Hrp: ce rp fait suite à [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien].

Deux semaines plus tard…

« Bip ! Bip ! BIIIIIPBIPBIPBIP ! BIP ! » Devant le manque de réaction de l’Arkanienne, le R1 lui rentra dedans. Pour la énième fois de son long séjour au sein de l’atelier glacé. Finalement, il obtint ce qu’il voulait : un regard qui se posa sur lui après avoir quitté le l’holo qui se déployait au-dessus de la plateforme. Les prunelles blanches ne trahissaient aucun agacement face à un comportement capricieux qui avait d’ores et déjà poussé Légion à s’interroger. « Bipbibipbipbip ! » clama le petit droïde borné. Il allait recommencer sa manœuvre lorsqu’il se retrouva bloqué par la Force. « Ca suffit. Si tu ne veux pas que je te démonte encore une fois, je me tiendrais tranquille à ta place. » avertit See’Ryl. « Joseph est déjà prévenu qu’il peut venir te chercher. Maintenant patiente… sans quoi je lui livre un carton de pièces détachées. »

Une menace qui eut l’avantage de faire effet à défaut d’avoir été pensée comme réalisable. Elle n’était pas du genre à démonter un droïde comme punition. Mais cela, le R1 n’avait pas à le savoir. Tant qu’il lui laissait la paix et donc l’occasion d’achever le nettoyage de sa base de données avant l’arrivée du chasseur de primes… C’était tout ce que l’Arkanienne demandait. Après un bruit indiquant sa reddition – même temporaire – le droïde alla s’installer dans un coin, sans pour autant la lâcher des yeux, comme s’il préparait sa vengeance. A ne pas en douter, à la réflexion. Il n’avait toujours pas digéré le « bain d’huile » version See’Ryl et ce, même s’il ne s’en portait que mieux.

Sa tranquillité assurée – du moins pour l’instant – See’Ryl pu retourner à l’arborescence qui lui faisait face. Il s’agissait de la dernière couche, de l’ultime morceau à retirer pour obtenir la mémoire tant attendue par Joseph. Les deux semaines passées avaient réjouissantes. Dans le sens où la difficulté n’avait pu que plaire à la jeune femme. Les écueils avaient été nombreux, bien plus qu’elle ne l’avait songé de prime abord. Les couches récentes avaient été aisées à nettoyer et à écarter temporairement. Cependant, plus elle s’était enfoncée au sein de la programmation chaotique du R1, plus les difficultés s’étaient succédées.

Voilà pourquoi elle n’était quasiment pas rentrée au Temple pendant ce laps de temps. Non pas parce qu’elle évitait Joseph mais parce qu’elle tenait à honorer ce qu’elle lui avait promis. Les nuits blanches avaient été nombreuses, bien plus que les heures de repos. Pourtant, nulle fatigue ne pouvait se lire sur le visage immaculé. Visage qui, en revanche, était marqué par la concentration au moment où elle débuta l’extraction des données restantes. Restantes parce qu’elle n’avait pu empêcher la destruction de certaines informations, victimes de leur grand âge. Et ce, malgré ses précautions et sa prudence. D’autres, bien moins, avaient fait les frais d’erreurs que la jeune femme n’avait su rattraper, y compris avec l’aide de Légion.

L’extraction en temps réel débuta sous la surveillance de See’Ryl. Non loin, le R1 s’était immobilisé, comme mis en veille à cause de la manœuvre. « Administratrice, le poids des données excède la mémoire tampon disponible. » avertit Légion dont les diodes s’éclairaient par intermittence. « Je sais. Dérives les systèmes °3 et transfères les flux vers le serveur ‘3 » murmura See’Ryl. Ils ne pouvaient pas arrêter maintenant sous peine de perdre une somme considérable de données précieuses. Le flux ralentit légèrement, le temps que Légion exécute ce qu’elle venait de lui demander. Sur le côté, les serveurs s’animèrent un à un, signe que la procédure suivait son cours prévu.

Quelques temps plus tard, le R1 émit un son inhabituel avant de s’éteindre complètement. See’Ryl l’attira à elle pour pouvoir effectuer quelques branchements. « Bonjour Joseph. J’ai presque terminé, je n’ai plus qu’à basculer la nouvelle programmation. » dit-elle sans cesser son installation. Elle lui dédia un léger sourire en se redressant pour lancer la manœuvre. De son côté, Légion continuait à traiter les données avant de les compresser proprement. See’Ryl prit le temps de vérifier que tout allait pour le mieux puis se tourna vers le chasseur de primes.

« Tu étais attendu comme un véritable Messie. » dit-elle en tapotant la tête du R1. « Je crois que si tu n’avais pas été là à son réveil, il aurait encore tenté de me casser les jambes… Il est du genre très rancunier. » Elle parlait du R1 et non d’elle. Elle… Elle avait la satisfaction d’avoir bien fait son travail malgré tout. Restait à savoir ce que Joseph en penserait.

Elle n’avait pas suivi les aventures de Joseph au Temple. Les rapports s’étaient succédés mais elle n’y avait pas fait attention, préférant faire confiance à l’homme pour ne pas poser de problème insurmontable. Insurmontable parce qu’il était aisé de chambouler l’organisation rigide du Temple et de rentrer en contradiction avec les mille et unes petites règles et coutumes. La « surveillance » du Mandalorien avait échu à elle ne savait qui, probablement un chevalier qui avait du connaître des moments de solitude face à cet invité. See’Ryl ne compatissait pas le moins du monde avec son « collègue ». Chacun son boulot : lui avait été un mélange de guide-gardien tandis qu’elle avait fait ce pour quoi elle était le plus douée. Comprendre : tout sauf des relations sociales. Même si Joseph faisait partie des rares à obtenir d’elle autre chose qu’un air détaché et un ton neutre.

