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Orme tentait de se consoler intérieurement en songeant que, théoriquement, les Jedis sont voués à l'inexpérience dans les choses de l'amour. Il doutait fort que cette théorie fût beaucoup appliquée et les rumeurs ne manquaient pas au Temple, qui couraient entre les Padawans, des histoires de passage ou des frasques plus que régulières de tel ou tel membre. Orme n'avait d'ailleurs jamais donné beaucoup d'importance aux règles qui empêchaient les Jedis de former des attaches, parce qu'elles n'étaient pas souvent appliquées, que d'ailleurs il les trouvait mauvaises, mais cette liberté de principe ne l'avait pas conduit à beaucoup d'actes.

Sans doute sa crainte de la réaction d'Ulrich naissait-elle d'une inquiétude adolescente fort courante, mais il s'y ajoutait quelque chose de la froideur qu'avait fait d'abord paraître son compagnon, quelques semaines plus tôt et qui, malgré Orme, malgré Ulrich lui-même, continuait à faire une certaine impression sur le Jedi, tout au fond de son esprit, comme s'il y avait entre lui et Ulrich une distance considérable qu'il n'était pas certain de pouvoir franchir.

Alors la réaction du jeune homme fut plus que salvatrice. Si Orme ne craignait pas les chasses, les guerres et les dangers, il n'en avait pas moins besoin d'être rassuré sur certains points. Il ne se fit pas prier pour se réfugier dans les bras d'Ulrich et ses lèvres, pour une troisième fois, trouvèrent naturellement le chemin de leurs voisines.

Ce baiser, la pression du corps d'Ulrich contre le sien, la course des mains le long de son dos, éveillèrent à nouveau en Orme un désir impérieux et c'était volontiers que le jeune homme se laissait emporter par la passion de son amant. L'une de ses mains, fermée sur le haut du tee-shirt d'Ulrich, résistait à l'envie de l'en défaire, l'autre, plongée dans les cheveux du jeune homme, s'assurait que le baiser ne finît pas de sitôt.

Alors que leurs lèvres malgré tout se séparèrent, Orme n'était peut-être plus très attentif et il fallut les mots précieux prononcés par Ulrich pour attirer toute son attention. Le Padawan baissa les yeux, un peu intimidé par une phrase qu'il trouvait encore trop difficile, mais de plus en plus réelle. Blotti contre lui, il tentait toutefois de se convaincre de tout ce que lui représentait Ulrich et, soit que son désir fût plus puissant que ses craintes, soit que réellement les paroles de son compagnon fissent leur effet, il s'en sentait plus apaisé.

Naturellement, la remarque sur sa tunique le mit un peu mal à l'aise, mais dans cet inconfort il y avait une part de secrète excitation qui n'était pas sans plaisir. Les joues du jeune homme rosirent et, aussitôt, il se demanda si le spectacle de son corps serait vraiment aussi séduisant qu'Ulrich semblait le prévoir. Il n'y avait jamais songé — jamais consciemment — et sans doute ne se rendait-il pas compte qu'une vie de guerrier, si elle n'avait pas fait de lui l'un des colosses que l'on croisait parfois parmi les Chevaliers, avait malgré tout porté ses fruits.

Orme laissa le silence s'installer après les propos d'Ulrich, mais c'était un silence sans gêne et sans doute, où la paix retrouvée s'étendait à loisir. Les yeux fermés, Orme savourait la présence de ce corps contre le sien, de ces cheveux sous ses doigts, du souffle régulier d'Ulrich. Le temps passait, lentement, paisiblement, dans une douceur que rien ne semblait pouvoir altérer et, dans cette quiétude presque sans pensée, Orme goûtait au délassement après des semaines de travaux.

A cet instant seulement, il se rendit compte de la tension dans laquelle il avait vécu, des craintes, des forces investies dans une bataille presque perdue d'avance, des blessures, des combats, des coups reçus et donnés, des calculs faits, des voyages, des nuits rudes et austères, des épreuves. Pendant ces trois semaines, comme souvent les Jedis en mission, il s'était laissé porté par l'adrénaline et la Force, et il n'avait pas senti la fatigue de l'âme et du corps, mais comme il avait atteint son but, les défenses de fortune érigées contre les aléas de la quête s'effondraient.

Orme n'était pas homme à pleurer, mais quand il reprit enfin la parole, sa voix avait la faiblesse émue des moments d'intense émotion.

— J'ai eu tellement peur.

Il ne parlait pas des baisers, des plaisirs encore inconnus de la chair, de leur relation, mais de la perte d'Ulrich. Orme sentit sa gorge se nouer. Une tristesse à contre-temps montait en lui. Elle avait été ravalée pour pouvoir agir, mais, portée par le soulagement, elle profitait d'un moment de faiblesse pour s'exprimer. Le sourire incertain, les mains un peu tremblantes, Orme releva le visage d'Ulrich pour pouvoir plonger son regard dans le sien.

— Tu m'as manqué.

Il sourit encore, puis ses yeux se détournèrent et, reculant de quelques pas, pour se détacher à contre-coeur d'Ulrich afin de reprendre ses esprits, il passa une main dans ses cheveux désordonnés et prit une profonde inspiration.

— Désolé. J'suis un peu... J'suis heureux, hein. C'est juste la fatigue. J'ai un peu, c'était un peu... Enfin, tout ça. J'crois que j'ai pas beaucoup dormi ces derniers temps, ça m'rend un peu nerveux. Ca va passer.
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Spoiler:

Il me sembla que mes paroles ne manquèrent pas de lui redonner confiance. Une main dans mes cheveux, l'autre, agrippée aux plis de mon tee-shirt, j'avais la vague sensation que nos corps flottaient à la dérive, détachés de tout ancrage réel. Mon appartement n'existait plus, ni même, Coruscant. Autour de nous, le néant. Seulement lui. Seulement moi. À quelques centimètres de mon oreille, alors que mon visage se terrait au creux de son épaule, il m'avoua ses angoisses passées. Mes paupières s'entrouvrirent, et mon regard neutre tomba au sol. Tendrement, il porta ma tête face à la sienne, et je pu découvrir dans les abîmes de ses yeux un sentiment de mélancolie profonde. Non pas dans des larmes, mais dans une ombre qui s'employait à déployer ses ailes de façon sinistre. Il m'annonça alors que je lui avais manqué.

L'écrin de ses pensées s'entrebâillait, et je su discerner dans sa voix et dans son regard la puissance des mots employés. Il s'éloigna alors de moi, rompant cette chaleur qui animait nos corps, et dévia son regard, pour finir sur quelques mots d'excuse et de justification.

-Orme...

J'observais l'ange de vertu, tout en croisant les bras. Ça n'avait pas dû être facile pour lui. Il m'avait glissé à quelques reprises les moyens qu'il avait employé pour me retrouver. J'essayai de me mettre à sa place. Sans nouvelles, pendant trois semaines. Une angoisse abjecte. Je tâchai alors de ne pas me sentir coupable. Cette disparition n'avait rien de programmé. Et pourtant, il me semblât quelques secondes partager la détresse qui l'avait affligé ces dernières semaines.

-En prison... Je pensais beaucoup à toi. Je me demandais ce que tu faisais. Si moi aussi, j'apparaissais dans ton esprit. Je ne te serai jamais assez reconnaissant de t'être lancé à ma recherche. Merci de ne pas avoir perdu espoir. Merci d'avoir cru en moi. De ne pas avoir pensé que je m'étais enfui, sans te laisser aucune nouvelle. Ça prouve que même dans les moments les plus difficiles, tu sais me faire confiance...

Je ne savais pas si mes paroles avaient une influence sur le garçon vêtu de blanc. Mais j'avais pu constater qu'entre lui et moi, seule la sincérité payait. Le rappel des semaines douloureuses marqua un froid dans l'atmosphère qui nous unissait quelques secondes plus tôt. Nous étions parvenu à, dans une certaine mesure, vaincre nos craintes du lendemain. À présent, il fallait nous attaquer au passé. Je fis pivoter le dossier de ma chaise, et m'assis en face de lui, le coude posé sur ma cuisse, et ma joue soutenue par mon poing. Mon regard s'était une fois de plus porté au-dehors. Les vaisseaux défilaient inlassablement, des plus petits transports citadins aux -plus en hauteur- immenses navettes interplanétaires.

Le soleil inondait un monde nouveau. Une nouvelle ère. Je n'étais pas le seul, pour qui les choses seraient différentes. À mon retour, j'avais fait en sorte de me tenir au courant des actualités qui marquaient notre galaxie. Un événement majeur avait marqué mon absence. Le Sénat avait essuyé une lourde attaque, par des troupes armées de sabres laser. Bien qu'épris de haine à l'égard de l'Ordre Jedi, j'avais baigné dans ses enseignements suffisamment longtemps pour ne pas être dupé par l'origine des criminels. Ils étaient de ceux qui, comme Vel, usaient des pouvoirs obscurs pour arriver à leurs fins. Mais la République, persuadée que les Sith n'avaient d'existence que dans les légendes, incriminait l'Ordre. Coupé d'une grande partie de ses dirigeants, le gouvernement laissait progressivement place au chaos, tandis qu'à l'harmonie se substituait la discorde.

-Ça va être une époque difficile pour tout le monde.

Le souffle du changement battait notre galaxie. Cette période de notre histoire s'avérerait dangereuse pour tous. Et c'était une raison suffisante pour qu'Orme et moi-même mettions tout en œuvre pour rester soudés. Il fallait faire face dignement, et ne jamais flancher. À aucun instant.

-Mais à vrai dire, dans tout ça, ce qui m'importe... c'est simplement que tu sois là, avec moi.

Les yeux toujours rivés au-delà de ma baie vitrée, en direction de ces centaines de vaisseaux scintillants, qui surplombaient les invisibles masses de Coruscant, innombrables, et grouillantes, depuis les bas-fonds aux beaux quartiers, je ressentais dans mon être profond cette profonde inspiration que nous offre parfois le destin. Ce sentiment d'exister. Celui qui comprime notre cœur, et nous rappelle que l'on est bien vivant. Cette vie qui, indéniablement, est un don merveilleux.

-T'as rien à regretter. Aujourd'hui, tu m'as retrouvé, et c'est tout ce qui compte. Laisse-toi aller si t'en as besoin. Mais maintenant, tout va bien. On est enfin réunis. Et jamais plus, à l'encontre de notre volonté, la vie ne nous séparera.
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Orme ne doutait certes pas de la sincérité des propos de son compagnon. Il y avait dans les regards qu'Ulrich posaient sur lui quelque chose qui lui interdisait de n'avoir pas confiance et de soupçonner, dans les profondeurs de l'esprit du jeune homme, le moindre détour. Pas une seule seconde, il ne s'imaginait que les ombres qui traversaient l'âme du fugitif pussent se retourner contre lui, et il sentait cette consolation de toute sa force.

Elle ne suffisait pas cependant à alléger le poids de sa culpabilité. Quoi que son compagnon lui affirmât, Orme était persuadé d'avoir failli. Sa quête avait échoué. Non seulement n'avait-il pas protégé Ulrich comme il l'avait jadis promis, mais il ne l'avait pas même retrouvé par ses propres moyens. Pendant toutes ces semaines, il avait rejeté cette sensation d'impuissance dans les lointains de ses pensées mais elle refaisait désormais surface.

Homme d'action, Orme n'était pas disposé à croire que seule l'intention comptât. Quelque pur qu'eût été le sentiment qui l'avait mis sur la trace d'Ulrich, quelque solide qu'eût été sa volonté et sincère sa dévotion, il ne voyait qu'une seule chose : sans le message de son ami, il ne l'eût peut-être jamais retrouvé. Sans doute la sévérité dont il faisait régulièrement preuve envers lui-même ne l'aidait-elle pas à accepter tout à fait les propos rassurants de son compagnon.

Mais cette culpabilité le poussait bien plutôt à ne pas évoquer ses peines qu'à les expliquer simplement. Puisqu'il n'avait pas pu aider Ulrich dans les moments les plus difficiles, il pouvait du moins le sentir maintenant qu'il l'avait retrouvé, et cela impliquait, naturellement, de ne pas ajouter à ses inquiétudes en lui faisant part de ses propres incertitudes. Après tout, ses peurs étaient futiles et ne méritaient pas qu'on en dissertât beaucoup.

Le silence à nouveau s'installa. Adossé au mur, Orme regardait Ulrich qui regardait Coruscant. Etait-il vrai que rien ne pourrait plus jamais les séparer ? Le jeune homme en doutait. Mais que cette idée fût importante lui paraissait évident et il était loin de vouloir contredire Ulrich. Un poids nouveau pesait sur ses épaules, une mission difficile et presque surhumaine, et le Padawan l'endossait volontiers, sans réfléchir une seule seconde, sans songer qu'un jour peut-être, ces responsabilités qu'il accumulait lui-même finiraient par l'écraser.

Mais la contemplation du visage de son compagnon effaçait peu à peu ses pensées les plus sombres et, avec une béatitude amoureuse, un peu hébétée sans doute, Orme se contentait de décrire du regard la courbe de son menton, ses cils, la légère ondulation de ses cheveux. Ses yeux se posaient sur la naissance de ses épaules après avoir parcouru son cou, tentaient de percer le dossier de la chaise pour goûter à la cambrure de son dos, et dans ce parcours agréable, ils ne pouvaient s'empêcher de souhaiter que ni les meubles, ni les vêtements, ne pussent lui dissimuler ce corps charmant.

Sans qu'il en eût conscience, Orme avait troqué son air mélancolique contre un sourire vague et son esprit soudain était bien plus disposé à avoir une confiance aveugle en l'avenir. Plus les secondes s'écoulaient, plus il lui paraissait évident que rien jamais ne pourrait altérer cet être admirable, précisément parce qu'il ne voulait pas que ce fût possible. Puisque sa volonté, ordinairement, pouvait sonder le réel, déplacer des objets, magnifier ses capacités mentales et physiques, pourquoi la Force ne lui permettrait-elle pas, par quelque voie mystérieuse, de préserver Ulrich ?

Et en effet, sans en avoir conscience, Orme laissait ses sentiments irradiés autour de lui. Lui, toujours si incompétent quand il s'agissait d'agir volontairement sur l'esprit des gens, lui dont les tours de passe-passe mentaux étaient toujours suivis de catastrophe, parvenait sans y songer, dans un moment de songe éveillé, à diffuser une onde de tendresse mêlée de désir, à la fois innocente et charnelle.

