Karm Torr
Karm Torr
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— On peut toujours essayer.

Karm était beaucoup plus sceptique que son ami sur la volonté du Conseil à mettre de l’ordre au sein des Jedis. Il y avait tant de Maîtres dont l’Ark-Ni doutait, tant de Chevaliers qui lui paraissaient errer sinon loin des règles, du moins loin des principes, et tant de compromissions douteuses, à ses yeux, entre les hautes sphères de l’Ordre et la classe politique républicaine, que, pour Karm, l’Ordre Jedi devrait son salut plutôt à une prise de conscience collective et un élan commun qu’à l’intervention salutaire d’instances dirigeantes qui avaient commis déjà beaucoup d’erreurs.

Le jeune homme observait les Ombres, toujours en pleines discussions.

— Après, bon, ils nous voient comme un danger, j’suppose que c’est normal. On est restés avec un Seigneur Sith pendant un moment, moi plus que toi, et on en ressort indemnes, j’imagine que ça éveille des suspicions. Le mec nous aurait torturés et tout, on serait revenus avec deux doigts en moins, j’imagine que les interrogatoires seraient pas aussi désagréables.

Etait-ce l’intention de Noctis ? De les perdre précisément en ne les faisant pas souffrir ? Comment pouvaient-ils ne pas avoir l’air de traîtres, s’ils survivaient sans une égratignure à une rencontre avec celui que l’on décrivait comme un boucher ? Ou bien était-ce tout simplement que le Boucher n’en était pas un et que le nom construisait une légende sans fondement réel ? Des théories de plus en plus alambiquées s’assemblaient dans l’esprit de l’Ark-Ni qui, manquant d’expérience dans ces domaines, ne savait pas exactement où s’arrêtait le crédible et où commençait la folie conspirationniste.

La discussion entre les Ombres fut rompue et Ekkt s’approcha d’eux.

— Bien. Votre aide fut tout à fait précieuse. Noctis est un Seigneur Sith notoirement difficile à cerner, et rompu aux méthodes de l’Ordre, qu’il connaît bien, pour avoir été l’un des nôtres. Les approches traditionnelles pour tenter d’établir son profil sont vouées à l’échec : ce serait comme tenter de soumettre un psychologue réticent à un profil psychologique. J’avais espéré qu’en le mettant en contact avec des Jedis aux parcours inattendus, il ressortirait quelque chose de nouveau.

Karm fixait Ekkt sans réagir mais comme l’Ark-Ni n’avait jamais été fort expressif, il était difficile de dire si c’était par animosité ou par simple patience.

— Et je voulais aussi apporter la démonstration de ma théorie à votre sujet.
— Votre théorie à notre sujet… ?
— Que vous n’étiez pas sur la voie du Côté Obscur.

Le Gardien fronça les sourcils. Maître Ekkt essayait-il de les embrouiller ?

— En vous lâchant sans prévenir droit dans la gueule du loup, je vous exposais à un danger évident. Vous avez résisté et chacun pourra voir que les relations d’affection entre Jedis, y compris quand elles s’accompagnent d’une proximité romantique et sexuelle, ne conduisent pas nécessairement au Côté Obscur, même quand elles sont exposées à une tentation forte.
— Et en quoi ça vous préoccupe ? Vous avez pas l’air du genre à fonder le Club LGBT au sein de l’Ordre Jedi ou je sais pas quoi…
— J’admets que je peux avoir des préjugés, mais les préjugés sont faits pour être dépassés, et ils ne jouent pas de rôle dans ma réflexion. Il y a deux écoles au sein des Ombres, poursuivant le Trandoshan que les réticences manifestes de ses deux protégés ne semblaient guère perturber, pour simplifier, je veux dire. Les unes pensent que l’on se préserve du Côté Obscur en fuyant tout ce qui s’en rapproche et que l’Ordre doit s’en tenir à une interprétation stricte, littérale et maximaliste des préceptes du Code. Eviter toutes les formes de colère, toutes les formes d’attachement et ainsi de suite. Les autres pensent que l’on se préserve du Côté Obscur en purifiant ses émotions. Non en les purgeant. Que fuir ses impulsions naturelles est une impossibilité, et que le tenter est une voie dangereuse. Que le Code nous indique les émotions qui peuvent être problématiques, non pour que nous les évitions, mais pour que, en y accordant une attention particulière, nous en conservions la meilleure part, ce qui conduit nécessairement à dépouiller le Côté Obscur de tout ce qu’il peut avoir de séduisant.

