Thann Sîdh
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21.574, 1er Semestre • Dortoirs du Temple Jedi.


« Ilum ! »

L’adolescente venait d’entrer en trombe dans leur chambre, y ayant sentie la présence de son amie bien avant que la porte ne s’ouvrît et l’ayant, de toute façon, bombardé de messages afin qu’elle s’y trouvât dès son retour afin de lui annoncer la nouvelle. Cela faisait une quinzaine jours qu’elle avait eu cet échange avec le Chevalier Kayan et, depuis, qu’elle avait régulièrement eu l’occasion de se rendre dans l’aile médicale du Temple afin d’en discuter plus longuement avec des Guérisseurs spécialistes de la question des syndromes post-traumatiques. Si la Padawane restait profondément ébranlée par les événements de Columex, du moins elle était parvenue à percer la chappe de duracier sous laquelle elle s’était trouvée enfermée un temps pour vivre à nouveau.

« Naaannn, t’es sérieuse ?! Tu sais ce que ça veut dire ?!

– Ooouuiii ! Je suis trop contente ! Nous allons trouver mon cristal ! »

Et aussitôt s’entama dans la petite pièce une danse de la joie frénétique qui se finit dans un roulé-boulé infernale dans les coussins.

« Mais j’y pense… Comment tu vas en voir la couleur ? Tu ne sauras même pas quelle voie se présente spontanément à toi ! »

Elles rirent, toutes enchevêtrées qu’elles étaient entre les nuages de cotons et les affaires qu’elles avaient laissés traîner depuis beaucoup trop longtemps pour être admissibles par un maître s’il venait à entrer dans la pièce.

« Bouarf ! De toute façon, ma voie, je l’ai déjà choisie, je serai une Sentinelle. Après, qu’importe la couleur, du moment que ce cristal m’appelle. Hors de question de prendre le premier venu.

– Tu es au courant que tu ne vas pas te choisir un chaton ? railla la Togruta pour continuer d’enquiquiner sa camarade. Elles ne partageaient pas le même goût pour la spiritualité et, sans qu’elle lui en fît jamais le reproche, Thann connaissait le pragmatisme de Seïid.

– Je suis au courant, Mademoiselle la Bourrine ! Mais il n’empêche que la Force est partout et que je suis sûre qu’elle saura me guider même dans un choix que tu jugeras si trivial. rétorqua-t-elle en enfonçant diablement son doigt entre les côtes de sa camarade afin de l’obliger au rire.

– Du moment que je peux enfin te massacrer avec ton propre sabre-laser à la fin, tu peux avoir la relation que tu veux avec ton caillou de compagnie. »

Et toutes deux de partir dans une nouvelle lutte féroce qui engagea non moins que tous les édredons de la pièce mais aussi quelques vieilles chaussettes à propos desquelles l’une et l’autre se rejetèrent la responsabilité de la présence quand bien même elles fussent toutes deux coupables. Un cesser le feu, dans la soirée, fut signé tacitement et le tout se termina devant un documentaire tranquille sur la planète susnommée, la belle Togruta jouant avec les mèches de son amie jusqu’à ce qu’elle s’endormît sur ses genoux.


21.574, 1er Semestre, quelques jours plus tard • Hyperespace, entre les systèmes d’Ondéron et d’Ilum.


Pratiquement une semaine de voyage, même en hyperespace. Le trajet d’Ondéron jusqu’Ilum n’était pas des plus courts, d’autant qu’il ne suivait aucune des grandes routes galactiques connues et stables si bien que fréquemment les deux Jedis étaient obligées de sortir de la vitesse-lumière afin de recalculer leur trajectoire et de poursuivre leur chemin en toute sécurité. L’attente semblait à la jeune Padawane interminable mais, consciente de la longueur du voyage, elle avait décidé d’occuper la plupart de son temps en se confectionnant un nouvel ensemble, adapté aux conditions extrêmes de l’endroit. Largement inspiré des tenues traditionnelles Jedis – elle s’en sentait fortement l’âme en cet instant – elle avait pris soin de doubler les gants, la bure, le pantalon de tissu isolant afin de se prémunir au mieux du froid. Les bottes étaient dotées de petits crampons rétractables, l’ensemble parcouru par un léger maillage de métal conducteur afin, en cas de danger extrême, de réchauffer la tenue à l’aide de batterie habilement incrustées à la ceinture. Au tout était joint un masque qui, s’il ne laissait plus rien paraître du visage de la jeune fille, avait surtout l’avantage de largement protéger ses voies respiratoires et son visage en cas de fort blizzard.

Pourtant, cela ne l’occupa pas autant qu’elle l’avait cru et, à vrai dire, l’idée de se rendre sur la planète aux cristaux lui tenaillait si intensément le corps qu’il n’était qu’à mi-chemin lorsqu’elle eut achevé son œuvre. Soucieuse pourtant de l’avis de son maître, et parce que ses critiques lui permettraient sûrement de s’occuper encore davantage sur la route, elle se décida, un matin, à se présenter dans le salon de leur navette d’emprunt ainsi vêtue – non sans prendre la peine d’attirer clairement son attention, elle avait appris depuis un certain temps déjà qu’il lui fallait lui demander explicitement les choses et non attendre qu’il y réagît.

« Maître ? Que pensez-vous de ma nouvelle création ? J’ai tenté de considérer les contraintes d’un froid extrême et d’un besoin de mobilité tout en m’inspirant des traditions Jedis… Mes bottes sont dotées de crampons, le masque d’un respirateur pour protéger mes poumons de l’air glacial et le tout est parcouru d’un fin maillage chauffant en cas de blizzard. Je sais que ce n’est pas vraiment votre goût, les bures, tout ça, mais j’ai ressenti le besoin d’un peu de sacralité vue l’occasion. Vous aimez ? »

Bon, elle n’avait pas qu’attirer son attention, elle avait déployé tout un plaidoyer mais bon… Il fallait bien qu’elle compensât son laconisme, non ? Et dès lors qu’elle exposait son travail, elle était de toute façon incapable de le faire en peu de mots. Elle tourna sur elle, les bras en T, puis effectua quelques katas sous le regard de son mentor afin de lui faire constater le peu de maniabilité qu’elle avait perdu au profit de la protection.
Karm Torr
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Karm était surexcité.
(Et ça ne se voyait pas du tout.)


T’es sérieusement dérangé, tu sais, ça, commenta une Auxiliaire de l’ExploCorps, alors que le jeune homme venait d’exposer son enthousiasme considérable, quoique flegmatique, à la faveur d’une pause, à l’orée de la mine ?


Karm haussa les épaules.


Le petit groupe chargé de l’exploration spéléologique sur P4X-7821, loin dans les régions sauvages de la Galaxie, profitait du soleil perpétuellement printanier d’une planète fort hospitalière, afin de plonger à nouveau dans les dédales de ses abîmes où régnait l’obscurité.


C’est un moment important, je trouve ça normal d’être enthousiaste, commenta une Chevalière d’une cinquantaine d’années, qui se souvenait très bien elle-même de la fierté qu’elle avait éprouvée, quand son premier Padawan avait finalement mis la main sur son cristal de sabre, dans les profondeurs d’Ilum.
Oui, mais lui il est enthousiaste aussi pour le climat.
Qu’est-ce que j’y peux, protesta l’Ark-Ni avec sa nonchalance ordinaire, j’adore les glaciers.
Qu’est-ce que je disais ! Dé-ran-gé.


C’était donc un Chevalier officiellement fou à lier qui, deux semaines plus tard, naviguait par petits bonds en direction de la planète dont le secret bien gardé était l’un des piliers de l’Ordre Jedi moderne, là où les attendait un temple solennel mais désormais presque désert, qui s’élevait au-dessus de caves où, avant eux, des générations et des générations de Jedis étaient venus trouver les cristaux qui guideraient en quelque sorte leur vie.


Dans la petite salle commune de leur appareil qui filait dans l’hyperespace, assis en tailleur dans un vieux fauteuil de pilotage solidement boulonné au sol métallique, Karm était plongé, sur son datapad, dans un traité sur le Jar’Kai, l’art qui recouvrait l’ensemble des techniques à double lames développées au fil des siècles par l’Ordre et qui constituait, depuis la forge de ses deux shotos à lame verte, l’essentiel de son propre entraînement.


Depuis le début du voyage, l’Ark-Ni était plongé la plupart du temps dans un silence studieux. C’était aussi une manière pour lui de laisser à Thann le choix du moment où elle souhaiterait parler de ce qui s’était passé, de ses troubles et de ses difficultés. Il n’ignorait pas que la jeune fille traversait une période difficile, depuis leur retour de Columex, mais comme il savait aussi qu’elle cherchait de l’aide auprès des Guérisseurs, il jugeait plus sage de lui laisser la liberté de lui en parler franchement ou non, et de ne pas l’étouffer avec des questions.


Du reste, il n’était pas très bien placé pour comprendre ce qu’elle éprouvait. Il jouissait lui-même d’une résilience psychologique hors norme, qui nourrissait ses interrogations les plus inquiètes sur son éventuelle affinité au Côté Obscur, tant les expériences de bataille parfois terribles s’étaient succédé pour lui sans jamais le traumatiser.


Mais ce fut des considérations sensiblement plus matérialistes qui le tirèrent finalement de son laconisme. Le Jedi releva les yeux et fixa sans rien dire sa Padawane qui faisait la démonstration de sa nouvelle tenue, dont le style tranchait naturellement avec le sien — par exemple, il était alors vêtu d’un tee-shirt noir et d’un pantalon treillis de la même couleur, à mille lieues du protocole de l’Ordre.


Cool, finit-il par dire sobrement.


Chez Karm, « cool » semblait être un réservoir à peu près inépuisable de significations.


T’sais, c’est pas parce que c’est pas mon truc que je désapprouve, poursuivit-il, en se décidant enfin à aligner plus de trois mots. Ce qui compte, c’est que tu ne suives pas aveuglément une tradition, parce que c’est la règle et le protocole, mais que tu te l’appropries, pour lui donner toi-même un sens, fût-il bâti à partir de tout ce qui a précédé. C’est ça, la beauté de l’artisanat jedi : pas la reproduction stérile des codes esthétiques ou pratiques, mais, en quelque sorte, le creusement du sens.


L’Ark-Ni cala son datapad dans la pochette du fauteuil, sous l’accoudoir.


Et tu fais ça très bien.


Le goût des travaux pratiques était l’une des innombrables qualités de sa Padawane qu’il appréciait beaucoup. Dans le soin que Thann mettait à ses habits, dans cette patience méticuleuse, presque méditative, que ses créations exigeaient d’elle, il retrouvait sa propre sérénité, quand il se plongeait dans des travaux mécaniques ou botaniques.


Et évidemment que c’est un moment solennel, que tu dois traiter de manière spéciale. C’est un moment de vérité, sur toi-même, sur ton rapport à la Force, à la vie, au monde.


La transe mystique qui accompagnait souvent la découverte du cristal approprié pouvait même être singulièrement éprouvante. Cette quête, Karm l’avait accompli deux fois : une fois, avec sa Maître, pour forger le sabre à lame bleue si caractéristique qui l’accompagnait depuis, et une autre fois, avec Wen Janto, une jeune Chevalière, pour dénicher les deux cristaux verts qui stabilisaient ses shotos.


Qu’est-ce que tu espères trouver, là-bas ?


C’est-à-dire : qu’est-ce que tu espères trouver, au fond de toi ?
Thann Sîdh
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Alors que le verdict, en sa faveur, tombait, l’adolescente exulta de joie et bondit avant d’adopter une pose de la victoire qui semblait bien étrangère à la sacralité de sa tenue. Qu’importe ! Elle était chaque fois heureuse de recevoir la bénédiction de son maître et même si cette approbation suggérait qu’elle devrait s’occuper à autre chose le restant du voyage. Elle se défit aisément de son masque, libéra du même mouvement son sourire et déposa l’objet sur une table. Ensuite, elle entreprit de se défaire de l’ensemble du vêtement, lequel était beaucoup trop chaud pour l’atmosphère régulé de l’appareil, et bientôt elle se trouva allongée sur une des banquettes du salon dans un justaucorps d’une grande simplicité. Petit à petit, son niveau de pudeur avec son maître s’était ajusté juste en-dessus de celui qu’elle avait adopté avec Seïid : la seule différence étant qu’elle ne se promenait pas nue à travers le vaisseau, simplement dans ce genre de sous-vêtement tout à fait correct finalement.

« Je suis heureuse que cela vous plaise quand même. Je me suis dit que pour l’occasion, un peu de tradition n’allait pas faire tâche… Enfin. Qu’est-ce que j’attends de notre voyage ? Elle fit mine de réfléchir profondément à la question avant de répondre sur le ton le plus sérieux du monde. Trouver le cristal absolu qui me permettra de développer l’arme la plus puissante de la galaxie, capable de rayer des planètes de la carte, et par-là asseoir mon pouvoir sur tous les systèmes civilisés et alors tous m’aimeront et désespérerons ! »

Un temps, elle laissa son discours planer, s’étant dressé sur la banquette dans la posture du méchant la plus convaincante qu’elle pouvait prendre ; l’instant d’après elle s’écroulait sur les coussins en riant aux éclats. Elle finit par se calmer et par reprendre, plus sérieusement mais sur le ton de la conversation, en jouant avec une mèche de ses cheveux qui commençaient à se faire plus long.

« Il faut absolument que je demande à Seïid de me couper les cheveux… A moins que… Vous savez faire ça, couper les cheveux ? … Après un instant de flottement, elle se souvint qu’elle n’avait toujours pas répondu à la question. Ce que je cherche ? Je crois que j’attends que la Force me rassure dans mes choix. J’ai besoin qu’elle me tende la main, je crois, après Columex. J’ai… J’ai beaucoup parlé, d’abord avec le Chevalier Kayan, comme vous m’y aviez invitée, et puis avec les Guérisseurs du Temple. Je crois que le pire de la tempête est passé mais j’éprouve tout de même ce besoin que la Force me reconnaisse comme l’une de ses servantes. Pas que je veuille en tirer une fierté mal placée, non… Je ne veux pas pérorer. Juste, qu’elle me fasse un signe et me rassure en me suggérant que je ne fais pas mal.

Et puis, je suis heureuse de repartir. De repartir avec vous. J’ai même pensé un temps que vous ne voudriez plus de moi, que j’étais trop fragile. Que j’avais fait n’importe quoi là-bas, et pas mieux en revenant. J’ai pas été à la hauteur, ça m’a cassé en quatre, c’était… Horrible ? Je ne vais pas vous mentir. Et puis, de devoir abandonné Kolin… Je crois que je n’ai pas encore accepté la chose tout à fait, du moins émotionnellement. Rationnellement, je comprends bien – et encore, je continue de ne pas comprendre pourquoi les plus jeunes sont exposés à de tels risques – mais à ce moment précis, nous ne pouvions faire autrement, j’espère.

Mais là, je suis contente, sinon heureuse. Vraiment. En route, pour une planète qui m’est inconnue, des paysages que je n’ai jamais explorés, avec vous. Découvrir à vos côtés. Je… Je suis heureuse d’être avec vous et un peu désolée de mon comportement de ces dernières semaines – quand bien mêmes tous les guérisseurs ne cessent de me répéter que je n’ai pas à nourrir ce sentiment de culpabilité. Mais il est là. »


Elle sourit, comme une enfant pris la main dans le pot de miel, mais son sourire est honnête même si pâle, l’exact composé de ce qu’elle cherchait à exprimer : de la joie et une pointe de gêne coupable.
Karm Torr
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Ben disons que ça dépend vachement de ce que tu entends par « couper les cheveux », quoi.


Voilà qui n’était pas très rassurant.

D’un ton dégagé, l’Ark-Ni précisa :


Mes cheveux poussent pas. ‘Fin… Pas trop, quoi. Pas beaucoup plus que ça.


Évolution adaptative ou hasard des croisements génétiques soigneusement orchestrés pour préserver un semblant de brassage dans une société somme toute fort fermée, la pilosité des Ark-Ni, hommes comme femmes, étaient anecdotiques et leur chevelure stagnait généralement à ce chaos argenté qui servait de coiffure à Karm. Les calvities étaient rarissimes, mais il ne croyait pas avoir jamais vu d’Ark-Ni avec les cheveux longs non plus.


’Fin bref, pas tellement mon domaine, quoi.


Voilà qui rajoutait une pierre à l’édifice de la question épineuse qui agitait une toute petite communauté d’anthropologues éparpillés dans la Galaxie et qui consistait à savoir si, oui ou non, les Ark-Ni étaient des proches-humains, ou des humains à part entière.


Mais la conversation dériva vers des sujets autrement plus essentiels que la pilosité du Chevalier.
(Ou son absence.)
(Mais jusqu’à quel point ?)


Les mains sur les accoudoirs du fauteuil, toujours assis en tailleur, Karm écouta avec la plus grande attention la jeune fille qui partageait avec lui des troubles qui, pour une bonne part, lui demeureraient peut-être pour toujours étrangers. Mais Karm n’était pas une brute, et il était capable de comprendre ce qu’il ne pouvait pas éprouver lui-même.


