[hj: texte écrit pendant ma pause de midi. Tu ne sais pas le mal fou que j'ai eu à l'envoyer sur mon mail, après trois essais infructueux sur Dropbox pour ne APS me connecter sur le forum au boulot. Ensuite je le copie avec le téléphone puis poste. Donc pardon pour la mise en page... Et d'éventuelles erreurs d'orthographe ou si j'ai oublié une réaction de Noctis...]

-  Ce n’est pas parce que des individus ou des organisations mal intentionnées  profitent de la République qu’il faut faire de même et jouer à qui est le moins méchant. La République est un concept avec des lois. Je vous expose la théorie. La pratique dépend du contexte, des meneurs, et de la société en général. Si vous pensez pouvoir obtenir une trêve avec les conditions présentes de l’Empire, soit, allez-y. Je n’ai que le pouvoir de vous énoncer ce que les textes préconisent.

Ajouta Luke, un peu agacé par la manière dont Noctis avait de détourner ses propos en rappelant à chaque fois combien la République manquait à ses propres lois et combien elle était dysfonctionnelle. D’autant plus que le trentenaire précisait ne pas vouloir négocier avec eux. Normal et logique d’une certaine manière, mais alors, qu’attendait-il d’eux ? Certes Karm et lui l’avaient cherché, fouillant dans son passé aussi bien que dans son présent, cependant, les capturer pour leur faire profiter d’un apéritif sur la plage paraissait insensé. Et puis quelle était donc cette manie d’insister sur le fait qu’ils aient dîné en tête à tête et aient ensuite loué la même chambre. D’ailleurs, comment était-il au courant ?

[color:4c62= yellow]- Et ces détails de mission ? Je veux dire, le logement, le dîner – il se retint d’ajouter une fausse excuse du style « Un dîner pour discuter de l’affaire ». qui n’aurait fait que souligner les soupçons probables du Seigneur Sith.—En fait vous sembliez être au courant de nos faits et gestes depuis longtemps, peut-être même le début. Alors pourquoi ne pas nous avoir arrêtés, interpellé… Invité. Appelez-ça comme vous voulez, avant ?

Il voulait donc dire que tous ces efforts, cette mise en scène ne servait à rien ? Hormis des caractéristiques que Luke se connaissait déjà – il avait déjà attiré les Siths pour cela à l’époque.—Noctis ne semblait pas vouloir les interroger sur leur avancée de l’enquête, sur ce qu’ils savaient ou non et qui pourrait le mettre en danger. C’était ridicule, certes Karm avait un passé sombre, mais il y avait hélàs d’autres Padawans dans son cas, peu mais il y en avait. Quant à lui, il possédait certes un nombre assez incroyable de midichloriens mais ce n’était pas un maître expérimenté. Saï Don le surpassait, ainsi que la totalité des maîtres jugeait-il, sans oublier la moitié des chevaliers. Bref, aucun intérêt pour un Seigneur Sith apparemment très bien positionné dans la vie, comme dans l’Empire.

En ce qui concernait « les enfants soldats » Luke préféra ne pas y revenir, parce qu’il ne voulait pas entrer dans son jeu, et sans doute parce qu’au fond, Noctis avait raison. Lui-même avait vécu son entraînement comme un éveil à la vie, une sortie à son autisme à moitié volontaire. Cependant certaines années avaient été dures, probablement trop pour l’adolescent qu’il était, d’ailleurs torturé par les Siths. Envoyé très jeune sur le terrain mais de rares fois, Luke avait encore eu plus de chance que certains élèves qui l’étaient, à son âge, constamment. Comment répondre à cela ? Un enfant avait-il réellement la capacité de dire non ? De refuser cette voie ? Il le pensait, tout comme il croyait avoir réellement voulu s’infliger cette adolescence plus difficile encore que celle d’un athlète de haut niveau, mais n’en était pas certain. Inutile d’offrir au Seigneur sombre de quoi briser ses arguments pas si s solides que ça.

- Et pourquoi ne pas nous avoir envoyé un message pour nous proposer une rencontre en terrain neutre, avant ? Le mal est fait, nous sommes prisonniers, ce qui ne joue guère en la faveur de votre profil d’agneau innocent comme le signale K… le chevalier Torr. Nous relâcher n’effacerait guère le fait. D’ailleurs, il ne semblait pas que c’était votre intention de nous faciliter une sortie… Une île, éloignée de tout, sans moyen de partir de nous-mêmes ? Qui nous dit que dans cette même optique, le speeder n’est pas piégé ? Vous n’avez encore rien obtenu de nous et disiez vouloir obtenir des réponses. Moi je crois que vous utilisez un procédé psychologique, nous suggérer que nous avons le droit de nous en aller, tout en espérant que nous refusions, persuadé de ce dit droit, mais songeant que nous avons tout intérêt à rester.

C’était tordu, mais c’était psychologique et très utile. Luke avait déjà utilisé le procédé lors d’interrogatoire, laisser penser au prisonnier que personne ne le forcerait à parler mais lui suggérer qu’il avait tout intérêt à le faire. Avec moins de pression sur les épaules, contrastant violemment avec les interminables questions des policiers juste avant, la personne décidait de livrer ses secrets. En général, ils préféraient pour se faire, le doux Luke au vilain et brutal agent de la paix qui leur assénait leurs devoirs et la punition qui les attendaient.

Je vous l’ai déjà demandé sur le vaisseau, qu’attendez-vous de nous ? S’il s’agissait d’une simple discussion philosophique, d’un échange d’idées, vous savez que nous aurions accepté une rencontre, sans essayer de vous arrêter, ou dans un lieu public. Vous qui semblez si bien nous connaître, vous le saviez. J’en suis sûr. Quant à la mission que vous vous imaginez, nous ne nous intéressions pas à vous, désolé. Nos chemins se sont seulement croisée à cause d’un virus qui a croisé l’infirmerie dans laquelle nous opérions.

Fit Luke en espérant diminuer l’importance qu’avait Noctis à leurs yeux. Du reste la base était vraie, Karm et lui avait rencontré le beau vilain par le plus grand des hasards, tout comme Ekkt, d’ailleurs. N’est-ce pas ?

- Au fait, pourquoi Maître Ekkt n’a pas eu la chance d’être invité ? Il a une excellente réputation, bien plus extraordinaire que la mienne. C’est un Jedi talentueux et reconnu.

Acheva-t-il sur un ton badin en sirotant son cocktail. Se disant, il envoya discrètement une onde de Force à Karm. Qu’en pensait-il, lui ? De toutes manières, attaquer maintenant serait saugrenue. Bretteur ou pas, le Chevalier turquoise ne pourrait rien contre un Sith de cette envergure, pas plus que Luke malgré ses pouvoirs. Et puis, ce n’était pas lui qui partirait en courant pour rejoindre… Un moyen de transport inexistant. Bref, aucune chance. Alors le Hapien se contenterait de se consoler en maintenant le contact mental avec Karm.

La nuit était tombée sur la terrasse et des lumières, peu à peu, s’étaient allumées tout autour d’eux. Karm ne pouvait s’empêcher de se demander ce qu’avait été Absalom, chevalier Jedi. Ces idées qu’il professait l’avaient-elles convaincu de s’éloigner de la République ? On leur peignait les Siths comme des êtres sombres guidés d’abord par des sentiments incontrôlables, une violence qui les submergeait, mais Noctis lui offrait un portrait différent du Côté Obscur — non moins inquiétant, mais plus calme, plus méthodique.

— Des algues fluorescentes, murmura l’explorateur, qui observait les arabesques de couleur se dessiner sous la surface de l’océan, c’est volontaire ?
— Un phénomène naturel.

L’Ark-Ni hocha lentement la tête. Il n’était pas certain de la planète sur laquelle ils se trouvaient mais ce détail botanique réduisait la liste des candidates potentielles et l’aidait à imaginer les chemins interstellaires qu’ils pourraient emprunter, si un jour, par chance, ils mettaient la main sur une navette avec un hyperdrive.

— Vous parlez beaucoup, Luke, pour quelqu’un qui ne veut pas parler, remarqua calmement Noctis.
— Noctis ?

L’Hapien releva les yeux vers Skill, qui avait refait son apparition. Karm eut l’impression que leur hôte scrutait le Twi’Lek avec une intensité particulière.

— C’est prêt.
— Merci.
— Est-ce qu’on peut manger à l’intérieur ?
— Bien sûr.

Le Sith se releva pour emboîter le pas à son amant. Avant de l’imiter, Karm se pencha à l’oreille de Luke et souffla :

— J’crois que Skill est malade.

Quant à savoir si ce détail leur servirait à quelque chose, c’était une autre histoire. Le jeune homme se releva à son tour, laissa sa main un instant sur l’épaule de Luke et pénétra à nouveau dans la villa. Les droïdes avaient dressé une table sur laquelle on avait disposé des plats dont la simplicité s’accordait à la décoration minimaliste des lieux. Noctis s’était assis à côté de Skill, laissant Luke et Karm s’installer l’un près de l’autre.

— Je n’attends rien de particulier de vous, Luke, dit Noctis en reprenant le fil de la conversation, c’est vous qui semblez avoir beaucoup de questions et je ne vous offre qu’une occasion d’y répondre, en assurant ma propre sécurité. Je pouvais difficilement venir vous rencontrer en plein territoire républicain et ma confiance dans la volonté de la République a organisé des rendez-vous qui ne soient pas des pièges, ces derniers temps, a été sérieusement émoussée. Je me contente de prendre des précautions, voilà tout et…
— Hmm.
— Oui ?
— Est-ce que, euh… Vous êtes obligés de travailler pendant le repas… ?

Skill devait attendre les visites de son compagnon comme des plaisirs trop rares et Karm imaginait sans mal qu’il n’y avait rien de plaisant à le voir se consacrer entièrement aux affaires. Mais il n’aurait pas cru jusque là qu’on pût interrompre un Seigneur Sith de la sorte. Mais Noctis hocha lentement la tête et avec une tendresse qui n’avait rien de feinte, il répondit :

— Bien sûr, Skill, bien sûr. Excuse moi.

Le Twi’Lek répondit par un sourire.

— Alors. Comment se passent les cours de musique ?

La conversation prit aux yeux de Karm une tournure surréaliste : Skill se mit à raconter ses cours de musique, Noctis à l’interroger sur ses progrès, puis les deux amants bavardèrent des dernières créations marquantes en la matière. C’était tout à fait le genre de conversations qui aurait charmé un mélomane comme Karm, s’il n’avait dû l’écouter en tant que prisonnier d’un génie du mal.

— Et vous, vous faites quoi, demanda brusquement Skill ?
— Pardon ?
— Je sais pas, vous êtes des, euh…
— Jedis ?
— Oui, voilà. Vous avez le droit à des loisirs ou c’est un peu comme à l’armée ?
— Ils ont des loisirs à l’armée, tu sais.

Skill esquissa une moue peu convaincue. Karm haussa les épaules.

— J’aime bien ce que je fais. Alors j’suppose que mon travail est un loisir.
— Hmouais, je suis pas sûr que ce soit tout à fait comme ça que ça marche. T’es comme Noctis, finalement.
— J’ai beaucoup de loisir, se défendit l’Hapien.
— Les statistiques, ça compte pas.

Silence.

— Skill, je crains que nos invités ne soient trop convaincus que je me prépare à les torturer dans les sous-sols avant d’aller sacrifier de petits animaux aux divinités infernales pour bavarder de musique et de vacances.
— Ah.

Silence.

— Du coup, Luke et toi, vous êtes de la même planète ?
— Hapès, oui.
— Dis donc, si vous êtes tous aussi canons, ça doit être un endroit génial.
— En vérité, c’est plutôt un endroit glaçant. Figurativement, je veux dire. Le climat est très agréable, les gens, c’est une autre histoire. Hapès réussit à unir le progrès technologique effréné à une sorte de conservatisme social névrotique qui laisse perplexe. Disons que je ne suis pas fâché d’en être parti, grâce à l’Ordre.
— Et t’y retournes jamais ?
— Pour voir mes parents, parfois.
— Et vous, Luke ?

Quelle étrange relation. Skill l'appelait Noctis, tout en démontrant un degré de tendresse quasiment indécent. Et cette compassion du Sith envers celui que Karm avait révélé comme étant probablement malade. Luke ne se détendait toujours pas, malgré l'ambiance champêtre détendue, c'était au-delà de ses forces, et comme toujours, cela se répercutait sur sa façon de manger. En attendant les réponses du trentenaire, il s'efforça d'avaler quelques feuilles de salade, histoire de ne pas vexer leur "hôte", mais outre l'inquiétude qui lui nouait l'estomac, le Jedi était beaucoup trop occupé à scruter Skill, Noctis ou même Karm. La main de ce dernier ayant effleuré son épaule l'avait soulagé à un point inimaginable et il se promit silencieusement que s'ils s'en sortaient, il ferait des efforts pour se montrer plus démonstratifs -toujours dans la discrétion évidemment.-. C'était beaucoup plus précieux que ce qu'il aurait pu imaginer.

- Hum. Ce n'est pas comme s'il y avait beaucoup d'autres choses à faire ici. Hormis admirer un paysage dont je ne doute pas de la beauté. Et puis ce serait un manquement à la courtoisie envers nos hôtes, non?

Répliqua le jeune homme d'un ton mi-figue, mi-raisin. Si c'était vrai qu'il s'exprimait beaucoup, c'était surtout pour essayer de dessiner un profil à l'instable Sith, en apparence trop stable pour être honnête justement. Parler lui coûtait chaque fois davantage car il commençait à craindre la capacité de Noctis à le moucher, que ce soit dans l'instant ou en décalage comme lorsqu'ils étaient passés de l'apéritif au dîner. Alors que le Chevalier pensait qu'une fois de plus leur aîné allait les ignorer, il avait décidé de reprendre la conversation, surprenant le Consulaire, et, trouvant évidemment une réponse dérivée qui n'allait pas directement au but.

Sans vraiment laisser l'occasion au Hapien de répondre -il n'avait de toutes manières rien de spécial à dire.- la discussion changea totalement de ton. Impossible de ne pas se tourner vers Karm pour le "contempler" d'un air étonné et sceptique, voyant ou non, il semblait chercher à capter la réaction de l'Ark-Ni, juste histoire de s'assurer qu'il ne rêvait pas, ou cauchemardait, selon le point de vue. Le couple de geôliers étaient-ils vraiment en train de discuter de cours de musique? Luke faillit demander quel instrument jouait Skill, par pure ironie, mais il préféra s'abstenir, la situation était beaucoup trop tendue.

Toutefois, ne voulant pas refroidir l’ambiance –hypocritement songeait-il, et de toutes les parties.—chaleureuse, le Hapien choisit de répondre, après que les deux amants ait fini leur mini dialogue, parsemé de piques charmantes, comme dans une de ces séries holographiques qu’appréciait Catherine. Inconsciemment, il y voyait probablement l’occasion d’appuyer Karm, oui les Jedis avaient des loisirs.

- En ce qui concerne les loisirs, nous en avons beaucoup, c’est aussi un cliché de penser que les Jedis sont des esclaves. –choisit-il de rebondir malgré le risque, mais Luke ne se sentait pas exploité, pas plus qu’il ne considérait avoir été un enfant soldat, et puis il espérait rendre sa pique à Noctis, presque « amicalement », sous forme de plaisanterie badine que l’on sert aux dîners incapables de se situer entre l’informel et le formel.— J’apprécie beaucoup la lecture, par exemple.

Ensuite, le jeune homme choisit de s’unir avec Absolem, trouver un terrain d’entente, si infime soit-il, cela pourrait être éventuellement porter ses fruits sur le long terme. Lorsque Skill lui offrit l’occasion sur un plateau, Luke ne rechigna pas à se servir, contrairement à celui de nourriture, véritable, qu’on lui proposait.

- Je n’ai plus de contact avec ma mère, ni avec la planète. Famille déstructurée, tout ça. Bref, le stéréotype. Et puis je confirme les propos de Monsieur Noctis.- Il venait de choisir cette appellation pour voir la réaction de l’hôte. Gommer discrètement la barrière entre prisonnier et geôlier servirait-il ?-[color:cd1c= yellow] ce n’est vraiment pas l’endroit où passer ses vacances, et j'ajouterai ni mettre un seul pied d’ailleurs. Vous n’y trouveriez que des ennuis, Skill.

Ceci dit, le Jedi tourna la tête vers Karm, puis vers leurs hôtes afin d’essayer d’avoir des précisions sur un thème qui les intéressait tous deux, toujours sous prétexte du petit dialogue sympathique évidemment.

- Contrairement à cet endroit des plus agréables… Où sommes-nous donc ?

Pour ne pas sembler attaquer Skill et son maître/amant/employeur/patient/protégé ( ?), Luke avait posé une question ouverte. Il aimerait évidement qu’on leur donne le nom de la planète – et pourquoi pas l’adresse tant qu’à faire.—mais laissait le choix d’une localisation beaucoup plus vaste comme un point cardinal… Ou rien d’ailleurs, car finalement, c’était vraiment Noctis qui menait le dialogue, sans que Luke puisse à peine grappiller quelques informations pour en dresser le portrait, même si certains éléments s’amoncelaient voir se vérifiait dans sa tête.

— Ah.

Skill avait l’air déçu, comme des gens qui rêvent d’une galaxie entièrement merveilleuse, où toutes les planètes étaient accueillantes et peuplées d’hôtes chaleureux. Le Twi’Lek jeta un regard en biais à Noctis. Etait-il censé le pousser à se confier un peu plus au sujet de son monde natal ? Dans les magazines qu’il avait lus en ligne, les couples réussis se fondaient sur beaucoup de communication. Peut-être qu’il n’en faisait pas assez.

— Quelque part dans l’Empire.
— C’est précis.
— Vous devriez être rassurés que je refuse de vous donner la localisation exacte, c’est bien le signe que je compte en effet vous libérer.

Karm hésita un instant puis se risqua à observer :

— On est sur une lune, déjà.

Noctis hausse un sourcil.

— La force de la marée tout à l’heure, la lumière extérieure en ce moment, qui suggère un corps réfléchissant beaucoup plus gros qu’une lune, ça laisse penser qu’on orbite autour d’une planète. Déserte, je dirais. Du coup, une lune océanique d’une planète déserte qui orbite elle-même autour d’un système binaire.

Karm essaya de tempérer son inquiétude. Laisser voir qu’il avait une idée plus précise qu’on aurait pu s’y attendre de leur situation pouvait les conduire à la perte, si Noctis décidait de liquider des Jedis trop clairvoyants. Mais c’était aussi un moyen de faire la démonstration de son talent, d’attiser un peu plus l’intérêt du Seigneur Sith et de tirer quelque chose d’une mission qui pouvait encore ne pas être un total échec.