La preuve en fut le sourire avec lequel elle l’accueillit à peine eut-il le temps de songer à manifester sa présence. La réaction qu’il manifesta lui arracha un haussement d’épaules « Nous n’avons jamais convenu d’une éventuelle interdiction pour moi d’user de mes pouvoirs » dit-elle en remettant ses lunettes pendant que d’un tapotement, elle lançait un peu de chauffage afin de ne pas frigorifier le Mandalorien. « Saches, cependant, que je ne les ai pas utilisé. De un parce que tu es le seul à être attendu ici le jour où l’atelier n’accueille aucun public. De deux, parce qu’il y a une caméra à l’entrée et qu’elle est actuellement connectée à Légion qui sait très bien reconnaître certaines personnes. » Pointilleuse, elle ? Pas du tout… Enfin pas trop. D’un vague mouvement de tête, elle désigna le R1. « Toute l’impatience de la galaxie ne saurait tenir la comparaison face à celle de ton droïde. Je crois qu’il se pense au beau milieu d’un quelconque enfer personnel. »

Elle tapota le sommet dudit droïde et ne pu retenir un sourire en coin à l’évocation des moyens envisagés pour calmer le petit être. « J’ai menacé de te le rendre en pièces détachées après un nouveau nettoyage intégral… » avoua-t-elle « Ceci dit, j’ai aussi hésité à lui intégrer une ligne de programme visant à lui apprendre la reconnaissance. Il est du genre rancunier même si le service rendu lui facilite l’existence. » Une infime nuance dans le ton de sa voix trahissait son amusement et le fait qu’elle n’y attachait pas la moindre importance. See’Ryl était du genre à faire ce qu’il fallait quand il le fallait. Ce qui incluait démonter un droïde récalcitrant sans s’attendre à ce qu’il en soit ravi.

Son attention fut attirée par un signal lumineux. Elle se détourna de Joseph pour pouvoir réagir sans pour autant cesser d’être consciente de sa présence non loin. Le silence s’installa brièvement et la question qui le brisa laissa la jeune femme surprise. Ils étaient rares à se soucier de comment elle allait. « Aussi bien que faire se peut. Je n’ai rien qu’une vraie nuit de sommeil ne pourra arranger. Et toi… ? » Elle n’avait pas détaché son attention de l’écran mais son attitude prouvait qu’elle attendait la réponse de Joseph, se sentant réellement concernée par son état de santé. « Je ne me suis pas tuée à la tâche. C’était, et c’est encore, très intéressant et stimulant. Et puis, je t’avais donné un délai, il m’appartenait de tout faire pour accomplir ma tâche dans les temps impartis. » Elle se redressa en soupirant, le signal désormais éteint. Elle consulta son datapad, suivant le traitement des données par Légion. Puis elle pu enfin se consacrer un peu plus à l’homme appuyé contre un plan de travail.

« Spécial comment ? » lui demanda-t-elle, curieuse. « Un resto ? Pour t’avoir donné des accès à la bibliothèque ? » Elle pencha légèrement la tête. « Allons, Joseph… Je n’ai rien fait. Tu aurais pu y avoir accès si tu en avais fait la demande et attendu quelques… mois. Signer au bas de l’autorisation ne mérite vraiment pas une invitation. » Une chose n’avait pas changé et sur laquelle il avait parfaitement raison : elle ne lui demanderait jamais rien. Ce n’était simplement pas dans sa manière d’être. Et puis elle estimait que ses actes ne méritaient pas une quelconque rétribution. « As-tu apprécié ton… guide ? » demanda-t-elle finalement, curieuse de savoir s’il avait été bien traité.

See’Ryl se savait observée mais ne comprenait pas vraiment ce qu’il pouvait y avoir de si passionnant en elle au point de la regarder de la sorte. Elle se garda bien de poser la question, laissant Joseph la contempler à loisir non sans arborer un léger sourire en coin, preuve qu’elle avait conscience de ce qu’il faisait. Cette petite expression s’accentua lorsque le droïde décida de se manifester comme il savait si bien le faire. Elle écouta vaguement l’échange, se doutant parfaitement de la teneur des propos du R1. Comme indiqué à Joseph, l’astro-mécano n’était pas content. Du tout. Lorsque le conseil de prendre exemple sur Légion fusa, See’Ryl laissa échapper un rire. Court mais néanmoins parfaitement audible. Voilà une idée rendue encore plus incongrue quand le R1 s’éloigna pour vraisemblablement bouder. « Je n’avais pas songé à cette idée… Ceci dit, prendre exemple sur Légion équivaudrait pour toi à perdre cette personnalité que tu apprécies. » dit-elle, pince sans rire malgré tout.

Son regard glissa vers l’homme puis revint à ce qu’elle faisait. Sa langue claqua sur son palais. « Tu es presque insultant. La mise à jour logicielle de ton droïde est en train d’être effectuée. » Chez quelqu’un d’autre, les propos auraient été accompagnés d’une moue désappointée. Chez l’Arkanienne, seuls les mots pouvaient éventuellement trahir quelque chose. Son ton n’avait pas varié d’un iota. « Je n’allais pas le laisser avec des trous dans sa programmation tout de même. » Comprendre qu’elle avait un « minimum » de conscience professionnelle qui incluait de ne pas laisser repartir un droïde avec des manques dans sa programmation.

« Je ne suis pas un Jedi soigneur. » dit-elle quand il lui proposa de l’examiner. Encore une fois, le sous-entendu de Joseph lui était passé au-dessus de la tête et elle l’avait pris au pied de la lettre. « Cependant, tu sembles aller bien… et être particulièrement de bonne humeur. » Une constatation faite sans envisager une seule seconde être ne serait-ce qu’une partie de la raison de cette humeur heureuse. « Nous avons tous nos petites manies pour dormir. Si piéger l’entrée de ta chambre en fait partie… Quand on connaît ton métier, je te dirais que c’est une habitude des plus saines. » indiqua-t-elle sans porter de jugement. En revanche, au sujet des matelas… Elle tapota sa table de travail. « Mon matelas est aussi dur que cette planche. J’en ai pris l’habitude avec Siela…. Ceci dit, si tu me l’avais dit, j’aurais fait en sorte que l’on t’en fournisse un autre. » Autant dire qu’elle ne voyait pas du tout de quoi il voulait parler à propos de ces matelas qui prenaient la forme du corps. Quelle idée…

