit Luke après avoir réfléchi un instant.- Mais il a sans nul doute conservé des traces de son passé. Sa façon de parler, de considérer la différence des genres - continua-t-il sans être vraiment sûr que le gosse, à coup sûr androgyne comprendrait.- En tout cas, il a toujours son humour Ark-Ni.- Le jeune homme rit à cette évocation. Au début il avait eu du mal à se faire à ces blagues sorties de nulle part au pire moment, froidement crachées du bout des lèvres, par la suite, il lui fallait reconnaître que s'en passer serait difficile. Adepte de l'autodérision et parfois contaminé par cet humour flegmatique, le Hapien, à un degré moindre, possédait aussi cette capacité de lancer une phrase dans le vide, pleine de sens sous une apparence complètement décalée.- Quant aux "pouvoirs magiques", je ne dirais pas tout à fait ça comme ça mais, pour simplifier on pourrait accepter le terme au sens large. Nos capacités sont accrues grâce à la Force, un courant "magique" donc, invisible et indétectable pour la majorité de la population qui circulent tout autour de nous, sauf dans de très rares lieux. Avec prudence, nous pourrions considérer cela comme la sève de la vie, elle coule aussi en toi, dans le corps de chaque être vivant, chaque espèce, intelligente ou non. Pour une raison inconnue, certains seulement sont aptes à la sentir. Cela n'en fait pas des êtres meilleurs ou devant qui il faut se courber, ce sont juste, des gens différents. En fait, ce qui est le plus important, au-delà même du côté Ark-Ni de Karm ou de son intégration dans une société différente, c'est qu'il est juste et humble qui cherche toujours à s'améliorer, à apprendre des erreurs, à secourir les autres, pas nécessairement au combat. Parfois un sourire vaut plus qu'une épopée, un bonjour au marginal remplira son coeur à défaut de l'estomac. Pour faire de grandes choses, nul besoin de parcourir des milliers de kilomètres ou de brandir une arme, pareil pour les découvertes. Tu peux commencer par voir une première planète en toi. Quand tu auras réfléchi, répondu aux questions que t'as posé Karm, avec précisions ainsi qu'aux autres qui te rongent, tes parents te laisseront probablement partir, sans pression. L'âge ne fait pas l'adulte, c'est la sagesse, et elle s'obtient à force d'observation, d'introspection et... Oui, de curiosité, mais ça tu l'as déjà.

Déclara joyeusement le Chevalier en laissant Dax méditer sur ses propos, certes un peu mystiques. Qu'y pouvait-il, c'était un Jedi, un Consulaire qui plus est et... Effectivement, un de ces aveugles parfois rabat-joie, dotés toutefois d'une autorité naturelle et de cette capacité à comprendre ce qui était vraiment essentiel, le cœur plutôt que les couleurs. On craignait ses discours autant qu'on les désirait, à la manière d'un vieillard aux yeux affaiblis ou déjà éteints. Profitant que Dax soit allé chercher quelque chose -sans doute un en-cas pour faire bonne figure en retournant à ses occupations, justifier son absence.- Luke reprit sa conversation avec son ami.

- Je ne sais pas pour ta mère. Je ne suis pas le plus indiqué pour les relations filiales comme tu t'en doutes, mais je pense que tu devrais attendre de la croiser et agir selon tes besoins. Si les mots doivent sortir, laisse-les faire sans résistance, si c'est le silence qui te conviens, à elle aussi, probablement. Je pense que ce type de liens forts ne se détruit pas malgré les années, et se passe de la Force. Un regard -et dans ce domaine non plus je ne m'y connais pas.- suffira, un geste, les traits de ton visage. Elle comprendra, quelque soit le dénouement de ce séjour.

Expliqua doucement le Hapien, incapable de donner une réponse précise à son ami, parce que c'était justement lui qui devait la trouver. Ou les trouver car le sujet prêtait aux réponses instables et divergentes, selon le moment disait de nombreux livres de psychologies. Ce que Luke avait expliqué à Karm ressemblait à sa relation avec son maître, c'était sa plus proche comparaison avec la situation de ce dernier, son état psychologique ne lui permettant pas de développer de vrais liens avec son père et sa belle-mère plus jeune.

- Nous pourrions éventuellement demander à ce téméraire aventurier de nous guider dans le vaisseau. Voilà un début d'aventures intéressant. - Suggéra soudain le Hapien, suffisamment fort pour que Dax puisse l'entendre. Ce serait un bon prétexte pour l'adolescent de rester avec eux sans avoir l'air suspect, et pour Luke de visiter, bien qu'il aurait effectivement préféré le faire seul à seul avec Karm. Leur travail n'était-il pas, après tout, d'aider autrui, ce qui supposait: valoriser un adolescent qui manquait de confiance autant que d'aventures palpitantes?-
Karm Torr
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— T’as oublié de lui préciser que j’avais des abdos en béton, murmura calmement Karm, à voix plus basse encore que d’habitude, pour que Dax ne l’entende pas, avant d’enchaîner aussitôt, en tout cas, tu gères la pédagogie pour ados dopés aux hormones, dis donc. Si tu fais pas gaffe, tu vas finir conseiller d’orientation au Temple.

En réalité, Karm jugeait que c’était une fonction proprement fascinante, à laquelle il ne serait pas fâché de s’essayer pendant quelques années, en parallèle de ses autres activités, pour se préparer à siéger dans le conseil qui affectait les Padawans passés à côté de la Chevalerie dans les corps auxiliaires. Trouver ce qui convenait à chacun, aider de jeunes destinées à prendre forme, et influer ainsi, à sa manière, sur toute une communauté, ce devait être tout à fait captivant.

— Hmouais, t’as sans doute raison. Laisser faire les choses naturellement. J’suis juste stressé à l’idée d’importer ici des conceptions familiales plus répandues ailleurs, mais qui ont pas vraiment cours chez les Ark-Ni. Mine de rien, mes souvenirs d’enfance commencent à être un peu flous, maintenant.

Telle était la malédiction des Jedis, que d’être toujours des étrangers dans leur propre culture.

— Enfin bref, soupira Karm, alors que Dax se rapprochait.
— Ah oui, s’exclama l’adolescent, si l’on pouvait dire toutefois que les Ark-Ni sachent vraiment s’exclamer. Je connais le vaisseau comme ma poche. Avec moi, vous verrez vraiment tout. En plus, en ce moment, j’suis très ami avec Karm, de la salle des machines.
— Karm ?
— Set.

Karm hocha la tête et précisa à Luke :

— L’un des enfants de ma mère, donc.

Encore un pas de plus franchi dans le monde labyrinthique des généalogies ark-ni.

— Et très ami, ça veut dire quoi, au juste ?

Dax considéra Karm avec un soupçon de méfiance. Qu’est-ce qu’on était censé répondre aux questions de ce genre de la part d’un grand frère ?

— Beeeen eeeuh… On parle et tout… On, eeeuh…

L’adolescent toussota.

— S’amuse.
— Je vois.
— Bon, on y va ?
— On y va.

Ils partirent à nouveau dans les coursives du vaisseau et, en chemin, Dax se faisait un devoir de tout leur expliquer. Ces éclaircissements étaient souvent inutiles pour Karm mais il ne les interrompait pas, plongé dans ses souvenirs. Il se contentait, de temps en temps, de guider Luke, pour éviter qu’il ne se cogne contre une poutrelle un peu trop basse ou ne se prenne les pieds dans un câble qui traînait.

— Ah bah l’est pas là, marmonna Dax d’un ton contrarié et à peine audible, sous le vrombissement des machines.

Karm réprima un sourire. Les salles de machines étaient des endroits populaires pour les rencontres amoureuses, même s’il trouvait Dax un peu trop jeune pour folâtrer entre les turbines.

— J’vais éviter de te décrire à quoi ça ressemble, glissa l’Ark-Ni à Luke, j’voudrais pas que tu prennes peur.

Il y avait de quoi. Plus que tout autre endroit du vaisseau, la salle des machines trahissait la logique du bric et du broc qui était le pilier de la société ark-ni. Des morceaux récupérés chez les ferrailleurs de la Bordure, des pièces détachées sauvées des épaves et des créations locales venaient compléter l’appareillage ordinaire d’un croiseur de ce type. C’était à la fois un miracle d’ingénierie aéronautique et un spectacle inquiétant. Mais tout ronronnait, et tout fonctionnait.

— T’saurais pas où on dort, des fois, Dax ?
— Hmm. Si. ‘Fin, j’suppose. Par là.

Et ils reprirent leur visite du vaste vaisseau.

— Tu sais où on va ? Le croiseur, je veux dire ?
— Les gens voulaient examiner une épave dans un secteur désert, pas très loin, je crois. Une mission d’une planète républicaine, qui a perdu le vaisseau en question, et veut le matériel à bord.
— Tu as déjà été dehors ?

Dax secoua la tête.

— Comme quoi, il te reste encore pas mal de choses à faire, chez les Ark-Ni. C’est assez chouette, les sorties spatiales. Mais dangereux.

Un danger sur lequel Karm n’insistait pas innocemment : il cherchait à rendre la perspective alléchante pour cet adolescent en mal de sensations fortes. En réalité, cependant, les Ark-Ni étaient si rompus à ce genre d’exercices que les incidents étaient assez rares, et presque jamais mortels.

Les quartiers de repos étaient répartis un peu partout dans le vaisseau, par mesure de précaution : si une section était endommagée gravement, il y aurait ainsi toujours des survivants ailleurs. La plupart des Ark-Ni dormaient dans des sortes de dortoirs et les cabines privatives étaient rares. Elles étaient réservées à des visiteurs très occasionnels ou bien aux personnes dont l’état physique exigeait un long repos, comme les femmes enceintes ou les convalescents.

Après avoir interrogé quelques personnes sur leur passage, Dax finit par composer le code d’une porte qui s’ouvrit sur une cabine exiguë mais savamment aménagée, avec un seul lit, double et étroit, et une cabine de lavage. Un hublot donnait sur l’espace.

— Voilà. Bon. Moi, je vous laisse, j’vais chercher Karm Set.
— Merci pour la visite.

Dax hocha la tête et disparut une dernière fois dans les coursives.
Luke Kayan
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- Mais-pourquoi-tu-demandes-des-précisions...

Qu'on excuse son manque de "tolérance" pour une fois, mais l'idée qu'un gamin de 13 ans apparemment majeur s'amuse dans une salle des machines avec un autre gosse, probablement de son âge, appelé Karm, frère du sien de Karm... Il fallait le comprendre. Luke ne voulait absolument pas imaginer le résultat, cependant à l'expression secourable "je suis très ami", il avait plus ou moins saisi malgré lui, peut-être parce qu'il l'usait souvent? Donc, les Ark-Nis démontraient à nouveau leur talent pour le paradoxe, ils considéraient leurs enfants comme suffisamment sages pour participer aux décisions, tout en laissant fricoter avec n'importe qui dans les recoins d'un vaisseau? L'idée dépassait un peu le Hapien qui s'était imaginé trouver des gamins presque sur-stimulés, constamment en train d'étudier, privés d'enfance, le nez plongé dans des bouquins pour en arriver au fameux résultat: même un vieillard devait s'incliner devant l'intelligence remarquable d'une enfant de 6 ans. Il faut dire que la sagesse du cambouis, Luke y croyait moyennement. Selon lui, l'habileté donnait de l'expérience, vivre dans l'espace avec le minimum requis conférait un genre de sagesse, mais celle qui permettait de s'exprimer, argumenter son point de vue, échanger, s'obtenait avec l'expérience -donc l'âge- et les études. Quelle population étrange, fascinante et certes, un peu effrayante sur certains points.

- Tu as donc des frères et sœurs?

Demanda le jeune homme en suivant le duo après avoir nettoyé son verre. Il suivit les deux Ark-Nis dans les méandres du vaisseau, haussant les sourcils lorsque débouchant dans la fameuse salle des machines, Karm avoua préférer ne pas lui donner trop de détails. Si c'était l'endroit où deux adolescents développaient des jeux loin d'êtres innocents, en plus d'être le coeur -fonctionnel car rabiboché des centaines de fois- de commandes de ce vaisseau aux entrailles entremêlées, scotchées et bricolées, cela lui convenait parfaitement. Luke était plutôt en faveur de fouler le plancher, salir ses bottes avec de la bonne vieille terre, bien que la taille de ce vaisseau soulageait son habituelle crainte. La pression de l'espace, la légère claustrophobie causés par un minuscule cockpit de chasseurs où il fallait rester assis étaient moindres. Et puis, il était en bonne compagnie.

La visite se passa plutôt bien, si l'on passait outre quelques bleus gagnés aux genoux ou aux coudes malgré l'aide de Karm. Le jeune homme s'était détendu au fur et à mesure, se rendant compte que les coursives étaient stables, l'impression de vide sous ses pieds nettement diminués par rapport à d'autres vaisseaux -y compris des grands- qui tanguaient parfois. L'écho étant aussi moindre, Luke conservait ses repères auditifs. Dax lui paraissait plutôt sympathique bien qu'il ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour ce garçon trop envieux de sortir, peu conscient des conséquences même si le Chevalier Turquoise avait réussi à immiscer le doute et un grain de prudence dans son esprit.

Sur son passage particulièrement, le Hapien sentait cette curiosité à laquelle il avait fini par s'habituer. Parfois mâtinée de crainte, parfois de méfiance et plus rarement de fascination, ces âmes silencieuses mais observatrices, éparpillées dans le vaisseau accompagnèrent l'adolescent et les deux jeunes hommes. La promenade se termina dans une chambre exiguë, suffisamment bien agencée et située pour ne pas donner le mal de l'espace aux plus sensibles. Malgré le peu d'espace, Luke s'y sentait en sécurité, sans doute la conséquence du génie Ark-Ni. Quoique peu sensible aux maux-de-cœurs typiques, le blond peinait à se situer loin de la gravité terrestre. Son handicap lui avait enseigné à valoriser le sol, fertile ou non, et se méfier de l'eau ou de l'espace. Aujourd'hui cependant, il se sentait donc détendu, le fait que Karm pense que les négociations se passeraient bien couplé à sa seule présence aidaient, sans nul doute.

- Les enfants sont vraiment libres en fait, ici. Les Ark-Nis n'ont jamais eu de soucis de... Petite délinquance disons-nous? Et sans être aussi dramatique, la fameuse crise d'adolescence, tu vois ce que je veux dire? Laisser tout le monde s'exprimer, c'est en théorie, idéal, mais des jeunes comme Dax sont-ils vraiment aptes à influencer dans des décisions aussi importantes que de laisser ou non passer des vaisseaux Républicains?