— Impressionnant. Vous…

Noctis s’interrompit et son regard se posa soudain sur Skill. Le Twi’Lek n’avait rien fait de particulier mais Karm le sentait aussi, à travers la Force : son énergie vitale avait fluctué. Juste un peu. Mais c’était tout de même préoccupant. L’Hapien murmura quelque chose en twi’leki, d’un ton doux, autant que Karm pouvait en juger, puis Skill hocha la tête.

— Si vous voulez bien nous excuser un instant…
— J’vais me reposer un peu. On se revoit demain, peut-être.

Karm hocha la tête. Noctis et Skill se relevèrent et l’Hapien guida son amant hors du salon, probablement jusqu’à une chambre. Peut-être utilisait-il même sur lui ses talents de guérison d’ancien Jedi. Après un instant pensif, dans le silence du salon, Karm tapota l’assiette de Luke du bout de son couteau et murmura très bas :

— Mange, même si t’as pas faim. Pas le moment de s’laisser dépérir.

Noctis ne tarda pas à revenir cependant.

— Il est malade ?
— En voie de rémission. Il y a trois ans, je l’ai sauvé d’un laboratoire médical clandestin, dans l’Espace Hutt, qui développait des armes bactériologiques.

Un laboratoire dans lequel il s’était rendu, à l’origine, certes, pour voler les secrets de ces armes et les faire servir à ses propres projets.

— Il était l’un des sujets de test. La plupart des cobayes libérés sont morts dans les jours qui ont suivi, ceux qui ont survécu ont retrouvé leur planète d’origine, sauf Skill qui voulait avoir enfin une vie paisible et… Isolée. Il n’a pas eu une expérience très riante de la société jusque là. Deux ou trois invités à la fois, ça va, mais au-delà, l’angoisse le prend souvent.
— Des expérimentations scientifiques mortelles, ça ressemble à c’que vous avez fait sur Belsavis.
— Oui, reconnut Noctis sans détour. Vous avez l’air surpris ?
— Ouais, j’sais pas, j’m’attendais à des dénégations.
— C’est parce que vous travaillez avec des stéréotypes. Vous êtes persuadé que mon affabilité relève de la comédie, alors que c’est mon tempérament ordinaire. Mais vous pensez aussi que les gens qui ne suivent pas vos règles morales à bien des égards sont incapables de vous paraître agréables ou respectables à d’autres. C’est tout naturel, mais le monde est plus compliqué que ça. Je ne cherche pas à jouer à l’agneau innocent. Mais je ne pratique pas non plus la violence gratuite et je ne suis pas un rustre.
— C’était quoi le but, sur Belsavis ?
— Libérer deux de mes associés, tester l’efficacité d’un système viral et de ses remèdes dans un environnement contrôlé et extraire des informations de la prison. C’est déjà ce que vous aviez deviné, je suppose ?
— Vous avez tué des gens.
— Vous aussi.
— Sur le champ de bataille.
— J’ai mes propres champs de bataille.
— Harmonia, c’est à vous ?
— Non, mentit Noctis sans une once d’hésitation, mais leur sécurité est défaillante et il y était facile d’y infiltrer une équipe de mercenaires et une cargaison.
— V’z’allez vous servir du virus développé sur des populations civiles ?
— Si la nécessité s’en fait sentir.
— C’est jamais nécessaire de s’en prendre aux civils.
— Est-ce que vous pensez qu’un système de sécurité sociale est favorable à la santé et à l’espérance de vie d’une population ?
— Hein ?

…

Euh. Ouais.
— Est-ce que vous pensez que ce système est d’autant plus efficace qu’une planète est prospère ?
— Ouais.
— Quand la République impose des sanctions économiques à une planète récalcitrante, elle tue donc des civils. Tout le monde tue des civils. Le droit et l’art de la guerre ne sont que les vernis qu’on utilise pour rendre acceptables, et parfois même poétiques, des situations qui sont toujours horribles.

Luke faisait confiance à son ami, ce dernier savait aussi dessiner des profils, quoiqu'il en pense, et ils ne seraient pas de deux à essayer de trouver la faille de Noctis. Du reste la carte de la déduction fine n'était pas mauvaise, car l'homme paraissait être un esthète. Gagné, quelques secondes plus tard, le concerné murmurait un "impressionnant", Luke qui n'en pensait pas moins -bien qu'il ne comprenne pas la moitié des allusions, trop visuelles.- salua mentalement la capacité de Karm à les situer, mais aussi celle à transmettre au Sith cette capacité, au bon moment. Malheureusement ils furent interrompu par une fluctuation que le Jedi sentit évidemment, son lien brut avec la Force couplé à ses connaissances médicales lui confirmèrent la théorie de son ami, et Noctis se chargea de le faire à son retour, à haute voix. Luke dû réprimer un sourire moqueur. Le Seigneur Sith, pardon, le Prince Charmant était bien contradictoire, sauvant d'une part ceux qui l'intéressaient comme Skill, tuant des centaines d'autres sur le champs de bataille. Comme il paraissait plus sensible au ton direct de l'Ark-Ni, Luke les laissa parler, s'efforçant en contrepartie de prendre un peu de soupe. Une soupe à peine assaisonnée, toute simple mais délicieuse car naturelle. On ne pouvait pas dire que leur hôte ne savait pas recevoir, c'était un fait. Sachant combien son compagnon était à cheval sur une bonne alimentation -et la raison qu'il avait.- le jeune homme s'obligea à prendre un peu de pain aux céréales afin de fournir à son corps, quelque chose de plus consistant. S'ils étaient sensés s'échapper ou se battre prochainement, autant être en forme. Sans compter que Noctis pouvait changer d'avis et modifier le décor de l'île paradisiaque en une prison sordide, à partir du moment où ses deux nouveaux jouets cesseraient de l'intéresser. Ses belles paroles ne convainquaient guère le Hapien, même s'il trouvait désormais le personnage sincèrement fascinant. Celui qui ne faisait que le rebuter l'attirait de part sa psychologie si tordue. Il croyait vraiment bien agir, sans non plus tomber dans le cliché du blanc chevalier, conscient du mal qu'il faisait mais usant l'excuse du sacrifice.

- Sur Hapès, j'ai été enfermé dans un laboratoire, où se trouvait une enfant, totalement déformée, souffrant atrocement. Tout cela je l'ai su car elle s'est blottie dans mes bras, et je pouvais sentir l'orientation anormale de ses os, sa peau fondue. Mais son âme elle demeurait intacte. Je ne suis pas économiste, donc je ne me lancerai pas dans cette histoire de sécurité sociale avec vous. Par contre, le sacrifice médical, je le saisis de part mon passé et de part ma formation. Il n'y a rien qui excuse l'extension d'un virus à petite ou à grande échelle. Ce que vous avez fait est sacrifier des dizaines de vies sur Belsavis pour "sauver" deux prisonniers et tester tranquillement votre virus. En quoi est-ce différent des laboratoires "Républicains" dont vous prétendez avoir été dégoûté?

Le jeune homme frissonna en se souvenant des énormes cuves en verre jonchées de vies affalées contre les parois. Il se souvint de la vie de l'enfant qui s'échappait entre ses doigts puis s'était tue, aussi nulle que la peluche que ses mains déformées tenaient juste avant. Il se rappela du bisou, affreux, sur sa joue, et pourtant si beau. Elle y avait cru, la gamine, que Luke la sauverait, mais il n'y était pas parvenu. Le jeune Jedi sentit les deux cicatrices fines, dessinées au scalpel, le brûler sous son oeil droit. C'était son unique souvenir apparent de son retour raté sur sa planète d'origine. Il y avait ensuite eu Jason, plus récemment, lui aussi corrompu. Luke n'avait pas hésité à le dénoncer, mettant en danger sa propre crédibilité pour avoir choisi un tel amant, pour ne pas avoir vu avant. Les nuits blanches, les regrets, la culpabilité, la colère. Lui non plus n'était pas un agneau innocent, mais il estimait agir de manière cohérente ou du moins le tentait. Peu de choses ne l'agaçaient plus que ceux qui "excusaient" leurs méfaits au nom d'une cause plus grande, puis le comparaient avec un autre méfait, la sécurité sociale, non mais sérieusement? Tout ça n'avait rien à voir et Luke ne voulait pas laisser Noctis s'éloigner du vrai thème.

- Skill est-il au courant, de Belsavis?

Le Hapien fondait peu d'espoir sur le Twi''Lek brisé. Le pauvre diable pouvait très bien être au courant mais sciemment fermer les yeux. Après avoir eu sa propre misère, il était plus facile de se détourner de celle des autres et accepter que son sauveur faisait partie de ceux, qui dans une autre vie, se seraient servis de lui comme cobayes. C'était un peu le syndrome de Stockholm en fait, bien que de base, Noctis ne l'avait pas enlevé.

- Pourquoi son cas vous a-t-il particulièrement touché?

Le jeune homme laissa passer un silence avant de faire un pas vers Noctis, tout en respectant ses convictions Jedis.

- S'il est en rémission je ne doute pas que vos capacités médicales sont excellentes, mais je pourrais éventuellement traiter les symptômes persistants, au moins étudier le cas, essayer de l'apaiser davantage. Si son système immunitaire est encore fragile, il serait bon ton de le renforcer, également.

Il jugea inutile d'ajouter que depuis des années, même si c'était le fruit du hasard au début - comment un Jedi ignorant tout du cycle de reproduction des humains et aveugle aurait pu un jour songé à se diriger dans la branche de la médecine?- il étudiait la guérison, tant via la Force que par des méthodes plus universelles. Noctis les connaissaient si bien... C'en était effrayant, et pas du tout flatteur, du moins pour une personne aussi modeste que Luke, qui craignait presque maladivement la lumière. Il n'aimait pas sortir du lot, comme le prouvait en partie son amour pour la tenue simple des Jedis, toujours impeccable mais pas du tout personnalisée.

Le dessert s'annonça aux yeux des convives, par le biais de magnifiques couleurs pastelles- rose, beige doux, brun.- et de fumets de gâteaux appétissants. Tout en simplicité mais de qualité, exactement à l'image de Noctis, il fallait le reconnaître. Luke ressentit un grande envie de consulter la bibliothèque de l'homme, de s'inspirer de son savoir, c'était une sensation inédite qui l'avait prit à la gorge et il sentit confusément, la même impression qu'il avait eu à l'égard d'Atalan Pirin. La peur de ne pas être à la hauteur des attentes d'un homme aussi cultivé, de décevoir. C'était ridicule. Et tout ça inspiré par le fumet délicat et équilibré de sucreries cuisinées à point, où même les éclats de chocolat étaient parfaitement équilibrés, nul besoin de voir pour le deviner.

— Voyons, Luke, reprit Noctis, ne soyez pas aussi… simple. Je ne cherche pas à me justifier auprès de vous. Que vous me jugiez moral ou immoral, respectable ou méprisable, n’a évidemment aucune importance pour moi. Vous considérez mes actes sur Belsavis comme de grands crimes, et moi, je me contente de vous en donner les raisons pratiques. Vous êtes un Consulaire, non ?

Les desserts à peine déposés, le droïde de service se replia aussitôt. Noctis n’aimait guère les machines qui tentaient d’imiter de trop près la vie. Il aurait préféré que Skill soit secondé ici par des êtres de chair et d’os, mais les droïdes étaient une concession à l’agoraphobie du jeune Twi’Lek.

— Comme vous le savez, j’ai servi l’Ordre Jedi avant tout comme diplomate. Et le principe de toute discussion diplomatique, ce n’est pas l’entente entre les peuples, mais bien plutôt que les différences sont irréconciliables. Les morales, les habitudes, les pensées sont la plupart du temps incommensurables. Le but de toute discussion de ce genre est de trouver un langage pragmatique. De définir une sorte de périmètre. Et il me paraît indéniable que la République, comme l’Empire, s’en prend à des civils. Que c’est le principe de tout conflit armé. Que la division entre le civil et le militaire est un artifice politicien, qui permet d’apaiser les consciences, mais qui ne résiste pas à un examen lucide de la réalité.[/color]

L’Hapien se servit une toute petite part de gâteau, probablement beaucoup plus pour le plaisir du goût que pour se nourrir.

— Vous me trouvez moralement répugnant, et je trouve l’Ordre Jedi profondément condamnable. Je ne considère pas que ce soit deux points ici matière à débat, mais plutôt des données de notre conversation. Du reste, en l’occurrence, je ne cherche pas à vous convaincre de quoi que ce soit, mais simplement à apporter des réponses à vos questions.
— Pourquoi ?
— Je vous aime bien, répliqua du tac-au-tac Noctis avec un sourire charmeur, beaucoup trop charmeur pour que Karm se sente tout à fait à l’aise.
— Et sérieusement ?
— Pourquoi est-ce que vous croyez qu’Ekkt vous a envoyés à moi ?

Karm haussa les épaules.

— Il n’aura pas été le premier à m’envoyer de jolis garçons pour chercher à me faire tomber, vous savez. C’est une tactique à laquelle mes adversaires ont souvent recours. Un joli damoiseau en détresse sur mon chemin, et je suis censé fondre et confier tous mes secrets. Ekkt est nécessairement au courant, ou alors les louanges qu’on lui adresse sont entièrement infondées. Pour ma part, je préfère surestimer mes adversaires que les sous-estimer. Alors supposons qu’Ekkt vous ait envoyés ici en ayant conscience que je vous avais vus venir, en sachant que vous seriez capturés, en sachant qu’aussi séduisants que vous puissiez me paraître, vous n’emporteriez pas avec vous les plans de ma base secrète, et qu’aussi convaincants que vous vous montriez, je ne croirais pas que vous vous fussiez convertis. Pourquoi, dans ces circonstances, s’est-il obstiné ?

Karm, peu habitué à ces jeux du chat et de la souris, et pas vraiment fait pour le monde de l’espionnage, se sentait un peu perdu dans cette situation qui devenait franchement labyrinthique.

— Parce que, euh… parce qu’il savait que vous nous parleriez quand même un peu ? Avant de nous relâcher ? Je veux dire, si on continue à supposer qu’il a tout prévu correctement.
— Et donc ?
— Et donc vous pensez que Maître Ekkt essaie d’établir un contact diplomatique secret avec l’Empire ?
— Parce que… ?
— Parce que, euh… parce que… parce que le pouvoir impérial va changer, avança prudemment Karm, et que ça peut ouvrir la voie à une sorte de paix. Et c’est ce que vous voulez aussi. Et il nous envoie nous parce que…
— Parce que vous êtes l’élève d’une traîtresse et que Luke est l’ancien amant d’un traître.
— Parce qu’on est facile à sacrifier à l’opinion publique, si jamais ça tourne mal…

Ekkt lui avait pourtant paru si sincère dans l’intérêt qu’il leur vouait. Mais peut-être était-il comme Noctis. Un homme capable de profondes contradictions. Et de froids calculs pragmatiques.

— Mais du coup, vous, vous auriez parlé à n’importe qui d’autre.
— Hmm…

Noctis réfléchit quelques secondes.

— Probablement, concéda-t-il. Mais que vous soyez un duo tout à fait captivant ne gâte rien à l’affaire. Quoi qu’il en soit, pour en revenir à vos questions, Luke, je vous remercie de votre offre mais, à vrai dire, je ne traite même pas Skill moi-même : je le laisse aux bons soins de médecins professionnels. Je vous concède que je suis peut-être un peu surprotecteur et il est beaucoup moins solide que quand je l’ai connu mais enfin…

Les proches du Seigneur Sith faisaient de sa part l’objet d’une attention toute particulière.

— Ce qui m’a plu chez lui, c’est… Je ne saurais dire. Sa détresse d’abord m’a ému, et ensuite, sa volonté acharnée à vivre, à surmonter à la fois ses difficultés psychologiques et physiques, et sa volonté d’être heureux, malgré tout ce qu’il avait traversé, m’ont séduit. Sa beauté, naturellement, a joué aussi son rôle. C’est un jeune homme tout à fait remarquable. Quant à Belsavis, il n’en sait rien, mais il ne s’intéresse guère à mes affaires, de manière générale. Je suppose que d’aucuns le jugeraient superficiel mais, à mes yeux, sa simplicité est une vertu plutôt qu’un défaut.

Les droïdes revinrent pour débarrasser la table.

— Mais il se fait tard et vous souhaitez sans doute vous reposer. J’ai vu qu’on vous avait dressé deux chambres séparées et, ma foi, si vous voulez continuer à préserver les apparences, libre à vous, bien entendu, mais enfin, à votre place, je saisirais cette occasion pour profiter d’un peu de cette intimité dont je suis bien placé pour savoir qu’elle est si rare au sein de l’Ordre Jedi.

Luke ne faisait pas le poids, il le sentait et s'en inquiétait chaque fois davantage. L'odeur pourtant à peine sucrée des desserts lui semblait écoeurante, à cela rien de nouveau puisqu'il mangeait de moins en moins de ce type d'aliments. Les goûts allaient et venaient disait-on, un peu comme Noctis qui savourait certainement sa prédominance sur les deux Jedis. Décidément, il semblait au courant de tout.

*Maître Ekkt n'aurait jamais osé...*

Songea le jeune homme qui faillit faire jaillir cette pensée du fond de son gosier avant de décider de la conserver jalousement en son sein. En écoutant Karm et Noctis converser, il se rendait compte que cette optique était beaucoup plus logique que celle de l'Ombre expérimentée qui se faisait bêtement arnaquée, sans parler de la précipitation avec laquelle le lézard les avaient projeté dans cette mission, de façon à ce qu'ils ne réfléchissent pas ou sentent l'urgence, voir les deux. Il avait utilisé cette vocation sensément commune à tout Jedi de sauver des vies, et Luke avait sincèrement cru qu'infiltrer le monde de Noctis était une question de vie ou de mort à court terme pour d'autres civils. Or ce n'était pas ce que laissait entendre le gâteau non entamé qui trônait dans son assiette, le narguant de son délicieux fumet. Le Seigneur Sith lui ressemblait, délicieux sur le moment mais rempli de calories mortelles à trop grande échelle et surtout dans le long terme. Voilà pourquoi le Hapien détestait ce genre d'aliments, ils semblaient excellents mais si on se laissait séduire, on finissait pas perdre le contrôle, comme lui, ici, par moments, lorsqu'il espérait secrètement être à la hauteur du génie du mal.

Si le jeune homme fut à peine surpris -- à ce stade en même temps, il s'attendait à ce que Noctis puisse leur répéter les conversations qu'ils avaient eu avec Ekkt.-- il manqua de s'étouffer avec le bout de gâteau qu'il n'avait pas mangé en entendant parler de Jason. Essayant de faire bonne figure, le Jedi répondit d'un ton froid et sec.

- Il n'y a rien à jeter en pâture à personne. Je l'ai dénoncé. Ça s'est terminé. Point. Le Conseil est au courant d'absolument tout, et l'opinion publique se fiche de nos règles internes concernant l'austérité.

