Lloyd Hope
Lloyd Hope
Messages : 1085
Eclats Kyber : 280



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à vif


Lloyd t’as l’air d’un cinglé j’te jure.  





- MUMKIN ! MUMKIN ! OUVRE GROUILLE TOI !

Le hapien était arrivé au pas de course devant le Sans Visage qui venait de se poser sur un parking plongé dans l’obscurité, où les lumières du vaisseau éclairaient des flaques sombres. Lloyd était toujours couvert de sang ainsi que Dana, mais l’Inquisitrice était inconsciente depuis désormais presqu’une demi-heure, le temps qu’il avait attendu pour que le dévaronien vînt les chercher à l’aide de la géolocalisation du datapad.
L’attente avait été insupportable. Il avait essayé de réveiller Dana après l’avoir emmenée ailleurs, dans une autre ruelle, une autre impasse au cas où les mercenaires revenaient se venger du bras qu’il avait fait tomber. Mais l’Inquisitrice était restée plongée dans l’inconscience et il avait pleuré au-dessus d’elle, en se tenant le flanc qui dégoulinait de sang. Il ne savait plus ce qu’il lui avait dit. Il se souvenait seulement que dans la panique, il l’avait secouée minablement par les épaules en suppliant, mais il ne savait plus l'objet de ses suppliques.

Et désormais, il envoyait des coups de pied dans la passerelle, et la minute d’attente avant que Mumkin n’activât l’ouverture lui parut interminable. Quand le visage du dévaronien apparut, ce dernier arrondit les yeux et la bouche dans un O de stupéfaction.

- Bordel qu’est-ce qui vous est arrivé ?!
- Pousse-toi on se tire, vite vite vite Mum !

Le hapien grimpa à bord en bousculant le dévaronien qui réactionna la passerelle pour la refermer, avant de courir à petits pas précipités dans le cockpit. De toutes façons, il n’avait même pas eu le temps d’éteindre les moteurs. Il les fit rugir et le vaisseau s’éleva dans le ciel, disparut dans les nuages de la planète, et quelques minutes plus tard la nuit de l’espace engloutissait l’appareil pour qu’il disparut parmi des milliers d’autres minuscules satellites en orbite de Nar Kaaga.

Quand il put enfin quitter son siège, le pilotage automatique activé vers un maintien en orbite stationnaire, Mumkin retourna vers le fond du vaisseau à pas pressés mais lourds, vers l’écoutille de la cabine éclairée – la cabine invitée, d’où lui provenaient des gémissements désordonnés. A l’intérieur, Dana était étendue sur la couchette et le hapien s’était saisi d’un couteau sanglant qu’il manipulait au-dessus d’elle. A la lumière des néons de la cabine, Mumkin put voir l’étendue des dégâts. Ils n’étaient pas tous deux seulement couverts de sang : leurs visages étaient tuméfiés, les lèvres de Lloyd fendues, des plaies ouvertes sur les bras, des hématomes sur le visage et Dana portait les mêmes couleurs, les mêmes plaies. Mais ce n’était pas le plus dérangeant. Ce qui le choquait vraiment, c’était le patron : le hapien avait des gestes désordonnés, marmonnait d’une voix aiguë des choses incompréhensibles et son corps paraissait agité de tremblements incontrôlables. Le voir au-dessus de Dana dans cet état avec une lame acheva de le décider.

- Arrête, Lloyd ! Qu’est-ce que tu fous avec ça ?!

Le dévaronien affolé soudain s’était interposé et essayait d’arracher le couteau des mains du hapien. Ce dernier se laissa faire avant de poser sur Mumkin ses yeux délirants.

- Il faut - il faut découper les vêtements pour désinfecter ! s’expliqua-t-il d’une voix précipitée. Désinfecter regarde tout le sang et aussi, des anti-inflammatoires, faut que ça dégonfle regarde ici et là. On a des anti-inflammatoires, on en a nan ? Attends ATTENDS une femme enceinte ça peut prendre des anti-inflammatoires ou pas ? De la glace alors ! Oui on va mettre de la glace, y’a de la glace dans les congélateurs !
- Wow wow wow, du calme, mais putain Lloyd c’est un hosto qu’il faut là, pas de la glace !
- MAIS ON PEUT PAS, ON PEUT PAS MUMKIN IL FAUT SE TIRER DE NAR KAAGA OK ?!
- Oui-oui, ok ok, ça va, je vais…
- ON A DE LA GLACE OU PAS ? TU VAS CHERCHER DE LA GLACE ? NON ATTENDS N’Y VA PAS JE VAIS PAS Y ARRIVER MUM IL FAUT DECOUPER LES VETEMENTS MAIS JE TREMBLE COMME UN CON JE VAIS PAS Y ARRIVER C’EST MOI QUI VAIS CHERCHER LA GLACE TOI TU DECOUPES OK ?!
- Lloyd putain !

Mumkin attrapa le hapien par les deux bras avant de regretter son geste – il était poisseux comme pas possible, mais tant pis.

- ZEN. Ok ? Vous êtes vivants, elle respire, ça va. Je vais découper son haut et lui pschitter du désinfectant et après je nous emmène sur Syvris.
- Syvris ?
- Oui, Syvris, tu vas voir, y’a de quoi, technologiquement, là-bas. On y sera en trois heures à tout casser. Donc je gère, ok ? Toi tu vas t’occuper de toi-même parce que t’es en bordel, là.
- Mais il faut que…
- Lloyd putain, regarde-toi, t’es blessé.
- C’est pas grave ça c’est…
- Lloyd t’as l’air d’un cinglé j’te jure, tu lui sers à rien dans cet état, va te doucher j’m’en occupe.

Le hapien lança son regard d’illuminé vers Dana, mais la voir dans cet état désastreux lui donna un vertige et il se hâta de s’essuyer le visage. Mumkin avait raison. Il n’était bon à rien dans cet état, il risquait de tout aggraver. Le dévaronien était déjà en train de le tirer par le bras pour le faire sortir de la cabine et le pousser vers celle qui jouxtait ; la cabine du capitaine. Il s’engouffra à l’intérieur et referma derrière lui, d’un geste machinal, sans réfléchi.

Il fit les cent pas dans la cabine. Du sang gouttait sur son chemin, qu’il écrasait à son passage suivant, imprimant peu à peu le sol de la cabine de marques rouges à l’effigie du motif de la semelle de ses bottes.

Qu’est-ce qu’il s’était passé ? Qu’est-ce qu’il devait faire ? Est-ce qu’ils étaient poursuivis ? Est-ce qu'il n'y avait vraiment plus d'équipe ?










Moins d’une heure plus tard, dans le cockpit, Mumkin donnait une dernière poussée avant d’activer, d’un geste connaisseur, le petit commutateur qui lancerait le Sans Visage dans l’hyperespace. Il fut écrasé un bref instant contre son siège, le temps que s’étalent au travers de la baie de pilotage les étoiles en traits lumineux et épatés, puis il décrocha sa ceinture avant de retourner d’un pas décidé vers l’arrière.

Il essaya de ne pas trop faire de bruit, pencha la tête dans l’encadrement de l’écoutille de la cabine invité : Dana était toujours étendue là, son bustier découpé coincé sous elle et un bras toujours mis en écharpe avec une ceinture, mais le visage et le ventre à peu près débarbouillés. Une poche de glace avait été posée sur le coin de son visage incliné sur l’oreiller, afin de soulager son œil, et l’odeur du désinfectant s’échappait du petit habitacle. Mumkin attendit une seconde, le temps de d’apercevoir distinctement la poitrine de Dana se soulever et s’abaisser doucement, au rythme d’une respiration sereine. Les yeux du dévaronien tombèrent sur un carton renversé au pied de la couchette : la guirlande et le kimono s'enchevêtraient au sol et Mumkin soupira avant de se détourner.

- Bon, marmonna-t-il en dodelinant des cornes, Inquisitrice : check. Trajectoire vers Syvris : check. Reste le patron…

Le dévaronien se tourna vers l’écoutille fermée de la cabine du capitaine. A bord, tout était beaucoup trop silencieux. Il aurait dû entendre la douche, éventuellement la voix du hapien qui s’énervait ou des objets que l’on déplaçait. Mais non. Il régnait un silence épais.
Mumkin se décida à ouvrir l’écoutille, sans frapper. Il avait ce genre d’instinct ; de savoir quand il fallait frapper et quand ça ne servait à rien. Et son instinct lui dicta de refermer tout de suite l’écoutille derrière lui.

Bingo. Lloyd était affalé par terre, adossé contre le fond de la cabine, à tenir son flanc sanglant. Il ne s’était pas douché, mais il avait visiblement utilisé un pack médical pour agrafer sa plaie dont les chairs à vifs étaient visibles sous un tshirt à demi relever sur son torse, où des tâches bleues se devinaient sous le sang. Les yeux vitreux mais toujours écarquillés du hapien le regardèrent s’approcher, et Mumkin grimaça un petit sourire en constatant qu’au moins, il était calme.

- Ça va ?
- J’ai l’air d’aller bien ?
- Nan.

Le dévaronien s’accroupit et ne put empêcher une grimace en voyant de plus près l’état du capitaine.

- Il vous est arrivé quoi ?
- J’sais pas Mum, gémit Lloyd. J’sais pas.

Il y eut un silence, pendant lequel le hapien secoua doucement la tête.

- Elle va comment ?
- Elle dort. Ça va.
- Tu savais ?
- Quoi ?
- Qu’elle était…

Le hapien déglutit.

- Qu’elle était enceinte.

Mumkin afficha un air beaucoup trop surpris.

- Oooh. C’est pas vrai ?! Félicita…
- Tu savais, le coupa-t-il.
- Ouais.

Silence atterré. Lloyd s’essuya les yeux. Ça ne servait à rien de demander pourquoi le dévaronien n’avait pas jugé utile de le lui dire. Peut-être que c’était Dana qui lui avait demandé expressément de n’en rien faire.

- Ahem… Tu veux que… j’t’aide à te déshabiller, pour la douche ?
- Nan, nan. Mum ?
- Quoi ?
- Va falloir que tu t’en occupes.
- De quoi ?
- De Dana.

Le dévaronien le regarda d’un air surpris.

- Ben oui, j’t’ai dit, j’m’en occupe.
- Ok.
- Pourquoi ?

Lloyd baissa les yeux sur son propre corps. Il ne ressemblait plus à rien. Il se rendait compte, soudain, qu’il avait mis du sang partout dans sa cabine. Sur les portes des placards, au sol, même sur la couchette.

- Tu veux pas me… ?

Mumkin fit la moue.

- Nan patron. C’est pas une bonne idée ça. Tu te douches et au lit. J’te réveille quand on arrive sur Syvris. Allez.

Le dévaronien l’aida à se relever, et le hapien tituba jusque dans la salle d’eau.




CSS par Gaelle

Darth Hope
Darth Hope
Messages : 717
Eclats Kyber : 20
[quote="Invité"]


[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à Vif

Elle n’était pas dans la cabine du capitaine.






Un rire avait brisé le silence pour réchauffer son âme. Elle avait eu tellement froid et les ténèbres avaient tout recouvert. Ce rire était comme la lumière d’un phare dressé dans une nuit opaque, il la faisait revenir au port, sur une rive familière. Elle sentit une main saisir la sienne, l’arracher à sa féminité brûlante et elle ouvrit péniblement les yeux.