Le Jedi était curieux plus que réfractaire à ce système. En fait, ce dernier, s'il fonctionnait vraiment, aurait tendance à forcer son admiration. Il s'était, avouons-le, attendu à découvrir des adolescents très matures, presque ennuyeux, des adultes avec des bouilles d'ange qu'il était incapable de voir. Dax avait au contraire, offert l'image d'un gamin pas bien méchant, mais assez frivole, normal quoi.

- Tu sais, en ce qui concerne l'apport de cultures extérieures, cela se régule seul depuis des milliers d'années. Il est probable que les Ark-Nis aient déjà été influencé au fil des siècles, bien que leur isolement couplé à leur amour pour leur culture rendent le processus très discrets. Je pense qu'inconsciemment, les peuples récupèrent des croyances, des objets ou systèmes concrets et les intègrent. C'est ce qui caractérise ensuite, à cette époque-ci ou la prochaine leur culture, ce qui la forme. De base c'est ainsi qu'elles naissent, en même temps qu'une communauté destinée à devenir une société, un peuple à part entière: L'union d'habitudes et de foi mélangées d'individus aux origines diverses, ensuite enrichie par l'apport de sang, d'esprits neufs. Tu ne risques pas de détruire la culture Ark-Nis en parlant ou appliquant des coutumes venant de l'extérieur. Au pire de te faire assaillir de questions par des curieux comme Dax.

Un sourire se dessina sur les lèvres de Luke qui souhaitait tranquilliser son ami. Ce dernier devait évacuer tout type de stress, se débarrasser de la crainte de blesser, gâcher, polluer la culture des siens. Ses souvenirs d'enfance étaient flous, mais ceux de son étape de jeune adulte encore frais et ils en valaient tout autant la peine. Le Hapien était persuadé que cette mère aimante quoi qu’apparemment distante- comme tous les Ark-Nis.- apprécierait que son fils discute avec, quelque soit le sujet abordé, superficiel ou profond. L'idée était juste de se retrouver, comme Saï et lui. Le Maître et son ancien apprenti se donnaient rendez-vous dans une salle. Entre deux discussions rigoureuses, ils évoquaient des anecdotes du passé ou demeuraient en silence. L'idée était simplement d'être ensemble. Oui c'était fleur bleue, tant pis.

Luke posa une main sur l'épaule de Karm puis glissa sa tête contre son épaule, se risquant à un geste tendre en dehors de leurs rares retrouvailles érotiques. S'il pouvait être très tendre via la Force, le Hapien n'était curieusement pas tactile pour un aveugle, peut-être son passé d'enfant battu, peut-être un simple trait de caractère ou une timidité qui freinait cette naturalité. Quoiqu'il en soit, aujourd'hui plus relâché, pris dans une sorte de tornade sensible -le fait de se retrouver finalement chez la famille de Karm jouait certainement.-

- En tout cas, tu sais, j'y ai pensé pendant la visite, si les enjeux sont plus gros à l'heure de rencontrer tes amis, je peux m'entraîner avec ta famille, afin d'éviter de m'évanouir pour cause de stress devant eux.


Répliqua-t-il volontairement avec retard. Cette conversation laissée en suspens, il la reprenait désormais avec plaisir, dans cet endroit qui prêtait à la confidence. Malgré sa blague, le Jedi était néanmoins assez stressé à l'idée de faire face aux proches de Karm, famille comme amis, il espérait être à la hauteur bien qu'en retour, le jeune homme était persuadé que son compagnon serait, lui, digne de l'approbation des siens. Il avait toujours idéalisé le Gardien et ce n'était pas demain que cela changerait, car pour lui, Karm était un chevalier talentueux, manquant simplement d'un peu de confiance, d'éloquence -même si c'était en train de changer.-. De toutes manière, sa fidélité envers l'Ordre, impossible à remettre en cause suite à leur aventure avec Noctis, était une promesse d'équilibre- si équilibrée puisse être la vie d'un Jedi.

Dans ces lieux où son esprit ne pouvait voyager plus loin que les coursives, Luke apprenait à se satisfaire du présent, à ne s'inquiéter que des problèmes immédiats. Des soucis relativement inexistants si ce n'était ceux émotionnels dû à ces retrouvailles familiales. Bref, de vraies vacances.
Karm Torr
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Les bras de Karm se refermèrent autour de Luke. L’une des mains de l’Ark-Ni posée au creux des reins de son compagnon, l’autre glissée sur sa nuque, pour la caresser du pouce, Karm écouta le Consulaire le rassurer. Au bout d’un moment, il murmura :

— T’sais, j’y suis pas attaché tant que ça, à la culture ark-ni. J’veux dire, y a plein d’aspects positifs et tout, et je le renie pas. Certainement, ça m’a donné une perspective particulière sur le monde, sur la République, sur l’Ordre, même sur la Force, et j’en suis reconnaissant. Mais à mon avis, ils devraient s’ouvrir au monde. Pas forcément abandonner leur mode de vie, mais être moins… Racistes, d’une certaine façon.

Le mot semblait dur, parce que les Ark-Ni n’incarnaient pas le type ordinaire des gens pleins de préjugés. Au contraire, leur isolationnisme relatif s’accompagnait d’un progressisme social évident, d’une forme de démocratie que beaucoup auraient jugé infiniment supérieur à l’enchevêtrement bureaucratique qui caractérisait le gouvernement de bien des mondes. Mais Karm ne se faisait pas d’illusion : les nomades des étoiles était une société fermée, méfiante et limitée dans ses aspirations.

— J’espère un peu que des contacts répétés avec les Républicains amèneront… T’sais, juste des conversations, au début, et puis après, des changements. Quelque chose de plus profond que les rencontres ponctuelles lors des missions marchandes. ‘Fin bref. On verra bien. Chaque chose en son temps.

Karm desserra son étreinte pour relever le menton de Luke entre ses doigts et déposer un chaste baiser sur les lèvres de son compagnon.

— En tout cas, tu gères. T’es parfait. Je t’aime.

Luke fut probablement sauvé d’une séance de tripotage intensif par les nombreuses questions qu’il avait posées. Karm s’assit sur le lit, entraînant son ami avec lui, avant de s’y allonger pour l’attirer dans ses bras.

— Donc, les enfants. Oui, la délinquance, ça arrive. Mais les individus un peu turbulents sont généralement bougés de vaisseau en station et de station en vaisseau, dans l’espoir qu’ils trouvent un environnement plus propice. Quand y a vraiment un truc qui coince, mais c’est quand même assez rare, ils sont envoyés dans le vaste monde. C’t’une sorte de bannissement mais pas tant que ça, parce qu’ils peuvent revenir n’importe quand. Sauf que si ça coince encore, ils sont bannis à nouveau et ainsi de suite. J’ai pas de cas tellement précis en tête, j’ai rien entendu de particulier quand j’étais gosse, mais on peut sans doute poser quelques questions.

Etait-ce plus ou moins inhumain que des peines de prison, Karm n’aurait su le dire. C’était la solution que la société ark-ni avait trouvée pour se préserver des perturbations intérieures et tout indiquait que, jusque là, elle fonctionnait bien.

— Faut bien se dire que la Flotte est beaucoup plus grande que ce vaisseau-là. Et qu’on peut y faire plein de choses. C’est pas une planète et c’est réduit, mais les gens peuvent faire de la sécurité en devenant pilote de chasseur, peuvent être mécanicien en extérieur, marchand, cuistot, mineur d’astéroïde, comptable, chercheur, etc. Ils peuvent vivre sur des stations, des bases de forage, de gros vaisseaux, de petits vaisseaux. Alors souvent, on finit par trouver sa place, surtout quand on est élevé à chercher sa satisfaction à l’intérieur de la communauté. C’est fondamentalement pas très différent d’une région agricole dans un monde peu développé. Juste plus technologique et plus diffracté.

La société ark-ni n’était assurément pas la plus étrange que Karm ait jamais vue, dans sa carrière d’explorateur. Plus il découvrait des planètes et leurs habitants, plus il comprenait à quel point les Ark-Ni avaient emprunté des chemins que d’autres civilisations parcouraient, un peu partout dans la Galaxie.

— Après, les enfants qui sont super écoutés, ça court par les coursives non plus, hein. Souvent, c’est l’expérience qui prévaut. Juste, ça arrive de temps en temps. On peut voir ça comme de la tolérance ou du pragmatisme. C’t’une ouverture d’esprit qui permet d’optimiser la réflexion commune, pour être sûr que toutes les manières de résoudre une situation ont bien été explorées. Et quand tes problèmes sont presque toujours critiques, parce que tu vis dans un environnement super dangereux, c’est juste… Une question de survie, quoi.

Karm tentait de rendre sa société à la fois plus familière et moins intimidante pour Luke.

— Franchement, te tortures pas l’esprit avec ces particularités. Essaie plutôt… De les considérer comme des gens de bon sens. Comme tu ferais de fermiers, par exemple. Un peu bornés peut-être, avec leurs traditions un peu étranges, mais fondamentalement des gens pragmatiques, qui résolvent des problèmes concrets les uns après les autres. Perso, je les trouve plus facile à naviguer que des politiciens de Coruscant, qui sont super abstraits et pleins d’exigences protocolaires.

L’une des mains de Karm finit par se faufiler sous les vêtements de Luke, pour mieux sentir sa peau. Les Ark-Ni, eux, étaient des tactiles.

— Et oui, donc, j’ai des frères et sœurs. ‘Fin demi-, techniquement, le plus souvent. C’est pas nécessairement des liens très étroits. La famille ark-ni est moins une structure de sociabilité qu’un… Un marqueur de lignée. Pour le brassage génétique. Eviter que les gens d’une même famille se reproduisent trop étroitement, pour éviter les défauts. Mais les relations sociales au sein d’une famille, si elles existent, c’est pour des raisons d’affinité personnelle. Elles pourraient tout aussi bien se nouer avec des gens d’autres familles.

Tout cela aurait été des réalités qu’il aurait été incapable de voir clairement, sans sa formation d’ethnographie au sens de l’ExploCorps. L’Ordre lui avait paradoxalement permis de se montrer plus lucide sur sa propre société.

— Moi, c’que j’propose, c’est que d’ici une ou deux heures, on ressorte pour aller dîner, ‘fin manger, qu’on essaie de trouver ma mère, et comme ça, on refait connaissance, puis on voit ce qui s’est dit dans les derniers débats, et demain, on peut avancer un peu plus. Ils vont avoir tendance à te voir comme le représentant de la République, beaucoup plus que moi en fait, alors faut que tu t’attendes à être le destinataire de la plupart des questions. Mais tu vas gérer, pas vrai ?
Luke Kayan
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Luke nota les explications dans un coin de sa tête. Mis bout à bout, elles dessinaient un monde fermé, presque raciste en effet mais également ouvert à la jeunesse, un brin laxiste. Cette idée de jeter des gosses à l'extérieur, les laisser faire ce qu'ils voulaient en guise de punition puis revenir davantage terribles lui semblait illogique. Une réflexion logique venant d'un Jedi éduqué dans la fermeté et très surveillé. Leurs progrès, leurs états d'âme, tout était suivi au Temple et la moindre erreur durement punie. Luke avait hérité d'un mentor extrêmement juste mais dont les attentes s'enracinaient profondément. C'était ainsi que le Hapien l'avait perçu et il avait grandi avec la crainte de décevoir celui qui n'en exigeait peut-être pas tant. Son plus grand froid avec Saï, à l'adolescence, l'avait beaucoup endolori, il ne souhaitait cela à personne et pour éviter que tout ne dégénère, il était en faveur d'une vigilance accrue en ce qui concernait les cas compliqués. Chez les Ark-Nis, la dérive dans l'espace faisait peut-être mûrir, qui était-il pour juger?

Malgré lui, le jeune homme ne put s’empêcher de rougir, à la fois de gêne et de plaisir, lorsque Karm le félicita. Il avait ce côté grand enfant -qui contrastait avec sa maturité précoce.- cherchant la reconnaissance d'autrui, surtout celle de ses proches. Rendre heureux ou fier son compagnon était une tendance dangereuse, du moins elle pourrait l'être si Karm avait des objectifs néfastes et que Luke ne disposait pas d'un minimum de sens critique, celui-là même qui lui avait permis de quitter Jason et de le dénoncer. Pour l'instant leur duo fonctionnait, raison pour laquelle le Conseil les laissaient faire des missions, passer du temps ensemble. Il ne fallait pas se leurrer, les aînés avaient au mieux des soupçons, au pire la certitude que les deux Jedis étaient davantage que des collègues. L'idée en général stressait autant qu'elle apaisait le Hapien. Leur fichait-on la paix parce qu'ils accomplissaient un travail généralement efficace ou par manque de preuves?

Bercé par l'ambiance intimiste de la cabine, le blond eut tôt fait de chasser ces inquiétudes venant de l'extérieur. Il se blottit contre l'Ark-Ni, fouillant sous sa propre tunique à la recherche d'une main baladeuse qui avait prit l'initiative de la tripatouiller. Avec un sourire moqueur, presque joueur, le Hapien arrêta la course des doigts, cherchant à frustrer Karm. Il fit ressortir les deux mains et la posa plus chastement sur sa hanche. D'un autre côté, il ne s'était pas décollé de la poitrine de ce dernier, alors que son apparente retenue aurait sensément du l'y pousser.

- Bien sûr, ma cécité et moi on va gérer.

Répliqua finalement le Jedi avec un petit sourire en coin à la Lou, un personnage crée de toutes pièces pour infiltrer le milieu de la drogue dans les bas-fonds de Coruscant. Dans un autre registre, sa cécité l'avait aussi aidée, à endormir la méfiance des gangs ou... Lui faire prendre de la drogue involontairement, certes. En réalité, le Hapien était tendu à l'idée de retourner dîner ou quoique ce soit d'autre avec ces mystérieux Ark-Nis. Il craignait de renverser, à cause d'une erreur, le jugement favorable que ceux-ci avaient de sa personne pour l'instant s'il en croyait les déclarations de Karm. Mais il ne devait plus avoir l'air du petit Padawan effrayé, passif. Ce repas serait l'occasion de découvrir la famille -pas si proche.- de son compagnon, puis de les convaincre davantage de sa bonne foi, par extension, de celle de la République.

- Tu sais, il y a un principe de ton peuple que j'ai du mal à assimiler mais dont j'apprécie vraiment le concept: celui de la famille. Le sang signifierait moins que l'affinité dans les mondes Républicains que nous éviterions la moitié des homicides domestiques.

Et d'enfants battus peut-être. Évidemment l'idéalisation d'un concept étudié en surface serait dangereux, mais Luke n'avait aucune intention de faire passer une loi visant les familles au Sénat. En toute confiance il s'arrogeait donc le droit d'opiner sur un sujet pourtant vu en surface. C'était un détail discret mais un détail quand même de la confiance du Consulaire envers son aîné. Il n'y avait pas ce filtre de réflexion profonde à chaque mot, cette peur d'avoir l'air stupide, moins sage que ses comparses Jedis. Dans tous les sens du terme, Karm était le seul devant qui il acceptait de se montrer nu.