Encore une fois, la présence d'Ulrich le portait dans un état proche de la méditation, où il se montrait aussi réceptif à la Force que pendant ses plus rudes et réguliers entraînements, mais il lui semblait découvrir une autre partie de cette puissance mystérieuse, d'autres pouvoirs et d'autres pensées. Il ne trouvait pas cependant que ce côté fût plus sombre, et peut-être en effet ne l'était-il pas, peut-être cette affection ne portait-elle pas en elle les germes de l'obscurité.

Ses pensées désormais enveloppaient littéralement Ulrich. Il n'y avait là rien de précis, aucune image circonstanciée, certainement pas de phrases, mais des sentiments, des sensations, qui battaient au rythme de son sang. L'impatience du corps, cette chaleur intime et un peu nerveuse, donnait le rythme à cette secrète palpitation, et à cet étrange chef d'orchestre répondaient une variété d'impressions plus douces et plus naïves.

Et Orme, lui, ne se rendait compte de rien.
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Face à Orme et pourtant, le regard toujours rivé sur la violence ordonnée du ciel de Coruscant, je méditais mes dernières paroles. Plus rien ne nous séparerait, à l'encontre de notre volonté. Si nous conservions cette flamme qui, battue par le vent de l'amour, se muait en brasier au contact de l'autre, nous devions faire tout ce qui était en notre pouvoir pour que des événements séparés ne creusent pas, une fois de plus, une insoutenable séparation. Et si cela venait à se reproduire, celle-ci serait bien plus terrible encore que la précédente, à l'heure où nos lèvres n'avaient encore glissé l'une contre l'autre, où nos actes ne nous avaient pas poussés si loin qu'ils ne le fissent aujourd'hui.

De façon incontrôlée, mes yeux, comme guidés par les fils invisibles d'un marionnettiste, se détournèrent du spectacle aérien, pour mieux se poser sur Orme. J'avais le sentiment qu'il me toisait avec envie. Mes pensées s'encombrèrent alors de sensations visuelles, auditives, et sensitives. L'enivrant souffle d'Orme au creux de ma nuque. Son torse nu, glissant contre le mien. Ses doigts fins parcourant mon corps, s'aventurant à me découvrir de mes vêtements. Et moi, la respiration haletante, épris par cette résurgence charnelle.

Mes paupières s'abaissèrent, l'ombre d'un instant. Je relevai alors les yeux sur le corps de mon compagnon. Je ne su d'où provenait cet afflux intense, qui m'appliquait à le vouloir si près de moi. En quelques secondes, mon esprit s'était hasardé sur des pentes licencieuses, et mon corps appelait à présent de toute sa puissance celui d'Orme à venir auprès de moi. La fièvre de ma concupiscence prenait le pouvoir sur toute pensée rationnelle, alors que je dévorais du regard les rares espaces où l'on distinguait la peau nue de mon compagnon, celle-ci, de façon fatidique, dissimulée par sa tenue d'ascète.

Sans faire barrage à ces convoitises, je quittai ma chaise et offrait à Orme une étreinte sensuelle. D'une main, que j'enfouis dans ses mèches sombres, j'approchai son visage du mien et, tout en resserrant de mon bras ses hanches auprès des miennes, le galbe de mes lèvres s'offrit au siennes. Dans un long baiser passionné, mon appétit dévorant m'amena à mordiller sa lèvre inférieure, retirer mes lèvres, revenir à la charge en entrouvrant davantage ma bouche, tout en laissant glisser ma langue contre la sienne. Des frissons secouaient chaque parcelle de mon corps. Il n'y avait que son corps et le mien. Seule son âme et la mienne. Rien d'autre ne comptait.

J'aimais son être profond. Et cette fois-ci, c'était mon corps qui parlait. Il me parut que cet intense moment me procura des sensations jusqu'alors inconnues. Qu'est-ce que le baiser d'un amant, lorsque l'autel de l'amour est scellé ? Avec Orme, tout cela prenait une dimension nettement différente. Nettement supérieure. Mon cœur frappait lourdement contre ma poitrine. Je plaçai alors ma jambe entre celles de l'ange, adossé contre le mur. Mais l'ange était impur. Il se laissait corrompre par les douceurs de la chair, jusqu'alors inconnues à lui. Sans même me douter que c'était Orme qui, bien malgré lui, avait déclenché en moi une avidité si gourmande en maîtrisant la Force, un brouillard rose pâle envahissait mon crâne et, les yeux fermés, une voix déclarait en moi quelle chance j'avais d'avoir ce garçon à mes côtés. Cet être unique, qui percevait pourtant sa propre personne comme étant l'épicentre de la plus tragique normalité.
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Orme, pourtant, ne maîtrisait rien du tout. S'il l'avait pu, sans doute eût-il tout fait pour que son esprit rentra en lui-même et cessa de hasarder, sur les ondes mystérieuses de la Force, ses sensations les plus intimes. Mais trop absorbé par sa propre ivresse, porté lui-même par les charmes qui envoûtaient Ulrich, il ne parvenait pas à rompre sa méditation. Comme bien des manifestations de la Force, comme le combat au sabre, comme les visions de l'avenir, elle ôtait à celui qui la pratiquait sans s'y être préparé le pouvoir de se contrôler soi-même.

Et à cela, rien n'avait jamais préparé Orme. Nulle part, dans aucun livre de l'Ordre, pas même dans le plus obscur passage des plus secrets holocrons, il ne devait être question de la rencontre du désir et de la Force. Etait-ce parce que cette rencontre était la voie la plus certaine vers le Côté Obscur ou parce qu'aucun Jedi n'avait jamais songé à la provoquer, cela, Orme l'ignorait, et certainement il ne désirait pas le savoir.

Sa vie entière avait été soutenue par la Force. C'était une chose qu'il savait fort bien et sur laquelle, cependant, il ne s'étendait guère. Que sa vie sans sa sensibilité à la Force eût été impossible, que sa réceptivité aux intuitions les plus immédiates faisait une part importante de ses talents de combattant et que son calme pragmatique devait beaucoup à ses méditations, il en était intimement persuadé, mais il n'avait jamais prévu que dans sa vie, il y eût un jour autre chose que cela, autre chose que les combats et les missions, et que cette harmonie avec la Force s'exprimerait d'une manière plus personnelle.

Ses inquiétudes avaient disparu. Comme au coeur de la bataille, un sabre à la main, il savait ce qu'il devait faire, et aucun doute, pas même la plus infime des hésitations, ne venait entamer sa détermination. Ses yeux ne se détachaient plus de ceux d'Ulrich et quand son compagnon, enfin, s'approcha de lui, pas une seule seconde Orme n'eut l'impression que ce qui se passerait serait au-delà de sa portée, trop lointain, trop complexe, trop étrange pour lui.

Ses lèvres se portèrent à la rencontre de celles d'Ulrich et son corps, déjà, se pressait contre celui de son compagnon. Aucune pensée précise ne traversait son esprit. Légèrement cambré contre le mur, les mains fermées sur le tee-shirt de son amant, le Padawan, entre deux baisers, laissa échapper un soupir où l'impatience se mêlait au plaisir naissant. La Force continuait à faire battre ses sensations tout autour de lui et le jeune homme qui, ordinairement, ne pouvait manipuler l'esprit du plus imbécile des guerriers eût ce matin-là trompé les esprits les plus forts.

Forçant les lèvres d'Ulrich à abandonner les siennes, Orme rejeta légèrement la tête en arrière et, glissant une main sur la nuque de son amant, guida avec une douce autorité ses baisers le long de son cou. Celui qui, un mois plus tôt encore, ne pouvait frôler la main d'un parfait inconnu sans éprouver un profond sentiment de malaise dévoilait une sensualité envoûtante, et dans les charmes de cette étreinte surréelle, il ne songeait pas que le danger des passions qui le guettait pouvait être considérable.

Sa main descendit le long du dos du jeune homme, lentement, comme pour que l'attente qui le séparait d'un plaisir encore un vague durât un peu plus longtemps, puis elle s'égara, pour la première fois, sur le pantalon du jeune homme, dans une découverte que jamais il n'eût imaginée possible. Des désirs sans cesse plus précis possédaient l'esprit d'Orme, tous contradictoires cependant ; car ce qu'il voulait, c'était précisément tout, être à la fois l'objet et l'instigateur de toutes les caresses, s'offrir et posséder, et sa douceur angélique le disputait à sa virilité de vengeur.

Frustrées déjà d'une séparation brève pourtant, ses lèvres avaient retrouvé le chemin de celles d'Ulrich et elles leur offraient un baiser plus brûlant encore que celui qui avait commencé leur étreinte, comme si Orme songeait qu'il pût être encore nécessaire de cultiver les ardeurs de son amant. La Force s'estompait autour d'eux, car le jeune Jedi, même involontairement, ne pouvait la soutenir indéfiniment, mais la passion s'était assez déployée pour que ce secours fût devenu bien inutile.

A nouveau, la main du Padawan, rejointe par sa jumelle, remonta le long du corps d'Ulrich, mais cette fois-ci, en parvenant à la lisière du tee-shirt, elles se glissèrent sous le tissu, pour se poser sur cette peau tant désirée et tant de fois imaginée, dont la douceur obsédante leur parut surnaturelle. Elles avancèrent jusqu'à la taille, qu'elles caressèrent légèrement, avant de songer à cheminer jusqu'au ventre.

Car Orme ne songeait plus que si les semaines passées avaient ouvert des blessures dans l'esprit d'Ulrich, le corps n'avait pas été épargné non plus.
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Alors que mes actes allaient au-delà de tout ce que nous avions entrepris, naquit en moi la vague crainte qu'Orme prenne peur, face à tant d'ardeur. Il sut pourtant me prouver que tel n'était pas le cas. Au contraire, mes actions semblèrent le galvaniser à goûter plus avant aux plaisirs des caresses et des embrassades de deux êtres qui s'aiment. Alors qu'il interrompit notre baiser, ses lèvres se promenèrent à la surface mon cou. Je me cambrai légèrement, et ma jambe se resserra entre les siennes. Frissons de plaisir. Ma respiration s'accéléra, et il me parut que mon cœur approchait une fréquence critique. Je me laissais porter par cet océan de désir, dans la pensée que finalement, si mon compagnon n'était pas aguerri, ses aptitudes étaient bien loin de celles du néophyte.

Sans remettre en cause son passé, j'éprouvais à l'inverse l'intense satisfaction de voir à quel point il se débrouillait bien, et savait déjà discerner ce qui me procurait tant de plaisir. Habité par l'ivresse de la chair, je me laissais aller aux conquêtes de ses caresses, mon attirance d'alors laissant place à la folie d'un désir ardent. Ses mains s'enfouirent alors sous mes vêtements, et flattaient mon dos, puis mes hanches, puis... Horreur.

Aux exquises sensations, se substitua une terreur grondante, lourde d'appréhensions que j'avais durant ces actes mis à l'écart. Ses doigts, arrivés auprès de mon nombril, avaient frôlés l'intouchable. Je me séparai brutalement d'Orme. Une intense vague émotionnelle montait en moi. J'étais pris au dépourvu. La bouche entrouverte, encore semi-haletant, je lui offrais un regard effrayé. J'effectuai alors quelques pas en arrière, et m'adossai à la tranche de la table noire. Mon regard retomba au sol. Abattu, je n'avais pas le courage d'affronter les yeux de mon partenaire.

-Ça devait arriver...

Formulant davantage ces paroles pour moi que pour lui, ma main se glissa sous mon tee-shirt. Je touchais l'infâme cicatrice. Sur les terres les plus obscures de mon esprit, émergeaient des fleurs noires, épineuses comme la rose, et laides comme la peste. Il l'avait sentie. Peut-être avait-il été pris d'une peur nauséeuse. Sans doute ne voudrait-il plus me toucher. Et s'il surmontait ça, peut-être le ferait-il pour moi, mais non moins épris d'un vaste dégoût. L'heure était aux révélations. Je soulevai le pli de mon T-shirt presque intégralement, de sorte que mon torse apparaisse à Orme.

Sur trois, ou peut-être quatre centimètres de diamètre, s'étendait le stigmate de mon voyage en enfer. Je revoyais l'affreux visage de mon tortionnaire. Cet être deux fois plus large que moi, qui apposa cette affreuse tige métallique au rebord de mon ventre. L'intense douleur de mes chairs calcinées. D'affreux sentiments semblaient vouloir s'extirper de ma gorge. Mes joues se strièrent alors de sillons aqueux, car mes yeux vomirent les larmes de la honte. Le symbole sibyllin de mon bourreau avait laissé une empreinte lourde de sens. Ma gorge se noua.

-C'est la marque des esclaves.

Je pestai contre le destin qui, de ses miasmes fiévreux, avait jugulé l'ascension de cet instant divin. Alors que je redoutais l'instant où mon compagnon allait découvrir la flétrissure de mon corps, le fruit trop mûr de la passion avait endigué mes craintes. Si la marque mortuaire ne me faisait plus souffrir, la blessure était morale. Moi Ulrich, dont la chance et la bonne fortune m'avaient permis de toujours me sentir libre, j'avais connu cette abjecte domination. À tout jamais, mon corps crierait de façon funeste que j'avais été esclave. Assujetti aux mœurs les plus sombres, ma fierté avait volé en éclat, et les tessons de ma liberté s'étaient répandus dans cette sale d'une blancheur nacrée, et à l'odeur épouvantablement aseptisée. Une partie de moi était morte, là-bas. La volonté brisée, elle errait à l'état de spectre dans les couloirs sinueux de cette geôle, dignitaire pour seul sentiment d'une folie animale.

Le visage sombre, toujours tourné au sol, j'observais mes larmes de sel éclater sur le marbre. J'abaissai alors les plis de mon tee-shirt, pour enterrer les infâmes tourments qui me saisissaient.
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Orme avait beau être sorti de sa transe, quand Ulrich se sépara soudainement de lui, plusieurs secondes furent nécessaires pour que le jeune homme prit conscience de ce qu'il se passait. Il avait la curieuse impression de passer de Tatooine à Hoth en un instant et la chose n'avait rien d'agréable. Bientôt, cette cruelle déconvenue laissa fleurir dans son esprit tous les doutes qu'il avait écartés en embrassant Ulrich, et peut-être bien d'autres encore.

