Lloyd atterrit en catastrophe. Dans les tourbillons de neige, la visibilité était restreinte, et ses capacités de pilotage d'habitude aiguisées étaient complètement anéanties par la douleur que provoquait chacun de ses gestes. Le simple contact de ses jambes avec le bas du siège, dans le cockpit, lui semblait raviver une brûlure insoutenable, et il serrait les dents à s'en endolorir la mâchoire pour ignorer la souffrance.

Derrière lui, étendu devant la passerelle, gisait le corps inerte du trandoshan dont le bras manquant le faisait ressembler à un cadavre de champ de bataille – à la différence près que ses ronflements emplissaient la cabine. Lloyd ne savait pas très bien pourquoi il l'avait amené : il s'était figuré qu'il aurait pu lui être utile, mais il commençait à en douter. Il avait tenté sans succès de le réveiller pour le faire parler, puis avait préféré faire parler l'ordinateur de bord, beaucoup moins réfractaire à un petit interrogatoire. Les derniers enregistrements donnaient les coordonnées d'un emplacement à rejoindre au sud de Lorrd City...
… exactement là où il se trouvait désormais. Trois vaisseaux occupaient déjà un plateau et Lloyd avait bifurqué pour se poser plus loin, histoire de ne pas se retrouver nez à nez avec d'autres trandoshans du même genre. Il avait survolé les files de survivants qui tentaient de les rejoindre, avant d'aller poser le vaisseau de manière aussipeu élégante que son précédent atterrissage : une chute brutale et bruyante, faisant voler un nuage de poussière autour de lui. Il regretta immédiatement de ne pas avoir pris davantage de précautions : ce vaisseau était autant sa voie d'entrée que sa voie de sortie. Il était un terrain ennemi, mais si ce n'était probablement pas pour longtemps.

Lloyd se désangla rapidement avant de se glisser hors du siège, la démarche chancelante. Il actionna une manivelle mécanique pour faire descendre la passerelle – la commande automatique ne fonctionnait plus. Aussitôt, des volutes de neige s'engouffrèrent dans l'appareil et le froid lui mordit les muscles, la peau. Il était dans un état déplorable ; pouvait-il au moins sortir ainsi ?
Ses yeux cherchèrent autour de lui un pantalon de rechange, mais il n'y avait rien ici de ce genre. Et puis, comment aurait-il pu supporter, sur ses jambes couvertes de brûlures noires, passer le moindre tissu ?

Le Hapan prit son courage à deux mains pour sortir. On ne voyait pas grand chose, et le vent l'empêchait d'apercevoir véritablement la scène que se jouait à quelques centaines de mètres. En tournant le regard vers le nord, il espéra apercevoir les vaisseaux et les bombardements impériaux, mais l'horizon n'était qu'un grand drap gris jeté à perte de vue.

- Agh ! ... Merde.

Au pied de la passerelle, il avait posé le pied dans la neige. Ses bottes étaient si déchiquetées que le froid si engouffrait aussitôt mordant une fois encore ces brûlures inesthétiques et douloureuses. Qu'est-ce qu'il foutait ici ?! Il aurait dû retourner vers les troupes pour demander une évacuation et des soins, il le savait. Et pourtant... Il était parmi les trois apprentis qui avaient été débarqués sur Lorrd ; autant dire qu'une implicite concurrence les forçait, tous les trois, à rester le plus longtemps possible, à faire leurs preuves efficacement, pour prouver que des trois, ils ne seraient pas les derniers.
Lloyd doutait pourtant ne pas l'être. Il ne savait guère ce qui était arrivé à Yulpi ni à Meifa, deux êtres qu'il n'avait de toute façon que croisé sur le vaisseau qui leur avait fait faire le voyage depuis Korriban, mais il se doutait qu'eux aussi étaient plein de ressources dans lesquelles puiser. Si Darth Laduim voulait être satisfait, si Lloyd voulait s'assurer que là où elle était, Mat' était en parfaite sécurité... Alors il devait faire de son mieux. Y compris faire des choses que son propre corps ne lui pardonnerait peut-être pas.