Et pour le reste, il y avait Luke.
Luke était admirable.
Gentil, bienveillant et patient.
(Séduisant aussi, mais c’était un autre débat.)


T’as pas à t’excuser. C’était ta première vraie mission, elle était difficile, tu es revenue blessée, si ce n’est au corps, du moins à l’âme. Mais une blessure est une blessure, et tous les blessés méritent une convalescence. Et puis n’oublie pas que tu es une Padawane, et le principe des Padawans, c’est qu’ils ont encore besoin d’apprendre, et que parfois on s’occupe d’eux. Tu n’as pas démérité sur le terrain, bien au contraire, tu n’as pas démérité non plus après.


Karm s’était fait un principe de ne pas se montrer avare de compliment, à rebours des Maîtres de l’ancienne école, qui se montraient avec leurs Padawans d’une sévérité selon lui desséchante.


Du reste, tu as raison de ne pas avoir accepté ce qui s’est passé sur Columex.


À qui la faute, telle était la question qui agitait Karm, en bon stratège. Auraient-ils dû poursuivre leur mission d’infiltration, plutôt que de rebrousser chemin ? Capturer Kolin, qui représentait, après tout, désormais qu’il était intégré aux Siths, de toute évidence, une précieuse source d’informations ? Avait-il été raisonnable, de la part du commandement, de les jeter dans une mission quasi suicidaire, pour un intérêt stratégique que l’Ark-Ni jugeait somme toute minime ?


Le regard du jeune homme, un instant assombri et perdu dans le vague, se releva et il balaya ces pensées importunes d’un demi-sourire.


Tu sais, ce n’est pas un mal d’être révoltée et secouée par ce que tu as vu. Et ce n’est pas un mal d’avoir parfois des doutes, et d’avoir besoin que la Force se confirme à toi, en quelque sorte. Moi-même, j’ai mes propres doutes, parfois. Pour des raisons très différentes, c’est vrai, mais il n’empêche. Et je suis sûr que même Saï Don a des doutes. On a tendance à croire que parce que la Force est presque palpable, parce que c’est une présence surnaturelle mais concrète, la foi est facile, contrairement aux autres… croyances. Mais ce n’est pas toujours le cas, parce que croire à la Force, c’est aussi découvrir, petit à petit, ce qu’elle peut avoir d’ambiguïtés, ce qu’elle referme de terrible, et tout ce qu’elle anime de sombre.


Malgré les enseignements limpides de leurs aînés, beaucoup de jeunes Jedis croyaient au fond que la Force était entièrement lumineuse et que le Côté Obscur tenait de l’excroissance pour ainsi dire étrangère. C’était une idée terrible et terrifiante que d’accepter qu’il formait en réalité une part constituante de la Force.


La quête du cristal peut bien servir à ça. À répondre des questions. Faire une expérience extrême qui, au bout du compte, te laissera en tête-à-tête avec ton expérience la plus profonde de la Force. Comment va ton amie ? Séïid, c’est ça ?


Exemple typique des coq-à-l’âne dont le Chevalier avait le secret.
(Et qui dissimulaient toujours quelque raisonnement tortueux.)


J’imagine que les épreuves vous rapprochent, déclara-t-il d’un ton dégagé.
Thann Sîdh
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Il était vrai que depuis pratiquement un an à présent qu’elle était son disciple, elle n’avait jamais eu l’impression de voir son Maître changé. Ni les cheveux, ni la barbe, ni les rides d’ailleurs. Il semblait exactement le même que ce qu’il était lorsqu’elle l’avait rencontré ; et ce n’est pas faute de pouvoir se souvenir avec une précision infaillible de sa tête d’alors. Était-il un être atemporel sur lequel le temps n’avait aucune prise ? Elle sourit en pensant à une hypothèse tout à fait loufoque.

« Peut-être qu’un jour vous m’apprendrez qu’en réalité vous êtes depuis toujours non pas un Ark-ni mais un ange d’Iego… Cela expliquerait votre physique apollinien et pourquoi les années ne semblent pas vous marquer… »

La parenthèse capillaire se referma définitivement pour laisser place, dans un sérieux égal, aux semaines sombres qu’elle avait traversé, de même que leur relation. Elle fut soulagée de constater que, contrairement au Chevalier Kayan, son Maître ne lui demandait pas de croire aveuglément en la sagesse de ce qui leur avait été demandé. Lui-même nourrissait des doutes quant à la stratégie employée ce jour-là, laquelle avait de façon évidente était un échec sur tous les fronts…

« Je suis d’autant plus dubitative, Maître, que sur Columex, non seulement nous avons perdu l’occasion de sauver Kolin, mais nous avons aussi perdu le Chevalier Mora que nous étions supposés secourir en pénétrant dans la ville et tout cela pour quoi ? Que la planète se retrouve finalement sous blocus sans que notre intervention sur ce vaisseau amiral n’ait la moindre conséquence… Je n’ai pas compris les choix qui ont été faits, et je n’ai pas compris que personne ne soit là pour que nous en discutions. J’ai… la désagréable sensation qu’on s’est servi de nous comme de mercenaires, comme de soldats. Nous sommes des Jedis, et d’ailleurs ils sont eux-mêmes des êtres sensibles, on ne devrait pas être ainsi considérer comme des pions sans âme, sans jugement, sans affect.

Elle leva le bras comme pour s’indigner davantage mais laissa finalement celui-ci retomber en soupirant. Elle n’aurait su aller plus loin, ses idées étaient encore trop confuses.

« Et à la fois, je pèche certainement par orgueil en tenant ce discours. Je n’ai que seize ans et c’était-là ma première expérience du front, qui suis-je pour juger ? »

Elle laissa un temps le silence peser sur ses lèvres avant de prendre, ses pensées étaient déjà parties ailleurs.

« J’aime l’idée de la Force Vivante et Unique. La prédation, la mort, la destruction. Lorsque nous connaissons le principe d’Entropie, il est évident qu’une grande part de notre galaxie repose sur cet équilibre entre la création et la dissipation. Simplement, j’ai aussi le sentiment que les Siths, ou du moins certains d’entre eux, dévoie le rôle que la Force attendrait d’eux. Réduire un monde en poussière ? Donner vie à des monstres comme les Léviathans des anciennes légendes ? …

Mais je me raconte certainement des histoires. J’ai besoin de la côtoyer plus longtemps, de l’écouter. Cette recherche sera un moment privilégié avec elle et vous. Loin de tout. »


Et vint le sujet de Seïid. Si hier elle rougissait rien qu’à la mention de son nom, elle sentait en elle des changements. Certes, contrairement à son maître, inaltérable, le temps chez Thann faisait son œuvre. La puberté s’était faite attendre mais depuis trois mois, elle semblait vouloir rattraper le temps perdu ! Ses hanches, sa poitrine, son bassin, tout était en complète métamorphose et la chenille prenait des allures de papillon. Non, c’était aussi son rapport à ses sentiments qui avait largement changé depuis les conversations avec son aîné. Elle n’avait plus honte. De là à savoir ce qu’elles étaient l’une pour l’autre ?

« Oui… Nous sommes… Proches. Elle compte beaucoup pour moi et, je me doute que je compte aussi pour elle. J’ignore si c’est à la façon dont vous et… votre ami comptaient l’un pour l’autre. C’est étrange. J’aime être dans ses bras. Et je dois dire que parfois, je chavire lorsqu’elle essaye certaine de mes robes. Mais peut-être n’est-ce que parce que nous nous connaissons de si longtemps. Peut-être aussi qu’elle n’a pas ce même rapport à moi. Tout ce que je sais, c’est qu’elle m’est précieuse, qu’elle m’a tenu la tête hors de l’eau durant ces derniers mois – sans jamais me juger – et que je ne veux pas m’en séparer. »

Là, tout de même, elle rougissait. Elle n’avait jamais verbalisé ces pensées qu’elle avait et là, de se l’entendre dire, simplement, elle sentait déjà son cœur manquer des battements. Les maîtres de l’Ordre les plus conservateurs, et à vrai dire même des plus modérés, imposeraient immédiatement aux deux jeunes filles d’arrêter de se fréquenter. Elle en prenait soudain conscience, de même qu’elle saisissait la chance qu’elle avait de pouvoir ainsi se livrer à son Maître sans crainte. Allongée sur la banquette, fixant du regard le plafond, elle n’eut pas besoin de se tourner vers lui pour se focaliser sur sa présence et l’apprécier. Elle se sentait… à sa place et si bien entouré.
Karm Torr
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Au contraire, assura M. le Chevalier Apollinien, juger ce genre de choses, c’est une part essentielle de ta formation.


Il y avait d’innombrables sujets de désaccord entre Luke Kayan et Karm Torr, et la nature de l’obéissance qu’un Jedi devait vouer au Conseil était certainement l’un des principaux. Karm comprenait certes la position de son compagnon, et l’interprétation de l’Ordre dont elle procédait, mais il avait, sur la question, une perspective entièrement différente. Pour une fois, elle n’était pas extraordinairement atypique, puisqu’il la partageait avec une longue tradition jedi, qui voyait dans le Conseil une assemblée de sages chargée de guider la communauté jedi, mais certainement pas une hiérarchie militaire aux décisions infaillibles.


Ton devoir en tant que Padawane est de tenter de devenir la meilleure Jedi possible, et de développer toutes tes capacités. Ton esprit critique aussi, donc. Comment tu apprendrais la stratégie et la tactique, l’art délicat de peser des décisions toutes néfastes, pour choisir le moindre mal, si tu questionnais pas sérieusement les ordres qu’on te donne ? Sans parler de l’humilité. L’humilité, en tant que personne, c’est vrai que c’est accepter que les gens plus vieux que toi aient une expérience qui leur permette de mieux juger. Mais l’humilité, en tant que Jedi, c’est aussi admettre que même les plus doués dans la Force commettent parfois des erreurs.


Quant à savoir si Karm pensait que les plus doués dans la Force siégeaient bien au Conseil Jedi, c’était un autre sujet délicat qu’il préférait ne pas aborder. Pas tout de suite. La frontière entre l’hétérodoxie et l’hérésie n’était parfois que trop aisée à franchir.


Les décisions prises sur Columex étaient mauvaises. C’est pas mal placé de ta part de le dire, c’est la seule conclusion à tirer de leurs conséquences. Est-ce qu’ils auraient pu en prendre des meilleures, ça, c’est pas dit. Ça dépend des infos qu’ils avaient à leur disposition, à un moment donné. Peut-être dans quelques mois ou dans quelques années, quand tu te sentiras plus calme par rapport à tout ça, tu pourras reprendre le dossier de l’opération et tenter de voir s’il y avait d’autres moyens, avec les données de l’époque. En attendant, c’est un exercice salutaire que tu peux faire avec les opérations du passé.


Petit à petit, au fil des mois, Karm confiait à Thann des entraînements de plus en plus complexes, dans la Force, sur le tatami et à la bibliothèque. Le jeune Chevalier considérait la Miraluka brillante et, fidèle à ses principes, il préférait lui confier des tâches trop difficiles, quitte à l’aider à les finir, que de la laisser stagner dans sa zone de confort. Il préférait de loin l’inviter à se mettre à la place des généraux du temps jadis que de suivre pas à pas avec elle les chapitres d’un manuel d’apprentissage stratégique.


La conversation dériva ensuite sur la nature de la Force, et sa complexité.


Bien sûr que le Côté Obscur, c’est un dévoiement. Dire que la Force est unique et, disons, j’sais pas, intégrée. C’est pas dire que tout y est égal. De la même manière que la vie et la mort font toutes les deux parties de l’existence, et qu’il faut accepter la seconde autant que la première, ça ne veut pas dire que la vie n’est pas préférable à la mort, que la Force soit à la fois obscure et lumineuse ne veut pas dire que le second aspect est pas préférable au premier. Y a de la pureté que dans les éprouvettes des chimistes, le monde tel qu’il se présente spontanément est toujours mêlé, et il exige toujours des arbitrages.


Ses expériences avec des artefacts siths, sa rencontre avec Darth Noctis et sa collaboration avec deux apprentis Sith avaient poussé Karm à réfléchir plus sérieusement, ces dernières années, au Côté Obscur et à ses implications, un sujet qui ne l’avait jamais beaucoup préoccupé, tant, jusqu’à lors, dans sa vie de Gardien, la situation avait été simple : les Siths étaient les adversaires à combattre sur un champ de bataille.


Il avait bien conscience cependant que ces réflexions n’en étaient qu’à leurs balbutiements.


Il y avait un domaine dans lequel il était bien plus expert, cependant, plus expert, même, que la plupart des Jedis, et c’était celui des émois qu’éprouvaient sa Padawane.


Je vois, dit-il posément. Il faut travailler avec elle, alors.


Quel romantique, ce Karm.


L’Ark-Ni décroisa souplement les jambes, pour gagner le petit comptoir qui servait de cuisine, dans la salle unique du vaisseau.


La tendresse que tu éprouves pour elle, quelque soit le terme que tu veuilles y attacher, peut être un puissant levier de vos progrès communs. Investir cette tendresse dans l’étude de la Force et de votre destinée de Jedis, c’est s’assurer que vos sentiments ne vous parasiteront pas et ne créeront pas de cet attachement nocif que le Code réprouve.


Le Gardien avait beau faire figure de dangereux hippie aux yeux de nombre de ses confrères, il n’en restait pas moins strictement attaché à la Voie du Jedi et, à sa manière, au Code qui la régissait.


Du reste, si vous êtes ensemble dans la Force, tu comprendras plus facilement ce que tu éprouves, et tu cerneras mieux ce qu’elle éprouve elle. C’est une marque de confiance, autant qu’un exercice pour développer vos aptitudes.


Bientôt, une infusion fumante était déposée devant Thann. Karm repoussa les pieds de sa Padawane pour s’asseoir sur la banquette et, les coudes sur la table — aucune éducation, décidément —, il poursuivit :


L’affection entre deux Jedis doit trouver son sens à travers la Force et d’ailleurs, la Force l’aide à se développer.


Avec tout ce qu’il suggérait du travail que devait accomplir deux Jedis étroitement liés l’un à l’autre, il était difficile de ne pas deviner en Luke Kayan le fameux compagnon qu’il avait un jour évoqué dans un sobre aveu. Ces deux-là étaient constamment fourrés ensemble et, disait-on, s’entraîner pendant des heures, chaque semaine, au sabre comme à la Force.


Avoir assez confiance en quelque d’autre pour s’ouvrir à lui à travers la Force, cela dit, c’est parfois un exercice plus compliqué que de déplacer des rochers ou de soigner une blessure. Mais comme avec tout exercice, on peut s’entraîner.


Aussi dit-il d’un ton tranquille :


Lis dans mon esprit.
Thann Sîdh
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L’idée, comme la formulation, lui plurent. Son devoir en tant que Jedi, devenir la meilleure version d’elle-même et mettre cette version au service du Bien-Commun et de la Lumière. Elle n’avait pas osé envisager, plus tard, de revenir sur les dossiers et rapports de Columex. Ce qui l’avait freiné alors était moins la question du respect dû à la hiérarchie qu’une crainte de ce qu’elle y découvrirait. Du ressenti, de la frustration que cela pouvait engendrer. Comment allait-elle réagir si elle apprenait que l’ensemble avait été un monstrueux gâchis et que les choses eussent pu être tout autrement ?

« Lorsque je serai prête, Maître, vous voudrez bien étudier avec moi le dossier de Columex ? J’ai… Quelques appréhensions à l’idée de le faire seul. »

La stratégie, cet art de prendre judicieusement la « moins pire » des décisions. S’il lui fallait inévitablement s’attarder sur la question, elle n’avait aucune envie de mettre en pratique, un jour, ce qu’elle apprendrait alors.

« J’ignore si le Côté Obscur, en tant que tel, est une corruption. J’ai le sentiment, bien entendu, que la SIth, la pensée des adeptes du Côté Obscur ont déduit de la maîtrise d’un pouvoir destructeur une logique de domination. Mais… Le Côté Obscur, intrinsèquement, a-t-il vocation à dominer ? Il ne peut y avoir la destruction seule, comme la création doit nécessairement être jugulée. Enfin… J’ignore si je suis très claire. Mais je crois que l’église SIth se trompe sur la nature du pouvoir sur lequel elle repose. Ou bien, simplement, n’ont-ils que peu d’intérêt pour la question. Ne peut-on pas imaginer un credo qui fît la jonction de ces deux aspects ? Des Gardiens de la Force, usant à la fois de son côté Créateur comme de son Côté Destructeur, pour maintenir l’Harmonie, l’Equilibre la plus propre à rendre chacun heureux ? Je pars loin, je sais, et je flirte avec l’hérésie… »

Tandis que la conversation s’orientait vers Seïid, son maître la rejoignit, se fit de la place sur la banquette et s’installa à sa façon. Attirée par l’odeur de l’infusion, l’adolescente glissa prestement en position assise et adoptant la position du lotus attira jusqu’à elle tasse et petite assiette avant de sentir plus intensément le bouquet d’arome qui s’en dégageait. Elle se laissa inondé par les rêves d’ailleurs que lui évoquaient ces odeurs tout en pensant à son amie.