Attentive malgré l’image qu’elle pouvait transmettre, See’Ryl écouta Joseph. Il n’était pas le premier à s’étonner de l’atmosphère régnant dans un temple Jedi. « Les Jedis méditent beaucoup. Nous sommes invités au calme et à la sérénité pour améliorer notre lien avec la Force. Le bruit et l’agitation sont donc…. déconseillés au sein du Temple. » expliqua-t-elle tranquillement « Les Novices sont les plus… « vivants » car non encore habitués. J’aurais dû me douter que l’ambiance te perturberait quelque peu. » Une lumière clignota et elle soupira tout en tapant sur son datapad pour corriger le problème. « Ils vont parler de toi pendant les prochaines semaines… » commença-t-elle avant de terminer dans un murmure « Il est dommage de couper les Novices du monde qui les entoure… Quand ils sortent du Temple en tant que Padawan, certains font des crises d’angoisse. »

Elle resta un moment songeuse. Elle n’avait jamais fait partie des padawans angoissés durant les premières semaines de sortie hors du Temple. Lorsque Siela l’avait prise sous son aile, cela faisait longtemps que See’Ryl avait appris à se couper de tout pour afficher une façade neutre et détachée. Les années n’avaient fait que perfectionner ce « savoir ». « Les Novices… ont tendance à se croire exceptionnels en raison de leur lien avec la Force. De ce fait, si certains perçoivent les non-sensitifs comme inférieurs, d’autres sont particulièrement arrogants… Les années en tant que Novices et Padawan sont essentiellement vouées à leur inculquer des notions comme l’humilité, la compassion et la tolérance…. Tout en surveillant que ces tendances ne s’accentuent pas. » indiqua-t-elle, consciente que cela ne ferait que dévoiler un peu plus à Joseph que dans son cas à elle, aucune entorse n’avait été tolérée depuis son plus jeune âge. Elle se garda bien de dire ce qui pouvait arriver si lesdites tendances s’accentuaient.

« Moi comme guide ? Ils ne m’auraient jamais fait confiance pour l’être… » dit-elle sans sembler attacher de l’importance à ce manque de confiance. Un parmi tant d’autres. Au point qu’il était préférable pour elle de ne pas s’y attarder. Par contre… En ce qui concernait le restaurant… Joseph se moquait visiblement de ses réticences. Elle secoua doucement la tête, renonçant à argumenter à ce sujet. Tout comme elle évita de parler de ses rares plages de sommeil durant les deux semaines écoulées, certaine qu’il n’approuverait pas. See’Ryl capta très bien son approche mais ne pu s’empêcher de se tendre dans un réflexe quand il l’encadra au point de presque la toucher. Ses gestes, sur le datapad, ne perdirent pas en précision jusqu’à ce qu’il souffle à son oreille. Là, ses doigts cessèrent de voleter au-dessus de l’écran pour se figer dans une surprise tremblante alors que dans le même temps, la jeune femme sentait ses joues la brûler.

« Tu n’es pas obligé… » murmura-t-elle à propos du restaurant « Tu ne me dois rien. » L’ajout indiquait qu’elle était gênée à l’idée qu’il se sente redevable envers elle alors qu’elle n’avait fait que son travail. Lentement, elle posa le datapad, consciente qu’elle n’arriverait pas à se cacher derrière les lignes de code. « Ne serait-ce pas ton jeu qui t’a manqué, Joseph ? » l’interrogea-t-elle dans un souffle. Elle ne l’accusait pas. Elle avait simplement compris qu’il appréciait de la faire réagir.

Non seulement See’Ryl ne voyait pas les sous-entendus mais en plus, elle ne réalisait même pas qu’elle ratait quelque chose. Au point d’en devenir un cas désespéré… Du moins pour n’importe quelle autre personne. Sauf Joseph qui, elle s’en souvenait, avait eu tôt fait de s’adapter après avoir réalisé la situation. Leur première rencontre, quelques jours plus tôt, avait encore un écho dans les pensées de la jeune femme qui avait plus d’une fois visionné ses enregistrements pour tâcher de comprendre ce qui avait pu lui échapper. Et… Elle ne comprenait toujours pas. Peut-être aurait-elle pu interroger le chasseur de prime ou l’un de ses rares amis… L’idée lui avait semblée judicieuse jusqu’à ce que See’Ryl se remémore le fait qu’elle allait probablement les déranger. Puis, elle avait oublié, plongée dans les lignes de codes et dans la fascinante énigme d’une arborescence complexe. Il avait fallu le retour de Joseph pour que la jeune femme se souvienne que certaines réponses n’avaient pas été trouvées.

Trop tard, songea-t-elle tandis qu’il l’observait. Il lui donnait l’impression, juste, d’être observée dans les moindres détails et celle, plus diffuse, d’attendre quelque chose d’elle. « Ce n’est pas tant que j’aurais risqué de te perdre mais de te laisser aller par monts et par vaux sans restrictions. » avoua-t-elle. See’Ryl ne voyait pas l’intérêt de limité les accès aux résidents temporaires. Le Temple de Coruscant ne renfermait pas de données sensibles. Contrairement à Ondéron. L’accès au réseau interne était limité et surveillé. Le reste… Au sens de l’Arkanienne, il était inutile de le dissimuler à ce point. « Quant à me voir… » ajouta-t-elle « J’étais ici ou plus rarement dans mon atelier au Temple…. Et je ne t’avais pas interdit de venir. » Une manière, tout à fait digne d’elle, de dire qu’elle aurait été ravie de le voir. Si tant est qu’elle accepte de le réaliser et de se l’avouer.