Essayant de ne plus penser à sa douleur, le Hapan releva les yeux devant lui, au moment même où une frêle silhouette se dessinait au milieu des volutes de neige. Interdit, il le regarda s'approcher, et tenta de s'immerger dans la Force pour ressentir l'aura du nouveau venu. Mais la Force n'était pas prête à l'aider, vu son état, et il ne parvenait pas à se concentrer.

Calme-toi, petit con.

[Je ne fais rien, recharge de PF.]

Il se retrouvait face à un gamin qui faisait bien deux têtes de moins que lui. Un ado, plutôt. En temps normal, Lloyd aurait simplement conseillé au padawan de déguerpir, mais il avait peur de ne pas vraiment l’intimider vu l’état déplorable dans lequel il était. Il prit donc le temps de détailler son adversaire du regard – une bure de Jedi, un visage qui quittait l’enfance mais qui transpirait la détermination et… la frustration peut-être un peu ? Lloyd eut un drôle de sourire.

- C’est ta première mission, petit ? lui demanda-t-il.

Non qu’il fut véritablement curieux au sujet de son interlocuteur ; il se demandait juste à quel âge les padawans pouvaient bien être envoyés au front, au milieu des bombes et des cadavres. Apparemment, assez jeunes… L’Ordre était-il si différent de l’Empire ?

Le Hapan fit un pas, puis deux, guettant la réaction du jeune homme – s’il devenait à agressif, il faudrait réagir vite malgré la douleur et la fatigue.

- Qu’est-ce que tu fais là, au juste, avec tous ces gens ? A peine vous décollerez que l’Empire abattra les vaisseaux.

Il avait perdu son sourire mais il haussa les épaules, comme pour dire qu’il ne disait pas ça pour ennuyer l’adolescent : c’était une simple constatation, voilà tout.

- Tu ferais mieux de leur dire de rentrer se mettre au chaud. La navette que j’ai amenée ne leur servira à rien, elle est incapable d’aller dans l’espace dans cet état. Et ils rentreront pas dans les trois malheureuses boîtes qu’on vous a apporté…

C’était l’évidence, non ?
Une bourrasque souleva la neige autour d’eux et Lloyd rabattit ses bras autour de lui comme pour se protéger du froid – ce qui restait de sa tenue de pilote ne le protégeait plus du tout. Le froid ne l’aidait pas à se remettre ; bien au contraire. Il lui faudra retourner vers les impériaux sans traîner, mais… Il fallait qu’il ramène la preuve de ses compétences avant. Quelque chose qui pût satisfaire les exigences de son Maître. Un padawan suffirait-il ? Tout dépendait de la valeur de l’humain en question…

- Qui es-tu, exactement ? Oh, je veux juste savoir si on s’inquiètera et si on viendra te chercher si jamais tu partais avec moi…

Il tendit doucement une main tremblante, tâchée de suie et de sang, vers l’adolescent.

- Si tu montes dans ces vaisseaux, tu mourras avec eux, souffla-t-il. Si tu restes dehors, tu mourras de froid… Et si tu retournes à l’intérieur, l’Empire te tuera. Ta seule chance de survie…

Il fit un pas de plus.

- … c’est de venir avec moi. Je ne te ferai aucun mal, mais il te faut prendre ta décision rapidement. Le froid et le côté obscur t’affaiblissent…

Au bout de ses doigts, Lloyd sentait la Force frémir alors qu’il tentait d’activer, à peine perceptible, un canal entre lui et le jeune homme, afin de s’enivrer de son énergie vitale.

- … C’est à cause de tous ceux qui sont déjà morts. Et ceux qui ont la haine. Parce qu’ils ne veulent pas mourir ici… Comme toi.

[Je reste à distance, Absorption de vie.]

- Est-ce que tu le sens ? C'est la mort qui commence à venir...