S'il avait pu, Luke se serait caché sous son dessert, envoyant volontiers voler le chocolat sur sa tête afin que ce dernier dégoûline et forme un genre de rideau sur son visage dont les joues avaient bien rougie, le trahissant malgré ses efforts louables pour garder un air impassible.

- Et le chevalier Torr a été blanchi, pas seulement de façon interne, sinon également aux yeux de la justice Républicaine. Rien à ronger de ce côté-là non plus.

Continua le chevalier, plus véhément cette fois-ci. Impossible de conserver un air totalement neutre lorsqu'on attaquait son ami bien qu'il sache ce dernier apte à se défendre seul, il n'en demeurait pas moin outré. Quand est-ce que ces torchons sales, pourtant nettoyés au détergent par deux fois –Par l'Ordre puis la République.-- allaient-ils cesser de le tourmenter? Le fait que Karm n'ait pas suivi la voie de Tavaï n'en était que plus admirable et s'il fallait vraiment en faire une figure publique, il devrait être vu comme un héros, à l'instar du personnage principal, gentil malgré le fait que ce soit le fils du grand vilain dans les holofilm dont la dite opinion publique raffolait. Les civils étaient compliqués à saisir parfois, ce qui, certes, donnait peu envie de défendre leurs intérêts ou même eux tout court.

Luke abandonna rapidement la voie de Skill, bien que ce dernier ne sache rien de Belsavis, le lui révéler risquait de ne pas servir de beaucoup. Si le Twi''Lek perdait Noctis, il n'était plus rien. Au mieux il continuerait de se voiler la face, au pire il s'insurgerait mais contre les Jedis. Le corrompre semblait inutile d'après le profil rapidement dressé par Luke. En fait, toutes les sorties étaient bouchées, même s'il y avait l'optique de faire venir ce fameux speeder proposé par le génie du mal lui-même... Toutefois Luke n'avait pas confiance, bien que faire exploser le vaisseau de ses hôtes forcés en chemin ne lui ressemblait guère, difficile de choisir cette voie trop simple pour être honnête. Et puis, malgré la mission compromise, le Hapien espérait encore grapiller quelque chose. Oui, quelque chose même s'il ne savait plus du tout quoi chercher.

- Par les temps qui courrent, en effet, un peu de simplicité est toujours la bienvenue...

Énonça le Jedi songeur à mi-voix. Il avait beau aimer les défis, en l'occurrence, l'expérimenté adversaire était trop doué pour lui. Un point positif? Il faisait suffisamment remuer ses méninges pour ne pas avoir le temps de penser à tout ce que Karm obtenait –tant en ce qui concernait leur localisation qu'en réponses, réflexions de Noctis, donc faisant son boulot de Consulaire.- et ce que lui ratait lamentablement. La sensation d'échec était présente, plus que jamais, certes, mais il n'avait ni le temps ni l'occasion de s'appitoyer sur son sort.

Comble de l'humiliation, Absolem leur lança à la figure leur relation. Évidemment, s'il savait le reste, comment allait-il ignorer leur lien? Malgré leur jeu d'acteurs vraiment excellent depuis leur arrivée sur l'île, Noctis devait le savoir d'avant, non pas douter, sinon savoir, directement. Luke eut l'impression que l'homme avait parlé avec Ekkt avant mais c'était bien sûr impossible.

- Nous conserverons nos chambres séparées. Merci bien.

Répliqua-t-il sèchement en repoussant le gâteau vers le droïd, plus humilié que gêné qu'on soit au courant de ses préférences. Honnêtement craindre l'homophobie dans leur situation aurait été particulièrement stupide, mais comme tout le monde, Luke avait sa petite fierté, et il n'allait pas renoncer à ce qui avait été décidé au début pour satisfaire Monsieur Boule de Cristal. En outre, le jeune homme espérait avoir plus de terrain à explorer –en l'occurrence deux chambres au lieu d'une—pour trouver d'éventuels détails sur les anciens "prisonniers" voir Noctis lui-même, ainsi que les alentours. Peut-être qu'une des deux chambres possédait une véranda ou donnait sur l'extérieur pour chercher à partir par leurs propres moyens. Il serait toujours temps pour les deux Jedis de se rejoindre au coeur de la nuit, à moins que Noctis ne dorme pas non plus. Enfin, il espérait, en guise de bonus, laisser croire au Seigneur Sith que sa relation avec Karm s'était dégradée, ce qui le rendrait plus disposé à essayer de creuser l'écart entre eux. Rien n'était moins sûr cependant vu la clairvoyance de l'homme, mais ils pouvaient toujours essayer de laisser croire que cette conversation pendant laquelle le Chevalier Turquoise avait laissé sous-entendre ses doutes ou pas assez défendu l'Ordre avait égratigné un couple déjà malmené par la nature de leur travail. D'une onde de Force soigneusement entourée de barrière afin que seul Karm ne la reçoive, le Hapien tenta de le rassurer, craignant de l'inquiéter quant à ses dispositions, lui aussi. C'était en soi plutôt superficiel vu leur situation mais Luke craignait souvent de fâcher son ami, de l'agacer ou de l'ennuyer. Il parvint même à envoyer, comme c'était rarement le cas chez les Jedis, une espèce de sonorité qui galopa jusqu'à l'esprit de ce dernier éclatant dans son cerveau, non sans une certaine douceur:"Tam". Juste Tam. Ce qui voulait tout et ne rien dire à la fois.

- Bon et bien merci pour ce repas, c'était délicieux. Bonne nuit.

Le Consulaire ne jugea même pas utile de faire comme s'il était fatigué, ou de baîller. Cela aurait-été une insulte à Noctis qui devait deviner que les deux jeunes gens discuteraient dans une des chambres, ou du moins, remâcheraient la conversation dans leur coin. Quand ils se séparèrent enfin, le jeune homme suivit l'aura du trentenaire, puissante, presque entêtante. Après s'être assuré de son départ, Luke s'approcha de Karm pour lui glisser sur un ton murmurant –qui échapperait aux micros espérait-il.-

- Une petite excursion nocturne pour faire passer le dessert?

Ils n'obtiendraient certainement pas grand chose, devant probablement se contenter d'une balade dans les frontières de l'acceptable à cause des fameuses caméras, mais la plage par exemple pouvait receler de moins de ses appareils... De quoi parler plus librement; Et puis un premier coup d'oeil aux installations pouvait toujours les informer de quelques détails, qui à défauts d'être majeurs, pourraient être intéressants. De toutes manières, bien qu'il n'ait pas mangé de gâteau, le jeune homme avait besoin de détendre ses muscles, aussi raidis par la position assise que par la présence de Noctis. Il regrettait de ne pas pouvoir parler librement ni même de déposer sa main entre les doigts de Karm, mais s'il y avait une minuscule chance pour que Noctis croit à une dispute imprévue entre le couple et décide de s'infiltrer dans cette faille pour finalement corrompre l'un des deux, ce serait un genre de retour à la mission. Pour l'instant, il ne s'était clairement pas fait avoir, mais le fait de les avoir démasqué avait aussi dû faire baisser sa garde. Qui retenterait le même coup après avoir été découvert?

— Rendors toi.
— Non, non, c’est bon, murmura Skill d’une voix pâteuse à l’Hapien qui venait de rentrer dans la chambre, avant de se redresser sur ses coudes, pour observer Noctis se dévêtir, un spectacle qui valait assurément le coup de se réveiller. Tu m’as tellement manqué…

Le Seigneur Sith, nu désormais, s’assit au bord du lit et déposa un baiser sur le front du Twi’Lek.

— Toi aussi, mon ange.
— Ce mec est super flippant, murmura Karm, alors qu’ils avaient gagné la plage, avec Luke.

L’Ark-Ni observait attentivement le ciel, dans l’espoir, il le savait illusoire, de reconnaître quelques constellations. Le problème, c’était que la cosmographie impériale était loin d’être son domaine de spécialité : par définition, l’Empire n’était pas le terrain de l’ExploCorps, sauf peut-être la section d’entre eux qui collaborait avec les Ombres.

— J’crois que je préférerais encore qu’il colle au stéréotype.

Après un instant de réflexion, il concéda :

— Oui, bon, non, OK, c’est quand même moins pire de se faire inviter à dîner que torturer par des Inquisiteurs Siths dans des cachots obscurs, mais on se sent quand même vachement impuissant. Viens, on s’approche un peu plus de l’eau, j’veux jauger le courant.

C’était la marée basse et, comme l’Ark-Ni l’avait remarqué, à cause de l’amplitude, l’estran était important et l’île avait gagné plusieurs kilomètres de plage, depuis leur visite de l’après-midi. Il s’accroupit près des vagues et plissa les yeux, pour observer les débris de bois et les algues qui flottaient au-dessus de l’océan, et tenter d’estimer la force du courant. Après quelques secondes, il murmura :

— On pourrait nager jusqu’à l’île principale, je pense. T’es comment, niveau natation ?
— Tu vas pas les tuer, dis… ?

Noctis s’était étendu sur le lit et Skill, lui, s’était réfugié dans les bras de son compagnon. Du bout des doigts, l’Hapien caressait l’épaule du Twi’Lek et celui-ci traçait des siens le dessin des abdominaux du Sith, d’une improbable régularité.

— Probablement pas. Pourquoi ? Tu les aimes bien ?
— L’autre Hapien est vraiment très mignon. Luke ?
— Oui. Tu as essayé de lui parler ?
— Pour ?
— Voir s’il était sensible à tes charmes. Passer du bon temps.

Karm se redressa.

— Y a trois bons kilomètres de nage, en oblique du courant, du coup assez peu de résistance dans l’ensemble. Mais le truc, c’est qu’on a aucun moyen de savoir ce qu’il y a comme sécurité de l’autre côté. C’est un coup à tomber sur un périmètre automatisé et à se faire choper dès qu’on y pose le pied.

Le jeune homme laissa échapper un sourire.

— Mais l’alternative qui consiste à faire confiance à M. le Génie du Mal, c’est pas beaucoup plus riant.

Ils commencèrent à remonter le long de la plage, pour gagner un point de l’île un peu plus en hauteur, même si Karm n’espérait pas découvrir grand-chose de plus.

— Y a un truc auquel j’ai pensé. Si Ekkt nous a vraiment envoyé aussi pour, genre, débuter la conversation et tout. Y a des chances que ça nous retombe dessus la prochaine fois. Qu’on soit obligés de remettre ça. Parce que si le but, c’est de rester discret et tout, il va pas prendre le risque de changer à chaque fois d’ambassadeurs. Et ça peut vraiment servir à apporter un peu de paix dans la galaxie, j’nous vois mal refuser, quoi…

Pourtant, Karm ne se sentait pas du tout à la hauteur de cette mission hypothétique. Mais c’était peut-être aussi tout le principe : envoyer un Jedi convaincu en la personne de Luke et un Gardien brutalement honnête en celle de Karm, pour que Noctis n’ait pas à se préoccuper des faux semblants. Le jeune homme rejeta en arrière ses cheveux argentés.

— Comment tu te sens, toi ? Il t’énerve, j’le sens bien, mais faut que tu tiennes le coup. Que tu gardes ton sang-froid. Parce que moi, honnêtement, au-delà de poser mes questions sur Belsavis, j’suis pas sûr d’avoir une grande utilité diplomatique. J’comprends même pas concrètement ce qu’on pourrait proposer. Enfin, y a peut-être rien à proposer. Juste prendre contact. J’sais pas.

Dans la chambre, Noctis et Skill avaient cessé de parler : c’est que leurs lèvres étaient occupées ailleurs. Bientôt, les gémissements à peine contenus du Twi’Lek vinrent remplacer leurs propos murmurés et, pendant que les deux Jedis s’inquiétaient de sombres manipulations, Noctis, lui, était occupé à faire l’amour.

- Moi aussi j'aurais préféré le stéréotype, même s'il devait nous torturer. Franchement, il n'y a rien à tirer de lui... Si ça se trouve il est actuellement en train de tout visionner sur une caméra ou avec des micros cachés je ne sais où. Je ne visualise rien, je ne connais pas cet endroit et suis incapable de me situer. Je... - Luke se tranquillisa, conscient d'envoyer les ondes de Force inquiète à son compagnon, retenues tout au long de la journée. Pour détendre l'atmosphère et apporter lui aussi du courage à son compagnon, il l'imita en haussant les épaules et en lançant d'un ton flegmatique., le tout accompagné d'une onde plus optimiste.- OK. - On effaçait et on reprenait façon Karm donc. Un problème à la fois- J'ai beaucoup nagé pour ma réhabilitation et me renforcer ensuite. Dans une piscine cela dit, et avec des capteurs pour m'aviser des rebords.

D'abord victime de maltraitances puis d'une hémorragie interne en guise d'apothéose, Luke avait, dès les premiers signes d'amélioration, été envoyé dans un centre pour faire de la natation et récupérer ses jambes abîmées. Heureusement ce qui n'avait jamais fonctionné pour les yeux avait bien marché pour ces dernières. Sa constitution frêle et son éternel retard de croissance l'avaient mené au bassin pendant de nombreuses années encore et bien que plus rarement, le jeune homme continuait de nager au Temple. Il savait posséder cette résistance, pouvoir avancer dans les flots, s'efforcer, mais doutait quand même car l'océan lui était étranger. Il décida, comme presque toujours avec tout le monde et toujours avec Karm, de se montrer honnête.

- Si tu me guides, je pense pouvoir le faire, mais si nous nous perdons à cause des courants, je ne serai probablement pas capable de revenir ici. De plus, je ne sais pas si je sentirai les rochers et autres obstacles naturels.

Le Jedi poussa un soupir qui signifiait "oui, ce mec est flippant, et la situation d'autant plus", renonçant avec difficulté à se laisser choir sur le sable. Lui qui souhaitait marcher, étirer ses jambes, se sentait tout à coup las. Cependant, eux n'auraient pas le droit au repos, évidemment.

- Pour être franc, il est plus expérimenté que moi et beaucoup plus intelligent. Je le pense surdoué. Son unique point faible, si s'en est un et qu'il ne joue pas la comédie, serait son arrogance. Il prévoit tout, anticipe tout, donc une anicroche sur le chemin, soigneusement déposée pourrait servir. Malheureusement j'ignore si je peux lui tenir face, il m'a promené exactement comme il le souhaitait toute la soirée. Je pense Skill beaucoup plus faible et accessible mais très fidèle envers son sauveur, littéralement aveugle. Nous lui balancerions ce qui s'est produit sur Belsavis et il s'en moquerait, et son agoraphobie se chargerait d'éliminer les dernières traces d'une compassion éventuelle. La seule chose à faire serait de le manipuler en allant en son sens, c'est à dire en vantant subtilement son cher maître, amant, sauveur, choisis l'option que tu veux, plusieurs bonnes réponses sont possibles de toutes manières. Mis à part ça on n'a rien de concret, et ce qui m'inquiète c'est de savoir pourquoi Ekkt nous a envoyé nous. Les torchons sales ne servent plus, je veux dire tu as été dissocié de Tavaï et moi de Jason. On a été vraiment transparents... Quant aux capacités j'en doute. De toutes manières Noctis nous l'a signalé- et je le crois- il a de nombreux contacts. Nous sommes Chevaliers, que pourrions-nous proposer ou obtenir concernant cette soit-disant paix? Rien, je n'ai aucun pouvoir politique, pas même la capacité de parler au nom de l'Ordre, sauf une fois face à un autre Seigneur Sith: Nero venu aux portes du Temple. Je n'y comprends rien.

Le jeune homme laissa son pied s'enfoncer dans un petit bout de dune, les oreilles attentives au bruit des vagues. Il était effrayant de songer à faire 3 km dans ce fluide mouvant et inconnu, mais moins que d'affronter Noctis et ses gâteaux au chocolat.

- Peut-être devrions-nous rester? Il ne peut guère nous faire avouer de choses, puisque nous ne sommes pas au courant des dossiers les plus confidentiels de l'Ordre en tant que chevaliers... Et puis, si Ekkt- il n'avait pas utilisé le mot Maître comme à son habitude.- nous renvoyait là-bas, ce serait certainement très différents. Après que nous nous soyons enfuis une fois, il n'y aurait plus aucune confiance. Bon je ne sais pas s'il y en a, présentement, tu me diras. Hum.. Je propose de trouver un moyen de communiquer avec lui afin de lui dire que la mission a échoué. Au moins nous pourrons avoir sa réaction en direct. Tu sais, je me méfie aussi de lui.

Le jeune homme avait du s'y reprendre à deux fois pour avouer cette hérésie mais c'était chose faite désormais. Sans aller jusqu'à le penser Sith, Luke croyait qu'il avait agit à l'encontre du Conseil ou du moins sans les aviser, d'où la précipitation de cette mission. Le Hapien avait inconsciemment très envie de se justifier auprès des aînés de l'Ordre, et surtout auprès de son maître. Ils avaient également été dupés, si c'était le bon terme bien sûr.

- Pour une mission officielle de cette envergure, ils auraient envoyés le meilleur diplomate de l'Ordre, et ce n'est pas moi.- Reconnut sans problème Luke, malgré lui et malgré une ambiance tiède, son corps tremblait légèrement tandis que ses yeux se perdaient dans un horizon sans ligne.- Crois-tu que nous devrions chercher à avertir l'Ordre?

Demanda le jeune homme presque penaud. Il ne voulait pas se faire rejeter, renvoyer. Les propos de Noctis rebondissaient encore dans son esprit, les enfants-soldats, l'utilisation de la République de troupes armées d'un sabre-laser, la corruption. Il ne souhaitait pas y croire. C'était beaucoup plus simple de songer à l'ordre régnant dans les dortoirs qu'il parcourait sans même avoir besoin de faire attention le soir, le sourire des enfants manipulant des objets avec la Force, la tendresse des instructeurs. Ils n'étaient pas comme les Siths, c'était évident. Karm et lui le prouveraient. Ils étaient ensemble.

Contacter l’Ordre.

Karm se tourna en direction de la villa. Il faisait l’inventaire de tout ce qu’il y avait vu. Il y avait sans aucun doute, là-dedans, des moyens de communiquer avec l’extérieur. Pour appeler le speeder depuis l’île principale. Pour parer à une urgence médicale de Skill. Mais les trouver, et agir en toute discrétion, pouvait s’avérer compliqué. L’Ark-Ni hocha néanmoins la tête.

— Oui. On va faire ça. Envoyer un message. Et voir ce qui se passe. Une évasion dans nos conditions actuelles, ce serait beaucoup trop dangereux. Viens, on refait un tour dans la villa. J’veux jeter un œil aux droïdes de service.