« Merci, Maître. Que nous avez-vous préparé cette fois ? … Nous avons depuis longtemps eu l’occasion de nous entraîner, parfois, ensemble. Je n’avais jamais envisagé de rendre l’exercice si… intense et régulier. Peut-être justement parce que je craignais de… d’aller trop loin vers elle ? Je ne sais pas. Je pense que plusieurs fois, elle me l’a suggéré, et je me suis contentée de feindre de ne pas comprendre. Vous savez… Elle vous ressemble beaucoup sur bien des aspects. Elle craint moins d’écouter son corps que moi. Ça lui est plus naturel. Je pense… Je lui en parlerai à notre retour et, nous verrons ? J’ignore où je vais mais du moment que je m’y rends avec votre bénédiction et vos conseils, je n’ai pas peur d’avancer. Il n’y aurait pas quelques petits biscuits pour aller avec tout cela ? Vous savez, Maître, je suis en pleine croissance et je crains que je ne pourrais me concentrer sur vos pensées que si mon estomac m’en laisse le loisir. »

Elle sourit et souffla doucement sur les effluves fumeuses qui s’élançaient en direction de son visage depuis la surface de l’eau. Alors que ses lèvres prenaient la température de l’eau, encore trop chaude, elle se rendit compte qu’elle avait faim. Dit-elle sur le ton le plus sérieux du monde et avec un second degré pourtant si présent qu’elle aurait, à cet instant, presque pu passer pour une Ark-ni. A la fois, ce n’était pas tout à fait faux. Elle n’avait jamais véritablement manqué d’appétit mais depuis peu, ceux-ci avaient pris des tournures ogresques qu’elle ne se souvenait pas avoir jamais eues.

La question des denrées fut promptement réglée, mais le soulagement que Thann en éprouva la confirma dans son idée : elle en avait grandement besoin. Lorsqu’elle se décida à prétendre à l’exercice que lui proposait son Maître, elle le fit en toute sérénité. A vrai dire, elle avait déjà eu plusieurs fois l’occasion de le pratiquer : avec Zelonion, d’abord, ensuite avec le Chevalier Kayan. Si l’exercice avait été singulier avec deux inconnus et plus ardus, là, il lui suffisait de remonter le courant du fil qui s’était formé entre eux, en pleine confiance, et de venir se loger tranquillement au creux des pensées de son Maître sans savoir ce qu’il désirait qu’elle y lût.
Karm Torr
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Bip bip biiip.

Le vaisseau venait de sortir de l’hyperespace et Blip, l’astrodroïde de Karm — ou tout du moins celui, parmi l’équipe de l’ExploCorps, qui l’accompagnait presque toujours à chacune de ses missions — déboula dans la salle commune, avec son enthousiasme ordinaire, pour s’enquérir des nouvelles instructions.

Garde le cap, répondit l’Ark-Ni.
Bip bip biiip.
Non, j’pense pas qu’on va s’écraser dans une supernova.
Bip…
Après, si t’es déçu, je peux te calculer une trajectoire, te jeter par-dessus bord et…
Bip biiip, coupa le robot d’un ton outré, avant de se détourner pour regagner la cabine de pilotage.

Karm reporta son attention sur sa Padawane et, une fois qu’elle eût sérieusement entamé leurs réserves de nourriture, il lui intima l’ordre de calmer sa respiration, petit à petit, comme pour une méditation ordinaire. Parfois, les techniques les plus simples, celles que l’on apprenait à son plus jeune âge, étaient aussi celles qui servaient le plus.

Le jeune Chevalier se laissa lui-même gagner par une transe méditative, pour mettre de l’ordre dans ses propres pensées et n’en dévoiler que ce qui serait, ce jour-là, utile à l’édification de sa Padawane. Il avait lu dans les livres de l’Ordre que cet exercice se pratiquait parfois avec les jeunes déjà expérimentés, pour les aider à mieux appréhender leur pouvoir, d’abord, et ensuite à mesurer le genre de dispositions d’esprit que l’on pouvait attendre d’un Jedi accompli.

Petit à petit, la présence de Karm se déploya dans la salle commune et il eût été bien difficile de dire si Thann lisait dans ses pensées ou si c’était son esprit qui enveloppait la Padawane. Pour lui, c’était une expérience assez semblable à celle de la télékinésie, quand, à travers la Force, ses pensées s’étendaient pour cerner les objets qui l’entouraient et se faire une prise sur eux.

L’esprit de Karm, comme celui de la plupart des Chevaliers Jedis, donnait d’abord l’impression du calme et de la sérénité. Ce n’était pas tant qu’il contrôlait ses émotions qu’un long entraînement, plutôt, avait purgé en lui celles dont la vivacité pouvait être dangereuse. Karm n’était pas de ces Garidens qui, adeptes farouches du Juyo, voyaient dans les mouvements vifs de l’âme des alliés précieux pour le combat sur le champ de bataille.

La plupart des réflexions élaborées de l’Ark-Ni échappèrent à Thann, soit qu’il les dissimulât à dessein, soit que les pouvoirs de la jeune fille ne fussent pas encore assez considérables pour les cerner. À la place, petit à petit, ce fut une émotion précise, ample, puissante, qui infusait comme tout son être, une émotion profondément enracinée qu’il lui laissa percevoir. De l’amour. De l’amour pour quelqu’un, dont la nature romantique était impossible à ne pas sentir, parce qu’il était mêlé d’un désir explicite, quoique sans contenu précis, parce que Karm se gardait bien d’imposer à sa Padawane des images concrètes.

L’objet de cet amour était impossible à ignorer. Il était marqué par une présence très caractéristique, par une empreinte dans la Force que Thann était bien placée pour reconnaître : celle de Luke Kayan. Sans doute le couple pouvait-il paraître mal assorti, vu de l’extérieur. Le Consulaire effacé et dévoué aux autorités de l’Ordre, avec le Gardien rompu aux opérations les plus extrêmes, qui ne cachait pas son hétérodoxie. L’Hapien qui tentait de s’élever au-dessus des réalités matérielles, et l’Ark-Ni qui professait le sensualisme.

Cet amour, en tout cas, était marqué par la Force. C’était cela que Karm cherchait à faire comprendre à Thann. Ce que ça voulait dire que d’aimer quelqu’un dans la Force, pour la Force. Ce qu’était, selon lui, un lien de ce genre pour deux Jedis. Les pouvoirs de Karm étaient étroitement mêlés à Luke. La présence de la Force Vivante, dans son esprit, dans son aura, intimement nourrie par le désir physique qu’il éprouvait pour son ami. À cet amour était liée, indissociablement, une autre dévotion, dans une symbiose profonde : la dévotion à la Force d’abord, à travers l’Ordre Jedi ensuite.

Quelques secondes plus tard, l’esprit de Karm se repliait, le lien était rompu et le jeune homme émergeait lentement. L’expérience, sans être éprouvante, était troublante. Le Jedi eut un moment encore l’impression que ses pensées étaient pleines d’étrangetés qui ne venaient pas de lui. Il se rappela au monde réel qui l’entourait par la sensation vive d’une gorgée de l’infusion brûlante, dans l’utilité pratique était ainsi révélée.

Après un moment de silence, autant pour reprendre ses esprits que pour laisser à Thann le temps d’en faire de même, il déclara :

L’amour peut être la nourriture qui nous permet d’aller vers la Force, mais l’Ordre Jedi est notre chemin, qui nous évite bien des égarements. Au bout du compte, le désir de l’autre et la Force se confondent, parce que ce qui nous porte vers l’autre procède de la Force vivante, mais ceux qui chercheraient à ne poursuivre l’amour que pour l’amour lui-même, ceux-là vivraient comme au milieu des fantômes.
Thann Sîdh
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Sa respiration ralentit, ses pensées s’apaisèrent, son cœur adopta un rythme lent, le temps sembla lui-même s’écouler différemment tandis que la Padawane s’enfonçait dans la méditation. Alors qu’elle avait déployé son propre esprit pour tendre vers celui-ci de son Maître, soudain ce dernier s’élança tout alentour et elle se sentit comme littéralement happé en lui. Un peu à la façon dont on pouvait se laisser glisser dans le fond d’une baignoire et passer sous le seuil de l’eau, bien qu’ici la baignoire semblât se changer en abysse sitôt qu’on s’y fût plongé.

L’esprit de son mentor, à mille lieux de la tourmente dans laquelle était plongée Zélonion, était une cathédrale d’harmonie et de stabilité. Elle eût voulu s’y promener, s’y perdre même, non pour le plaisir vicieux d’en découvrir chacune des pièces mais simplement pour entendre l’écho tranquille de ses pas dans ce lieu aux voûtes inaltérables. Elle ne chercha pas un instant à percevoir ce qui lui était caché, elle attendait sagement, assise dans la nef, que son guide lui présentât ce qu’il désirait lui montrer.

Le fragment, surgit du chœur de l’édifice, subjugua l’adolescente qui n’avait encore jamais connu un sentiment d’une telle intensité. Elle se contenta de l’admirer, muette, et d’en graver le souvenir comme d’un chef-d’œuvre à poursuivre.

Lorsque l’expérience prit fin, elle était encore toute chamboulée et fut surprise de constater que si peu de temps s’était écoulé que l’infusion était encore fort chaude. Elle écouta attentivement la leçon qui lui était donnée, sans la discuter, elle avait déjà beaucoup trop à penser pour réussir à rassembler suffisamment ses esprits pour cela.


21.574, 1er Semestre, trois jours plus tard • Orbite d’Ilum.


Profondément enfoncé dans le siège du co-pilote, Thann tenait pourtant difficilement en place et ne cherchait pas vraiment à le dissimuler. Cela faisait pratiquement une semaine de voyage et l’imminence de la planète avait fini d’entamer sa patience. En outre, la descente dans l’atmosphère était déjà, pour elle, l’occasion d’une leçon puisque l’heure était venue pour elle d’apprendre à piloter elle-même ; or, elle devait bien l’avouer, si la vitesse et l’adrénaline la laissaient assez indifférentes, c’était l’idée de mettre en branle une machinerie si complexe et si huilée qui faisait naître, le long de son échine, un certain frisson.

Cette annonce, son maître lui en avait fait la déclaration peu de temps après qu’elle eut terminé sa tenue spéciale grand froid, à croire qu’il avait senti l’ennui qui menaçait de la rendre folle, et elle s’était dès lors plongée dans les schémas de l’appareil et dans les manuels de chacune des commandes si bien que l’holoprojecteur de Bouteboute avait été mis à rude épreuve. Il avait été convenu, pour cette fois, qu’elle ne serait qu’une observatrice attentive de chacune des actions de son mentor qui, lui, s’efforcerait de détailler chacun de ses gestes et de leur donner du sens. Bouteboute, lui, était chargé de l’enregistrement de la scène sous tous les angles pour que la Padawane pût se repasser cette leçon en boucle autant de fois qu’elle le désirerait – et cela promettait de faire beaucoup.

Ils quittèrent l’orbite, pénétrèrent l’atmosphère, gagnèrent les strates supérieures du ciel d’Ilum, crevèrent les couches nuageuses, filèrent au-dessus des étendues glacées et enfin, dans un concert harmonieux d’air sous pression et de rétrofusées. Le top fut donné pour aller enfiler sa tenue, c’est presque en sautant par-dessus son siège qu’elle se rua jusque dans ses quartiers pour ce faire. Lorsqu’elle revint dans le salon d’opération de l’appareil, pimpante dans son habit neuf, masque en main et son barda sur le dos, tous les doutes qui l’avaient assaillie depuis Columex avaient littéralement été pulvérisés par l’entrain du moment.

« Tout à fait prête à partir, Maître ! Qu’attendons-nous ? »
Karm Torr
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Bip.

Qu’est-ce qu’il était ronchon !

Bip bip.
Sois pas vulgaire.
Bip.

Karm réprima un sourire.

Sur les planètes hivernales, le droïde et lui avaient des avis sensiblement différents. Karm aimait les sommets escarpés, les glaciers, l’escalade et la neige, et Blip considérait, pour sa part, que le froid assassin menaçait gravement l’intégrité même des droïdes les plus courageux — lui, par exemple — et que c’était folie de s’aventurer dans tels endroits, pour récupérer de vulgaires cailloux qu’on aurait très bien pu fabriquer ailleurs.

L’entrée dans l’atmosphère fut soigneusement détaillée par Karm, qui avait lui-même appris à piloter pour ainsi dire avant d’apprendre à parler, comme il était évidemment l’usage, dans son peuple nomade, qui ne vivait que sur des vaisseaux. Toutes les intuitions qu’il avait acquises les premières années de sa vie avaient été complétés par les entraînements rigoureux dispensés en la matière par l’Ordre et, si sa Maître n’avait pas été une maître d’armes, à n’en pas douter l’Ark-Ni aurait fait sa carrière de Chevalier derrière le manche à balai d’un chasseur jedi.

Un violent blizzard traversait à ce moment-là tous les alentours du vénérable temple d’Ilum, bâti il y avait bien des générations de cela, et dont la silhouette étrange, encastrée dans la montagne, se devinait à peine sous les trombes de neige et de glaces. La tempête était apparemment en train de se calmer, mais l’approche exigeait malgré tout la plus grande concentration. Fidèle au rapport libre, pour ne pas dire téméraire, que son peuple entretenait avec les principes de la navigation, Karm expliquait à Thann qu’elle pouvait ignorer telle ou telle alarme, ou tel ou tel voyant, tandis que Blip, mû par d’autres dispositions, s’était puissamment aimanté sur le sol du vaisseau.

Mais enfin ils purent distinguer les portes d’un hangar qui s’ouvraient, derrière un faible bouclier destiné à préserver le temple de la neige plutôt que d’improbables envahisseurs, et bientôt la navette se glissa à l’intérieur de la structure, saine et sauve. Les deux Jedis quittèrent le poste de pilotage et descendirent la rampe d’atterrissage, pour trouver de l’autre côté l’un des membres de la petite garde d’honneur que l’Ordre conservait en permanence sur les lieux, pour accueillir les visiteurs venus accomplir un pèlerinage.

[purple]Karm[/purple], déclara une Lumen d’à peine un mètre, qui portait la bure et la double lance laser traditionnelles des Gardiens de Temple Jedi, quoique dans des proportions bien moindres.
Maître To, fit l’Ark-Ni en s’inclinant respectueusement, ce qui ne suffit toujours pas à le porter à la hauteur de la Sentinelle.

Le Chevalier se redressa pour désigner celle qui l’accompagnait d’un geste de la main.

Ma Padawane, Thann.

Maître To, avec une poignée de ses confrères, avait la charge de la protection et de l’entretien d’un Temple qui, très souvent, ne les abritaient guère qu’eux. Elle était l’une des rares à résider là en permanence, les autres gardes retournant de temps à autre sur Ondéron ou Coruscant, pour y approfondir leur formation. Elle était ainsi, depuis une dizaine d’années, comme la conscience du Temple.

Bien des Padawans avaient défilé sous le regard pénétrant qui, ce jour-là, se posait sur Thann.

[purple]Je vois que vous êtes bien équipée, jeune fille[/purple], déclara-t-il simplement, au bout du compte, après l’avoir attentivement examiné.
J’aimerais que l’on fasse un petit trek aux alentours du Temple, pour s’habituer aux conditions, avant de consacrer le reste de la journée à la méditation et à la réflexion, pour se mettre en route demain, expliqua Karm, alors que la Lumen les conduisait avec une vitesse surprenante, étant donné sa petite taille, dans les couloirs du Temple, jusqu’aux chambres qui leur avaient été dévolues. Tu penses que c’est possible ?
[purple]La tempête ne devrait pas tarder à se calmer, en effet[/purple], assura la Lumen, qui parlait d’expérience. [purple]Quant à explorer les grottes, ma foi, aucun affaiblissement structurel n’est à déplorer depuis des mois. Les conditions sont idéales. Autant qu’elles puissent l’être, tout du moins, sur Ilum.[/purple]

Elle adresse un sourire entendu à Karm. L’Ark-Ni n’en était pas à sa première visite. Ilum était une retraite qu’il affectionnait, pour se ressourcer autant que pour s’entraîner dans ses conditions extrêmes. Tout y servait à l’explorateur : le voyage compliqué, qui affinait ses capacités de navigateur, la Force qui résonnait sur la planète et, bien sûr, les conditions naturelles.

Il y a du monde en ce moment ?

Maître To secoua la tête.

[purple]Vous êtes les seuls, avec nous. Un groupe de Padawans devraient arriver le mois prochain.[/purple]

D’ailleurs, le silence qui régnait dans ce temple imposant, et qui contrastait si fort avec les allées et venues constantes dans les couloirs de ceux d’Ondéron et de Coruscant, avait quelque chose d’intimidant, surtout quand on songeait qu’il avait été jadis lui aussi bruissant d’activité.