Son bras valide pendait dans le vide, alors qu’étendue sur le dos, dans une couchette impersonnelle, elle se familiarisait avec un plafond qu’elle avait déjà observé par le passé. La cabine à l’arrière. En bougeant sa figure, une eau froide avait dévalé de son œil droit pour s’immiscer de manière désagréable dans son cou, le long de son décolleté entier dénudé. Elle grogna son inconfort parce que tout son corps se réveillait à vif. Grâce à la glace et aux soins sommaires, la fièvre avait perdu du terrain, mais elle se sentait toujours nauséeuse.
Progressivement, sa mémoire se mettait en route, récoltait un morceau de souvenir, l’assemblait avec un autre et elle se remémorait Nar Kaaga. La mission pour l’Inquisition, Rhulom, le théâtre…la corde autour du cou de Lloyd. Elle gémit de désarroi. Puis la ruelle, la ceinture autour de son bras. De ses doigts mobiles, elle toucha le cuir sombre qui cintrait encore son membre cassé. Elle grogna de douleur.

Enfin, sa paume se plaqua contre son ventre à la courbe nue, effleurant un hématome grossier. Ils avaient frappé à cet endroit, toutes ces pourritures. Maxence en particuliers. Dana grimaça sa colère et se releva avec douleur, tirant à elle un drap pour couvrir sa nudité partielle. Ses yeux tombèrent sur le décor de la cabine, le bouquet de plantes séchées accroché au-dessus de la couchette, quelques affaires de Jabiim et au milieu, sur le sol, un carton ouvert abritait un kimono écarlate aux liserais dorés, ainsi que les ampoules éteintes d’une guirlande. Elle n’était pas dans la cabine du capitaine. Le constat provoqua un étrange choc. Elle se détourna vers le coin qui abritait la douche, à la paroi toujours brisée et raffistolée de rubalise criarde. Le crash de Dathomir se superposa aux souvenirs plus récents et elle se massa la tempe. Au bord de la surface d’un minuscule bureau, son datapad tenait en équilibre, l’écran tâché de sang. De sa seule main, elle ramena un peu plus le drap contre elle, complètement perdue.

L’écoutille qui s’ouvrait annonça la fin du silence. Elle vit deux cornes surplomber un visage dévanorien un peu jaunâtre. Elle posa sur Mumkin un regard un peu hagard et désorienté.

- L’Inquisitrice aux bois dormant se réveille ? Je sais. Lloyd. Il va bien, il dort. Commence pas, ton Excellencité, sinon je me débrouille pour que vous dormiez en même temps et j’aurais un peu la paix.
- Mumkin…
- Ouais ?
- Je meurs de faim…dit-elle d’une voix un pu rauque, la bouche pâteuse.
- Ben ça tombe bien, c’est le room service ! fit-il en brandissant quelques barres protéinées qui, en attendant meilleur repas, feraient largement l’affaire.

Sa mâchoire lui faisait un mal de chien quand elle mordait avidement dans une barre. Elle était si vorace que l’alien eût peur qu’elle ne le prenne pour le plat de résistance. Il observait sa chevelure salie de sang séché et emmêlée, son œil au beurre noir qui avait un peu dégonflé. Elle pouvait l’ouvrir entièrement visiblement. Le petit paquet de glace qu’il avait mis sur son visage plus tôt avait fondu et faisait une tâche humide dans la couchette. Le pilote se racla la gorge et désigna la douche :

- Elle est réparée, sauf les parois…ça…se trouve plus si facilement des parois comme ça mais bon.

Mais Dana ne parlait pas. Elle mâchait, déglutissait et fixait le carton avec la soie rouge qui en dépassait. Il suivit son regard et poussa un long soupir.

- C’était pas très malin de pas lui dire.

Elle arrêta de mastiquer ce qui ressemblait à du carton avec un goût synthétique de fruits pour planter ses yeux dorés dans ceux de l’employé.

- Pour…le bébé, j’veux dire.
- Tu savais…geignit-elle en grimaçant de souffrance parce qu’elle avait bougé son bras brisé.
- J’suis allée chercher le slick dans le vidangeur cassé et j’ai trouvé le…enfin bref. On arrive sur Syvris dans moins de trente minutes. Y’a un centre de soins là-bas.
- J’vais bien.

Complètement à côté de ses pompes, comme le patron. Mumkin leva les yeux au ciel.

- Ouais ben, on arrive bientôt.

Et il quitta la pièce en marmonnant dans sa barbe. Dana attendit que l’écoutille se referme. Elle glissa hors de sa couchette et d’un pas chancelant, alla vers la douche. Le drap retomba au sol, son dernier vêtement aussi. Un cri franchit ses lèvres malmenées quand il fallut commencer à se laver sous le jet d’eau tiède, seule.






[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]




Une heure plus tard, le Sans-Visage était amarré au spatioport de la petite lune qu’était Syvris. Dana n’entendait plus les ronronnements des moteurs. Affublée d’une robe noire à la découpe sobre – se vêtir d’un pantalon avec un bras en moins étant peine perdue, elle terminait d’accrocher la guirlande rouge autour de sa propre couchette, maladroitement. Ses cheveux humides étaient propres, comme sa peau. Du cauchemar de Nar Kaaga, ne restaient que des coupures encore rouges de sang, des hématomes inélégants, et deux grands yeux dorés baignés de larmes silencieuses. Elle déverrouilla l’écoutille après s’être assurée que la guirlande fonctionnait bien. Quant au kimono, il avait disparu du carton.

Les talons de ses bottines résonnèrent dans la coursive principale alors qu’elle se rendait sur la passerelle déjà ouverte par Mumkin. Elle souhaita faire demi-tour, car elle n’avait plus envie de se plonger dans un monde inconnu. Elle avait peur que le cauchemar recommence. Elle voulut retourner dans sa cabine mais des échos de pas s’élevèrent dans son dos. Elle avorta son geste. Elle n’avait pas besoin de faire volte-face pour comprendre que c’était Lloyd Hope. Le dévaronien surgit sur la passerelle depuis l’extérieur, avisant le duo, en particulier Dana dont l’attelle de fortune ne maintenait pas correctement son bras cassé qui s’échappait d’une manche courte de sa robe.

- J’ai vu avec un type, l’hôpital est pas trop trop loin.
- C’était qui ce type ? se méfia Dana, toute pâle.
- Hein ? C’était…un gars des douanes et…
- J’ai pas confiance, souffla-t-elle en le coupant, se mettant à trembler. J’ai pas confiance en ce « type ». Je vais attendre qu’on arrive à Dromund Kaas.
- Quoi ? s’étrangla-t-il. T’as vu l’état de ton bras ? Il sera irréparable bien avant d’atteindre Dromund Kaas.
- Luis m’accompagne alors.
- Qu..non, j’ai lu rapidos le règlement et les animaux de compagnie de cette catégorie sont pas autorisés, on va s’attirer des ennuis si tu fais ça.





CSS par Gaelle



Lloyd Hope
Lloyd Hope
Messages : 1085
Eclats Kyber : 280



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à vif


Alors Lloyd, quand tu l'imagines, le cerveau étalé sur le sol, tu penses à quoi ? 





Après sa douche, Lloyd avait jeté ses vêtements à la poubelle, puis enfilé un pantalon et un tshirt propre avec des gestes encore tremblants. Une part de lui-même commençait à refaire surface. Une petite voix disant qu’il était ridicule à trembler ainsi, une autre lui disait qu’il bricolait dans le vent, qu’il n’avait jamais navigué, et une troisième lui disait d’aller chercher une dose de slick pour faire taire les deux premières.

Il s’était contenté de s’allonger sur la couchette. Il n’avait pas dormi. Il avait regardé le plafond aux couleurs froides au-dessus de lui. La guirlande rouge n’était plus là, ni la photo, ni l’odeur de Dana, et encore moins la chaleur de son corps recroquevillé contre le sien. Lui-même avait la peau moite, des douleurs sur tout le corps, et la fatigue qui l’écrasait contre sa couchette n’était pas de celles qui l’autoriseraient à s’évader dans le sommeil.

Alors il resta longuement les yeux écarquillés, à écouter ce qui se passait dans le vaisseau pour ne pas entendre, encore, la voix qui résonnait dans le théâtre.

Alors Lloyd, quand tu l'imagines, le cerveau étalé sur le sol, tu penses à quoi ? … Dis-moi Lloyd ! À quoi tu penses ?! Va t'faire foutre Lloyd !

Il ferma les yeux dans l’espoir vain de ne plus voir le canon de l’arme de Maxence qui s’enfonçait entre les lèvres de Dana.








Trois heures plus tard, après que les moteurs se fussent immobilisés, il s’était relevé comme un automate. Avait attrapé un pull, l’avait enfilé avant de sortir de sa cabine et…

A quelques pas sur sa droite, la silhouette de Dana qui allait vers la passerelle. Il ouvrit la bouche mais il n’y avait rien à dire. Alors il la suivit en silence, pour découvrir Mumkin qui arrivait à son tour.

- ES-72 va nous accompagner, croassa-t-il.

Sa propre voix lui avait fait l’effet d’un grognement rauque, inadéquat. Il eut une œillade prudente vers Dana, constata qu’elle avait meilleure allure, malgré les contusions qui couvraient son visage.

- C’est… C’est mon droïde de sécurité, expliqua-t-il platement, avant de détourner le regard vers le dévaronien. Mum, tu ouvres la soute ?
- Ok patron.

Mumkin les contempla un instant avant de s’éloigner. Dana et Lloyd restèrent seuls en bas de la passerelle et le hapien déglutit. Il essaya de rassembler quelque chose d’intelligent à dire, mais il n’y avait toujours rien. Alors il passa ses mains dans ses cheveux en un geste embarrassé.
Quelques instants plus tard, ils entendirent le pas sec et mécanique du droïde. ES-72 ressemblait à un épouvantail et métal, avec deux yeux rouges et lumineux. Il vint se planter devant les deux Sith, avisa Lloyd, puis Dana.

- Reconnaissance faciale impossible.

Le hapien soupira bruyamment.

- C’est Dana Shar !

Avec un œil au beurre noir, certes, mais quand même.

- Dana Shar, individu identifié.
- Bon. On y va, grogna Lloyd.








[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]

Shadowport était la ville principale de Syvris. Des bâtiments colorés formées des allées plus tapageuses que les rues de Nar Kaaga, avec des édifices aux néons étincelants qui rappelaient à Lloyd les attractions d’Astroballe Park, mais y penser était surréaliste. Il s’était passé tellement de choses, et il déambulait ; hébété, le visage propre mais tuméfié, le pas un peu lent parce qu’il avait mal là où il avait agrafé sa peau pour refermer une blessure à la manière d’un boucher. Il porterait longtemps cette cicatrice.

Derrière lui suivaient ES-72 et Dana, et le trio marchait en silence en suivant les indications qui leur avaient été données par le douanier pour rejoindre le centre médical. Ils déambulèrent dans le hall d’un grand marché, heureusement peu fréquenté à cette heure, avant d’arriver devant un bâtiment aux colonnes claires, aux portes vitrées. Le hapien s’arrêta devant. Des speeders passaient régulièrement à quelques pas d’eux, et Lloyd se retourna vers Dana.

- Voilà, c’est là, constata-t-il platement.

Il y eut un silence, et l’Inquisitrice allait s’engager vers l’entrée quand le hapien serra les poings avant de les fourrer dans les poches de son pull.

- Hum, Dana, attends.

Il attendit de croiser le regard de la Sith. Leurs yeux échangèrent une espèce d’attente interdite. Devaient-ils parler de tout ce qui s’était passé ? De ce qu’ils s’étaient jeté à la figure et de ce que pourtant ils avaient été prêts à mourir l’un pour l’autre ? Il n’y avait plus d’équipe. Lloyd baissa les yeux.

- Tu… Tu veux qu’je vienne avec toi ou… Ou pas ?

Il pinça les lèvres en fixant le sol entre eux.

- J’peux te laisser ES pour veiller sur toi, si tu préfères que je… Tu fais partie de ses… Priorités de protection. Voilà c’est… C’est comme tu veux. Ou si tu veux je viens, si tu veux que… Pour, je veux dire…

Il déglutit, eut un geste maladroit du menton pour désigner le ventre de Dana.