Sa voix tressautait. Les Jedi étaient trop têtus, il savait que ça ne fonctionnerait pas. Mais s'il maintenait l'ado dans le doute, le temps de récupérer quelques forces... Alors peut-être pourrait-il l'emmener par d'autres moyens...

Qui avait dit que les apprentis de l’Académie étaient arrogants et si sûrs de leur supériorité ? Lui-même, certainement, en convenait, et les Jedi, ses propres ennemis, avec lui. Tout cela pour constater que finalement, la bannière sous laquelle vous vous battiez n’avait guère d’importance : ce padawan-là était tout aussi orgueilleux et provocateur que n’importe quel apprenti. La preuve de son immaturité, la preuve qu’il n’avait pas encore subi la vie telle que Lloyd l’avait vécu. Il n’en aurait que plus de facilité à maltraiter le gamin, désormais.
Mais la jeunesse du gamin, qui le faisait asséner ces certitudes, était tout autant sa faiblesse. Le padawan avait porté sa main à son sabre sans l’allumer. Avait-il fait mouche ?
Le Hapan fronça toutefois les sourcils. Sa flotte était en déroute ? Dans sa précipitation, il n’avait guère pris de nouvelles du commandement. Etait-ce vrai ? La République était-elle arrivée en renforts au-dessus de leur tête, ou le gamin bluffait-il ? Si ce qu’il disait était vrai, alors il ne fallait pas qu’il s’attardât dans les parages… Mais hors de question d’être venu jusqu’ici pour repartir bredouille. Il n’avait aucune idée de comment les autres apprentis se débrouillaient sur Lorrd, mais il ne fallait pas qu’il revint vers Darth Laduim sans la preuve de sa supériorité.

- Quelqu’un qui a été comme toi, un jour, souffla-t-il pour toute réponse sur son identité. Plein de doutes et qui pensait que l’herbe était plus verte ailleurs. Et qui s’est trompé.

Il avait pourtant bien essayé de s’insérer dans la société républicaine, mais son passé l’avait rattrapé. Forceux on avait été, forceux on restait.

Enfin, la Force lui venait justement en aide, comme la preuve qu’il avait choisi cette fois, après tant d’années à essayer en se trompant, la voie pour laquelle il existait. La puissance mystique avait enveloppé le padawan en face de lui, et lui avait rapporté les signes de vitalité du jeune garçon : un cœur qui battait fort et régulièrement, des muscles encore prêts à servir, un éveil mental symbolique d’un garçon de son âge… Tout cela… Pour lui ! A lui qui le méritait, qui n’avait fait que souffrir à l’époque où il avait cet âge-là ! A lui qui s’était donné tant de mal pour renier sa nature puis pour y revenir, il méritait tout cela ! Il méritait la vie qui revenait en lui et qui chassait la douleur, la fatigue et les craintes…
Comme une drogue, la vie que Lloyd absorbait le rendait euphorique, déconnecté temporairement de la réalité. Un sourire fragile se dessina sur ses lèvres. Il réussissait à utiliser la Force, aussi bien qu’avant, peut-être même mieux. Si son maître avait été là, il aurait vu ses progrès ! Il serait remonté dans son estime… Mais pour l’instant, il était si heureux de se voir réussir et être nourri par la Force qu’il n’entendait plus les propos du garçon que d’une oreille.
Aussi lorsqu’il sentit soudain la Force le propulser vers l’arrière, il fut pris par surprise et il chancela avant de tomber bêtement en arrière.

Le retour à la réalité fut aussi rude que la morsure de la neige qui venait d’entrer de nouveau en contact avec ses membres inférieurs.

- Petit con.

Cet imbécile gâchait tout en résistant. Et son petit discours fit retrousser les lèvres du Hapan de dégoût. Tout en restant assis, il porta sa main à sa ceinture… Mais pas du côté de son sabre laser, non. A gauche, du côté de son blaster, qu’il dégaina et pointa sans ménagement vers le padawan.

