La diversion fonctionna mieux encore que Lyrae n’aurait pu l’espérer. Les tirs s’interrompirent au moment même où Luuna parvenait à sa hauteur. Des cris scandalisés parvinrent à ses oreilles tandis qu’il tendait une main vers la Zeltronne… Mais une explosion souffla brutalement son geste et Lyrae vit Lunna s’étaler à terre pendant que lui-même chancelait, s’agrippant maladroitement à l’arme démesurée qu’il avait extrait des caisses maintenant renversées. Un sifflement retentit à ses oreilles, puis la sirène d’alarme et les cris reprirent le dessus. Il n’avait aucune envie de savoir ce qui s’était produit exactement. Déjà, il libérait l’une de ses mains pour la passer sous l’aisselle de la Zeltronne et l’aider à se relever. Il obéit à son ordre, non sans la tenir par le coude le temps qu’elle soit de nouveau en mesure de courir aussi bien que lui. Quelques secondes suffirent pour qu’ils se retrouvent tous deux à courir ventre à terre dans les coursives qui les avaient amenés ici.
Lyrae remarqua au bout de longues secondes qu’ils n’étaient pas poursuivis. Etrange. Avaient-ils causés plus de dégâts qu’il ne s’y était attendu ? Maintenant qu’il y faisait attention, l’alarme avait changé de rythme et d’intensité, et des parcours s’illuminaient au sol via de petites lampes intégrées dans les passerelles. Evacuation de secours ? Très certainement… Avait-il causé un incendie ? une fuite de gaz toxique ? L’avantage de tout cela, c’était que le chemin vers la sortie leur était indiqué, et qu’ils n’avaient guère à réfléchir.

Brusquement, au croisement de deux couloirs, déboulèrent d’autres aliens qui poussaient des cris de colère et de panique. Par réflexe, Lyrae leva son arme pour se défendre avant de se rendre compte que plus personne ne faisait attention à eux. Tout le monde détalait en suivant les consignes lumineuses… Les Jedi se remirent donc à courir de plus belle, se fondant dans la foule d’aliens aux yeux exorbités.
Quelques minutes plus tard, ils atteignaient enfin la coursive par laquelle ils étaient entrés dans cette usine clandestine. La tourelle d’entrée avait été désactivée par l’alarme automatique et les travailleurs se jetaient dans la nature de manière aussi désordonnée qu’une nuée d’oiseaux dont on aurait ouvert la cage après de longues semaines de captivité. Ils courraient sans se retourner, droit devant eux et dans toutes les directions. D’autres arrivaient derrière les Jedi, animés de la même panique, aussi furent-ils obligés de suivre le mouvement et de se jeter dehors eux aussi avant de courir sur quelques mètres dans les broussailles, trébuchant sur le sol inégal.

Quelques dizaines de mètres avalés, Lyrae allait se retourner pour voir ce qui se passait derrière lui quand une fantastique explosion le souleva dans les airs et brouilla tous ses sens.

Le choc de la rencontre avec le sol, la douleur dans ses membres, un sifflement suraigu dans les oreilles…

Ce n’est qu’au bout de quelques secondes que la pensée de Luuna, qui avait dû elle aussi être projetée, le fit reprendre ses esprits brusquement. Il était étendu face contre terre, du sable dans la bouche et du sang qui coulait le long d’une oreille. Sa combinaison était déchirée aux genoux mais il n’y prêta garde. Il fit un effort pour se retourner sur le dos et observer autour de lui, mais un brouillard poussiéreux l’empêchait de voir à plus d’un mètre de lui. Mais la Force lui signalait la présence de Luuna à quelques mètres à peine, vivante et éveillée. Heureusement, les fougères avaient quelque peu amorti leur chute, mais Lyrae songeait à tous ceux qui n’avaient pu s’échapper à temps de l’usine sous-terraine. Son estomac se tordit de malaise tandis qu’il entendit, non loin de lui, un alien détaler tant bien que mal en boitant.

- Luuna ? appela-t-il sur un ton pathétique. J’crois que j’ai fait une connerie…

Mortifié, le Jedi se redressa en position assise, attendant que le brouillard de poussière se dissipât. Il ne savait plus très bien à quoi s’attendre. Avaient-ils tout détruit ? N’avait-ce été qu’une usine parmi d’autres ou bien un lieu unique qui venait de s’effondrer sur lui-même ? Si cela appartenait à quelqu’un, combien de temps faudrait-il à cette personne pour venir constater les dégâts et accuser les Jedi ?

Décidément, ils n’avaient jamais guère le temps de réfléchir au calme…

- Hein ? Oui oui, je…

La voix du Jedi s’éteignit. Le brouillard devant eux se dissipait et ses yeux s’étaient posés sur les mêmes images que celles observées par sa compagne : deux vaisseaux transporteurs de classe moyenne s’élevaient lentement au-dessus du complexe qui venait d’imploser. Procédure d’urgence pour sauver quelque chose ? Ou bien ces deux vaisseaux avaient-ils juste réussi à démarrer à temps en entendant les premières explosions ?
La question ne se posa guère longtemps. Deux tirs d’un jaune électrique traversèrent soudain le brouillard pour frapper de plein fouet le dos de chaque vaisseau. En quelques secondes, les appareils se transformèrent en débris embrasés et retombèrent au sol comme des torches illuminant la montagne. Lyrae en croyait à peine ses yeux.