Qu'avait-il fait ? Que n'avait-il pas fait ? Car sans doute, c'était de sa faute. Il avait été très vif ou bien au contraire trop timoré. Il avait été maladroit. Il l'avait griffé, peut-être, ou légèrement mordu, ou ses baisers étaient sans relief, ou ses caresses étaient brusques, ou ses mains n'étaient pas assez douces, ou son corps ne s'était pas assez souplement porté à la rencontre du corps qu'il désirait, ou — il paraissait à lui-même coupable de tant de crimes qu'il ne parvenait pas à en choisir un parmi les autres.

Instinctivement, il avait fixé les yeux sur le sol, comme un enfant coupable, pendant que son corps, habité encore malgré lui par le désir, par les dernières vagues de plaisir, se calmait. Ulrich lui avait paru jusqu'à présent si éloigné d'avoir des réactions arrysiennes qu'il ne pouvait supposer que le motif de cette soudaine séparation résidait dans l'esprit de son compagnon plutôt que dans la médiocrité de son propre comportement.

Alors, malgré lui, les barrières jadis abattues se reconstruisaient instinctivement dans son esprit. Sans réfléchir, il voyait qu'il avait eu raison d'éviter les contacts physiques, puisque manifestement il n'était pas doué dans ce domaine, que si telle était la réaction d'Ulrich à ses baisers et à ses caresses, il était plus prudent, certainement, et même plus affectueux, de ne plus rien faire de ce genre à l'avenir.

Mais les gestes de son amant, au bord de son champ de vision, attirèrent son attention et, timidement, Orme leva les yeux. D'abord, son regard passa sans presque rien remarquer sur la cicatrice, tant il était vrai qu'aucun chevalier Jedi, même des plus talentueux, ne pouvait se vanter de ressortir parfaitement indemne de toutes ses missions. Alors quand ses yeux finirent dans ceux d'Ulrich, l'incompréhension du Padawan s'y lisait toujours.

La remarque de son ami éclaira son esprit. Machinalement, le jeune homme reposa ses yeux sur la cicatrice. Il imaginait sans difficulté la douleur d'Ulrich, mais il lui semblait que le trouble de son amant n'était pas physique — ne l'était plus, tout du moins. Etait-ce l'esclavage qui le perturbait ? Orme était bien placé pour savoir que l'esprit faisait plus souffrir que le corps. Hélas, il était plus doué avec le second qu'avec le premier.

Comme à son ordinaire, la détresse d'Ulrich dissipait pour un temps les appréhensions d'Orme et l'âme du Padawan se tournait toute entière vers le soulagement de sa soeur. Le Coruscantien s'approcha et, d'un léger geste de la main, chassa les larmes de son amant, avant de déposer un chaste baiser sur son front. Au bout de quelques secondes de silence, il prit enfin la parole.

— Ecoute... Je ne suis pas très sûr de... Comment dire ? De comprendre. Je veux dire, je comprends que c'est douloureux. Pour le corps. Pour l'esprit. Que ce furent des moments difficiles. Mais ce que ça change, que je pose ou non mes yeux dessus, je ne comprends pas vraiment, je suis désolé.

Il n'en faisait pas moins d'effort pour tenter de se mettre dans l'esprit d'Ulrich, une entreprise d'autant plus difficile que leurs deux personnalités n'avaient pas grand-chose en commun.

— Si c'est une question de... Euh... De statut. J'sais pas. T'es pas esclave. T'es libre. Tu t'es fait emprisonner, tu t'es échappé. Et quand bien même tu serais un esclave, ça n'affecterait pas le regard que je porterais sur toi. L'esclavage ne change pas ton essence.

Orme exprimait avec beaucoup de maladresse des choses qui, pourtant, lui tenaient à coeur. Il avait un peu de honte de ne pas mieux comprendre et, surtout, de ne pas mieux exprimer des consolations qu'il voyait si nécessaire.

— Si c'est un problème esthétique... Moi, je m'en fiche.

Il se tut. Il ne sentait que trop que cette affirmation, d'une pure sincérité, n'était pas convaincante. Cette fois-ci, il pouvait fort bien se mettre à la place d'Ulrich et il voyait assez qu'alors, il ne se serait pas cru lui-même. Pour appuyer son argument, avec sa conscience et ses propres peurs entièrement retrouvées, Orme recula d'un pas et entreprit de défaire l'interminable ruban de tissu qui formait le haut de son vêtement.

Les couches successives, d'abord, ne semblaient recouvrir rien d'autre que le vêtement lui-même, comme si le jeune homme avait été uniquement constitué de tissu, mais la peau apparut et, enfin, Orme laissa le tissu retomber au sol, dévoilant son torse nu. Toute son insistance à faire prendre conscience à Ulrich qu'il était un guerrier plutôt qu'un ange devenait soudainement beaucoup plus concrète, car il était vrai que la fragilité que son visage annonçait ne se retrouvait guère dans le reste de son corps.

La musculature n'était pas l'unique responsable de cette nouvelle impression. Un peu partout sur la peau du Padawan, des cicatrices couraient, plus ou moins grandes. Le génie médical des Guérisseurs du Temple les rendait pour la plupart presque invisibles, celles surtout que le temps avait dissipées. Mais un examen attentif les révélait en grand nombre.

— Tu es un Jedi. Tu as été blessé en mission. Tu as eu une cicatrice. Ce n'est pas une marque de faiblesse. On ne peut pas toujours être victorieux. Indemne. Plus fort que le monde entier. Parfois on perd. Parfois on se fait capturer. Ca ne te rend pas plus laid ou plus faible à mes yeux.

Orme n'en regrettait pas moins d'avoir abandonné son vêtement — et à vrai dire, il ne se souvenait pas de moment de sa vie où il avait été plus mal à l'aise.
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Les caresses rassurantes d'Orme sur mes joues calmèrent l'afflux de mes larmes. Je croisai les bras, et l'écoutais attentivement. La tête baissée, mais les yeux rivés sur lui, je me sentais affaibli, diminué. Il n'avait pas l'air de se rendre compte de ce que j'éprouvais. Pour lui, la blessure semblait anodine. Visiblement, ma flétrissure ne le gênait pas. Visiblement. Mais si tel était bien le cas, un sentiment plus noir tissa une soie épaisse autour de mon âme. J'étais incompris. Une nouvelle larme roula au long de ma joue. J'arrachai sa trajectoire de mon pouce, et reposai mon regard chargé de vergogne sur mon compagnon.

Ses paroles se voulaient rassurantes. Pourtant, mon entrain était à son plus bas niveau. J'étais libre... Était-il seulement possible de parler de liberté, alors que mon corps portait la marque de la soumission à des choses qui me dépassaient ? Aujourd'hui encore, j'étais cloîtré dans cet appartement. Et si mes tortionnaires n'étaient plus les vigiles de la planète Hapès, la société s'était chargée de prendre leur place. Le commencement d'une vie faite de craintes et d'incertitudes se lisait sur le stigmate de mon corps.

Le garçon amena alors la considération esthétique. Il s'en fichait ? Je peinais à accorder une quelconque véracité à ses propos. Pourtant, un vague réconfort m'embauma. Orme aurait tout aussi bien pu prendre peur, ou observer la plaie avec dégoût. Il n'en était rien. Si les brindilles de l'arbre obscur qui avait pris naissance dans mon cœur commençaient à se consumer, ses racines d'airain, solidement ancrées dans mon être profond, semblaient indestructibles.

Je toisais Orme, qui se défaisait de sa toge. Son torse était strié de cicatrices, plus ou moins voyantes, plus ou moins profondes. Dans un silence religieux, j'observais les stigmates, fruits des multiples combats menés par le guerrier. Selon lui, je n'étais pas plus faible, ni plus laid, à ses yeux. En observant pour la première fois la peau nue de son abdomen, me vint à l'esprit que pour ma part, il ne me paraissait pas non plus faible, mais à l'inverse, plus fort encore. Son épiderme portait en lui son histoire. Ses batailles. Ses victoires et ses défaites. Mais la différence était pourtant de taille. Le regard méfiant, j'entrepris de lui répondre.

-Je comprends où tu veux en venir. Mais c'est différent. Toi, tu es un combattant. C'est ta voie. C'est comme ça que tu vis, au jour le jour. À ta place, je me ferais presque une fierté d'énumérer mes cicatrices, puisque chacune narre une histoire. Sans doute certaines, moins glorieuses que d'autres, mais tu es toujours là, et tu tiens. Mais j'envisage pas ce qu'il y a sur mon corps comme une simple balafre. Ça n'a rien à voir.

Ma main se posa sur mon tee-shirt, à l'endroit même qui couvrait mes chairs calcinées.

-À tout jamais, je porterai l'empreinte de ma servitude. Et ce n'est pas pour me rappeler des moments glorieux. J'ai aussi d'autres cicatrices.

J'ouvrai ma main en sa direction, de sorte qu'il puisse nettement observer sa paume. La blancheur d'une entaille profonde, mais cicatrisée, apparaissait de manière floue.

-Celle-ci, je m'en moque. Elle est le fruit de l'un de mes combats pour la liberté. Je sais pas si elle disparaîtra ou non. Peu m'importe, vraiment. Mais celle qui... celle dessinée sur mon ventre. Ce sont les armoiries de l'aristocratie hapan. Ils se sont accordé le droit de... de faire en sorte que je leur appartienne à tout jamais. Je serais mort, si je n'étais pas sorti de cette prison. En l’occurrence, j'ai réussi à m'échapper. Mais ce truc me poursuit. Ça me poursuivra à tout jamais. Ça me hante. J'ai pas passé des bons moments là-bas. J'ai été humilié. Traité comme un animal. Marqué au fer, comme une bête. Ça n'avait rien d'un combat loyal. J'étais diminué. J'étais faible. Mon corps me rappellera toujours ce que j'ai vécu là-bas. Je ne pourrai jamais enterrer ces pensées.

Je brisai un tabou, en parlant publiquement de ce qui m'avait été fait. Une larme se forma de nouveau, et je l'essuyai avant même qu'elle ne traverse mon visage. Je quittai le rebord de la table, et enlaçai Orme. Ma tête s'était posée sur son épaule nue, et mes mains, plaquées sur son dos, laissaient courir mes doigts à la surface de sa peau.

-Excuse-moi...

Ses muscles saillants devaient devenir ma nouvelle prison. Une prison ô combien plus chaleureuse et vertueuse. Peut-être m'excusais-je d'avoir brisé ce délicieux moment qui nous unissait. Peut-être m'excusais-je d'avoir trop de doutes et de craintes. Peut-être m'excusais-je, de ne pas être à la hauteur pour Orme. Peut-être enfin, m'excusais-je, car je passais définitivement pour un faible, bien qu'il m'en eut assuré du contraire.

-T'as été parfait, tout à l'heure.

Je reniflai légèrement, et approchai un peu plus mon corps du sien. Une étrange saveur, émanant d'un cocktail fait de morosité, d'apaisement et de désir se mêlaient alors au creux de mon âme perturbée.
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Peu convaincu lui-même par l'efficacité de ses propos, ni d'ailleurs par celle de ses actes, quoi qu'ils lui en coutassent, Orme ne voyait que trop bien que son discours et les gestes qui l'accompagnaient n'avait pas sur le fugitif l'effet espéré. Le jeune homme se sentait impuissant et stupide, stupide comme un guerrier devant un problème complexe, comme un combattant dénué de toute psychologie, comme un stéréotype ambulant.

Les yeux qu'il avait plongés dans ceux de son compagnon pour tenter de donner encore un peu plus de force à ses propos se baissèrent piteusement vers le sol et le jeune homme ne put empêcher la honte de l'avenir. En écoutant Ulrich, il comprenait à la fois que ses paroles avaient été dénuées d'efficacité et que ce qu'évoquait son amant lui demeurait étranger. Il lui semblait qu'un fossé se creusait entre eux qui ne tenait pas entièrement au traumatisme.

Car si Orme ne parvenait pas à saisir ce qui, exactement, perturbait tant Ulrich, ce n'était pas seulement parce que l'expérience lui manquait. Des tortures, comme bien des Padawans de son âge impliqués dans des missions dangereuses, il en avait connues. Il savait ce que c'était que l'humiliation — jamais il ne l'avait connue à ce degré, mais il n'imaginait même qu'il fût possible de se laisser atteindre.

Ce n'était pas une question de force ou de faiblesse ; son âme était faite différemment, ses idéaux se plaçaient ailleurs, sa vie lui avait donné une autre hiérarchie de valeurs. Il devinait fort bien les échecs intolérables qui eussent pu le mettre dans un état semblable à celui d'Ulrich et, peut-être, il le voyait désormais, ce qu'il considérait comme des tragédies insurmontables seraient, aux yeux de son compagnon, des épreuves terribles mais point si grave.

Mais constater cette différence ne l'aidait en rien à philosopher, parce que, précisément, cela n'aidait pas Ulrich. Orme avait beau cherché, il ne trouvait pas les mots, ni les gestes, pour rassurer son amant, pour le distraire, pour le convaincre. Il n'y avait rien qu'un territoire obscur et pour lui indicible, dont les tenants et les aboutissants, si éloignés de son propre système, de ses principes mystiques détachés de toute réalité sociale, lui échappaient totalement.

Alors, en l'accueillant dans ses bras, Orme ne sentit pas monter en lui cette force invincible qui le possédait d'ordinaire lorsque ce corps contre le sien lui semblait chercher sa protection. Avec difficulté, il tentait de ne pas céder au tourbillon de honte, d'impuissance et de culpabilité qui montait en lui, pour ne pas ajouter ses états d'âme au fardeau qui pesait déjà sur les épaules d'Ulrich.

Ses bras se refermèrent autour du jeune homme. Que lui dire ? Que faire ? Il n'avait que des banalités à l'esprit. Qu'une marque n'était pas un signe d'esclavage. Qu'un être n'était jamais la propriété de personne. Qu'un instant de faiblesse ne souillait pas l'âme. Ces banalités, il en était convaincu, mais malgré cela il sentait qu'elle ne soulagerait en rien Ulrich — et la crainte s'installait en lui que rien, jamais, ne pût le soulager.

— Est-ce que...

Le silence lui avait paru insupportable, comme l'accusation perpétuelle de sa propre stupidité, de son incapacité à trouver quoi que ce fût à dire, à faire. Il avait espéré un instant qu'en parlant, son esprit trouverait ces solutions instinctives auxquelles il était d'ordinaire habitué — mais toujours, dans son esprit désarmé, le néant et la culpabilité.