- C’est trop tard pour les innocents, cracha-t-il avec amertume, autant pour ceux qui allaient mourir sur Lorrd que ceux qu’il avait déjà tué par le passé. Peu importe le prix ? Très bien. Alors danse, maintenant, Kolin Valkizath de Coruscant !

Et il tira une salve de son blaster, espérant bien que le padawan avait plus été entraîné à se battre contre ses semblables que contre la pègre de son monde natal.

[Tir de blaster sur Kolin]

Malheureusement, les tirs issus de sa main tremblante volèrent plus d'une tête au-dessus du padawan. Pas possible, ce petit con devait être protégé par la Force !

Lloyd grogna pour toute réponse. Le padawan ne pouvait qu’être aveuglé par sa naïveté et tout ce que les Jedi avaient pu lui mettre dans le crâne. Des conneries ! Il savait, il avait personnellement essayé. Et tout l’avait ramené au côté obscur. Alors certes, c’était différent lorsque vous naissiez loin de l’Empire… Mais une fois le doigt mis dans l’engrenage, il n’y avait plus de retour en arrière. Un jour ou l’autre, l’obscurité vous rattrapait et vous reprenait dans ses griffes. Tenter de lui désobéir, c’était attirer à soi les plus grands des malheurs – comme la disparition de Mat’. Tout lui avait été pris par le côté obscur ; plus rien ne subsistait à part ces quelques instants d’amour avec elle. La seule manière de survivre, c’était de sauver ces instants – c’était d’obéir à l’Empire.

- Parce que tu la trouves pas dégueulasse, la galaxie ? Ni toi ni moi ne répandons ni lumière ni obscurité, grinça-t-il à contrecœur, car il restait convaincu que le padawan resterait campé dans ses certitudes. Nous ne sommes que des pions, des pantins. Tire ton épingle du jeu avant qu’ils ne t’aient tout pris, peu importe leur camp.

C’était ce qu’il faisait désormais. Mais Lloyd ne comprenait que trop bien le gamin : lui aussi avait cru à ces niaiseries un jour… Mais ce n’était pas à lui d’apprendre à Kolin la vérité de leur monde : la Force s’en chargerait bien assez vite.
De toute manière, le crissement du sabre du Jedi lorsqu’il l’alluma marquait la fin du débat. Il faudrait se battre comme leurs ascendants, comme leurs ancêtres, sabre lumineux contre sabre rouge, éternellement. Survivre, acheter par la puissance quelques jours supplémentaires, repousser l’échéance en approchant celle d’un autre.

Lloyd rangea son blaster, inutile face à un sabre laser, et se remit à genoux puis debout, tant bien que mal. Il avait tâché la neige de sang autour de lui. Comme s’il ne pouvait s’empêcher, partout, songea-t-il, de laisser une trace glauque de son passage dans la galaxie. Il se dégoûtait lui-même.

Le Jedi bondit vers lui avec l’assurance et l’énergie de la jeunesse. Au même moment, le Hapan attrapa son propre sabre et l’alluma pour dévoiler la lame rouge.

[Défense puis attaque au sabre laser]

Il brandit son arme sur le côté pour faire écran à l’attaque maligne du jeune garçon, qui utilisait le terrain avantageusement pour le surprendre. Mais Lloyd s’était entraîné à en suer à l’Académie depuis bien des mois pour satisfaire les ambitions de son Maître, et ses réflexes affûtés le firent contrer l’attaque avec aisance. Il tâcha dans la foulée d’utiliser l’élan du garçon pour se positionner à son tour sur le flanc de son adversaire pour utiliser sa taille supérieure à bonne escient et frapper le padawan dans le dos : malheureusement, il rata sa cible de plusieurs centimètres. Merde ! Comment est-ce que c’était possible de mal s’y prendre comme ça ! Un gosse, ce n’était qu’un gosse. Il devrait n’en faire qu’une bouchée… Mais la fatigue, la souffrance…

Lloyd se remémora la scène de l’esclave Twi’lek que Darth Laduim avait mise à sa merci. Comment il avait échoué plusieurs fois face à elle… Comment il avait persévéré pour trouver la meilleure manière de réaliser ce qui le dégoûtait tant auparavant, de réaliser ce dont il se croyait incapable.