À regrets il se leva, se délogeant avec quelques difficultés de l'entremêlement presque symbiotique formé avec Karm, sur ce lit étroit bien que confortable. À tâtons, il chercha une poignée beaucoup plus proche de son nez que d'habitude. De fait, la porte faillit emporter son bout de chair au passage. Après s'être rhabillé -non sans flâner autour de Karm, prendre son temps, le frôler pendant le processus.- correctement, le Jedi sortit, abordant à regrets son visage serein et sérieux de diplomate.

- Je t'aime aussi.- Glissa-t-il en tournant la fameuse poignée qui lui avait donné du fil à retordre.

Le dîner se déroula dans une grande salle où des membres apparemment trop jeunes de la société Ark-Ni participaient, en fait cela ressemblait plus à un repas familial qu'à un dîner d'affaires. Luke ne savait même pas si l'on débatterait dudit sujet autour des assiettes bien que cela leût arrangé. Il faut dire qu 'il n'était pas accoûtumé aux fêtes, aux retrouvailles, habitué à profiter de cette matière aussi rare que précieuse qu'était le temps. Au moins l'ambiance bon enfant permettait au Jedi de souffler. Pour quelques instants, il put se mêler aux autres sans que sa chevelure blonde ne cause de crise cardiaque ou d'angoisse. Sans le savoir il se retrouva à aider Torr -la mère du Gardien.- à préparer un plat. Il avait identifié les ustensiles de cuisine, les avaient aligné devant lui et les passaient à la femme en silence. Elle travaillait vite et habilement à en croire les bruits réguliers de découpe, de frottement et de sauce qui s'enchaînaient. Luke semblait la regarder, les yeux pas tout à fait perdus dans le vide quoique pas tout à fait scotché à la planche où l'activité avait lieu. Ni lui ni elle ne décrochaient un mot, pourtant Luke ne sentait pas de pression. Il semblait à l'aise dans une cuisine rempli de couteaux et de bruits, mais tout ça était connu, c'était une routine dont il avait découvert les effets apaisants chez le sinistre et charismatique Noctis. Tous les peuples avaient besoin de manger et de découper leurs mets quelques qu'ils soient.

Il sourit puis se retira pour porter un plat dans la grande salle dont la "décoration" était composée de câbles enchevêtrés, de caisses à outils repoussés dans des coins, et de tables ramenées les unes contre les autres, propres mais sans nappe. Les chaises étaient peu accueillantes, rappelant les meubles utiles et rustiques utilisés en camping. Les Ark-Nis n'avaient vraiment pas l'habitude de recevoir, à moins qu'ils aient décidé de ne pas séparer les invités de la plèbe spatiale, ce qui pouvait, selon l'expérience de Luke, être un bon signe. On le prenait moins pour un étranger ou en tout cas, pas comme un danger potentiel. Un homme à forte carrure le dégagea de son plat, il tressaillit un peu, surpris du glissement et croyant qu'il allait faire chuter le met. Après avoir remercié le mécanicien -un des rares dont le genre ne faisait aucun doute vu sa voix grave.- il rejoignit Karm, armé de couteaux et de fourchettes. Il les plaçait plus ou moins bien sur la table et un gosse passait derrière pour mieux les aligner.

- Elle est dans la cuisine. Et je crois qu'elle t'attend.

Souffla-t-il à son ami avec un doux sourire rassurant. À cet instant, les joues rouges et décoiffé, Dax fit irruption dans la salle "des fêtes", suspectement au même moment que le fameux Karm-de-la-salle-des-machines. il déroba les couverts la place du gosse qui s'occupait des ustensiles disposés par le Hapien sur la table et se glissa habilement aux côtés de ce dernier.

- Raconte-moi ce que tu as vu.

Happé par un flot d'adolescents et de gamins, Luke adressa une onde d'excuses à son ami, puis commença à raconter, donc, ce qu'il avait vu pendant sa carrière de Jedi. Il peinait à suivre le mouvement continu qui l'éreintait, se cognait et risquait de faire tomber des choses. Pourtant il se surprenait aussi à ne pas détester tant que cela les préparations familiales.
Karm Torr
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— J’peux toucher ?
— Euh. Ouais.

Karm était une attraction. En l’occurrence, il avait eu le malheur de retrousser ses manches pour déplacer des tables et, désormais, ses avant-bras étaient un objet de fascination pour quelques Ark-Ni qui, rassemblés autour de lui, s’extasiait sur une musculature pourtant fort discrète, quand on la comparait avec la carrure de beaucoup de Gardiens aguerris.

— C’est vachement dur.
— C’est à cause de la gravité.

Un peu gêné d’être l’objet de ces intenses palpations dignes d’une convention de culturisme, l’Ark-Ni rabaissa ses manches.

— Comme j’ai grandi en gravité planétaire, c’est beaucoup plus d’efforts que dans la gravité artificielle des vaisseaux. Puis c’est aussi plus d’exercice. ‘Fin voilà, c’t’un ensemble de facteurs, quoi.

Il y eut un petit débat, d’une brutale honnêteté, sur les mérites comparés de la parfaite androgynie ark-ni ou du physique plus masculin de Karm. Certains condamnèrent cet esthétisme planétaire, tandis que d’autres vantèrent les mérites de ces courbes fermes et mieux dessinées. Karm en profita pour se faufiler hors du groupe et rejoindre Luke, juste à temps pour que son compagnon, que la jeunesse prenait d’assaut à son tour, lui indique l’endroit où se trouvait sa mère.

— OK, murmura Karm, avec une once d’appréhension dans la voix.

Le Jedi se fraya un chemin parmi l’assemblée, pour rejoindre les cuisines, où l’atmosphère était quasi tropicale. Par souci d’efficacité et d’économie, une bonne partie de la chaleur dégagée par les moteurs et les systèmes du vaisseau était redirigée vers la cuisine où, dans des conduits bien isolés, elle servait à la cuisson des repas, avant d’être ventilée vers la coque, pour se dissiper dans le vide intersidéral.

Le repas était presque prêt. Le mère de Karm le surveillait. Une conversation en ark-ni s’engagea.

— J’dérange pas, demanda-t-il, presque timidement, ?

Elle secoua la tête. Karm attrapa les différents ustensiles pour les ranger dans le lave-vaisselle, un ancien astrodroïde depuis longtemps hors-service, que quelqu’un avait bricolé pour remplir cette fonction.

— C’est que, bon, tu m’parles pas des masses, alors j’me dis, peut-être…
— Je ne veux pas que tu sois déçu.

Karm haussa un sourcil, invitation à expliciter.

— Tu as vécu beaucoup d’aventures, et tu as vu beaucoup de gens.

Le jeune homme referma le dôme du droïde et pressa un bouton, pour lancer le programme.

— Le monde ici, ça doit te paraître bien petit.

Un temps.

— Un peu, concéda Karm.

Un temps.

— J’regrette pas d’être parti, pour vivre tout ça.

Un temps.

— Et c’est grâce à à toi, qui m’a laissé partir.

La Flotte n’avait jamais fait partie de la République et Karm n’avait dû la détection de ses talents qu’à la chance. Même après cela, rejoindre l’Ordre n’avait rien eu d’une évidence et il avait fallu que sa mère puisse comprendre les implications de cette vie radicalement différente et prenne une décision à laquelle rien ne l’avait préparée. En revenant sur le vaisseau, après toutes ces années, Karm mesurait enfin quel courage et quelle ouverture d’esprit y avaient été nécessaires.

— Tu te rappelles de ce que je te disais, quand tu étais petit ?
— Toujours aller vers les étoiles qui nous paraissent les plus belles, même si le voyage a l’air d’être long.

La femme hocha la tête.

— Quand cette femme est venue, et qu’elle m’a parlé de cette vie, pour toi, ça m’a paru loin, très loin, mais quelque chose me disait que c’était aussi beau.

D’un geste de la tête, elle désigna la porte automatique, et derrière, la salle du banquet. Par extension, Luke.

— Lui aussi, il est beau.
— Hmm hmm, approuva évasivement Karm.

Sa mère le regarda en plissant les yeux, avec une perspicacité toute maternelle, avant d’esquisser un sourire en coin. Les joues du jeune homme rosirent légèrement et il se mit à fixer le droïde avec beaucoup de concentration.

— C’est autorisé… ?
— C’est, euh… Pas strictement interdit.

Une nuance difficile à saisir.

— Et la femme qui est venue, Tavaï, elle a bien pris soin de toi ?
— Oui, mentit aussitôt Karm, sans hésiter, absolument décidé à ne pas laisser sa mère endosser la culpabilité des mauvais traitements qu’il avait pu subir.
— Bien.

Elle pianota sur les plaques. Le repas était prêt. Karm passa la tête par la porte et siffla deux notes, pour alerter les jeunes gens qu’il était temps de venir servir les plats. Bientôt, l’intimité de leur conversation fut brisé par une horde d’adolescents, qui s’emparèrent des marmites, pour commencer à remplir les assiettes.
Luke Kayan
Luke Kayan
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- Non. La magie ne me permet pas de voir. Oui, j'aime ce que je fais. En effet, je n'ai qu'un seul prénom: Luke. Quand on ne me connaît pas, on utilise Kayan, Chevalier ou Monsieur Kayan. Pour désigner ma famille? Et bien, on utilise aussi Kayan.

Non. Il ne le ferait pas, il n'expliquerait pas qu'une femme renonçait à son nom de famille pour prendre celui de son mari. Par chance, deux sifflements modulés libérèrent le Hapien de Dax ainsi que les gosses qui semblaient s'être magiquement multipliés au fur et à mesure que l'heure du repas approchait. Jamais Luke n'aurait pensé qu'un vaisseau, quel-qu’il soit, puisse déverser un tel flot de passagers, au final, tel que Karm l'avait dit, cette communauté était beaucoup plus étendue qu'on ne pouvait le songer de prime abord. Cette attaque à coups de questions de la part des jeunes aux cheveux argentés reflétait une réalité salutaire malgré une apparence prônant le contraire. En effet, le Jedi croulant sous les pressions verbales commençait à s'intégrer grâce à LA clé: la curiosité, celle-là qui l'avait sorti de son silence, de son autisme parce que Saï avait su en faire bon usage. C'était donc avec patience que Luke avait répondu de son mieux, mais non moins de soulagement qu'il s'était vu libéré par Kam, son Karm, ce héros.

Attablée, la gigantesque famille débuta le repas dans un silence relatif, parce que ce "rangement en rang d'oignon" rappelait soudain la présence de l'étranger qui ressortait. Sa chevelure blonde et ses yeux vairons n'aidaient pas, fixé à tel point qu'il lui semblait voir ces dits regards inquisiteurs, le Hapien s'attacha à copier le plus possible les potentielles coutumes Ark-Nis, dont le silence observé. Enfin, les conversations reprirent, les langues se délièrent et les regards dérivèrent sur d'autres sujets. La nourriture aidait toujours, bien que Luke saisisse moins ce phénomène sociologique répandu, il l'admettait volontiers.

On s'adressa à lui sans réellement se présenter -de toutes manières vu leur usage des noms, Luke n'aurait pas été plus avancé- et de manière plutôt direct. Sans en prendre ombrage, le Jedi répondait avec prudence. Il limitait ses mots, découpait ses explications, cisaillait ses discours, sachant que le peuple Ark-Ni semblait mépriser les utilisations verbales abusives. Au début, il faisait surtout face à des questions d'ordre personnelles, les mêmes posées par les adolescents avant le repas désormais jetées au milieu des plats par les adultes. De temps à autre, Luke tâtait le terrain en exprimant ses interrogations à son tour, il veillait à montrer son intérêt pour cette culture- sincère.- tout en évitant des références trop perturbantes. Cela dit, e Consulaire s'aperçut rapidement que ce peuple avait adopté la même attitude que les étoiles parmi lesquelles ils vivaient, il n'observait aucune pudeur, évoluant à la vue de tous, incapables de duplicité ou du moins peu friands de cette pratique. Si la Galaxie suivait le même principe, les diplomates, négociateurs et politiciens auraient tôt fait de disparaître. Au fond, ça ne serait pas plus mal. Luke se prit à sourire en y songeant, mal lui en pris car on lui demanda rapidement pourquoi il le faisait.

- Je suis simplement heureux d'être avec vous.

Chuchota-t-il avant de rougir légèrement. La franchise Ark-Ni déteignait sur sa blonde chevelure glissant jusqu'aux recoins de ses lèvres pour finir dans son gosier pour qu'il se prête à des révélations si pures, presque enfantines. Il n'avait pu s'en empêcher et projeta, inquiet, une onde de Force interrogative à son ami, leur seul moyen de communication. La tension finit toutefois par retomber un peu, Luke démontrait, au fur et à mesure, une facette joyeuse, insouciante. Elle était si peu apparue, y compris pendant son adolescence. Au mieux avec Saï, souvent avec lui, et parfois avec Karm.

Des histoires de vaisseaux, de coursives et de câbles, il ne comprenait quasiment rien mais écoutait avec attention, sans se vexer que personne n'adapte ses descriptions. Ses proches l'avaient appris, mais des inconnus, si respectueux de la cécité soient-ils ne savaient naturellement pas s'y prendre. Luke entendait donc parler de "noir, rouge, vert" et de "petite manette, grand ou moyenne en forme de...". cela lui rappelait à quel point Karm et lui étaient proches, ayant tacitement élaboré un langage qu'il était apte à saisir de façon plutôt précise.

- Pourquoi est-ce que la République n'envoie pas ses propres diplomates, si les Jedis sont sensés être indépendants? Nous, on ne veut pas devenir "indépendants" comme vous.

S'Olik avait rompu l'ambiance bonne enfant de sa voix rugissante qui couvrit les autres bruits, d'autant plus que c'était un des rares Ark-Ni dont le genre s'exprimait clairement. Luke reconnu celui qui l'avait libéré de son plateau avec un "permettez" rocailleux. Ce devait être l'exception de sa famille, la brebis noire. Le Hapien prit le temps de préparer sa réponse puis de s'atteler à la tâche en rétablissant justement les normes Ark-Nis.

- Hum. C'est un peu la même raison pour laquelle ils souhaitent faire appel aux Ark-Nis. Ils ont leurs propres stations mais les vôtres sont meilleures. Certains d'entre nous -Les Jedis.- nous spécialisons dans la diplomatie, c'est pourquoi nous les aidons de temps à autre, lorsque l'affaire leur semble importante, ils envoient les... Hum... Professionnels? Ce pourrait être le mot.