— Est-ce que tu veux... Dormir ? Manger ? Que... Je sais pas. On peut... On peut écouter de la musique. Ou regarder un truc sur l'holonet.

Toutes ces distractions et ces apaisements lui paraissaient futiles, naturellement, mais il lui semblait que la douleur d'Ulrich était hors d'atteinte. Il s'en voulait d'avoir laissé ses mains réveiller les souvenirs de son amant, il s'en voulait de ne rien pouvoir faire. Tout cela, décidément, ne serait pas arrivé sans cette vague de désir — et à cette pensée, sa légère nudité l'indisposait plus encore.

— Qu'est-ce que je peux faire ?

Enfermé entre quatre murs face à un ennemi intangible qui étendait son empire sur l'homme qu'il aimait, Orme se sentait réduit en poussière.
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Terré dans les bras de mon compagnon, je trouvais progressivement la source de mon réconfort. Je me laissais aller auprès de lui, congédiant dans un sain mutisme mes noires pensées. Tout allait bien... Je l'avais attendu, j'avais désiré ce moment, il était là, avec moi. Je ne devais pas tout gâcher avec des états d'âme aussi obscurs que contagieux. Alors que mes paupières s'abattaient sur mon champ de vision, je tentais de faire le point. Tout allait bien. Ses bras me soutenaient, j'expatriais mes malheurs, et invitais ma raison à s'asseoir à la table de mon esprit. Sans sa venue, tout aurais été si morne. Si gris. Non, décidément, tout allait bien.

Mon étreinte nous serra l'un contre l'autre. Mon souffle se faisait plus régulier, et mon corps reprenait un rythme plus tranquille. Les doux effluves de la sérénité semblaient s'infiltrer dans la pièce dans la pièce. Alors que mes orages se dissipaient, et qu'un ciel plus calme apparaissait au promontoire de mon cœur, je n'envisageais pas même la détresse dans laquelle j'avais plongé Orme. Lui qui se voulait en toute circonstance sauveur de tous les maux qui m'affligeaient, il percevait cette fois-ci l'amertume de l'échec. Et pourtant, cette simple union corporelle suffisait à chasser les germes nauséeux qui m'envahissaient, dans une tendresse vindicative.

Il s'exprima alors dans une touchante maladresse, proposant diverses activités anodines, pour nous tourner vers des choses plus banales, et peut-être moins chargées émotivement. Je vis là un acte désespéré de sa part, dans son combat contre un mal-être qui le dépassait. En guise d'amorce à ma réponse, je déposai un doux baiser sur sa joue.

-T'as rien à faire, c'est ma faute. T'as pas à te sentir responsable.

Ces problèmes relevaient de mon ressort. Seul moi pouvait y faire face. Moi qui avait toujours cru ma liberté inaliénable, j'avais été marqué par la conflagration d'un destin plus obscur. Mais si toutefois je devais faire face au monstre féroce de la servitude, je savais qu'Orme me serait d'un grand secours dans cette chasse effrénée. Au fond, il n'y avait que lui pour me guérir.

-T'avise pas à me mettre aux commandes de la musique. On me dit que j'écoute que des trucs tristes. Ça va plomber l'ambiance.

... qui n'était déjà pas à l'euphorie. S'il était une chose vraie, c'était bien que mes fréquentations les plus lucides découvraient la morosité de mon âme lorsque leurs oreilles se laissaient caresser par les sons et les tonalités mélancoliques qui gravitaient autour de mon monde musical.

-Et ça va, j'ai pas faim. Mais à midi, promis, je commande. T'as envie de quoi ? J'suis pas trop difficile.

Il était aisé, avec la fortune dont je disposais, de me déclarer relativement tolérant face à la nourriture. Mais mon irrégularité nutritionnelle me poussait soit, à m'attabler à un festin, soit à me passer de tout aliment digne de ce nom durant des jours. Mais ce problème, il allait à mes yeux, de l'ordre naturel des choses que je lutte seul. Il fallait donc pour ce midi que je fasse preuve de raison, et que je m'efforce à assimiler un repas correct, pour n'éveiller aucun soupçon de la part de mon nouvel amant. Il serait tragique que je m'offre une nouvelle circonstance pour suivre la voie de la complainte.
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Pour sa part, Orme avait beaucoup de mal à se convaincre que tout allait bien. Sans doute avait-il exigé de lui-même beaucoup trop de force d'âme, pendant trois semaines, pour être en mesure de dépasser une nouvelle contrariété et la constatation que, même en présence d'Ulrich, ses efforts pour secourir son compagnon de ce qui était déjà passé se révélaient inutiles, n'était pas loin d'anéantir le peu de forces qui lui restaient.

Une partie considérable de son énergie était donc désormais dédiée à s'empêcher de pleurer, ou de trembler, ou de témoigner par le moindre signe de nervosité qu'il se sentait moralement épuisé. Il serrait Ulrich contre lui et tentait de trouver, dans ce simple et familier contact, dans le souffle qui courait sur la peau de son torse nu, assez de confiance pour surmonter quelques secondes de silence et de découragement.

Le sourire qu'il esquissa au chaste baiser de son compagnon fut un peu faible et il était loin de songer que tout cela fût de la faute d'Ulrich. S'il y avait quelqu'un de coupable, ici, c'était bien lui et il lui semblait qu'Ulrich finirait inévitablement par ouvrir les yeux et se rendre compte qu'il n'était d'aucune utilité — laid — stupide — dépourvu de charme — inculte — tant de défauts si familiers qu'il se retrouvait dans ces secondes d'abattement.

Cet état d'esprit ne disposait guère le jeune homme à égayer ses habitudes alimentaires, d'ordinaire fort austères. S'il n'avait aucun trouble et mangeait avec autant de régularité qu'il était possible, quand les circonstances ne lui imposaient pas des privations dont l'entraînement Jedi permettait aisément de s'accommoder, Orme n'était certes pas un fin gourmet et les légumes cuisinés le plus simplement du monde formaient tout son menu.

Il haussa les épaules et murmura d'une voix un peu rauque :

— 'Sais pas.

Conscient que cette réponse trahissait autant que des larmes combien sa force de l'âme en cet instant l'abandonnait, Orme tenta de forcer un sourire pour ajouter :

— On prendra ce que tu voudras.

Profitant de ce revers de caractère, ses anciennes craintes revenaient dans son esprit et, comme elles y trouvaient le terreau fertile qui, avant la rencontre avec Ulrich, les avait toujours si bien accueillie, elles commençaient à se multiplier, à reconstruire toutes les barrières qui avaient été détruites. Elles n'avaient pas la même force sans doute et Orme était loin de ressentir les angoisses inexplicables mais souveraines qui longtemps avaient été les siennes, mais, pour l'heure, ces simples maux suffisaient.

Il finit par se détacher comme malgré lui d'Ulrich et, croisant les bras comme pour cacher un peu son torse nu, il laissa son regard se perdre dans le vide, avec un air où se mêlaient culpabilité et timidité. Il jeta finalement un coup d'oeil au long ruban de tissu déroulé qui composait ordinairement sa tunique et dont la préparation exigeait de longues minutes d'arrangement complexe. Orme ne se sentait pas le courage d'y procéder.

— Est-ce que... Est-ce que tu pourrais me prêter un truc ? Un pull ? Ca, là, il faut des heures pour le remettre.

Comme l'appartement d'Ulrich offrait une température des plus agréables, il était aisé de deviner que ce n'était ni la santé, ni même le confort, qui imposait à Orme de se rhabiller de la sorte. Certes, le jeune homme n'avait jamais fait très clairement la démonstration de ses névroses à son compagnon, mais sa personne en cet instant dégageait un tel mal être que son apparence justifiait si peu qu'il n'était pas difficile de les soupçonner.

— J'suis désolé. Tu dois être déçu... J'ai rien d'un coverboy.

C'était parfaitement faux et, pourtant, ses excuses étaient des plus sincères et il ne cherchait pas, par une fausse modestie, à récolter des compliments. Pas de doute, l'ancien Orme Aryssie, si prompt à se déprécier, était sorti de sa tanière.
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Au comportement d'Orme, je comprenais que quelque chose n'allait pas. Il se faisait plus froid, plus distant. Comme si du brasier de tout à l'heure, il ne restait qu'un tas de cendres, depuis lequel avait émergé une forteresse de glace. Ma mine s'assombrit. Je n'aimais pas ce qui se passait. Et par dessus cela, je n'aimais pas ne pas savoir ce qui se passait. Mes bras se croisèrent, et j'observais Orme silencieusement. Mon regard se hasardait de-ci de-là sur son corps saillant. Indéniablement, n'y allons pas par quatre chemins... Il était très bien foutu.

Mais ce qui me préoccupait davantage, c'était bien cette distance qu'il avait soudain établi entre nous. Alors, j'entrepris de la dévisager, comme pour être réceptif à la moindre oscillation, sur ce visage marmoréen. Il semblait perdre confiance, une fois de plus. Son regard s'aventurait davantage vers le sol qu'à sa ligne d'horizon. Lui aussi, croisait les bras. Forcément. Il avait en premier lieu établi cette frontière entre nous.

Peut-être de façon égocentrique, je me sentais pourtant quelque peu blessé par son attitude. C'était moi, qu'il fallait choyer. C'était bien moi, qui avais pleuré, tout à l'heure. Ses mots avaient été rassurants, et soudain, plus rien. Son étreinte n'avait pas été si chaleureuse qu'alors. Dans un silence cérémonial, je quittai le séjour, et allais du côté de ma chambre, pour prendre un pull qui conviendrait à Orme. Je pénétrai dans la pièce annexe qui composait ma penderie, et entrepris de sélectionner avec goût, ce qu'il m'avait demandé. Un pull. Les cintres tintinnabulaient dans une valse de fer. J'arrachai à mon dressing ce qui me semblait le mieux lui convenir.

De retour, je lui tendis un gilet blanc à col châle, en mailles d'une laine précieuse, et à fermeture boutonnée. Ça ne pouvait que bien lui aller. Malgré la légère rancoeur que je tenais à son égard, je tenais à ne pas lui faire ressentir par le biais des atours, bien que, sans doute, si je lui avais confié un haut noir -outrage lorsqu'il s'agit de porter dans le même temps un bas blanc, ne lui serait-il pas venu à l'esprit que cela eût exprimé une volonté de lui offrir un aspect négligé. Ainsi, tout paré de blanc, avec ce cardigan que j'affectionnais, il refléterait plus que jamais la luminescence de cet ange qui tantôt m'embrasait, tantôt me saignait.

Le garçon s'excusa alors, pensant que son corps était de valeur modeste. Je haussai les sourcils, et lui lançai un regard interloqué.

-J'espère que tu plaisantes ? Tu dis n'importe quoi. C'est même plutôt une bonne surprise. C'est pas parce que j'ai la peau sur les eaux que je trouve ça beau sur les autres. Et puis, j'ai jamais été adepte d'un entraînement trop intensif. Rassure-toi, ça te va très bien.

Je me détournai alors de lui, et croisais de nouveau les bras, non par instinct de mimétisme, mais bien pour lui signifier que si lui se fermait à moi, il n'y avait aucune raison que je conquière ce que j'estimais déjà gagné par la force des mots, des caresses et des larmes. Je dominai une fois de plus le paysage de Coruscant, à moins d'un mètre de la baie vitrée. J'observai de nouveau cette vie intense, qui sillonnai les airs de la cité monde.

-On peut pas en dire autant de ton impromptue froideur.

Telle une lame ciselée, déchirant l'opacité de l'air, j'avais frappé le premier, avec une précision extrême. La tirade n'était ni trop longue, ni trop blessante, et laissait à comprendre à Orme que, s'il m'avait déchiré mon armure, je conservais toujours un bouclier de d'airain, froid, et indicible.
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Ce ne fut que lorsqu'Ulrich eut le dos tourné qu'Orme releva les yeux pour suivre son compagnon du regard. Tout occupé qu'il était par ses propres problèmes, il n'en était pas pour autant moins réceptif aux inflexions du comportement d'Ulrich et, s'il n'était pas un psychologue très perspicace, il avait appris à interpréter les réactions de son amant. Il fallait dire que ce dernier se livrait beaucoup plus à lui qu'il ne le faisait lui-même.

Naturellement, la constatation que son attitude n'avait rien arrangé à la situation fit monter en lui une nouvelle vague de culpabilité. Orme éprouvait cette vague envie de s'effondrer d'un seul coup, dans un profond sommeil, moins pour se reposer que pour ne plus exister pendant quelque temps, pour suspendre ses problèmes, ceux de son amant, mais, s'il était sûr qu'en laissant sa maladie s'exprimer un peu ce soulagement paradoxal lui serait offert, il le trouvait trop lâche et avait encore assez de courage pour y résister.

Néanmoins, il s'empressa d'enfiler le vêtement après avoir murmuré un remerciement. Ce qui composait la garde-robe d'Ulrich ne cessait pas de le déstabiliser et s'il trouvait toujours son amant d'une beauté admirable dans ces vêtements de luxe, il persistait à s'y sentir un peu mal à son aise, comme s'il avait emprunté un costume qui ne lui ressemblât pas.

Cette impression, qui eût été futile en d'autres circonstances, nourrissait à nouveau ses craintes purement irrationnelles et, même habillé, Orme ne pouvait se défaire de la persistante sensation d'être moins qu'un homme — inutile de tout point de vue — et l'affection qu'il vouait à Ulrich donnait à cette vieille angoisse une force toute nouvelle. Le Padawan avait oublié, pendant ces trois semaines, depuis la soirée avec celui qui allait devenir son amant, la manière dont il surmontait jadis ces troubles.

Mais quelques violentes que fussent ses pensées en cet instant, elles n'avaient plus la solidité d'une longue habitude et d'autres forces s'étaient installées dans son esprit. Les premiers mots d'Ulrich balayèrent une partie de ses doutes. Jadis, Orme eût eu toutes les difficultés du monde à les croire, mais ce jour-là, ils avaient pour eux le souvenir de brûlants baisers. Orme esquissa un très faible sourire.

La dernière remarque de son amant ne fut pas moins salvatrice. D'abord, Ulrich n'avait pas été méchant, acide ou sarcastique — comme il l'eût été volontiers, dans les rues d'Iziz, trois semaines auparavant. Il n'y avait aucune injustice dans ses propos et Orme en était parfaitement conscient. Ensuite, le fugitif n'avait pas non plus décidé d'enterrer le problème sous le silence ; il forçait Orme à sortir de son nuage noir de la façon la plus efficace qui fût : en lui faisant prendre conscience de l'effet de son comportement.