Le visage de la Twi’lek.
Sang-froid et persévérance.
Le visage de la Twi’lek.
Se servir de ses faiblesses pour surprendre et l’emporter.
Le visage de la Twi’lek.

Lloyd fit volte-face et s’écarta d’un pas, laissant le padawan reprendre son souffle et se relever. Le gamin devait prendre confiance des échecs de son adversaire…

- Allez, viens-là, souffla-t-il en tâchant de retrouver la maîtrise de son esprit perturbé par les souvenirs qui venaient d’affluer. Attaque donc…

La colère monta soudain d’un cran dans le cœur du Hapan. Il ne savait ce qui l’agaçait tant dans les propos du Jedi, mais il se sentait révolté qu’on pût lui tenir de tels discours. Satisfait ? Il n’était pas satisfait, il n’avait même pas connu un tel sentiment, jamais ! Le padawan parlait sans savoir, et Lloyd lui-même n’avait pas les bons mots pour exprimer toute la fausseté qu’il percevait dans leur discussion. Ça ne servirait à rien, se répétait-il, un gamin comme lui ne pourrait pas comprendre ! Il croyait avoir souffert, il croyait avoir vécu… Et bien, il n’avait encore rien vu ! Lloyd lui-même pourrait lui montrer !

- Tais-toi, fils de chien kath, aboya-t-il brusquement. Tais-toi !

Le Hapan serrait la mâchoire à s’en rendre les dents douloureuses, mais il ne s’en rendait pas compte. La lumière de son sabre rouge projetait sur sa vision un filtre qui transformait son environnement en une créature hostile, Kolin y comprit. Lloyd dressa son arme devant lui, prêt à recevoir l’attaque suivante du lionceau, qui ne se fit pas attendre.

Le gamin le surprit encore. Alors qu’il s’attendait à une nouvelle feinte de côté ou bien une attaque frontale décuplée par la détermination, soudain le padawan disparut comme une ombre devant ses yeux. Un quart de seconde pour comprendre qu’il avait sauté au-dessus de lui. Nouveau réflexe, Lloyd fit faire à son sabre un mouvement parabolique pour arrêter l’attaque.

[Défense contre l'attaque au sabre : raté]

Mais il n’avait pas été assez rapide. Il sentait la force de la lame de son adversaire glisser sur la sienne, de façon trop proche de la garde. Le sabre lumineux lui entailla l’épaule et l’omoplate, ajoutant une nouvelle brûlure à celles qui couvraient déjà ses membres inférieurs. Lloyd laissa échapper un grognement de douleur. Un bref instant, des étoiles dansèrent devant ses yeux, l’éblouissant momentanément. Déjà son esprit revenait à la charge pour qu’il se maîtrisât de nouveau. Il ne fallait pas se laisser piéger ainsi ! Touché, l’adversaire pouvait rapidement prendre le dessus…

Tout en encaissant la douleur, il se tourna pour faire face à son adversaire au moment même où la vague de Force du Jedi le percutait de plein fouet.

[Défense contre la vague de Force : raté]

Lloyd se sentit brusquement projeté en arrière tandis que ses pieds décollaient du sol. Désorienté, il agrippa son sabre laser comme si celui-ci avait pu le retenir mais en vain. Il retomba sur son postérieur près de trois mètres plus loin, le souffle brièvement coupé par le choc et la surprise. Il lui fallut deux secondes pour réaliser ce qui venait de se produire…
Il toisa le padawan devant lui, et dans sa tête la colère se dissipait pour laisser place à la honte. Il était en train d’être battu par un petit garçon qui était allé à l’école des Jedi. Il lui aurait craché à la figure tout aussi volontiers qu’il se serait piétiné lui-même. Comment pouvait-il laisser cela se produire ? S’il rentrait en expliquant ce qui s’était produit, Darth Laduim aurait tôt fait de le sanctionner. Et il le méritait bien. Bon à rien, bon à rien. C’était peut-être aussi bien qu’il apprît sa leçon d’humilité par ce pauvre gamin, dans ce cas. Si le padawan lui était supérieur, alors celui-ci méritait bien de faire souffrir le Sith pour son incompétence.