Et tout cela n’eut plus vraiment d’importance lorsque Joseph se retrouva à murmurer à son oreille, la chaleur de son corps parfaitement perceptible par See’Ryl tant il était proche. Elle posa doucement le datapad, sa main aussitôt attrapée par celle du chasseur de prime. Il était reconnaissant pour ce qu’elle avait fait. Ca, elle pouvait le comprendre non pas parce qu’elle l’avait souvent expérimenté mais parce qu’elle avait déjà vu d’autres personnes reconnaissantes envers certains de ces congénères. Elle-même l’avait été quand Siela avait décidé de devenir son Maître. Faisant face à Joseph, See’Ryl se retrouva devant son sourire emprunt de chaleur et céda dans un murmure « D’accord… j’accepte. ».

Si elle devait être honnête envers elle-même, See’Ryl devait avouer que ce n’était pas tant le fait qu’il se sente reconnaissant envers elle ou le fait qu’elle lui ferait plaisir en acceptant, que l’envie –légère mais bien présente- d’accepter simplement parce qu’elle le voulait. Ses doigts tremblaient à peine dans la main de Joseph, trahissant son impression de faire le premier pas minuscule sur un chemin inconnu. Lorsqu’il lui demanda si elle s’était demandée pourquoi il jouait de la sorte, elle ne put que nier en silence, secouant la tête et faisant voler quelques mèches blanches. Comment aurait-elle pu envisager une réponse alors que les relations sociales restaient, dans leur grande majorité, un mystère insondable pour elle ?

La réponse, finalement, ne tarda pas… et la laissa figée de surprise. Dans une vaine tentative de réaction, See’Ryl papillonna des paupières pendant que Joseph parlait. Elle entrouvrit les lèvres juste avant de refermer la bouche. Elle recommença. Deux fois. Trois fois…. Sans trouver le moyen de parler. Il avança son visage et la jeune femme se tendit, une lueur à la fois paniquée et indomptable éclaira brièvement ses prunelles immaculées, comme si elle défiait Joseph d’aller encore plus au-delà de la limite qu’elle avait précédemment tracé.

« Non. » fut finalement le premier mot qui parvint à franchir la barrière de ses lèvres. Prononcé avec pile ce qu’il fallait comme incertitude pour rendre compliqué le fait de deviner à quoi elle répondait vraiment. « Je ne peux pas ressentir quelque chose. Ce n’est pas permis. Et quand bien même, je ne ressens rien. » ajouta-t-elle quelques instants plus tard, pas vraiment prête à avouer que, concernant le dernier point, les choses avaient évoluées depuis sa rencontre avec Balian. Elle recula d’un pas sans le lâcher des yeux, presque méfiante. « Co… Comment peux-tu… » Elle allait lui demander comment pouvait-il oser parler de sentiments – même naissants – aussi rapidement. Elle avait beau être complètement naïve à ce sujet, elle n’en croyait pas moins que les sentiments prenaient du temps… Exactement comme son Maître le lui avait expliqué la seule fois où elles avaient évoqué la relation de cette dernière avec Aquilus. « Je ne peux pas juger ce que tu ressens. » dit-elle pour chasser sa précédente interrogation abandonnée. « Même si je ne comprends pas du tout pourquoi et comment. » Elle recula encore, essayant de faire le tri dans l’agitation de ses pensées.

On pouvait aisément reprocher à See’Ryl d’avoir rapidement renoncé à argumenter avec Joseph. Mais entre débattre pendant des heures et accepter l’invitation, la perspective d’un repas était infiniment moins pénible que l’idée de faire valoir son avis. Quand bien même, il ne s’agissait pas d’une question de vie ou de mort et le chasseur de primes tenait à l’inviter. Autant lui faire plaisir songea-t-elle alors qu’un large sourire fendait le visage de l’homme. Il était visiblement bien plus ravi qu’elle ne l’avait imaginé de prime abord. Avec une naïveté certaine, la jeune femme avait imaginé qu’il ne recommencerait pas avec les paroles qui l’avaient tant perturbée lors de leur première rencontre…

Evidemment, See’Ryl eut tôt fait de s’apercevoir qu’elle s’était lourdement trompée. Non seulement Joseph recommença mais il le fit… en pire. Au point de la laisser sans voix, incapable de formuler une phrase cohérente. Elle recula et lui ne trouva rien de mieux que d’avancer, entamant ainsi une danse étrange. Sûre d’elle ? Non, elle ne l’était pas mais dire « non » lui semblait être la meilleure réponse. D’autant plus que comme elle avait ajouté, ce n’était pas permis… pour ne pas dire interdit pour quelqu’un comme elle. Joseph continuaient de lui répondre et elle cherchait un point de fuite, un moyen d’échapper à une situation qu’elle n’avait pas envisagée et qu’elle était incapable de gérer. Elle évita soigneusement de dire quelque chose avant de s’en savoir vraiment capable. Elle recula encore, toujours muette et sans le lâcher des yeux. Et bientôt, elle se retrouva bloquée entre une table et lui.

« Je pensais avoir été claire… Je n’ai pas le droit de ressentir quelque chose, Joseph. Et quand bien même cela serait le cas, je suis incapable d’identifier ce que c’est et de savoir comment l’appréhender. » dit-elle finalement d’un ton plus doux qu’elle ne l’imaginait. « Ta… déclaration me surprend. Parce que je ne pense pas être d’un intérêt quelconque. A vrai dire, je crois que tu m’idéalises pour une raison qui m’échappe totalement. » Elle essayait de choisir ses mots afin de ne pas le blesser ou le heurter. Après tout, gérer une telle situation ne figurait pas dans le manuel du parfait Maître Jedi… « Alors oui… Je suis assez honnête envers moi-même pour m’avouer que j’apprécie ta présence. Mais le reste… » Elle secoua doucement la tête.

C’était beaucoup trop. A la fois trop d’interrogations et trop lui demander. Elle laissa volontairement un blanc dans leur échange. « Moi, je te le demande : pourquoi moi, Joseph ? Pourquoi si vite ? La galaxie regorge de personnes infiniment plus intéressantes que moi et capable de répondre à tes attentes. Je pense que tu as infiniment mieux à faire que de t’encombrer avec un individu tel que moi. » Contrairement à lui, elle ne se sentait pas de tout jeter au sarlacc. Cela ne lui ressemblait pas et la situation lui était tellement étrangère qu’elle ne pouvait passer outre sans la comprendre un minimum.