- Wow. Tu as vu ça ? Ces tirs, ils étaient d’une précision…

Tant bien que mal, il se remit sur ses pieds, mais sans quitter des yeux la position où quelques secondes plus tôt, les deux transporteurs s’étaient tenus, suspendus dans le ciel avant d’être désintégrés. Après la déflagration, un étrange silence s’était abattu autour d’eux. Lyrae avait le souffle court, et il porta à sa bouche une main hésitante.

- Luuna, d’où est-ce que ça venait, tu crois ? Il n’y a que deux possibilités…

Soit un engin sacrément imposant était entré dans l’atmosphère et ils ne pouvaient pas le voir. Soit autre chose avait tiré depuis l’espace. Quelque chose qu’ils n’avaient pas vu lorsqu’eux-mêmes étaient venus. Avaient-ils été repérés ? Ou bien était-ce leur intrusion qui avait déclenché l’éveil d’une flotte quelle qu’elle soit ?
Dans tous les cas, une seule chose était certaine : ils avaient bigrement attiré l’attention. Lyrae avait la sensation que les deux navettes abattues était plus ou moins la preuve que l’information de l’existence et de la destruction d’une telle usine avait suffisamment d’importance pour quelqu’un que celui-ci avait ordonné la liquidation de ce qui restait. Comme l’on détruirait des preuves. Et cette même personne allait certainement ordonné de venir faire le ménage plus proprement à terre, et vite. Lyrae déglutit et détacha enfin son regard du ciel pour scruter le visage de la Zeltronne.

- Luuna, il faut qu’on se taille et vite. Ceux qui ont tiré vont rappliquer pour vérifier qu’ils n’ont pas laissé de survivants.

On pouvait lire l’inquiétude dans ses yeux clairs. Il ne le formulait pas, mais il craignait pour leur vaisseau. Même si celui-ci n’avait pas été découvert, comment pouvaient-ils espérer sortir de l’atmosphère si celle-ci venait d’être mise sous surveillance ? Chaque problème en son temps. Ils trouveraient peut-être une solution sur le chemin du retour.

Lyrae tourna les talons et s’éloigna au pas de course, vérifiant de temps à autre que Luuna suivait. Il fallait profiter du brouillard pour les couvrir. Lorsqu’il se serait dissipé, rester invisible pour une surveillance aérienne s’avèrerait extrêmement difficile. Dans l’angoisse d’être découvert, il ne sentait même plus les blessures superficielles qu’il avait récoltées pendant leur intrusion dans l’usine. Il était seulement conscient de sa respiration accélérée et de celle de Luuna, à quelques mètres plus loin. Heureusement, le chemin de leur vaisseau lui apparaissait assez clairement.

Ils passèrent un col en même temps que le brouillard commençait à se dissiper sérieusement – celui-là depuis lequel ils avaient aperçus l’entrée de l’usine pour la première fois. Désormais, il n’en restait qu’un cratère fumant. Lyrae s’était arrêté pour reprendre sa respiration, appuyé sur ses genoux. Etait-ce vraiment pour cela qu’ils avaient été envoyés ici ? Certainement pas. Ils avaient merdé, non ? Lyrae repoussa ces pensées désagréables dans un coin de son cerveau. Ce qui comptait désormais, c’était leur survie à tous les deux. Laïkin avait un père et une mère, et le Jedi comptait bien qu’il les garderait encore un peu.

- Je te propose qu’on descende ce flan tout doucement, fit Lyrae à voix basse, comme si cela pouvait les protéger de quelque chose d’invisible. Très lentement, sans geste brusque. Se déplacer comme des animaux paresseux, c’est notre seule chance de passer au travers d’observation à la jumelle, si jamais nous sommes observés.

Il prit une nouvelle goulée d’air frais. Son idée allait aussi repousser considérablement le moment où ils atteindraient leur vaisseau. Mais pouvaient-ils décoller maintenant, de toute manière ? Certainement pas. Beaucoup trop risqués. Qu’allaient-ils faire, et combien de temps allaient-ils attendre ? D’abord, se réfugier à l’intérieur de l’appareil. Ensuite… Un message de détresse pourrait trop facilement être intercepté.
Mais… Ils avaient au moins deux bonnes heures à marcher et ramper, qu’ils pourraient passer aussi à réfléchir. Une solution s’imposerait à eux. Une solution devait s’imposer à eux.

Face aux propos intelligents de sa partenaire, qui voyait déjà des détails pratiques à régler dans leur épopée, Lyrae se rendit compte qu’il avait moins bien gardé son sang-froid qu’elle. L’important, bien sûr, était qu’ils en réchappassent tous deux vivants, mais l’adrénaline faisait tant battre à ses tempes un sang obsédé par la fuite qu’il avait été dans une sorte de tunnel de la raison, ou plus rien d’autre ne comptait que de progresser. Maintenant qu’il se calmait, que la fréquence de son pouls diminuait, il s’apercevait des autres facteurs qu’il avait oubliés : leurs conditions physiques notamment, et l’état de leur combinaison. Effectivement, tout cela allait poser quelques problèmes.
Lyrae fit une grimace en voyant la peau brûlée de sa partenaire tandis qu’elle se soignait.

- Je te ferai un pansement au kolto dès nous serons au vaisseau, il y en a une caisse dans la soute arrière, remarqua-t-il tout en tâchant de reprendre un rythme de respiration plus calme.