Le ton égal de Luke démontrait qu'il ne cherchait à flatter personne même s'il était vrai que les enjeux n'étaient pas absolument primordiaux. Mais ces circonstances externes, le peuple des étoiles n'en avait sûrement rien à faire. Ce qui comptait pour eux en cet instant était... Eux-même justement, et le blond devait leur faire comprendre que la République les considérait réellement, prenant aussi en compte leurs intérêts.

- Moi j'ai toujours du mal à croire qu'une communauté aussi importante ne s'intéresse qu'à l'approvisionnement, l'idée c'est plus de mettre un pied dans nos stations puis de s'infiltrer.

Certains Ark-Nis hochèrent la tête tandis que d'autres semblaient outrés du ton presque criard que prenait l'un des représentants de leur société. Luke lui continuait de soigneusement respecter les codes appris. Tant par respect pur et simple envers son ami, ses proches mais aussi un peu par stratégie. S'Olik se décrédibiliserait presque seul en continuant de la sorte.

- Nous comprenons vos doutes, c'est la raison pour laquelle les termes du contrat ne contiennent pas de délai obligatoire et vous pouvez y renoncer quand bon vous semble- Que les Ark-Nis maintiennent l'accord ou non n'était pas son problème, le Hapien n'était pas un commercial. Ce serait à la République de jouer franc jeu pour ne pas perdre ces potentiels "concessionnaires" de talent.- Hélas nous ne savons pas toujours où notre prochain pas se posera, nous mènera, mais faut-il vraiment s'arrêter, ne plus jamais bouger ou prendre le risque, quitte à tâtonner un peu pour continuer le voyage?

Il enchaîna après sa discrète référence à son propre cas. Si les Ark-Nis éprouvaient autant de respect pour les aveugles, il marquerait un pas. Qui mieux que lui pouvait illustrer sa métaphore. Non content de cela, le Jedi enchaîna.

- Karm a parcouru bien des mondes, acquis de l'expérience. Il, nous avons vécu de belles, de tristes histoires en optant pour ces risques. Néanmoins, quelque soit le facteur, chance, hasard, nous avons toujours dans une certaine mesure, le choix. Nous pouvons choisir d'avancer, de reculer ou de stopper pour observer. Là réside la vraie prudence, savoir quand se désengager, couper net à une situation qui déplaît avant de ne plus pouvoir le faire. Trouver ce moment clé, ni trop tard, ni trop tôt. N'est-ce pas ainsi que vous procédez lorsque vous expérimentez avec vos vaisseaux? Essayer, observer, retirer la pièce ou valider. Transformer, inventer, oser tout en surveillant.

Acheva doucement le jeune homme, finalement soulagé d'avoir pu trouver un parallèle, parce qu'il fallait admettre que ce n'était pas simple face à un peuple plutôt fermé. Afin de clore le plus habilement possible la conversation, le Jedi plaqua son regard dans celui de S'Olik, se trompant de quelques centimètres tout au plus. Il hésita, puis réajusta la position de son visage après avoir attentivement écouté la moindre de ses respirations- plus rapides, plus fortes que celle de ses congénères- ou ses gestes -secs, ponctués de froissements d'un tissu probablement trop ajusté.-. Cette fois, après ces fameux tâtonnements, le Chevalier avait plaqué ses yeux dans les prunelles réfléchissantes de l'Ark-Ni pour l'observer d'un air qui, sans être agressif, semblait déterminé quoi qu’évidemment plutôt absent. Qu'allait choisir son interlocuteur? Maintenir le contact visuel, avancer, ou baisser la tête et reculer? C'était l'illustration même de leur dialogue.
Karm Torr
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— Vous avez pas vraiment répondu à la question.

S’Olik, les coudes sur la table, fixait Luke sans ciller. Le regard jouait bien entendu un rôle important dans le système de communication non-verbal des Ark-Ni et, dans cette société beaucoup plus que dans bien d’autres, on apprenait à soutenir celui des autres et, dans une certaine mesure, à l’interpréter.

— C’est vrai qu’on dirait presque que vous avouez que vous allez nous infiltrer. Euh…

La personne qui venait de parler promena un regard à la ronde, parce qu’elle n’était pas certaine de s’être bien exprimée, mais quelques signes de tête lui indiquèrent qu’on l’avait comprise, malgré sa maîtrise relative du basic.

— Non mais.

Les quelques murmures que ces réflexions avaient suscité s’interrompirent brusquement quand Karm prit la parole. L’Ark-Ni avait somme toute peu parler, depuis son arrivée, mais il constituait pour les siens un véritable mystère, au moins autant que Luke. Il était celui qui menait une existence radicalement différente des siens. Celui qui avait des pouvoirs.

D’autres Ark-Ni, au fil des générations, avaient fait le choix de vivre loin de la Flotte. Le plus souvent, c’était pour adopter une existence sédentaire, pour fonder une famille plus conventionnelle, pour avoir accès à un confort que les vaisseaux n’offraient pas. Certains, mais ils étaient plus rares, le faisaient pour découvrir des planètes. La nature. L’aventure. Mais Karm — Karm était un cas unique, aussi loin que la mémoire des Ark-Ni remontaient.

Sans l’avoir revu pendant des années, on avait fini par oublier, un peu, qu’un jour, un enfant ark-ni était parti pour devenir Jedi. Les Jedis, on savait à peu près ce que c’était, mais comme souvent dans la Bordure, là où l’on en côtoyait moins qu’ailleurs, les guerriers de l’Ordre avaient un statut à demi-mythique. Mais Karm était revenu. Il était là. Il avait des pouvoirs, il avait un physique à part, il voyageait avec un étranger.

Le jeune chevalier repoussa son plat.

— Quand on achète des pièces à un ferrailleur, y a toujours un risque qu’il essaie d’y coller un virus informatique. Pour contrôler le vaisseau. Quand on fait un contrat pour vendre du métal d’astéroïde, y a toujours un risque qu’on se fasse flouer. Que ce soit un piège de brigands. J’veux dire, c’est l’principe d’un contrat que d’être risqué.
— Et c’est pour ça qu’on cherche à évaluer les risques.
— Ouais, ça, c’est sûr, mais tu fais quand même genre qu’on est dans un cas vachement différent, là, alors qu’en vrai, c’est de même nature que les affaires ordinaires, juste d’un peu plus grande ampleur.

Il y eut des hochements de tête et des airs sceptiques.

— C’que Luke dit, c’est que comme n’importe quel contrat, si les risques paraissent trop élevés, y a moyen de se retirer. Quant à se faire infiltrer, faut être sérieux, le mec de l’extérieur qui tente d’infiltrer une station peuplée d’Ark-Ni, il risque de se faire rapidement repérer, hein.

Des rires amusés accueillirent l’idée qu’un humain ordinaire, avec ses cheveux et ses yeux ordinaires, sa carrure, son physique genré, puisse tenter de se frayer un chemin incognito parmi les leurs.

— Et l’but de la République, c’est de se faciliter la vie. Si y a des stations à infiltrer, c’est celles de l’Empire ou des Hutts, pas les vôtres. Qu’est-ce qu’ils vont se farcir un nouveau conflit, en plus du reste ? Ce serait vraiment pas rentable.

Silence.

— C’est vrai, concéda lentement S’Olik, qui partageait avec la plupart des Ark-Ni une aptitude, sans doute surprenante pour d’autres sociétés, à changer d’opinion, quand on lui présentait un ensemble d’arguments solides.

Chez les Ark-Ni, c’était une simple question de survie. Persister dans l’espace requérait un haut degré d’adaptation et un haut degré d’adaptation exigeait d’être en mesure de balayer ses premières idées quand une solution alternative et plus convaincante se présentait. Tous les Ark-Ni étaient éduqués de sorte à pouvoir défendre farouchement leur opinion, afin d’être sûrs que toutes les solutions possibles émergent et soient entendus, mais aussi à adopter celle des autres, afin d’être certains que la bonne soit sélectionnée.

— Et Kayan dit vrai quand elle dit qu’on nous laisse assez libres. Mais il n’empêche que ça reste beaucoup plus exceptionnel que t’essaies de le dire, là.
— J’avoue. On peut p’têt envisager un planning progressif. Genre, un accord qui concerne soit juste une station, soit juste un petit groupe de vaisseaux républicains, et ensuite, après quelques mois, on agrandit le programme et ainsi de suite. Comme ça, ça laisse à tout le monde le temps de se faire une idée.

Cette fois-ci, ce fut au tour de Karm de rechercher l’approbation de Luke à travers la Force.
Luke Kayan
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- C'est tout à fait possible.

Renchérit Luke, heureux que la République lui ait donné un large éventail de possibilités. Ce qu'ignoraient les Ark-Nis et peut-être Karm -il ne le lui avait pas spécifié- c'est que les négociations avaient débuté en amont, bien en amont. Convaincre les autorités responsables du projet n'avait pas été simple. En tant que gros, très gros client, la République avait crée un contrat strict, jugeant que le peuple des Étoiles était gagnant parce que le regard d'une Grande Nation riche s'était posé sur eux. Expliquer les spécificités de ces êtres venus d'ailleurs avait été un casse-tête qui donnait un avant-goût de leur particularité en soi. Les Républicains avaient jeté de tels regard ahuris au Hapien que ce dernier les avaient presque senti courir sur sa peau, longer son échine pour finir sur son visage. Le jeune homme avait alors patiemment ré-affirmé que les Ark-Nis ne cherchaient pas à tout prix l'argent, ni à faire une marge de bénéfices sur le "Troc" proposé. S'ils s'intéressaient aux technologies, ce n'était pas suffisant pour leur faire risquer leur indépendance et la relative sécurité qui en découlait. De longues heures avaient donc été nécessaires pour que les autorités compétentes se sentent endettées envers lesdits Ark-Nis et acceptent un contrat pour le moins flexible. Le Jedi mettait tout son coeur dans ces négociations parce qu'il souhaitait à la fois contenter l'Ordre- qui lui avait demandé de coopérer avec la République.- et Karm.

Attablé au milieu des chevelus argentés, le jeune homme sentit ses muscles se détendre légèrement. Des cas comme S'Olik pouvaient faire échouer toute avancée, y compris exploit en terme de négociations. Un peuple aussi fermé avait tendance à suivre le mécontent de leur groupe, logique ou non. Aujourd'hui, surprise, S'Olik s'était rangé à l'avis de Karm, et pas uniquement parce que c'était Karm. Les idées préconçues du Hapien concernant une jeunesse frivole et immature s'effacèrent, il venait de comprendre l'une des clés de la sagesse Ark-Nis: l'humilité. Abasourdie par l'intelligence de son précédent détracteur, le Jedi hocha la tête pour saluer son choix. Dans le même temps, il envoya une onde approbatrice et reconnaissante à son compagnon, conservant, cachée au fond de son âme, cette impression que Karm excellait dans de nombreux domaines, y compris, bientôt, dans celui de la diplomatie. Il était clair désormais que c'était Luke qui avait le plus besoin de son ami. Cela l'effrayait autant que le satisfaisait car évidemment, l'épanouissement du Chevalier Turquoise était une de ses grandes priorités, avec celle de son Padawan évidemment, et le bien-être de Saï, de la Galaxie. Lui passait en dernier. Jugeant donc l'explication efficace de Karm comme une victoire, le chevalier leva son verre, achevant d'adoucir l'ambiance avec une maladresse qui rappelait de temps à autre sa cécité. Un geste un peu trop vif et l'eau jaillit hors de son abri de verre pour épouser sa tunique, légère, en coton. Visage, cheveux et haut trempés, le jeune homme eut, par chance, le réflexe d'éteindre ses réflexes justement de ne pas reculer pour éviter que le liquide ne se déverse davantage. Évidemment, un geste aussi brusque aurait signifié une catastrophe.

Le blond rougit comme un gamin pris en faute, ah tiens, le voilà crédible le chevalier Jedi sensé être capable d'enchaîner saltos et démonstrations de pouvoirs. Afin de ne pas en rajouter, il quitta la table calmement, se fit montrer les toilettes, puis une fois dedans, s'appliqua à user la Force. Grâce à un dérivé de la télékinésie, le Chevalier isola les gouttes d'eau du tissu et les aspira, les attrayant à lui afin de former une "boule" transparente et mouvante. Il reversa ainsi la majorité du liquide dans un lavabo trouvé à tâtons juste avant. Sa tunique était désormais légèrement mouillée mais tout à fait mettable et il put revenir pour le dessert. Il avait jugé inutile de modifier l'impression de maladresse offerte aux yeux de tous -selon lui- par une démonstration qui aurait pu choquer, amuser ou impressionner ce peuple supersticieux. Le blond ne voulait pas risquer de les effrayer et se vanter n'était pas son genre, raison pour laquelle il s'était isolé.

La suite se passa sans incident, la conversation reprit son cours sur un ton plus léger et le Hapien de bonne humeur participa à sa façon. Discret, il écoutait plus qu'il ne parlait, s'appliquant à répondre, conter selon ce qu'on attendait de sa personne. Il retrouva la mère de Karm dans la cuisine pour débarasser, sachant cette fois que c'était elle. La femme lui semblait plus atteignable désormais, connectée à lui par le biais de son attention à défaut de la Force. Toujours maladroit en ce qui concernait les Insensibles, le Hapien lui offrit un sourire, mais elle en attendait plus. Un "hum hum" lui fit comprendre qu'elle souhaitait qu'il parle, peut-être pour tirer une conclusion ou juste faire entendre le son de sa voix. Luke opta pour quelque chose de sincère, concret, la première pensée qui sortait de son esprit.

- Merci. Merci d'avoir laissé Karm partir, et nerci de l'avoir éduqué ainsi, d'avoir été une mère, il apporte beaucoup à tout le monde, à cette Galaxie, à moi.

Rouge de honte, le jeune homme sortit, bousculant un peu son compagnon au passage. Il n'avait aucunement l'habitude de communiquer sur des sujets aussi personnels avec des civils, avec n'importe qui en vérité. Au moins il avait été sincère bien que certains de ses propos risquaient de sembler obscurs, mais, "merci d'avoir été une mère" était un immense compliment venant d'un enfant battu au point d'y laisser sa vue, une partie de sa vie.

La soirée s'étirait doucement autour des tables séparées, rangées. Certains Ark-Nis restèrent mais Luke, fatigué par tant de mouvement autour de lui dans un lieu si étroit, totalement inconnu, avait pris congé. Ses émotions l'avaient achevé, il était heureux mais épuisé, peut-être plus que sur Belsavis ou durant des missions où ils ne dormaient pas et mangeaient à peine. C'est toutefois heureux que le Chevalier somnola jusqu'à l'arrivée de Karm, bien qu'il fut incapable de dire combien de temps après celui-ci l'avait rejoint. Avec un sourire, à demi groggy Luke l'appela d'un geste de la main, bras tendu. Une onde de Force le traversa pour envoyer une brise taquine sur la tenue de son ami. Utiliser si peu la Force en une soirée pourtant si émotive était un record pour lui, désormais elle bouillait d'impatience en lui.