Le Coruscantien déglutit péniblement et se mit à triturer les manches de son tout nouveau vêtement.

— Je suis... Désolé.

Ce n'était certes pas très éloquent, mais au moins était-ce sincère. Orme prit quelques amples inspirations pour se calmer un peu et, debout comme un idiot au milieu de la pièce, entreprit de se livrer à un exercice qui était loin, très loin de lui être familier.

— Je sais que... Que j'te parle pas beaucoup. J'veux dire, de moi. Toi, tu t'es livré, et même si c'était pas dans tes habitudes, tu as fait un effort. Avant et maintenant. Et moi, je laisse juste des bribes, de petites informations, et puis j'fais mon garçon et je ravale mes peines. C'est très injuste. Et puis c'est dangereux, je suppose, pour nous.

Orme se sentait un peu ridicule et, sans doute, sa fierté virile était un peu blessée par cette séance de confession, mais il balayait ses réticences pour aller de l'avant.

— Alors. Bon. Voilà une chose que je devrais te dire, par exemple. Je suis pas très... Sain. J'veux dire, bon, physiquement, ça, c'est évident. Mais l'esprit n'est pas en super bon état non plus. Tu devrais te plaindre au service après vente. Je sais pas comment dire. Y a plein de trucs. J'suis pas très doué avec les mots...


Orme s'arrêta une seconde, deux secondes, pour faire dans son esprit la liste de tout ce qui ne fonctionnait pas très bien dans sa petite tête pourtant bien faite, avant de reprendre la parole.

— J'me sens coupable, pour plein de choses, tout le temps, que ce soit des trucs importants, objectifs, ou complètement bizarres. Dès que je réfléchis, je me trouve des tonnes de défauts et ça me donne envie de... d'être quelqu'un d'autre, je suppose. Je ne supporte pas qu'on me touche, sauf toi, ou... ou de me regarder dans un miroir... ou de penser à ce à quoi je ressemble.J'm'entraine tout le temps, moins pour être le meilleur que parce que, comme ça, j'me retrouve pas seul avec moi-même. J'éprouve pas de plaisir à manger... Ou à boire. Presque pas à jouer. C'est pas tout le temps comme ça, mais quand même... En fait, tout ce que je pourrais faire rien que pour moi, ça me fait culpabiliser, j'ai l'impression que je perds mon temps... parce que... parce que j'ai pas beaucoup du temps, tu vois, et faut que ça compte, et...

Orme s'interrompit à nouveau, un temps infime, pour retrouver un semblant de stabilité de sa voix, mais il souhaitait surtout ne pas laisser à Ulrich l'occasion de répondre, tant il avait l'impression que la moindre interruption réduirait à néant le peu de courage qu'il était parvenu à rassembler pour ces aveux inédits.

— Et c'est comme ça même quand je me repose. Alors du coup, j'me sens coupable de me reposer, et puis je dors pas, et j'suis encore plus malade, et j'me sens encore plus inutile. Et moi, moi j'voudrais que tu sois bien, que tu sois protégé de tout, tout le temps, et j'peux pas, et je suis tellement, tellement désolé...

Dans un murmure, il répéta encore :

— Tellement désolé.
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Spoiler:


Je me tournai en direction de mon compagnon. Il avait commencé par s'excuser. Détail plus intéressant que la monotone danse métallique qui battait les vents de Coruscant. Mon regard se posa sur lui, un sourcil légèrement haussé. Il était très lucide sur la situation. À mes yeux, le non-dit était une mauvaise chose. Il était bon qu'il entreprenne de briser cela de son côté.

Ses paroles étaient justes. Je m'étais livré sur bien des choses, c'était vrai. Et si notre relation était de première fraîcheur, il était probable qu'avec les jours et les semaines, je souffre de son mutisme. J'étais fier qu'il se rende compte que cela n'avait pas été des plus simples, pour moi. Mais, il l'avait dit, j'avais fait des efforts. Ce n'était pas dans ma nature, de parler de ma personne, en des circonstances qui touchent aux sentiments et aux souvenirs, radieux, ou plus obscurs. Il parla de danger. C'était chose possible. Il était certain que, si les révélations ne se faisaient qu'à sens unique, j'allais finir par me terrer à mon tour dans l'absence de paroles. Le partage devait être fondé sur des valeurs d'équité.

Pourtant, si j'appartenais à la caste supérieure et, que je répugnais à l'idée qu'autrui me domine tant par la parole que par les actes, le phénomène n'était pas accentué avec Orme. Je tolérais sa distance, car en l'absence de jeu ou de bataille, un amour est voué à l'échec. De même, jamais je ne m'étais senti aussi bien dans les bras d'un garçon. C'était lui, et personne d'autre. Je savais qu'il s'en rendait compte.

Il fit alors cause de ses problèmes. L’œil aiguisé, et l'oreille alerte, je ne devais pas laisser échapper la moindre bride de son discours. La rareté des choses en fait la préciosité. S'il était certain que les troubles qui sévissaient dans son esprit n'étaient guère les miens, il me semblât comprendre, dans quelle mesure ceux-ci l'affectait, et je voyais une certaine logique à son raisonnement. Néanmoins, mon cœur eut un raté, lorsqu'il évoqua le fait que le temps lui manquait. J'avalai ma salive avec difficulté. Il était cause de sa maladie, je le savais. Celle-ci même, qu'il cherchait en tout point à minimiser. Mais le tabou était brisé. Elle était donc infiniment plus grave que ce qu'il évoquait précédemment.

Un poison malsain se mêla alors à mon sang, telle une encre nauséabonde, qui battait dans mes tempes de façon violente et douloureuse. Il acheva alors sa tirade sur des excuses sincères, qui me paraissaient de moins en moins justifiées. Je m'adossai alors contre l'épaisse baie vitrée, et scrutais le visage de mon compagnon. Après quelques instants de réflexion, j'entrepris de lui répondre, de façon brève, et concise.

-J'comprends.

Mon regard balaya alors le sol, comme si le courage que je devais réunir pour poursuivre mes paroles s'y trouvait.

-Pourquoi tu m'as rien dit... Tu m'as assuré que tu mourrais pas de ta maladie et... pourtant... tu me dis que t'as pas beaucoup de temps...

Un certain nombre de mots me venaient en tête, pour tenter de rassurer Orme. Mais avant tout, il me fallait en avoir le cœur net. Était-il possible ou non, que l'ange me file entre les doigts en raison d'un mal infâme ? Si ma réaction, bien que tendue, n'était pourtant pas des plus intenses, c'était en effet parce que je ne réalisais pas ce qui venait d'être dit. J'essayais de mettre tout ça sur le compte d'autre chose, que ce qui gangrénait son corps. Peut-être sa langue avait-elle fourché, peut-être avais-je mal entendu, ou mal compris... Assure-moi que j'ai tort, Orme. Je t'en supplie.
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Orme n'avait qu'une envie : se réfugier dans les bras d'Ulrich et se laisser bercer. Ce désir ne lui était pas étranger et souvent, vaguement, il avait songé au repos délicieux que serait une étreinte protectrice. Quand il avait été assez lucide, auparavant, pour ne pas refouler ses pensées masculines, c'était cette image qui surtout qui était revenue dans son esprit, plus qu'aucune autre, plus qu'aucune étreinte charnelle et brûlante. Deux bras qui l'eussent soustrait, pour quelques minutes, à l'adversité du monde.

Désormais, il n'osait plus y penser. Alors même que la présence à ses côtés d'Ulrich avait rendu ses rêveries les plus intimes possibles peut-être, cette douceur précisément lui paraissait interdite, tant il lui semblait que son rôle n'était pas d'être protégé mais de protéger et qu'il ne devait faire paraître, pour que cette entreprise fût fructueuse, aucune marque de faiblesse. Ulrich avait besoin de lui et ce n'était pas au fugitif d'apaiser ses médiocres chagrins.

Ce raisonnement dangereux n'avait pas joué un médiocre rôle dans la réticence qu'Orme avait mise jusqu'à lors à se livrer, même si son caractère réservé en avait fait la plus grande partie. Mais ce jour-là, tout en prenant une fois de plus conscience du rempart qu'il devait être entre Ulrich et les dangers de l'extérieur, Orme se sentait trop faible, trop épuisé et trop nerveux pour tenir parfaitement son rôle.

La réaction d'Ulrich lui serra d'abord un peu le coeur. Tout en s'estimant coupable, Orme avait espéré que son compagnon quitterait sa baie vitrée, viendrait à lui et le consolerait. Cette distance que le jeune homme maintenait entre eux lui semblait comme une condamnation et le Padawan gardait les yeux rivés au sol, dans une démonstration d'évidente culpabilité. A la question de son compagnon, il répondit d'abord d'une voix un peu lointaine.

— C'est compliqué.

Il fut tenté un instant de renouer avec son habituel silence et de ne pas fournir d'explications, mais il ne voyait que trop bien que l'heure n'était plus évitement et que puisqu'il s'était engagé dans le chemin de la sincérité et de la transparence, aussi douloureux lui fût-il, il fallait le parcourir jusqu'au bout. Le Coruscantien abandonna sa station debout pour aller se réfugier dans le fauteuil qui l'avait accueilli, quand il était rentré dans l'appartement.

— J'ai l'impression que je n'ai pas beaucoup de temps. C'est juste... Comment dire ? Les crises, à chaque fois, j'ai l'impression que je vais mourir. En fait, c'est pas vrai. Selon les Guérisseurs du Temple, il n'y a aucune raison particulière que ça me tue demain, si ça ne l'a pas fait jusque là. Selon eux, ce serait pas plus dangereux que... j'sais pas, de l'asthme. Enfin, pas pour moi, du moins.

Mais quand j'étais enfant, les médecins n'étaient pas si optimistes. Et puis ça fait tellement... mal. C'est difficile de se raisonner.


Et puis, il y avait les missions, bien entendu. Cela, il n'en parlait pas, tant la chose lui semblait évidente, mais sa vie, indépendamment de sa maladie, était dangereuse, comme celle de bien des Jedis. En temps de troubles comme en temps de paix, les raisons ne manquaient pas pour qu'un membre de l'Ordre rencontrât dans ses aventures une mort prématurée.

— La vérité, c'est qu'je suis pas toujours très raisonnable. Quand j'me retrouve seul avec moi-même, j'veux dire. Tu sais, parfois, je me sens tellement, tellement fatigué... et tellement seul. J'ai besoin de toi.

Orme avait recommencé à triturer nerveusement le bout de ses manches, les plis de son pantalon, le coussin du fauteuil, et son regard n'avait manifestement toujours pas trouvé le courage de revenir rencontrer celui de son compagnon. Cet aveu de faiblesse était peut-être de tous celui qui coûtait le plus cher à Orme, car le jeune homme avait l'impression de détruire l'image qu'il s'était construite dans l'esprit d'Ulrich.

— Je sais que je devrais tout le temps te protéger, et être fort, et tranquille, et solide, pour que tu puisses te reposer sur moi, mais là, j'me sens juste fragile et... et... et je voudrais que tu me prennes dans tes bras, et que tu me dises, j'sais pas... des trucs. N'importe quoi.


A ces mots, Orme se pelotonna un peu plus dans le large fauteuil, comme si se faire tout petit réduisait le poids de la faute qu'il s'imaginait.
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Spoiler:

Grondement, Tonnerre, Ombres et Lumières. Une pluie salvatrice purifia les terres de mon âme, et y dissipa les brumes du doute, sous lesquelles se dissimulait la bête infâme nommée Effroi. Frappée par la foudre, elle gisait au sol, et poussait un râle d'agonie, à mesure que ses chairs impies se désagrégeaient. De ses ossements, naquirent l'étendard d'une victoire. Et de ses cendres, une terre meuble et fertile dans un paysage déchiré, mais apaisé.

Orme semblait sincère. La maladie ne le tuerait pas. Il m'en avait trop dit, pour paraître enjoliver la réalité. C'était un fait. Il en souffrait. Il avait peur. Mais il n'allait pas mourir. C'était en cela, que se situait la vérité que je recherchais. Mais celle-ci était embaumée de sombres possibilités, et il était dangereux de m'y aventurer. Orme l'avait fait lui-même. Il avait déchiré ce cocon fait de macabres théories, et si ses ailes battaient à présent tristement, dans une cadence terriblement mélancolique, leur blancheur luisait d'espoir.

Ses confessions m'allaient droit au cœur. Enfin, il entrebâillait la porte de son esprit torturé, dans une ouverture suffisamment large pour que je puisse m'y faufiler, mais suffisamment étroite pour me rappeler qu'il fallait que j'y m'y invite avec douceur, et précaution. Je quittai alors la baie vitrée. L'heure n'était pas à l'éloignement. Mes pas me portèrent à côté de lui, sur le fauteuil. Mes mains jointes entre mes genoux, et mon regard dans le lointain marquèrent un temps. Je savais très bien ce qu'il me fallait dire, mais je savourai quelques instants les effluves de ce silence gracieux avant de parler.

-C'est bien ce que tu as fait. Pour commencer, t'as terminé tes phrases ni par "C'est pas intéressant", ni "C'est idiot." Je sais pas si j'ai toujours l'air d'écouter ce que tu me dis, pour que tu aies ces réactions à chaque fois. Tout ce que tu dis m'intéresse, tu sais. Ça sort de ta bouche, et pas d'une autre. Ça me suffit pour que j'y focalise toute mon attention.

Briser le manque de confiance d'Orme était une tâche difficile, mais je m'y attelais avec optimisme et ambition. Et il me parut ne pas être trop mauvais. Point besoin d'enrober mes phrases de plus de mots et d'explications, lorsque seule, sonnait la vérité.

-Si t'es seul à m'écouter, seul à me réconforter, ça va finir par casser, entre nous. Toi, tu vas craquer. Ou c'est peut-être moi, qui arrêtera de te parler. J't'envisage pas comme une machine à tendresse. Bien sûr, que tu m'apportes du réconfort. Mais je vois pas les choses comme ça. J'ai besoin d'une réciprocité, moi aussi. Ça sert à rien de te fermer, c'est vraiment pas ça qui nous rendra plus forts. Arrête de penser à nous comme deux personnes différentes. Oui, on en a des différences. Mais ce qu'on est en train de construire, ça n'a rien à voir. C'est une entité qui va au-delà des paroles, au-delà des actions. C'est pas à envisager au cas par cas. C'est un nous. Pas un toi, pas un moi.