Ils commencèrent à suivre un petit sentier qui, entre les arbres soigneusement entretenus du parc, conduisaient à la terrasse où ils avaient pris l’apéritif. Karm n’était pas aussi persuadé que Luke que leur association malheureuse à Tavaï et Jason respectivement fût tout à fait derrière eux. Aux yeux de l’Ordre, peut-être. Sans doute, même. Mais aux yeux de la République ? Des médias, si quelqu’un jugeait opportun de transformer l’affaire en scandale ? La vérité importait moins que les apparences, et toute cette affaire ressemblait à un jeu de masques.

Une fois dans la villa, il tendit l’oreille, mais il n’y eut guère d’efforts à fournir pour deviner ce qui se tramait dans la chambre de Skill et Noctis. La Force bouillonnait de plaisir et de désir. L’énergie sexuelle vibrait. Karm déglutit péniblement. Il tentait de ne pas imaginer le Twi’Lek cambré dans les bras de l’Hapien. Les lèvres de Noctis sur la peau colorée. Les…

— Par là, souffla-t-il, en se dirigeant vers la cuisine.

Alors qu’ils passaient dans le couloir, un gémissement de plaisir étouffé monta de la chambre. Karm ferma un instant les yeux pour chasser comme il le pouvait les images presque obsédantes qui brûlaient dans son esprit. Une fois dans la cuisine, il murmura à Luke :

— Prépare toi un truc à grignoter, ça nous fera un alibi, si jamais… ils finissent.

Lui, ce qui l’intéressait, c’était les droïdes, et en particulier leur système de mis à jour. Il voyait mal Skill vérifier à la main chacun des systèmes pour s’assurer que les machines étaient parfaitement fonctionnelles. Le Twi’Lek n’avait pas l’air d’un idiot, mais il était jeune, peu éduqué, et beaucoup plus artiste qu’informaticien. Le Jedi tablait donc sur une mise à jour automatique, directement téléchargée de l’Holonet. C’était une connexion amplement suffisante pour envoyer un message simple et unidirectionnelle.

Restait à trouver l’engin le plus élémentaire, celui qui était le moins sensible d’être protégé par des systèmes de sécurité. L’Ark-Ni considéra le réfrigérateur. Il s’approcha de l’écran et navigua dans les options. L’ordinateur intégré tenait le compte exact des ingrédients qui se trouvaient dans la cuisine, proposait des menus préparés, accompagnés de commentaires nutritionnels, probablement conçus pour les besoins spécifiques du Twi’Lek en convalescence. Il commandait ce qui manquait en fonction des besoins. Il aurait suffi d’injecter quelques informations codées dans l’algorithme de commande, entre la gestion du stock de yoghurt et la pesée automatique du bac à légumes, pour transmettre quelques mots à l’Ordre.

Plus facile à dire qu’à faire.

— J’ai besoin au moins d’un quart d’heure, j’pense…

Ils avaient le temps, sans doute. Toute la ville était enveloppée dans une chaleur érotique. L’inconscient de Karm s’agitait. Il se souvenait de l’artefact. Dans la prison. Des désirs dominateurs qui s’étaient réveillés en lui. L’aura de Noctis lui-même, en pleine action avec Skill, était différente. Plus subtile. Plus séduisante. Est-ce que l’Hapien la déployait volontairement ? Pour les troubler ? Ou bien s’était-il abandonné simplement aux plaisirs avec son amant, sans chercher à contenir la manière dont celui-ci résonnait, à cause de sa puissance, à travers la Force ?

L’algorithme du réfrigérateur était simple, évidemment, mais Karm cherchait à prendre toutes les précautions pour s’assurer que son message différerait si peu des données ordinairement envoyées par la machine que la surveillance des communications planétaires ne l’intercepterait pas. Dans le même temps, il s’agissait tout de même d’être repéré par Ekkt. La Force était de plus en plus intense. La jouissance se répercuta comme une onde de choc psychique dans toute la villa et Karm ne put retenir un bref soupir brûlant. Il se sentit aussitôt honteux.

Mais il y avait plus urgent.

— J’ai besoin d’encore un peu de temps, faut pas qu’il vienne par là. Essaie de le retenir dans le couloir, s’il sort de la chambre.

- C'est vraiment scandaleux.

Stupide constatation d'un gamin bien dressé par l'Ordre et naturellement prompt à une pudeur extrême. Luke venait de constater ce qui se passait dans la chambre, en même temps inutile de chercher beaucoup pour deviner ce qui s'y produisait, d'ailleurs, c'était si intense que même en essayant de se voiler des yeux déjà aveugles, Luke ne pouvait empêcher son esprit de tout capter via la Force. Ridicule. Dans ces circonstances, les agissements de Noctis lui semblaient ridicules en plus d'être scandaleux, mais ce détail soulignant l'arrogance de l'homme pouvait aussi être un avantage. Pour plus tard. Les joues rouges de honte, plus encore lorsque Karm avait poussé un soupir suspect, le jeune homme posait son regard partout sauf là où il supposait que se trouvait celui de l'Ark-Ni. Pas totalement insensible non plus, le Hapien pour sa part, se souvenait de certains moments passés avec son propre compagnon. Il se rappelait du désir ressenti, de leurs propres ébats et cela lui donnait un certain degré d'envie, à tel point que même la phrase "prépare-toi un truc à grignoter" paraissait érotique. Sans doute à cause de la propre voix de Karm qu'il imaginait sans mal lui dire d'autres choses.

Le Jedi se renferma dans sa bulle de Force afin d'être épargné par la suite des événements. Craignant que sa voix ne lui fasse défaut, il avait simplement hoché la tête, un geste toujours surprenant venant d'un aveugle, mais qu'il avait conservé malgré tout, conscient que les autres percevaient ceci comme un "oui". Le frigidaire regorgeait de denrées, et Luke eut un peu de mal à se saisir des bons ingrédients, il se coupa en séparant un petit pain pour faire un sandwich mais retint le léger cri de surprise sensé accompagner la mauvaise surprise. Tour à tour, il suçota son doigt blessé puis fourra une tranche de fromage dans son pain, pour achever, bon gré mal gré, son alibi. Par pur réflexe, il nettoya la table, sans savoir s'il avait renversé quelque chose ou pas, mais il aimait l'ordre. Surtout chez les autres, y compris chez un vilain Sith, c'était impoli de laisser des miettes et être aveugle n'était pas une excuse.

Désormais planté dans le couloir, comme s'il s'apprêtait à rentrer dans sa chambre, le jeune homme, arme à la main -comprenez le sandwich.- montait la garde. Un rôle encore une fois assez ironique vu son handicap, mais pas si stupide en y pensant bien. Qui mieux que lui pouvait se targuer d'être habitué à scruter un geste dans la pénombre? La Force aux aguets, le Hapien sentit son sang ne faire qu'un tour lorsqu'il détecta une présence qui s'approchait, environ 10 minutes après que Karm ait donné ses instructions. Heureusement, ils avaient de la chance dans leur malheur car c'était apparemment Skill qui venait par là. Luke brandit sa preuve et s'expliqua dès que le Twi''Lek émit une onde de surprise, presque de peur au sein de la Force.

- Bonsoir, désolé... Je... Avec le stress tout ça je n'ai pas beaucoup mangé ce soir, et j'ai eu faim, tellement que je ne réussissais pas à dormir, alors je me suis permis de me faire un petit sandwich C'est impoli, j'en suis conscient mais je mourrais vraiment de faim.

Le jeune homme prenait soin d'appuyer sur ses excuses, mettant en avant la courtoisie comme principal souci, afin de dévier toute autre préoccupation de la tête de l'amant de Noctis. Rien qu'en pensant à ce que faisait auparavant Skill dans la chambre -il avait dû décider de se rafraîchir par le suite, d'où sa présence ici.- le jeune homme sentit ses joues s'empourprer violemment. Il ignorait si le Twi''Lek avait allumé la lumière- un phénomène lui permettait aux voyants, devenant non-voyants la nuit, de voir comme en plein jour. Saï s'était arraché les cheveux en lui expliquant pour la dixième fois le concept.- et le "voyait" donc comme Karm et les autres en étaient capables, dans son entièreté donc. L'élastique de sa queue de cheval à demi dénouée laissait verser des mèches blondes sur ses épaules de part et d'autres, comme de petits ruisseaux capricieux, probablement à cause de toutes les émotions de la journée. La chemise qu'il s'était permis d'ouvrir un peu à cause de la chaleur qui persistait malgré la nuit tombée, les joues rouges de confusion et son fameux sandwich à la main, donc. D'une onde de Force d'autre part, Luke avisa Karm. Il fallait que ce dernier se dépêche. Il parlait aussi suffisamment haut pour que la conversation atteigne l'Ark-Ni, sans arriver aux oreilles de Mister Perfect(Alias Absolem).

- J'admets que je risque probablement de mettre un certain temps avant de retrouver ma chambre, pourriez-vous m'y accompagner s'il vous plaît?

Problème, si Skill acceptait, Luke ne pourrait plus monter la garde. Dans le pire des scénarios, le jeune homme éloignerait le Twi''Lek, mais Noctis risquait de débarquer, et il ne trouverait pas Karm en train de se préparer un sandwich. Ne restait plus qu'à prier pour que le brillant du mal soit épuisé par ses galipettes avec Skill. C'était sans doute trop espérer, mais on ne savait jamais.

— Ne t’excuse pas, c’est important de manger. C’est ce qu’il me dit tout le temps, Noctis. Surtout au début, quand j’avais vraiment du mal. Parfois, il est resté des heures avec moi, à attendre patiemment que je finisse une soupe, en me racontant des histoires pour me divertir, c’était…

Le Twi’Lek laissa échapper un soupir d’autant plus énamouré que Noctis venait tout juste de lui témoigner l’étendue de sa très vigoureuse passion. Torse nu, avec la sueur qui perlait sur son torse désormais athlétique, Skill lui-même était loin d’offrir un spectacle indifférent, mais Luke ne pouvait guère sentir que l’aura de satisfaction et de bonheur qui s’échappait du jeune homme.

— Tu peux te tenir à mon bras, si tu veux.

Dans la cuisine, Karm travaillait aussi vite que possible. Il avait pris le pari risqué de ne pas surveiller ses arrières grâce à la Force, pour se concentrer pleinement sur sa tâche et la finir aussi rapidement qu’il en était capable. Les secondes passaient. C’était un piratage somme toute assez simple, mais long et fastidieux. Il venait à peine de terminer et il était encore planté devant l’écran quand il entendit une voix désormais familière derrière lui :

— Insomnie ?

L’Ark-Ni dut convoquer tout son sang-froid pour empêcher sa coeur de s’emballer sous la panique.

— J’cherche l’inspiration, lâcha-t-il d’un ton aussi dégagé que possible, en faisant défiler le menu du réfrigérateur.
— J’ai une suggestion.

Noctis le contourna pour poser la main sur la porte. Karm se décala pour la lui laisser ouvrir, en se tournant vers lui. L’Hapien était vêtu d’un simple pantalon en lin léger. Sans rien en dessous. De toute évidence. Tout flegmatique qu’il était, Karm ne fut capable de retenir son regard qui erra sur le torse et le ventre de Noctis. Peut-être même un peu plus bas. Noctis ne parut pas le remarquer, occupé qu’il était à sortir quelques ingrédients du réfrigérateur.

— Voilà.

Dans la chambre, Skill se demandait s’il avait mal interprété les propos de Luke. Noctis lui avait dit de tenter sa chance avec l’autre Hapien et Luke ne venait-il pas de l’inviter de façon à peine détournée dans sa chambre ?

— Tu, hm… Tu veux que je te tienne compagnie ? Pendant que tu manges ton sandwich.

Comme aucun cri de douleur ne résonnait dans la villa, on pouvait supposer que Noctis n’avait pas surpris Karm en compromettante position et que l’Ark-Ni n’était pas en train de se faire torturer par le Seigneur Sith. Le Gardien avait hésité à tenter de rassurer Luke à travers la Force, mais il craignait toujours que leurs impressions silencieuses ne pussent être surprises par le Seigneur Sith. S’ils survivaient, se promit-il, il se renseignerait mieux sur l’étendue des pouvoirs du Côté Obscur.

— C’est bizarre, murmura l’Ark-Ni.
— Bizarre bizarre ou bizarre bien ?

Karm goûta à nouveau.

— Bizarre bien.

Assis sur un tabouret au bar de la cuisine, il partageait avec Noctis des roulés d’algues locales fourrés à la confiture d’anémone. Les plats de la mer étaient toujours ce qu’il y avait de plus exotiques pour un enfant des vaisseaux spatiaux, qui avait fini dans la jungle d’Ondéron.

— Vous regrettez parfois ? D’avoir quitté l’Ordre ?

C’était une question sans arrière-pensée, sortie toute seule, dans l’intimité de cet en-cas nocturne, à la faveur de l’obscurité de la cuisine.

— Non. Pas vraiment, non. D’avoir rejoint l’Empire, peut-être, parfois, plutôt que d’avoir cherché une troisième voie, comme les Jedis Gris, mais ça n’aurait fait que compliquer mes recherches.
— Vos recherches ?
— Sur la Force. La Force, c’est tout ce qui compte.

Noctis plongea son regard dans celui de Karm. L’Ark-Ni détourna les yeux.

— En tout cas, euh…

Skill était très nerveux.
Les relations sociales, ce n’était pas son fort, même s’il avait fait beaucoup de progrès.

— En tout cas, tu es vraiment très, très beau… Et euh… Si jamais tu… enfin… Si tu veux, euh… enfin, si tu arrives pas à dormir et que, euh… que tu préfères qu’on euh… s’occupe tous les deux… moi j’aimerais bien…

Ses lekkus se tressaient les uns aux autres, sous l’effet de l’anxiété.
Dans la cuisine, Noctis esquissa un demi-sourire.

— Ah, je crois que Skill est en train de faire des avances à Luke.

A cette perspective, Karm ressentit beaucoup plus d’excitation que de jalousie. L’idée de voir Luke perdu dans les bras du Twi’Lek était curieusement séduisante. C’était la faute de Noctis. Son influence perverse, sans aucun doute, qui lui troublait l’esprit.

— V’z’êtes pas très possessif, murmura-t-il.
— Disons plutôt que je suis curieux.

Devoir avaler ce sandwich en feignant d'être affamé était le moindre des soucis de Luke, désespéré d'avoir des nouvelles de l'entreprise de Karm. Il accepta d'un hochement de tête que Skill l'accompagne, espérant éloigner un danger suffisamment longtemps. Il ne pouvait pas permettre au Twi''Lek d'avancer dans le couloir, au risque de surprendre Karm emmêlé dans ses câbles. Le jeune homme se laissa donc faire, un peu surpris que l'autre lui prenne le bras. Ah oui, le cliché du pauvre aveugle qui avait absolument besoin qu'on l'entraîne vers sa destination. Ils avaient pourtant des oreilles, et plutôt excellentes. Mais si la voix aurait suffi, le Hapien avait préféré ne pas contrarier son bienfaiteur d'une nuit. Emmené dans sa chambre, il s'apprêtait à fermer la porte, jugeant que l'Ark- Ni devait avoir achevé sa besogne, lorsque Skill lui proposa de rester. Luke réfléchit un instant, avant de rouvrir la porte. Il avait précédemment proposé de faire parler l'amant de Noctis, c'était le bon moment.

Aussi doué que Luke en relations sociales lorsqu'il était en-dehors du cadre du travail, Skill butait sur les mots, le Hapien le laissa patiemment terminer sa phrase, il avait presque pitié de lui. Enfin, jusqu'au moment où la proposition indécente tomba. Presque comme le sandwich à demi avalé qui faillit rejoindre le sol. Luke faillit s'exclamer un "Mais enfin... Vous venez de..." Très ingénu, enfantin et indigné. Il se retint au dernier instant avant de choisir de profiter de la situation. Fidèle, il n'avait aucune intention de tromper Karm mais s'il pouvait faire traîner les choses et conserver Skill dans cet état de langueur où il serait moins attentif.. Décidé à botter en touche, le Jedi répliqua d'un ton gêné.

- Mais... et Noctis?

Ce fut tout ce qui sortit de ses lèvres avant un bon moment, le faisant passer pour un grand timide doublé d'un ingénu, ce qui était sans doute vrai. D'ailleurs le mystère du Twi''Lek pouvant enchaîner une autre partie de... hum... plaisir, à peine après avoir achevé la première n'était toujours pas résolu. Décidément, le blond était bien l'homme d'un seul homme, peu demandeur et très classique dans la manière de... Mener la partie.

Zut, du coup il ne savait plus quoi dire d'autre, ni comment mener Skill à parler. Ah si, commencer par s'inquiéter de leur survie.

- Je dois avouer que si je ne peux pas dormir, c'est en partie parce que je ne sais pas ce que vous allez faire de nous. -commença le Jedi en impliquant volontairement Skill dedans, afin de le responsabiliser ou lui donner ce pouvoir, selon son caractère le Twi''Lek interprèterait ce détail, anodin en apparence.- Ah et... Merci pour le compliment, c'est très... Direct, nous n'avons pas l'habitude chez nous, enfin au Temple.

S'il pouvait profiter de sa timidité réelle pour avoir l'air d'un Jedi ignorant, innocent et en manque d'affection, tant mieux. D'un côté c'étaot un peu ce qu'il était, enfin pour les deux premiers termes. Concernant le troisième, il supposait que laisser penser que Karm et lui étaient en froid ou du moins trop bridés pourrait mener Skill à parler de ses observations à son maître. Un couple sur le point de se déchirer ou simplement enfoncé dans la routine, cela se répercutait forcément sur le terrain professionnel. Skill ne les verraient plus- s'il les avaient déjà vu comme tel.- capables d'ourdir un plan. Il pourrait même penser avoir ses chances de cisailler le duo de paire avec Noctis.

Luke mordit dans son sandwich, finalement très heureux de l'avoir pour s'occuper. Ainsi, il se donnait du temps pour réfléchir, tout en se donnant contenance. Cette mission avait de quoi rendre fou. Lui qui était sensé séduire le Seigneur Sith se retrouvait courtisé par son amant. On aurait dit un mauvais film d'holoporno, c'était vraiment déroutant, presque traumatisant. Et en plus on lui demandait de ne pas s'insurger. Difficilement mais assez brillamment donc, Luke faisait mine de ne pas être insensible aux charmes de Skill, sans pour autant avoir l'air de céder, laissant supposer éventuellement que c'était trop tôt pour finir au lit quoiqu'il n'était pas fermé. Ou quelque chose du genre. Peut-être.

Heureusement, le jeune homme ignorait tout des pensées "sordides" de Karm à son encontre, espérant juste que si son ami avait vent de cette semi- invitation, ou ce semi-refus, il comprendrait que c'était pour la mission. Oui, évidemment. L'Ark-Ni lui faisait confiance, tout comme lui avait réellement confiance en lui.