Maître To les laissa aux portes de deux chambres, l’une à côté de l’autre, avant de s’éclipser, habituée qu’elle était à offrir à ses visiteurs toute la quiétude et la solitude nécessaires à l’exercice qu’ils se proposaient généralement d’entreprendre sur Ilum. Quelques minutes plus tard, Karm s’était changé et, sur les épaules de sa combinaison hivernale, il avait jeté une épaisse cape à capuche bordée de fourrure.

Un cadeau de chef Watapatong, des Papaï Igari, sur P4X-727. J’l’ai aidé à régler un différend entre ses sept maris. Longue histoire. C’est parti.
Thann Sîdh
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Pour l'esprit en efferverscence de l'adolescente, tout semblait extraordinaire. Depuis la puissance du blizzard qui avait fait s'étoiler les panneaux du tableau de bord jusqu'à l'édifice dans lequel il venait de pénétrer et ses occupants. Elle n'avait jamais rencontré de Lurmen, bien qu'elle eût connaissance de leur existence, et malgré la l'ecclectisme du Temple d'Ondéron. Elle avait aimé en découvrir plus long sur la culture de ce peuple avant tout connu pour leur attachement profond au pacifisme ; un pacifisme si extrême qu'elle-même, qui se refusait à tuer le moindre être vivant fût-ce un colléoptère, y dérogeait tout de même en portant une arme et en acceptant de s'en servir pour se défendre. De fait, si la position lui semblait extrême, force était de constater qu'elle n'avait pas empêcher les Lurmen de survivre et même de fournir, au regard de la Gardienne du Temple qui se tenait devant eux, des specimens hors du commun.

La petitesse du Maître Jedi amplifiait le gigantisme du Temple dans lequel ils se trouvaient et rendait d'autant plus criant son vide. La guerre avait éloigné depuis quelques années déjà les Jedis de ces lieux de méditations et de reccueillement ; certains même ne prenaient plus le temps d'aller à la recherche eux-mêmes des cristaux nécessaire, se contenant de piocher parmi ceux que fournissaient les expéditions de passage ici.

Alors que son Maître la présentait, la Padawane s'inclina poliment avec un simple " Maître ". Elle ne put s'empêcher de sourire à la remarque de sa consoeur et, pour se défendre, se contenta d'être honnête :

" J'ai préféré ne pas sous-estimer l'épreuve que me préparait le climat d'Ilum et puis, j'avais beaucoup de temps à occuper durant notre voyage."

Elle laissa ensuite son mentor menait la conversation, se contenant d'écouter d'une oreille distraite en laissant sa perception se promener dans chacune des pièces et des couleurs qu'ils traversèrent. Avec vivacité, la Maître des lieux allait en avant, n'ayant pas l'air de galoper sur ses courtes pattes et forçant pourtant ses hôtes presque à le faire.

Bientôt ils furent dans leurs quartiers, deux chambres séparées mais mitoyenne, une unique porte leur permettait de communiquer. Si le style était sobre, les pièces n'en étaient pas moins d'un confort certain, largement au-dessus du standard de sa chambre sur Ondéron, et Thann en déduisit qu'en l'absence absolu d'autres visiteurs, ils avaient eu droit aux meilleures chambres. Il ne lui fallut que quelques secondes pour jeter sur le lit son barda, en extraire tout l'inutile pour leur première sortie, se défaire de son voile pour lui préférer une simple bande de tissu qu'elle noua et reboucler le tout pour attendre de pied ferme la sortie de son Maître.

" Un cadeau de chef Watapatong, des Papaï Igari, sur P4X-727. J’l’ai aidé à régler un différend entre ses sept maris. Longue histoire. C’est parti. "

Elle opina vigoureusement du chef et emboita aussitôt le pas. Ils traversèrent de nouveua l'ensemble du Temple, quoique sans repasser dans un seul des couloirs qu'ils avaient déjà emprunté, et bientôt ils débouchèrent sur le hall principal, bordé de statue - allusions marmoréennes à l'antique Temple de Coruscant - et s'en furent au-dehors par une petite porte à peine visible dans l'immensité des plus grandes de l'entrée principale.

Dehors, le soleil avait fini par triompher de la tempête. Le vent n'était plus là que pour faire danser tranquillement quelques flocons retardataires et si le froid était de la partie, Thann le trouva vivifiant plutôt que mordant. à dire vrai, sitôt qu'elle sentit sous son pas la neige crisser, elle ne put contenir un gloussement de bonheur infini et un sourire béat. Respirant à plein poumon l'air pur du lieu, elle accrocha son masque à sa ceinture, laissa retomber sa capuche dans son dos, huma l'air à s'en aire éclater les poumons et se rendit compte que son maître était déjà, lui, parti bien loin. Crapahutant dans la neige comme une tortue sous amphétamine, elle ne tarda pas à la rejoindre et à marcher à sa hauteur. Elle aimait déjà Ilum de tout son être.
Karm Torr
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Le soleil se reflétait puissamment sur les flancs immaculés dans la montagne contre laquelle le Temple Jedi d’Ilum avait été bâti. Après avoir soigneusement examiné les alentours à l’aide d’une paire de jumelles militaires, pour reconnaître la disposition du manteau neigeux et vérifier que les formations géologiques étaient conformes à ses souvenirs, Karm en consigna soigneusement dans sa mémoire les diverses modifications, produites au fil des mois par le lent mais implacable mouvements des vastes glaciers.

Puis il se mit en route.

Cette sortie était une étape selon lui nécessaire, pour que Thann pût se familiariser avec son environnement. Il supposait qu’au cours de son apprentissage, la jeune fille avait déjà eu l’occasion d’évoluer en terrain neigeux, mais ça n’avait peut-être été l’affaire que deux ou trois jours, en commun, avec d’autres Padawans, lors d’un séjour de groupe sur des pistes faciles. Ilum offrait des défis bien différents et si une randonnée de quelques heures ne la transformerait pas en montagnarde aguerrie, elle lui inspirerait, on pouvait l’espérer, assez de respect pour ce paysage hors du commun qu’elle fît preuve plus tard de toute la prudence nécessaire.

En explorateur accompli, Karm se déplaçait apparemment avec facilité, malgré la neige, qui lui arrivait assez haut à cause de sa petite stature, et de son volumineux sac à dos. Il connaissait bien les environs du Temple, depuis toutes ces années, moins traîtres que d’autres versants de la montagne. Après une bonne demi-heure de marche, qui certes ne les avait pas beaucoup éloignés du grand bâtiment creusé à flanc de montagnes, Karm s’arrêta et, d’un geste de la tête, désigna un étrange phénomène dans la neige.

On aurait dit qu’une sorte de vague ondulait sous la surface.

Serpent des neiges, déclara laconiquement l’Ark-Ni, qui attendait que la créature invisible eût frayé son chemin loin d’eux, sous la poudreuse, pour reprendre la marche sans la déranger.

La vie était rare et bien cachée, sous Ilum, mais aux observateurs attentifs et bien informés, elle se révélait malgré tout. De temps en temps, un oiseau de large envergure tournoyait autour d’eux, avant de s’éloigner, jugeant la prise trop difficile. Au bout d’une heure, les deux Jedis parvinrent au pied d’une chute de glace, qui terminait abruptement leur chemin, en remontant quasi à pic sur près de dix mètres.

Karm posa la main sur la glace, ferma les yeux et en sonda la structure, à travers la Force, pour en jauger la solidité. Comme il lui parut que la paroi était assez solide, il décida que Thann pouvait s’y entraîner à l’escalade : une autre occasion aussi opportune, et relativement sûre, ne se présenterait peut-être pas. Il fixa soigneusement les crampons à ses bottes, s’arma de piolets et, après s’être assuré que sa Padawane se montrait bien attentive, entama l’ascension.

Ses gestes furent plus lents qu’à l’ordinaire, pour que Thann pût bien les observer. Une fois en haut, il s’assit au bord de la sorte de falaise.

À ton tour.

Son attention était fixée sur la jeune fille et Thann pouvait sans doute sentir que l’esprit de son maître flottait autour d’elle, à travers la Force, prêt à la saisir par l’effet de sa télékinésie, ou tout du moins à la rétablir, si elle devait rencontrer des difficultés. À chaque fois que c’était nécessaire, Karm donnait quelque indication pour corriger les mouvements de la Miraluka, mais pour l’essentiel, il lui laissait commettre quelques erreurs anodines, comme d’habitude, pour qu’elle puisse en tirer ses propres conclusions.

L’exercice était ardu et éreintant, malgré la relative facilité du chemin, mais une bonne part de la quête sur Ilum consistait à éprouver le corps autant que l’âme et l’esprit. Fatigue et muscles endoloris étaient tenus pour des préludes essentiels au genre d’attention profonde qu’exigeait la recherche de cristaux. Quand Thann parvint enfin à se hisser à ses côtés sur le bord de la falaise, Karm lui tendit une barre énergétique.

Devant eux, la vallée enneigée, glacée, s’étendait à perte de vue. C’était un désert, mais un désert qui n’était pas uniforme : parfois, des coulées rocheuses en forme d’arêtes aiguës, qui offraient peu de prises à la neige, tranchaient le manteau blanc et d’autres fois, c’était des blocs de glace, plus ou moins clairs ou sombres, qui offraient un peu de variété. Karm, qui n’était pas protégé comme la Miraluka, avait néanmoins mis des lunettes de montagne, pour se préserver de l’éblouissement. En tout cas, le spectacle était grandiose.

Après un long moment de silence méditatif, opportun, jugeait-il, devait un pareil panorama, il murmura :

On marche encore sur deux kilomètres, en direction de l’est, et à partir de là, on prend en skis une piste qui nous ramènera vers le temple.

Rien de tel qu’un peu de hors piste après une randonnée d’alpinisme pour se mettre en jambe avant l’expédition spéléologique.
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La première centaine de mètres avait surtout consisté en la caracolade enfantine d'une adolescente bien trop heureuse de retrouver des sensations grisantes. Son statut de Padawane de l'Ordre Jedi s'était tout simplement perdu, quelque part, dans les étendues infinies d'Ilum. Puis, son souffle se fit court, la couche de neige plus épaisse, les efforts pour la creuser plus intenses. Le joli chiot au pelage de feu se rappela son état et l'évidence s'imposa à lui : s'il désirait faire davantage que cinq cent mètres dans cette épaisseur de neige, il devait s'assagir.

Thann se souvint des heures passées en haute montagne, sur Ondéron, lors des entraînements à la survie en milieu hostile. Si elle avait regretté leur rareté par plaisir à l'époque, elle le regrettait aujourd'hui pour l'habitude qu'elle n'avait pu développer. Les conseils élémentaires, pourtant, lui revinrent et la voilà qui suivait la sente creusée par son Maître. La file indienne n'était pas simplement une lubbie, elle avait de nombreuses vertus : on diminuait le risque de découvrir une creuvasse à force de s'éparpiller, on économisait ses forces - à l'arrière - en profitant d'une route déjà dammée et, aussi, on évitait de se perdre dans les immensités parfois trompeuses de ces environnements.

Si elle savait le risque pour les voyants du soleil dans de tel lieu, Thann n'avait elle aucun souci occulaire et c'est à visage découvert, bien que largement recouvert de crème solaire, qu'elle évoluait. Si le monde pouvait sembler vide à qui ne se fier qu'à ses yeux, elle percevait au travers de la Force sa délicieuse complexité. C'était formation cristalline complexe dissimulée sous la neige, c'étaient renard et belette à foison, applatis si parfaitement sur le sol qu'ils en devenaient une simple ondulation du relief, c'étaient aussi les gouffres, toujours impromptus, patients comme en embuscade, sous les congères. Même elle, qui percevait au-delà de la matière, était régulièrement trompée par les masses informes du matelas floconneux.

Mais elle adorait. Elle adorait se sentir si fragile face au monde. Elle adorait le piquant de l'air froid. Elle adorait la complexité métérologique qui permettait quelque chose de si extraordinaire qu la neige. Elle adorait la régularité qui naissait de l'agence de choses si petites que les atomes. Ici, elle se sentait vivre. Vivre aussi parce que chacun de ses muscles se tendaient sous l'effort. Son corps, qui suppliait qu'on le pourvut en oxygène, se trouvait contrarié par la glace vaporisée qui tenait lieu d'air et qui tentait à chaque instant de la congeler de l'intérieur.

La fatigue commençait déjà à s'accumuler et sa perception s'en faisait sentir, les sens en alerte de son Maître lui furent salutaires et elle sentit avec admiration l'immense ovipare filer sous la neige. Pourtant, elle n'était pas au bout de ses peines ni, fort heureusement, de son courage.

Chemin faisant, ils se retrouvèrent, presque soudainement, au pied d'une falaise de glace dont la verticalité brisait la nappe infinie et sans pli tout alentour. La formation avait de quoi surprendre, mais ce qui la saisit le plus fut certainement l'aisance avec laquelle son maître évolua le long de cette paroi, en apparence, lisse. Elle se concentra sur chacune de ses prises, sur le tracer qu'il choisit, sur les infractuosités qu'il parvint à déceler. Il n'y avait plus qu'à réitérer, à son rythme, son exploit, sous la surveillance bienveillante de cet étrange écureuil des neiges.

Elle n'était pas mauvaise pour estimer les distances. Une dizaine de mètres. Elle avait déjà monté davantage mais souvent, elle n'avait pas accumulé autant de fatigue au préalable. Un instant, elle pensa à Bouteboute qui, planant légèrement jusqu'au sommet, l'eût allègrement taquinée, soliloquant sur les limites des organiques. Pour l'heure, il était en charge, tranquillement, dans la chambre tandis qu'elle se trouvait au pied du mur.

Elle commença par faire flotter son barda jusqu'à son maître qui le réceptionna sans mal puis, d'une tape derrière chacun de ses mollets, elle fit surgir les crampons de ses bottes. Dans l'ensemble, elle était ravie de l'efficacité de sa dernière tenue. Elle s'approcha du péril, sentit la présence de son maître l'environner, respira profondément et planta fermement son premier appui dans la glace rocheuse.

L'exercice fut pénible et plusieurs fois, son pied, sa main, son piolet partirent mais dans l'ensemble, elle ne s'en tira pas trop mal. Elle était épuisée, se demandait sincèrement comment elle pourrait finir la journée mais arrivée en haut, la main de son mentor l'aida à se hisser pour mieux s'écrouler en étoile au sommet de l'édifice : elle n'avait pas besoin de "regarder" pour profiter du panorama extraordinaire qui s'offrait à eux tout en profitant de ce temps de répis pour retrouver son souffle. La barre énergétique lui fit l'effet d'un festin innattendue et il lui fallut bon nombre de grandes rasades d'eau fraîche pour se sentir contenter. La nouvelle arriva comme un pavé dans la marre.

" Du ski ? Mais... Je n'en ai jamais fait, Maître ! "
Karm Torr
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J’m’en doute, déclara d’un ton tranquille l’Ark-Ni, sans détacher le regard de l’immense vallée qui s’offrait à eux depuis leur perchoir.

Pour sa part, il avait été juché sur des skis par sa maître dès les débuts de son apprentissage. Sur des animaux, aussi. Des speeders. Accroché à des parachutes. Enfoncé sous les eaux. En général, avec un sabre laser à la main. Eût-il pris Thann sous son aile dès la sortie du noviciat, la jeune fille aurait probablement subi le même genre d’entraînement, avec beaucoup plus de bienveillance cependant. Formé comme un spécialiste du sokan dès son plus jeune âge, Karm croyait fermement que la première qualité d’un Jedi, sur le plan physique, avant même de savoir bien manier le sabre, était de pouvoir se mouvoir dans tous les environnements possibles et imaginables : acrobaties et natation, escalade et moyens de transport, course à pied et plongée sous-marine formaient selon lui la colonne vertébrale de tout entraînement digne de ce nom.

T’sais, tu montes sur les skis et puis ça glisse tout seul, poursuivit-il d’un air dégagé et avec le plus grand sérieux du monde, même si, au fond, c’était une plaisanterie.

(Satanés Ark-Ni.)

T’inquiètes pas, la piste est facile.

Il attendit encore un moment que sa Padawane fût un peu moins à l’article de la mort, avant de se relever, de renfiler son paquetage et de prendre la direction de la pente somme toute assez douce qui devait les ramener jusqu’au temple. Sur les hauteurs qu’ils avaient atteintes, le vent roulait constamment et faisait tourbillonner la neige contre les jambes. Fort heureusement, ils le prenaient du dos, de sorte qu’ils n’avaient pas à lutter contre la brise. Karm suivait précautionneusement le bord de la falaise, pour éviter une crevasse sur leur gauche, dont il ne manqua pas de constater qu’elle s’était un peu élargie, depuis sa dernière visite.