Autrefois, il avait failli se spécialiser dans les arts de la guérison par la Force. Les faits, les missions, l’intrusion des Sith au Temple… Beaucoup de choses l’avaient détourné de la destinée à laquelle il s’était initialement préparé. Pourtant, il lui restait de l’époque de son adolescence quelques compétences et quelque savoir-faire pour soigner les blessures des Jedi. Mais ils n’avaient guère de temps de s’occuper de cela dans l’instant, et le Chevalier reprendre leur progression au plus vite.

- Ça va aller, la rassura-t-il avec un sourire un peu forcé, j’ai si chaud d’avoir couru que je me déshabillerais presque… Mais je vais pas te déconcentrer en un moment pareil.

Il lui rendit son clin d’œil avant de tourner son regard vers le paysage que le brouillard dévoilait peu à peu. En réalité, il savait que le froid était une véritable menace : ils avaient chaud parce qu’ils venaient de courir, et leur corps était recouvert d’une fine pellicule de transpiration. Cette humidité les refroidirait rapidement, agissant avec trop de zèle puisqu’elle accélèrerait la sensation du froid mordant de la surface sombre de Roon. Mais s’ils étaient vigilants, la Force les aiderait à surmonter cela.

Lyrae eut un soupir et posa ses poings sur ses hanches, tandis que son regard imaginait mentalement le chemin qu’ils emprunteraient pour les ramener au vaisseau. Il n’y avait nulle part où se cacher exception faite de l’obscurité naturelle de cette zone.

- D’accord, apprends-moi le voile de Force. Tout en marchant, tu veux bien ?

Mieux valait ne pas perdre de temps.

Lorsqu’ils furent enfin prêts à repartir, quelques minutes plus tard, le Chevalier avait retrouvé un semblant de calme. Constater que rien n’était à leurs trousses et qu’aucun nouveau tir n’avait eu lieu, il pouvait raisonnablement espérer que les assaillants n’avaient pas été informés de la présence particulière de Jedi, ou bien qu’ils soient considérés comme déjà morts si on les avait signalé à l’intérieur de la base. Mais il ne serait véritablement rassuré que lorsqu’ils arriveraient au vaisseau et qu’il le constaterait en bon état et paré à décoller. Alors, il leur resterait l’épreuve de quitter les lieux… Mais avaient-ils tout à fait rempli leur mission ? Il avait prélevé cet échantillon, puis l’usine avait été détruite par un organe surveillant. Le Conseil demandait des informations qui devraient peut-être être approfondies par une autre escouade, pas d’aller se faire tuer inutilement. Mais tout de même, s’ils rentraient ainsi, ils auraient l’impression de presque rentrer bredouille…
Mais une pensée pour Laïkin le ramena rapidement à la raison : ils avaient fait ce qu’ils avaient pu. Ils n’allaient pas faire un orphelin de plus pour avoir fouiné un peu trop. Peut-être une petite exploration depuis l’espace leur permettrait de repérer le vaisseau qui avait tiré, qui plus était, et peut-être même de l’identifier. Ils verraient cela lorsqu’ils seraient sains et saufs et dans l’espace.

Cette fois, Lyrae laissa Luuna prendre la tête de l’équipe, afin de pouvoir plus aisément la suivre et l’imiter. Il devrait se concentrer sur sa connexion avec la Force et moins sur le chemin à emprunter. Du reste, elle maîtrisait mieux la topologie de la planète que lui. Il se plaça donc derrière elle dès lorsqu’elle commença à redescendre le flanc de montagne, et tâcha d’atteindre une sérénité suffisante pour faire durablement appel à la Force. Il ne s’agirait pas de s’épuiser en quelques minutes, mais bien de tisser un voile qui les dissimulerait tous deux jusqu’à leur vaisseau…

- Je suis prêt, chuchota-t-il dans le dos de la zeltronne lorsqu’il eut atteint un niveau de concentration qu’il estimait suffisant.

Maintenant, c’était à Luuna de le guider, tant sur le chemin que dans la Force…

Luuna l’avait suivi sans objection. Leur collaboration, finalement, était peut-être presque plus aisée que s’il avait réalisé cette mission avec un de ses confrères, car ils se comprenaient à demi-mot ; inutile d’argumenter, chacun faisait des efforts pour que leur coordination soit parfaite. Parfois, Lyrae ne comprenait guère la réticence du Conseil vis-à-vis des relations amoureuses : la zeltronne et lui vivaient quelque chose de si harmonieux, et il se sentait tellement mieux depuis qu’ils s’épanouissaient ensemble qu’il ne voyait pas quel mal il pouvait y avoir à développer de telles relations. Bien sûr, certains avaient le cœur brisé. Mais le risque faisait partie de la vie du Jedi. Pourquoi s’interdire ce risque-là, au vu de tous les bénéfices qu’il en retirait ?
De la même manière, il avait eu du mal à répondre à Jana lorsque celle-ci lui avait innocemment demandé si, en s’attachant à son maître bien-aimé, elle enfreignait le Code Jedi… Et si lui-même, en vertu de ce Code, s’empêchait de l’aimer. Il avait défendu son propre attachement à la padawan, tout en avançant que les relations pouvaient déclencher des passions néfastes… Un discours qui sonnait faux quand, chaque jour, la petite avait sous les yeux le couple transi d’amour que Luuna et lui constituaient. Etaient-ils pour autant de mauvais Jedi ? Jana se ferait son propre avis, avec le temps.