« Je ne te jugerais pas là-dessus. Ce ne serait ni correct ni respectueux. Et même si je ne te comprends pas, tu restes quelqu’un que je respecte, Joseph. » dit-elle. A défaut de s’avouer qu’il pouvait y avoir quelque chose, que ses réactions n’étaient pas uniquement dues à son manque d’habitude dans les contacts humains mais qu’il y avait une infime part indéfinie qui signifiait qu’elle n’était pas aussi indifférente qu’elle le croyait. « Administratrice, la compression et le traitement des données sont terminés. » annonça Légion, la coupant court dans ce qu’elle voulait dire. L’ombre d’un sourire passa sur ses lèvres pâles. « Lances la mise à jour système et optimise-le. » demanda-t-elle, soulagée intérieurement du changement de sujet imprévu. « C’est bientôt terminé » annonça-t-elle à Joseph, se sentant étrangement timide d’un coup.

« Personne n’est comme moi au Temple, Joseph. » L’annonce pouvait sembler arrogante au possible mais elle trahissait une réalité tout à fait différente. See’Ryl était la seule Arkanienne. La seule aussi qui faisait encore souvent l’objet d’une observation et de rapports réguliers au Conseil. Elle était peut être devenue franchement méfiante avec le temps, pour ne pas dire paranoïaque. « Ce que font les autres… Disons que si eux on leur laisse passer, ce ne sera pas mon cas. » expliqua-t-elle. Elle lui avait déjà dit qu’elle était un cas à part au sein de l’Ordre. Il était cependant légitime d’estimer qu’elle se cachait derrière cela pour ne pas expérimenter. Elle qui tâchait de s’éloigner des carcans qui l’entouraient… voilà un domaine qui l’effrayait sans qu’elle ne parvienne à se l’avouer complètement. Joseph l’avait approché sans qu’elle ne puisse reculer, désormais bloquée. Son odeur chatouilla ses narines alors qu’il lui parlait, faisant une proposition qui, immanquablement, rougit ses joues.

Une fois n’était pas coutume, See’Ryl avait compris, en partie tout du moins, où il voulait en venir. Finalement, elle lui posa la question qui lui brûlait les lèvres depuis quelques minutes. Pourquoi elle ? Cela lui semblait tellement invraisemblable ! Joseph reprit quasiment chacun de ses mots, ses mains désormais enroulées autour de sa taille. Elle le laissait faire, ne serait-ce que parce qu’elle trouvait un certain apaisement dans son contact. En revanche, elle se tendit quand il caressa sa joue. Un contact un peu trop intime à son sens. Pourtant, elle ne le repoussa pas malgré sa gêne. Il y avait quelque chose de troublant dans ce qu’il lui disait depuis quelques minutes déjà. Elle paniquait encore même s’il tâchait d’être rassurant. Et au-delà de ça, il eut beau lui expliquer, elle ne comprenait toujours pas pourquoi elle.

Elle allait le lui dire quand elle se retrouva dans ses bras. Ses mains se posèrent sur ses épaules plus pour le geste que pour manifester une quelconque répulsion. Elle avait déjà tracé la limite et elle lui faisait confiance pour la respecter à défaut de l’approuver. Elle eut un temps d’arrêt à la manifestation de tristesse de la part de Joseph. Temps d’arrêt qui s’évanouit lorsqu’il parla de ses défauts. Un rire bref lui échappa. « Têtu, toi ? Qui aurait pu s’en douter ? » Une taquinerie, prononcée clairement et qui prouvait qu’en un sens, la jeune femme était bien plus détendue en présence du chasseur de primes. Assez, en tous cas, pour qu’elle ose plaisanter. La minute suivante, elle avait retrouvé tout son sérieux. « Dire que je comprends où tu veux en venir serait te mentir. Cela me semble tellement… incongru que tu penses tout cela de moi… »

Elle soupira, cherchant vainement ses mots pour traduire tout son désarroi et son incompréhension. « Je… ne sais pas quoi te répondre. Ni comment. Pour tout te dire, j’ai l’impression que tu parles de quelqu’un d’autre. » Elle allait ajouter quelque chose d’autre quand Légion les interrompit. Sans chercher à quitter l’étreinte légère, See’Ryl s’occupa de lui avant d’annoncer la fin prochaine des opérations sur le R1. Ils se séparèrent et pour l’une des rares fois de sa vie, l’Arkanienne frissonna de froid, une sensation qu’elle ne connaissait pas compte tenu de sa race. « Ton R1 est déjà intégralement remonté… il ne reste plus qu’à terminer la mise à jour des systèmes. » indiqua-t-elle en récupérant le datapad qu’elle observa sous toutes les coutures. « Tu sais que si on me retrouve avec ça, je pourrais avoir des problèmes ? » lui demanda-t-elle sans faire mine de lui rendre l’objet.

Elle pencha légèrement la tête sur le côté puis récupéra de quoi brancher le datapad. « Lance les protocoles de sécurité niveau maximum, Légion. Scanne le datapad avant de générer son interface. » ordonna-t-elle juste avant de connecter les deux. Son regard glissa jusqu’à Joseph. « Tu sembles… déçu de mettre autant de temps à récupérer ce droïde… » Elle se tourna plus franchement vers lui. « Tu n’as pas besoin d’un prétexte pour venir me voir, j’espère que tu le sais… A moins que tu apprécies réellement passer des jours au Temple en attendant que je termine… »

« Je suis un Jedi, Joseph. En lien avec la République. » lui rappela-t-elle sans qu’il y ait le moindre reproche dans sa voix. « Disons que ces deux affiliations n’iront pas prendre le thé avec la troisième. » s’amusa-t-elle alors qu’elle branchait le datapad, bien décidée à ne pas le lui rendre. Elle s’assura de la sécurité de ses installations avant de lancer un programme de piratage. Un premier en tout cas. La question de Joseph, bien que légitime, lui arracha un rire amusé, cristallin. « L’Ordre, mettre un programme espion dans mes installations ? Bon sang, pour cela il faudrait qu’il y ait un autre informaticien de mon calibre au sein de l’Ordre… Du genre à passer outre des protocoles de sécurité de l’une des planètes plus paranoïaques de cette Galaxie. » Traduction : elle avait sa propre sécurité mais avait aussi glané « quelques » éléments sur sa planète d’origine.