— Depuis que vous vous êtes lancés sur ma trace, Luke et vous, je me suis renseigné sur votre compte, et naturellement un peu sur votre culture à vous, dont je dois avouer qu’elle m’était largement étrangère. Quand j’étais encore un Chevalier Jedi, j’avais croisé une Ark-Ni sur une station d’extraction minière dans une ceinture d’astéroïdes, mais la discussion en était demeurée à des considérations générales sur l’industrie.

Où diable voulait-il en venir ?

— J’avais donc tout apprendre, mais si j’ai bien compris, vos propres coutumes matrimoniales ne sont pas fondées sur l’exclusivité. Vous ne devriez pas vous étonner que je sois si peu possessif. En réalité, vous savez, l’exclusivité est principalement un aspect des sociétés qui fondent l’héritage sur la filiation naturelle dans le cadre d’alliances hétérosexuelles, mais on trouve d’innombrables planètes, et d’innombrables cultures, où différentes formes de polygamie ou de liberté personnelle se sont développées. En tant qu’explorateur, vous devez être familier du phénomène.
— J’explore souvent les planètes désertes, se défendit Karm, bien conscient qu’une telle réponse, qui ignorait le coeur de la conversation, ne soulignait que trop son malaise.
— Je ne voulais pas vous embarrasser, répondit doucement l’Hapien.
— Noctis… ? Tu veux…

Skill s’interrompit juste à temps en se rendant compte que non, Luke ne voulait probablement pas un plan à trois. C’était bien dommage. Pour le jeune Twi’Lek, le sexe avait été une libération. Noctis lui avait fait découvrir que son corps pouvait servir à autre chose qu’à souffrir. Mais il comprenait sans peine que la même liberté n’eût pas cours pour tout le monde. Alors il se contenta de s’asseoir respectueusement sur l’accoudoir de l’un des fauteuils de la chambre.

— Noctis, il est très… Libéral ? Je suppose. Enfin non, il y a beaucoup de choses qui condamnent en la matière mais il n’est pas possessif. Enfin pas physiquement.

Skill se retint de dire qu’il serait même plutôt du genre encourageant.

— Qu’est-ce que vous pensez de la morale sexuelle de l’Ordre ?

Karm haussa les épaules. Mais peut-être était-ce une occasion de persévérer, comme Luke paraissait le vouloir. De grappiller encore un peu de faveur. De poursuivre l’infiltration. Après un moment d’hésitation, il reconnut :

— J’suis pas totalement convaincu.
— Parce que… ?
— Parce que j’trouve que la Force, c’est la vie, et les sensations physiques, c’est une part importante de la vie. Aussi, c’t’une signe de faiblesse, de manque de foi, que de croire que le Côté Lumineux est fermé aux plaisirs et aux sentiments. C’est… asséchant.
— Alors qu’est-ce qui distingue le Côté Obscur du Côté Lumineux ?
— Le Bien et le Mal.
— Ce n’est pas un peu simpliste ?
— Tout n’est pas toujours compliqué.
— Tu sais, s’il dit qu’il vous laissera partir, c’est qu’il vous laissera partir. Je serais toi, je m’inquiéterais pas trop. Evidemment, je comprends pas tous les tenants et aboutissants de vos histoires, là, mais concrètement, vous êtes un peu à sa merci, alors il a pas tellement besoin de vous mentir. Noctis, c’est… J’imagine que de ton point de vue, c’est un des ennemis absolus, comme le reste des Siths, mais une chose est sûre, c’est pas un sadique. Absolument pas un ange, c’est sûr, mais certainement pas un sadique non plus.

Skill se laissa finalement glisser dans le fauteuil.

— Personne te fait jamais de compliments alors ? Même pas Karm ? C’est vrai qu’il a pas l’air très… euh… chaleureux. Après, ça a son charme, aussi, le côté baroudeur taciturne. N’empêche que tu mérites. Et puis tu as l’air gentil et… Doux ? J’aime bien les gens doux. Y a des mecs qui adorent les types qui sont un peu brusques et tout, mais moi, c’est vraiment pas mon truc.

Silence.

— Est-ce que c’est parce que les gens sont homophobes, dans l’Ordre Jedi ? Noctis dit que dans l’Empire, c’est souvent le cas. Je crois que ça le rend… Triste. ‘Fin, y a beaucoup de choses qui le rendent triste…
— Est-ce que j’ai l’air maléfique à vos yeux ?
— D’une certaine manière, ouais.

Silence.

— Moi aussi, j’ai lu votre dossier, hein.
— Est-ce que vous croyez que les êtres vivants retournent à la Force ?
— Oui…
— Alors en quoi la mort est-elle un mal ? La mort d’innocents ?
— Parce que la Force, c’est aussi la vie, et que quand on abrège une vie, on l’empêche de se plonger plus intensément, de faire pleinement l’expérience de la Force.
— Mais tout le monde n’est pas sensible à la Force.
— Y a d’autres formes de sensibilité que celle des Jedis et des Siths.
— Alors vous êtes contre la peine capitale ?
— Oui.
— Et l’avortement ?

Karm descendit de son tabouret.

— J’vais dormir, j’suis crevé.
— Je vous raccompagne jusqu’à votre chambre.

Noctis serait-il vraiment aussi nuancé que le disait le Twi''Lek? Luke laissa ses sens couler jusqu'à l'homme, totalement ouvert à lui. Malgré son agoraphobie, Skill semblait détendu, de plus en plus d'ailleurs, et le Hapien l'y aidait en l'influençant un peu avec ses pouvoirs. L'impact n'était pas aussi grand que si son interlocuteur était sensible à la Force, mais c'était discret, tellement que le Twi''Lek sentait son inquiétude habituelle devenir douce langueur. Peut-être imaginait-il que c'était le désir refluant à nouveau, à la fois envers son amant Noctis et ce nouveau potentiel camarade de jeu? Peut-être l'était-ce réellement? Sans frontières désormais, son esprit avait abaissé ses barrières et le blond fut presque surpris d'y lire de la sincérité. Tout était clair comme de l'eau de roche, parsemé de petites étoiles sombres appartenant cependant au passé. Il sentit les traces de la maladie de Skill, affaibli, mais n'essaya rien, par pur respect pour lui et Noctis. Du respect pour le Sith? Le hapien en avait-il vraiment? C'était difficile à définir, cependant, en tant que "médecin", il ne s’octroierait jamais la permission d'essayer de soigner une personne qui ne le désirait pas. Le jeune homme laissa donc les cellules malades continuer de flotter dans un monde étrangement paisible, si harmonieux qu'y compris elles, les parasites, ne semblaient pas détoner tant que cela.

Mis à part les souffrances anciennes du Twi''Lek, le blond pouvait aisément deviner ce que ses paroles étaient vraies ou du moins, qu'il y croyait fermement. Ainsi, s'ils ne gâchaient pas tout, Karm et lui avaient une chance de s'en sortir. Réellement.

- Hum?... Ah oui. Enfin, c'est compliqué.

Sembla hésiter le jeune homme, sachant que ce moment de doute avait été sincère. Revenir à la discussion après une telle plongée dans un cerveau plus complexe qu'il ne l'aurait cru était difficile. Sans compter que Luke se sentait désormais coupable d'infliger ce mensonge à Skill, réellement inquiet pour lui. Cette mission, baignée dans de l'eau de rose et d'épines le troublaient davantage à chaque fois.

Et si...

Luke braqua son regard dans celui du Twi''Lek, sans se tromper d'un centimètre. Il décida de mitiger le jeu, c'était une piste à laisser traîner sur le long terme, et autant dire que ça ne l'intéressait pas dans l'immédiat. Il y avait autre chose... Du nouveau.

Et... Serait-ce arrogant de...?

- Non. Les gens ne sont pas homophobes dans l'Ordre. On nous enseigne à être tolérant, mais, c'est toujours gênant. Nous sommes tournés vers les autres, alors, on freine nos émotions qui peuvent être dangereuses, pour ne pas devenir égoïstes, on ne nous en donne pas l'occasion, afin de ne pas être jaloux, pareillement, or une vie de couple prône ces deux défauts.

- Mais si vous ne vous confrontez pas à ces émotions, comment faites-vous lorsque ça arrive,  elles font partie de la vie, on ne peut pas juste, éviter toutes les tentations, ça arrive à un moment ou à un autre! Comment savoir si vous serez fiables, si vous tiendrez le coup, si vous n'avez jamais été confronté à ça? Et puis ce n'est pas un peu lâche?

- On dirait Karm. - Fit Luke avec un petit sourire mélancolique. Skill crut l'avoir blessée alors que le jeune homme se rappelait juste de ses conversations à coeur ouvert avec le Chevalier Turquoise, celles qui le mettaient mal à l'aise et lui manquaient pourtant. C'était dans l'absence que l'on se rendait compte du manque. -

- Pardon.

- Non. Il n'y a pas de mal. En ce qui concerne les émotions, nous avons un entraînement solide et puis le Temple est moins rigide pour les relations, donc juste. Du moment que nous faisons bien notre travail et demeurons discrets.

- Moi je crois que l'amour devrait être chanté partout, et la guerre cachée, car c'est causer la souffrance qui est honteux.
- On dirait un Hippie.
- On dirait beaucoup de choses et beaucoup de gens. Hein?
- Oui.
- Comme quoi je ne suis pas si seul sur cette île, si j'incarne plein de on dirait.

Luke ne put s'empêcher de rire un peu, trouvant Skill finalement très amusant.

- Triste donc... Noctis arrive à être triste?
- Et bien oui, ce n'est pas un droïd!
- Oui mais...
- Si les Jedis qui ne pouvaient pas avoir de relations en ont, les Siths aussi peuvent changer, non? Et puis l'Empire, d'après ce que j'ai compris, c'est un système politique! Il y a plein d'individus là-dedans, et chacun fait ce qu'il veut.
- Ou presque.
- Ouais, ou presque. Quoiqu'il en soit, je peux te dire qu'il est souvent mélancolique, inatteignable. Il se mets à penser et là plus moyen de l'en sortir ni de le faire s'expliquer. Il a un monde à lui. Personne ne le comprends, il est trop...
- Intelligent?
- Ouais.
- Je pense que Noctis est surdoué.
- Je ne sais pas, je lui ai jamais demandé s'i lavait fait des tests, y'a des tests pour ça, nan?
- Il y en a. Les surdoués semblent s'ennuyer profondément parfois, surtout dans des situations banales, ils sont hypersensibles en général et comme tu le dis, il est très difficile de les comprendre. Tout semble aller pour le mieux, et ils s'enfoncent cependant dans une espèce de bulle.
- Ouais, alors il l'est probablement.
- Intéressant et triste.
- Ce n'est pas un avantage d'être super doué en intelligence?
- Pas toujours. Pas souvent, non.
- Tu l'es toi?
- On m'en a déjà parlé, mais je ne crois pas. Encore moins après avoir parlé avec Noctis, je dois admettre que c'est un tout autre niveau. En ce qui me concerne je pense être plutôt un travailleur acharné, un "intello". Je n'acquiers pas naturellement les connaissances, je les apprends à force d'étudier, et j'étudies plus longtemps que les autres, simplement.
- Ah.

La conversation était encore une fois, surréaliste.  

Si les Jedis pouvaient changer comme le disait Skill. Si les Siths pouvaient être différents.

Ce ne serait pas si surréaliste, ça... Et si donc, ils pouvaient ramener Noctis à la lumière? Ou du moins, sur un terrain neutre?

— Vous pouvez me regarder.
— Pardon ?
— Votre regard est fuyant. Mais vous pouvez me regarder. Ça ne me dérange pas.

Karm haussa les épaules, mal à l’aise.

— Est-ce que vous me trouvez beau ?
— V’z’êtes Hapien, ça fait partie des caractéristiques de base, pas vrai ?
— Comme Luke.

Le Jedi ne répondit rien. Luke et Noctis se ressemblaient un peu mais le Sith était beaucoup plus… Sûr de lui. Masculin, en un sens, sans être exactement viril. Musclé. Ils s’arrêtèrent devant la porte de sa chambre. Karm fut bien contraint de poser à nouveau les yeux sur son interlocuteur.

— J’étais comme vous, quand j’étais un Jedi.
— J’ai comme un doute.
— Par rapport à cela, je veux dire. Par rapport au désir. Mal à l’aise avec les règles de l’Ordre. Avec une austérité qui essaie d’échapper au réel, à la vie, à la Force.
— J’suis pas mal à l’aise avec l’Ordre.
— Je sens le désir en vous, Karm.

Les yeux de Noctis avaient plongé dans les siens, mais c’était tout autre chose que Karm sentait : la présence du Sith dans son esprit. Pas exactement comme une menace, pas exactement comme un passage forcé, mais comme un souffle qui soulevait la couverture d’un livre et en tournait les pages. Le coeur de l’Ark-Ni s’accéléra, alors qu’il tentait de rassembler toutes ses défenses psychiques.

— Le désir est un guide précieux, un chemin vers la vérité de la Force, vous le savez comme moi. C’est par là que la Force se régénère, qu’elle crée de nouvelles vies. J’ai été comme vous, brûlant de désir, passionné par le monde, par la vie, par cette énergie créative, à la fois sensuelle et intellectuelle, et comme vous j’ai vu l’Ordre aride comme la pierre, indifférent, immobile, tout occupé à cultiver une ignorance criminelle.

Noctis fit un pas vers lui. Karm baissa les yeux. Son regard courut sur les pectoraux, sur les abdominaux. Sur le pantalon de lin. Et ce qu’il révélait.

— J’suis fatigué, murmura brusquement l’Ark-Ni, avant de disparaître dans sa chambre, en refermant la porte derrière lui.

Il s’attendait à moitié à ce que le Sith le suive. Le prenne. Est-ce qu’il l’espérait ? Poser les mains sur cette peau parfaite ? Gémir comme l’avait fait Skill ? Karm se déshabilla promptement pour gagner la douche de la chambre et se glisser sous l’eau glacée, transie de honte et d’excitation. Derrière la porte, Noctis demeura un instant pensif. Tout ce potentiel gâché l’attristait. Il aurait fallu de peu de choses pour que Karm se libère des préjugés que l’Ordre avait gravés en lui et goûte pleinement à la liberté qu’il méritait.

L’Hapien regagna sa propre chambre et Skill ne tarda pas à s’excuser auprès de Luke. Bientôt, le sommeil était tombé sur la villa. Après s’être tourné et retourné dans son lit, Karm avait fini par parvenir à se plonger dans une méditation qui lui avait permis de s’endormir. Restaurer ses forces. Ses rêves furent peuplés d’images de Luke, puis de Noctis. De Luke et de Noctis. De plaisirs partagés. Et puis les simulations géographiques des déserts de Kano-IV, réalisées par l’ExploCorps après le rituel de Noctis, qui avait éreinté tout un continent.

Il se réveilla en sursaut et en sueur, au petit matin. Par la fenêtre, il aperçut Noctis assis en tailleur, torse nu, qui méditait dans l’herbe. Il sentait la Force en lui. Puissante. Insistante. Obscure. Jamais Karm n’avait été aussi près de ce Côté-là. C’était différent dans les batailles, contre les Guerriers. On n’avait pas le temps de réfléchir. De prendre la pleine mesure de cet inconnu pourtant si familier.

Il se décida à sortir.

— Bonjour, murmura Noctis sans ouvrir les yeux.
— V’z’êtes jamais habillé ?
— Asseyez-vous.

Un peu méfiant, Karm consentit néanmoins à s’installer en tailleur à côté de Noctis.

— Comment on peut méditer, quand on est du Côté Obscur ? Dans le tumulte et la violence ?

L’Hapien ouvrit les yeux et esquissa un sourire.

— Il y a plus d’un chemin pour parcourir les mystères de ce que vous appelez le Côté Obscur. Mais je suis sûr que vous savez qu’on peut être en proie à des passions vives et profondément ancré dans la Force. Quand on combat. Quand on fait l’amour.

Karm détourna le regard pour observer l’océan.

— Quand est-ce que vous nous laissez partir ?
— Quand vous voulez.
— Et pour de vrai ?
— Est-ce que vous pensez que vous rester pour récolter des informations sur moi parce que c’est votre devoir ou parce qu’au fond de vous vous avez vraiment envie de savoir ? D’apprendre ? De sentir ?
— On pourra récupérer nos sabres avant de partir ?
— Vous voulez dire le sabre de Luke que vous portez, et le vôtre, qu’il a lui ?

Silence.

— Vous n’avez pas à rougir de l’affection que vous lui portez. Mais enfin… Vous avez peut-être pris l’habitude de la cacher. Il n’y a rien de plus douloureux que de vivre de la honte de soi-même, surtout pour un sentiment aussi noble que l’amour. C’est une blessure à l’âme qui se creuse jour après jour un peu plus, et dont parfois on ne guérit jamais.

Karm avait trahi l'Ordre, l'avait trahi, lui , cédant à l'artefact et à Noctis. Sa lame vrombissait face à celle de Luke, était-elle rouge? Le jeune homme raffermit sa prise sur son propre manche mais des lianes sortirent du métal pour entourer ses poignets. Non . Il ne laisserait pas les choses se dérouler ainsi et devait réagir. Toute cette tragédie n'était qu'un rêve. Désormais que Karm avait frappé de son épée de lumière, le Hapien savait que c'était un rêve, ou plutôt un cauchemar, jamais son ami ne lui ferait de mal.

Le jeune homme ouvrit les yeux brusquement, la respiration haletante. Le calme retomba dans la petite chambre simple mais confortable qui lui avait été attribuée. Incapable de savoir quelle heure il était, il se leva pour trouver les volets en tâtonnant et faire apparaître la vitre. Au bout de quelques minutes, Luke ressentit une douce chaleur indicative du moment. Encore timide, l'aube s’étirait paresseusement sur l’île, vêtue d'une si discrète chaleur que seuls les corps expérimentés dans l'art de l'attendre, au petit matin, pouvaient en ressentir les premiers rayons. À ce signal silencieux, le concerné se leva pour prendre une douche froide- geste anodin qui le fit à nouveau penser à cette étrange mission, le sens de cet emprisonnement tout confort.-. Les paroles de Skill dansaient dans sa tête, se succédant au rythme des points d'interrogation qui chantaient à tue-tête. Qu'en était-il de leur vie à eux, aux Jedis? Qui les protégeaient du malheur, de la peine, cette vie fade en était-elle une? Mais Luke secoua la tête, son existence était loin d'être ennuyeuse ou insatisfaisante, le Twi''Lek était un extrême en recherche d'un plaisir tout aussi extrême. Karm, lui, l'Ordre étaient dans la norme, la leur, de norme. Il n'y avait pas de pourcentage à respecter, leur mode de vie n'était pas en décalage. De quel droit ces décadents jugeaient-ils sa manière de mener ses années à terme? Il en avait 25 d'expérience déjà, à sa façon, et sa façon convenait.