Pour l’heure, les deux amants s’étaient lancés dans la marche discrète qui les conduirait jusqu’à leur vaisseau, perdu dans l’obscurité. Lyrae écoutait avec attention les explications de la zeltronne. Il n’avait jamais été un utilisateur de la Force très doué, tout comme il n’avait jamais été un très bon combattant. Pourtant l'exercice ne lui paraissait pas tout à fait hors d’atteinte.
Le passage à la pratique lui demanda toutefois pas mal de concentration. Ils avaient commencé à descendre de l’autre côté du col tandis qu’il tâchait de ramener paisiblement la Force au plus près de son corps. Au bout de quelques minutes silencieuses, Luuna se dérobait déjà à son regard, ce qui fit naître en lui un brin de frustration : elle avait toujours été plus douée que lui dans ce genre de chose. Il s’était promis de s’entraîner durement pour rattraper leur écart de compétences, mais dès qu’il était de retour au Temple, il était happé par ses responsabilités de père et de maître. Laïkin d’un côté, Jana de l’autre, il fallait aussi rédiger des rapports pour le Conseil ou les archives, faire un bilan au centre médical… et déjà le temps d’une autre mission était venue.
Lyrae se força à se concentrer sur l’instant présent, en même temps qu’une légère bruine se mettait à tomber sur eux. Avec l’humidité, ils n’allaient pas tarder à sentir un froid mordant s’emparer de leurs corps. Mais il ne pouvait décemment pas accélérer tout en s’en remettant à la Force pour les dissimuler. Luuna le pouvait peut-être, mais pas lui.

[Jet de sagesse pour appeler la Force à le dissimuler… Réussi.]

Peu à peu, il sentit que l’énergie mystique l’enveloppait totalement. Peut-être était-ce due à l’obscurité ambiante de la planète, mais il se fondit totalement dans le paysage rocailleux de Roon. Il ne commenta pas sa réussite, car Luuna l’avait probablement remarquée sans qu’il ait besoin de le lui dire. Et puis, il avait peur de rompre le charme s’il se déconcentrait en discutant.

Alors, pendant plusieurs heures, les deux ombres se faufilèrent sans encombre entre les rochers. Seuls les bruits de leurs pas dans la terre devenue boueuse à cause de la pluie trahissaient leur présence. A leur grand soulagement, ils ne rencontrèrent aucun assaillant. A deux reprises, il leur sembla entendre des grondements provenant du ciel. Mais était-ce des vaisseaux survolant leur position, ou bien seulement les nuages noirs qui grondaient ? Impossible à dire, les nuages étaient trop bas pour distinguer une quelconque navette au-dessus d’eux à vue d’œil.

Bientôt, leur appareil fut en vue. Lyrae fut soulagé de constater qu’il n’avait visiblement été ni endommagé, ni donc repéré. Il était exactement tel qu’ils l’avaient laissé, et le Jedi découvrit son voile de Force quelques mètres avant d’atteindre la carlingue, sur laquelle il vint finalement s’adosser.
Sa tête le lançait. Leurs aventures, puis la concentration nécessaire pendant plusieurs heures… Il était désormais recru de fatigue. Immédiatement, le froid s’empara de leurs corps immobiles. Lyrae sentait le bout de ses doigts et de ses orteils s’engourdir tandis que la zone découverte de sa combinaison laissait entrer un petit air glacial. Sans plus attendre, il déverrouilla la petite passerelle de l’appareil qui pivota avec un croassement métallique. Il monta puis, soucieux de sa bien-aimée, se retourna pour lui tendre la main et l’aider à monter.

- Vite, refermons le cockpit avant que le froid n’entre de trop.

Mais à l’intérieur, le froid avait déjà pris possession des lieux. Avant même de s’asseoir, Lyrae réactiva les circuits d’énergie et referma la passerelle derrière Luuna, afin que le système de régulation de la température s’enclenchât au plus tôt. Alors seulement il se laissa tomber à même le sol. La fatigue gagnait du terrain, mais l’angoisse aussi : qui savait s’ils étaient attendus dans le ciel ?
Au bout de quelques minutes de silence, où chacun reprenait des forces, il tâcha de synthétiser la situation. Une douce chaleur se répandait alors progressivement dans le cockpit.

- Bon, nous ne savons pas s’il est risqué de s’envoler maintenant. Si j’active les radars pour capter quelqu’un… Ce quelqu’un pourra nous capter aussi. Soit on tente de s’envoler tout de suite, en prenant le risque d’être repérés par ceux qui ont abattu les navettes. Soit on attend quelques heures, histoire que les potentiels assaillants pensent qu’il ne reste plus rien ni personne de leur usine, en prenant le risque qu’ils nous trouvent en quadrillant la zone à terre.

Ce qui correspondrait tout de même à un travail de titan. Par ailleurs, le confort relatif de leur petit appareil leur offrait une illusion de sécurité qui était rassurante, et il estimait avoir besoin de repos, tout comme Luuna.