- Merci.- Fit-il, conscient qu'il se répétait beaucoup aujourd'hui, mais comment faire autrement,- Dit donc, tu deviens un vrai diplomate, je t'ai bien remarqué, clair, à l'aise et surtout capable d'ajuster son discours au type de public. Très important ça, identifier le type de public. Bravo.

Le félicita Luke, un grand sourire au bord des lèvres. Une partie de sa bonne humeur était dûe au fait qu'il avait remarqué l'avancée dans les négociations, lesquelles tournaient en leur faveur. Tout n'était pas encore gagné mais presque. Il se fichait bien de la République mais était ravi pour l'Ordre ainsi que les Ark-Nis qui pourraient sans doute commencer à s'ouvrir comme l'espérait son compagnon. Il se prenait d'amitié pour les Étoilés et se sentait concerné par leur sort. Ce contrat ne pouvait qu'être positif malgré l'influence négative d'une "Grande Nation" dans certains domaines: la drogue ou le vice par exemple. Cela dit, la sagesse de ce peuple l'avait impresionné et le Jedi ne s'inquiétait pas trop, ils sauraient résister aux conséquences néfastes. Quoiqu'il en soit, Luke se promit de suivre l'évolution future de près concernant les papiers ou projets. Pas question qu'un entrepreneur sans vergogne s'infiltre et commence à s'enrichir sur le dos des Ark-Nis.

- Est-ce que tout se passe comme tu le voulais? Ça va ?

Demanda doucement Luke à son ami, conscient que ce dernier devait espérer beaucoup plus de ces retrouvailles qu'une signature de contrat. Avait-il seulement pu parler avec sa mère qu'il craignait d'imprégner de sa culture métisse? Et quelle impression avait-il laissé, lui? Était-il aussi "parfait" qu'avant le repas?

Les joues du chevalier rougirent légèrement en se rappelant qu'ils étaient enfermés. seuls. Après ce brouhaha, se retrouver faisait du bien. S'il n'avait pas été suffisamment timide pour couper court à toute envie, il aurait probablement attiré son ami contre lui, en cet instant.  
Karm Torr
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— Ton Kayan, là.
Mon Kayan ?

Karm avait suivi du regard Luke qui s’était éclipsé dans la cuisine, alors qu’il venait lui-même y retrouver sa mère.

— On dirait qu’il…

La femme tapa de l’index et du majeur sur son coeur, un signe qui, chez les Ark-Ni, évoquaient le sentiment amoureux. Décidément, l’instinct maternel n’était pas une légende. Karm esquissa un sourire plus fier que véritablement timide, alors qu’il entreprenait de mettre de l’ordre dans la cuisine. Dans la salle, la musique commençait : les Ark-Ni avaient sorti des instruments fabriqués de leurs propres mains. C’était une activité traditionnelle, et importante.

— Il y en a d’autres ?
— Oh non.
— Pourquoi pas ?

Question typiquement ark-ni. Karm referma un droïde de lavage et réfléchit à la meilleure manière de présenter les choses. Mais comment expliquer à une femme qui évoluait dans un environnement où l’exclusivité sentimentale et sexuelle relevait de l’exception, et même du défaut, qu’il avait grandi dans un monde où la chasteté était valorisée, et l’exclusivité relevait d’une évidence.

Il finit par hausser les épaules.

— C’est juste… Comme ça.

La réponse était peu satisfaisante. Sa mère le fixait intensément. Karm détourna les yeux. Il n’avait pas envie d’évoquer des aspects de sa vie qu’elle pût désapprouver. C’était un peu mentir, sans doute, par omission, mais il voulait qu’à son départ, sa mère le voie comme un héros, et qu’elle soit sûre d’avoir fait le bon choix, bien des années auparavant.

— Tu continues…, demanda-t-elle, en désignant la porte d’un geste de la tête, et par conséquent le concert qui s’y improvisait ?

Karm hocha la tête et, quelques minutes plus tard, ils participaient à leur tour aux réjouissances. Deux ou trois heures se passèrent ainsi avant que Karm ne décide de rejoindre Luke. L’absence de l’Hapien avait été remarquée, mais Karm l’avait justifiée en la mettant sur le compte de la diversité culturelle, et comme on imagine toujours facilement que l’étranger est radicalement différent, l’excuse n’avait pas semblé étrange.

Il se glissa dans leur cabine et adressa à Luke un sourire qui résonna aussi dans la Force. Tout en entreprenant de se déshabiller pour dormir, il eut un rire léger au compliment de son ami.

— Ouais, ‘fin, j’suis un vrai diplomate quand je parle à mon propre peuple, d’un sujet que je maîtrise un peu et qu’on a préparé pendant des mois. On peut pas dire que j’commence par le plus difficile. Mais j’aime ton optimisme, Luke.

Comme souvent, le prénom du Consulaire avait été prononcé avec une inflexion tendre, qui le transformait pour Karm en une déclaration d’amour. Le jeune homme se débarrassa de son dernier vêtement avant de disparaître dans l’étroite cabine de lavage. Les jets haute pression d’eau savonneuse furent suivis du séchage automatique. Deux minutes, montre en main. Le confort des longues douches chaudes n’était pas à l’ordre du jour, chez les Ark-Ni.

Karm émergea de la cabine et vint s’asseoir sur le lit.

— J’pense que les négociations se déroulent bien, oui. J’m’attendais pas non plus à ce qu’on rencontre des difficultés considérables, faut avouer. Pour le reste, ma foi…

Il se glissa à son tour sous les draps, adossé à l’oreiller, avant de passer un bras sous la taille de Luke, pour l’attirer doucement contre son corps nu. L’Hapien eut aussi le droit à un baiser dans les cheveux.

— Les conversations avec ma mère, ça reste limité. Mais c’est déjà ça. Puis en vrai, je sais pas ce que j’attends précisément, j’ai pas forcément… ‘Fin, c’est difficile à décrire. J’ai des souvenirs de ma famille, des gens que j’aime, mais c’est des souvenirs lointains, et maintenant, tous, ils sont quand même presque des inconnus pour moi. Alors je me sens proche et très étranger. Concilier les deux, c’t’un exercice délicat. En fait, si t’étais pas là, j’me sentirai très seul ici.

La main de Karm qui n’était pas occupée à tenir Luke tout contre lui se glissa dans les cheveux de son compagnon pour les caresser. Lui aussi accueillait bien volontiers cette solitude qui les rapprochait enfin et il se rendait compte à présent que l’Ordre avait cultivé en lui le goût et l’habitude de ces moments d’isolement, si rares dans les coursives des vaisseaux ark-ni. Véritablement, la vie de son ancien peuple ne le faisait pas rêver.

— Mais c’est une bonne chose, je crois. Ça veut dire que j’ai trouvé ma place là où je suis. En vrai, ça me rend pas nostalgique. Plutôt encore plus sûr de mes choix de vie.

Et ce n’était certes pas le corps blotti contre le sien qui le ferait changer d’avis.

— Et toi ? Ma mère a l’air de bien t’aimer, puis les autres gens aussi. Ils se sont demandés pourquoi t’es pas resté pour la musique, mais à part ça, t’as fait bonne impression. Moins stressé, du coup… ?
Luke Kayan
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- Ta mère ne parle pas beaucoup, je sais d'où te viens ta surprenante éloquence innée, si tu me le permets. - S'amusa le jeune homme en se souvenant non sans une certaine gêne du silence entre lui et Miss Torr.- Cela ne change rien au fait que je l'apprécie, du moins pour le peu que je la connaisse. Je n'aime pas les gens qui parlent pour rien. Moi non plus je ne m'établirais pas ici, mais ton peuple n'en reste pas moins fascinant. Ils possèdent des capacités rares, trop souvent oubliées, qui pourraient même condamner les Jedis au chômage à la longue.

Un frisson naquit là où les doigts de Karm s'étaient posés, il s'étendit de la racine jusqu'aux pointes de sa blonde chevelure jusqu'à épouser ses reins, et pulser vers le bas. Lancinantes, prometteuses, effrayantes ondes annonciatrices d'un contrôle difficile à garder. Le jeune homme ferma ses yeux qu'il sentait le tirailler, brûlantes comme celles d'un voyant qui avait passé sa journée devant l'écran de son ordinateur, cumulant, de plus, un nombre réduit d'heures de sommeil. Clore ses paupières lui procura un bien-être démesuré en comparaison avec la simplicité de ce geste, il poussa un soupir satisfait et s'adossa davantage contre le Chevalier Turquoise. À la faveur d'une obscurité peu profonde mais toutefois propices aux cachotteries, Luke rougit de sa propre déception, comme d'habitude, il s'était couché recouvert d'un tee-shirt léger ainsi que ses sous-vêtements. Aujourd'hui il regrettait presque ses habits.

- Si c'est une bonne chose, c'est bien. Je suis content que ta voie continue de se dessiner en ce sens, chaque jour plus ferme, comme l'est la mienne.

Lui aussi était heureux de faire partie de l'Ordre, plus important encore, de participer à cette Grande Cause aux côtés de Karm. Chacune des paroles de son ami, au fil du temps, le rassuraient en ce sens, réduisant la timidité de sa confiance déjà éprouvée. Alors qu'avec Jason, il avait découvert que tout n'était pas aussi beau que le laissait présager le début, le Hapien semblait fusionner un peu plus avec l'Explorateur. Plus il le connaissait, mieux Luke se sentait, mis à part des tensions habituelles dans tous les couples, des opinions divergentes, mais au font tout ceci n'importait guère. Tous deux étaient raisonnables et ils avaient surtout le désir d'avancer dans la même direction.

- Je le pense sincèrement. Tu t'améliores, et me targuer d'optimisme est mal me connaître. - Rit le jeune homme, habitué à ce qu'on le traite justement du contraire. N'était-ce pas lui qui lisait ou se faisait lire le mode d'emploi du vaisseau en entier avant d'y monter? Parce qu'il croyait qu'une série de circonstances frôlant le ridicule pouvaient lui tomber dessus. Luke prenait au premier degré les hypothèses lancées par ces fameux manuels, les pires catastrophes contemplées sous toutes leurs angles et frisant la paranoïa. Toujours espérer le meilleur mais s'attendre au pire.- Je suis désolé d'être parti, j'espère ne pas avoir froissé les Ark-Nis, ta mère.

Reprit le blond en chuchotant sur le ton de la confidence. Il rouvrit momentanément les yeux, ces derniers papillonnèrent un seconde avant qu'il ne reprenne avec la même douceur à laquelle Karm recourrait quand il prononçait son prénom.

- J'aurais dû supporter la fin de soirée. Hum... Supporter n'est pas le mot, excuse-moi, parce que je ne pense pas en ces termes, c'est juste difficile à expliquer. Attends

Le Consulaire s'arrangea pour se retourner. Ses cheveux allongés sous lui le tiraillèrent jusqu'à ce qu'il leur fasse suivre le mouvement. La moitié était désormais étalée de l'autre côté de l'oreiller, laissant le champs libre à leur visage pour qu'ils se rapprochent. Leurs souffles -un peu mentholé en ce qui concernait Luke après son soigneux lavage de dents.- s'entremêlaient, il soupira, ferma à nouveau ses yeux brûlants pour reprendre.

- Je m'excuserai demain.- Promit le Jedi pour commencer avant de lancer dans les explications dues.- Je suis aveugle,- Il se souvint avoir dit une fois cette phrase, la jetant presque brusquement en pâture à un Karm lui demandant s'il avait déjà fait du rafting. Aujourd'hui le constat avait été doucement un peu tristement énoncé. Le jeune homme détestait en effet remarquer que son handicap les avaient éloignés ne serait-ce que quelques heures. Des heures qu'ils auraient pu passer à apprécier la musique, décompresser loin de l'inquiétude des négociations (supposément faciles ou non.) ou pire encore de l'île infernalement paradisiaque de Noctis. Il était désolant de confirmer que c'était dans des situations quotidiennes que le Hapien, victime de ses limitations physiques, ne puisse résister à la pression.- et pour nous, ce type d'endroits, tous ces gens, ces voix qui sortent de nulle part, c'est difficile à supporter. J'ai pu apprécier la gentillesse de ton peuple, y compris me détendre, mais c'est en partie dû à l'épuisement grandissant que j'ai relâché mes muscles.

Luke savait que la Force alliée à sa débrouillardise naturelle dans ce domaine faisaient souvent oublier son handicap, pour autant c'était dans ce type de cas que la différence était bien visible avec les Miralukas, des êtres naturellement nés sans yeux.

- Je ne sais pas si vous, les voyants, il vous arrive d'avoir cette impression, des sons qui s’entremêlent au point d'en devenir incompréhensibles, un brouhaha permanents, presque des acouphènes. Vient ensuite ce chavirement du corps, la perte des repères. C'est ce qui m'arrive lorsque les autres sens trop sollicités disent "ça suffit", je n'aurais été qu'une loque et je ne voulais pas donner l'impression de m'ennuyer. En plus je ne savais pas qu'il y avait un concert.

Ajouta-t-il sur un ton joyeux bien qu'il semble aussi penaud et chagriné d'avoir déçu. Cette fois, la Force ne l'avait pas beaucoup aidée, contribuant en réalité à l'enfoncer, le confondre davantage. Les bruits, les auras qui courraient, se mélangeaient, explosaient l'une contre l'autre comme deux poitrines qui s'entrechoquent violemment. Le Hapien avait vécu une soirée des plus émotives à son goût et comparé à ses habitudes. La vie de civil n'était pas de tout repos et le jeune Jedi avait d'autant plus de mal à s'adapter à cause d'un caractère bien particulier, doublées se séquelles d'un passé difficile. Il avait eu du mal à supporter, vers la fin, tous ces doigts confiants désormais qui le touchaient, l'invitant à raconter telle ou telle aventure et à prêter attention à ce groupe de personnes plutôt qu'à un autre.

- Enfin; J'avais envie de te retrouver.

Acheva le Consulaire en avançant le cou afin de dérober un baiser sur le recoin des lèvres de son ami. Il recula ensuite, toujours partagé entre la culpabilité d'avoir agi comme un gosse capricieux et le désir, chaque fois plus ardent qui le consumait. C'était la seconde fois que cela lui arrivait après leur exploration sur la planète déserte où il avait de façon plus ou moins claire incité Karm à franchir la barrière de l'Amour platonique. Rouge au point que ses joues ressemblent à deux plaques chauffantes, le jeune homme enfoui son visage sous sa main, pour un peu il aurait gloussé. Inconsciemment, peut-être, il avait récupéré la paume de Karm, précédemment chassée lors de son changement de position, pour la poser sur sa hanche puis remonter. Le tee-shirt se leva légèrement, Luke frissonna à nouveau. Il était plutôt chatouilleux à ce niveau.
Karm Torr
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— T’inquiètes, Luke, chuchota Karm, le visage tout près de celui du Consulaire.