Je déliai mes mains, et posai celle de droite sur le genou de mon compagnon.

-Je te suis vraiment reconnaissant de te mettre dans cette position, avec moi. C'est la première fois, et ça fait du bien. Mais toi aussi, t'as besoin de te décharger de temps en temps. C'est pas ça qui va me meurtrir, ni te faire passer pour un faible. Ça comporte simplement le risque de t'humaniser un peu plus. La seule chose dont je pourrais souffrir, c'est de ne pas pouvoir t'aider. Et forcément, si tu me donnes aucune arme pour y arriver, ne serait-ce qu'essayer... Je sais que toi aussi, t'as des problèmes. C'est bien que tu t'ouvres à moi. Ça fait du bien, de parler. Ça fait du bien de parler à quelqu'un en qui on a confiance. Je sais que tu me fais confiance. Et même si tu penses qu'il n'y a aucune solution à ton problème, t'empêche pas pour autant de m'en faire part. Garde des choses pour toi, si tu veux. Mais en aucun cas, il ne faut que ce soit lié au fait que tu as le sentiment que toi seul doit me protéger. Moi aussi, je veux veiller sur toi. Je m'en sens capable.

Le soleil était déjà haut dans le ciel nu. Mon regard se riva sur le visage éclairé de mon interlocuteur. Il était beau. Dans la joie, dans la peine, dans le doute et dans la colère, il était beau.

-Il faut que tu vives un peu pour toi, Orme. Ça peut te paraître facile de dire ça. Et ça l'est, j'ai pas ta maladie. Je vis pas ce que tu vis tous les jours. Mais si les guérisseurs sont conformes là-dessus, alors ne crains rien. La médecine de la Force est une bonne chose.

Je commençais à présent à saisir le respect qu'avait Orme pour l'Ordre. Il n'y avait rien d'institutionnel là-dedans. Sans lui, il serait peut-être mort depuis des années. Le garçon ne vivait pas que pour la Force. Il vivait aussi par la Force. Aveuglément, je scellai alors dans un écrin d'airain une pensée funeste. Celle que l'ange, porté par les vents, séduit par le soleil que je représentais à ses yeux, comme un héros des temps anciens, s'y brûle les ailes. Si je venais à troubler la Force qui le maintenait dans les cieux, les conséquences pourraient être terribles. Mais à présent, comme un ciel n'a de légitimé qu'en présence d'un soleil, il y avait fort à parier qu'Orme avait besoin de ma lumière pour le guider.

-Dans la vie, il faut savoir être un peu égoïste. Et tu le sais, je parle en connaissance de cause. Quand je ne suis pas là, avec toi, tu dois pas toujours te démener pour les autres -avec moi non plus d'ailleurs. Pense un peu à toi. Et si ta vocation, c'est vraiment d'aider... Quand tu auras trop donné, que ta santé physique et mentale ne suivront plus, qui sera là pour eux ? Certainement pas toi. Préserve-toi. Quand tu viendras chez moi désormais, ce sera pour te ressourcer.

Je m'approchai alors de lui et, toujours assis sur le fauteuil, entourais son corps de mon bras droit, et y glissait ma main dans ses cheveux, tandis que sa jumelle se plaça sur son cœur. J'offris un tendre baiser sur son front, et approchais son corps du mien, de sorte à déposer sa tête contre mon torse.

-Moi aussi, je suis là pour toi. L'oublie jamais.
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Orme eut le droit à une leçon de vie. Une vraie leçon de vie — pas l'un de ces sermons rébarbatifs que certains Chevaliers Jedis un peu pontifiants, généralement ceux auxquels l'on avait jugé bon de ne pas confier de Padawans, se croyaient obligés d'infliger à ceux dont ils croisaient le chemin, composés à moitié par des banalités, à moitié par des vérités importantes mais incompréhensibles pour les esprits auxquels ils tentaient dans les imposer ; sermons toujours reçus par Orme avec des remarques... colorées.

Une vraie leçon de vie : une leçon précieuse, rassurante et encourageante. Orme avait reçu des leçons dans bien des domaines et, malgré ses airs rebelles, il avait écouté celles qui comptaient avec beaucoup d'attention. Des leçons de sabre, d'anatomie, de pilotage, de maniement des armes, de diplomatie (enfin, en théorie), de géographie, d'ingénierie. Mais de vie, point tellement. Son précédent Maître avait une dignité un peu réservée qui s'y prêtait mal et il ne connaissait pas assez Ellana pour en être arrivé à ce point.

Et puis, Ulrich abordait un domaine dans lequel Orme n'avait absolument aucune expérience. Comme par ailleurs sa consommation de romances holographiques était proche du néant, le jeune homme n'avait pas non plus beaucoup de codes attendus sur lesquels s'appuyer. Alors la construction d'un couple, la réciprocité, la nécessité de ne pas vivre uniquement pour l'autre, toutes ces observations pourtant fondamentales, il les ignorait complètement et quand elles passaient par son esprit, ce n'était qu'après un long, pénible et tortueux travail d'élaboration personnelle.

Alors, sagement, attentivement, il écouta les propos d'Ulrich. Tout cela lui semblait très logique. Et le Coruscantien n'était pas le genre de personnes qui jugeait qu'une chose n'était belle que tant qu'elle se soustrayait à la raison et il trouvait au contraire beaucoup plus réconfortant et beaucoup plus harmonieux que les sentiments ne se répandissent pas au hasard dans un sinistre chaos. Oui, il y avait quelque chose à construire, à bâtir, des manières de procéder dont on pouvait discuter, et il trouvait cela très réconfortant.

Jamais personne n'avait pris la peine de soulager ses angoisses ou, plus sincèrement, il n'avait jamais laissé à personne l'occasion de le faire. Alors, bien entendu, Ulrich venait à nouveau de se parer à ses yeux d'une aura miraculeuse et parfaitement héroïque, et Orme n'était pas loin de le considérer comme la personne la plus intelligente et la plus sage de l'univers. Il lui restait tout de même un peu de bon sens pour tempérer les élans de son âme, mais il avait très nettement l'impression que son coeur cherchait à se détacher de sa poitrine pour rejoindre Ulrich et qu'une immense béatitude un peu stupide l'envahissait des pieds à la tête.

Car tout irait bien. Ils se parleraient, ils résoudraient tous leurs problèmes, ils triompheraient du monde entier et vivraient heureux pour l'éternité. Orme avait envie d'y croire pour quelques heures et même si une partie de son esprit se montrait plus raisonnable, cette partie même n'en voyait pas moins le présent et l'avenir avec beaucoup plus de tranquillité et d'optimisme désormais. Enfin, le Padawan comprenait ce que l'on avait voulu lui dire en affirmant que se livrer, parfois, était un soulagement — encore fallait-il trouver une oreille compatissante.

Bien entendu, il n'était pas tout à fait certain de pouvoir toujours appliquer ces conseils, mais au moins les avait-il entendus et y songerait-il. Orme n'était pas un naïf. Il se représentait bien que cette sensation de résolution parfaite n'était pas suffisante, mais il comprenait également qu'elle était nécessaire et que ses difficultés personnelles, à l'avenir, ne seraient plus insurmontables : elles seraient complexes, douloureuses, mais problématiques, c'est-à-dire avec une solution.

Il posa sa tête contre le torse d'Ulrich et poussa un soupir de contentement. C'était cette étreinte là, il le comprenait maintenant, dont il avait rêvé pendant toute son adolescence. Il n'était pas déçu. Elle était parfaite. Elle était à vrai dire d'autant plus désagréable qu'elle naissait de leurs traumatismes : de la cicatrice, de l'incompréhension, de ses névroses, de la réaction d'Ulrich, de sa confession. C'était en quelque sorte le repos des guerriers.

Envahi par ce bien-être, Orme réprima un bâillement. La fatigue qui le possédait après trois semaines de combat et de traque lui paraissait désormais un épuisement sain, plutôt qu'une lassitude désespérée. Il jeta un coup d'oeil au ciel de Coruscant, avec cette habileté de natif à déterminer l'heure de la journée en observant la luminosité de l'atmosphère. Dix heures, dix heures et demie, peut-être un peu plus encore.

Il se redressa pour regarder Ulrich. Après une légère hésitation, il murmura, un peu timidement :

— Est-ce qu'on peut aller dormir ? Juste une heure ou deux, avant de manger. J'voudrais... C'était agréable la dernière fois, et cette fois-ci, en ouvrant les yeux, je voudrais te voir près de moi. Et puis j'suis crevé, aussi, hein, bien sûr.

Il faillit rajouter que cette proposition n'était peut-être pas très intéressante, mais, fort des leçons d'Ulrich, s'abstint de ce commentaire.
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Cette étreinte à sens unique avait quelque chose de revigorant. La créature céleste avait besoin de moi. Et si j'incarnais un calme plat ou, à l'inverse, un ouragan tourmenté, lorsque la situation s'y prêtait, je savais aussi me faire alizé, frais, doux et porteur. Dans mes bras, l'ange repliait ses ailes, et construisait son nid contre mon torse. Je prenais conscience qu'enfin, j'étais capable de venir en aide à Orme. De le rassurer. Mes mots semblaient avoir eu l'effet désiré.

Si avec Orme, je n'avais pas toujours confiance en moi, je parvenais à le faire paraître. Et c'était en cela, que constituait un premier pas vers la guérison. Je le berçais alors, souhaitant ardemment pourfendre ses tourments, et apaiser ses émotions d'un voile protecteur. Moi aussi, j'étais une personne forte, apte à l'aider. Nous restâmes ainsi dans cette position quelques instants, dans une sérénité probante.

Le jeune homme me fit alors part de sa fatigue. Il voulait se reposer et... me retrouver à ses côtés, lors de son réveil. Je pris conscience à quel point ma disparition avait dû le plonger dans l'horreur. Il s'était éveillé, en trouvant en tout et pour tout la trace de mon appui sur son lit, quelques draps froissés, et une simple lettre, sur son bureau. Après quoi, plus aucun signe de vie.

Je n'aimais pas à me retrouver dans ma nouvelle chambre. Elle était manutentionnaire de bien trop nombreuses afflictions. Les marques d'un passé douloureux avaient entaché ses murs, et les miasmes nauséabonds de réminiscences obscures avaient vicié l'air de la pièce. La seule que je n'avais pas encore dévoilé à Orme. Celle qui accueillait mes hantises et mes songes accidentés. Mais peut-être qu'en sa compagnie, je parviendrais à chasser ces fièvres maudites.

Je glissai alors ma main dans ses cheveux une dernière fois et me levai, guidant mon partenaire du bout des doigts. Nous marchâmes alors en direction de la porte blindée et, à notre gauche, coulissa une autre porte, lorsque j'actionnai un digipad sur le mur. Se dévoila alors à nos yeux une pièce plus petite que les précédentes, dont les stores ne laissaient perler qu'un mince ruissèlement lumineux. Mon appartement, situé à l'angle de l'immense tour Oxygen, bénéficiait donc de deux façades donnant sur l'extérieur. La fenêtre de ma chambre était cependant plus petite, à peine plus haute que celle que je possédais dans mes quartiers, au Temple.

Capharnaüm. Un désordre profond sévissait dans la pièce qui accueillait mes rêveries nocturnes. J'avais spécifié au droïde ménager de ne jamais y pénétrer. Et pour cause, j'avais besoin de ce chaos pour me retrouver avec moi-même. En face de nous, la fenêtre dont il était question. Sur notre droite, un lit deux places, dont les couvertures étaient chiffonnées. À gauche, une porte entrouverte menant à ma penderie et, à côté de celle-ci, un piano droit, et un bureau, sur lequel étaient entassées de nombreux dossiers, de multiples paquets de cigarettes, et un datapad. Fort heureusement, j'avais songé à aérer la pièce. Je me frayai alors un chemin au travers des vêtements et des paires de chaussures, dispensées de-ci de-là. Parcimonieusement, quelques rayons lumineux filtraient, mais aucun n'atteignaient mon lit. Nous pourrions nous reposer, sans être dérangés.

-Désolé, c'est le bordel.

Je tirai alors les draps, pour que nous puissions nous y faufiler. Je tournai alors le dos à Orme, et entrepris de retirer mon pantalon et mes chaussettes. J'avais pour habitude de dormir en caleçon et en tee-shirt. Et s'il était évident que la présence d'Orme pourrait attirer mon esprit vers d'autres chemins que celui du sommeil, je répugnais à l'idée de dormir tout habillé, pour des questions de confort et de température. Je me glissai alors sous les couvertures, du côté droit du lit, non loin de la fenêtre. Je manipulai alors l'holoréveil, qui affichai 10h22. Il nous réveillerait pour 12h30.

Je me tournai alors en direction de l'emplacement, toujours vide, dédié à Orme, les yeux clos, pour ne pas faire atteinte à la pudeur de mon compagnon, au cas où il se dévêtirait d'une partir de ses vêtements. Mais au fond de mon âme, c'était bien ce qu'une partie de moi désirait. Je n'étais pas foncièrement fatigué et, depuis mon enfance, je n'avais jamais aimé m'adonner à une sieste, en pleine journée. Avec ce corps parfait à mes côtés, la "nuit" allait être longue, et ne faciliterait en rien l'éventuelle venue de mon repos.
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Rassuré par les discours, Orme l'avait été. Mais quelque chose en lui exigeait des témoignages plus matériels, plus concrets, de la sécurité retrouvée. C'était pour une raison semblable qu'il trouvait que la Force était une religion de loin très supérieure à tous les cultes locaux qui s'éparpillaient dans la Galaxie : elle offrait des preuves tangibles de son existence. Orme n'était pas capable de croire les yeux fermés s'il ne sentait pas que sa main pouvait se poser sur le réel.

De manière un peu irrationnelle, cette sieste constituait pour lui un pas décisif dans leurs retrouvailles. Cette fois-ci, son esprit avait retrouvé son innocence d'antan et ce n'était pas à une étreinte de la chair qu'il songeait. Non, très exactement, ce qu'il espérait, c'était ce qu'il avait dit à son compagnon : dormir près de lui, contre lui, ouvrir les yeux et le trouver là à son réveil. Alors il saurait que ces retrouvailles n'avaient pas été une fantaisie fragile de son esprit.