- Je serai plutôt dans l’optique d’attendre. Qu’en dis-tu ? On trouvera sûrement de quoi s’occuper…

Sans blague. Lyrae regarda la zeltronne attentivement et attendit avec un air innocent. C’était à dire que d’une manière ou d’un autre, il allait bien falloir qu’elle se déshabille pour enfiler ses vêtements de voyage…

Le spectacle d’une zeltronne qui se déshabillait était loin d’être déplaisant, mais Lyrae fut rapidement alarmé par la couleur mauve qu’avait pris la cuisse de Luuna. Oubliant temporairement ses rêveries osées, le Chevalier se releva rapidement pour aller vérifier la blessure de Luuna. Autrefois, il avait failli se prédestiner à devenir guérisseur. Il avait même suivi temporairement la formation d’un maître à l’apparence particulièrement effrayante, qui l’avait emmené à l’hôpital d’Iziz où il avait pu tester ses premiers talents de guérisseur. Puis il y avait eu l’attaque des Sith, son bras qu’il avait perdu, Misha qui l’avait pris sous son aile… Et il s’était retrouvé Gardien avant d’avoir pu dire ouf. Cependant, il y avait certains talents qu’il n’avait pas perdus, et qu’il pouvait exercer pour aider Luuna à guérir plus vite et éventuellement moins sentir la douleur.

Après avoir retiré le haut de sa combinaison, Lyrae se pencha sur la blessure de Luuna et l’examina dans la lumière pâle du vaisseau. Brûlure au second degré. Ce n’était pas bien beau, mais avec un peu de soin, la plaie se résorberait.

- Va t’allonger, je vais te préparer un pansement au kolto, lui dit-il. Il faut agir vite si tu ne veux pas conserver une cicatrice trop visible…

Certes, l’apparence n’était pas le premier souci des Jedi. Mais Luuna, c’était comme un trésor : il la soignerait du mieux qu’il pourrait.
Il prit néanmoins le temps de se déshabiller à son tour, car le pantalon de la combinaison, en plus d’être troué, s’était rempli de l’humidité de l’atmosphère à l’extérieur, ce qui le faisait grelotter désagréablement. Il s’en débarrassa ainsi que son tshirt humide et entreprit de retrouver, dans un compartiment de l’appareil, la boîte de premiers secours. A l’intérieur, du kolto était conservé dans une boîte en métal, dont il s’empara ainsi que d’un rouleau de bandage large. Puis, toujours en sous-vêtements, retourna auprès de la zeltronne. Il étala délicatement le kolto sur la plaie, en faisant bien attention à la recouvrir entièrement, puis enveloppa la cuisse de Luuna dans le bandage serré.

- Et voilà, toute neuve ! murmura-t-il avec un sourire aux lèvres.

En repensant à la peur qu’il avait eue lorsqu’il l’avait crue en danger, quelques heures plus tôt, Lyrae sentit un frisson lui parcourir l’échine : comment aurait-il fait s’il l’avait perdue ? Pourrait-il réellement survivre à un tel évènement ? Parfois, il avait l’impression que son bonheur quotidien, auquel il s’était habitué, lui échappait totalement, au point qu’il ne se rendait plus compte de la chance qu’il avait de pouvoir cumuler sa fonction de Chevalier Jedi avec son rôle de père et celui d’amant passionné, mais encore celui de professeur auprès de Jana.

Lyrae se pencha pour embrasser la zeltronne, puis s’allongea auprès d’elle, quand bien même la couchette était étroite. Il glissa une main en remontant sur la cuisse valide de Luuna et…

Spoiler:

--------Plusieurs heures s’étaient écoulés lorsque Lyrae s’éveilla en sursaut. Il se redressa sur un coude, l’oreille aux aguets. Dans l’appareil, pourtant, tout était silencieux. L’atmosphère s’était remplie d’une douce chaleur qui les avait aidés à s’assoupir, et la lumière pâle du néon arrière était certainement invisible de l’extérieur puisque l’écoutille vers le cockpit était close.
Mais le bruit se reproduisit bientôt. Un grondement accompagné d’un cliquètement métallique. Lorsqu’il ressentit une légère secousse, Lyrae sauta hors de la couchette, réveillant Luuna au passage, si le bruit ne l’avait pas déjà elle aussi perturbée.

- Il y a quelque chose dehors, fit-il à voix basse avant de courir vers le cockpit, dans lequel il se faufila.

On ne voyait pas grand-chose à l’extérieur. Le brouillard était réapparu, épaississant encore l’obscurité habituelle de cette face de Roon. Lyrae dut coller son nom contre le transparacier pour distinguer une forme au pied du vaisseau. Mais il n’arrivait pas à déterminer ce que c’était. Une ombre velue plus gros qu’un maalraas d’Ondéron, c’était tout ce qu’il pouvait dire.

La bête – ou les bêtes, il y en avait peut-être qu’ils ne pouvaient apercevoir depuis le cockpit – fourragea de nouveau sous le vaisseau. Une nouvelle secousse se fit ressentir.

- Mais qu’est-ce qu’ils foutent ! s’exclama Lyrae avec agacement. Ils vont me tordre un des axes de soutien !

Précipitamment, il retourna à l’arrière pour attraper une tunique propre qu’il enfila sans ménagement. Il sautilla sur un pied pour enfiler un pantalon avant de remettre ses bottes, encore un peu humides de leur épopée à la surface de Roon. Une minute plus tard, il était de retour dans le cockpit pour se glisser à la place du pilote.

- Luuna ! Attache ta ceinture, on va décoller d’ici avant qu’ils ne commettent des dégâts irréparables !

Les bêtes avaient dû sentir leur odeur et suivre la trace de leur cheminement dans la montagne. La dernière chose dont il avait envie, c’était de devoir porter de nouveau sa combinaison humide et de ressortir dans cette atmosphère froide et moite pour y réparer un élément du vaisseau.