C’était une théorie finalement très proche de celle que Karm professait et qu’il avait commencé à réfléchir et mettre en ordre, au fil des conversations avec Luke, mais la situation ne le poussait pas à un enthousiasme considérable.

— Du coup, on a été un genre d’expérience scientifique ?
— Une expérience scientifique, oui, si vous voulez. Une mission de collecte d’informations également. Un contact diplomatique, certainement. Et une manière de prévenir toutes les objections qui pourraient s’élever contre vous, quand votre relation deviendra publique. Et un argument pour un projet de réforme. Une décision peut avoir bien des raisons.

Karm hocha lentement la tête. Encore blessé dans sa confiance, il avait du mal à croire qu’Ekkt ne leur servait pas là des justifications a posteriori, mais la réputation du Maître Jedi parlait pour lui, et si elle était si prestigieuse, c’était peut-être précisément parce que l’esprit du Trandoshan était capable d’envisager les choses sous beaucoup d’angles différents.

Après un moment de réflexion, l’Ark-Ni se contenta de murmurer :

— D’accord.

Pour lui, cela signifiait que la page était tournée.
Luke Kayan
Luke Kayan
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- Des preuves? Il y en a déjà eu: Alyria Von, Luuna Shein. La première est reconnue au-delà du Temple Jedi, ayant été chancelière, la seconde a eu des enfants. Ni elles, ni leurs compagnons n'ont cédé au côté obscur. Des preuves, il y en a - répéta le jeune homme d'un air lassé.- alors ce n'est pas une de plus, sous couvert d'une "expérience scientifique" qui changera la mentalité de qui que ce soit. La tolérance que l'on éprouve à notre égard est déjà un cadeau, forcer ne sert à rien.

Luke estimait qu'il ne fallait pas entrer en campagne pour l'autorisation des couples dans les couloirs du Temple. Il trouvait que le Conseil était déjà trop bon, et insister pourrait provoquer le retirement des privilèges. Le Jedi était totalement pour le fait de passer inaperçu, de montrer que leur statut n'influençait pas la qualité de leur mission, bref, d'en faire le moins possible, de se fondre dans la masse pour continuer de disposer du cadeau sublime, et certes, un peu dangereux. Qui plus est, il appréciait moyennement d'avoir été soumis à un test sans en avoir été avisé au préalable, ni de servir les intérêts d'un Trandoshan qui n'en avait rien à faire de leur couple en particulier, étant donné que celui-ci semblait également le rebuter un peu. Que se passait-il dans la tête de ce maître, décidément? Désirait-il à tout prix inscrire une réforme à son nom? Obtenir la gloire? Toute cette mise en scène afin d'éclater au grand jour, de se trémousser sous les feux des projecteurs semblait contraire à la réputation de cette Ombre reconnue pour sa sagesse et sa... Discrétion. À moins qu'il n'ait lui-même une compagne cachée et désire, en se servant d'autrui, flexibiliser encore la tolérance à l'égard des couples. Aux yeux de Luke, il fallait mettre à disposition de ses semblables, une ou deux preuves, puis les laisser choisir en leur âme et conscience. Ce n'était pas en les harcelant qu'on obtiendrait quoique ce soit, au contraire. Si leur génération ne pourrait jamais sortir au grand jour main dans la main ou se marier, soit, avec de la patience, de la chance, un coup de pouce des circonstances, ils verraient des Padawans comme Eckthor en profiter. Luke préférait que les choses avancent doucement mais sûrement, que les preuves s'annoncent d'elles-même, disposées sur le chemin. Moins de risque d'influence et donc d'erreurs.