Luke ajusta ses habits de son mieux, il aurait aimé s'envelopper de sa rassurante tunique Jedi, sobre, confortable, qui confessait son rang, sa fidélité sans qu'il n'ait à se justifier ou user de la parole. Tout diplomate soit-il, le Jedi fatiguait de prononcer des mots, de lancer des questions, il avait envie cette fois, de partir, tout en sachant que c'était impossible. Leur vie n'était ni fade ni ennuyeuse, sinon bardée d'obligations, dont celle de rejoindre le Sith et son amant par exemple. Luke sentait déjà l'aura de Noctis de loin, étrangement mêlée à celle de Karm. Il se força au calme et se morigéna de directement penser à son rêve, celui dans lequel par le biais du mental aussi bien que de la chaire, Karm le trahissait. Stupide, superficielle peur, indigne d'un Jedi.  

D'un pas tranquille, l'air le plus digne possible, il entra dans la cuisine et se servit de ses souvenirs récents -ceux d'hier donc.- pour préparer quelque chose de rapide, aussi bien pour lui que pour Karm et par extension malgré son envie d'empoisonner les mets, pour Noctis et Skill. Il n'avait envie de voir ni robot, ni âme qui vive, au moins pour cette dizaine de minutes pendant laquelle le blond s'appliquait sur une tâche simple. Non sans une certaine mélancolie, il se souvint de sa belle-mère qui lui faisait répéter les cours de rééducation données à l'hôpital. Toujours garder à portée de la main, les objets nécessaires, s'il y avait un couteau en jeu, ne pas cisailler à l'oblique au risque de se blesser, choisir la même lame dont il avait connaissait la longueur. Utiliser les mêmes gestes, faire glisser ses doigts sur la table pour retrouver ce qui était perdu, ordonner, compartimenter les ingrédients pour ne pas les confondre. Toujours la même chose, les règles élémentaires. Fermer le frigidaire, éloigner le couteau une fois utilisée, dans son tiroir, pas un autre. Le ressortir dix fois si nécessaire, mais jamais le laisser traîner. Ne pas s'énerver, rester calme, prendre son temps, être apaisé. La colère faisait s'égarer les repères, tomber les ingrédients, chuter le temps.

Un sandwich naquit, puis deux ou trois autres. Tartines grillées avec une tranche de fromage et de jambon de Bantha finement découpés pour tous, sauf lui qui ne pris que du fromage. Et le café, en mesurer la taille grâce à la cuillère, se servir du manche comme repère, ne pas dépasser le bord. Aux trois quarts de café, un quart de lait, c'était ce que la majorité des gens aimait, la dose avec laquelle il avait le moins de chance de se tromper. La norme, le standard. Toutes ces règles ordonnées. Chacune à sa place. Facile, propre, accessible, juste. En s'appliquant n'importe qui pouvait réussir n'importe quoi. Grâce à l'Ordre, la lumière. Réaliser tout ceci dans le calme apaisait, grandissait.

Luke se retourna vers la baie vitrée dont il devinait la présence à cause du soleil, désormais plus assuré, qui courait sur sa peau. Égalitaire dans l'âme, l'astre galopait également sur l'herbe, les épaules de Karm et de Noctis. Et dans ce monde surréaliste, le jeune homme ouvrit la porte pour appeler les deux hommes.

- C'est prêt.

Voix normale, douce et tranquille. Il ne s'interrogeait plus sur les auras mêlées de Noctis et de Karm. Anesthésié, plongé dans sa propre bulle où les sandwichs étaient des professeurs de philosophie, bien heureux de ne pas voir. La belle excuse. La belle couardise justifiée. Il profita du fait que Karm arrive juste avant pour lui glisser.

- Le message?

Était-il arrivé, sur le point de le faire ou n'y avait-il aucune chance?. Luke était dans sa bulle, certes, mais dans celle-ci, flottait également Karm, l'Ordre Jedi, aussi n'avait-il pas tout à fait oublié leur mission, leur situation.

***
Bip ronchonna dans la chambre d'Ekkt, récupéré par ce dernier qui avait du convaincre la petite machine de décoller de l'hôtel où se trouvaient précédemment le Hapien et l'Ark-Ni. Il ne voulait pas s'en aller, persuadé que le premier tiendrait sa promesse, revenir lui confier une mission d'importance. Mais visiblement son maître l'avait abandonné, petit robot inutile, astromech incapable de faire des travaux mécaniques d'une certaine finesse. Où alors, il était "disparu"? Mort comme disaient les organiques? Un genre de parallèle avec "aller à la casse" se dessina dans l'esprit artificiel du fidèle R2 qui vibra d'inquiétude. Mais pas seulement.

Une autre vibration surpris à la fois le droïde et son partenaire du moment. Le lézard se retourna, sachant qu'il allait devoir se "battre" pour lire le message que venait d'intercepter le droïde jaune; une communication de... Karm Torr, ce devait forcément être lui. L'Ombre le savait, autant par logique que par instinct, et ce sans l'avoir ouvert. Bip s'érigea, furieux entre lui et le message destiné à son maître, et la bataille, presque aussi surnaturelle que la mission en soi, débuta autour du lit...

- Vas-tu me laisser lire ce message, stupide tas de boulons?

Le Jedi gagna et la main lourdement posée sur le dôme fini par trouver le bouton qui permettait au message de s'activer. Ses yeux s'agrandirent, sans qu'il ne cherche à occulter sa surprise. À qui allait-il cacher ses émotions dans cette petite pièce? À moins qu'il ne feignait l'étonnement? Par pure habitude, réflexe de menteur professionnel. Pour le boulot, évidemment.

— Je n’ai pas honte de moi-même, finit par murmurer Karm, après un long moment.

Il avait cherché comment répondre à Noctis. Quelque chose de cinglant et d’assurer. Mais la vérité, c’était qu’il souffrait de plus en plus des précautions que Luke leur imposait, au sein de l’Ordre, en public même. Il avait bien conscience que son ami faisait tous les efforts du monde pour satisfaire sa soif à lui de transparence, et d’intimité, et il se sentait coupable de ne pouvoir en être content. Mais la frustration était là. Malgré tout. Peut-être qu’au fond, Noctis avait raison. Peut-être que Luke avait honte.

— D’accord, se contenta de murmurer l’Hapien, conscient que l’idée ferait son chemin d’elle-même dans l’esprit de l’Ark-Ni.

La porte de la baie vitrée s’ouvrit. Karm se releva. Après avoir rejoint Luke à grandes enjambées, il murmura :

— Envoyé.
— Ah, je vous vois que vous vous êtes lancé dans la cuisine, déclara Noctis, qui les avait rapidement rejoints. C’est un art que je n’ai jamais eu la patience d’apprendre et si on s’en livrait à moi, je crains que tous les repas ne seraient bien austères, mais j’ai appris en tant que Consulaire qu’un plat était souvent destiné moins à nourrir qu’à réunir. La cuisine est à la nourriture, disait mon maître, ce que la peinture est aux hologrammes. Je vais voir si Skill se sent assez en forme pour nous rejoindre.

Et le jeune Seigneur s’éclipsa dans le couloir, pour rejoindre la chambre conjugale. Tout près de Luke, Karm le suivit un instant du regard, jusqu’à ce qu’il disparaisse, avant de murmurer :

— Il a encore proposé de nous laisser partir. Tu crois pas qu’on devrait, j’sais pas, juste accepter ? J’veux dire…

Il y eut un bruit dans le couloir, il s’interrompit, mais comme rien ne venait, il supposa que ce n’était qu’un droïde qui vaquait à l’entretien. Le Jedi reprit donc à voix très basse :

— J’sais qu’on apprend quand même des trucs. Il se livre pas mal et tout, et j’ai pas l’impression qu’il joue tout le temps la comédie. Mais… Moi, j’suis pas psy, j’suis pas sûr de pouvoir tout me souvenir, bien repérer ce qui est important, ou significatif. On pourrait sans doute en tirer des tas d’indication de valeurs, mais j’ai pas la méthode, alors j’me dis qu’on ferait peut-être mieux de lever l’camp.

Quelques secondes plus tard, Noctis refaisait son apparition.

— Il va dormir encore une heure ou deux, expliqua-t-il sobrement.
— Il se sent mal ?
— Non. Non, pas précisément. Fatigué, simplement. Il a l’habitude de se coucher tard et de se lever tard. Fut un temps, il avait du mal à s’exposer au soleil. C’est pour ça que j’ai choisi cette planète, à l’origine, pour lui : parce que la nuit, les températures y sont encore agréables. Sa peau a guéri, depuis le temps, mais son sommeil est toujours un peu décalé.

Karm commençait à se demander dans quel état déplorable Skill s’était trouvé, juste avant que Noctis ne le secoure. La question fut remise à plus tard, parce que le bruit caractéristique d’un speeder se fit entendre de l’autre côté de la ville. Noctis haussa un sourcil mais il attendit patiemment qu’un homme, en uniforme impérial, ne fît son apparition dans le salon. L’homme se contenta d’incliner légèrement la tête, un salut protocolaire pour le moins sobre, si l’on considérait le genre de marques de soumission théâtrales qu’affectionnaient d’autres Seigneurs Siths.

— Seigneur Noctis.
— Major.

Le major lança un bref regard aux deux Jedis, hésitant.

— Passons dans mon bureau.

La conversation n’y dura que quelques secondes, que Karm passa à murmurer :

— Merci pour le sandwich.

Il aurait voulu prendre Luke dans ses bras, l’embrasser, le rassurer — et se rassurer lui-même. Peut-être bientôt. Noctis ne tarda pas à refaire son apparition. Il échangea un dernier regard avec le major et ce dernier se retira mais, dehors, aucun bruit de moteur n’indiqua que le speeder avait décollé.

— Nous avons reçu un message de Maître Ekkt, à travers une série d’intermédiaires. Il semblerait qu’il ait découvert que votre mission n’avait pas été couronnée de succès. Certainement, il ne manque pas de perspicacité, commenta Noctis, en promenant un regard inquisiteur sur Karm et sur Luke. Il propose que nous nous rencontrions sur une planète neutre pour aplanir cette difficulté.
— Y a pas de difficultés à aplanir, puisque vous alliez nous libérer de toute façon, pas vrai ?

Noctis se laissa aller à l’un des rires légers, insouciants, presque obsédants, dont il avait le secret.

— Sans doute, sans doute, reprit-il finalement, Mais je crois pour l’heure que votre séjour ici touche à sa fin. Si Maître Ekkt veut parler, loin de moi l’idée de vous décevoir, et je ne doute pas que vous aurez vous-même beaucoup à vous dire. J’ai donné ordre au major de faire affréter le vaisseau, nous partons d’ici dans un quart d’heure.

Et Noctis tourna les talons, sans doute pour partir dire au revoir à Skill.
(Et s’habiller.)
(Aussi.)

Karm laissa échapper un soupir.

— C’était c’qu’Ekkt prévoyait depuis le début, tu crois ou bien… euh… j’sais pas…

Toute cette mission aura été profondément déconcertante.

[color=yellow]- Bonjour. Hum, l'austérité est également un art.[color]- Pique ou réponse de circonstance pour cet étrange être à qui il avait préparé un sandwich suite à un enchaînements de... Circonstances? La voix de Luke n'évoquait qu'une politesse retenue mâtinée d'une douceur qui lui était habituelle, lorsque le stress était enfin contrôlé- - Une nourriture austère pour des conversations profondes, naturelles, vraies.



Au moins avaient-ils un point commun en ce qui concernait le goût pour la simplicité comme l'avait démontré le repas de la veille, délicieux mais sans fiorritures. Quant au goût partagé pour la vérité, cela restait à prouver. Luke continuait de trouver Noctis faux. Ce dernier s'éloigna d'ailleurs à la recherche de son amant, vu comme ça on pourrait vraiment le penser attentionné, l'était-il réellement? Luke se fourvoyait-il, et l'Ordre? Et l'Empire qui pensait avoir un tueur froid et méthodique dans ses rangs?



- Tu as raison, autant accepter et partir. Nous pourrions même en apprendre davantage dans sa manière de nous laisser ou non réellement le faire, avec quels moyens, dans quelles conditions et quels états que par le biais d’heures de bavardages.



Décida brusquement Luke, malgré le fait qu’il ait conscience de la mission qui leur avait été attribuée, malgré ses propos envers Karm la veille… Malgré leur conversation arguant tout le contraire hier. Mais aujourd’hui, le Hapien jugeait en savoir suffisamment pour craindre de perdre. Pas Karm en lui-même car il avait confiance en l’Ark-Ni, mais un brin de son identité personnelle, et beaucoup de sa proverbiale patience pour un voyage dans la folie. Noctis était clairement un trop gros poisson pour lui, pour eux. Toutefois soulagé par les impressions du Chevalier Turquoise –ainsi il n’était pas le seul à « psychotter » dans son coin et par pure jalousie, son ami également croyait que le Seigneur jouait la comédie depuis le début. Décidément, Luke était passé par toutes les émotions le concernant, de l’agacement au désir de l’impressionner –un phénomène éphémère cela dit.—en passant par la colère, la peur et la fascination. Le jeune homme ne s’était pas encore décidé pour le sentiment qui avait dominé un séjour sensé prendre fin quand ils le souhaitaient, mais le résultat semblait plutôt négatif. S’il songeait que ramener le faux gris à la véritable lumière était possible, il savait pertinemment ne pas être la personne adéquate. Même Saï aurait du mal. Submergé par la crainte, l’ampleur de la tâche, il avait simplement envie de rentrer, et le fait que Karm l’exprime à haute voix renforçait grandement ce désir presque enfantin de retourner dans les plis de la toge de son maître. Tout lui raconter. Savoir si Ekkt avait joué cavalier seul, et qu’on ne les accuse de rien. Eux n’y étaient pour rien. C’était presque comme faire un caprice de gosse en pointant du doigt le petit camarade écailleux, Luke en était conscient, mais la mission le dépassait et la panique risquait de s’infiltrer jusque dans ses os à tout moment, dérobant la place de sa peur jusque là contrôlée.



[color=yellow]- De rien [color]



La réponse fila vers Karm, se divisant pour l’atteindre via une oreille et directement via l’âme sous forme d’une onde cherchant et offrant le réconfort à la fois. Heureux de « respirer » son ami, ne serait-ce qu’une seconde, Luke s’imprégna de son aura, de cette empreinte lumineuse connue jusque dans ses moindres recoins. Ça lui suffisait, contrairement à ce que prônaient ces tordus. Et cela devrait suffire à Karm. Cette tendresse secrète n’en était que plus forte car elle leur appartenait, ils avaient leur code. Conscient toutefois, que les caractères divergeaient, le Jedi se rappelait avoir concédé à l’Ark-Ni le droit d’en parler librement à ses proches, et ce sans détours ou qu’ils doivent le deviner, de la même manière que lui le « présenterait » à Saï. Cette idée stressante était, vu la situation, enviable. Elle signifierait qu’ils seraient sortis de cette maudite île, de cette saleté de cuisine trop propre, avec des couteaux trop tranchants.



[color=yellow]- Nous pourrions aussi ne pas vous déranger pendant ce petit rendez-vous en tête à tête et partir de notre côté.[color]



Répondit Luke après l'enchaînement peu commun qui venait de scier toute possibilité de vérifier la bonne volonté de Noctis. En effet, désormais, Ekkt souhaitait les voir, pile au "bon moment". Ce devait être suite au message de Karm. Luke en était persuadé, mais pourquoi ne pas d'abord négocier leur exfiltration s'ils ne servaient plus pour la mission? En plus de se sentir irrité par la propre situation, le jeune homme avait davantage l'impression d'avoir été tordu et retordu à l'instar d'un chiffon, en bref, bien utilisé. Et Ekkt qui contactait si facilement Noctis, comme un vieil ami en somme.


[color=yellow]- Exactement ce que je proposais au lieu de l'enlèvement donc.[color]


Ne put-il s'empêcher de grogner, sortant de son rôle de diplomate un instant pour démontrer son mécontentement. Les paroles de l'écailleux dansaient dans son esprit, il y avait des traîtres hauts placés dans le Temple, en serait-il un? Cela semblait improbable pourtant. Le chasseur de traîtres ne pourrait pas en être un. C'était illogique, inacceptable.

Une onde se faufila jusqu'à Karm, sombre et différente de l'habituelle. Une imitation de l'aura d'Ekkt, en moins puissante, évidemment. Un fil tranchant la traversa, la noircissant. Le reptile était-il un traître ? Demandait-il à son ami sans être certain d'obtenir une réponse. Il s'adonnait aux jeux d'imitation d'auras, les tentatives de communiquer des sensations plus complexes à travers la Force depuis longtemps, mais seul. Pourtant, si une personne pouvait le décrypter, Luke savait que c'était l'Ark-Ni.

Le jeune homme se souvint de la brève sensation de chaleur lorsqu'il avait tendu son sandwich à Karm. Il l'avait pensée suffisante, mais présentement, le Jedi aurait eu envie de prendre la main de Karm ou de le serrer contre lui. Était-ce cela la dépendance? Était-ce mal?

***
Ekkt grommela dans la barbe qu'il n'avait pas. Il hésitait, mais se fiant de ses capacités à maîtriser un robot aussi inutile quoiqu'imprévisible, il décida de l'emmener. Bip, peu coopératif comprit pourtant où était son intérêt: ne pas rester seul. Il interrogea par habitude son interlocuteur en émettant une série de petits roulements dont Luke devinait généralement la teneur. Pas de réponse malgré la traduction en basic aparaissant sur son dôme. Un simple reniflement méprisant du reptile, quelques affaires empilées, ils partirent à la rencontre de Noctis.

— J’sais pas, souffla l’Ark-Ni tout bas, quand Luke l’interrogea silencieusement.

Il en venait à se demander s’il n’y avait pas, chez Ekkt comme chez Noctis, une sorte de déformation professionnelle et si l’habitude à se livrer à des calculs compliqués n’avait pas fait naître chez eux un goût prononcé pour les plans trop élaborés et les faux-semblants inutiles. S’ils voulaient l’un et l’autre se parler, quel besoin de passer par cette mission d’infiltration qui n’en était pas une, par ces tentatives de conversion si peu insistantes, par ces discussions sans fin ?

Noctis ne tarda pas à refaire son apparition, dans une tenue un peu plus décente, et ils gagnèrent le speeder qui les attendait sur la plateforme d’atterrissage. L’engin décolla pour filer rapidement au-dessus des flots. C’était la seconde île, la principale, qui se profilait par-delà les vitres, celle dont Noctis leur avait dit qu’elle abritait un complexe de recherche sur les algues. Mensonge ou vérité ? Karm avait bien conscience que les Siths ne pouvaient pas être constamment occupés à de sombres desseins. Comme n’importe quel dirigeant, ils devaient se préoccuper d’économie, d’agriculture, d’administration. Il y avait nécessairement de la normalité dans la vie de Noctis.