L’explorateur trouvait dans les mouvements de la montagne une occasion de méditations philosophiques. Cet être minéral immense et complexe, là depuis des millions d’années, immobile en apparence, était animé cependant de sa vie propre, qui allait petit à petit, insensiblement, mais qui, sous l’effet de forces titanesques quoique silencieuses et invisibles, ne s’en transformait pas moins au fil des années. Ainsi en allait-il de toute chose : de grands effets pouvaient naître de beaucoup de patience et, qui plus est, quand on ne vivait que quelques décennies, il fallait faire preuve, face à la marche des mondes, de beaucoup d’humilité.

Ce sont ces pensées qui l’occupaient encore quand ils arrivèrent au sommet de la piste. Comme promis, la pente descendait en effet doucement vers le temple, en décrivant une large courbe qui contournait un rocher saillant et, qui plus est, aucune crevasse ne venait troubler le parcours, mais si à un ou deux endroits, il fallait virer un peu, ou accepter de prendre une bosse. Il y avait sans doute de meilleurs endroits dans la galaxie pour s’initier au ski mais, tout bien considéré, ce n’était pas un si mauvais théâtre pour une première fois.

Karm détacha une barrette d’une vingtaine de centimètres de sa ceinture, avant de la séparer en deux et d’activer les deux skis télescopiques, qui se déployèrent avec un sifflement sourd. Il en fit de même avec les bâtons, accrochés de l’autre côté, avant de tirer de son sac à dos l’équipement de sa Padawane.

OK. Donc, les skis sont équipés d’un répulseur anti-gravité à faible intensité, qui compense les aspérités du manteau neigeux et offrent une manière stabilité. Quand tu seras expérimentée, tu pourrais le régler à ta convenance, mais pour l’heure, par défaut, ça ira bien. On va y aller tout doucement et pour ça, tu vas les laisser plus largement écartés à l’arrière qu’à l’avant, pour former un triangle. En chasse-neige.

Quelques explications supplémentaires fournirent à Thann les bases communes du ski.

Le ski, c’est comme se plonger dans la Force. C’est une question d’instinct et d’équilibre. Entre le lâcher prise et la maîtrise. Il faut sentir la neige, sentir la pente, et s’adapter intuitivement. Tu dois accepter de laisser tes instincts parler à travers toi ou plutôt, de laisser la Force parler à travers tes instincts. Tout ce que tu ne peux pas réfléchir consciemment par toi-même, parce que ça va trop vite, l’inclinaison, la vitesse, la température, la courbure, la densité de la neige, tout ça doit s’exprimer à toi spontanément à travers la Force.

Karm était depuis longtemps convaincu que les sports de glisse étaient une manière singulièrement efficace de s’entraîner à la Force, sur l’océan ou sur la neige, mais il n’avait jamais pu auparavant éprouver cette théorie sur quelqu’un d’autre.

Thann faisait une excellente cobaye presque volontaire.

Et rappelle-toi : tomber, c’est tout-à-fait acceptable. C’est en tombant qu’on apprend à se relever et c’est en se relevant qu’on sait qui on est.

Un aphorisme qui concernait peut-être tout autant la quête du cristal, et ses inévitables frustrations, que la pente qui s’étalait devant eux.
Thann Sîdh
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C’était Seïid, le petit génie des sports. Chaque fois qu’on lui proposait de s’élancer sur une nouvelle machine, une nouvelle monture, de grimper, courir, voler, nager, c’était elle qui, d’un claquement doigt, saisissait immédiatement le comment. Thann, elle, avait besoin de réfléchir, de comprendre, d’étudier. C’était d’ailleurs pourquoi elle avait même tant de mal aux exercices simples de méditation ; et pourquoi le style de méditation active que lui avait enseigné son Maître, répondait si bien à ses attentes. Lorsqu’elle se focalisait sur ses katas, elle atteignait paradoxalement un point de méditation plus intense que lorsqu’elle devait se retrouver immobile, à s’ennuyer en position du lotus.

Or, on venait de lui proposait un exercice sur lequel elle ne s’était même jamais penchée. Elle n’avait aucune idée de ce que cela allait pouvoir donner. Elle parvint cependant à refouler un temps son inquiétude. Après s’être sermonnée à mi-voix, elle décidait de profiter du cadre exceptionnel dans lequel ils évoluaient et de refouler son stress jusqu’au moment fatidique où elle se retrouverait en haut de la pente.

La montagne les dominait tout à fait et elle ne pouvait étendre sa perception jusqu’à la ligne d’horizon qu’avec peine tant, au-delà de la limite abrupte des falaises, le monde s’ouvrait pour eux. Ici, la neige venait s’appuyait contre les remparts pierreux et les congères étaient nombreuses. Plusieurs fois, elle se retrouva soudainement enfoncée dans la neige jusqu’aux épaules, à devoir jouer des hanches et des bras pour réussir à s’extirper de son trou. La pause avait été pour elle salvatrice mais finalement, parvenu au faîte de ce qui serait sa première piste de ski, elle ressentit un grand soulagement : le périple touchait à sa fin.

Elle écouta, avec soin mais sans grande conviction, toutes les instructions de son Maître l’observa se préparer, trouver immédiatement son équilibre sur ces d’engins et, avec l’adresse d’un bantha hémiplégique, entreprit de l’imiter. Enfiler son pied dans l’attache magnétique du premier ski ne représenta pas véritablement de difficulté. La galère commença sitôt qu’il fallut réussir à se tenir sur sa seule jambe ainsi équipée le temps d’enfiler le second. Elle s’appuya sur son bâton, perdit l’équilibre, volée de neige et de flocon et fesse profondément enfoncée dans le manteau neige.

« L’important c’est la façon dont on se relève, hein ? »

Se contenta-t-elle de souligner piètrement. Une fois au sol, elle décida d’y rester le temps de se chausser convenablement. Dès lors, il fallut se relever, sans partir en glissant. Après plusieurs tentatives et démonstrations d’un talent particulier pour imiter les araignées ivrognes, elle finit par parvenir à se mettre debout dans un équilibre précaire.

« Allez, Thann, plus large à l’arrière qu’à l’avant et c’est parti… »

La Padawane commença tranquillement sa pente jusqu’au moment où il fallut entreprendre le premier virage. Là, elle comprit plus ou moins instinctivement comment à peu près faire mais le fait, durant son demi-tour, de se retrouver soudainement face à la descente, lui fait gagner brutalement en vitesse. Paniquée, elle manqua de perdre l’équilibre, et malgré tous les efforts qu’elle mettait à essayer de trouver appui sur l’air, elle finit par croiser les skis et là, chacun qui un jour s’est adonné à cette pratique sait le drame qui irrémédiablement devait se produire.

La truffe dans la poudreuse, la petite rousse rugit de mécontentement face à sa gaucherie et décida qu’il était temps de la jouer à la Seïid… Elle se releva et décida de miser sur l’audace. Elle ferma les yeux, en appela à la Force et à son corps, se présenta face à la pente et partit.

Miracle d’Ilum ? Elle parvint, en quatre ou cinq fois plus de temps que son maître, à mi-piste, là où il l’attendait, sans la moindre fracture – même si l’arrêt final se conclut sur une nouvelle chute presque contrôlée.

« Je crois que j’aime bien ça, Maître ! »

Lui confia-t-elle, la tête couronnée de neige, en riant.
Karm Torr
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Tu te débrouilles comme quelqu’un qui ne va pas tout-à-fait mourir dans une avalanche, confirma Karm d’un ton on ne peut plus sérieux, quand sa Padawane déboula à ses skis avec une grâce quelque peu discutable. Allez, courage, jeune palmipède titubant.


Et sur ces bonnes paroles, Karm s’élança à nouveau sur la piste, avec une facilité insolente, fruit de bien des années de pratique. Une bonne demi-heure plus tard, ils étaient en vie, pour l’essentiel, quand ils franchirent l’une des portes de service du temple d’Ilum, où régnait le silence ordinaire. Les deux Jedis laissèrent leurs affaires de neige à sécher dans les vestiaires communs attenants à l’entrée, et puis, au lieu de prendre le chemin de leurs chambres, Karm entraîna Thann dans le dédale des niveaux inférieurs.


Quelques minutes plus tard, il était clair qu’ils s’enfonçaient à présent dans la montagne et que la façade du Temple Jedi, que l’on percevait depuis l’extérieur, quand on arrivait en navette, ne représentait qu’une partie d’une structure largement troglodyte, dont le réseau se déployait peut-être à partir de ce qui avait été jadis des cavernes souterraines, désormais domestiquées par les bâtisseurs des temps jadis.


Thann et Karm débouchèrent finalement dans ce qui avait été, il y avait bien longtemps, une vaste grotte, mais qui formait désormais un dôme parfaitement régulier, au centre duquel s’ouvrait un large bassin d’où s’échappaient des volutes de fumée. L’eau, soigneusement canalisée, jaillissait d’une source chaude, dans les profondeurs de la montagne et elle était l’occasion d’une leçon élémentaire mais toujours salutaire pour les Padawans qui visitaient le temple : sous les visages de glace peuvent se cacher d’insoupçonnables ardeurs.


Les mains croisées dans le dos, Karm resta un instant à considérer en silence la source qui lui inspirait apparemment des réflexions profondes. Désormais, elle lui évoquait Luke et les trésors de chaleur qui se cachaient sous son apparence réservée. Et il en allait ainsi parfois aussi de la Force, qui était si vaste qu’elle pouvait sembler impossible à émouvoir, en se refusant à toute prise, mais qui savait, à qui cherchait patiemment, faire jaillir des ressources prolifiques.


Tu trouveras tout le nécessaire dans les commodes, dit finalement l’Ark-Ni, en désignant d’un geste de tête les interminables meubles laqués qui longeaient les parois du dôme. Je te laisse te laver.


Et il était évident que ce n’était pas seulement au corps qu’il fallait réserver ses ablutions ce jour-là. Le jeune Chevalier tourna les talons et rejoignit pour sa part les étages supérieurs, où l’attendait une douche plus traditionnelle. En chemin, ni vers la source, ni vers sa chambre, il n’avait croisé âme qui vive, même s’il sentait bien la présence d’une poignée d’autres Jedis, les gardiens du Temple, qui vaquaient à leurs occupations en d’autres parties du vaste bâtiment.


Pendant plus d’une heure, Karm se consacra ensuite à une méditation silencieuse, assis en tailleur sur le coussin de méditation qui équipait chacune de leurs chambres, nu — cela va sans dire, on a une réputation à préserver ! —, les yeux fermés, plongé dans la Force. En quelques minutes, il laissa ses pensées se délier, ses inquiétudes se dissiper et son esprit se libérer, pour atteindre cette quiétude lumineuse et clairvoyante que l’on enseignait à poursuivre à tous les Padawans, inlassablement.


La Force.
Il n’y avait que la Force.
Immense, vivante, palpitante.
Pour un mystique comme Karm, la sensation était enivrante.
Il s’offrait tout entier à elle, prêt à tout lui abandonner, et ces instants interminables étaient d’une clarté suprême.


Le Gardien ne rouvrit les yeux que lorsqu’il sentit la présence de sa Padawane se rapprocher. Quelques minutes plus tard, il toquait à la porte qui séparait leurs deux chambres, pour gagner celle de Thann, vêtu — quel exploit ! — d’un pantalon, mais pieds et torse nu, un accoutrement qui ne devait plus étonnée la jeune fille, habituée désormais à la pudeur d’exhibitionniste de son maître bien-aimé.


C’est la coutume que les visiteurs aident les gardiens du temple à préparer les repas, expliqua-t-il de but en blanc, sans l’interroger sur les fruits de sa méditation aquatique, parce que la quête du cristal était avant tout, selon lui, une expérience intime, où son rôle devait peu à peu se réduire à celui d’un discret auxiliaire, Enfin, il y a des droïdes qui font une bonne partie du travail, tu sais, mais c’est une question de principe. On peut aller aux serres récolter de quoi faire le repas, et assister aux cuisines, si tu es prête.


L’humilité que l’on trouvait dans les simples tâches ménagères constituait, naturellement, un autre aspect de la leçon.


La grande question demeurait : Karm consentirait-il à mettre un tee-shirt avant de s’aventurer à nouveau dans le temple ?
Thann Sîdh
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Quelqu’un qui ne risque pas tout-à-fait de mourir dans une avalanche ? C’était déjà le début de quelque chose de formidable pour l’adolescente. D’autant que son épithète, dite des plus grandes épopées, l’invita à rire à gorge déployée avant même de se relever. Il fallut qu’elle parvînt à se calmer avant d’entreprendre de poursuivre son mentor dans la piste et c’est avec davantage de plaisir qu’elle poursuivit. Elle avait eu le déclic et si, évidemment, elle se montrait encore largement maladroite et timorée, il ne faisait aucun doute qu’elle s’épanouirait pourvu qu’elle eût l’occasion de multiplier les kilomètres de slaloms. Alors qu’elle défaisait ses skis, aux pieds de l’immense Temple, elle ne put s’empêcher de signifier l’évidence.

« C’était fantasticomidable, Maître ! Promettez-moi que nous recommencerons avant de quitter la planète !

– Bien sûr qu’on remettra ça. Le ski. Le ski avec sabre laser. Le ski après un saut en parachute. Le ski puis un saut en parachute. Le ski, le parachute, le sabre laser. Tu vas voir. Ça sera génial. » Motivée à l’extrême, elle aurait presque été capable d’insister pour s’y adonner dans l’immédiat. Presque.

Ereintée par la randonnée mais absolument heureuse, elle emboita le pas, guillerette, à son Maître et suivit à ses les couloirs de l’édifice. Une nouvelle fois, elle n’eut aucunement la sensation de reconnaître quoi que ce soit. Leur chemin fut absolument nouveau et cela en disait long sur l’immensité de la bâtisse dont le promontoire extérieur n’était qu’une partie émergée d’un titanesque iceberg. La, sur les murs, changea radicalement d’aspect. Les joints disparurent pour faire place à des surfaces polies, creusées à même la roche, trahissant la frontière entre la construction artificielle sur la montagne et la mise en valeur du naturel de la montagne. La pente était si douce que Thann avait du mal à sentir s’ils descendaient, montaient ou, simplement, se dirigeaient droit vers le cœur de la montagne. Bien qu’elle l’anticipa, sa vue singulière se portait au-delà des yeux humains, la Padawane fut saisie par l’immensité de la salle dans laquelle ils débouchèrent soudain après de longue minute de marche silencieuse. Le plafond, parfaitement lisse à l’image du sol, s’élevait comme l’intérieur de la carapace d’une tortue. A son apogée, comme surgit de la voûte, un cristal d’une taille démesurée dont, Thann le comprit malgré son impossibilité de le voir, la lumière se diffusait partout. A l’exact apique de ce lustre naturel, un bassin, creusé dans le sol, aux fumantes et légèrement sulfureuses : des sources d’eaux chaudes naturelles. Elle écouta les instructions et, sitôt son maître disparu, s’exécuta. Elle se débarrassa de sa tenue de grand froid, se procura serviette, pierre-ponce et savon. Elle pénétra doucement dans le bassin, l’eau vraiment très chaude, l’obligeât à s’habituer petit à petit. Alors que l’eau, déjà, lui arrivait au menton, elle n’était guère qu’aux deux tiers du chemin à parcourir pour rejoindre le centre du bassin dont elle devinait, en réalité, qu’il était probablement un puit d’une profondeur extrême. Elle s’immergea, avec la même lenteur, et retrouva les sensations familières. Une fois sous l’eau, sa perception des choses se limitaient grandement et elle se retrouvait comme enfermée dans une bulle. La dernière fois qu’elle avait expérimenté cela, c’était lors de leurs premières escapades en terra incognita. La toute première mission de Thann aux côtés de son Maître. Le souvenir la renvoya loin en arrière. Aux creux des eaux, bercés par les courants naturels du bassin, elle laissa sa pensée filer : Seïid, d’abord. Elle lui manquait et c’était son désir de tout lui raconter qui la convoqua. Kolin, ensuite, et les inquiétudes de Columex. Zélonion, dont elle n’avait plus de nouvelles, disparu. Les discussions avec le Chevalier Luke. Elle-même. Ses doutes, ses angoisses, ses rêves. Elle crut un instant s’enfoncer jusqu’au cœur de la planète, laquelle semblait l’appeler dans ses bras comme une mère. Ilum tout entière résonnait en elle : ses étendues glacées, ses vents et ses brises, ses roches et ses glaces, sa chaleur lumineuse profondément cachées. Quelque part, comme un éclat, comme une partie de cette conscience millionnaire, un don d’une aïeule à une enfant perdue.