- Notre relation ne deviendra pas en publique, si tout le monde sait faire preuve de discrétion et s'intéresser à ce qui le regarde.

Regard foudroyant vers l'endroit où émanait la voix rocailleuse du Trandoshan. Voix endurcie, avertissement. Puis soupir et ton adouci, regard coulé en direction de Karm. Luke n'oubliait pas ses promesses.

- Nous en parlerons à nos proches, tels mon Maître, nos amis et peut-être le Conseil qui dispose de ce droit de savoir. Nous n'avons aucune raison de nous exposer au jugement d'autrui.

De toutes manières, ils verraient bien. Heureusement le Hapien allait un peu mieux au niveau révélations. Malgré une appréhension encore forte, il n'éprouvait plus une terreur indéchiffrable à l'idée que quelqu'un sache qu'ils étaient ensemble, sauf quand cela supposait un danger comme avec Noctis ou que le curieux se servait d'eux, à l'instar de Maître Ekkt. Sans colère mais intransigeant, le jeune homme fixa à nouveau la silhouette du lézard. Cette fois, c'était son menton écailleux qui était visé par des prunelles visiblement fatiguées. L'épreuve avait été dure, surtout psychologiquement malgré tout, et si les Ombres pouvaient douter de l'honnêteté de deux chevaliers sortis du territoire d'un Sith dit sanguinaire sans égratignure, force leur était de constater la tension mentale.

Le vaisseau entama enfin sa descente, Luke était à la fois heureux et inquiet de débarquer. Il avait presque peur que les Jedis du Temple reniflent leurs auras à la manière de chiens curieux. Là, sans équivoque, ils pourraient sentir les relents d'obscurité. Du moins, c'était ce que son esprit imaginait, car lui en était capable, grâce à ses sens particulièrement affûtés au sein de la Force. Il sentait la moindre perturbation dans l'aura d'une connaissance et comparait grâce à sa mémoire avec l'empreinte habituelle. Ce détail lui aurait sauté au visage-- à défaut des yeux. si les rôles avaient été inversés, bien qu'il n'aurait pas su de quoi il en retournait exactement.

La navette avait presque atterrie lorsque le Consulaire se résigna enfin à se tourner vers Ekkt et les deux Ombres. Il s'inclina légèrement, imprimant un "merci" au bout de ses lèvres, timide mais sincère. Au moins, ils les avaient sortis de cette île trop paradisiaque. Sans aller jusqu'à redevenir ami -- s'ils l'avaient été un jour. avec le Trandoshan, Luke était sur le point de pardonner, au moins suffisamment pour dormir tranquillement cette nuit ou saluer l'homme-reptile à l'avenir. C'était aussi ça être un Jedi: pardonner.

Non sans plaisir, le Hapien retrouva la terre ferme. Il leva les yeux vers le ciel voilé de Coruscant. Le Trandoshan s'excusa, délicatesse ironique aux vues du précédent manque de tact.

- Nous avons à faire ici et nous en avons pour un bout de temps, impossible de vous accompagner sur Ondéron, désolé.

- Ce n'est rien, peut-être passerons-nous par le Temple d'ici avant de prendre une correspondance. Avez-vous encore besoin de nous?

Demanda Luke, courtois et professionnel. La hâche de guerre semblait enterrée même si les graines de la suspicion -probablement mutuelle- demeuraient enracinées.

- Non. Ça ira, vous avez un rapport à rédiger, je suppose, je ne voudrais pas vous retarder.

- D'accord, nous vous enverrons une copie.

Et les Ombres disparurent d'un coup, ce qui était plutôt normal pour un jour sans soleil.

- Quelle aventure.

Luke respira à fond, il faillit tousser. Évidemment, Coruscant n'avait rien à voir avec l'île paradisiaque de Noctis, mais rien que pour le fait d'être enfin sorti de là-bas, le Hapien prêta de multiples avantages à cette planète pourtant peu aimée.

- Tu sais, avant le rapport, nous avons encore un peu le temps. Je mangerai bien quelque chose.

Petit sourire, il fallait savoir prendre son temps pour en offrir à la personne chérie.
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