Tous ses muscles lui hurlèrent leur douleur quand il entreprit de se relever à nouveau. Grimaçant, il parvint toutefois à se remettre en garde. Le froid mordait ses membres et son torse couverts de brûlure et de sueur, mais il fallait qu’il tînt le coup. Il le fallait. Encore un peu.

- C’est bien, lâcha-t-il d’une voix à peine perceptible. Allez, encore. Encore.

Il les méritait, ces coups, cette souffrance. Il le méritait.

Lloyd se mit à rire nerveusement à l’écoute des questions du padawan. Celui-là gobait les clichés qu’on lui avait fourni à propos des Sith, difficile de lui en vouloir pour ça, car lui-même avait longtemps cru aux clichés sur les Jedi, avant de se rendre compte que ni les uns, ni les autres n’étaient si différents.

- Mon pauvre, soupira-t-il avec une nonchalance qui allait peu avec ses grimaces de souffrance, si tu crois qu’une seule de ces choses peut m’intéresser…

Mais n’était-il pas mieux de le laisser croire ? Il était plus facile d’abattre quelqu’un qui vous méprisait. Mais soudain la colère s’empara de nouveau de lui en se rendant compte que le jeune garçon percevait sa souffrance. Elle était à lui ! C’était son malheur et ça le regardait ! De quoi ce gosse se mêlait-il ! Il allait lui faire comprendre qu’il y avait des points de non-retour, le lui faire expérimenter pour qu’il comprît le problème et qu’il cessât de donner des leçons comme un perroquet bien dressé par les Jedi !

Alors qu’il levait de nouveau son sabre, le padawan plongeait vers lui pour l’attaquer de nouveau. Il se concentra, prêt à faire face à une nouvelle feinte du facétieux Jedi. Et il avait raison : le gamin mima une attaque de côté, et au dernier moment changea de main dominante pour attaquer son autre flanc. Mais Lloyd n’eût qu’à faire un pas latéral, sans effort, pour éviter la lame blanche de Kolin qui jura. Dans la foulée, le Hapan profita de l’élan du gamin pour se déplacer et rester sur le flanc gauche de son adversaire. Il frappa d’un bref coup de taille en direction de la hanche découverte du garçon.

[Attaque au sabre]

A peine son coup terminé, il positionna sa main libre entre lui et l’enfant pour que la Force lui vînt en aide. Il n’avait plus assez d’énergie pour absorber l’essence vitale du Jedi, bien malheureusement. Mais au moins, s’il pouvait le mettre au sol par une brusque déstabilisation, cela lui redonnerait l’avantage sur ce combat où il avait passé trop de temps à s’intéresser à ce garçon et à sa situation plutôt qu’à démontrer sa supériorité.

[Télékinésie pour déstabiliser Kolin]

Avec satisfaction, il sentit la Force frémir le long de sa peau pour s'amasser au bout de sa main et lui obéir. Ces derniers temps, il devait admettre que la Force lui obéissait mieux. Avant, elle avait été une alliée uniquement théorique, sur qui il n'avait jamais vraiment pu compter. Mais avec la pression insufflée par sa situation et l'accompagnement attentif de Darth Laduim, il lui semblait qu'elle se pliait enfin à sa volonté.

- Avant que je décide si je dois te tuer ou plutôt t'embarquer, glissa-t-il quand le padawan fut à terre, dis-moi : en quoi es-tu important, pour le Temple Jedi ? Si tu veux survivre, il va falloir que tu aies une quelconque valeur... Tu le sais, n'est-ce pas ?