Parfois, le regard de l’Ark-Ni s’arrêtait sur le profil saisissant de beauté de leurs geôliers. Parfois aussi, bien malgré lui, son esprit laissait affluer les souvenirs d’un Noctis en train de méditer torse nu, du dessin de ses muscles, des courbes plus intimes encore qu’il avait aperçues sous la toile légère de son pantalon ce matin-là, des gémissements de plaisir de Skill, la nuit précédente. Le désir n’était-il pas foncièrement beau ?

De l’île principale, ils ne virent pas grand-chose. A peine le speeder posé qu’ils traversèrent une piste pour grimper dans une navette, qui décolla aussitôt, pour traverser l’atmosphère. Karm grava autant qu’il le pouvait dans sa mémoire les silhouettes des archipels qui se détachaient dans la masse de l’océan, en contrebas, avec l’espoir de pouvoir retrouver la planète dans les archives du Temple. C’était toujours ça de pris.

— Vous l’avez déjà rencontré, Ekkt… ?

Noctis leva les yeux du datapad qu’il était occupé à lire.

— Croisé, plutôt, dans les couloirs du Temple, quand j’étais Chevalier.

En réalité, Noctis devait connaître, au moins de vue, la plupart des Maîtres. S’il était demeuré au sein de l’Ordre, il serait sans doute devenu l’un d’entre eux. Cette idée était troublante.

— Skill était navré de n’avoir pas pu venir vous dire au revoir. Il avait notamment pour vous, Luke, un intérêt particulier.

Noctis adressa un sourire entendu à Karm, qui détourna le regard. La navette venait de percer l’atmosphère et elle ne tarda pas à s’enfoncer dans les flancs d’un vaste vaisseau. Quelques minutes plus tard, ils sautaient dans l’hyperespace et les portes d’une cabine confortable, nouvelle prison néanmoins, se refermaient sur les deux Chevaliers Jedis. Par acquis de conscience, Karm en examina le mécanisme, même si à ce stade, une évasion paraissait peu indiquée.

Dans un environnement aussi surveillé, la discussion était pareillement exclue. Karm se contenta de laisser glisser des impressions à travers la Force, et surtout toute la confiance qu’il se sentait capable de réunir. Il touchait à la fin d’une mission troublante, dont ils ne pouvaient pas tout à fait dire qu’ils l’avaient ratée, mais qui n’étaient pas un succès non plus.

Les portes se rouvrirent. Noctis était là.

— Une heure de vol. Nous nous rendons sur une petite lune déserte dans un secteur non peuplé en marge de l’Espace Hutt, un terrain neutre. Ekkt aura le droit à trois Ombres pour l’accompagner et je descendrai moi-même avec trois Sorciers. Vos sabres seront confiés aux Jedis dès notre arrivée, en gage de bonne volonté, et vous pourrez les retrouver après. Sauf bien sûr si vous voulez rester à mes côtés.

Je me doute déjà de votre réponse mais enfin, sachez que si un jour, vous êtes lassés de vivre dans le secret, d’être constamment contraints dans vos pouvoirs et vos études, de servir des institutions politiques corrompues, de voir des maîtres se transformer jour après jour en ministres, en généraux ou en chanceliers, et violer les principes de l’Ordre, si vous avez envie d’explorer les désirs et les promesses qui bouillonnent à l’intérieur de vous, ma porte est ouverte.

Aujourd’hui, ça vous paraît sans doute impensable, mais j’ai vu en vous la frustration et le malheur, le doute et la détresse, et c’est un spectacle déchirant. Ceux qui connaissent la Force devraient pouvoir l’explorer pleinement et sans souci. Un jour, peut-être, vous le sentirez comme moi, jadis, je l’ai senti.

Une légère rougeur s'empara des joues claires de Luke, un phénomène dont il ne comprenait plus les teneurs depuis longtemps, s'il les avait un jour su, trop jeune lorsque ses yeux s'étaient éteints pour saisir les nuances révélatrices de cet acte naturel, traître. S'il n'éprouvait aucun désir pour Skill ni pour personne d'autre n'étant pas Karm, la simple évocation, le plus petit sous-entendu le faisait rougir comme tout garçon de bonne famille, outré à l'idée de telles décadences. Que ce soit le moment ou non pour de telles considérations.

- Des sorciers?

Ne put s'empêcher de répéter le Hapien, reconnaissant au terme si particulier, porteur de tant d'implicites, le mérite de l'avoir fait sortir de sa gêne toute adolescente. Il se souvint d'Aleema, la Sith qui souhaitait soit-disant se différencier de ses "collègues" de l'Académie de Korriban et se prétendait sorcière. Luke n'avait pas lu d'articles et encore moins de mémoires sur le thème, tout simplement parce qu'ils n'existaient pas. Les rares documents mentionnant un usage si déviant de la Force, presque toujours obscure, ne lui étaient pas accessibles en tant que simple chevalier, Luke ne s'en était jamais senti outragé, jugeant que les aînés agissaient pour son bien. Comme toujours, contrairement à Noctis ou même Ekkt. Raidi à l'idée de cette rencontre et voyant s'échapper l'occasion de ne pas y assister --pour une fois qu'il se serait défilé! le jeune homme haussa simplement les épaules suite à la proposition du Sith. Présentement, il ne savait plus très bien qui était le méchant ou du moins le plus sincère avec eux. Ekkt qui les avaient envoyé dans les crocs d'un Rancor beaucoup trop charismatique pour être honnête ou Noctis les ayant bien accueilli et ayant accompli ses promesses --malgré le fait qu'il semblait désormais rechigner à les laisser partir, mais les circonstances s'étaient certes, compliquées. mais qu'il pensait très doué dans l'art dramaturge. Non vraiment, Luke se sentait ballotté, utilisé, une sensation nouvelle et pas du tout agréable. Jamais l'Ordre ne l'avait traité de la sorte.

Le Trandoshan qu'il avait amélioré et voulu satisfaire il y avait encore peu de temps apparut. Son aura en tout cas, bien avant que lui ne fasse physiquement son entrée. Juste avant de franchir le seuil du vaisseau, le Hapien se sentit dans l'obligation de répondre à la proposition gonflée de Noctis. Il n'y décelait pas de menace voilée ni de moquerie. Quelque soit sa nature, étrange et décalée, la proposition semblait... Sincère.

- Merci.

Bien sûr, Luke ne pensait pas recourir à la cache d'un criminel-- le Boucher, ce pseudonyme voulait tout dire pour vivre loin d'un Ordre qu'il estimait. Cependant il ne put s'empêcher de se sentir un peu reconnaissant envers cet homme, fou, mais cohérent dans son débit d'inepties. À l'instar de ce fou de roman,se croyant Sauveur de l'Univers, preux chevalier de l'espace alors qu'il n'était un noble désargenté, vieux et propriétaire d'un très vieux vaisseau. Ce Don Quichota (PARDON!). Voilà, il l'avait désormais, ce profil auquel lui faisait en partie penser Noctis, raisonnable dans sa folie. Curieux hasard qu'il corresponde sur certains points avec un des seuls romans que le jeune homme avait eu le temps de lire dans sa jeunesse, un classique.

Il n'eut pas la force de répliquer que "sentir la Force dans un environnement rempli de luxure" ou "se laisser aller à des petits meurtres entre amis" n'était pas de leur genre. Nul besoin de se retenir, Luke avait perdu en partie son agacement, simplement résigné à poursuivre cette étrange mission afin d'arriver à ce qu'il espérait être une conclusion quel qu’elle soit.

Lorsque Noctis s'éloigna, et que la porte se referma avec un bruit d'aspiration caractéristique suivi d'un cliquetis, moins commun, indiquant une fermeture hermétique de l'extérieur, le Jedi se tourna vers Karm. Il ne leur restait que peu de temps, on pouvait les espionner par le biais d'une de ces fameuses caméras. N'avaient-ils pas commencé à jouer le couple sur le déclin face à Skill? Tout avait été si rapidement avorté pourtant, la moindre de ses tentatives ou stratégies psychologiques, ses jeux d'acteurs pour obtenir des réponses sur le long terme. Son orgueil en prendrait-il réellement un coup si Noctis avait finalement la confirmation qu'il attendait? Est-ce que ça importait?

Sans mot dire, le Hapien se leva pour esquisser les quelques pas qui le séparait de Karm dans leur cabine étrangement grande pour une cabine justement. Sur la couchette plus étroite et néanmoins confortable, le Jedi s'assit pour prendre la main de l'Ark-Ni. Enfin. Ses lèvres d'abord hésitantes se posèrent sur celles qui lui avaient tant manquées, les seules qui l'intéressaient et le séduisaient. Sans réellement savoir quelle serait la réaction de Karm, il appuya son baiser, le rendant plus passionné, sûr, insufflant ce qu'il pouvait de courage. Cette fois pas besoin de dire le fameux "je t'aime Tam", même la phrase rituelle semblait superflue dans la cabine silencieuse. La cabine des derniers adieux, peut-être.

***

Les deux Jedis descendirent, plutôt libres de leurs mouvements en apparence. Luke se retint de ne pas devancer le Sith, mais pour l'instant il préférait se montrer docile. La mission n'était pas une réussite, loin de là à ses yeux, pourtant sentir Ekkt si près qu'il le devinait désormais bien visible aux autres ne lui fit ni chaud ni froid. Il ne se sentit pas honteux, pas soulagé non plus, au contraire.

Une heure donc après les dernières paroles de Noctis sur le grand vaisseau, ils avaient emprunté la navette pour atterrir sur la lune déserte. Luke descendit derrière le Sith, les sens en alerte. Lorsque la silhouette du reptile se stabilisa devant eux, il l'ignora, ce qui était tout à fait inhabituel pour lui, habitué à faire preuve d'un respect insistant. Il se rappela furtivement de Ferus qui ne saluait jamais et qu'il reprenait toujours, sur un fond d'agacement mutuel, les deux garçons avaient établi cette sorte de rituel comme un jeu, tantôt un défi, tantôt une marque de sympathie hésitante comme lorsque Ferus avait quitté le Temple. Dans son cas, l'ignorance dédiée au reptile était toutefois mérité, résultant d'antécédents qu'Ekkt devrait expliquer par la suite. S'ils s'en sortaient.

- Seigneur Noctis. Je vois que vous avez pris soin des Chevalier Torr et Kayan.

De part de d'autres de l'homme, trois Ombres donc, deux humaines et un chagrien. L'air plus pirates que Jedis, l'aura suffisamment grisée pour qu'elle se confonde dans un premier temps avec celle du Sith. L'instant de silence qui s'ensuivit, presque dramatique, tout droit sortit d'un holofilm fut rompu par le personnage humoristique typique: Bip.

De joyeuses trilles jaillirent du dôme, tandis que le petit robot dansait sur ses pattes. Le prototype n'avait jamais saisi qu'il devait se contrôler, à moins qu'il n'en ait pas envie? La diplomatie et la dignité étaient des termes qui glissaient par-dessus son dôme arrondi. Content de retrouver son maître, il voulu rouler vers lui mais une Ombre le retint sans souci, l'air désapprobateur. Aux yeux de l'humaine aux cheveux raides, courts et lisses, sans doute aurait-il fallu détruire cette boîte à boulons buslesques. Nashima plissa ses yeux déjà étirés de nature, tendue et prête au combat, tandis qu'Ekkt faisait un pas en avant.

- Lorsque je vous voyais dans les couloirs, je vous savais différent. Je vous ai toujours pensé différent, un cas si fascinant que j'ai tout gardé pour moi afin de pouvoir votre évolution personnellement. Vanité sans doute. Je n'ai pas vu venir le basculement. Plus tôt que prévu.


Bluff pour établir un lien quelqu'il soit avec le Sith, le faire parler, le flatter ou vérité? Luke leva les yeux sur l'écailleux. Une lueur peu commune dérivait dans son regard plus si absent que ça, l'insolence, le défi. Et ce n'était pas spécialement Noctis qu'il défiait.

- Les auriez-vous déjà converti?

Un sourire habilla les lèvres du reptile dont les yeux flamboyaient pourtant. Colère contenue, amusement réel ou déception? S'attendait-il vraiment à l'échec de cette mission? Luke pensait à une nouvelle vague de vanité. Il avait attendu, croyant gagner une fois de plus. Condamnable.

— … Luke…, avait murmuré l’Ark-Ni, entre deux baisers, indifférent à l’idée qu’on pouvait les observer.

Noctis savait. Ils savaient qu’il savait. Quel intérêt de se cacher ? Peut-être qu’il y avait une trêve, au bout de ce chemin. Peut-être que le Sith voulait réellement que la guerre s’achève, pour que son pays se développe. Peut-être qu’ils n’étaient qu’un divertissement entre Ekkt et lui. Peu importait. Ils avaient rempli leur rôle, autant qu’ils l’avaient pu. Espérer quelque chose d’autre d’eux, c’eût été de la naïveté, ou de l’incompétence.

La main de Karm était perdu dans les cheveux de Luke, et l’autre à sa taille, quand le vaisseau s’ébranla au sortir de l’hyperespace. L’Ark-Ni interrompit leur baiser, posa son front contre celui de Luke et souffla :

— C’est bientôt fini.

Bientôt, on les conduisait dans une navette. Des silhouettes encapuchonnées s’étaient jointes à Noctis. Karm observait leur aura. Elles étaient si différentes de celles qu’il pouvait éprouver au Temple, et différentes aussi des Siths qu’il avait croisés, souvent, sur le champ de bataille. La lutte contre les Sorciers, ces hommes et ces femmes qui agitaient la foudre, dans le lointain des combats, était réservée aux Sentinelles. Lui connaissait les Guerriers.

Son regard croisa celui de Noctis et l’Hapien lui adressa un sourire… doux ? Karm détourna les yeux. Les baisers échangés avec Luke avaient réveillé ses sens. Il y avait quelque chose de séduisant dans les promesses de Noctis. Un monde plus libre. Une existence débarrassée de la réprobation pudibonde d’un Ordre dépassé et timoré. Une vie de… Les réacteurs pivotèrent pour l’atterrissage et, bientôt, la navette se logea dans une mer de sable.

Ekkt était là, flanqué de ses ombres. Un vent léger balayait des dunes à perte de vue. La lune était un excellent choix, tout bien considéré. Pas d’embuscade possible. Pas de victime collatérale. Le désert, partout. Les Ombres. Les Siths. Et les deux Chevaliers pris dans les feux croisés.

— Il y a, je le crains, beaucoup de choses que les Ombres ne voient pas venir.

Karm réprima un haussement de sourcils surpris. C’était une ouverture bien sarcastique pour quelqu’un qui prétendait vouloir négocier.

— Vos Chevaliers et moi-même, nous ne demandions pourquoi vous aviez jugé bon d’envoyer, apparemment sans préparation, des jeunes gens peu expérimentés dans le Côté Obscur, pour infiltrer un Seigneur Sith qui compte parmi les plus imprévisibles de l’Empire. Serait-ce que votre sagacité a été troublée par votre homophobie et que vous avez cru que j’étais entièrement défini par mes préférences, et par conséquent incapable de résister au moindre joli garçon ?
— Je vous ai envoyé des jeunes gens en qui vous pouviez avoir confiance, et qui néanmoins étaient susceptibles de résister à votre influence.

Ce n’était pas du tout le discours que le Trandoshan avait tenu à Luke et Karm.

— Si je vous avais dépêché des Ombres, nul doute que par prudence, et certains de ne pouvoir les convertir, vous les auriez exécutées sur le champ, sans réfléchir sérieusement à cette rencontre.
— J’ai converti une de vos Ombres jadis, Maître Ekkt, il n’y a pas de raison de penser que je n’en serai pas capable à nouveau.

Noctis fit un pas en avant. Les Ombres portèrent la main à leur sabre. Quelque chose, dans la Force, s’agita du côté des Sorciers. Maître Ekkt secoua légèrement la tête. Les Ombres n’en parurent pas plus détendues, mais elles ne bougèrent.

— Maître Ekkt, la prochaine fois que vous jugez bon de manipuler des jeunes gens pour flatter votre égo et servir à vos jeux pervers, la prochaine fois que vous traitez des Chevaliers prometteurs comme de vulgaires prostitués dans un bordel hutt, c’est moi qui viendrai vous voir et notre conversation sera autrement moins plaisante.

Sur quoi, Noctis tourna les talons et fit un signe de tête à ses Sorciers. Les Siths se replièrent dans leur navette.

— Maître, murmura l’une des Ombres, qui voyait là une occasion en or de les attaquer.
— Pas maintenant.

La rampe de la navette se releva lentement et, in extremis, les sabres de Luke et Karm furent jetés par dessus bord, alors que le petit vaisseau avait déjà décollé.

— On aurait pu les avoir, s’emporta l’Ombre.
— Et qui vous dit que Torr et Kayan n’ont pas un engin explosif sur eux, que les Siths auraient enclenché en représailles ? Et vous oubliez le vaisseau en orbite. Il y a des batailles, Chevalière, qu’il vaut mieux éviter, si l’on veut remporter la guerre. Replions-nous.

Karm se pencha pour ramasser les deux sabres. Il rendit le sien à l’Hapien et glissa celui de Luke à sa ceinture. A quoi diable avait rimé toute cette mascarade ? Ekkt avait-il obtenu ce qu’il cherchait ? L’attitude protectrice de Noctis à leur égard faisait-elle partie d’une sombre manipulation ? De qui, exactement, dans toute cette histoire, étaient-ils les pions ?

— Viens, souffla-t-il à son compagnon, en emboîtant le pas aux Ombres.

Bientôt, leur propre navette quittait la lune désertique.

Tandis qu'attaques à peine voilées et mensonges glissaient sur le sol poussiéreux de la lune, voyageant entre les deux camps, les deux chevaliers se taisaient. Luke pensa à leur long baiser échangé, il reprit courage et leva de nouveau les yeux vers Ekkt, surtout vers lui. Et s'il n'était pas toujours direct, évidemment incapable de suivre des trajectoires visuels, il était rempli de reproches contenues. Le jeune homme avait beau être plus calme encore que Karm, il ne possédait pas son flegme et surtout, détestait profondément toute forme, esquisse même de traîtrise. Ses actes présentement, relevaient de la traîtrise, personnelle. Pourtant prudent, le Jedi retint un signe d'affirmation, physique ou mental au sein de la Force lorsque Noctis les défendit. Il s'était sentí exactement comme le décrivait le Seigneur Sith: un prostitué envoyé dans les bras d'un homme qui, parce qu'il aimait la chair masculine allait forcément tomber dans le piège. Sur le coup, Ekkt avait été fort prétentieux, nourri aux préjugés et, peut-être un peu d'homophobie, certes. Mais le jeune homme ne voulait rien conclure quant à ce dernier point, pas plus qu'il ne releva les éloges à peine cachées de Noctis, des chevaliers prometteurs? Le Hapien n'en avait pas l'impression, maintenant encore moins, vu la supercherie orchestrée par le reptile. Leur seule consolation était de ne pas avoir eu vraiment le choix vu l'enchaînement des circonstances et le rang de celui qui leur avait confié la mission.