Ça devait être la façon la plus horrible qu’un homme ait jamais utilisé pour proposer à une femme engrossée par ses soins de l’accompagner dans sa grossesse, se jugea-t-il. Mais il était déjà trop tard, le mal était fait. Il s’humecta les lèvres, croisa encore les grands yeux dorés, regarda encore ailleurs.

- Tu vas pas l’garder t’façons, hein ?

Il afficha un bref sourire d'excuse qui s'effaça aussitôt. Dis-moi qu’tu vas pas le garder.




CSS par Gaelle

Darth Hope
Darth Hope
Messages : 717
Eclats Kyber : 20



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à Vif

S’il crève, vous ferez au moins un capitaine heureux dans cette Galaxie






Ils se faisaient face sur le parvis de l’établissement de soins médicaux. Dans le dos de Lloyd les speeders ralentissaient ou prenaient de la vitesse : on déposait un malade, on récupérait un bien portant. Dana finit par réagir aux propos du capitaine. Elle chancela légèrement en arrière, prise d’un vertige vrillant, mais au prix d’un effort digne, réussit à tenir debout.

- Ce que je veux, répéta-t-elle d’une voix un peu éteinte, colorée de déception et d’amertume. On dirait que ce que je veux n’a plus d’importance.

Il avait profité de son absence pour littéralement la jeter hors de sa vie Ses affaires dans un carton, reléguées à l’arrière. Elle devait peut-être s’estimer heureuse, songea-t-elle avec ironie, de ne pas avoir dû les récupérer dans le vidangeur du spatioport de Nar Kaaga. Elle lui avait pourtant envoyé un dernier message, avec sa localisation. Pour qu’il vienne, pour qu’il ne reste pas à l’écart. Et ce qu’il avait fait en retour ? La balayer de sa vie, l’accuser d’avoir été une pute manipulatrice. Elle ferma les yeux un court instant pour se concentrer :

- Non bien sûr que je compte pas le garder, dit-elle doucement.

Un peu trop doucement. Il eût à peine le temps d’être soulagé qu’elle enchaînait d’un ton déchiré :

- Je suis une tueuse d’enfants après tout. Je vois pas pourquoi mon enfant échapperait à ma cruauté. Comme si je m’étais pas assez débarrassée de gamins innocents comme ça dans ma vie. Comme si ça avait pas été suffisant que tous ces connards Djiilo s’acharnent sur lui. Ne parle plus du bébé, c’est mieux. Si c’est pour me poser des questions comme ça..et le désigner de cette façon. Je vais voir ce qu’ils peuvent faire pour mon bras.

Elle aurait souhaité lui dire la vérité. Elle avait voulu s’en débarrasser dès qu’elle l’avait su. Elle planifiait de le faire sur Dromund Kaas. Pour tout un tas de raisons. Qu’aurait-elle fait d’un enfant dans sa vie d’Inquisitrice ? Et si Akusha l’avait appris, il aurait lancé à sa poursuite d’autres Jaden Ashar pour la récupérer, pour mettre main basse sur l’enfant comme il avait prévu de s’en servir pour posséder Ch’Hodos. A aucun moment, garder l’enfant n’avait été une option dans ses intérêts. Si seulement tout ne s’était pas accéléré avec cette mission pour l’Inquisition Sith et ce jeu théâtral morbide avec cette putain de Maxence. Maintenant, c’était trop tard. Elle l’avait déjà senti bouger. Ce n’était plus comme avoir du vent dans le ventre. Elle recula vers l’entrée du centre médical et lui accorda une dernière œillade où il ne put y lire que l’étendue de sa déception et de sa colère.





Les portes automatisées s’ouvrirent en détectant sa présence et elle fut happée dans le brouhaha ambiant d’un accueil hospitalier. Sur les bancs d’attente, il y avait des individus qui se tenaient un flanc ensanglanté ou une plaie ouverte : l’odeur de chair brûlée qui se superposait au parfum de l’antiseptique local laissa deviner qu’il s’agissait de blessure par arme à plasma. Après tout, Syvris vivait dans l’espèce des Cartels Hutts avec son lot de prospérité et de violence. La sécurité semblait renforcée si elle en croyait les gardes armés et les robots de combat qui les accompagnaient. Un centre de cet acabit refermait des technologies coûteuses et les soins qu’il prodiguait n’étaient pas gratuit : le propriétaire des lieux devait bien défendre son établissement rentable.

Elle s’avança jusqu’au comptoir où un droïde médical et une infirmière humaine qui possédait des bras de synthèse robotique l’accueillirent. Sur la jolie coiffure de la dame trônait un diadème blanc en plastique, estampillé du symbole de l’hôpital. En voyant Dana, elle ouvrit une nouvelle application sur son terminal de travail holographique.

- Bienvenue chez Syvris Médicals. Comment on peut vous prendre en charge ?
- J’ai un bras cassé, souffla-t-elle d’une voix aussi blanche que sa peau légèrement fiévreuse.

Depuis son poste de travail, l’humaine la toisa, circonspecte, observant la plaie au nez de l’Inquisitrice, son œil au beurre noir, les contusions qui déformaient son derme. Mais elle n’était pas là pour poser des questions ; c’était aussi ça l’avantage de voguer dans l’espace Hutt.

- C’est tout ?
- Je crois oui…
- Vous croyez ? Bon. (Elle lui tendit un datapad vierge sur lequel un formulaire scintillait). Remplissez ça, et dirigez-vous vers l’une des salles de consultations, sur la droite après le hall. Il vous accompagne ? termina en pointant une présence derrière Shar.

La rouquine détourna son visage pour deviner la carcasse métallique d’ES et elle hocha pauvrement la tête.

- Bien. Précisez-le dans le formulaire.

Dana s’était installée sur les bancs, prenant garde à mettre suffisamment de distance avec les blessés présents et tâcha de remplir le formulaire ce qui ne fut pas un acte aisé. Elle n’avait plus trop les idées claires. Son inconscience de trois heures ne l’avait pas aidé à se reposer et affronter le monde si vite, si brutalement, sans véritable pause ne faisait qu’accentuer ses nausées. Mais il fallait bien recommencer quelque part. Nom : Dana Hickpens. Elle se souvenait du camp Piya, de cette ruse absurde pour qu’ils infiltrent le bunker. Age, race. Les informations s’enchaînaient. Pour les femmes et femelles en capacité génétique de procréer : Etes-vous enceinte. Le doigt de Dana trembla au-dessus de l’appareil qu’elle avait maladroitement posé sur ses cuisses.










Dans l’une des salles de consultations, une Arkanienne d’un certain âge mais dont la perfection génétique prévenait des rides l’avait accueillie. Sa chevelure translucide était taillée courte et sa combinaison noire contrastait avec ses yeux neigeux. Elle avait indiqué à Dana une place, près d’une cuve d’un liquide nommé bacta et qui semblait répandu dans cette région de la Galaxie. De ce qu’elle comprenait c’était du kolto synthétique à moindre coût, mais à l’efficacité tout aussi redoutable. Le docteur lisait les informations sur le datapad.

- Vous n’avez pas précisé.
- Préciser quoi, s’impatienta Shar.
- De combien de mois vous êtes enceinte.
- Quatre je pense..
- Vous pensez ? je vais devoir vérifier, pour la sécurité du fœtus.

Oh vous tracassez pas pour ça. S’il crève, vous ferez au moins un capitaine heureux dans cette Galaxie, pensa amèrement Dana entre ses dents serrées. Elle fut invitée à s’étendre dans un medipod et un appareil circulaire se plaça autour de son abdomen et de ses hanches. Elle s’efforçait de fixer le plafond tandis que le médecin manipulait des commandes. La machine se mit silencieusement en route mais ses servomoteurs qui permettaient la rotation autour de son corps ronronnaient discrètement. Il lui semblait qu’une éternité s’était écoulée avant d’entendre enfin la voix de l’arkanienne.

- Dans quelques jours, il semblerait que vous entamerez votre cinquième mois, si j’en crois les données.

Pas de réponse.

- Oh…comme c’est étrange…il semble y avoir une anomalie.
- Qu…quoi ?










Deux heures plus tard, Dana quittait la salle de consultation, sous le choc. Son bras avait séjourné dans la cuve de bacta quand elle l’y avait plongé, mais trop hagarde, elle n’avait pas senti la morsure de la molécule resouder ses os et résorber ses chairs. On lui avait ensuite bandé le bras et on l’avait immobilisé avec une véritable attelle pour laisser la nature faire le reste. Dans son dos, ES emboîtait ses pas de sa démarche raide. De retour à l’accueil, le brouhaha ambiant lui fila le tournis. Elle voulut se diriger vers le comptoir pour régler la note (Mumkin, avant de débarquer, lui avait remis des crédits se doutant bien qu’il y aurait un prix à payer.) mais elle croisa la silhouette de Lloyd Hope assis sur l’un des bancs. S’était-il fait soigner finalement ? Venait-il d’arriver ? Elle changea de direction pour s’approcher de lui et s’asseoir à ses côtés, attentive à ne pas le toucher.

- Mon bras va mieux. Je pourrais en retrouver l’usage d’ici une semaine ou deux. T’as pu voir un médecin ?

Des banalités. Encore des banalités. Si elle était sincèrement préoccupée par l’état de santé de son ancien partenaire, elle n’arrivait rien à dire d’autre. De sa main motrice, elle lui tendit sa ceinture. Le geste paraissait complètement décalé dans cette réalité brisée. Elle lui rendait son bien en main propre. Au moins, elle ne le jetait pas dans un carton pour l'évacuer de sa vie à l'image d'un encombrant. Les larmes montèrent à ses yeux et elle les ravala comme elle put.







CSS par Gaelle



Lloyd Hope
Lloyd Hope
Messages : 1085
Eclats Kyber : 280



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à vif


Sur le parvis du centre médical, Dana était déjà partie.  





- C’pas c’que j’voulais dire.

Mais c’était inutile. Sur le parvis du centre médical, Dana était déjà partie, le droïde sur les talons, et il était resté planté là, à parler tout seul, à regarder s’ouvrir et se fermer les portes automatiques.

Voilà ; la longue et jolie trêve qu’ils avaient vécue était terminée. Une trêve de quelques mois, et maintenant Dana redeviendrait l’Inquisitrice qu’elle devait être et lui le militaire à la dérive, le hapien con et déloyal, le genre de déchets que produisait l’Empire, toujours utile à faire le sale boulot.
De ce genre de fin tragique, d’aucuns auraient eu la sagesse de se dire que dans une vie pareille, il fallait être reconnaissant d’avoir vécu une telle histoire, d’avoir goûté à la passion et à la tendresse, d’avoir partagé un rire dans un grand lit et une barbe à bantha dans une petite échoppe, qu’il fallait en être heureux, s’en enrichir l’âme pour continuer sa vie le cœur léger, affronter les évènements suivants.

Lloyd embrassait tant cette vision de l'expérience humaine qu'il en aurait donné un coup de boule au premier passant venu. A quoi bon vivre ça si c’était pour le perdre ensuite ? Il se fustigea intérieurement : de toute façon, il avait su dès le premier jour que c’était une mauvaise idée, qu’il regretterait, qu’il faisait un choix à la con puisque Dana n’allait pas rester indéfiniment accroché à une ordure comme lui.
Il tourna les talons pour errer dans la rue, au hasard. Un speeder manqua de le renverser et le klaxonna mais il l’ignora, tout à ses ruminations sordides.

Un petit établissement dont les vitres donnaient sur le même parvis où Dana l’avait gratifié du plus aimant de ses regards lui sembla être idéal. Il s’échoua sur une banquette où il avait une vue sur les portes du centre médical sans voir les écrans au-dessus de sa tête qui affichait les scores d’une quelconque course, et il commanda un Cœur de réacteur. C’était une boisson à la couleur bleue électrique, qu’un rodien lui servit avec les remerciements de la maison.