Sa main se glissa sous le t-shirt. Ses doigts remontèrent le long du flanc de l’Hapien. Sa paume épousa le dessin de sa taille. Sentir la peau de Luke sous la sienne. La Force qui pulsait à l’intérieur de lui. Pour Karm, c’était toujours un petit miracle. Le désir l’envahissait et, dans ce désir, il trouvait à chaque fois de nouveaux mystères et une nouvelle voie. Il y avait quelque chose, là, quelque chose d’infiniment plus beau et plus noble que ce que les Maîtres conservateurs voulaient bien leur dire du sexe, mais dont il ne parvenait pas encore tout à fait à exprimer l’essence avec des mots.

— J’suis sûr que personne a vu ça comme un affront et c’était certainement pas une obligation d’assister. Et y aura d’autres occasions pour entendre de la musique.

Depuis tous ces mois qu’ils avaient passé ensemble, Luke n’avait pas encore eu l’occasion d’entendre Karm jouer d’un instrument, pourtant. L’Ark-Ni avait chanté, un peu, pour l’Hapien, mais il était resté très pudique à propos du violon qui dormait sous son lit, au Temple. Et il parlait ordinairement si peu de la musique, qu’il eût été difficile de se comprendre la place qu’elle tenait dans son imagination.

Ses doigts redescendirent le long du flanc de Luke et passèrent sur le pantalon. Ils caressèrent sa cuisse, à travers le tissu, et Karm laissa échapper un soupir dont la chaleur ne laissait guère de mystère sur les impressions que ces caresses éveillaient en lui. Doucement, il poussa son ami à s’allonger sur le dos et, lui-même étendu sur le côté, redressé sur un coude, il laissa sa main se faufiler à nouveau sous le t-shirt, pour caresser le ventre, et le torse, de Luke.

— Mais oui, j’comprends c’que tu veux dire. En fait… J’en ai jamais parlé à personne sauf à Tavaï… Puis c’est pas non plus super important… Mais bon, bref. En fait, quand je suis arrivé au Temple, c’était presque une torture, pour moi, tout ça. Les gens, et… et… Le bruit et… Les couleurs. Désolé, les couleurs, ça fait problème de riche, mais bon, c’était comme ça.

Parfois, les doigts de Karm descendaient un peu plus bas sur le ventre de Luke. Ils se glissaient même sous son pantalon. Juste un tout petit peu. Quelques centimètres. Avant de remonter. La nudité de Karm, elle, ne cachait rien de son désir — et désormais, après ses exploits sur Pakuuni, tout l’Ordre Jedi et une bonne partie de l’armée républicaine étaient au courant que les mensurations de l’Ark-Ni, en la matière, n’étaient pas exactement discrètes.

— Parce que bon, dans la Flotte… Toi, tout ce bruit, ça t’a un peu chamboulé, mais la vérité, c’est qu’on parle pas fort, que souvent c’est le silence. Et c’est toujours tout le temps la même température. Plus ou moins la même lumière. Et les mêmes couleurs. Pareil pour la nourriture. Ce qu’on voit, ce qu’on sent, ce qu’on entend, c’est pas super varié. Avec le temps, t’apprends à trouver de subtiles différences, des variations même dans le monocorde, mais quand même.

Karm se pencha pour déposer un baiser sur le ventre de Luke, que le tee-shirt définitivement remonté découvrait. Et un autre. Et un troisième. Avant de poursuivre :

— Quand j’suis arrivé au Temple, sur Ondéron. Ma première planète. J’avais six ans. C’était… Super violent. Toute cette lumière, et la chaleur, et le bruit. Les gens qui criaient tout le temps, enfin c’est ce que je croyais. Les manières de bouger me semblaient plus… agressives. Les expressions plus vives. J’avais mal aux oreilles et aux yeux tout le temps. Je tombais tout le temps malade. C’était… affreux.

Combien de fois avait-il pleuré dans son dortoir en rêvant de revenir chez lui, de retrouver sa mère, ses frères et ses sœurs, toute sa famille ? Combien de fois avait-il repoussé ses peines et ses souffrances, pour ne pas faire honte aux siens, en renonçant si vite ?

— Puis j’me suis habitué…

Cette fois-ci, Karm retira pour de bon son t-shirt à Luke. Un attentat à la pudeur qui fut aussitôt suivi d’un baiser sur l’épaule.

— Mais aujourd’hui encore, quand y a beaucoup de bruit, quand j’suis dans une grande assemblée où les gens chuchotent pas, où les gens se coupent la parole, pas comme ici, ça me met mal à l’aise. Pour ça sans doute que j’aime l’exploration, les planètes désertes, les expéditions solitaires. Alors j’comprends très bien que tu te sois senti un peu submergé.

La main était revenue sur le flanc de Luke. Elle descendit encore plus bas. Se glissa sous le pantalon, pour caresser la hanche du Jedi.

— Et puis moi aussi, j’ai envie de te retrouver.
Luke Kayan
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- Plus que le niveau du son, je crois que c'est la monotonie qui me confonds. Ce brouhaha indistinct, tous ces bruits de la même hauteur, rien qui n'attire mon oreille, ne se remarque, ne sort de la masse des tonalités. Mais je comprends l'idée.

Si Luke était conscient des perturbations auxquelles Karm avait fait face dans sa prime jeunesse, il en saisissait l'ampleur réellement ces jours-ci. Son peuple observait des coutumes en certains points, radicalement opposées à celles que prônaient les mondes Républicains. Des choses naturellement acquises dès le plus jeune âge tel le genre n'existaient pas ici. La voix tant utilisée pour communiquer - du bébé hurlant pour réclamer son lait au géniteur usant de sons graves pour asseoir son autorité.- était, chez les Ark-Nis, reléguée au rang d'accessoire de confort, un appui pour la vue qui régnait en maître. Les confessions de son ami les rapprochaient, car ils avaient au fond, tous les deux dûs composer avec un handicap. Luke sourit lorsque Karm évoqua le "luxe" des couleurs, il n'avait jamais mal pris que quelqu'un y fasse référence voir s'en plaigne, pareillement pour les expressions typiques "c'est mal vu". De ce côté-là, Saï, probablement aidé par la nature même de son Padawan, avait réussi à le désensibiliser. Luke ne connaissait, dans ce domaine, aucune jalousie, sinon au contraire, une grande curiosité pour ceux qui possédaient encore ce bon vieux sens qui paressait gaiement chez lui depuis 18 ans.

- Si c'est important.

Chuchota le Hapien qui n'aimait pas que son ami minimalise son courage. Autant ceux qui jouaient continuellement du violon en se complaisant dans leurs défauts ou problèmes le fatiguaient, autant il voulait que les habitués au silence reconnaissent leurs difficultés, saisisse le chemin méritoire parcouru. Les sensations et sentiments de Karm étaient donc importants et le Jedi se sentait honoré de les partager. Cette Tavaï avait également eu cette chance mais n'avait rien su voir. Toute la sensibilité, la force de son ancien apprenti, ces émotions cachées par une apparence dure, parfois froide au point de friser l'indifférence. Derrière la cascade d'humour pince sans rire se trouvait un monde entier à explorer. Le monde de l'Explorateur.

- Moi aussi je m'habitue. Surtout quand ça en vaut la peine. Je ne passerai pas toutes les vacances que je n'ai d'ailleurs pas ici, mais ta famille est... Fascinante. Oui. Et je pense qu'en général elle est composée de gens honnêtes, simples dans le bon sens du terme. C'est vraiment vivifiant et on en apprend beaucoup sur eux, sur soi. Ne pas s'outrager de nos doléances, passer au-delà des difficultés.

Une expression joyeuse s'épanouit sur les lèvres du Consulaire qui accueillit d'un petit rire étouffé les baisers sur son ventre désormais découvert. Il était chatouilleux à cet endroit. Sa propre main répondit aux invitations à peine implicites, se promenant elle aussi sur les hanches, les jambes ou la poitrine. Tantôt la paume, tantôt le dos marchait, trottait ou galopaient sur les collines de côtes à peine saillante, les montagnes de muscles fins mais fermes. Son souffle mêlé à celui de Karm dégageait toujours cette légère odeur mentholée qui lui revenait à la figure. Il chercha les lèvres de son ami et sépara le peu de distance entre eux. Pelotonné à l'instar d'un petit chat contre le Chevalier Turquoise, toujours sur le flanc, il ramena ses jambes à lui. Ses genoux s'entrechoquèrent doucement contre les cuisses puis le bas-ventre, jusqu'à s'encastrer parfaitement. Ainsi recroquevillé, il semblait être la pièce manquante d'un puzzle vivant et respirant, parfois de manière saccadée. Débarrassé du haut par les bons soins de son ami, Luke retira le bas qui chuta doucement au sol, désormais ils étaient deux amas de chairs brûlants et palpitants. Les yeux fermés, le Hapien concentra son attention sur ses cils recourbés contre l'épaule de son ami, buttant sur la clavicule. Ses mains ramenées jusque là contre son propre corps aux courbes rendues un peu brutes par un léger manque de poids trouvèrent une chaire plus accueillante, quoiqu'à peine plus ronde. Enserré, Karm put sentir l'inflexion des bras de Luke qui le pressaient pour le ramener contre lui, davantage encore, il déplia ses genoux jusque là en position fœtale pour se coller davantage. Ventre contre ventre, jambes entremêlées, bassins qui se refusaient à laisser passer le moindre courant d'air entre eux. Le Conseil finirait pas approuver leur relation. Ils ne pouvaient que l'accepter, parce que Luke grandissait aux côtés du Chevalier Turquoise, peut-être à l'instar d'autres couples. Et si son aîné avait raison? Si les Anciens se trompaient en condamnant les relations ? Si la Force était vraiment si vivante, animée d'émotions et apte à s'émouvoir de l'amour que se portaient deux de ses enfants? En cet instant, le si réaliste blond avait la preuve que ça fonctionnait. Aucun ne semblait prêt à détruire l'autre ou entraîner une folie chez son comparse. Pourvu que cela dure, c'était vraiment tout ce que demandait Luke. Continuer à servir son cher Ordre, aux côtés de l'Ark-Ni.

- Je n'ai pas bien calculé, mais cela fera bientôt un an, il me semble. J'ai vieilli d'un an, mais grandi de 5 au moins.

Pousser l'autre à mûrir sans écraser sa personnalité. Luke demeurait toujours un peu rigide, prudent, sceptique, c'était dans sa nature, tout comme Karm pouvait être réfléchi ou impétueux, prompt aux "critiques" dès qu'il voyait que quelque chose n'allait pas, politiquement "incorrect" parfois. C'était dans sa nature. D'autres choses avaient changé, des détails qui les rendaient meilleurs. Luke avait apprit à voir au-delà du code, juste un peu au moins, tandis que l'explorateur se stabilisait, peut-être, près de son diplomate d'amant. Ils avaient grandi ce qu'il faut en conservant leur essence. Et ceci devait continuer.

- Et je n'ai... Aucune envie de rentrer. - Confessa-t-il, un peu honteux, comme s'il manquait à son devoir. Évidemment, si l'Ordre l'appelait, il rappliquerait de suite, Karm sur ces talons certainement. Mais il espérait que cet instant dure encore, que les heures glissent sur leur peau sans les atteindre.- Et si tu avais toi aussi, si hâte de me retrouver, fais-le. Retrouve-moi.

Acheva le Jedi d'une petite voix, étouffée par la timidité. Une timidité pourtant ferme. Il désirait suffisamment son aîné pour ne plus craindre qu'on les surprenne et ne plus écouter les grincements de vaisseaux, bruits hétéroclites que son cerveau honteux imaginait être des pas. Ils n'étaient plus sur cette planète déserte, mais... Presque dans le fond.
Karm Torr
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— T’sais, si ça t’intéresse, y a beaucoup de choses à découvrir, murmura Karm, dans l’obscurité, en serrant le corps nu de Luke contre le sien.

L’Ark-Ni bascula lentement sur le dos, en tenant Luke au-dessus de lui, pour pouvoir laisser ses mains courir librement sur le dos, la nuque, les reins, les fesses de l’Hapien. Son désir n’était que trop évident, prisonnier entre eux, mais, comme à son habitude, Karm ne paraissait pas presser de le concrétiser. Pour lui, c’était une sensation presque méditative, une nouvelle manière de sentir la présence de Luke, et à travers lui, toute la Force, et cette puissance créatrice primordiale.

— J’veux dire, dans mes explorations, c’est pas toujours des planètes désertes, parfois, je découvre des peuples pas… Je dirais pas primitifs, tu sais, mais isolés, et technologiquement… Pas industrialisés. Et c’est fascinant aussi. On peut mettre beaucoup de choses en perspective en découvrant ces cultures. Faut juste se prémunir des deux pièges fondamentaux : le mépris civilisationnel et l’idéalisation romantique.

Karm ne croyait ni au mythe du bon sauvage, ni au progrès à tout prix. Toutes les sociétés qu’il avait connues avaient de graves défauts, et nombre d’entre elles avaient des mérites significatifs. Parfois, bien sûr, il se laissait séduire par une nature luxuriante et une vie paisible, en communion avec l’ordre des choses, mais il se forçait toujours à conserver un regard critique sur les civilisations qu’il découvrait. La bienveillance ne devait pas être synonyme de naïveté.

— Souvent, après les premiers contacts, je passe le relais à des consulaires ambassadeurs, mieux équipés que moi, mais des fois, je reste dans les parages, quand le milieu naturel est un peu compliqué à gérer, pour les aider à s’adapter. Tu aurais tout à fait ta place.

Et c’était même, selon l’Ark-Ni, une expérience très utile que n’importe quel Jedi devrait avoir. La Galaxie était vaste et complexe, et on ne pouvait espérer bien la comprendre, sans en aborder la complexité.

— Et puis moi, tant que je t’ai près de moi… tout près de moi…

L’étreinte de Karm autour de Luke se resserra un peu plus, alors que l’Hapien lui confessait son envie de rester… et d’autres de ses envies. L’invitation de Luke résonna plus fort encore dans la Force que dans les mains. Quelques secondes plus tard, le Consulaire était renversé sur le dos. Ses lèvres assaillies par celles de Karm. Leurs corps se rejoignirent plus intimement encore, sous les mouvements de l’explorateur.