Lorsqu’elle creva la surface de l’eau, la Miraluka avala l’air comme à sa naissance. Elle ignorait combien de temps elle avait passé sous l’eau. Elle se sentait comme au bord de la noyade et à la fois, étrangement rassurée ; à aucun instant elle n’avait été en danger. Alors qu’elle reprenait lentement conscience de l’espace autour d’elle, l’adolescente compris qu’elle avait dérivé jusqu’au centre du bassin. En quelques mouvements de brasses coulées, elle fut de nouveau au bord, attrapa le nécessaire et se frotta vigoureusement le corps : autant pour délasser ses muscles endoloris que pour décrasser sa peau. Sortie depuis quelques instants, elle se retourna vers le bassin, intriguée parce qu’elle venait d’y vivre et pas tout à fait sûre de ne pas l’avoir rêvé. Avec un soupir ravi, elle finit par se détourner, se vêtir d’un des nombreux peignoirs laissés là à disposition, constata que son Maître était reparti avec son barda, ramassa ses affaires et regagna sa chambre, non sans avoir à demander son chemin une fois à un droïde protocolaire qui passait par-là.

Son maître frappa à la porte alors qu’elle ne venait que d’enfiler son body, ayant d’abord pris le temps de réactiver Bouteboute et de discuter un peu avec lui des événements qu’il avait manqué – qu’il s’empressa d’archiver. Son maître, à peine plus habillé qu’elle, entra et l’informa de la suite du programme. Cela la décida à adopter une tenue plus pratique que ce qu’elle avait en tête de prime abord, rien de très Jedi, une tenue simple, classique, pratique mais avec un soupçon d’élégance dans sa sobriété. Elle s’était décidé à en faire son standard, depuis peu, plutôt que son ancienne bure de padawan devenu trop étroite en bien des endroits.

« Nous pourrons prendre le temps de jardiner un peu ? Cueillir sans bêcher ni arroser, c’est un peu voler le fruit de la patience d’un autre, non ? » avança-t-elle avec une petite moue innocente car c’était aussi qu’entretenir le vivant – végétal ou animal – était une activité qui la ravissait mais cela… Son maître le savait déjà, alors pourquoi lui dire encore ?
Karm Torr
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D’un hochement de tête, Karm approuva le projet de sa Padawane et, comme par miracle, il consentit à faire un détour par sa propre chambre pour enfiler un débardeur assez ample, définitivement peu sensible aux protocoles vestimentaires de l’Ordre Jedi. On aurait presque dit un adolescent égaré après une fin de soirée sur Coruscant, abstraction faite d’un regard qui, à l’instar de celui de bien des Jedis, trahissait une sagesse peu commune à son âge.


Bouteboute réactivé flottait derrière eux alors qu’ils prenaient, encore une fois, un schéma inédit dans les entrailles du Temple. Toutefois, leurs pas les menaient à peu près dans la même direction que celle de la source, vers l’intérieur de la montagne, là où les effets géothermiques devaient sans doute fournir beaucoup à l’énergie nécessaire au potager des gardiens. À chacune de ses visites, Karm ramenait quelque semence d’une terre lointaine, pour qu’on puisse faire l’essai de l’adapter aux conditions du temple et, si la chose ne réussissait pas toujours, c’était un exercice auquel les jardiniers des lieux s’étaient toujours exercés avec plaisir.


Après plusieurs minutes de marche, ils passèrent un sas atmosphérique. De l’autre côté régnait une chaleur tropicale qui expliquait assez la tenue choisie par Karm. Comme celle de la source, la salle de culture avait été aménagée dans une grotte et, à travers la Force, on pouvait deviner que les parois tout autour étaient parcourus par des courants d’eau presque bouillante, qui devaient se jeter à des centaines de mètres plus bas dans quelque lac souterrain, peut-être depuis toujours inaccessible aux visiteurs : il y avait tout un monde sous les montagnes d’Ilum, qui s’étendait bien au-delà des caves à cristaux explorés depuis longtemps pourtant déjà par les Jedis.


Loin de la jungle inextricable à laquelle invitait son atmosphère, le potager était cependant soigneusement entretenu, au point que sa géométrie rigoureuse n’était pas sans rappeler les jardins de méditation jedi, comme on les trouvait dans certains temples. Il s’étendait sur une superficie plus modeste que ceux d’Ondéron ou Coruscant, mais il devait déjà subvenir à bien des besoins du petit groupe de gardiens qui y résidaient en permanence. Un droïde horticole, sorte de poulpe mécanique d’un mètre trente de haut, promenait sa démarche chaloupée de parcelle en parcelle, taillant ici d’un tentacule, arrosant là d’un autre.


Oh ! Mon dieu… je suis là… je… voilà voilà…


Une tête blonde apparut de derrière un arbre fruitier, suivi du reste d’un corps et un humain d’une vingtaine d’années finit par débouler devant eux. C’était un Auxiliaire de l’AgriCorps, comme généralement les jardiniers du temple d’Ilum. On y envoyait généralement des jeunes gens encore formation, parce que l’espace bien protégé du jardin, et les besoins relatives modestes de la communauté, en faisait un endroit facile à administrer et une occasion idéale de commencer à prendre son indépendance.


L’Auxiliaire fixait Karm.
C’était Karm.
Karm Torr.
L’explorateur ! Le combattant !
(Et quels yeux.)


Il était cool.
Il avait la classe.
Et sa tenue !
On racontait même que le slip du chevalier en slip était très généreusement f…


Salut, moi c’est Karm, et elle, c’est Thann, ma Padawane.
Hmm hmm, répondit l’Auxiliaire dans un gémissement indistinct et avec un si complet manque de flegme qu’on comprenait sans peine pourquoi il n’avait pas fini Chevalier Jedi.
J’ai ramené des semences.
Votre semence ?
Des graines.
Ah !


Le jeune homme parut sortir comme d’une transe, alors que Karm lui tendait un petit sachet de papier.


Excellent ! Euh… Parfait. Oui oui. Je sais quoi en faire.


On aurait dit qu’il leur demandait leur confirmation.


J’en doute pas, abonda Karm d’un ton encourageant. C’est quoi ton nom ?
Ah oui ! Bien sûr ! Mon nom. Euh…
Tu t’en souviens pas ?
Si si si si si, s’empressa d’assurer l’intéressé d’un ton à moitié convaincu. Igur Olafson, m’sieur, maître, chevalier.
Karm, suggéra Karm.
Karm. Igur Olafson, donc, de l’AgriCorps, section services aux temples, conclut le blond.


La présence de la Force en lui était considérable et ce n’était clairement pas un défaut de pouvoir qui l’avait poussé dans les rangs des auxiliaires, mais bien son tempérament. Du reste, à peine eut-il ouvert le sachet pour examiner les graines qu’il parvint à faire temporairement abstraction de Karm, de sa coolitude, de son physique avenant et des miracles que renfermaient, selon la légende des couloirs du Temple, le slip en question.


Ah oui très bien je vois, n’est-ce pas, bien sûr bien sûr, murmura Igur, à l’attention des graines plutôt que de ses visiteurs.
On aimerait prêter main forte, avant dîner.
Oh c’est si gentil, s’exclama brusquement Igur, en relevant un regard d’un bleu clair plein de dévotion vers Karm, qui en fut un peu décontenancé.
Euh… C’t’une idée de Thann.


(Ce n’est pas beau de dénoncer ses petits camarades.)


Igur braqua son regard sur la Padawane et déclara :


Oh c’est si gentil.


Puis d’une voix il lança :


Poulpor, inutile d’arroser le robot de la demoiselle !
Flop flop flop flop flop, répondit le droïde tentaculaire.
Et du coup, qu’est-ce qu’on peut faire ?
Les vers !
Pardon ?
Les vers du compost ont l’air malade, déclara Igur en désignant d’un geste de la main une vaste caisse derrière lui. J’essaie de les renforcer petit à petit par la Force. Et hm… Moi je vais semer ces graines en pot. Il faut désherber autour des choux et rajuster les nouvelles pousses de courges à la treille.


Karm se tourna vers sa Padawane et, héroïque comme il était, déclara :


J’m’occupe des vers.
Oh oui, soupira Igur d’un air rêveur.
Thann Sîdh
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Son projet fut accueilli positivement, au grand ravissement de l’adolescente qui, si elle n’avait eu tout le corps déjà largement fatigué par les efforts de la journée, eût certainement bondi en tous sens du fait de la quantité incroyable de bonnes nouvelles qui s’étaient accumulées jusque-là. Bouteboute, lui, se contenta d’un « Doooowww… » long et lugubre : il n’avait aucune passion pour la botanique. Soit ! Il trouvait de toute façon toujours une bonne occasion de râler.

Alors qu’ils s’élançaient de nouveau dans les nombreux couloirs du Temple, Thann remarqua qu’aucun ne lui étaient encore familier. Intriguée de découvrir l’immensité du lieu, elle demanda à son brave camarade de lui trouver les archives contenant les plans du bâtiment.

« ·−· ··· ·−·· − −···− −····−

– Comment ça ? Il doit bien y avoir des schémas quelques parts, fouille encore.

– ···−− − −− ··· ··· ·−· −·−· ···· ·· ··−· −· − ··−· −· −·· −···− −· −−− ·−· ··· ·−·· −

– Tu sais que tu as le sale caractère d’un archiviste un peu aigri, Bouteboute ?

– − ···· −··− »

Son Maître, occupé à autre chose, n’avait pas prêté attention à la conversation entre les deux boutentrains mais Thann décida d’en toucher plus tard un mot à ce dernier. Qu’aucune archive ne contienne les plans détaillés d’un lieu de cette importance la turlupinait intensément.

La rencontre avec l’étourdi Igur, si cela eût été possible, eût déclenché un roulement d’yeux du type ‘encore ? Sérieusement ?’ chez la Padawane. Cela faisait plus d’un an qu’elle était à présent aux côtés de Karm, plus longtemps encore que ce fâcheux incident c’était produit et pourtant, bien trop souvent, c’était cette même réaction. Qu’un être aussi complexe et aussi formidable que son mentor fût sans cesse ramener à son slip – dont d’ailleurs elle ne se souvenait pas l’avoir vu avec ! Existait-il encore seulement ? – commençait à l’exaspérer. Elle trouva cependant une excuse au botaniste : ici, le temps passait autrement et l’animation manqué, les anecdotes du passé devaient avoir la saveur des nouvelles du jour. Et puis, il avait salué sa gentillesse, non ? Il ne devait pas être totalement corrompu par le côté obscur… Elle luit sourit.

« D’accord, je vais m’occuper du reste alors ! Bouteboute, n’embête pas ton camarade… Ne t’étonne pas que tout le monde te trouve insupportable si chaque fois que tu rencontres un probable nouveau copain tu te montres aussi indélicats. Viens par-là, tu me tiendras mes gants pour la peine. »

Et voilà le tandem partit sur la ligne de front des choux, bien déterminés – au moins pour l’un de ces composants – à régler cette situation fâcheuse d’invasion. Comme promis, la Padawane retira ses gants, non pas qu’elle voulut les préserver, elle ne se souciait guère de cela, non, elle voulait sentir la terre contre sa peau, les feuilles, le vrai. Pas de filtre. Parvenu à la rangée incriminée, elle constata qu’en réalité l’ensemble était excellement entretenu par Igur simplement, çà et là, de petites pousses d’ortie, de pissenlits commençaient à pointer curieusement le bout de leur nez. Elle s’activa aussitôt à les faire battre en retraite, sous l’œil inexpressif de son compagnon flottant.

« Vraiment désolée, les copines, mais vous êtes en train d’embêter mes copains les choux et c’est pas cool… Vous inquiétez pas, je suis sûre que la Force vous trouvera une nouvelle place. »

Oui, elle rassurait les plantes qu’elles délogeaient, et alors ? Sur Ondéron, le Maître botaniste soulignait toujours l’importance de chaque chose. Son mantra ? « Il n’y a pas de mauvais herbe, Thann, chacune apporte quelque chose, il s’agit avant tout de savoir les marier ». Cependant, si les principes de permacultures étaient possibles en extérieur, dans un milieu si strictement régulé qu’ici la chose semblait beaucoup plus compliquée.

Les choux ayant retrouvé leurs aises, l’adolescente partit à la recherche des courges et de leur treille. Elles les trouva sans mal et entreprit d’aider chacune à s’agripper convenablement. Lorsqu’elle revint à son maître, son bel habit blanc était largement parcourut de stries terreuses et s’uniformisait finalement assez bien avec ses joues et même, certainement, ses cheveux qu’elle ne pensait pas encore à attacher bien qu’ils en eussent besoin.

« Comment se portent nos petits vers ? »
Karm Torr
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L’attention d’Igur alterna tout d’abord entre les graines soigneusement semées et le travail de la Padawane. Il n’était là que depuis quelques mois, mais il savait déjà que certains jeunes gens tout-à-fait enthousiastes manquaient de délicatesse quand il s’agissait de satisfaire aux travaux agricoles précis et patients du jardin du temple. Dans les serres d’Ilum, où tout devait être méticuleusement contrôlé, il n’y avait guère la place à l’erreur. Mais Thann était précautionneuse et, satisfait, le jeune auxiliaire put laisser son regard dériver vers Karm.


Jadis, il avait rêvé d’être l’un de ces Gardiens qui traversaient la Galaxie en tout sens et vivaient des aventures incroyables. Et puis il y avait eu le terrain. La peur, le sabre laser à la main. Les crises de panique. L’angoisse, les doutes, la honte. Il lui avait fallu des années pour trouver son chemin au sein de l’Ordre, qu’il avait failli quitter bien des fois. Partir, ailleurs, rejoindre sa planète d’origine, quelque part dans le Noyau, trouver un mari, adopter un droïde, mener une petite vie tranquille et sans histoire. Des Maîtres compréhensifs et bienveillants, heureusement, lui avaient trouvé une voie. Igur, désormais, se sentait rempli d’amour pour l’Ordre et pour les autres Jedis. Même pour Poulpor.


L’attention de Karm, elle, était entièrement absorbé par les vers. Il avait plongé les mains nues dans le compost pour les exhumer et les examiner de près. Il n’était pas vétérinaire, mais tout explorateur avait une solide formation en zoologie et en soins animaliers. La Force, ensuite, faisait le reste. Les petites créatures se tordaient dans les déchets organiques, alors que le Jedi plongeait dans leur existence simple, mais précieuse, comme celle de toute chose. Individuellement, leur présence dans la Force était presque imperceptible, leur esprit, trop élémentaire pour pouvoir être même saisi, en tout cas par les modestes pouvoirs de l’Ark-Ni, mais tous ensemble, il formait une sorte d’organisme que Karm parvenait à saisir.

Vu de l’extérieur, plongé ainsi dans une profonde concentration, immobile, la respiration lente, Karm n’avait pas l’air de faire grand-chose, mais la sensibilité à la Force tout-à-fait exceptionnelle d’Igur lui permettait de suivre, même distraitement, les investigations de l’Ark-Ni. Quand il eut fini de disposer les pots près des murs les plus chauds, il rejoignit à son tour ses deux visiteurs face au bac de compost, alors que Karm, rouvrant lentement les yeux, déclarait :


Manque d’azot.
Vraiment, s’étonna le jardinier, qui tapota aussitôt sur l’écran tactile du bac, pour en parcourir les données. Tout a l’air en ordre.
Problème de capteur.


D’autres auraient pu se froisser du laconisme du chevalier, mais le jardinier, tout entier à son travail, ne s’en offusqua guère.


Ah bon ?
À cause de la chaleur et de l’humidité. Ça arrive souvent. Le dernier jardinier avait commandé un bac spécial, mais bon…


Dans ce « mais bon », il y avait tout le drame du temple d’Ilum, un établissement jadis florissant qui, presque abandonné désormais, devait se contenter des reliquats de finance de l’Ordre pour fonctionner. Ici, tant que les choses fonctionnaient, on n’avait pas la priorité du matériel de pointe.


Bon, je demanderai à notre ingénieur de bricoler quelque chose en attendant, déclara Igur avec philosophie. Si vous voulez récolter pour le dîner, je vous rejoindrai plus tard, j’ai encore beaucoup à faire. Mais merci ! Merci beaucoup ! Et la treille, oh la la, c’est du travail impeccable, vous devriez songer à faire ça plus souvent. On sent le geste sûr et précis, l’attention au détail…


Le jeune homme leur adressa à tous les deux un sourire chaleureux.
Celui auquel Karm eut le droit fut un peu plus long.
Et un peu plus chaleureux.


Si l’Ark-Ni se rendait compte de l’effet qu’il faisait au jeune auxiliaire, c’était difficile à dire : il avait conservé l’expression flegmatique propre à son peuple. La récolte du savoir fut promptement rassemblée et les deux Jedis prirent le chemin des cuisines, quittant les serres sous le regard d’Igur, qui dériva un instant vers les fesses de Karm.


Les cuisines étaient situées trois étages au-dessus, dans la partie du temple qui avait été entièrement construite par les Jedis, il y a bien longtemps. Plus spartiates que celles d’Ondéron, elles fournissaient néanmoins à tous les besoins de la petite communauté et des groupes de visiteurs. Les gardiens du temple s’y relayaient à tour de rôle, épaulés par les Jedis de passage, et l’usage voulait que, sauf particularités de telle ou telle espèce, celles et ceux qui le pouvaient prissent leur repas tous ensemble.