Elle souriait, encore amusée par l’idée. Plus sérieusement, elle reprit « Je n’ai pas touché à la personnalité de ton R1. J’ai juste mis à jour ses systèmes et optimisé un bon nombre d’opérations. Il devrait t’être plus utile désormais. » Elle avait d’ores et déjà prévu un résumé des changements opérés afin que Joseph puisse utiliser au mieux son droïde. « Amie me convient. » lui dit-elle avant qu’il ne lui confirme qu’elle pouvait compter sur lui pour venir la voir souvent. De cela, elle n’en doutait pas tant il semblait apprécier sa compagnie. Elle sourit de nouveau lorsqu’il évoqua un éventuel nouveau séjour au Temple. « Si l’on écarte les missions, je suis assez souvent présente au Temple de Coruscant… Et très rarement sur Ondéron. Tu sais où me chercher. » lui dit-elle en se déplaçant pour manipuler un panneau.

Si elle perçu son approche, elle ne pu éviter de sursauter quand il l’enlaça par derrière… Puis elle rougit quand il lui souffla encore une fois à son oreille. Par la Force, il tenait vraiment à la perturber au plus haut point. Elle resta tendue pendant quelques secondes. « Je ne risque pas d’y arriver si tu t’acharnes à chercher à me troubler. » dit-elle. Cela pouvait passer pour un reproche… mais devint tout autre chose quand elle céda et se laissa aller contre lui, appuyée sur son torse. La jeune femme retint un soupir et accepta de profiter de l’instant sans plus s’interroger sur les éventuelles conséquences sur la persistance de Joseph à son encontre.

Tout comme elle ne s’attarda pas sur la conscience aigue qu’elle avait du corps qui était pressé contre le sien. Ne serait-ce que parce qu’elle n’en avait pas l’habitude et que seulement l’idée était à même de la faire rougir et s’interroger. Or, pour une fois, elle n’avait pas vraiment envie de se poser de questions. « On peut. Cela risque néanmoins de finir par être inconfortable pour toi. » Lui… parce qu’elle était capable de rester immobile pendant des heures. « Et nous allons manquer ta réservation. » ajouta-t-elle après un moment. Doucement, elle finit par oser poser ses mains sur les siennes… juste avant de les retirer lorsqu’il avoua être bien avec elle. En réponse, elle rougit, évidemment, bien incapable de dire quoique ce soit d’autre.

En désespoir de cause, elle ferma les yeux et se détendit enfin. Elle n’avait pas réalisé qu’elle n’avait pas cherché à s’éloigner de la prise de Joseph. Si See’Ryl avait du mal à comprendre les mots, elle comprenait plutôt bien les étreintes de ce genre. Une sorte de cocon reposant. Et la Force savait qu’ils en avaient tous deux besoin.

Il faisait partie des rares personnes à parvenir à la faire parler sans avoir recours à une – ou plusieurs – rafale(s) de questions ou demandes d’approfondissement. Mais lorsque le silence reprit ses droits, Joseph ne le brisa pas, comme réduit au mutisme alors qu’il la serrait contre lui de manière bien plus intime que lors de leur précédente étreinte. See’Ryl ignorait l’impact qu’elle pouvait avoir sur l’homme qui avait enroulé ses bras autour d’elle en parvenant à ce qu’elle ne se sente pas prisonnière. Elle avait sursauté mais ne s’était pas débattue ou n’avait pas cherché à s’éloigner.
Elle en finit même par se détendre suffisamment pour que ce soit perceptible sur la ligne de ses épaules qui s’était sensiblement affaissée. De justesse, elle retint un soupir et s’apercevait que ce genre de contacts sociaux lui avaient manqué. Constat d’autant plus cruel qu’il lui avait fallu attendre quelques mois auparavant pour l’apprendre. Plus qu’une lacune, il s’agissait d’un véritable gouffre qui n’avait attendu qu’une faille pour se dévoiler. Elle n’en déchiffrait pas tous les tenants et aboutissants et, à l’heure actuelle, n’en avait cure.

Peu lui importait pour l’instant. Il se pressa un peu plus, rendant sa présence plus perceptible derrière elle. Et See’Ryl ne broncha pas, ne fit pas mine de s’écarter de lui. Joseph était parvenu à la couper de tout ce qui la retenait rattachée à la réalité et à son mouvement perpétuel. Un exploit à ne pas en douter. Néanmoins, en percevant la caresse de son pouce sur son ventre, la crispation revint comme pour signaler à Joseph de ne pas faire plus sous peine de provoquer une réaction instinctive de fuite. Le soupir qui passa la barrière de ses lèvres parlait pour elle, donnant une réponse qu’elle n’avait pas eu envie de vocaliser. Oui, elle appréciait l’étreinte et après qu’ils eurent bougé, elle finit par accepter l’idée et avoua qu’elle n’avait pas envie de bouger.

Enfin… un aveu… sous-entendu, évidemment. L’éventuel report de la réservation au restaurant lui arracha un sourire amusé, accentué par un mouvement de tête qui fit onduler ses mèches immaculées. « Dans un lieu où il faut visiblement réserver des semaines à l’avance ? » argua-t-elle malgré l’intuition qu’il refuserait de céder. Il était borné, ils le savaient tous deux et elle-même, bien qu’elle le soit, était vraisemblablement plus apte à céder… Encore plus quand il s’agissait de continuer quelque chose qui lui plaisait.
Ses mains, après un bref contact avec celles de Joseph, repartirent rapidement comme si See’Ryl était effrayée d’aller – d’elle-même – au-delà d’une limite qu’elle seule voyait. Joseph les récupéra aussitôt et tâcha de la rassurer par des gestes : non, elle ne faisait rien de mal à rester ainsi, ses doigts mêlés à ceux de l’homme derrière elle. D’elles-mêmes, ses paupières se fermèrent à demi, comme si, malgré tout, elle restait incapable de baisser totalement la garde. Après tout, n’étaient-ils pas dans son atelier. Il avait beau être fermé, rien ne garantissait que l’on essaie tout de même de venir la voir.