- On va voler à vue, sans les instruments, proposa-t-il à sa compagne.

Pas de signal électromagnétique ni radio… et ainsi passeraient-ils inaperçus. Ce serait impossible de conserver cette approche s’il souhaitait utiliser leur hyperdrive, mais il leur fallait vérifier que la voie était libre avant de se risquer à se montrer sur les radars.

- Prête ?

Déjà, les réacteurs du vaisseau bourdonnaient, faisant fuir les monstres velus trop curieux.

Le vaisseau s’était ébranlé en douceur. S’il n’apparaissait pas sur les radars grâce au fait que Lyrae n’avait pas allumé leurs principaux instruments de navigation automatisée, il n’en restait pas moins visible à l’observation classique, car de leurs réacteurs émanaient des lueurs bleu vif, sans compter le bruit créé par ceux-ci que des oreilles un peu fines pourraient peut-être repérer à plusieurs kilomètres. Au moins étaient-ils pour le moment difficilement identifiables.

- Non, je n’crois pas, répondit Lyrae tout en scrutant devant lui les vallons irréguliers. Ce serait un peu risqué. Je vais devoir les rebrancher dès que nous sortirons de l’atmosphère. Mais avec un peu de chance, ce sera trop tard pour de potentiels ennemis pour réussir à nous poursuivre…

Ils prirent un peu d’altitude, puis le Chevalier engagea le vaisseau dans la voie indiquée par Luuna. Ils distinguèrent, dans la pénombre, plusieurs troupeaux similaires à ceux qui les avaient attaqués, mais ce n’étaient pas des créatures intelligentes, aussi Lyrae se sentit quelques instants rassuré. Il ne pouvait pour autant pas accélérer l’allure à cause du manque de visibilité sur la face sombre de Roon. La nuit était trop profonde, et s’élever au-dessus des crêtes était le plus sûr.

Malgré la pénombre, pourtant, il n’était pas difficile de voir les deux colonnes de fumée épaisse droit devant eux. En les apercevant, Lyrae ralentit l’allure.

- Regarde là, juste devant ! murmura-t-il Luuna, comme si cela pouvait les aider à rester discret.

Le Chevalier tergiversa quelques secondes, puis décida de ne pas dévier leur trajectoire afin de se rapprocher quelque peu. Mais même à moins d’un kilomètre, on ne percevait qu’un cratère fumant, et Lyrae fit demi-tour pour ne pas qu’ils se fassent repérer. Il régnait un étrange silence dans le cockpit tandis que chacun tentait de comprendre ce qu’ils venaient de voir.
Et puis, brusquement, une nouvelle explosion retentit à moins de deux cent mètres.

- WOW !

Par réflexe, Lyrae vira de bord et accéléra. L’appareil vire-volta pour s’éloigner au plus vite de la zone sinistrée. Ils avaient toutefois eu bien le temps de voir d’où provenaient les tirs…

- Putain ! s’écria le Jedi en crispant ses mains sur les commandes de pilotage. C’est les mêmes que tout à l’heure. Ils sont en train de rayer tout ce qui existe de la carte de Roon !

Ce qui ne signifiait qu’une seule chose : aussitôt qu’ils seraient repérés, ils feraient parti des cibles à abattre. Mais qui était leur ennemi, au juste ? Lyrae inspira profondément tandis qu’il pilotait la navette en rase-mottes. C’était dangereux en raison de l’obscurité, mais les risques lui paraissaient négligeables par rapport à celui d’être pris pour cible par un croiseur en orbite. Leur seule chance résidait en deux paramètres : leur petit volume et leur capacité à se mouvoir très rapidement.

- On ne peut pas rester ici, Luuna. Je vais remonter en piquet pour sortir de l’atmosphère ! Une fois sorti, je vais traverser sans attendre le champ d’astéroïdes. Avec un peu de chance, ils n’auront que des gros modèles et seront incapables de nous suivre !

Sans attendre, Lyrae inclina les manettes et le vaisseau changea de direction dans un mouvement vertigineux. Le nez de l’appareil fila vers le ciel embrumé de Roon, les réacteurs lancés cette fois à plein régime.

- Accroche-toi ! lui cria-t-il. Ça va secouer ! Si tu vois des chasseurs… Tire avant de poser des questions !

Lyrae avait quelques commandes de tir à sa portée, mais la position co-pilote disposait des mêmes fonctionnalités et le Chevalier serait trop occupé à éviter de se mettre dans la trajectoire des astéroïdes pour se défendre de leurs ennemis !

Lyrae serrait les commandes de pilotage à s’en blanchir les jointures des mains, les yeux rivés sur ce qui se passait au-delà de leur cockpit. L’aura de Luuna à ses côtés agissait à la fois comme une présence rassurante et un rappel constant qu’il était en train de jouer beaucoup plus que sa propre vie : celle de Luuna était en jeu, et par là-même le bien-être et le développement épanoui de leurs enfants. Laïkin et Jana. La grande sœur faisait partie de la famille depuis la naissance du petit. Un petit quatuor plus soudé que n’importe quelle équipe Jedi dans cette galaxie, il en avait la certitude. S’il faisait une erreur de pilotage, ou si les ennemis les éliminaient, il briserait à tout jamais leur cocon de bonheur. Une perle de sueur se forma sur sa tempe, à l’orée de ses cheveux blancs.