Un Twi’Lek d’un certain âge s’occupait ce jour-là des fourneaux.


Ah, Chevalier Karm, quel plaisir que la Force ait ouvert à nouveau pour vous entre les étoiles le chemin qui mène à notre humble demeure.
Bonsoir, Sarik. Ma Padawane, Thann.
Padawane, puissent les profondeurs d’Ilum vous conduire aux profondeurs de votre âme et, de l’obscurité de la montagne, jaillir la clarté cristalline qui éclairera le chemin du Côté Lumineux de la Force.


Le Chevalier Sarik était, évidemment, un Consulaire. Il alternait depuis plus de vingt ans des longues missions diplomatiques, en tant qu’observateur de la paix, à des séjours méditatifs de plusieurs mois, parmi les gardiens du temple d’Ilum, auquel il n’appartenait toutefois pas formellement. Karm et lui n’avaient pas grand-chose en commun, mais il n’en régnait pas moins entre eux une entente cordiale.


Alors… ? Cette, euh… guerre commerciale… ?


Karm avait eu la courtoisie de consulter le dernier rapport de mission du chevalier twi’lek, avant de gagner Ilum, mais il n’en avait pas compris grand-chose. Sachant le peu de goût que son interlocuteur avait pour les questions économico-diplomatiques, Sarik balaya le sujet d’un sourire et se contenta de répondre :


Tout est pour le mieux, tout est pour le mieux. Souvent, les États, comme des animaux inquiets, s’agitent et ruent, mais la plupart du temps, ils n’aspirent qu’à la sécurité et au calme. Il faut, tout simplement, faire preuve d’un peu de patience.


(Le Gardien soupçonnait les choses d’être un brin plus compliquées que cela — en témoignait sa migraine à la lecture du rapport.)
Thann Sîdh
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La jeune Padawane accueillit les compliments avec grand plaisir. Même s’il semblait bien distrait, il n’était certainement pas un méchant garçon, finalement, ce Igur. Elle fut à ce point distraite qu’elle ne prêta guère attention au traitement particulier que reçu son mentor. Elle avait répondu aux attentes, mieux, elle les avait dépassées et l’avait aidé de tout son possible. Ce fut avec la même application qu’elle se chargea de cueillir les courges, tubercules et quelques fruits, son ventre déjà terriblement prêt à les accueillir une fois qu’ils auraient passés l’étape des cuisines.

La cuisine, si elle avait tous les aspects de la sobriété et de l’utilitaire, n’en devenait pas pour autant inconfortable et Thann y vit surtout l’intérêt principal : la possibilité de confectionner enfin son repas ! Comme partout ailleurs dans le Temple, il n’y avait pas grand-monde non plus ici, pour l’heure. Elle ne s’en étonna plus. Son maître l’y avait préparée et elle avait suffisamment eu l’occasion de constater la triste désertion du lieu. Un grand Twi’lek s’activait derrière les grandes casseroles qu’assistait un commis robotique surmonté d’une toque tout à fait charmante.

« Tiens… C’est vrai ça… je pourrais peut-être te confectionner de jolis chapeaux ! souffla-t-elle à son propre acolyte qui aussitôt s’écria :

– −····−

– Tu ne devrais pas être si catégorique avant d’avoir vu ce dont je suis capable. »

Il ne répondit pas mais son silence était la simple réaffirmation de son refus – ce qui n’empêcherait pas sa maîtresse de tenter tout de même l’expérience sitôt qu’ils eussent regagné Ondéron. Alors qu’elle rêvait à ces nouveaux projets, le cuisinier ouvrit la conversation. Il était évident qu’il connaissait son maître, elle le salua dans les formes, non sans sourire, comme à son habitude. Le visage de leur interlocuteur était marqué subtilement par l’âge, à la commissure des lèvres, au coin des yeux, ce qui – chez les Twi’Leks – était la marque d’un âge bien plus avancé que chez les humains. Thann songea alors à tous les souvenirs que pouvaient bien recueillir les lekkus de ce colosse et, percevant son aura, complexe et d’une esthétique remarquable, ne douta pas qu’on parlait là de centaines de voyages et d’histoires souvent rocambolesques. En outre, son phrasé l’amusait beaucoup et l’énigmatique vœu qu’il lui adressa lui alla droit au cœur ; d’autant plus que son adresse semblait faire écho à son expérience, dans le bassin, comme s’il savait, étrangement,

« Lorsque vous parlez des états, vous hypostasiez en plus de la métaphore ou vous transformez les gens du gouvernement en drôle de banthas ? » reprit-elle en riant. Le sourire du Twi’lek se fit un peu plus franc et il se contenta de constater.

« Le fruit ne semble pas être tomber bien loin de l’arbre. Ou bien est-ce que naturellement les inséparables ont réussi par se réunir encore ? L’éternel question de l’œuf ou du gizka… Si me déposiez plutôt vos fardeaux sur l’évier là-bas ? Ils ne sauraient être mangés sans avoir été lavés au préalable. Ils serviront pour le repas de demain, pour l’heure, j’ai déjà eu tout ce qu’il me fallait. Voyez, il indiqua le large plan de travail sur lequel s’activait déjà son commis,« Je ne doute pas un instant que C00cker sera ravi que vous lui apportiez votre aide salutaire. »

Il n’eut pas besoin de se répéter. Enthousiaste, malgré la fatigue, la Miraluka se déchargea de ses trésors botaniques et alla prêter sa main au droïde qui, d’une voix entre le rocailleux et le métallique, lui assigna ses tâches les unes après les autres : épluchage, découpage, éminçage… Et, puisqu’il fallait être honnête, un peu de dégustation à la sauvette. L’atmosphère de la cuisine baigna bientôt dans les odeurs d’épices et de cuisson – elle eût parié à cet instant que ses canines avaient poussé de cinq centimètres.

Le réfectoire, qui n’était séparé de la cuisine que par un passe-plat, gigantesque aux vues des effectifs qu’il accueillait à présent, s’était rempli des quelques âmes qu’accueillait le Temple. Les plats fumants furent déposés, tous s’attablèrent et bientôt les discussions allèrent tranquillement trains entre les convives : l’endroit était rarement le lieu des conversations les plus sérieuses.
Karm Torr
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La conversation entre Sarik et Karm roula bon train pendant que les trois Jedis s’affairaient aux cuisines, c’est-à-dire que le Twi’Lek parla beaucoup et que l’Ark-Ni intervint par quelques monosyllabes judicieusement placés. Lorsqu’il avait rencontré le Consulaire pour la première fois, Karm s’en souvenait parfaitement, il s’était senti comme paralysé par la honte. À côté de ce vénérable diplomate, dont les connaissances couraient d’un bout à l’autre de la Galaxie et pénétraient, avec une clairvoyance particulière, les intrigues politiques et les nécessités des grandes mesures, le jeune Gardien avait mesuré l’ampleur de sa propre ignorance, et combien sa propre formation l’avait laissé démuni sur bien des sujets.

Le temps avait passé.
Karm se sentait toujours ignorant, mais il avait cessé d’avoir honte.
L’humilité était louable, mais la honte était un sentiment inutile qui encombrait le chemin et il s’était employé à repousser cet obstacle intérieur pour se consacrer à l’essentiel : rattraper son retard, bon an mal an, souvent avec l’aide de Luke et, désormais, grâce à Thann.

Toujours était-il que, plus encore qu’à son habitude, quand Sarik parlait, il se taisait, pour écouter, retenir, et essayer de comprendre.

Ils étaient une petite vingtaine attablés autour du dîner. Même les Jedis dont l’espèce se nourrissait à des heures différentes venaient là, pour partager un moment communal avec leurs frères et leurs sœurs. Les propos roulaient d’abord sur le Temple et à son entretien, sur les derniers caprices du climat et de la montagne, avant de se tourner vers d’autres considérations. Ici, l’atmosphère fraternelle prenait une force plus particulière que dans les autres Temples, à cause du petit comité. Dans quelques mois ou dans quelques années, ils retourneraient chacun à son époque à la grande agitation des affaires galactiques, et d’autres viendraient les remplacer dans cette retraite précieuse, mais pour l’heure, ils formaient une communauté monastique singulière.

Karm avait été obligé de sortir de sa réserve ordinaire, parce que l’essentiel des questions leur était naturellement adressé, à Thann et à lui. Ils apportaient des nouvelles de l’extérieur, d’abord, et comme il était un visage familier du Temple d’Ilum, on s’intéressait aussi à sa vie à lui. Un consulaire céréen, un géologue qui avait depuis longtemps la charge d’étudier les vastes glaciers d’Ilum et de s’assurer de la solidité relative des caves explorées par les autres Jedis, finit par demander :

Et aurons-nous le droit, ce soir, à… ?

Cette phrase laissée en suspens fut renchérie par quelques exclamations encourageantes des autres piliers de la communauté.

L’Ark-Ni eut l’air un peu mal à l’aise.

À quoi, à quoi, demanda Igur, qui était brutalement sorti des réflexions apparemment profondes que lui inspiraient jusque là la salade dans son assiette ?
Karm, répondit Maître To, comme si ça devait tout expliquer.

Sarik se pencha vers le jeune jardinier et se fit fort de l’éclairer.

Notre jeune ami, comme toutes les comètes de beauté qui forment son peuple céleste, est habité par un chant et ses doigts jouent sur la lyre de nos âmes.
Euh…

Igur se composa un air inspiré.

OK.
Celui que tu as fabriqué il y a trois ans est toujours là, poursuivit le Céréen.
D’accord, céda enfin Karm.

Sans plus d’explication, le dîner se poursuivit, C00ker ne manqua pas d’adresser des reproches sévères à tout convive qui n’aurait pas fini son assiette. Et puis, la table débarrassée, une dizaine d’entre eux, accompagnés de Thann, dont le Maître s’était éclipsé, se réunirent dans un salon attenant, dont l’aménagement rappelait immanquablement les salles de méditation du Temple de Coruscant.

Logé contre la façade extérieure du Temple, il s’ouvrait dans une large baie vitrée sur la spectaculaire vallée en contrebas, difficile il est vrai à distinguer, pour qui n’avait pas les pouvoirs de la Miraluka, dans la nuit obscure qui était désormais tombée sur la planète, et que la lumière d’aucune ville ne venait perturber.

Karm refit bientôt son apparition avec un instrument typique de la culture ark-ni. La musique tenait une large place dans la société où il avait passé ses premières années : elle était un pilier de la communauté sur chaque vaisseau, où chacun était incité à la pratiquer pour soi-même et avec les autres. Les Ark-Ni jugeaient qu’elle adoucissait le tempérament et permettait d’épurer ses émotions, cultivant l’humeur égale nécessaire à ceux qui vivaient constamment dans un environnement confiné et parfois dangereux. Elle obligeait surtout à s’accorder, dans tous les sens du terme.

Les Ark-Ni façonnaient leurs instruments avec des pièces récupérées sur les vaisseaux, une activité souvent lente et méticuleuse, qui n’avait pas pour eux moins d’importance que pour les Jedis la confection du sabre-laser. On prenait des pièces sur son vaisseau d’origine, pour témoigner son appartenance, ou au contraire on les trouvait sur différents bâtiments de la Flotte. D’autres les prélevaient sur leurs premières épaves explorées, comme un souvenir de la fragilité de leur existence stellaire.

C’était un violon quasi sans table, dont les filets métalliques décrivaient la forme, avec des filins en guise de corde. L’archet faisait vibrer les filins à son approche, sans toutefois les toucher, et les tonalités étaient modulées par une série de commandes tactiles, à la base de l’archet, et par ses mouvements. Un casque l’accompagnait pour que l’instrumentiste perçût les subtilités des résonances électriques. L’instrument dégageait un son ou pur, ou grésillant, selon les choix de celui qui en jouait, souvent mélancolique et qui pouvait, grâce à certaines commandes, être doublé ou triplé de ses propres échos.

Debout au milieu du salon, sous le regard des autres Jedis — celui d’Igur était plus que fasciné —, Karm cala son instrument contre son menton et commença à jouer.


[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]

La musique instrumentale ark-ni reposait sur un système complexe et coutumier, jamais précisément coutumier, et qui mêlait maîtrise des codes et improvisation. Il y avait plusieurs dizaines de rythmes ou de séquences traditionnelles, à partir desquels le groupe ou le soliste inventait librement. Karm n’avait pas vécu assez longtemps parmi les siens pour en maîtriser tout le répertoire et, au fil des années, il avait trouvé ses propres râgas.

La mélodie se déploya, d’abord calme et brillante, légère, avant de devenir de plus en plus lente et laborieuse : elle représentait métaphoriquement le parcours de celui qui s’élançait vivement dans la neige, avant d’avoir du mal à progresser. Bientôt, une tourmente se leva, les notes se précipitèrent, devinrent plus graves : c’était le blizzard. Le montagnard était pris dans la tumulte, le morceau devint presque oppressant, jusqu’à s’interrompre soudain, dans une rupture inattendue qui n’était pas sans rappeler le style au sabre-laser de Karm, dont la surprise et l’arythmie étaient des aspects fondamentaux.

À nouveau la musique devint claire, mais solennelle : elle représentait la sérénité trouvée dans la Force. Après cette transition, la troisième partie du morceau s’ouvrit : la clarté de la Force s’opposait à la violence des éléments, jouées par deux voix musicales différentes, jusqu’à ce que le blizzard se dissipe et que le morceau, dans un mouvement circulaire typique de la musique ark-ni, ne revienne à sa légèreté première, mais qui avait pris cette fois un sens nouveau, à cause de l’épiphanie de la Force.

Certains avaient profité de la musique pour se laisser guider dans une transe méditative, d’autres observaient pensivement la vallée sombre au-delà de la vitre. Igur, lui, fixait Karm, mais peut-être que son intérêt esthétique n’était pas entièrement musical. En improvisant, l’attention de Karm, elle, n’était concentrée que sur Thann, et la quête qui l’attendait, à travers la Force.

Mais enfin, les dernières notes se dissipèrent dans le silence du salon.
Thann Sîdh
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« Et donc, vous êtes l’Apprentie de notre cher Karm ? » La question était rhétorique, le gigantesque Whipid qui avait pris place à côté de la frêle Thann entamait simplement la conversation. « Qu’est-ce que cela fait de suivre les pas d’un Maître si… original ? » Le terme est pesé, soigneusement, avant tout par le souci de ne pas vouloir porter de jugement sur l’hétérodoxie du Chevalier, laquelle n’était plus vraiment un secret dans des lieux si étroits où il s’était tant rendu. Ici, l’Ark-ni avait prouvé sa valeur et son attachement à l’Ordre suffisamment de fois pour qu’on ne doutât, à aucun moment, de son dévouement. La Miraluka l’avait compris, l’isolement de ce Temple et son quotidien si particulier avait amené la plupart de ses locataires réguliers à une position bien loin du rigorisme très urbains d’un Chevalier Warid. Ici, le temps devenait une ressource bien moins rares et les longues semaines d’introspection et de réflexion permettaient à chacun de faire le chemin intérieur nécessaire à la tolérance et la compassion – ce qui était tout à fait impossible à un Consulaire plongeait à chaque instant dans les rouages fébriles de la politique galactique. C’était aussi un symptôme sérieux de la guerre. L’ensemble de l’Ordre, surmené, surexploité par la République mais aussi par leur propre devoir moral qui les appelaient à se rendre partout, s’épuisait dans une course infernale qui ne laissaient que peu le loisir à ses membres de prendre le recul nécessaire sur leurs attitudes respectives.

« Je ne vous cacherai pas, maître…

– Scan’Dinave. Mais Scan est très bien.

– D’accord, maître Scan. Je ne vous cacherai donc pas que j’ai d’abord été très surprise. A vrai dire, mon Maître m’a cueilli dans une période assez triste de ma formation. La Chevalière Te’Salutavit, mon premier Maître, était malheureusement déclarée disparue depuis pratiquement un an lorsque nos routes se sont croisées et je désespérais de réussir un jour à… Je ne sais pas. Trouver quelqu’un ?

– La Chevalière Te’Salutavit ? Moritura, mmhh… si je ne me trompe ? L’adolescente hocha la tête. Son souvenir restait douloureux mais il était aujourd’hui apaisé. Elle avait fait son deuil et ne doutait pas que, depuis la Force, elle saluait son parcours et la portait. C’est tout à fait étonnant, en effet. Je ne doute pas qu’elle vous aurait bien conduite mais elle était tout autre chose que votre maître. J’ai eu l’occasion de travailler avec elle, plusieurs fois. Sa disparition… Une tragédie. Elle manque à beaucoup. Enfin… Depuis combien de temps êtes-vous sous la tutelle de Karm ? conscient que le sujet n’était pas des plus adéquats pour un repas, il amenait la Padawane sur un autre sentier, plus fleuri.

– Un an, trois mois, dix-sept jours et… Approximativement vingt-deux heures, heure locale de Coruscant.