« Je… » commença-t-elle, aussitôt interrompue par le souffle chaud qui se fit plus présent contre sa nuque, la faisant frissonner, mélangeant les sensations au point de lui faire perdre le fil de ce qu’elle voulait dire. « Joseph. » Ce n’était pas un appel ou un avertissement. Ni même une question. Elle s’était contentée de murmurer son prénom, sorte de reddition temporaire vis-à-vis de ce qu’il faisait. Non loin, le R1 furetait dans ce qui semblait être la plus grande indifférence de la jeune femme. Pourtant, lorsqu’il s’approcha de l’un des serveurs informatiques de la Jedi en tirant un câble, tout le corps de See’Ryl se tendit brusquement. Sa main gauche quitta celles de Joseph pour immobiliser le droïde curieux qui se retrouva à flotter pendant qu’il exprimait son désaccord, à grand renfort d’insultes en binaire.

« Je t’ai dit de ne pas ramener tes boulons autour des serveurs. » Lâcha-t-elle d’un ton sec comme si les minutes précédentes n’avaient pas existé. Elle déplaça le droïde pour le reposer dans un coin où il ne risquait pas de détruire des semaines de travail. Lorsqu’il fit mine de venir vers elle dans le but clairement avoué de lui rentrer dans les jambes, elle fit claquer sa langue contre son palais et l’en empêcha, le soulevant de nouveau. « Ne me force pas à te désactiver jusqu’à ton départ. » menaça-t-elle. Les bips résonnaient autour d’eux. Ce ne fut que lorsqu’ils furent calmés que See’Ryl reposa délicatement le droïde au sol. Ce dernier se précipita vers Joseph, non sans contourner la Jedi… si tant est que cela soit vraiment possible. Il se lança dans un long discours de protestation. En attendant, See’Ryl ne faisait pas mine de bouger mais l’état de veille dans lequel l’étreinte l’avait plongé était désormais évanoui aussi sûrement que la neige au soleil.

« Il nous sera compliqué de rester ainsi des heures durant. » Terre à terre, See’Ryl ? Tout à fait. Cela ne l’empêchait pas de profiter de l’instant autant qu’elle le pouvait… et même bien plus qu’elle n’acceptait de se l’avouer. Malgré ses mots, elle ne chercha pas à se déplacer, à rompre l’étreinte et à mettre fin à l’instant suspendu que Joseph était parvenu à créer sans le moindre avertissement. Mieux, il était arrivé à la détendre, à faire en sorte qu’elle se laisse porter sans ressentir la moindre crainte qui l’aurait poussée à reculer. Un exploit s’il en était tant il avait du mal à approcher l’Arkanienne. Cette dernière l’appela sans chercher à lancer une conversation. Le plaisir simple de prononcer le prénom de celui qui s’acharnait - et continuerait à le faire- pour la guider vers une destination que lui seul connaissait vraiment. La question essentielle restait de savoir si See’Ryl se laisserait faire ou non.

Pour l’instant, c’était le cas. Il y avait quelque chose bien qu’elle soit incapable de savoir quoi exactement. Comme le pourrait-elle ? Rien ne lui avait été inculqué et rares étaient ceux qui auraient pu le faire. A vrai dire, ils étaient tous deux disparus depuis quelques années déjà. Et ce n’était pas quelque chose dont on parlait entre ami. Exit donc le duo de militaire, le cathar et le mirialan. Instinctivement, elle se tendit comme si elle avait perçu la proximité des lèvres de Joseph avec sa nuque. Un contact qui n’arriva pas. Une tension qui, avant même de s’évaporer, devint toute autre par la « grâce » d’un droïde remuant et trop curieux. La réalité s’imposa brutalement à eux. See’Ryl n’avait pas hésité, usant de la Force pour éviter une catastrophe.

En un souffle, la jeune femme était redevenue celle qu’elle avait toujours été rigide et froide tandis qu’elle manipulait le droïde qui flottait. Derrière elle, la colère de Joseph était perceptible. La tension du corps contre le sien, le tremblement des mains sur son ventre ne faisaient que traduire des émotions que l’Arkanienne percevait de manière aigue. Non pas parce qu’elle les partageait car après tout, on lui avait appris à accepter les « imprévus » de manière sereine et résignée, pour ne pas dire fataliste. Le coup de pied qui cueillit le R1 lui fit froncer les sourcils. Une expression cachée par sa position et par ses mèches immaculées. Elle était heurtée en un sens. Ce qui, pour elle, se traduit par une prise de distance entre Joseph et elle. Non pas qu’elle s’écarta mais la tension de son corps indiquait clairement ce fait.

« Evites de bousiller mon travail s’il te plaît. » dit-elle de son ton redevenu neutre. Un décalage saisissant entre sa voix et celle de Joseph, bien plus impérieuse. Elle se retrouva bientôt face à Joseph, la tête légèrement penchée en une expression perplexe. « Pourquoi tu me demandes pardon ? » l’interrogea-t-elle « Il n’y a rien qui mérite une telle chose. » Que ce soit dans leur étreinte ou dans le comportement du R1. En revanche, pour le coup de pied, ce n’était pas à elle qu’il devait demander pardon mais à la victime… Victime qui, de toute manière, semblait aller bien. Il lui en faudrait bien plus pour être réellement endommagée.