- Bien vu, répondit-il à la Zeltronne d’une voix blanche. On dirait que quelqu’un a décidé de supprimer tout ce qui existe comme vestiges de ces usines d’armement à la surface de Roon.

La question était qui, et surtout pourquoi. Et il y avait d’autres réponses à trouver : à qui profitaient ces ventes, qui achetait les armes, qui avait géré tous ces complexes industriels, pourquoi Darth Sinya les avait-elle laissés tomber, à moins qu’on ne lui eût pris… Et comment ils allaient faire pour se sortir de là en un seul morceau, accessoirement.

Lorsqu’ils sortirent en piqué de l’atmosphère de Roon, Lyrae déclencha fébrilement les stabilisateurs intérieurs de l’appareil. Il était prêt à donner le feu vert à Luuna pour les radars lorsque celle-ci suspendit ses paroles. Instinctivement, il suivit son regard attiré par le bâtiment qui les surplombait à quelques kilomètres de là. Sa bouche s’arrondit tandis qu’éberlué, le croiseur effilé, long de plusieurs dizaines de kilomètres, tirait paisiblement une nouvelle salve de lasers meurtriers vers la surface de Roon. D’une précision sans doute inégalée, les tirs rayaient certainement de la carte d’autres entrées du complexe ou d’autres usines telles que celle qu’ils avaient eux-mêmes visité.
Pendant un bref instant, Lyrae ne remarqua rien qui pût indiquer que le croiseur ne les avait remarqués. Le bâtiment d’une taille insolite, toutefois, ne pourrait manœuvrer aisément aussi près du champ d’astéroïde, qui s’étendait à quelques kilomètres de là.

- Ils ne peuvent pas nous poursuivre, chuchota Lyrae, comme si parler à voix basse avait pu les aider à rester inaperçus. Nous devons craindre leurs tirs… et leur rayon tracteur.

Le Jedi prit une longue inspiration dans laquelle transparaissait quelque peu le stress auquel son corps était soumis. Il repositionna précautionneusement ses mains sur les commandes de pilotage.

- Je ne peux pas traverser le champ d’astéroïdes sans instruments de détection ni bouclier déflecteur, ce qui nous fera immanquablement repérer…

Au-delà du champ d’astéroïde, ils enclencheraient l’hyperdrive et le tour serait joué. Mais avant…

- Je vais me diriger vers le champ d’astéroïdes le plus rapidement possible. Dès qu’on approche, à mon signal, tu enclenches tout. OK ?

A l’œil nu, quelqu’un les avait peut-être repérés, mais devaient se demander qui ils étaient, ou bien ne pas oser faire remonter l’information à la tête pensante du vaisseau qui avait certainement les yeux rivés sur son œuvre de destruction planétaire. En attendant, les Jedi profiteraient au maximum de leur chance.

- Prête ? On y va…

Lyrae engagea le vaisseau vers le champ d’astéroïde, de manière à le traverser de manière perpendiculaire, afin que le passage soit le plus court possible pour limiter la casse. Pendant ce temps, le croiseur déclencha une nouvelle salve de tirs impressionnants vers Roon. Lyrae profita du spectacle pour pousser un peu plus fort ses turbopropulseurs qui étincelèrent dans l’Espace. Les astéroïdes, bande désordonnée de masses informes et sombres, grossirent à vue d’œil, avant de devenir aussi menaçants que des projectiles lancés à pleine vitesse dans leur direction. Certains étaient beaucoup plus gros que leur vaisseau, mais Lyrae accéléra encore à leur approche, le bruit de la machinerie du vaisseau se mettant à emplir leur cockpit de manière inquiétante.

- MAINTENANT ! cria le Jedi pour couvrir le vrombissement intense.

Au même moment, une nuée de petites choses sembla fuir du croiseur, dans leur dos : des centaines de petits chasseurs se mirent en formation et foncèrent droit dans le sillage des Jedi.

Lyrae se concentra sur le pilotage de leur petit vaisseau qui fut balloté sans ménagement par les revirements de trajectoire brusques que le Jedi lui imposait. Ils se faufilaient entre les rocs en mouvement, en frôlait parfois un de haute taille, effectuaient des embardées pour éviter les astéroïdes qui surgissaient parfois de manière inattendue.
Avec toutes ces manœuvres rapides, Lyrae n’avait guère de temps à accorder aux chasseurs lancés à leur poursuite, et se contenta de remettre tous ses espoirs en Luuna, qui s’était emparé des commandes de leur unique tourelle de défense. Des jets de lumière les frôlaient parfois, ce qui indiqua au Jedi que certains chasseurs avaient réussi à se rapprocher d’eux. Lyrae s’efforça de diversifier encore sa trajectoire, quitte à donner des haut-le-cœur à ses pauvres occupants.
A un moment, il crut même que l’un d’entre eux allait s’approcher suffisamment près d’eux pour les forcer à s’écraser contre un astéroïde de la taille d’une corvette Jedi, mais il fut désintégré lorsqu’un éclat de roc lancé à pleine vitesse dévia sa trajectoire et qu’il percuta de plein fouet l’un de ses congénères. Tous deux explosèrent sur-le-champ, donnant à Lyrae et Luuna quelque peu de répit pour reprendre de l’avance.

- Bien joué !! cria Lyrae, dont l’adrénaline avait gonflé le moral à bloc. T’es bien trop maline pour eux !