– Quelle précision !

– J’ai un esprit… Bien fait ? Ce sont ce que les maîtres disaient. J’ai été diagnostiquée comme légèrement hypermnésique et surdouée. Cela ne m’aide pas à gagner en sagesse mais pour tenir les comptes de nos frais professionnels, c’est très pratique. »

Elle sourit et son interlocuteur le lui rendit. Elle ne cherchait pas à faire étalage de ses capacités simplement, elle énonçait un fait. Elle avait eu de la chance sur certains points, voilà tout, et avait tout à fait conscience des limites de ses capacités.

« Et qu’avez-vous appris en un an, trois mois, dix-sept jour et approximativement vingt-deux heures ?

– Han… Quelle question ! Je ne saurais par où commencer. Mon maître est un baroudeur, nous n’avons pas eu l’occasion de faire deux fois la même chose durant tout ce temps. J’ai… Je crois qu’il m’a surtout permis, aujourd’hui, d’assumer sans en avoir honte mon altérité. J’ai beaucoup mûri, à ses côtés, et je suis très loin, je crois, de la petite enfant perdue que j’étais alors. Je n’ai plus peur de lui dire ce que je pense, je n’ai plus honte de ces pensées. Il est non seulement un professeur passionnant mais, au-delà de ça, il est un mentor sage et compatissant. Mon retour de Columnex a été difficile, très difficile et pourtant, il a su admirablement m’aider à sortir de cela ; de même le Chevalier Kayan d’ailleurs.

– Même ici, nous avons entendu parlé de vos actions. Vous n’avez pas déméritée, là-bas, d’autant plus que vous êtes encore une toute jeune pousse. Je suis heureux de voir que vous parvenez à traverser l’épreuve. Je n’ai jamais douté qu’il serait tout à fait capable d’être un bon mentor.

– Je pense que beaucoup sont de votre avis mais lui en doute toujours. A la fois, je crois que c’est ce qui le rend plus admirable encore dans sa pédagogie. Il ne craint pas de me communiquer ses propres doutes, de prendre du recul sur sa façon de m’apprendre les choses et de s’adapter. Il est très à l’écoute car il a le souci d’être parfait. Non, pas parfait, le mieux pour moi.

– Et il est vrai que vous semblez vous épanouir formidablement. Vous avez la conversation tout à fait charmante.

– Merci. J’apprécie que vous ne me traitiez pas comme une enfant. Nous avons parfois rencontré des confrères beaucoup moins… attentifs à mon âge.

– L’adolescence est une période compliquée pour pratiquement toutes les espèces. Entre l’adulte et l’enfant, vous êtes dans cette étrange transition dont on ne sait jamais quand elle commence tout à fait ni plus quand elle termine. C’est un âge de la vie tout à fait fascinant et il est vrai que tous n’ont, parmi les nôtres, n’ont pas ma curiosité pour cette période. Êtes-vous ici pour concevoir votre premier sabre-laser ?

– Oui, nous espérons que la Force me guidera sous peu jusqu’à mon cristal. A vrai dire, j’ai bonne espoir… Tout à l’heure, dans la caverne des sources chaudes, j’ai eu l’occasion de méditer profondément et j’ai comme qui dirait… Elle laissa sa phrase en suspens tant l’expérience tendait à l’ineffable.

– Je vois ce que vous voulez dire. On dirait qu’Ilum vous a souhaité sa bienvenue. Je ne doute pas qu’un tandem aussi bien assorti que le vôtre ne pourra que déboucher sur une fin heureuse.

– Excusez-moi, je vous interromps mais la question m’intéresse de prêt. Je suis la Chevalière June Metalepse, je m’occupe de la forge de ce Temple. Elle était en plus, de ce que pouvez en percevoir Thann, une belle Nautalan d’âge mûr à l’aura cristalline et délicatement lumineuse, chaude comme les braises activées par le soufflet. Avez-vous déjà songé à la confection de la garde ? Il serait malheureux que le moment venu, je m’aperçoive que nous manquons de quelque chose et je suis justement en plein inventaire. »

A l’idée que le Temple put être en carence, les deux Jedis s’échangèrent un regard complice qui en disait long sur la nécessité, d’un endroit si reculé, de toujours devoir faire face à cette situation récurrente.

[color=cornsilk]« A vrai dire, j’ai dessiné les plans depuis longtemps. La conception est une passion que je travaille depuis longtemps.

– Ah ?

– Je dessine beaucoup : mes propres vêtements, des appareils… C’est ma façon de faire le vide. Ce que je porte-là, est de moi.

– Vous êtes douée.

– Merci. J’ai encore beaucoup à apprendre mais mon Maître m’encourage beaucoup.

– Il semble que Karm a vraiment eu le nez creux, en vous choisissant. Avez-vous, par hasard, les plans de votre projet ?

– Bouteboute, veux-tu bien venir ici projeter s’il te plaît ?

Aussitôt, la petite sphère qui jusque-là s’était faite discrète, dans un coin de la pièce, s’activa et répondit à la commande de sa maîtresse. Au-dessus des assiettes, entre les trois hôtes, se mirent à flotter les plans de la lance-laser que Thann envisageait de produire.

« C’est un projet ambitieux pour une première, Padawan Sîdh.

– Et qui plus est original dans son maniement. Pourquoi ce choix ?

– J’y ai beaucoup pensé. Je souhaite développer, aux côtés de mon Maître, une forme originale du Makashi et du Soresu afin d’amener mon belligérant à s’épuiser. En jouant sur la longueur, sur la modulation de la taille de la hampe, sur ma propre mobilité, j’espère… Pouvoir gagner le temps nécessaire au dialogue et, faute de mieux, à la fuite de l’autre. Je refuse de tuer. C’est ma conviction la plus profonde. Je le perçois, chaque vie est intimement liée au monde et à la Force. Y mettre un terme… Enfin. Voilà.

– C’est un idéal honorable.

– Et une voie difficile.

– J’imagine que c’est l’essence même de la voie du Jedi, non ? D’être difficile, j’entends. »

Ils sourirent tous trois, elle avait conscience que rien ne serait facile et eux l’avaient déjà éprouvé.

« Je pense que nous ne manquerons de rien. Je dois encore vérifier pour la question des électro-aimants, dans le dispositif télescopique, ainsi que pour le modulateur de phase – j’ignore si nous disposons du modèle PK-77 de chez Blastech – mais je trouverai une alternative fiable, sans quoi. Nous aurions beaucoup de sujet à aborder ensemble, jeune fille, si jamais vous aviez l’occasion de vous perdre du côté de notre forge.

– Alors je ferai en sorte de trouver ce temps. Cela laissera à mon Maître l’occasion de souffler un peu sans que je le harcèle de question. »

De nouveaux sourires. Le reste du repas se passa dans la bonhommie et l’amitié. Les gens du Temple d’Ilum lui plaisaient beaucoup. Elle découvrit avec bonheur la passion de son Maître pour la musique et l’écouta avec une attention infinie, le reste du public avait tout à fait échappé à sa perception. Lorsqu’enfin il fut venu le temps de regagner leurs quartiers, qu’ils se furent dit bonsoir et que les portes furent fermées, elle ne put s’empêcher, une demi-heure plus tard, de retoquer à la porte. En ouvrant, son maître pu la découvrir les mains chargées d’un étrange appareil. Sa tête en disait long sur la gêne qu’elle éprouvait alors à le lui montrer.

« C’est un therémine Mon Calamari… Ils en jouent beaucoup et disent que cela ressemble au chant des baleines. J’ai commencé à apprendre il y a longtemps mais seule, ce n’est pas terrible pour juger. Vous voulez bien m’aider un peu ? J’ignorai que vous êtiez vous-mêmes musicien alors je n’avais pas eu l’idée jusque-là de venir vous voir... »
Karm Torr
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Dans l’intimité de sa chambre, assis en tailleur et à même le sol, Karm s’était plongé dans l’une de ces lectures captivantes dont les Gardiens de l’Ordre avaient le secret : le catalogue technique intégral, dernière édition en date, d’un grand fabricant galactique de blasters. C’était à n’en pas douter la partie la plus fastidieuse de son travail, et elle ne le passionnait guère, mais il l’accomplissait malgré tout avec tout le professionnalisme que l’on pouvait attendre d’un Chevalier Jedi. La connaissance encyclopédique des armes de la Galaxie n’était pas, hélas, le produit de la science infuse.


Il n’empêche pas que le Gardien n’en répondit que plus volontiers d’un « hmm hmm » approbateur à sa Padawane de l’autre côté de la porte.


(Le secret de la communication avec un Ark-Ni, c’était apparemment de cerner les infinies nuances qu’ils mettaient dans leurs « hmm hmm ».)


Le jeune homme aux traits fins et en débardeur ample qui leva les yeux vers la Miraluka aurait pu passer pour un adolescent entre le nightclub et la salle de sport, mais son regard était si plein d’une affection quasi paternelle, et sa présence dans la Force si évidemment protectrice, qu’il se dégageait de lui une sorte de sagesse hors du temps.


D’un geste de la tête, il invita la Padawane à s’asseoir en face de lui. Il avait observé de loin les discussions de la jeune fille, au dîner, sans chercher à intervenir. Pour bien apprendre, selon lui, il fallait pouvoir s’entretenir librement avec des personnes diverses et ne pas subir constamment la présence étouffante de son maître.


La plupart des Ark-Ni sont musiciens, expliqua Karm dans un murmure, en examinant l’instrument apportée par sa disciple. C’est un ciment culturel essentiel. À vrai dire, la seule vraie forme d’art à proprement parler, chez les miens. Même le design des vaisseaux n’est pas particulièrement…


Comme souvent, sa phrase resta en suspend, parce qu’il jugeait la suite évidente. Aux yeux des autres navigateurs de la Bordure, une bonne partie de la Flotte Ark-Ni pouvait être charitablement décrite comme une collection d’épaves en sursis. Selon les nomades eux-mêmes, tout ce qui volait était bon à prendre, et les règles strictes de l’ingénierie astronautique ou les considérations esthétiques faisaient figure de futilités dont il était inutile de s’embarrasser.


Généralement, un Ark-Ni fabrique son propre instrument dans sa jeunesse. Même si la jeunesse est pas vraiment un concept… ‘fin… c’est pas une considération qui joue beaucoup.


Karm avait un don certain pour rendre sa société natale de plus en plus étrange à mesure qu’il la décrivait.


’Fin bref…, conclut-il, fidèle à ses habitudes.


Le datapad posé à côté de lui sur le sol — à plus tard, fiche technique du modèle 723-ZW-8 dit Wookie Grip —, le Chevalier invita d’un geste de la main sa Padawane à faire la démonstration de ses talents. D’abord, il observa avec attention ses mains, autant pour comprendre le fonctionnement exact de l’appareil que pour repérer d’éventuelles crispations, puis il laissa ses yeux se fermer, afin de se concentrer sur la texture de la mélodie elle-même.


Karm n’avait reçu aucune formation classique en musique, et il doutait d’être le mieux placé pour instruire sa Padawane en la matière. Tout au plus espérait-il lui offrir quelques indications pratiques, avant de l’orienter vers des Jedis Artisans, plus savants.


Le silence revint et le Jedi le laissa persévérer pendant une longue minute, avant de rouvrir les yeux et de considérer pensivement sa Padawane.


J’suis pas Mon Calamari, j’suis mal placé pour juger, mais j’pense que tu te débrouilles plutôt pas mal. La musique… La Force… La Force, c’est comme une mélodie. Tu sais ? Certains Jedis, quand ils doivent se représenter la Force, pour concentrer leurs pouvoirs, ils l’imaginent comme une main, ils visualisent. Pour d’autres, c’est plutôt abstrait, très intellectualisé. Pour d’autres encore, c’est un ensemble de sensations physiques. Pour moi, c’est une mélodie.


Luke s’en était rapidement rendu compte, quand, échoués sur une planète déserte, ils avaient dû joindre leurs pouvoirs pour parvenir à survivre.


Et en cela, la musique, c’est un précieux instrument de méditation. Écouter, bien sûr, mais pratiquer, surtout. Je crois qu’il y a une forme d’alchaka musicale.


Il faisait référence à cette technique de méditation en mouvement, dont la tradition était soigneusement préservée au sein de l’Ordre depuis une époque lointaine, et qui cultivait chez celles et ceux qui la pratiquaient un épuisement salutaire.


’Fin bref…


L’Ark-Ni se releva avec souplesse pour disparaître dans sa salle de bain. Il revint quelques secondes plus tard, se rassit en face de Thann et déposa entre eux un bol d’eau.


Si j’ai bien compris, ton… truc… therémine ? On appelle ça haki-na, chez nous. Y avait quelqu’un qui en jouait, ‘fin l’équivalent, dans ma famille, je crois. Me souviens pas très bien. ‘Fin bref. Si j’ai bien compris, c’est question d’une subtilité du doigté. Être doux, mais sans trembler. Délicat, mais sans faiblesse.


(Voilà qui flairait bon la leçon philosophique jedi en train de poindre.)


D’un geste de la tête, Karm désigna le récipient sur le sol.


Donne moi le bol, sans troubler l’eau.
Thann Sîdh
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Elle aimait l’entendre parler de son peuple. Elle qui en savait si peu sur le sien. Ce désintérêt pour son espèce d’origine avait deux racines : d’un côté, elle s’était toujours sentie comme appartenant au Temple avant tout, de l’autre, elle n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer et de discuter longuement avec l’un de ses semblables et c’était là, chez elle, un facteur important de la curiosité. Elle avait besoin de fixer ses connaissances ethnologiques sur du vivant, sans quoi, elle avait la sensation de se créer un catalogue de fantômes sans consistance.

Son rapport à la musique n’était donc pas, chez elle, culturel. Elle l’avait construit, comme beaucoup de Padawans, lors des cours de culture artistique et de pratique. Alors que Seïid avait choisi le piano, elle s’était laissé séduire par cet étrange instrument qui semblait tant n’en être pas un : pas de cordes, nulle part où souffler, ce fut cet aspect tout à fait curieux qui l’attira. Une simple antenne pour la hauteur de la note, un anneau pour le volume et le filet de voix sirénien par ça modulé.

Répondant à l’invitation de son maître, elle activa le petit appareil qu’elle avait conçu à partir du modèle qu’elle avait vu, il y a longtemps, en classe et selon les plans qu’elle avait glanés sur l’holonet. Un léger bourdonnement l’anima, les générateurs antigrav stabilisèrent l’appareil à la hauteur voulu, les tiges de duracier se déployèrent depuis le boitier : une antenne à main droite, un cercle à main gauche. Elle inspira profondément et s’élança.

Si elle avait trouvé admirable les nappes musicales de son mentor et était décidée à reprendre l’idée à son compte, elle était bien incapable de le réaliser déjà et se contenta d’une longue et lente note, semblable au chant d’une femme pourvu qu’on ferme les yeux. Un chant pur, continu, une mélopée qui allait et venait, un murmure parfois et soudain un éclatant crescendo. La main, tremblante parfois, eut du mal à tenir, de même, les glissements entre les différentes octaves n’étaient pas tous maîtrisés et, sûrement, la fatigue joua. Pourtant, l’adolescence était contente. Elle se souvenait très exactement de ses premiers essais et percevait le chemin parcouru. Il avait été long. La musique s’apaisa, elle laissa redescendre le long sifflement comme de lui-même. Enfin elle se tue.

« Je crois… Comprendre ce que vous voulez dire. Je perçois la Force, à ma façon, comme un ensemble extrêmement complexe de courants, à la façon d’une caverne dans laquelle s’écoulerait mille et une rivières et cascades. C’est ainsi aussi que je perçois la musique, un tissu mobile, mouvant, sans cesse changeant de flux. J’ignore si cela se rapproche de votre façon, mais… Il est vrai que j’atteins un état très similaire lorsque je joue et lorsque je pratique l’alchaka. Je n’y avais pas songé. Je… merci. »

Elle se tut déjà sa pensée filait trop vite pour qu’elle la verbalisât. Elle retint le drôle de nom, « Haki-na », et se dit que c’était peut-être un joli nom à graver à la surface de son instrument. Elle observa le bol, comprit ce qu’on attendait d’elle, s’y attela. Une fois, deux fois, trois fois. En réalité, nombreuses avaient été les leçons du jour et la fatigue la rattrapait. Jouer avait fini d’épuiser son corps, son esprit, et le tout n’exigeait plus qu’une chose : le repos. Après un énième échec, elle soupira profondément, déclara laconiquement qu’elle avait besoin de dormir et se retira non sans remercier et saluer son maître.

Le lendemain matin, après un long repos bercé par la Force, l’apprentie se réveilla avec l’aurore. Après un temps, elle finit par frapper à la porte de son Maître qui l’invita à entrer. Sur la petite table de sa chambre, elle déposa un plateau avec le petit-déjeuner habituel de son mentor. Dans le bol comme dans le verre, aucune onde ne vint troubler les surfaces aqueuses.

« Bonjour, Maître. »
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