Un sourire s'installa donc sur son visage quand le jeune homme accepta silencieusement sa proposition. Orme n'était pas stupide. Il savait très bien que les nuits d'Ulrich devaient avoir été agitées. Il avait connu lui aussi des missions difficiles et savait combien les souvenirs étaient difficiles à chasser, à maîtriser, à domestiquer. Sans doute ce sommeil serait une épreuve mais, secrètement, Orme espérait pouvoir en triompher.

Il se laissa guider à nouveau, toujours un peu décontenancé par les proportions inhabituelles, pour lui, de l'appartement d'Ulrich. Et quand la porte révéla la chambre de son compagnon, pas une seule seconde le jeune homme ne trouva qu'elle était trop petite ou même plus petite que les autres pièces ; dans son esprit habitué aux habitations hyper-concentrées des niveaux populaires de Coruscant, toutes les pièces de cet appartement était gigantesque.

Quant au désordre, si Ulrich ne l'avait pas mentionné, Orme n'y aurait sans doute pas prêté la moindre attention, habitué qu'il était lui-même à ne pas accorder au rangement une importance primordiale. Une bibliothèque bien classée, c'était agréable, mais un lieu de vie n'était pas une étagère et Orme aimait que l'existence de ceux qui l'habitaient se répandissent autour d'eux, au mépris des conventions et de la géométrie. Il préférait de loin cette chambre au reste de l'appartement.

Ce ne fut que lorsqu'Ulrich commença à retirer ses effets, le dos tourné, qu'Orme prit conscience d'un détail pratique qui lui avait échappé dans son beau projet chevaleresque. On ne dormait pas tout habillé. Un peu malgré lui, les yeux du jeune homme s'égarèrent sur les fesses d'Ulrich. Sur ses jambes. Le Padawan se prit à espérer qu'Ulrich dormît nu — mais non, hélas, la découverte s'arrêta là et les draps cachèrent bientôt le corps de son compagnon à son observation plus très innocente.

Mais désormais, c'était à son tour, et Ulrich avait beau avoir les yeux fermés, le défi n'en demeurait pas moins considérable. Orme essayait de se convaincre que les propos que son compagnon venait de lui tenir l'avaient parfaitement rassuré et que, vraiment, il n'y avait plus en lui la moindre ombre de névrose. Puis il essaya de se convaincre que, de toute façon, les draps le cacheraient entièrement. Enfin, il essaya de se convaincre que ce ne serait pas étrange de dormir tout habillé.

Il était à deux doigts de proposer à Ulrich d'aller finalement faire une partie d'échecs quand il comprit qu'abandonner en cet instant reviendrait à nier aux consolations de son compagnon toute efficacité. Ce n'était pas possible. Il n'en avait pas le droit. Alors, lentement, d'une main un peu tremblante, Orme se défit du haut qu'Ulrich lui avait prêté, il se défit de son pantalon et, une fois en boxer, se faufila dans le lit.

Son coeur martelait sa poitrine et une vague d'angoisse montait en lui. Il savait très bien ce qu'il avait à faire : ne pas se laisser dominer par ses peurs et en chercher le soulagement non pas loin d'Ulrich, mais près de lui, comme il l'avait fait quelques minutes plus tôt. Alors, après une petite hésitation, Orme s'approcha de son compagnon et se pressa contre lui, déposa sa tête sur son épaule, sa main sur son torse et une jambe au-dessus des siennes.

Dans un murmure, il souffla :

— J'suis désolé, j'suis un peu... C'est pas... J'ai pas l'habitude et... Mais c'est bien. J'aime bien.

Et il ferma les yeux, pour savourer cette chaleur que ce corps aimé communiquait au sien et qui dissiperait, il en était certain, ses peurs puériles.
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Alors que mon compagnon se glissait dans mon lit, sur mes terres, je n'étais conscient d'aucune façon du tourment qui l'habitait. Mes yeux s'entrouvrirent, alors qu'il glissait son corps contre le mien. Je me tournai alors de son côté, positionnant sa jambe entre les miennes, et passant mes bras autour de lui. Le contact de nos cuisses, de nos mollets et de nos pieds éveillait en moi une vive excitation, que je tentais de maîtriser.

Je fermai alors les yeux, pensant que si j'ôtais l'image à mon esprit, sans doute serais-je amené à penser à autre chose. À l'inverse, celui-ci ne tarda pas à se focaliser sur la moindre parcelle nue de nos peaux en contact. Mue d'une saine tendresse, cette exaltation corporelle était, quoique gênante, préférable aux peurs et aux cauchemars. Je me revoyais tuer ces hommes. Pas celui du nightclub sur Coruscant, non. Lui, bien qu'étant ma toute première victime, avait été abattu proprement, à force de rafale de blaster. Et si l'outrage dans mon esprit était peut-être davantage lié à l'assassinat d'un compatriote de mon propre monde, mes fièvres nocturnes naissaient davantage de mes autres meurtres.

La torture de mon esprit résidait dans cet absence de remords que j'avais à leur égard. Leur mort était méritée. Mais l'était-elle d'une façon si odieuse ? Mes mains s'aventurèrent plus avant sur le torse d'Orme. Il était la source de mon réconfort, la lumière de ma bienpensance, et le traqueur des bêtes infectes qui émergeaient de la nauséeuse couvée qui avait pris position dans mon cœur.

Je devais conserver cette image de protecteur, avec Orme. Et pour ce faire, il me fallait terrer au plus profond de mon être ces sensations maudites, et ces images mortuaires. Il avait les yeux clos, les miens l'étaient aussi. L'heure était à l'assoupissement. Alors, rien ne pouvait me trahir.

Bien des modifications avaient été exercées sur moi, en quelques semaines. Alors que l'ange que je tenais contre moi avait chassé partie de mon orgueil, et m'avait enseigné -peut-être malgré lui, bien des vertus, la modification de mon être s'était belle et bien opérée, les jours suivants. J'avais connu la saveur du meurtre. Et celle-ci, aussi banale fût-elle pour les faux-prophètes du Temple qui, au cours d'ampoulées conversations, s'évertuaient à en signifier une importance de façade dont ils n'avaient cure, avait été exercé avec une cruauté que je ne me connaissais jusqu'alors pas.

Dans mes instants de lucidité, mais aussi de douleur, je reconnaissais y avoir pris du plaisir. Je m'étais délecté de leur souffrance. J'avais abattu le glaive de la justice, alors même que le craquement de leurs os et les giclements d'hémoglobine ponctuaient l'hymne de ma rétribution. J'avais abattu sa vindicte avec une jouissance libidineuse.

Cette énergie noire me revint en mémoire. Celle-ci même qui, partie de l'impulsion d'un courant électrique, avait pris naissance dans mon cœur et, pourfendant la lumière, s'était aventurée sur toute la longueur de mon bras, jusqu'au crane du gardien de cette geôle. J'avais senti son cerveau imploser sous ma paume, et les vapeurs nauséabondes qui avaient suivi le sillage de sa chute, avaient envahi l'espace d'une âcre odeur de chair brûlée.

Je n'avais pas tout dit à Orme. Mais en aucun cas, il ne fallait que je lui fasse part de ces expériences nouvelles. Sans doute y verrait-il la raison de mes tourments. Il ne comprendrait pas. À mesure que je sombrais dans le sommeil, et que la pierre de mon âme s'enlisait dans les bourbes de ces pensées obscures, mes doigts s'agrippaient davantage dans la peau de mon compagnon. Mes perceptions me quittaient progressivement, et l'inconscience du sommeil en en prenait leur place.

Soudain, une sensation morbide secoua mes rêveries naissantes. Qu'était cette chose, prostrée contre moi ? Qu'était ce corps, que j'enlaçais dans mon lit ? Mes yeux s'ouvrirent. Je découvris un visage totalement blanc, aux yeux exorbités, le regard éteint, tourné vers le haut, dans une expression de douleur certaine. Sa nuque était désaxée d'une façon atrocement anormale, et de sa gorge coulait sur mon avant-bras un sang noir. Dans un sursaut, je poussai violemment le macchabée et m'extirpai du lit. Mes yeux s'étaient ouverts. Pour de vrai.

Je me tenais debout, ruisselant de sueur, et je toisais Orme, qui n'avait décidément rien de commun avec le cadavre, si ce n'était que je l'avais réellement projeté au bord du lit. Je lui adressai un regard désorienté, alors que mon souffle haletant était ponctué de frémissements.
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Tout innocent qu'il fût, et peu expérimenté, Orme n'en était pas moins un garçon en fin d'adolescence, et ce corps près du sien, sa nouveauté, sa chaleur, ses lignes qui avaient habité pendant trois semaines des rêves tour à tour sombres et brûlants, eussent réveillé son désir si l'épuisement dont il avait parlé n'avait été qu'une excuse pour attirer Ulrich dans la chambre ; mais sa fatigue était bien réelle et, malgré cette proximité désirable, et la course des mains de son compagnon sur son torse, le Padawan eut tôt fait de s'endormir.

Le Padawan avait le sommeil le plus calme du monde. Les affres des missions ne venaient pas peupler de leurs souvenirs ses rêves. D'ailleurs, ce dont il rêvait, il ne s'en souvenait que rarement. Il lui semblait que son esprit cessait tout à fait de fonctionner pendant les quelques heures qu'il passait à se reposer. Il était vrai que, lorsqu'il ne rentrait pas d'éprouvantes missions, il avait passé sa journée entre entraînements et études également intensifs et, le soir, tout son être n'aspirait plus qu'à une quiétude parfaite.

Ce jour-là ne fit pas exception à la règle. Rapidement endormi, Orme demeura presque immobile contre son compagnon, et ses quelques mouvements se contentaient de se pelotonner un peu plus contre Ulrich. De temps en temps, un petit gémissement endormi lui échappait, sans qu'il fût vraiment possible de savoir de quel rêve il naissait. Jamais Orme n'avait l'air plus angélique que dans ces moments de sommeil profond.

Il était en réalité d'autant moins susceptible de s'agiter que son sommeil, cette fois-là, n'avait rien de naturel et participait des techniques de méditation approfondie des Jedis. Orme était ben décidé à mettre ces deux heures à profit pour réparer une bonne partie de sa fatigue et il lui fallait pour cela concentrer dans les quelques minutes qui s'offraient à lui les bienfaits d'une longue nuit de sommeil. Sans être un maître de la technique, il en avait de bonnes bases.

Il ne sentit donc pas les tourments qui secouaient le sommeil d'Ulrich. Mais lorsqu'on le projeta à l'autre bout du lit, les réflexes du guerrier se réveillèrent soudainement et Orme bondit du lit pour atterrir tout près d'Ulrich et aussitôt, la lame du sabre laser qu'il avait attiré par télékinésie pendant son sang étendit son éclat doré près de la gorge de son compagnon. Puis se rétracta aussitôt, avant qu'Orme ne lâchât l'arme au sol, en se rendant compte que personne n'agressait personne.

Emergeant de ses réflexes instinctifs qui avaient pris la place de la brume du sommeil méditatif, Orme n'eut guère de difficultés à comprendre, du moins grossièrement, ce qui venait de se passer. Ainsi sa présence n'avait-elle pas été suffisante pour calmer les angoisses d'Ulrich et, s'il était un peu déçu, il n'en était pas pour autant surpris. Ce qui le perturbait beaucoup plus, c'était que ses réflexes le portaient ordinairement à bondir sur la présence la plus obscure dans la Force. Voilà qui n'augurait rien de bon.

Enterrant autant que possible ce soupçon dans un coin de son esprit (car après tout, Ulrich n'avait-il pas été la seule présence, et donc nécessairement la plus obscure, dans cette pièce vide ?), le jeune homme se plaça devant son ami. Une fois de plus, la détresse d'Ulrich chassait de l'esprit d'Orme ses propres doutes et ses propres peurs, et le Padawan, si incertain quelques dizaines de minutes plus tôt, ne se souciait plus guère d'être presque entièrement nu.

Il adressa un sourire tendre à son compagnon et, d'une main douce, vint caresser l'une de ses joues.

— T'as failli m'faire tomber du lit. J'vais essayer de pas interpréter ça comme un message, hein.

Il essayait de plaisanter, un petit peu, pour détendre l'atmosphère. Qu'y avait-il d'autre à faire ? Il ne chasserait pas les cauchemars en quelques mots et la blessure d'Ulrich, comme toutes les blessures, exigerait du temps pour se cicatriser. Il n'allait pas non plus lui faire le menu des platitudes de circonstance : qu'il était là, qu'il n'y avait rien à craindre, qu'il le protégeait, etc. Cela, c'était évident, et des gestes le montreraient très bien.

Orme déposa son autre main sur la hanche d'Ulrich et attira un peu son compagnon à lui, pour poser son front contre le sien.

— Désolé pour le sabre. J'suis un peu nerveux au réveil. Essaye pas d'me chatouiller, t'y perdrais tes doigts.

Au moins avait-il démontré à Ulrich que la protection qui lui offrait n'était pas tout à fait sans efficacité.
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Tout s'était passé si vite. Alors même que je commençais à faire la nuance entre le monde du songe et la réalité, le vrombissement d'une épée laser avait fait surgir une lame d'or à quelques centimètres de ma gorge. Il sembla alors que nous comprîmes ce qui s'était produit au même instant. Sa réactivité m'impressionna doublement. S'il avait su agir d'une façon instinctive, tel un guerrier toujours aux aguets, et simulant l'endormissement, il ne tarda pas à immédiatement apaiser l'atmosphère, qui aurait pu se révéler tendue.

La hampe métallique de son arme de sentinelle chuta sur la moquette, dans un bruit mat. Il dissipa instantanément une partie de mes angoisses, de par ses gestes, et ses mots. Ébahi de ce qui venait de se produire, je déglutis péniblement, positionnant avec difficulté un regard craintif dans ses yeux noirs. Il appuya alors son front contre le mien et, une main sur ma joue, l'autre sur ma hanche, il m'offrit une nouvelle fois la preuve de sa tolérance face à mon acte inconsidéré.

-Ok... Promis.

Un léger sourire avait pris naissance sur mon visage, et il me parut sur les ondes négatives qui m'habitaient alors disparurent. Je lui caressai vigoureusement le dos, avant de me détacher de lui, comme pour, d'une façon muette, lui exprimer qu'il n'avait rien à craindre. "Tout va bien. Ne t'inquiète pas."