Cinq heures s’étaient écoulées depuis le moment où on avait mis le canon dans la bouche de Dana et qu’il avait cru qu’elle allait mourir, que son cerveau allait effectivement s’étaler sur la scène, tout cela à cause de lui. On avait atteint Lloyd Hope en utilisant Dana Shar, et elle avait failli en crever par sa faute.




Six heures s’étaient écoulées depuis le moment où on avait mis le canon dans la bouche de Dana et qu’il avait cru qu’elle allait mourir, que son cerveau allait effectivement s’étaler sur la scène, tout cela à cause de lui. On avait atteint Lloyd Hope en utilisant Dana Shar, et elle avait failli en crever par sa faute.




Sept heures s’étaient écoulées depuis le moment où on avait mis le canon dans la bouche de Dana et trois rodiens s’approchèrent de la table de Lloyd pour lui indiquer sèchement qu’ils ne serviraient pas un verre supplémentaire, politique de l’établissement. Le hapien leva vers eux un regard vide. Il se serait bien battu, en l’occurrence, mais il avait trop mal à son flanc.

- Laissez-moi au moins utiliser les chiottes, croassa-t-il.
- Fais vite, fit le patron de l’établissement, ses yeux noirs luisants sous l’écran des résultats, où un certain Kerrn Linton venait de remporter la première place.

Lloyd grimaça en se levant, avant de tituber vers les toilettes. Il attrapa les bords d’un lavabo pour s’aider à stabiliser son corps maladroit et releva la tête vers un miroir. En plus des contusions, il avait désormais des cernes et des petits yeux rouges. Du sang était encore visible dans ses cheveux et, l’alcool aidant, il était encore plus pâle que d’ordinaire. Ses mains tremblaient moins, cela dit. Et aussi, certains sujets pesaient moins, les images fuyaient dans sa tête, et c’était tout ce qu’il demandait.
Il se pencha pour allumer le robinet et se frotta le visage avec de l’eau, se rinça la bouche. C’était inutile, il savait qu’il sentirait quand même l’alcool, si jamais Dana s’approchait trop de lui.

Mais Dana ne s’approcherait plus trop de lui.





Ses jambes l’avaient porté jusqu’au centre médical où il était entré avant de se laisser tomber, hagard, sur l’un des bancs de la salle d’attente. La dame aux bras synthétiques lui demanda s’il venait pour lui mais il l’envoya paître de quelques mots secs et elle repartit derrière son comptoir, le pas raide et contrarié.

Il resta immobile jusqu’à ce que Dana apparût.

- Mon bras va mieux. Je pourrais en retrouver l’usage d’ici une semaine ou deux. T’as pu voir un médecin ?

Le hapien s’éclaircit la gorge et évita soigneusement le regard de l’Inquisitrice. Il récupéra sa ceinture et la garda à la main. Il n’était pas sûr qu’essayer de la remettre ne serait pas trop compliqué, il se ridiculiserait. Mieux valait garder ça pour un moment de solitude.

- Tant mieux, c’est bien. Ouais, c’est bon pour moi aussi. Rien de grave.

Après tout, Dana ne savait pas qu’il avait pris un coup de couteau, si ses souvenirs étaient bons. Il tâcha de se relever. Il aurait voulu bondir vivement, fraîchement, mais il faillit trébucher – cette salle d’attente était pas très stable, non ? – et dut se retenir à un droïde qui passait par là. Heureusement la machine était solide et il put rester debout avant de marcher d’un pas traînant vers la sortie.

- Monsieur, madame, il faut régler la note, fit sèchement la dame de l’accueil.

Le hapien grogna en se retournant et alla s’échouer au comptoir devant la dame aux bras robotiques.

- C’est bon, c’est bon je règle, fit-il vers Dana, un peu autoritairement.

C’était qu’il ne voulait pas que Dana voit la note, elle pourrait comprendre qu’il n’avait jamais passé que quelques minutes dans le centre médical. Il sortit sa carte pour payer en crédits galactiques, sans regarder le montant. Après tout, Dana avait failli lui coûter cent milles crédits, alors, trois cent soixante douze et dix-huit centimes, c’était rien du tout.
Toute son âme en charpie, c’était rien du tout non plus, non ?

Il froissa le ticket que lui tendit la dame avant de le fourrer dans sa poche, puis il alla se planter, hébété, à côté des portes vitrées, pour se retourner vers l’Inquisitrice. Merde, merde, merde, il avait besoin de slick ou bien de cette drogue-là. L’alcool n’avait rien effacé du tout, finalement.
Il la regarda un moment de loin, le visage défait.

- Onrentreoufautquonailleacheterdesmédocs ?



CSS par Gaelle

Darth Hope
Darth Hope
Messages : 717
Eclats Kyber : 20



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à Vif

. Un sourire percuta ses lèvres sans qu’elle ne s’en rende compte.






Elle l’avait senti au moment où il s’était un peu penché pour récupérer sa ceinture et qu’il avait parlé. Son haleine empestait l’alcool et à l’odeur nauséabonde, elle manqua de vomir les barres protéinées ingurgitées plus tôt. Sa grossesse n’était pas tendre avec sa sensibilité olfactive qui lui ruinait les tripes. Et elle comprenait que ce n’était pas de l’alcool médical qu’on aurait pu lui administrer pour désinfecter une plaie. Elle avait porté son poing devant ses lèvres tuméfiées pour s’empêcher d’expulser le contenu de son estomac. Heureusement, il s’était levé et en l’observant tituber, chanceler vers la sortie, revenir hagard vers le comptoir, elle sentait autre chose lui remuer les entrailles : de la colère.

Ils guériraient de leurs fractures, de leurs hématomes et de leurs blessures, mais elle savait que pour leur psyché, le processus serait plus long et que des séquelles marqueraient éternellement leurs âmes au fer rouge. Mais c’était tout ce qu’il avait trouvé pour affronter ces heures cauchemardesques ? Elle avait tancé le droïde assassin d’un regard noir. A quoi servait-il au juste ? Ils les protégeaient, sans pouvoir préserver Lloyd Hope du plus grand danger : lui-même. Et quand le capitaine s’adressa à elle, depuis le comptoir, dans cette dégaine…le dernier morceau encore intact de son âme vola en milliers d’éclats. Des ricanements provinrent de bouches amusées par le spectacle affligeant de qu’on considérait comme un ivrogne, venu certainement soigner un coma éthylique imminent. Shar expérimenta un sentiment de honte dont elle n’arriva pas à se défaire, engluée dans ce sentiment poisseux.

- On rentre, décida-t-elle d’un ton plein de colère. Enfin, si tu sais marcher jusqu’au spatioport.
- Bien envoyé ! lança quelqu’un avant de rire et elle se tendit davantage avant de viser la sortie, accablée.

Ils n’auraient donc jamais fini de se donner en spectacle.



















Elle avait engagé un pas lourd sur la passerelle du Sans-Visage. Mumkin qui effectuait des révisions de la coque externe s’empressa de sortir ses cornes du cambouis pour aviser le retour de son duo préféré et les choses ne semblaient pas s’être arrangées. Il vit son capitaine chanceler derrière une Dana furieuse. Lloyd trébucha sur la passerelle.

- Wow, wow, s’exclama-t-il en se précipitant pour l’aider.

Il grimaça de dégoût en sentant l’alcool qui infusait par les pores de sa peau.

- Ils t’ont perfusé au Cœur de Réacteur à l’hosto ou quoi ?
- Oh bien sûr que non ! s’écria Dana depuis la coursive. On ne la voyait pas mais on entendait clairement sa voix rageuse qui se répercutait contre les parois jusqu’à la plateforme. Il s’est foutu une race, ça se voit pas ?! Je suis allée à l’hosto seule, comme une grande ! D’ailleurs, je vais regagner ma cabine seule, comme une grande aussi. T’as intérêt à mettre les voiles sur Dromund Kaas, que je quitte enfin ce putain de vaisseau de malheur.
- Eh oh ! Un peu de calme !
- TU ME PARLES PAS COMME CA ! hurla-t-elle et un grondement ponctua sa phrase. Elle avait claqué manuellement l’écoutille de sa cabine, forçant sur les moteurs hydrauliques d’ouverture et fermeture. Le dévaronien fit une nouvelle moue. Elle pourrait faire un peu gaffe quand même, non ? Il déposa un regard morne sur son patron.













Ils ne la verraient plus pendant des heures. Le vaisseau était reparti en orbite. Le ronronnement des réacteurs ébranlait doucement la carlingue et berçait Dana Shar d’un sommeil profond, salvateur, réparateur dont elle avait tant besoin. Un sommeil percuté de cauchemars. Ainsi son corps se reposait, mais son esprit ne connaissait pas de répit. Elle jouait encore son propre rôle dans la pièce macabre de Maxence, avec plus d’acuité maintenant qu’elle avait du recul. Dans le feu de l’action et des larmes, elle n’avait pas remarqué que le sang de Lloyd Hope avait giclé jusqu’à elle quand il se faisait frapper. Au creux de sa couchette, son corps endormi se recroquevilla, cherchant à échapper à ces détails morbides qu’elle découvrait. La guirlande jetait une lueur écarlate sur le tissu noir de sa robe, sur son derme, amplifiait la couleur artificielle de sa chevelure. Elle l’éclairait, mais ne la réchauffait pas. Sous le drap de la couchette, elle tremblait de froid, expérimentant un nouvel état de choc.

Un coup perturba son sommeil, la tirant vers l’éveil.

Ce n’était pas un coup que l’on portait à l’écoutille.

Un autre coup, léger, si vif qu’elle avait cru le rêver depuis sa stase. Il venait de l’intérieur. Elle ouvrit les yeux en catastrophe et se redressa pour s’asseoir sur la couchette. Elle posa une main sur son ventre, qui lui avait paru être plus rebondi qu’auparavant, mais peut-être que c’était le fruit de son imagination. En tous les cas, sous sa paume, elle sentit un dernier mouvement, en provenance de ses entrailles. Elle respirait vite et elle aurait voulu taire ce souffle saccadé pour mieux entendre, mieux percevoir, mais le silence et le calme étaient revenus. Un sourire percuta ses lèvres sans qu’elle ne s’en rende compte.







Dans la coquerie, elle était emmitouflée dans une couverture grossière, parce qu’elle avait toujours froid, mais la fin avait pris le dessus. En face d’elle, sur la table, une bouteille de ponch des Serpents et un gobelet à moitié rempli. Le goût du sucre mêlé au piquant de l’alcool léger lui avait fait du bien et avait ravivé des souvenirs qu’elle croyait éteints. Il y avait également un plateau avec des biscuits de Jabiim que Ruth avait glissé dans ses bagages comme tant d’autres choses. Son datapad reposait non loin, entouré de miettes qui collaient également à la commissure de ses lippes voraces. Mumkin bougea enfin. Il était resté planté une bonne minute devant la photographie de sa chère sœur, qui trônait au-dessus de l’évier, comme s’il s’était recueilli. Il poussa un soupir et avisa la table.

- C’est quoi ce que tu bois ? se méfia-t-il.
- Du jus de fruits, lâcha-t-elle.
- Ok, ok. Faut que je sache ce qui s’est passé sur Nar Kaaga.
- Demande à ton patron. Oh j’suis conne. Il doit être en train de décuver ou de se droguer sa sale race de merde d’hapien, ça doit pas l’aider à parler.
- T’es en colère, ca va. Mais moi j’y suis pour rien, tempéra-t-il en levant les mains en signe d’apaisement.
- J’ai juste envie de rentrer.