La suite… laissa See’Ryl totalement perplexe, pour ne pas dire perdue. Il lui fallut un moment pour comprendre, non sans mal, qu’il lui demandait un rendez-vous… et pas un rendez-vous d’affaire… Quelque chose lui disait que c’était plus… personnel. « Pour peu que tu me dises la date et l’heure, je devrais pouvoir me libérer aisément. » lui répondit-elle sans même réfléchir. Que ce soit ses cours ou le Temple, elle bénéficiait d’emplois du temps flexibles. Pour le reste en revanche… « De quoi me mettre ? » demanda-t-elle « J’ai ma bure Jedi mais la Force sait qu’elle est inconfortable et vraiment pas pratique. Mais qu’est-ce-qu’à à voir ma tenue avec un rendez-vous ? »

Voilà quelque chose qu’elle ne comprenait pas vraiment. Elle était habillée, c’était ce qu’il fallait non ? Le compliment lui était littéralement passé au-dessus de la tête. « J’habite au Temple. J’ai accès à l’un des appartements de société de l’un de mes contacts mais je ne m’y rends qu’exceptionnellement. » indiqua-t-elle toujours sans saisir ce qu’il voulait lui dire par là. « Administratrice, j’ai terminé. » annonça Légion. Un sourire léger s’épanouit « Ton droïde est prêt Joseph. » Techniquement, le chasseur de prime pourrait partir dès qu’il le voudrait mais See’Ryl ne faisait pas mine de quitter ses bras. A voir ce qu’il voudrait faire par la suite.

Peut-être serait-il bon de s’interroger sur les raisons ayant motivé le pardon de Joseph… Peut-être seulement. Parce que See’Ryl n’avait guère envie de se lancer dans une longue conversation qui ne manquerait pas d’être pénible. Tant pour Joseph que pour elle. Autant laisser le statu quo et y revenir s’il en ressentait le besoin. En attendant, la réponse convenait à la jeune femme qui, de toute manière, ne s’était pas attendue à un laïus exhaustif. La conversation dévia sur une invitation. Décidément, le chasseur de primes s’avérait être un adepte des rendez-vous imprévus. De quoi chambouler une Arkanienne particulièrement organisée bien qu’elle soit habituée à constamment remanier son emploi du temps pour une obligation ou une autre. Alors pourquoi ne pas le faire pour quelque chose de personnel ? Avec quelqu’un dont elle appréciait la compagnie qui plus était. Elle se contenta d’un sourire léger qui étira à peine les commissures de ses lèvres qui marquait son approbation quant à cette proposition.

La suite… Evidemment qu’elle ne savait pas quel était l’intérêt de changer de vêtements. Après tout, sa combinaison remplissait exactement ce qui était attendu d’elle…. Notamment la couvrir. A la limite, elle savait qu’elle devait se changer pour les cérémonies officielles et autres représentations publiques. En dehors de cela, l’Ordre la laissait se vêtir comme elle le voulait. Elle passait même pour une simple ingénieure puisque son sabre était la majorité du temps installé dans son emplacement au sein de Légion. Le reste… les considérations esthétiques et, en un sens, sociales concernant les vêtements lui échappaient totalement. Pour ne pas dire qu’elles l’indifféraient tant elle n’en comprenait pas l’utilité. Alors sa question avait été posée avec une naïveté à la fois sincère et touchante.

Elle écouta donc les explications du chasseur de primes sans broncher, tiquant à peine lorsqu’il utilisa le terme de magicien. « Disons que la bure… » commença-t-elle avant d’acquiescer finalement. « Je me fiche que l’on me considère comme un Jedi… C’est ce que je suis après tout. Mais elle gratte, elle limite les mouvements quand je m’occupe des droïdes. Ceci dit… Si l’idée est de ne pas trop me faire remarquer, il est évident que la bure est contre-indiquée. » Parce que oui : ce qui agaçait l’Arkanienne n’était pas qu’on la désigne comme Jedi mais que la bure était inconfortable au possible. Elle manquait de poches et autres petits détails infiniment pratiques pour quelqu’un qui faisait plus que méditer et s’entraîner au sabre.
La suite du discours de Joseph la fit légèrement froncer les sourcils. Elle se retint de justesse de lui demander ce qui était mal dans le fait de se faire passer pour une manutentionnaire. Tout comme elle évita de lui dire que ladite combinaison était on ne pouvait plus confortable. « Mais c’est le cas. » dit-elle malgré l’avertissement. Que dire du second argument ? Si ce dernier la plongea dans un abîme de perplexité, ce qui suivit – les compliments – ne fit que l’enfoncer un peu plus. Elle en fut aussi gênée d’être ainsi décrite. Il lui fut impossible de penser que Joseph parlait d’une autre personne. Le regard intense qu’il posait sur elle était suffisamment évocateur pour qu’elle n’ait aucun doute et qu’elle ne puisse éventuellement formuler les prémices d’un doute.

Bien sûr… elle rougit, devenant écarlate même. Mais toute sa timidité n’aurait pu éviter qu’elle souligne « N’espère pas m’enfermer. Des milliers de gens m’ont aperçu dans cette tenue et d’autres continueront à le faire. » S’il y avait une déclaration dissimulée… elle était passée au-dessus de la tête, pourtant remplie, de la jeune femme. Sous ses doigts, elle percevait les battements du cœur de Joseph qui lui semblait osciller entre calme et accélération. Elle observa sa tenue avec attention, comme une élève qui tâchait de saisir ce que son professeur attendait d’elle. « Une tenue… Comme la tienne. Je vois. » S’il ne précisait pas, elle était tout à fait capable de venir habillée d’un combo blouson-pantalon-chemise et bottes. Les considérations esthétiques lui passaient au-dessus de la tête, elles aussi. Comme beaucoup de choses appartenant au domaine de la sociabilité et des conventions sociales.

Elle haussa les épaules à la mention de l’Ordre. « Un peu plus ou un peu moins, je ne verrais pas particulièrement la différence, tu sais. » dit-elle au sujet des commérages. Elle n’avait pas bougé suite à son retour auprès d’elle. Signe qu’elle acceptait sa présence aussi proche. Elle ne réagit pas vraiment à l’interruption de Légion qui s’était contenté de transmettre l’information sans rien attendre de plus si ce n’était la prochaine instruction. « Je suis tout à fait capable d’aller chercher la même tenue que toi, Joseph. » dit-elle, sous-entendant, par une légère variation de ton, qu’elle n’était pas aussi… stupide en un sens.