-Va t'allonger. Je te rejoins dans cinq minutes.

Il me fallait une cigarette pour enterrer ce qui venait de se produire. Je me détournai alors de lui, ouvris la fenêtre, et en saisissait une depuis l'un des paquets disposés sur mon bureau, à portée demain. J'actionnai alors mon antique briquet, et la flamme lécha le papier, en changeant les miettes de tabac en braises rouges. Je tirai une première bouffée, tout en observant la ville. Si l'action pouvait légèrement paraître égoïste, je me confortais sur l'idée que les nuisances sonores citadines, bien que minimes, en raison de l'élévation de mon appartement, ne perturberaient pas outre mesure Orme. Originaire de Coruscant et, sans doute, de quartiers moins tranquilles que les hautes strates de la ville monde, sans doute avait-il été habitué à s'endormir, bénéficiant d'un vitrage moins performant contre le bruit ambiant.

Et puis, ce n'était l'affaire que d'une cigarette. Celle-ci se consumait alors, laissant un sillage de cendres voler dans l'air diurne de Coruscant, dignitaires des ombres qui m'habitaient. Elles me quittaient. Mais je le savais, ce n'était que temporaire. Elles reviendraient peupler mon esprit, peut-être plus violemment encore. En écrasant ma cigarette dans la boîte métallique qui constituait mon cendrier, je me laissais envahir d'une douce pensée. Je n'avais rien à craindre, en présence d'Orme.

Je fermai alors la fenêtre, actionnai un bouton pour clore les stores, et en chatouillait un autre, pour laisser se diffuser d'un petit appareil un jet vaporeux aux odeurs de plantes naturelles, destiné à détruire les particules malodorantes du tabac froid. Dans une atmosphère assainie, je m'installai de nouveau dans le lit, abattant les couvertures sur mon corps. Je me glissai alors contre Orme, une main posée sur ses cotes, et mon visage posté à quelques centimètres du sien.

-Merci de comprendre.

Dans un murmure, je lui signifiai ma reconnaissance. Il ne m'avait pas jugé, il avait saisi que mes noirs souvenirs avaient été objets de mon action irréfléchie. C'était un mauvais rêve. Rien qu'un mauvais rêve... Une torpeur lancinante se saisit de moi et, porté par les effluves de la quiétude, je m'assoupissais.

J'étais serein. Orme avait anéanti les spectres de mon passé, du moins, pour le temps de cette agréable sieste, en compagnie de celui que j'aimais.
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Orme avait beau avoir abandonné son sabre, son esprit, lui, restait toujours en alerte, un peu malgré lui, sensible aux ondes de la Force. L'obscurité de son compagnon l'obsédait. Etait-ce qu'il n'y avait pas jusque là prêté assez attention ou bien les rêves d'Ulrich, quels qu'ils fussent, avaient-ils réveillé une partie du fugitif que le jeune homme ne connaissait pas encore ? Orme avait beau tenter de ne pas y accorder trop d'importance, l'appréhension montait en lui.

Elle fut quelque peu tempérée par le changement qu'il sentit se produire, lentement, mais sûrement, en son amant. Le sourire sur son visage lui paraissait le reflet, sinon d'une quiétude intérieure, du moins d'une petite éclaircie, et Orme avait bien conscience qu'il ne pouvait espérer beaucoup plus pour l'heure. Il fallait se contenter de petits progrès et il était inutile d'attendre d'Ulrich qu'il rayonnât de bonheur simplement parce que lui, Orme Aryssie, était présent.

Le Padawan hocha la tête et retourna s'installer sur le lit, repoussant la couverture. Un bras sous la nuque, une jambe repliée, il observait le plafond, en écoutant les bruits de la ville, de la planète, de Coruscant. Son esprit s'était détourné des flux de la Force, mais il n'en était pas moins préoccupé. Cependant, il savait pertinemment que les exemples ne manquaient pas de Chevaliers qui, après une mission difficile, après une perte douloureuse, restaient pendant quelque temps proches du Côté Obscur avant de retrouver la sérénité. La chose peut-être serait encore possible.

Porté à l'action volontaire plutôt qu'au découragement, Orme décida qu'il était inutile de méditer sur ces questions et de tirer des conclusions hâtives d'un instant d'égarement. Si Ulrich allait mal, il l'aiderait à aller mieux — peu importe le temps que cela prendrait. Cette décision intérieure le soulagea : il avait un objectif clairement défini, des difficultés très précises, une manière de procéder. C'était tout ce dont il avait besoin pour se sentir revigoré.

Avec un peu de sommeil, malgré tout. Il ne fut pas fâché d'apercevoir du coin de l'oeil Ulrich qui quittait sa fenêtre et ce fut naturellement bien volontiers qu'il l'accueillit contre lui. Son bras se passa autour des épaules du jeune homme et le Coruscantien tourna le visage vers celui de son camarade. En guise de réponse à ses remerciements, il lui adressa un sourire rassurant et déposa un baiser sur son front, avant de murmurer :

— Essaye de dormir. Et si ça ne va pas, réveille-moi en me jetant hors du lit.

Puis il le regarda s'assoupir et, pendant quelques minutes encore, contempla son sommeil. Quand il fut certain que des rêves fâcheux ne venaient pas cette fois-ci le troubler, il ferma à son tour les paupières et plongea dans une méditation qu'il voulait aussi réparatrice que possible, pour que le reste de la journée ne fût pas fait de sautes d'humeur, de bâillements et de crises de nerfs. De vraies retrouvailles, enfin.

Orme rouvrit les yeux une seconde avant que le réveil ne sonnât, attira l'appareil dans sa main libre par télékinésie et coupa l'alarme. Près de lui, Ulrich dormait encore. En l'observant, Orme se sentit empli d'un sentiment confus, mais agréable, une sorte de fierté mêlée de tendresse, d'impatience mêlée de plaisir, d'inquiétude mêlée de sérénité. Cette sensation particulière, qu'il n'avait jamais connue auparavant, prit dans son esprit un nom un peu intimidant.

Sa main abandonna les épaules d'Ulrich pour se faufiler sous le bas de son tee-shirt et remonter le long du dos du jeune homme, en une longue et paisible caresse. Il lui semblait si fragile ! C'était de lui que dépendait la survie de cet être, en lui qu'il puiserait son bien-être ! Cette responsabilité séduisait le Jedi plus qu'elle ne l'inquiétait. Il réprima une soudaine envie de serrer Ulrich dans ses bras, pour ne pas le réveiller.

Mais comme il ne pouvait se résoudre à être tout à fait sage, il approcha son visage de celui du dormeur et déposa un baiser sur ses lèvres — un baiser sur son front — un baiser sur ses joues — un baiser sur ses lèvres, encore.
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Un contact doux et voluptueux se hasardait sur mon visage, puis sur mes lèvres. D'instinct, celles-ci suivirent la danse langoureuse de leurs concubines. Sans ouvrir les yeux, j'émergeai de mon sommeil, et sentais un bras de mon parcourir mon dos dans toute sa longueur. Aucun cadavre n'embrassait de façon aussi divine. Et bien que je ne me sois à aucun moment aventuré dans de pareilles expérimentations, je m'en faisais une certitude. Un léger sourire traça sur mon visage la voie d'un désir naissant.

Je m'étais assoupi étonnamment vite, dans la sérénité. Et à mon réveil, je désirais Orme de tout mon corps. Alors que nos lèvres se croisaient, que nos langues folâtraient l'une contre l'autre, et que nos bras partaient à la découverte de nos corps, je frémissais de plaisir. Qu'y a-t-il de plus souhaitable que de se réveiller dans les bras d'un amant que vous aimez, dans les bras d'un amant qui vous désire ?

J'avais perdu toute trace de mes rêves, concentré à mon réveil sur cette glorieuse union. Et pourtant, il me parut que, pour la première fois, ils n'avaient rien eu de déplaisant. Il me semblait avoir nagé dans la quiétude durant des heures. Des heures... Était-ce le fait que je retrouve un sommeil refuge plutôt qu'un sommeil angoissant, qui offrait à mon esprit la sensation d'avoir fait une nuit complète ? Je ne savais quelle heure il pouvait bien être. Peut-être n'avais-je pas entendu le réveil. Peut-être Orme, fâché de m'attendre de trop, avait-il vu en la meilleure solution de me réveiller -et il avait raison, d'éveiller en moi cette liesse sensuelle.

Peu importaient ces théories. Elles n'avaient rien à faire avec l'instant présent. Tout me paraissait anodin. Il n'y avait qu'Orme, rien d'autre que lui. Je retirai mon visage du sien, et entrouvris les yeux. Même les cheveux en bataille, après une sieste, il était indéniablement beau. Je resserrai alors ma jambe entre les siennes, et perçus non sans fierté, dans un plaisir tout aussi partagé, que de façon absolument non-contradictoire, je lui faisais de l'effet.

Mes mains parcouraient la surface de son dos nu, jusqu'alors explorées de façon prude. Mais cette fois-ci, un désir brulant m'habitait. Mes lèvres, puis ma langue, glissèrent au long de son cou, alors que mes doigts caressaient son torse, sans manquer d'effleurer ses tétons. Le désir n'était plus brûlant. Il était ardent. Et le plaisir, plus intense que jamais.

Ma jambe droite frôla alors sa jambe gauche, et je me plaçai sur lui, ses deux cuisses entre les miennes, emprisonné par mes caresses et mes baisers. Je redressai alors mon visage, de façon à porter ma bouche à son oreille, et à y susurrer quelques mots à contrecœur, et à contre-flots.

-Waoh. J'ai vraiment envie de toi, là. 'faut qu'on arrête.

Et c'était vrai. Quelque chose me soufflait de le préserver. Je lui avais juré dans la matinée de ne pas aller trop vite en besogne, que nous irions à son rythme mais, inexorablement, il me poussait dans mes retranchements. Sacraliser nos retrouvailles, nos vraies retrouvailles, celles où nos deux êtres s'éveillent au fond du même lit... Était-ce cela qu'il voulait ? L'idée me plaisait.

Décidément, Orme découvrait qu'il n'était pas seul à savoir se faire fougueux au réveil.
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Bon. Orme aurait finalement très bien pu secouer Ulrich, puisque son exploration point très innocent du visage de son amant n'était guère favorable au sommeil. Pourtant, une partie de lui aspirait sincèrement à laisser Ulrich dormir. Mais la jeunesse tempétueuse battait dans les veines du Coruscantien autant que la sagesse des Jedis, depuis quelque temps sans doute beaucoup plus, et le jeune homme ne pouvait tout à fait se contrôler.

Il se trouva qu'Ulrich, en se réveillant, ne lui fit pas de reproches très circonstanciés. Un frisson parcourut la peau du Padawan quand les mains de son compagnon se posèrent sur lui et commencèrent à parcourir un corps que le tissu ne cachait presque plus. Orme se rendait enfin compte que les rêves les plus réalistes et la réalité elle-même étaient deux choses fort différentes et il se mêlait en lui plaisir, désir et vague inquiétude.

Il sentait son corps se porter à la rencontre de celui d'Ulrich et ses mains, comme les mains de son compagnon, parcouraient une peau qu'il avait désirée, imaginée, inventée pendant trois semaines. Il en mesurait la différence avec ses pensées inexpérimentées et sous ses doigts, il lui semblait découvrir quelque chose de plus dense, de plus véritable que l'existence qu'il avait vécue jusqu'à présent, comme si ces caresses dissipaient une brume dont le monde depuis toujours pour lui eût été enveloppé.

Orme n'avait pas conscience du chemin dangereux qu'il parcourait. Le désir, si vif, éteignait en lui toutes les autres considérations. Il ne songeait plus aux multiples avertissements que l'on trouvait dans les livres des Jedis. Il ne songeait plus à l'obscurité qu'il avait perçue en Ulrich. Seule cette jambe qui remontait entre les siennes, cette main qui s'égarait sur son torse, et son corps, son corps qu'il sentait d'une manière si nouvelle, occupaient ses perceptions.

Cette ivresse ne suffisait pas cependant à tempérer entièrement une certaine angoisse. Il fut intimidé d'abord en songeant qu'Ulrich n'avait aucun mal à découvrir la manifestation de son désir. Et, surtout, il ne savait pas quoi faire. Ce dont il avait envie, cela, il le savait parfaitement : tout. Il voulait posséder, être possédé, tour à tour s'offrir et donner. Ce n'était pas la douleur qu'il craignait, mais la maladresse.

Ulrich se plaça au-dessus de lui, l'enferma dans ses bras, dans ses jambes, et alors que le désir d'Orme se précisait, alors que le jeune homme sentait, pour cette étreinte, se définir très clairement au creux de son ventre le rôle qu'il souhaitait avoir, les gestes qu'il souhaitait accomplir, alors que s'offrir à son amant lui paraissait en cet instant précisément la seule chose de la Galaxie qui importât, les mots de son compagnon se glissèrent dans son oreille.

Fidèle à lui-même et à ses sentiments composés, Orme ressentit tout à la fois une vive déception, une intense frustration, une excitation certaine et un profond soulagement. Timidement, il hocha la tête. Ses mains s'étaient posées sur les cuisses d'Ulrich, elles avaient commencé à remonter lentement ; elles s'étaient arrêtées à présent. Le jeune homme tentait de ne pas égarer son regard.

— Ulrich...

Il ne savait trop ce qu'il avait envie de lui dire. Ses gestes n'avaient-ils pas témoigné de ses désirs et de ses sentiments ? Une invitation sans équivoque faillit franchir ses lèvres, mais il se retint. Ces retrouvailles, lui non plus ne voulait pas les brusquer. La peur de mal faire n'était pas la seule impression qui l'incitait à ne pas s'engager trop vite dans des gestes si nouveaux pour lui.

Il voulait passer quelques heures agréables avec Ulrich, quelques heures sans cauchemars, sans disputes, sans incompréhensions, avant de découvrir la douceur brûlante d'une étreinte corporelle. Au fond de lui, il craignait que ce fût la seule chose qu'ils pussent accomplir et, quelque fort que fût son désir charnel, ce n'était pas ce qu'il désirait le plus.

Le jeune homme poussa un long soupir, lourd de désirs insatisfaits.

— Oui. Je vais. Peut-être. Prendre une douche. Froide. Très froide.

Et malgré la frustration, malgré l'interruption, un sourire déjà enchanté naquit sur ses lèvres.
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