Le regard du Hapan se porta au-delà du garçonnet. Au loin, un premier vaisseau surchargé commençait à décoller. Sur le promontoire qui faisait office de piste de décollage et d'atterrissage, un grand groupe de personnes étaient agglutiné. Le blizzard ne laissait que deviner leurs silhouettes, mais il supposait que de loin, ils pouvaient apercevoir leurs lames. Il était étonnant qu'encore personne n'ait essayé de venir en aide au garçon qui les avait aidé à s'échapper. Peut-être étaient-ils trop préoccupés de leur sort pour s'inquiéter de lui.

- Je crois que j'ai fait mauvaise pioche, murmura-t-il. Tout le monde a l'air de s'en foutre, que tu disparaisses...

A peine par terre, le gamin s’était relevé pour continuer à se battre. D’où tirait-il cette détermination ? Lloyd était plus âgé et expérimenté que lui, c’était évident. Il aurait dû être intimidé… Mais il était vrai que son allure de rescapé de guerre ne devait pas jouer en sa faveur.
Le rire du padawan l’interpela d’une bien singulière façon, quittant des yeux les silhouettes au loin, il regarda Kolin les sourcils levés par la surprise. Ce n’était pas seulement sa réponse, c’était aussi son langage. Depuis le début, il avait bien senti que l’arrogance du Jedi devait dissimuler quelque chose de plus complexe, même s’il s’était efforcé de croire que c’était juste un ado avec les certitudes bien ancrées de son âge. Mais non, désormais, c’était évident : le padawan essayait par cette approche assurée de compenser une faiblesse que ses confrères ne partageaient pas. Ce constat arracha à Lloyd un sourire, motivé aussi par la formulation cynique du padawan.

- Pas si simple ? Tu prêches un convaincu, acquiesça-t-il avant de lever de nouveau son sabre, se préparant à recevoir la prochaine attaque de Kolin. Alors comment est-ce que tu peux être si sûr que tu as choisi la bonne voie, la lumineuse, celle des héros, en sachant que rien n’est ni blanc ni noir ?

Le sourire de Lloyd se maintenant au-delà de la lueur rouge de son sabre. Son regard mettait au défi le gamin d’expliciter sa logique, mais apparemment celui-ci n’avait pas l’air d’avoir envie de causer davantage. Il se prenait pour un gosse d’action. Alors pourquoi avait-il l’air d’avoir autant réfléchi ? Et Lloyd pourrait-il tirer parti de la faille qu’il avait réussi à amener le padawan à dévoiler sur lui-même ?

Il faudrait d’abord le dominer physiquement pour pouvoir avoir l’ascendant psychologique. Dans la peur et l’épuisement, même un Jedi était davantage exposé à l’éclatement de son système habituel de penser. D’abord, donc, lui prouver que le côté obscur était plus puissant…

Sans attendre, et puisque le padawan souhaitait le combat, Lloyd le lui offrit : il abattit plusieurs fois sa lame dans des mouvements aisés à parer, de façon à forcer Kolin à se borner dans sa posture défensive. Les sabres crépitèrent et ce son paraissait être l’unique qui subsistait dans leur monde.

[Attaque puis prise de distance]

Bientôt, déployant sa détermination et son espoir lié à la maîtrise du garçon, Lloyd fit usage de plus en plus de violence, jusqu'à percer la défense de Kolin sans même avoir besoin de feindre : juste par la force de ses attaques répétitives et puisées dans ses dernières ressources, le forcer à admettre sa supériorité et à lâcher prise.

Au bout de quelques secondes, sans voir les dégâts qu'il avait commis, Lloyd cessa toutefois ses attaques et reculant en titubant. Son visage était couvert de sueur et celle-ci, dans ses cheveux, gelait rapidement pour former une étrange neige dans ses cheveux. Il reprit sa respiration, toisant le padawan de toute sa hauteur à qui il laissait reprendre son souffle, et attendit de voir si l'état d'esprit du garçon était toujours le même.

- Toujours disposé à jouer les héros, Kolin Valkizath de Coruscant ? ironisa-t-il de sa voix toujours douce mais haletante.