Le dévaronien s’installa brusquement à côté d’elle sur l’une des caisses qui servaient de siège. Il hésita et après avoir trituré ses doigts se lança à voix basse :

- Ce que j’t’ai dit sur Astroballe la dernière fois, c’est toujours ok, tu sais.
- Ca sert à rien, c’est bon. Je m’en vais. Plus d’Inquisitrice à bord, plus d’emmerdes.
- Et pour Kiwi…tenta-t-il pauvrement.

Dans l’espoir de détendre l’atmosphère ou de l’alourdir davantage. Elle lui jeta un regard étonné avant de lâcher un râle consterné.

- J’te filerai ses coordonnées, si y’a que ça pour faire plaisir.
- Ok.

Un silence satura l’espace réduit de la coquerie. Il se frotta la nuque, passant en revue les diverses répliques qu’il pourrait dire sans envenimer la situation.

- C’est ptetre mieux comme ça. J’veux dire. Quoiqu’il se soit passé là-bas, bah…de toute façon, l’patron c’était pas un type fait pour toi. Nan en fait, j’veux dire, t’es une femme sacrément jolie et…attends, nan, plutôt que…t’es une Inquisitrice voilà. Je sais pas avec qui se marient les Inquisiteurs, mais bon…pas des types comme Lloyd j’suppose. Enfin, le patron il est bien, j’veux pas dire que c’est un sale type, ça non. Mais…bon, tu vois…tu pourras peut-être élever l’enfant sans lui ou avec un père plus…

Ces derniers mots la tétanisèrent. L’image de Hope que l’on pendait, les paroles que Bigord avait craché à sa figure : et que tu élèves ton enfant avec son père pendu dans ta misérable tête. Mumkin continuait de parler mais sa voix lui parvenait de loin, comme un écho insignifiant alors qu’elle était piégée dans ce souvenir traumatisant.

- Et puis..

Soudain, la voix du pilote lui revint à l’image d’une porte qui s’ouvrait brusquement sur la réalité.

- Vous vous protégiez pas ? C’était ptetre un accident, remarque. Mon cousin Jyxo, un jour….bon, il avait rencontré une fille du clan des Krayt. Ils vivent à l’autre bout de Jabiim et bon…il a passé une nuit avec qu’il m’a dit, elle était foutrement bonne…la nuit ahem…enfin la fille aussi…et euh bon, ça a pété quoi, tu sais la capote. Il a dû la marier, qu’est-ce que ça a fait un bordel cette histoire.
- Quoi ? fit-elle trop atterrée pour s’énerver encore.
- Nan rien, laisse tomber. J’crois que c’est l’heure de donner à manger au nexu.

Elle balaya la Force dans l’air, pour amener son datapad à elle tandis que Mumkin quitta la coquerie en toussotant, plus ou moins fier de ses talents de psychologue. Elle ouvrit une fenêtre de communication écrite vers le Grand Temple. Il était temps de prévenir Runà qu’elle rentrait au bercail. Il lui faudrait une escorte, de l’aide pour transporter toutes ses affaires qu’elle empaquetterait dans les jours à venir, quand elle trouvera la force de le faire.

Je l’ai laissé partir.





CSS par Gaelle



Lloyd Hope
Lloyd Hope
Messages : 1085
Eclats Kyber : 280



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à vif


Qu’est-ce qu’il s’était passé sur Nar Kaaga ? 





Lloyd aussi avait décidé de disparaître. Mais sa cabine lui rappelait trop de choses. Elle était devenue insupportable. Et le cockpit était fréquenté par ce fichu nexu dont il croisait le regard accusateur. Alors il était descendu dans la salle technique et, ivre, il avait essayé de nettoyer la pompe hydraulique, mais ses mains s’étaient remises à trembler et il n’arrivait à rien. Il finit par se mettre à gueuler contre la machine, lui envoya un coup de pied avant de s’effondrer à côté d’elle en un tas informe. Il gémit de douleur.

Comme attiré par le bruit, il entendit bientôt les pas familiers de Mumkin descendre par l’échelle, mais plutôt que de s’intéresser au nouvel arrivant il posa le front sur le couvercle métallique d’un bidon d’huile. Le dévaronien courba l’échine pour passer sous une tuyauterie au glouglou régulier et apercevoir le capitaine qui nageait dans son pull déjà sali de traînées sombres.

- Hem… Lloyd, ce s’rait p’tet une bonne idée d’aller te reposer, nan ? Ça doit faire douze heures qu’on est partis de Nar Kaaga.

Ah, tiens, songea le capitaine. Ça faisait donc treize heures depuis le moment où on avait mis le canon dans la bouche de Dana et qu’il avait cru qu’elle allait mourir, que son cerveau allait effectivement s’étaler sur la scène, tout cela à cause de lui. On avait atteint Lloyd Hope en utilisant Dana Shar, et elle avait failli en crever par sa faute.

- Hé, tu m’entends ?
- Ouais, croassa-t-il en relevant enfin la tête. Je vais très bien, j’suis pas fatigué.
- Ça va comment ta blessure ?
- Çavatrèsbienjaidit.

Mumkin soupira.

- Tu veux toujours pas me dire ?
- Te dire quoi ?
- Ce qu’il s’est passé sur Nar Kaaga.

Le hapien releva son visage abîmé vers le dévaronien, croisa les petits yeux curieux de Mumkin. Il chercha des mots. Qu’est-ce qu’il s’était passé sur Nar Kaaga ? Il ne savait pas très bien, en réalité. Il essaya de trouver une formule pour résumer. Rien ne vint. Il haussa les épaules.

- Un genre de guet-apens. Elle a pris cher, commenta-t-il en faisant un signe de tête vers le haut, vers le reste du Sans Visage, où un Inquisitrice se reposait quelque part. Et… Bon, j’ai pas aidé, faut dire.
- Ah. Tu veux dire… ? T’as pas…

Mumkin hésita, puis il prit une inspiration.

- C’est pas toi qui lui a…

Lloyd arrondit les yeux, stupéfait, et quelque chose de sidérant éclata quelque part dans ses tripes. Brusquement, le hapien attrapa une clé de douze qui traînait au sol et le lança de toutes ses forces sur le dévaronien qui l’évita avec un cri de surprise. L’objet percuta l’échelle avant de tomber au sol dans un fracas métallique.

- Hé ! Ça va pas ou quoi ? Moi j’demandais juste, hein !
- PARCE QUE C’EST CE QUE TU CROIS TOI AUSSI HEIN ! lui hurla le hapien, le visage déformé par la rage soudaine. QUE JE SUIS CE GENRE DE RACLURE C’EST CA QUE TU CROIS TOI AUSSI ! VA TE FAIRE FOUTRE MUM ! BARRE TOI AVANT QU’LE SAC A FOUTRE S’EN PRENNE A TOI AUSSI ESPECE DE MERDEUX ! JE VAIS TE…

Le dévaronien se jeta sur l’échelle parce que Lloyd avait commencé à essayer de se lever et qu’il ne voulait absolument pas être dans les pattes d’un Sith ivre et déchaîné. A gestes précipités, il émergea dans la coursive principale et se rendit compte que la voix de Lloyd portait dans tout le vaisseau. Alors il attrapa la trappe qui permettait l’accès à la salle technique, habituellement toujours ouverte, et la laissa retomber avec un bruit sourd pour y enfermer Lloyd et ses rugissements de forcené.
Aussitôt la plaque métallique étouffa les cris, et le Sans Visage retrouva une certaine quiétude pendant que Mumkin s’asseyait sur la trappe avec un soupir. Il l’avait bien dit, que le feu et le gaz ça ferait pas bon ménage, que tout finirait par péter. Dana avait raison, il fallait qu’ils arrivent au plus vite. Par précaution, le dévaronien verrouilla la trappe avant de se hâter vers le cockpit.












Seize heures s’étaient écoulées depuis le moment où on avait mis le canon dans la bouche de Dana et qu’il avait cru qu’elle allait mourir, que son cerveau allait effectivement s’étaler sur la scène, tout cela à cause de lui. On avait atteint Lloyd Hope en utilisant Dana Shar, et elle avait failli en crever par sa faute.













Mumkin débarqua dans la coquerie de son pas pataud, le visage un peu gêné. Dana était de retour et le dévaronien croisa son regard. On entendit un cri de rage au loin et des coups sourds contre les parois.

- Hum, bon, j’l’ai enfermé, t’inquiète. J’veux dire, ça lui arrive, ça lui passe, t’inquiète. Puis si ça passe pas, Tonton Mumkin ira lui donner un peu des calmants, faut pas s’en faire ! Non pas que j’me dis qu’t’as peur, hein, je sais que vos excellencités ont peur de rien, c’est pas ça, c’est juste voilà quoi.

Le dévaronien alla ouvrir un placard, en sortit l’une des barquettes allégées et l’ouvrit en s’installant devant Dana. Il se mit à manger la barquette froide. Il les aimait bien comme ça.

- On en a pour une bonne semaine de voyage là, ahem.

Ca risque d’être long…

- Alors j’me disais, reprit-il,si t’as besoin qu’on fasse une escale ou quoi, tu le dis. Si t’as besoin que j’aille acheter un truc aussi.

Il y eut un moment de silence, pendant lequel les bruits de mastication du dévaronien emplirent la coquerie. Parfois, Mumkin regardait Dana à la dérobée.

- J’peux te demander un… Un truc ? Pour le patron, fit-il avec précaution, soudain, en tâchant de conserver la voix basse. Quand vous s’rez… Quand tu s’ras partie. Faudra éviter de lui donner des nouvelles. Sinon j’le connais, il va jamais lâcher le truc.

Le dévaronien eut une mimique pour faire comprendre à l’Inquisitrice ce qu’il voulait dire, mais il devina que ça ne suffirait pas.

- Un jour, j’ai vendu un bidon de slick à un ami, pour le dépanner. Un de nos bidons. On avait un gros stock, tu vois, alors je me suis dit qu’ça irait. Bah il s’en est rendu compte. Non seulement il m’a cuisiné pendant des heures pour savoir à qui je l’avais vendu, mais en plus il nous a fait rebrousser chemin, courser mon pote pour récupérer le bidon. On a perdu 10 jours de vol rien que pour ça, parce que soi-disant personne pouvait avoir acheté du slick de notre vaisseau, et blablabla. Et je te jure, ça fait au moins trois ans cette histoire, y’a des fois il me la ressort encore comme quoi à cause de ça, on a failli le faire repérer, j’sais pas quoi. Bref, ce que j’veux dire c’est qu’il y a des gens qui passent à autre chose mais lui il bloque tout le temps.

Mumkin engouffra une nouvelle bouchée et se remit à mastiquer pensivement, avant de hausser les épaules.

- J’suis réellement désolé au fond. Ça pouvait pas marcher mais quand même, le coup du bracelet et du briquet, vous étiez mignons.

Le dévaronien laissa échapper un soupir d’aise.

- C’est l’effet Camp des Serpents, ça ! Ça vous marierait des Sith, j’vous jure. N’importe quoi.















Bonk bonk bonk.

- Mum, st’eup. Ouvre-moi. J’suis calme ça va. ... Mumkin ?

La coursive était plongée dans l’obscurité. Sous la trappe, le hapien était déconfit. Dix-huit heures s’étaient écoulées depuis le moment où on avait mis le canon dans la bouche de Dana et qu’il avait cru qu’elle allait mourir, que son cerveau allait effectivement s’étaler sur la scène, tout cela à cause de lui. On avait atteint Lloyd Hope en utilisant Dana Shar, et elle avait failli en crever par sa faute, et il n’avait toujours pas dormi.




CSS par Gaelle

Darth Hope
Darth Hope
Messages : 717
Eclats Kyber : 20



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à Vif

Même toi, tu m’avais jamais fait crier comme ça.