La tension augmenta d'un cran lorsque Luke, avant les mots, lu dans les intentions de l'Ombre, son regard se braqua sur elle et il se rendit compte avoir entrouvert la bouche pour prévenir Noctis. Attaquer par derrière serait plus Sith que le Sith en lui-même. C'est ce qu'il se dit afin de ne pas se sentir tourmenté par son ébauche d'acte.

Un bruit mat pourtant léger fit tressaillir le Jedi après le décollage de Noctis, sans cérémonie, ni au revoir. Rien. Ils avaient fini la mission et avaient été relâché. Luke leva automatiquement les yeux vers le ciel probablement étoilé avant de les baisser pour se diriger, mornes, vers une ligne d' horizon inexistante. À l'ordre de Karm, il se dirigea comme un automate vers la navette, hésitant toutefois quelques secondes. Était-ce bien sûr de Monter avec Ekkt? Le jeune homme finit par s'exécuter, probablement plus parce qu'il suivait son compagnon que parce qu'il désirait se retrouver entre les pattes d'Ekkt. C'était peut-être un peu enfantin, mais blessé --surtout parce que Karm avait été mis en danger, ensuite, parce qu'il était probablement passé au-dessus du Conseil et enfin parce qu'on s'était clairement joué de lui. Dans cet ordre d'importance. le jeune Jedi refusa toute conversation, avisant le Maître d'un calme mais implacable:

- N'y pensez même pas.

Il était hors de question de débrieffer ici, d'écouter des excuses qui ne viendraient pas et encore moins des explications ubuesques d'un Jedi qui jouait aux apprentis sorciers avec deux vies, pire encore tout le système de l'Ordre, ses croyances, sa réputation. Quoiqu'il en soit, le fait que Luke refuse de parler était réellement le signe de sa colère, aussi calme paraisse-t-il être de l'extérieur. Loin de se jugar entièrement victime -- en réalité il se reprochait de nombreuses choses, dont les échecs d'intrigues entammées, jamais achevées et le manque d'informations obtenues, sans compter le fait qu'il avait tout aussi stupidement admiré Ekkt que Noctis. Retirer la parole à quelqu'un était un acte très violent de la part du Consulaire, et même s'il se pouvait que la communication se rétablisse par la suite -- évidemment il était conscient qu'à un moment ou à un autre il faudrait laisser le reptile parler et déserrer ses lèvres. mais pour l'instant, il avait besoin de s'éloigner des Ombres, d'Ekkt et de leurs machinations. Juste, respirer, se retrouver au calme, comme dans la cuisine de Noctis lorsqu'il faisait les sandwichs. Bien que clairement lumineux et peu décidé à suivre le Seigneur Sith, il reconnaissait s'être sentí presque plus détendu sur son île que présentement. Troublant.

Avec un soupir, le jeune homme s'assit sur une banquette arrière, la main encore posée sur le sabre-laser de Karm qu'il n'avait finalement pas rangé, allez savoir pour quoi, et maintenait entre ses doigts clos.

[coloris=Brown]- Chevalier Torr, de gardien à gardien comprenez vous la manœuvre ? Il était indispensable que vous en sachiez le moins possible afin d'avoir l'air le plus sincère possible. De toutes manières nous faisons face à une très sérieuse menace. Impossible de ménager qui que ce soit, et vous qui connaissez la réalité du terrain le savez. Tout comme le conseil.

— Vous n’êtes pas un Gardien, murmura très calmement l’Ark-Ni, alors que la navette bondissait dans l’hyperespace, après avoir quitté l’atmosphère aride de la lune.

La tension était palpable dans l’habitacle. Les Ombres considéraient les Chevaliers avec méfiance. Elles devaient s’attendre à tout moment à ce que l’influence du Seigneur Sith se fasse brusquement sentir. Le soupçon était de rigueur, dans la voie qu’elles avaient choisie. C’était un fardeau qu’elles portaient pour l’ensemble de l’Ordre et dont l’Ordre, parfois, les récompensait fort mal. C’était le prix à payer pour éradiquer le Côté Obscur.

— Je vois, se contenta de commenter Ekkt, avant de se retourner vers ses associés.

Les deux Chevaliers avaient besoin de temps, c’était évident. Karm s’assit à côté de Luke. Dans ce petit vaisseau, il était difficile d’avoir une conversation sans être entendu. Des jours désormais qu’ils étaient constamment surveillés. Karm rêvait d’une promenade dans la jungle d’Ondéron avec son compagnon, ou de la porte fermée de l’une de leurs chambres, loin des regards. Lui parler, sentir son corps contre le sien, se réfugier l’un près de l’autre.

— La prochaine fois qu’on part en vacances, j’te préviens, c’est à la montagne : les îles paradisiaques, c’est surfait.

L’Ark-Ni poussa doucement Luke du coude avant de lui adresser un sourire, dont le dessin était invisible pour le Consulaire, mais qui se répercutait à travers la Force. Un peu plus loin, les Ombres tenaient un conciliabule. Karm repensait aux propos de Noctis. Etaient-ils réellement désormais sous la protection d’un Seigneur Sith ? Comment est-ce qu’un Jedi pouvait devenir un Sith ? Il avait toujours pensé à la colère, à la violence du désespoir, mais Noctis était différent. On aurait dit que sa conversion était le fruit d’un cheminement naturel.

— On sera sur Ondéron dans quatre heures, déclara Ekkt en se retournant vers eux. Votre débriefing commencera là-bas, si vous tenez à ne pas le faire ici.
— Non mais c’est bon. J’m’y colle.

Karm se releva. Il commençait à connaître le rituel, désormais. Son sabre tendu à Ekkt, il s’assit en tailleur, au milieu d’un cercle formé par les Ombres. Ouvrir son esprit. Se rendre disponible dans la Force. Rien à cacher. Tout à dévoiler. L’Ordre aussi avait ses inquisiteurs. Leurs méthodes étaient certes moins violentes que celles de l’Empire, mais elles ne laissaient guère d’intimité. Les secondes passèrent en silence alors que chacun entrait en méditation. La Force se concentrait autour de l’Ark-Ni.

Alors l’interrogatoire commença. Des questions rapides, qui exigeaient des réponses immédiates. Sans réflexion. La vérité pure qui venait de l’intuition. On l’interrogeait sur tout et rien. Sur Skill, sur Noctis, sur l’île. Le climat, la nourriture. Les armes, le sable. Les projets, la végétation. L’accent du Seigneur Sith. La couleur du Twi’Lek. Rien n’était insignifiant et les questions les plus anodines avaient en général pour rôle de stimuler la mémoire du Chevalier.

— Est-ce qu’il était beau ?
— Oui.
— Et le Twi’Lek ?
— Aussi.
— Sur le vaisseau, d’autres espèces ?
— Oui.
— Qui ne soient pas des Proches-Humains ?
— Non.

Et les questions continuaient à s’égrener. Une heure avait déjà passé. Karm sentait les esprits des Ombres parcourir les recoins de sa conscience. Tout se passait comme après la trahison de Tavaï. Certains Chevaliers passaient toute leur vie sans connaître ces interrogatoires qui cherchaient à tout dévoiler. Pas lui. Lui n’avait pas cette chance.

— Il était désirable ?
— Oui.
— Vous l’avez désiré ?
— Oui.
— Désir naturel ? Ou renforcé par la Force ?
— Je sais pas.
— Vous diriez que le Twi’Lek était envoûté ?
— Skill.
— Skill était envoûté ?
— Juste amoureux.

Une heure de plus. Les questions désormais tournaient presque entièrement autour de Noctis. Son apparence, son attitude, son tempérament. Ses pouvoirs. Si Karm n’avait pas été dans un état second, et s’il avait été capable de réfléchir, il se serait sans aucun doute rendu compte que les Ombres se préoccupaient du charisme de l’Hapien, des effets qu’il avait et du rôle qu’y jouait la Force. C’était peut-être cela qu’ils avaient été, pour eux : des cobayes pour observer les effets d’une exposition à la beauté ensorcelée du Seigneur Sith.

— Merci, Chevalier[/color], finit par conclure Ekkt. Vous pouvez revenir à nous. Lentement. Cinq… quatre… trois… deux…

Karm rouvrit les yeux, avant de cligner plusieurs fois des paupières, pour s’habituer à nouveau à la lumière artificielle du vaisseau.

— V’z’êtes sûrs que vous voulez pas en savoir plus sur ma production spermatique ou mon cycle digestif ?
— Les questions indiscrètes sont nécessaires à la pleine compréhension des pouvoirs de Darth Noctis mais croyez bien que nous sommes navrés de devoir vous exposer de la sorte.

Karm fixa Ekkt un instant sans rien dire avant de se relever pour retourner s’asseoir près de Luke. Les Ombres avaient de quoi s’occuper pour mettre en forme les notes prises pendant l’interrogatoire.

— C’est pas si horrible que ça en a l’air, souffla Karm à son compagnon, pour le rassurer à la perspective de l’entretien semblable qui l’attendait.

- Ou à la campagne, C'est joli à ce qu'on dit, la campagne.

Répliqua Luke en guise d'au revoir et de bonne chance à Karm, interpellé par les Ombres. Soulagé que tout ceci soit terminé, les yeux endoloris par des scènes multiples, vécues à défaut d'avoir été vues, le jeune homme ferma les paupières, inspirant profondément et expirant doucement. De l'autre côté, il pouvait sentir les Ombres se concentrer, puis Karm s'abandonner à elles, y compris Ekkt. Avec des efforts, le blond aurait presque pu infiltrer la conversation, l'entendre ou du moins savoir comment le Chevalier Turquoise réagissait aux interrogations. Toutefois confiant et surtout respectueux, le Hapien choisit de retirer le filet de Force indiscret qui aurait pu lui révéler la teneur de la discussion. Il concentra ses dons autour de sa personne en une simili-guérison afin de retrouver de l'énergie et un brin de courage. Les sensations passées s'effaçaient enfin, juste assez tout du moins pour que Luke trouve le repos. Skill, Noctis, les promesses tenues et non tenues, l'étrangeté de l'affaire, la protection du Seigneur Sith, le manque de compassion du reptile. Dans le fond, Luke avait toujours plus confiance dans le second, mais uniquement parce que c'était un Jedi. Et plus préoccupant encore, pourquoi vers la toute fin, Noctis ne parvenait plus à l'agacer de la même manière alors qu'il avait poussé davantage son personnage gentil sur le devant de la scène? Malgré l'absurdité de la chose, il s'était senti presque protégé et surtout reconnaissant envers le Hapien qui les valorisaient, contrairement à Ekkt. Deux bonnes nuits loin de l'influence du Tragi-Comédien et tout rentrerait dans l'Ordre -- c'était les cas de le dire. de toutes manières. Luke n'était pas facile à convertir, peut-être même en mourrait-il avant de changer totalement de camps. Son intolérance au côté Obscur était viscérale, physique en plus d'être mentale, pourtant il fallait aussi reconnaître que face à Noctis, il n'avait pas senti les mêmes étourdissements ou cette langueur pesante, annonciatrice de son habituel et étrange mal-être, son allergie à la nuit de l'âme.

Plus neutre et plus tranquille, Luke continuait toutefois de se poser la question lorsque Karm réapparut. Il l'accueillit avec un sourire faible mais sincère. Calmé, il décida de se lever sans faire d'histoires pour se rendre face aux Ombres. Le fait que le Chevalier Turquoise lui signifie qu'il pouvait y aller sans crainte avait sans aucun doute participé à sa docilité d'ailleurs. Entre eux, au fil des missions et du temps passé ensemble, la dynamique s'était rapidement installée, puis, lentement renforcée. Karm était clairement me meneur, le leader, tandis que Luke suivait confiant bien qu'heureusement, signe d'une relation en apparence saine, chacun conservait son caractère, ses idées. En réalité, tous deux étaient assez différents, mais leur capacité commune à chercher puis accepter des compromis leur permettait de discuter de tout afin de réparer les brèches ou de les éviter dans le meilleur des cas. Non sans frôler son compagnon au passage, le Hapien se dirigea vers les Ombres, il ne posait toujours pas ses yeux dans ceux d'Ekkt qui commençait à le connaître et connaissant sa capacité, au repos, à "regarder" les gens devait bien s'imaginer que son action était volontaire. Sans avoir l'air de s'en inquiéter ou de s'en sentir peiné, le Reptile le fit s'asseoir au milieu du cercle.

Habituellement Luke procédait d'une manière conventionnelle, comme s'il avait été un genre de policier: clavier d'ordinateur armé des deux fameuses touches en relief pour taper son rapport, jusque tard dans la nuit. Il pensait ses mots, cherchait les expressions les plus précises tout en évitant d'être trop avare de détails. Il réfléchissait longuement, imprimant inconsciemment sa façon de penser, sa perception dans ledit rapport. De ce fait, être directement interrogé par le biais de la Force le rendait un peu nerveux. Diligent, Ekkt le rassura d'une onde que Luke accepta sans pour autant réellement changer d'état d'esprit, il lui faudrait longtemps pour refaire confiance au Maître.

- Quel profil avez-vous pu dessiner de Noctis?

- Consciencieux, diplomate et orateur de talent, charismatique et je crois, sincère. Il croit en ses idéaux et être différent des autres.
- L'admirez-vous?
- J'admire son éloquence, ses connaissances et sa finesse d'esprit.
- Pensez-vous que ses hypothèses et idéologies sont fondées?
- Dans son esprit, selon sa logique, oui, elles sont cohérentes mais je n'y adhère pas. Les intentions sont bonnes, les méthodes, condamnables.
- Avez-vous envisagé de rester avec lui?
- Non.
- Vous a-t-il séduit?
- Sur quel plan?
- À votre avis, nous connaissons vos tendances. Sur le plan sexuel.
-- Le ton dédaigneux était difficilement occulté. Luke répliqua d'une Onde de Force mécontente, une réprimande mentale, mais il continua de se soumettre.
- Non. Intellectuel un peu, sexuel, jamais.

- Et Skill?
- Encore moins. Il m'a fait de la peine, il est malade et a eu une vie terrible, je n'éprouve qu'une empathie professionnelle à son égard.
-Et quels sentiments avez-vous pour Noctis?
- De la méfiance car il est beaucoup plus intelligent et expérimenté que moi, du... Respect? Pour ses capacités, et parce qu'il a tenu promesse, mais je ne vais pas remercier quelqu'un qui m'a enlevé. Ni qui m'a fait enlevé d'ailleurs.

Regard en biais des Ombres. Même sous "hypnose" Luke semblait capable de se défaire de leur emprise pour laisser briller un brin de sa personnalité et prendre la liberté d'ajouter ses propres commentaires. Au fond ce n'était pas dérangeant puisque cela renforçait la sincérité de ses paroles. En revanche, le détail restait curieux, il démontrait bien sa capacité à maîtriser la Force. Si Noctis l'avait gardé puis formé, peut-être en serait-il venu à être capable de manipuler les maîtres pour faire croire qu'il était soumis au "brieffing". L'était-il déjà ? Non. Pas assez puissant. Pas intéressé par la trahison. Pas encore selon les Ombres les plus suspicieuses. Ekkt assura que non d'un signe de tête.

- Êtes-vous en colère contre Maître Ekkt?

- La colère mène à la haine, et la haine au côté Obscur.
- Répondez.
- Je l'ai été, mais j'ai médité et ma colère se transforme en vague déception et indifférence à son égard.

Il se contrôlait donc, encore, mais c'était certain désormais, le caractère docile de Luke s'était quelque peu effacé. Il n'éprouvait guère de respect désormais pour Ekkt, encore suffisamment envers les Ombres pour éviter de résister, offrant son esprit à coeur ouvert malgré quelques "fermetures" inopinées, commandées par un instinct inquiet, loin de se sentir en sécurité. Luke avait "peur" des Ombres.

- Noctis est-il plus fort que nous?
- Je pense, oui.
- Aurions-nous une chance en le prenant par surprise?
- Ce ne serait pas Jedi.
- Répondez - la pression dans la Force augmenta et le chevalier finit par plier. Jusque là ses petits éclats de résistance étaient aussi infimes qu'involontaires, mais se méfiant d'Ekkt, il s'auto-protégeait et n'adhérait pas totalement à ce que les Ombres entrent dans son esprit. Parfois ses yeux s'agitaient derrière ses paupières comme un patient en train de s'éveiller en plein opération.-
- Oui. Il est arrogant. Il croit tout maîtriser. Enfin je crois, comme je vous l'ai dit, j'ai eu beaucoup de mal à lui assigner un profil type.  

- Et Sk...
- Pourquoi nous avez-vous fait cela?
- Pardon?
- Nous posons les questions.
- Non, j'en ai assez. Nous avons le droit à des réponses.

La poussée de Force s'inversa, Luke s'était à demi-éveillé, suffisamment pour chercher à inverser le processus. Désormais c'était lui qui fouillait dans l'âme d'Ekkt à la recherche de réponses. Il abattit deux barrières et faisait flancher la troisième -- l'effet de surprise ayant nettement aidé bien sûr. lorsque le reptile acheva la session.

- Merci.

Le chevalier éberlué ouvrit les yeux, il se redressa, frissonnant mais ne laissant rien paraître. Lorsqu'il rejoignit Karm, il prit soin de parler très bas. Derrière eux, des chuchotements se faisaient entendre. Les deux chevaliers avaient-ils décidé de collaborer avec Noctis? Ekkt trancha, signifiant que non, c'était impossible, pas ses deux protégés, mais cela, les jeunes Jedis ne pouvaient l'entendre.

- Je ne sais pas dans quelle mesure, mais Ekkt nous voit comme un danger potentiel. J'ignore si c'était une simple réflexion ou une constatation, s'il compte prendre des mesures, mais je l'ai senti. Le rapport de force s'est inversé, juste une seconde, et j'ai pu voir la vérité en lui. Il y a ça, et le fait qu'il avait une autre idée derrière la tête que les autres ignorent à mon avis. Karm, on va vraiment devoir parler au Conseil.

Son ultime phrase ne sonnait pas comme une affirmation cependant, en réalité, il doutait et demandait implicitement conseil à son ami. Il prit conscience que lui, il ne pourrait pas le dénoncer sans en cas de meurtre. De fait, Luke ne ferait rien qui puisse nuire à Karm. La mission avait achevé de les lier, le rendant "inutile" en tant que Chevalier. Il était plus fidèle à son ami qu'à L'ordre, ou du moins, tout autant. Était-ce compatible?

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