— … Luke…, souffla Karm, en libérant les lèvres de son amant. Viens… viens dans la Force…

Pour Karm, leurs étreintes étaient l’un des moments où leurs pouvoirs pouvaient se déployer avec le plus d’harmonie. La guérison venait balayer les douleurs inutiles. La Force aiguisait ses sens et ses capacités, pour le rendre plus attentif au corps de Luke, et plus endurant dans l’effort. Son sens de la détection lui faisait percevoir les opportunités — deviner, dans le désir et le plaisir partagés, le geste, l’angle, la vitesse qu’il fallait. Parfois, la Force, comme une vague télékinésique, courait sur la peau de Luke.

Et petit à petit, tous ces aspects se mêlaient, tous devenaient intuitifs, et il n’y avait plus qu’eux, enlacés, un seul et même corps, qui palpitait dans la Force éternelle. Avec une facilité qu’il n’aurait pas eu sans le soutien de ses pouvoirs, Karm souleva Luke tout contre lui alors qu’il s’asseyait sur ses talons. La chaleur du vaisseau ark-ni, avec ses moteurs qui ronronnaient, ses énormes turbines, faisaient perler la sueur sur leurs muscles.

L’aura de Karm se mêlait à celle de Luke. Son esprit, son âme, cherchaient à pénétrer l’Hapien comme il avait pénétrer son corps, alors que, après un baiser, il le couchait à nouveau sur le dos et, que, à genoux entre ses cuisses, il lui offrait des assauts plus ardents, pour le pousser encore un peu plus à s’abandonner à ses intuitions les plus profondes et au secret de l’existence qui y dormait.

Pour Karm, il y avait la médiation de quiétude, la méditation de guérison, la méditation et de combat — et la méditation érotique. Le plaisir qui irradiait du bas de son ventre et gagnait toute sa peau, tous ses muscles, sa gorge et ses lèvres, ses doigts qui empoignaient Luke pour le masser, ce plaisir était une porte ouverte sur des mystères de la Force vivante, impossibles à découvrir ni à formuler autrement. Ce qu’il poursuivait, c’était à la fois la satisfaction partagée d’exister et la révélation qui éclatait au grand jour, au moment suprême de la jouissance.
Luke Kayan
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L'admiration aveugle, sans discernement. Un versant extrême de la curiosité dont Luke s'était toujours méfié. Pour autant, il flirtait parfois avec les limites, notamment en ce qui concernait Karm. Saï aussi à bien y réfléchir. C'était les deux références précises dont le Jedi disposait, tandis que l'Ordre en représentait une plus floue. Une organisation dont il ne savait pas très bien où les frontières s'arrêtaient, composé de gens que Luke ne connaissait évidemment pas tous. Il admirait le Conseil, sa sagesse en général, sans être capable de se poser pour suivre un modèle concret. C'était louable mais insuffisant pour le jeune homme qui s'était donc raccroché à deux êtres qui le personnalisaient. Heureusement, le caractère doux, mesuré du Hapien l'avait jusque là protégé de tomber dans les extrêmes, sans compter la propre condition de ses aînés. Saï était naturellement bon, Karm fidèle aux principes de l'Ordre. L’idéalisme du blond s'inspirait donc de sources pures, peu dangereuses pour sa santé mentale, ce n'était donc pas si grave qu'il perde son objectivité les concernant.

Le reste avait le droit à une approche posée de la part du blond, lequel savait reconnaître les symptômes d'un amour trop inconditionnel, d'une tumeur bénine de fascination capable de devenir cancéreuse en cas d'abus. Et surtout, le Chevalier Turquoise l'y était. Reconnaissant la véracité de ses propos, le blond rougit légèrement. Il était vrai que sa suspicion envers les Ark-Nis s'était muée en un intérêt grandissant, voir une admiration, n'avait-il pas exprimer que sur le long terme, une mentalité semblable à la leur justifierait la fin des Jedis? Pourtant tout n'était pas parfait dans cette société, dans aucune d'elle.

- J'aimerais découvrir tout cela.

Ces nombreux voyages en compagnie de son ami étaient prometteurs. Outre les connaissances théoriques non négligeables, le Jedi pourrait sans doute apprendre à se tempérer davantage. Il avait si peu connu le monde extérieur finalement, et ce malgré sa chance relative. Saï l'avait toujours emmené partout, le traitant comme quelqu'un de normal et non incombé d'un handicap lourd, il s'était donc promené au sein de la Galaxie. Enfin, une partie, et plutôt restreinte étant donné l'âge ainsi que le travail de diplomate de son maître. Méconnaissant la société qui évoluait sur Ondéron, Coruscant et par extension, d'autres implantées plus profondément encore dans les racines de la République, le jeune homme était pour l'instant prédisposé à s'attacher à n'importe quelle culture se montrant sage, apte à raisonner ou peu attachée au matériel. Autant de points positifs qui faisait que leur duo de fonctionner. Encouragés au niveau professionnel, les deux Jedis n'avaient pour l'instant aucun mal à convaincre le Conseil de continuer à les envoyer en mission ensemble. Une des conséquences était la tolérance frileuse de leur relation qui se devinait davantage au fur et à mesure, saillant sous la peau lisse de leurs convictions à l'instar d'un muscle travaillé chaque jour patiemment. Le processus toutefois lent, presque naturel permettait au Hapien de s'adapter, de refuser la fuite. Le temps venu, ils feraient face aux sous-entendus, renforçant, en attendant, les preuves que leur amour n'était pas un frein à la Cause.

- Tant que tu ne te lasses pas de moi, ça me va.

Répliqua-t-il avec douceur, admirant la convergence presque idyllique de leurs idéaux et de leur tendresse. N'était-ce pas trop beau pour durer? Les fissures, brèches finiraient-elles par apparaître , un peu à l'instar des sociétés idéalisées au début dont on finissait par saisir les défauts à force de les côtoyer. Le Consulaire l'ignorait mais refusait de se prêter à ce jeu de prédiction malsaine. Pour l'instant tout allait bien, pourquoi chercher absolument le drame?

Le jeune homme se rappela d'un de leur flirt dans une cabine de vaisseau, tandis qu'ils se rendaient sur un monde, à vrai dire il ne savait plus trop lequel. Leurs gestes tendres avaient été limité par le délai de vol mais surtout la concentration à fournir pour la mission. Ils s'étaient donc embrassés, émoustillés, douceur douloureuse d'un moment qu'ils avaient dû se résoudre à amputer. Ce soir, rien ne les empêchaient de s'unir, et surtout pas le temps dont ils disposaient. De nombreuses heures à ne pas gaspiller, un esprit libre de stress ou de souvenir pénibles, comme celui de la maltraitance vécue plus jeunes. La mission suivait son cours, telle une rivière sage.

Luke laissa honteusement, pour une fois, s'écouler les secondes. Il se maîtrisait quoiqu'avec difficultés pour frustrer, alanguir Karm même si des deux, c'était ce dernier qui maîtrisait mieux l'art de l'amour. Il libéra, non sans soulagement, ses pouvoirs jusque là restreints pour éviter la confusion au sein du vaisseau. Sa propre empreinte s'enroula autour de celle de son compagnon. Leurs auras se réunirent beaucoup plus rapidement que sur Vonghaï quand ils avaient soulevé cette énorme plaque de métal pour fabriquer un vaisseau de fortune. Ils avaient l'habitude. Au quotidien, cela leur arrivait, souvent à petite dose, de manière imperceptible. Aujourd'hui c'était puissant, magique. Tel un filament doré impatient mais discipliné, la Force du Hapien filtrait doucement, s'allongeant et s'épaississant au fur et à mesure. Il grandissait, s'affirmait, s'illuminait. Comme un lierre indulgent, c'était en se nourrissant de l'autre Source de pouvoirs sans l'étouffer qu'il s'élevait.

Luke était désormais incapable de savoir si le plaisir qui irradiait son corps était physique ou spirituel, probablement les deux. Il accompagnait chaque mouvement, resserrant l'emprise en plaçant ses jambes contre le bassin de son ami. Impossible de penser cette fois, au bien ou au mal de leur union charnelle. Autant le jeune homme avait pu se demander s'ils ne justifiaient pas une relation égoïste par un quota de missions réussies, autant aujourd'hui il ne parvenait pas à trouver une once de saleté ou de bassesse primitive à leur acte. L'intimité, la tranquillité des lieux devaient sans doute aider. Perdus au milieu des étoiles, qui pourrait leur reprocher quoique ce soit, les vilipender sinon lui-même? Mais que ce soit un bien ou un mal, présentement, le Consulaire n'en avait pas la force. Il agissait en lâche mais ne se sentait étonnamment pas rétif à l'idée. Être couard, ne se poser aucune question, juste accepter le soulageaient. C'était facile, trop facile d'entretenir cette relation tout en continuant d'évoluer au sein de l'Ordre, de se trouver des excuses, mais tant pis, cela fonctionnait. Alors.

Malgré son habitude d'être discret, le Jedi ne pouvait s'empêcher de laisser s'échapper des gémissements étouffés de plaisir, surtout lorsque le dénouement approchait. Il se redressa sur le coussin, certes un peu dur, de la cabine pour mieux recevoir Karm, mieux l'appuyer contre son corps, l'inviter à explorer les tréfonds de son âme.

- Je t'aime.

Murmura Luke à l'oreille de son ami, cette fois-ci, juste avant le moment ultime. Dans un dernier geste lucide, il passa ses mains dans la chevelure argentée, si particulière -au-delà de la couleur, car il lui semblait être désormais capable de ne confondre cette soie capillaire avec aucune autre.-, les ramenant ensuite derrière la nuque, en coupelle. D'une pression impérieuse il guida ce cou, cette mâchoire et lèvres jusqu'aux siennes pour sceller le pacte d'amour, ou plutôt le renouveler.

***

- Aïe!

Une vague d'empathie envers S'Olik, l'Ark-ni dont il avait plus ou moins deviné une grande stature, traversa le corps endolori de Luke. Toute la "souffrance" irradiait de deux points: le coude et l'orteil droit. Saleté de douche étroite. Comment faisait ce peuple pour ne pas s'abîmer à longueur de journée? À moins que Karm n'ait pas jugé de lui parler de la peau de ses congénères couverte de bleus? Quoiqu'il en soit, lui en aurait deux beaux qui émergeraient le lendemain. Qu'importe. Tee-shirt et sous-vêtements en place, il se glissa contre son compagnon, faisant fi de l'étroitesse du lit, bien qu'une petite pensée voyagea à nouveau, à l'intention du pauvre S'Olik disposant d'un gabarit beaucoup plus développé que ceux de sa race.

Sous un rai de lumière artificiel perçant à travers les volets, Luke s'habilla, sans trop savoir pourquoi, en civil. Habituellement il affectionnait sa tunique ample ainsi que sa toge brune, trouvant paradoxalement douce, sa surface rêche. Aujourd'hui cependant, intuition ou simple hasard, il se saisit d'habits qu'il trouva pliés sur une chaise qu'il n'avait pas repéré jusque là. Ils pouvaient et devaient certainement dater de la veille d'ailleurs, mais Luke était trop occupé pour jouer les explorateurs à cette heure-là. Rougissant à ce constat, le Jedi caressa un instant le tissu, humant l'odeur de lessive qui en émanait. Comme les effets étaient à peu près à sa taille, le Hapien supposa qu'ils étaient pour eux. Un peu difficiles à enfiler car propres et repassés, ils dessinaient une preuve supplémentaire de la discrète hospitalité des Ark-Nis à leur égard. Luke se réjouit de savoir que ceux-ci avaient peut-être préparé la chambre pendant la réunion ou même le repas. Il aimait imaginer que ces "soins" étaient en partie dus au fait que la mère de Karm l'appréciait réellement, au moins un peu. En tout cas, le côté officiel ayant perdu de sa valeur par ce simple geste, le blond espérait "toucher" davantage la famille, l'approcher, tant pour favoriser l'issu des négociations à leur avantage que par simple goût. Il avait envie de plaire au peuple étoilé. Sans trop les idéaliser se souvenait-il. Il devait faire attention.

Le jeune homme quitta discrètement la cabine après un regard absent mais tendre jeté à son amour. Il ignorait si celui-ci dormait encore, mais au cas où il referma doucement la cabine et se mit à prospecter le vaisseau. Avec un peu d'aide, le Jedi en trouva une tranquille où il put faire ses exercices. Enfin relativement vu que Dax le retrouva et insista pour méditer en sa compagnie. Hélas, ce dernier était beaucoup moins discipliné qu'un Padawan. L'idée irrita légèrement Luke sur le coup mais il finit par en sourire, trouvant les tentatives d'ouverture d'esprit du gamin attendrissantes. Escorté par ce dernier après une série d'assouplissement et de travail sur les muscles, il se retrouva dans la même cuisine que la salle. Désormais tout le monde vaquait à ses occupations, se saluant avant d'emporter son assiette, de la ranger ou simplement de filer vers leur poste. Luke prépara trois sandwichs à l'aide de Dax, apparemment fasciné par la façon dont Luke s'y prenait pour ne pas -trop- se couper.

- Je t'attendais.

Un sourire au bord des lèvres, le Hapien salua sans se retourner, son compagnon dont l'aura rayonnait dans l'habitacle. Le constat fit légèrement rougir Luke qui semblait craindre que quelqu'un sente le subtil changement. Il n'avait pas encore découvert si ses propres dons percevaient tout plus lumineux ou si c'était vraiment la présence de Karm qui s'éclairait, ses dons qui se polissaient après l'Amour, mais c'était encore plus tranchant avec la dernière fois. Comme les gens normaux sans doute après un tel acte, il se sentait heureux et détendu. Même la suite des négociations ne parvenait pas à le faire stresser. Il se complaisait pour l'instant -bien qu'il n'aurait pas été capable de faire ça une vie entière.- dans ce joli rôle de membre d'une famille normale.

- Bon appétit!


Il plaça devant Dax et Karm leur fameux sandwich tendrement réchauffé pour donner plus de saveur.
Karm Torr
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Luke.

Karm se retourna dans le lit. Luke venait de fermer la porte derrière lui, mais l’Ark-Ni dormait encore. Luke. Dans ses rêves, Karm sentait encore le corps de Luke se refermer sur lui, comme lors de la nuit qu’ils venaient de passer ensemble. La peau sous ses doigts. La chute de reins de l’Hapien. Ses lèvres. Luke : cambré, tendu, offert, ouvert.

Luke.

Karm ouvrit brusquement les yeux. Le ronronnement familier des puissants moteurs du vaisseau fut sa première sensation. L’excitation suscitée par son rêve érotique, la seconde. Le jeune homme poussa un soupir, cherchant en vain du regard son ami. Si Luke avait été là, ce serait-il à nouveau abandonner aux plaisirs de la chair ? Karm s’assit sur le lit. Plus le temps passait, plus il désirait Luke, et plus ses désirs se diversifiaient. Mais il n’osait pas en parler. De peur de choquer son ami. De le brusquer. De déchoir à ses yeux.