Comment faisait-on pour ne pas sombrer dans la folie ? A défaut d’un paysage rassurant, bordé de blés dorés et de champs verdoyants, il fallait compartimenter. A chaque boîte, son horreur. Il suffisait de verrouiller les compartiments, de les rendre étanches. Combien de fois Dana avait-elle compartimenté dans sa vie ? Beaucoup. Mais aujourd’hui, alors qu’il ne s’était pas encore passé 24 heures depuis les traumatismes qu’ils avaient subis, il semblait qu’elle manquait de boîte et d’espace de rangement. Sa mémoire interne saturait. Aussi, elle parlait tout bas, à elle-même, ou plutôt à ce qui se terrait profondément dans son ventre et vers lesquelles elle envoyait sa Force, pour les protéger du monde extérieur, même quand ce monde était aussi paisible que sa cabine.


Pour Mumkin, elle n’avait eu que du silence. Ils avaient encore tenté de la réconforter un peu, mais mot, chaque parole qui la rapprochaient de souvenirs anciens comme le briquet, le bracelet de Jabiim qu’elle ne possédait plus, écorchait son âme. Elle avait regagné sa cabine, malgré les bruits sourds qui se transmettaient dans le réseau de la carlingue et qui provenaient d’un Hope en pleine crise. Elle était revenue à temps, car au moment où l’écoutille se refermait doucement, une demande de communication holographique directe affolait son datapad. Elle brancha ce dernier au holocommunicateur de la cabine et se dépêcha de rabattre sa grande couverture, pour cacher ses formes, pour préserver son secret. Devant ses prunelles humides et éteintes, l’image translucide d’un zabrak à l’air sévère se forma.

- Kedrod..
- Inquisitrice Shar. Quel plaisir d’avoir de vos nouvelles. Maître Runà a bien reçu votre message et votre rapport. Bon travail, pour le renégat. Je vous accueillerai moi-même à l’astroport de Kaas City. Nous avons été affectés aux mêmes missions.

Une nouvelle « équipe. Elle se massa le front, perturbée par ce brusque retour à des considérations plus terre à terre.

- Inquisitrice Shar ?
- Oui. Oui, je sais, souffla-t-elle. Je ferai ce qu’il y a à faire. Pour l’Empire Sith, déclama-t-elle sans émotion.
- Je vois que Darth Rhulom n’est pas mort sans se défendre.

Il faisait allusion aux marques qui brouillaient le visage habituellement si parfait et maquillé de Dana. Cette dernière haussa les épaules dans sa couverture confortable. Et l’Inquisiteur poursuivit, indifférent :

- Comment va l’apprenti du Castellan Noir ? Beaucoup de rumeurs courent. Vous a-t-il porté assistance pour Rhulom ? Comme il l’a fait sur Galindraan ?
- Non, trancha-t-elle d’une voix blanche, la diction pénible. Il était pas là. J’ai abattu ce traître seule, comme une vraie Inquisitrice.
- Voilà qui fait plaisir à entendre, Inquisitrice Shar. J’ai toujours eu du respect pour vos compétences liées à votre noble lignage. Je n’ai jamais cru ces rumeurs. Ce chien de l’armée devrait renifler d’autres culs que ceux de l’Inquisition. Mais j’ai hâte de croiser sa route, cela dit.
- Il a été promu, coupa-t-elle court, en serrant les poings à s’en blanchir les phalanges ce qui réveilla sa toute récente blessure au bras. A la tête d’une frégate, vous risquez pas de croiser sa route.
- Quel dommage, gronda-t-il en plantant ses yeux sombres dans l’objectif du communicateur comme s’il cherchait à l’atteindre.
- Y’a…y’a-t-il autre chose ? demanda-t-elle en baissant ses yeux.
- Non, Inquisitrice Shar. Rien que nous ne pouvons aborder de vive voix à votre retour. Faîtes bon voyage.

Et la liaison se rompit. Dana retomba lourdement sur sa couchette, un peu tremblante. Elle avisa ses affaires un peu désordonnées, appréhenda cet instant où elle ne pourrait plus reposer leur empaquetage. Et il faisait toujours aussi froid. Soudain, elle se releva et alla en hâte ouvrir l’un des tiroirs de son tout petit bureau. C’était un objet qu’elle avait dérobé à son propriétaire. Il était temps de le lui rendre également, en mains propres.




Un déclic lui annonça que la trappe venait d’être déverrouillée et la taule grinça quand elle fut soulevée. A contre-jour de la lueur blafarde des néons, le minois meurtri de l’Inquisitrice apparut. Elle ne dit rien, bloquant le passage et lui tendit quelque chose. A la lueur des lumières, une aiguille rutilait, plantée dans une seringue au contenu visqueux.

- C’est pas à Mumkin de toujours faire le sale boulot te concernant.

Elle avait été un peu rêche, mais elle n’arrivait pas. Il fallait compartimenter. Cela signifiait ne plus évoquer, ne plus parler, de ce qui s’était produit sur Nar Kaaga. Plus jamais. Que dirait-elle de toute façon ? Est-ce que tu m’as trouvé jolie avec un canon planté en pleine bouche ? Est-ce que j’étais ton genre quand cette petite garce me pulvérisait le bras ? Même toi, tu m’avais jamais fait crier comme ça. La main qui tenait la seringue se mit à trembler un peu.

- T’en as pas envie ? lâcha-t-elle avec mépris, penchée au-dessus de l’ouverture. Sa longue chevelure retombait autour de son cou pâle, dévalait ses épaules étroites.

Le dévaronien était parti vérifier des paramètres de vol dans le cockpit et il avait indiqué à Dana se reposer dans sa propre cabine, ensuite. Il n’y avait plus qu’eux deux, le temps que le cornu refasse surface pour ménager leurs âmes brisées.

- Tu pourras aller dormir dans ta cabine après ça. Tu sais celle où y’a plus de guirlande anticauchemar, parce que tu l’as retiré comme un con. Tu devrais…

Elle prit une grande inspiration, pour ne pas déraper : s’offrir à la colère ou au contraire, se montrer d’une compassion qu’il ne méritait pas. Elle avait toujours le tissu sombre de la couverture autour d’elle, lui donnant des airs de réfugiée, lui conférant une apparence vulnérable. Emmitouflée dans le textile, elle paraissait minuscule.

- Tu devrais commencer à te préparer. Pour quand on arrivera à Kaas City. Tu vas sans doute être beaucoup demandé et il va falloir reprendre le cours des choses normales, pour l’Empire Sith.

Tout vrillait dans sa tête. Elle parlait avec des mots qu’elle était à des parsecs de penser. Elle songeait encore au click qui avait propulsé du vide dans son gosier. Elle avait cru mourir, enfin. Elle avait cru être délivrée du cauchemar. Sans doute qu’elle aurait voulu qu’il assiste à ça, qu’il la regarde s’effondre, la cervelle en miettes carbonisées. Survivre tous les deux à ce cauchemar, c’était pire que tout. Mais elle compartimentait avec l’énergie du désespoir pour maintenir à flot un état de raison. Elle n’était plus seule. Il avait quelque chose en elle à préserver de la folie, de la violence.

- Tu fais comme t’as fait avec la guirlande et mes affaires. Tu mets tout dans un carton et tu le balances loin de toi. C’est une technique que tu maîtrises visiblement. Attends…non, ça te parle peut-être pas. C’est comme quand t’as un bébé dans le ventre et que tu le gardes pas. Tu siphonnes. Tu sais comment ça se passe ?

Parce qu’elle avait demandé au médecin.

- Y’a plusieurs méthodes, mais au stade où j’en suis, y’en avait pas des masses de disponibles. C’est comme quand tu vidanges ton vaisseau. C’est aussi sale et dégueulasse. Et douloureux. Mais après toi, Lloyd Hope, t’as la conscience un peu tranquille non ? C’est que du bricolage pour toi. Tu remplis, tu vidanges. Tu remplis, tu vidanges. Le vaisseau il a pas son mot à dire parce qu’il t’appartient.





CSS par Gaelle



Lloyd Hope
Lloyd Hope
Messages : 1085
Eclats Kyber : 280



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à vif


Tu remplis, tu vidanges. Tu remplis, tu vidanges. 





Il avait pris la seringue du bout des doigts, hésitant, silencieux. Son visage émergeait de la trappe où l’obscurité de la salle technique n’était perturbée que par quelques diodes et par le souvenir de ses hurlements, dont maintenant bien sûr, il avait honte.

Tu remplis, tu vidanges. Tu remplis, tu vidanges.

La violence de tous les mots qui venaient de lui tomber dessus lui sembla l’ensevelir et un instant, il fut tenté de refermer la trappe pour disparaître à nouveau. Sauf que son corps, après autant de temps en état de choc, commençait doucement à se rappeler à lui : il avait faim, soif, et d’autres besoins pragmatiques. Mais l’Inquisitrice soudain lui paraissait être un obstacle insurmontable.

Il cligna des yeux en la regardant, penaud, et ses doigts jouaient nerveusement avec la seringue. Quand elle parlait du vaisseau qui avait pas le choix, elle parlait d’elle ? Il n’était pas sûr de comprendre. Il avait l’impression que de toute façon, tout ce qu’il pourrait dire pourrait être retenu contre lui. C’était comme avoir des cartes limitées en main et savoir pertinemment que toutes vous feraient perdre, dans tous les cas. Alors il resta un moment silencieux, à baisser les yeux comme un gosse qui venait de se faire engueuler.

Il resta comme ça jusqu’à ce qu’elle jetât l’éponge et s’en allât dans sa cabine.

C’était aussi ça, l’apprenti du Castellan Noir. Le courage incarné.








Il était passé par la coquerie pour faire des provisions, avant de disparaître à son tour dans sa cabine. Ainsi, il pourrait éviter de la croiser pendant un bon bout de temps. Il lui semblait que c’était ce qu’elle voulait. Il supposait que ça devait la dégoûter, de le voir. Ça aurait expliqué le regard haineux qu’elle lui avait lancé devant le centre médical et aussi ce qu’elle avait dit quelques minutes plus tôt.

Tu remplis, tu vidanges.

C’était vraiment ça qu’il donnait comme impression ? En arrière-plan, pendant qu’il refermait et verrouillait l’écoutille de sa cabine, qu’il jetait les barres protéinées sur la couchette, qu’il allait utiliser la salle de bain, les scènes de Nar Kaaga se rejouaient. Quand il l’avait accusé, quand il n’avait pas réussi à en finir avec sa propre vie, quand il n’avait pas empêché le canon de l’arme d’entrer dans sa bouche, quand il avait tué l’humaine. Quand il avait mis si longtemps à comprendre ce qu’elle essayait de faire avec sa ceinture. Quand il n’avait rien su lui dire avant qu’elle ne sombre dans l’inconscience.

Incapable de la protéger.

Il revint se laisser tomber sur sa couchette, les traits figés dans un masque de déception. Il se faisait honte. Il avait été nul. Jamais il ne l’avait protégé. Ses yeux parcoururent l’encadrement de la couchette, là où une guirlande avait été accrochée quelques mois plus tôt. Son regard s’arrêta à l’endroit où Dana avait suspendu une photo. Une photo sur laquelle la vérité était évidente : il ne l’avait jamais protégée, c’était elle qui l’avait protégé depuis le début.
Le hapien grimaça en se redressant, s’efforçant de quitter la couchette pour aller jusqu’au bureau, où il tira sur l’un des tiroirs, pour y trouver la photo, la seule chose qu’il n’avait pas rendue à Dana. Lorsqu’il l’avait rangée là, il croyait alors qu’elle l’avait manipulé du début à la fin et que donc cette photo ne vaudrait rien pour elle mais maintenant, il n’en était plus très sûr. Il ne savait plus ce qu’il y avait de vrai et ce qu’il y avait de faux dans ce qui s’était passé entre eux et il était trop tard pour aller demander des comptes ; qu’importait, puisque tout était fini ?