Mais il n’avait pas le temps de se perdre en plus de compliments. Il s’engouffra au cœur d’un astéroïde parsemé de conduits. Une minute plus tard, il ressortait de l’autre côté du roc par une autre voie, désorientant leurs poursuivants, dont certains s’écrasèrent à la surface de l’astéroïde. Mais ils étaient si nombreux qu’à chaque fois que l’un d’entre eux était mis hors d’état de nuire, il était remplacé par deux autres chasseurs tout aussi véloces. Sur le radar, Lyrae pouvait voir l’étrange nuée qu’ils formaient, tenace et coordonnés à la fois. Comme s’ils ne faisaient qu’un. Lyrae eut l’étrange impression que leur entraînement de perfectionnement ne pouvait être seul à l’origine d’une telle performance…

- On y est presque ! fit Lyrae en réponse à sa compagne. Encore quelques mètres et…

Il dût slalomer entre de nouveaux projectiles, en frôla un longiligne sur toute sa longueur pour dissuader leurs assaillants de s’approcher trop près d’eux, et enfin déboucha sur une zone dépourvue d’astéroïdes.

- ON Y EST !

Lyrae leva un bras au-dessus de lui et enclencha rapidement les différents modules permettant l’alimentation de leur hyperdrive. L’ordinateur de bord se mit automatiquement à calculer les trajectoires subliminiques possibles et le Jedi choisit l’une d’entre elles sans réfléchir, pourvu que les éloignât de leurs assaillants dans la seconde. D’ailleurs, ces derniers sortaient un à un, eux aussi, du champ d’astéroïdes, et n’hésitaient pas ensuite à les prendre en chasse. Des tirs lasers touchèrent la carlingue du vaisseau, mais leur bouclier déflecteur tint le coup.

- Accroche-toi !

Au moment même où une salve de tirs destructeurs se concentrait sur leur position, le petit vaisseau Jedi parut brutalement aspiré par l’Espace noir. La seconde suivante, il avait totalement disparu.

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-----Lyrae prit soin de les faire sortir d’hyperespace pour changer de trajectoire, par deux fois, afin de s’assurer que personne n’avait pu tenter de les suivre ou d’estimer leur direction. Ses mains tremblaient comme une feuille quand enfin, il engagea le pilote automatique en direction d’Ondéron. De longues heures de voyage les attendaient, mais Lyrae n’était pas mécontent de se voir offrir un nouveau répit pour reprendre ses esprits. Il avait encore du mal à réaliser ce qu’ils venaient de voir, mais aussi ce qu’ils étaient parvenus à faire. Des dizaines de question se bousculaient toujours dans son esprit, mais il n’y aurait pas de réponses tout de suite. Pas avant un moment. Il y aurait d’autres Jedi qui viendraient enquêter, mais pas eux. C’était l’inconvénient de ces missions : on contribuait sans savoir parfois ce qu’il advenait de toutes ces choses que l’on rencontrait sur son chemin.

Lyrae tendit la main pour attraper celle de Luuna, dans le siège voisin.

- Ça va ?

Ils n’étaient pas passés loin, c’était le moins qu’on pût dire. Le Jedi attendit quelques minutes dans le silence, les yeux fermés, le temps de réaliser à quel point il était qu’ils fussent tous deux en vie, sur le chemin du retour.

- Je n’ai pas la force d’écrire notre rapport de mission maintenant, signala-t-il, avachi dans son fauteuil de pilote. Je crois que j’ai besoin de dormir un peu.

Il ne bougea pas de son fauteuil, toutefois. Il y avait quelques doutes qu’il voulait formuler d’abord. Il tourna la tête pour regarder sa compagne dans les yeux, qui elle aussi avait l’air d’avoir été pas mal retournée par tout ce qui s’était passé.

- Tu crois que ce croiseur… Enfin, je me demande qu’est-ce que l’Empire ficherait dans le coin. Est-ce que c’est un bâtiment de la flotte de Darth Synia ?

Il n’avait pas le souvenir d’avoir vu un logo ou une autre forme de marque lui permettant d’identifier l’immense bâtiment. Il aurait dû regarder plus attentivement, mais il était désormais trop tard…
Leur mission était-elle réussie ou échouée ? Il n’avait gagné aucune certitude quant à la survie ou la mort de Darth Synia. Ce qui était certain, c’était que les bases avaient été transformées en usine d’armement par un gros bonnet, et que ça n’avait pas plu à quelqu’un. Ou bien que la présence d’intrus avaient été perçus comme le signe qu’il était temps d’arrêter tout cela. Il ne resterait sûrement plus grand-chose de Roon après le passage du croiseur. Lyrae tenta d’élaborer une théorie dans laquelle les Hutts auraient repris les possessions de Darth Synia, et où l’Empire serait venu se venger de cette appropriation après l’avoir découvert tardivement. Un autre scénario était possible : celui que Darth Synia était toujours en vie, mais qu’elle avait décidé d’effacer ses traces derrière elle car Roon avait été découverte. Dans les deux cas, le Jedi avait le vertige de constater que les Jedi étaient loin d’être au courant de tout ce qui se tramait dans la galaxie, en particulier quand cela concernait les Sith. Son cœur s’étreignit en songeant que peut-être, la République et leur Ordre avec elle seraient bientôt pris dans un étau de Force obscure qui chercherait à les éliminer.

C’était pour cela qu’il fallait vivre et aimer. Aimer Luuna, Laïkin et Jana tant qu’ils étaient tous les quatre encore en vie.