Soupir.

Direction la douche, froide, rien de tel pour calmer tous les ardeurs d’un corps dans la force de l’âge, qui s’était trop laissé porter par les songes. Hors de la cabine, Karm frôla du bout des doigts la toge de Luke. Les insinuations de Noctis lui revinrent insidieusement en mémoire. Que l’Ordre était trop froid pour lui. Ou bien était-ce lui qui prêtait ces idées au Seigneur Sith ? Y avait-il quelque part dans l’Ordre d’autres Jedis qui réfléchissaient comme lui sur le sexe, et les vertus de la mystique érotique ? Ou était-il seul ? Hérétique ?

L’Ark-Ni chassa comme il put ces questions angoissantes avant d’enfiler des vêtements propres et de gagner les coursives du vaisseau, qui arrivait à son point de rendez-vous avec un autre bâtiment de la flotte, pour exploiter un champ d’astéroïdes. Bientôt, les nacelles s’élanceraient vers les roches de l’espace et les mineurs se mettraient au travail, pour extraire les précieux métaux, qui se revendraient à bon prix dans les chantiers navals et les grandes stations de construction.

Dans les couloirs, sur les passerelles, Karm s’arrêta plusieurs fois pour s’entretenir avec des Ark-Ni, et tenter de cerner les dispositions des négociateurs. Parfois, la conversation dérivait plus simplement sur le vaisseau, sur des gens qu’il avait connus pendant qu’il était enfant, et de plus en plus, il se sentait assuré que sa place était ailleurs, qu’elle avait toujours été ailleurs. C’était un sentiment ambigu, parce que, malgré tout, il y rentrait beaucoup de reconnaissance pour Tavaï, qui s’était battue pour lui offrir une autre vie.

Quand Karm fit son apparition dans la cuisine, son esprit était ainsi peuplé de ces inquiétudes. Celle de déplaire à Luke, un jour, celle de sentir peut-être bridé dans ses désirs, celle d’être encore trop attaché à son ancienne Maître, celle d’être le seul à nourrir ses idées au sein de l’Ordre, celle de se retrouver isolé, ou incompris, ou refoulé aux portes de la Maîtrise. Sentir la joie pure et sans mélange de Luke l’apaisa un peu.

— Ah, désolé, j’ai parlé à pas mal de gens en chemin.

Le repas commença et Dax ne manqua pas d’assaillir Karm de questions sur sa propre pratique de la méditation. Le Gardien eut l’imprudence d’évoquer les concepts de méditation en action et de méditation en combat, il eut le droit à toutes sortes de nouvelles questions et le sandwich était fini depuis longtemps quand Dax estima sa curiosité finalement rassasiée. De toute façon, une annonce en ark-ni, laconique et calme, commençait à circuler dans les hauts-parleurs. Karm traduisit à l’intention de Luke :

— Les équipages de minage vont bientôt partir.
— Ouais, j’vais essayer de choper une place à bord, pour une fois, j’ai trop envie de faire une petite randonnée en 0G.

Et ce fut donc le signal de la libération pour Luke et Karm, alors que l’adolescent partait d’un bon pas. D’un bon pas seulement, parce qu’on ne courait pas, dans les vaisseaux ark-ni : question de sécurité. Karm laissa échapper un soupir.

— Dis donc, c’est plein d’énergie, la jeunesse, commenta-t-il, du haut de ses vingt-sept ans.

Il entreprit de récupérer les plats. Tout bas, il remarqua :

— Tu es parti tôt, ce matin.

Ce qu’il voulait vraiment savoir, c’était si Luke s’était éclipsé parce qu’il avait honte de leurs ébats de la veille. Comme les réticences de l’Hapien à l’égard de leur relation lui étaient profondément étrangères, Karm avait parfois du mal à cerner ce que pensait Luke de leur évolution et de leurs moments d’intimité.

— Tu me dis si tu as besoin de, hm… comment dire… ‘fin, t’sais, d’espace…
Luke Kayan
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Dax emporta avec lui son tourbillon d'énergie, laissant souffler les deux Chevaliers. Taquin, Luke s'offrit le luxe d'exalter un petit soupir, comme s'il venait d'être soulagé d'un grand poids. Son sourire ne le rendait toutefois pas crédible.

- À qui le dis-tu. Avant de s'en prendre à toi, il m'a harcelé depuis que je suis sorti de la cabine. J'ai du pouvoir faire un tiers de mes exercices habituels, et encore correctement, je doute.

Le blond s'était senti plutôt à l'aise avec Dax en réalité. D'abord embêté que quelqu'un chamboule sa précieuse routine, il s'était ensuite déridé, l'adolescent l'avait plus ou moins bien imité et était sorti survolté -si survolté un Ark-Ni puisse se montrer- persuadé que ces exercices, pratiqués chaque jour, le feraient devenir aussi taillé que Karm, ou mieux encore, chevalier Jedi lui-même. Luke avait conscient que sa simili-classe ne lui avait pas procuré tant de stress parce que le gamin ne faisait pas partie de l'Ordre, il s'était amusé. Avec son propre Padawan dont l'avenir reposait entre ces mains, tel le sandwich pas très droit -mais délicieux!- disposé dans son assiette, l'enjeu était tout autre. Il devrait apprendre du sang-froid remarquable de son ami. Quoique, précisément, ce matin, c'était lui qui ne se sentait pas à l'aise. Étonné, intrigué, Luke s'installa à ses côtés. En tant normal, ou plutôt avant, il aurait catégoriquement refusé de parler de choses aussi privées, impliquant leur relation, en-dehors d'un lieu hermétiquement clos, capitonné. Aujourd'hui cela importait guère, surtout que Karm n'était pas aussi joyeux qu'il ne l'aurait cru après ces douces retrouvailles, un peu honteuses certes, mais merveilleuses.

- Hum? J.. Je voulais faire mes exercices et nous préparer le petit déjeuner.

Répondit-il d'un ton surpris, conscient d'exprimer une banalité à laquelle l'Ark-Ni n'avait pas pensé. Peut-être qu'ils ne se connaissaient pas si bien que cela au final? Luke se levait toujours extrêmement tôt pour compléter sa routine à laquelle il ne dérogeait jamais. Une habitude née dès qu'il avait été capable de se réveiller à de telles heures afin de pallier son handicap qui le ralentissait. Et puis c'était dans sa nature, le Hapien appréciait d'accomplir lentement mais tranquillement ses tâches. Il avait eu un pic d'énergie à l'adolescence, pendant laquelle il avait égaré un brin de sa patience, désirait participer à des combats épiques et surtout accélérer les choses, mais Luke était décidément fait pour le calme, sans tomber dans la léthargie, heureusement. sans quoi on l'aurait surnommé "Dose mortelle de Somnifère". Pour l'instant, en tout cas, il ne soupçonnait guère l'ombre qui voilait le coeur de son ami et s'en inquiétait, montrant sans le désirer, ses progrès, lesquels étaient légèrement paresseux, toutefois ils n'étaient pas statiques, pour preuve, il venait d'accepter d'en discuter dans une cuisine. Mieux, sa main alla chercher celle de l'Ark-Ni pour se poser dessus et essayer de le rassurer. Le blond voyait ses émotions changer, sa tolérance augmenter, désormais il était capable de poser des mots sur cette discrétion exacerbée. Quelle joie de découvrir qu'il avait outrepassé le triste pilier de la honte verdâtre et nauséabonde pour en adopter une qui s'apparentait simplement à la pudeur.

- Tu ne connais vraiment pas les aveugles toi. Une fois qu'on trouve un bâton ou n'importe quoi qu'on a apprécie et dont on a besoin, on ne s'en éloigne plus de peur de le perdre.

S'amusa le jeune homme en prouvant ses dires avec ses mains, bras ou début de la poitrine toujours en contact avec son plateau-repas. Il s'amusa de l'idée de toujours au moins frôler l'épaule de Karm pour ne pas le perdre seul, tout en demeurant inquiet pour celui-ci. Il ne remettait pas en cause ses doutes, son mal-être mais peinait un peu à saisir le "pourquoi", surtout après cette merveilleuse nuit. Le blond se demanda s'il n'arrivait pas à faire le même effet au Chevalier Turquoise qu'au début, serait-il justement en train de le lasser? Lui se sentait complet, rechargé en énergie, en amour pour continuer plusieurs semaines d'affilées avant d'espérer presque fiévreusement les retrouvailles intimes. Si cela devait se produire un peu plus tôt, soit, cependant il était loin d'imaginer, petit innocent et naïf Jedi, que les nécessités du corps pouvaient être plus dévorantes chez certains. Se nourrir de la simple présence de Karm, de son contact alors qu'il n'appréciait guère celui avec autrui-hormis avec son maître- lui suffisait. C'était un peu la Galaxie à l'envers: le voyant qui cherchait tant les caresses. L'aveugle qui, à défaut d'y rechigner, s'en passait sans trop en souffrir. Cependant, il se jugeait peu indépendant, toujours inquiet de voir Karm s'éloigner, alors il n'avait nul besoin d'espace.

- Karm, s'il y a un problème, rappelle-toi - Précisément dans la Cité des Deux Soleils- Nous en avons déjà discuté, n'hésite pas à me le dire.

C'était à base de discussions, de dialogues qu'ils pourraient accorder leur caractère irisés de points communs mais surtout de différences. Le Hapien avait délaissé la moitié de son sandwich déjà refroidi pour écouter Karm, une main toujours placée sur la sienne. Si le problème allait au-delà de "l'espace" ou ses réveils forts matinaux, Luke voulait le savoir. D'une onde chaude, il encouragea son ami. Immobile et attentif, il semblait pour une fois, réussir à oublier son environnement et le risque qu'on les surprenne.
Karm Torr
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— D’accord, murmura Karm, tournant la main pour que sa paume puisse sentir celle de Luke. Merci. Pour le petit-déjeuner.

Luke avait voulu pratiquer ses exercices matinaux et c’était bien normal. Nulle raison de s’inquiéter, n’est-ce pas ? Ni de Luke, ni de soi-même. C’était probablement l’influence délétère de Noctis qui se faisait encore sentir, et il devait s’y attendre : on ne ressortait pas indemne d’une rencontre avec un Seigneur Sith, spécialement l’un de ceux qui avaient une réputation de corrupteur, tout civil et pacifique que celui pût être. Il devait prendre son mal en patience, méditer et se rasséréner.

Ou bien en parler à Luke.

Karm se souvenait bien des promesses faites de se montrer plus ouvert et plus communicatif. Elles prenaient un sens tout particulier dans ce vaisseau ark-ni, où toute une société vivait entre l’implicite et la franchise sans détour. Le jeune homme jeta un coup d’oeil à l’horloge holographique dont les chiffres flottaient à quelques millimètres de la paroi métallique du vaisseau. La réunion ne commencerait pas avant une bonne heure.

Hésitation.

— C’est juste, commença l’Ark-Ni timidement, non mais c’est pas important.

Un temps.

— C’est juste que je flippe… J’ai souvent peur que… que ça te fasse honte, encore honte, que… qu’après coup, une fois qu’on a été ensemble, tu te dises que c’est condamnable ou je sais pas quoi. C’est assez difficile, pour moi, à vivre, psychologiquement, l’idée que tu puisses trouver à rougir, de ce qu’on est l’un pour l’autre, et de notre désir, et de sa concrétisation.

Même s’ils étaient seuls dans la cuisine, Karm déployait des trésors de périphrases, pour ne pas brusquer Luke avec des formulations trop directes.

— Alors quand t’étais pas là ce matin, ça m’a pas un peu stressé, quoi, parce que je sais que pour toi, tout ça, ça relève pas de l’évidence ni rien. ‘Fin voilà, j’dis ça, j’veux pas te mettre la pression ni rien, c’est juste, comme tu demandes…

Nouvelle hésitation.

Karm n’avait plus l’habitude de se confier et, aussi loin que sa mémoire remontait, il n’avait jamais eu avec personne le genre de relations parfaitement honnêtes, parfaitement transparentes, dont la plupart des Jedis étaient familiers. En général, les Padawans disaient tout à leur Maître et, en explorant avec leur aîné les moindres recoins de leur âme, ils étaient sûr de pouvoir trouver en lui la guidance et le réconfort salutaires. La relation de Karm avec Tavaï, qui avait été étroite, très personnelle et presque fusionnelle, n’avait cependant jamais laissé beaucoup la place à des confessions de ce genre.

Il y avait donc des sujets que le jeune homme n’avait jamais abordés avec personne.

— Et… euh… hm…

Les joues de Karm, déjà inhabituellement bronzées pour un Ark-Ni, commencèrent à rosir.

— Disons que… moi, plus le temps passe, plus… plus je me sens, euh… plus tu… plus…

Le Jedi commença à bidouiller machinalement le droïde de lavage, qui n’avait pourtant rien demandé à personne. D’une toute petite voix, il souffla :

— … plus l’temps passe, plus tu m’excites…

Ce qui, en soi, certes, était rassurant : bien des couples avaient le problème contraire. Karm prit une profonde inspiration pour se donner du courage et poursuivit :

— Et j’ai envie de faire plein de trucs, avec toi, dans l’domaine, et de le faire souvent, et à chaque fois qu’on le fait, j’ai l’impression… J’ai l’impression de puiser au plus profond de la Force, j’ai l’impression de mieux comprendre tous mes pouvoirs, j’ai l’impression de mieux comprendre mon corps, c’est tellement une révélation, une… C’est une illumination. Je saurais pas mettre ça en mot. Et je comprends pas.

A mesure que son discours prenait une tournure plus mystique, Karm commençait à se sentir un peu plus à l’aise.

— Je comprends pas pourquoi personne en parle dans l’Ordre. Ou alors j’ai pas eu accès aux bons bouquins mais… Après des siècles et des siècles, je suis pas le premier à trouver qu’il y a une valeur profonde à tout ça, que c’est plus que du plaisir charnel, que c’est aussi une intimité avec la Force, que… Je sais pas. Je crois que je me sens un peu tout seul, sur ce terrain. Pas dans notre couple, hein, ‘tention, je dis pas ça. Mais tout seul dans mon… Cheminement spirituel. Et bon… C’est comme ça un peu depuis le début, Tavaï était pas… Pas tellement une grande mystique et rien… Mais dans les autres domaines, j’ai des bouquins, y a des Maîtres à qui parler et tout. Là, c’est un peu la terra incognita.

Silence.

— Voilà voilà.

Silence.

— J’espère que, euh… T’es pas fâché…
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