Il fit demi-tour avec la photo en main, pour aller rejoindre barres protéinées, cordelette, seringues et draps sur sa couchette, qui serait son radeau pour les heures, peut-être les jours à venir, le temps que le monde l’oublie, que ceux qui ne voulaient plus le voir ou le prenaient pour un salaud ne fussent pas confrontés à son image odieuse, à sa lâcheté, à l’échec qu’il représentait.
Mais comme le théâtre, Maxence et le blaster qui voulait s’insinuer entre les lèvres de Dana, eux, ne l’oublieraient pas, ne cesseraient de prendre d’assaut son esprit, il voulait substituer d’autres images à celles de la scène, celle qui s’était déroulée vingt-et-une heures plus tôt, où on avait mis le canon dans la bouche de Dana et qu’il avait cru qu’elle allait mourir, que son cerveau allait effectivement s’étaler sur la scène, tout cela à cause de lui. On avait atteint Lloyd Hope en utilisant Dana Shar, et elle avait failli en crever par sa faute.

Il s’était allongé sur le flanc, la photo posée en équilibre contre la paroi métallique qui le séparait de l’autre cabine. Il noua la petite cordelette en une boucle lâche, qu’il enfila autour de son bras avant de serrer le nœud coulant au-dessus de son biceps. Serrer juste assez pour faire ressortir les vaisseaux sanguins qui couraient sous sa peau, sans non plus faire un garrot trop serré qui aurait coupé la circulation, attraper le bout de la cordelette entre ses dents pour maintenir la pression. Puis il n’eut plus qu’à enfoncer doucement le bout de l’aiguille dans l’une des plus grosses veines, au creux de son coude. C’était un geste qu’il connaissait bien. Dès que l’aiguille eut trouvé son chemin, le bout de la cordelette tomba de sa bouche, se desserrant sur son bras pour libérer le garrot, et son pouce injecta le produit. Quand il arriva au bout du poussoir, il tira sur la seringue pour la retirer, et ses yeux humides cherchèrent à nouveau la photo des yeux.

Voilà, il n’y avait plus qu’à attendre. Les effets arrivaient vite, en général. Une poignée de secondes. Il remonta son bras libéré du garrot, fébrile, pour attraper la photo du bout des doigts en fronçant les sourcils : brièvement dans le reflet du néon, il avait cru voir quelque chose par transparence. Il retourna l’image, pour y découvrir l’écriture de l’Inquisitrice.


"D & H. Toujours parfaitement compatibles."


Ses yeux se remplirent de larmes.


C’était donc lui, H.



Et c’était lui aussi, qui avait tout foutu en l’air.



CSS par Gaelle

Darth Hope
Darth Hope
Messages : 717
Eclats Kyber : 20



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à Vif

Depuis l’entrée, Luis ouvrit deux yeux rougeâtres.






Ils étaient à H+72 de leur cauchemar sur Nar Kaaga. Entre cette sombre planète et le Sans-Visage, les parsecs s’accumulait. La Voie Commerciale permettait des bonds dans l’hyperespace, mais ils n’avaient pas encore atteint les frontières impériales. Ils en étaient même loin. Grâce aux soins prodigués sur Syvris, Dana avait pu se changer sans que son bras ne la fasse hurler de souffrance. C’était toujours douloureux, toujours désagréable, mais elle n’avait plus l’impression qu’on lui coupait le souffle. Elle avait enfilé un pantalon de cuir sombre et un débardeur donné par Ruth. Ses cheveux noués au sommet de son crâne mettaient en exergue les marques qui refusaient de disparaître. Elle ressemblait à l’Inquisitrice Sith du Lightbreaker, à la différence que beaucoup trop de choses avaient changé depuis.

Assise en tailleur au milieu de sa cabine, elle avait tiré de sous sa couchette des petits caissons et elle rassemblait ses affaires. Ranger, trier, nettoyer lui avait permis de ne plus penser à Lloyd, de ne plus penser à Maxence. Et quand elle se sentait trop seule, elle prenait une pause et flattait son ventre. Les nausées s’espaçaient et finissaient par s’estomper. Elle avait remarqué sa poitrine avait continué d’enfler, douloureuse par moment. Il ne restait plus que la fatigue que sa convalescence n’arrangeait pas. Quand elle s’agitait trop longtemps, elle devait reprendre son souffle.

L’écoutille de sa cabine était ouverte, parce que sa claustrophobie la prenait toujours aux tripes. La plupart du temps Luis ronflait devant cette entrée, cette minuscule fenêtre sur ce qu’était devenu le quotidien solitaire de Dana Shar à bord du Sans-Visage. Elle alignait deux bouteilles de jus de fruits après les avoir soigneusement emballées dans du tissu protecteur et plia sa robe dorée par-dessus, celle qu’elle avait porté lors du mariage de Chechi. Elle caressait les coutures du vêtement, pensive.

La silhouette de Mumkin apparut soudainement. Le nexu grogna et le dévaronien l’enjamba en marmonnant à son tour. Ses petits yeux d’aliens tombèrent sur l’Inquisitrice en plein rangement. Et lui aussi remarqua le changement : à la taille du décolleté qu’improvisait le débardeur et une poitrine maternelle.

- Il y a un souci ? demanda-t-elle.
- Tu veux un coup de main ?
- Tu me l’as déjà proposé dix fois en moins d’une heure et ma réponse a pas changé.
- Je sais, mais j’ai eu des nouvelles de Jabiim et ahm…enfait, Chechi il paraît qu’elle doit se ménager, pas porter des trucs trop lourds et tout. Donc j’me disais ptetre que toi du coup…
- Je me suis ramassée quelques coups de pieds et de poings, on m’a brisé un bras, défoncé mon nez, j’ai été planté par la vibrodague d’un assassin, je pense que…je peux gérer quelques affaires à mettre dans des caisses.
- Ouais. Ouais c’est vrai. T’as faim ?

Elle eut un sourire qu’il interpréta comme un signe encourageant.

- J’ai toujours faim.
- Alors tiens (fit-il en tendant un pot de crème glacé qu’il cachait derrière son dos depuis tout ce temps. Elle avisa la gourmandise, étonnée. Depuis quand Mumkin partageait ses précieuses glaces ? Elle accepta et se hissa pour s’asseoir confortablement sur la couchette, auréolée des ampoules rouges de la guirlande)
- Merci, dit-elle en ouvrant le pot. J’ai réfléchi à ce que t’as dit et t’as raison. Je donnerai pas de nouvelles.
- Ouais.
- Enfin, je t’en donnerai peut-être à toi, reprit-elle en plongeant la cuillère entre ses lèvres marquées des violences passées.
- Hein ? A moi ?
- T’es un alien, mais je dois reconnaître que…

Elle se tut pour mâcher et savourer toute cette crème gelée et sucrée qui fondait dans son palais. La sucrerie lui rapportait un réconfort rare et lui remémorait la douceur cotonneuse de la barbe à bantha. Elle se rendait compte que tout était meilleur quand c’était offert avec une attention sincère. Elle n’aurait plus droit à ça, il fallait profiter de ce dernier sursis. Mumkin lui était resté suspendu à la phrase inachevé de Dana, plein d’espoir.

- J’aurais bientôt fini d’emballer tout ça, il faudra juste les déplacer à la soute, acheva-t-elle et il grimaça de déception.
- Tu…vas continuer ?
- Continuer ?
- Bah ton travail d’Inquisitrice, dans cet état j’veux dire…
- Oui. C’est ce que je suis, une Inquisitrice, lâcha-t-elle en haussant les épaules.
- Nan. T’es aussi…bah…une mère quoi, enfin une future mère. Enfin, j’suis pas spécialiste dans ces choses-là. J’pensais même pas que tu voudrais l’garder.
- Ouais, c’est…c’est pas ce que j’avais prévu. Je sais pas trop comment ça va se passer maintenant. Je suppose que j’improviserai.

Un silence embarrassant infusa dans l’air et le dévaronien reprit les devants.

- En fait, ahm j’ai un truc un peu zarbi à te demander. Me frappe pas hein.
- Si c’est le contact de Kiwi j’t’ai déjà dit que j’te l’enverrai…souffla-t-elle en secouant la tête, et elle récolta une nouvelle bouchée de glace.
- Nan, c’pas ça. Tu sais Chechi, j’étais content d’être à son mariage, ma ptite sœur chérie mais ahm…avec tout ce qui s’est passé, j’sais pas si je pourrais venir pour l’accouchement d’mon neveu. Ah ben ouais parce que c’est un garçon Mamy Zora elle a dit ! J’peux toucher ?
- Toucher ? répéta-t-elle, incrédule.
- Bah ouais, ton ventre, savoir comment c’est. Chechi a dit qu’il bougeait beaucoup.

Mumkin souhaitait vivre la grossesse de sa sœur via procuration. C’était à la fois déprimant et touchant. Dana leva les yeux au plafond et écarta son bras valide qui tenait la glace.

- Te gêne pas, mais c’est 10 crédits par coup donné.
- Quoi ?!
- Tu me dois de l’argent j’te signale.

Il ronchonna et plaqua sa main contre la courbe du ventre de la Sith, attentif. Il avait un air plus ahuri que d’habitude, les yeux arrondis comme des billes, prêts à jaillir de leur orbite. Elle retint un soupir amusé. Au moins, Mumkin détournait son attention du vide et des cauchemars. Il lui offrait une compagnie qui distrayait son esprit accaparé par Lloyd Hope, à chaque seconde. Un coup léger heurta les doigts du dévaronien. Dana se redressa un peu, surprise également.

- C’est trop trop trop bizarre. On dirait que ça va sortir de ton ventre. C’est un peu flippant quand même.
- Ouais bah dis-toi que ta chère sœur vit la même chose en ce moment.
- Attends, attends, il frappe encore, s’exclama-t-il en pressant davantage contre le ventre.
- Ouais, ils doivent pas trop aimer les aliens, c’est normal.
- Hein ? Ils doivent ?

Elle ne répondit pas et enfourna une bonne bouchée de glace à moitié fondue dans sa bouche, soupirant d’aise. Elle pourrait dévorer des litres de glaces. Les lumières écarlates de la guirlande colorait la crème d’une teinte rosée.

- Mumkin, dans combien de temps on arrive sur Kaas City ?
- Encore quelques jours pourquoi ? répondit-il, pensif, en tâtant le ventre rebondi, à la recherche d’autres coups.

Quelques jours pour décider comment l’annoncer à Darth Runà et se préparer à mener de front une vie d’Inquisitrice et une vie de femme chamboulée par la gestation. Une peur ignoble envahit sa poitrine et elle mordit dans la cuillère pour soulager le doute et la terreur. Depuis l’entrée, Luis ouvrit deux yeux rougeâtres. Il vit le dévaronien penché sur sa maîtresse, elle-même avachie sur la couchette, mais étrangement, il ne broncha pas et se rendormit.

- J’ai donné du slick à Lloyd y’a quelques jours et…
- Il va bien, il comate dans sa cabine. Le repos ça peut pas lui faire de tort.
- Ouais, tu as sans doute raison…j’ai été…je crois que j’étais vraiment en colère. Il va me détester pour le restant de ses jours je pense. C’est toujours lui qui a eu raison. Quand il disait que c’était des conneries, que personne ne devait savoir que…j’devrais pas les garder. Il a incarné une voie de la raison quelque part, faut beaucoup de courage pour ça. J’ai pas eu ce courage.
- Le patron ? Raisonnable ? On doit pas parler du même hapien alors. J’trouve pas ça raisonnable d’pas assumer. Jyxo, tu te rappelles mon couz’ là, bah…ca la fait chier mais il a assumé, c’est comme ça que font les gens avec d’l’honneur ouais. Bon, moi j’en ai pas beaucoup non plus hein. Mais si j’assumais pas, pfeu…Mamy Zora elle ferait des trucs chelous pour me maudire jusqu’à la fin de mes jours. Les dieux de toute la Galaxie m’en préserver, j’te jure. J’y pense j’me sens pas bien là. Mais boarf, les Sith ont pas trop d’honneur. Bon sinon, si y’a un garçon, tu l’appelleras Mumkin ?
- Certainement pas.
- Ok, ok. Mais réfléchis-y quand même. Là j’dois aller vérifier l’hyperdrive, mais bon. Mumkin c’est un nom qui claque j’trouve. Même pour un humain, c’est la classe intergalactique.

Il reculait en parlant, manqua de trébucher sur Luis et fit un signe avant de sortir à la hâte. Dana posa un regard sur ses affaires encore déballées. Elle aurait de quoi s’occuper l’esprit pour quelques jours et si jamais ce n’était pas le cas, elle irait faire le ménage partout. Sauf dans une cabine où elle n’était plus la bienvenue. A cette pensée, ses yeux se gonflèrent de larmes.




CSS par Gaelle



Lloyd Hope
Lloyd Hope
Messages : 1085
Eclats Kyber : 280



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à vif


- T’es con.
- Ouais.





Le hapien avait collé son front contre le métal froid de la paroi. Il s’était éveillé après un sommeil épais, chargé de slick. Son flanc lui faisait toujours mal, mais il avalait des cachets pour prévenir toute infection et comme rien ne s’était passé d’autre qu’une douleur désagréable, il en avait déduit qu’aucun organe vital, finalement, n’avait été touché. Sur son torse, la tâche sombre où ses côtes se reformaient peu à peu n’étaient pas encore résorbée. Il avait enchaîné les seringues ; en plus de celle de Dana, il en avait toujours des munitions dans certains tiroirs, mais il était arrivé à bout de ses réserves. Il n’avait pas eu l’envie, ni la force de se lever pour aller faire ça. Pas eu envie de croiser l’Inquisitrice alors qu’elle devait, avec l’aide de quelques années de moins, reprendre des forces pendant que lui se donnait l’impression de plonger plus profondément dans la déliquescence et le déshonneur. A quoi bon lui donner cette image-là de lui-même ? Il n’arriverait qu’à confirmer ce qu’elle pensait déjà de lui.

Néanmoins, dans ce réveil pâteux, Lloyd avait entendu des voix. D’une cabine à l’autre, on n’entendait pas ce qui se disait exactement. On entendait juste le timbre, les intonations, si on était soi-même assez silencieux, soi-même assez près de la paroi qui séparait deux cabines.
Impossible donc de savoir ce que se disaient Mumkin et Dana. Mais il entendait la conversation amicale, presque enjouée. Ils parlaient beaucoup. Il n’avait jamais entendu Mumkin et Dana parler autant. Il essaya de ne rien ressentir à ce sujet. Mais sa gorge était serrée, sa poitrine écrasée. Il ne bougea pas, les yeux ouverts à fixer l’emplacement gris où il y avait eu la photo, celle qu’il tenait entre ses doigts sous les draps.








Quand Mumkin toqua, quelques temps plus tard, à l’écoutille, le hapien ne répondit pas. Le dévaronien prit sur lui d’entrer quand même, parce que ça faisait maintenant un sacré bout de temps qu’il n’avait pas entendu le patron et que cela commençait à l’inquiéter un peu. Lloyd l’entendit refermer l’écoutille derrière lui – l’entendit seulement, puisqu’il lui tournait le dos, toujours tourné vers cette paroi grise et vide.

- Hem… Patron ?

Il ne répondit rien. Mumkin s’approcha en fronçant son nez. Ça sentait le slick, évidemment.

- Va falloir aérer là. On arrive dans soixante-douze heures, à peu près, j’crois. Ce serait p’t’être bien de…
- Nan, croassa la voix de Lloyd depuis la couchette.
- Ah.

Le dévaronien soupira, se baissa pour ramasser les emballages de barres protéinées qui traînaient au sol, entre quelques cartons. Il se mit à les empiler en sifflotant.

- J’vais les ranger, Dana a suffisamment de caisses, t’inquiète ! lança-t-il en s’efforçant d’être enjoué.
- C’était pas pour elle, rétorqua le hapien, morne.
- Ah ?

Mumkin se retourna vers la couchette et darda sur la nuque de Lloyd un regard interloqué.

- Heu… C’était pour quoi, alors.
- Ah, ta nouvelle copine t’a pas dit ?

Le dévaronien soupira.

- T’es sérieux, là ?

Lloyd voulut hausser les épaules mais un tel mouvement était douloureux pour ses côtes et son flanc alors il ne fit que remuer pauvrement sur la couchette. Comme il ne répondait pas, Mumkin mit les poings sur les hanches, agacé.

- Non, elle m’a pas dit, c’est quoi cette affaire ?
- J’ai enfin eu mon affectation. La Marine va me mettre au commandement d’une frégate.

Une expression de surprise se peignit sur le visage de Mumkin.

- Attends, ça veut dire… Woah.

Le dévaronien tira le siège du bureau pour s’asseoir dessus.

- Tu le sais depuis quand ?
- Depuis avant Nar Kaaga.
- Et tu m’as rien dit ! s’énerva Mumkin.

Le hapien fit l’effort de basculer sur le dos, pour croiser le regard du dévaronien. Ce dernier avait l’air vraiment vexé, pour le coup. Lloyd s’entêta dans une expression fermée.

- Ben toi aussi, t’as oublié de me dire un truc ou deux, dernièrement, non ?
- T’es con.
- Ouais.

Silence embarrassé.

- Mon cousin Jyxo…
- J’m’en fous de ton cousin, j’vais vendre le Sans Visage.

Mumkin entrouvrit la bouche, effaré. Il y eut un long silence, pendant lequel ils s’affrontèrent du regard.

- Tu trouveras un meilleur patron, t’inquiète. J’te f’rai une lettre de recommandation pour que celui qui achète te prenne avec. Quelqu’un d’autre embarquera, quelqu’un de plus stable.

Mumkin était éberlué. Puis il se leva d’un pas raide et quitta la cabine du capitaine, en refermant d’un geste sec derrière lui. Lloyd fixa longuement des yeux l’écoutille.

Tu remplis, tu vidanges.










Mat’ revint cette nuit-là. Elle n’était pas seule, ça changeait. Elle vint le voir avec Dana. Elle lui apporta l’Inquisitrice en la tirant par les cheveux, la fit s’agenouiller devant lui, et braqua le canon d’un blaster dans sa bouche, avant de lui ordonner d’étrangler l’humaine à la chevelure rougeoyante. Lloyd avait supplié Mat’ d’arrêter, il s’était agenouillé à son tour pour s’excuser, alors la twi’lek avait dit que ce n’était pas suffisant, et l’arme subitement disparut, et Lloyd vit ses mains se refermer sur le cou de Mat’. Il hurla, et son propre cri l’éveilla.
Il bondit de sa couchette, en sueur, et il lui sembla que toute cette humidité n’était rien d’autre que du sang. Il recula au fond de la cabine, acculé. Derrière la pile de carton, au sol, une main verte dépassait étendue au sol, et quand il se pencha pour voir derrière, il constata qu’au bout de la main il n’y avait pas de corps ; c’était un bras tranché qui gisait au sol, avec un moignon carbonisé. Il alla se réfugier dans la salle d’eau et s’y recroquevilla dans un coin en gémissant.




Mumkin ne vînt pas lui administrer sa dose pour le sauver de son cauchemar. Pas cette fois.



CSS par Gaelle

Darth Hope
Darth Hope
Messages : 717
Eclats Kyber : 20



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à Vif

Je vais partir Lloyd. Pour toujours. Je ne reviendrai plus.






Le pot de glace vide traînait sur le petit bureau, à côté d’un datapad allumé. La douche allait fort et le jet brûlant détendait les muscles encore contractés de l’Inquisitrice. Quand elle avait éteint l’eau, elle avait tendu l’oreille vers la cabine adjacente. Elle avait pris cette habitude depuis qu’ils avaient décollé, pour guetter le moindre signe. Et il fallait dire que les cris et les gémissements l’inquiétaient moins que ce silence morbide qui s’était établi depuis quelques heures. Elle passa une serviette qui avait tiédi contre le chauffage de la cabine pour l’enrouler autour de son corps marqué d’hématome. Pour l’attèle, elle s’aida d’un peu de Force, la télékinésie pouvait remplacer sa main manquante et pallier le handicap passager. Les caisses étaient toujours là, à moitié pleines, à moitié remplies. Elle avait enchaîné le tri durant des heures, oubliant de dormir, ne souhaitait pas dormir. Les cauchemars ne désamplifiaient pas dans son sommeil.

Elle avait décidé qu’elle détacherait la guirlande en dernier, comme un rituel – quand il ne resterait plus rien d’autre qui rappelait qu’un jour, Dana Shar avait séjourné ici. Sa bure noire d’Inquisitrice était déjà prête, propre et suspendu à un barreau. Il lui suffirait de l’enfiler pour reprendre une vie qu’elle avait mis en suspens après sa rencontre avec Hope. Après avoir récupéré son datapad, elle se plia en deux pour se rouler confortablement en boule dans la couchette, caressée par les lueurs vermeilles des petites ampoules. Elle avait effacé le sang de l’écran et elle activa l’appareil de prise de vue holographique. Elle visa quelques ampoules au-dessus de son minois et transféra le cliché un peu brouillé dans un message écrit.

Les mots étaient semblables à des lames. Ils pouvaient écorcher les langues qui les prononçaient et couper les âmes. Mais il y avait sans doute un moyen de faire tomber la barrière du doute et de l’appréhension. Peu de jours la séparaient d’un retour brutal à la réalité. Elle fit lentement glisser ses doigts sur le clavier holographique. Les lettres se formèrent sur l’appareil et sur ses pommettes un halo bleuté se mêlait au reflet de la guirlande, la colorant d’un mauve irréaliste. Elle se conforta sur le dos dans une grimace de douleur. Ecrire d’une main n’était pas pratique, mais elle faisait l’effort. C’était plus facile que parler. A plusieurs reprises, elle effaça un mot pour le remplacer par un autre qui ne lui convenait pas non plus. Elle resta au moins une heure pour produire quelques pauvres et menus mots.

Quelque part dans la cabine d’à côté, un datapad s’affolait : une diode rouge clignotait effrontément. Peut-être un bip suivrait. Luis s’étira, détendant ses muscles puissants et se redressa. Il bondit paresseusement dans la cabine trop étroite pour lui et grimpa dans le lit de sa maîtresse, écrasant ses jambes de son poids de félin, laissant sa queue élégante se déverser dans l’espace réduit.

- Rha, Luis..souffla-t-elle, t’es trop lourd.

Il grogna un assentiment et fit reposer sa gueule contre le ventre de Dana. Mais la présence animale chassait le froid et la réchauffait. Il était roulé en boule, l’une de ses pattes pendait mollement dans le vide car la couchette était trop petite pour les accueillir tous les deux. Cependant, le nexu ne remplaçait ni les muscles de Lloyd Hope, ni ses bras protecteurs. C’étaient eux le vrai grigri qui chassaient les cauchemars, qui faisaient barrière contre le cadavre de Damaya, contre la lame laser bleutée qui se plantait dans son cœur, contre le canon d’un blaster qui franchissait ses lèvres.

Le message était court, mais accompagné de l’holographie d’un bout de guirlande qui décrivait une atmosphère qu’ils avaient connue avant d’être brisés.



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Foutue Inquisitrice


Ceci est une zone où il ne peut rien arriver.
Tu veux peut-être qu’on reparle de Nar Kaaga ?
Ou qu’on parle tout court. Ca doit se finir, j’ai compris mais…
C’est peut-être pas obligé de se finir comme ça.
Je vais partir Lloyd. Pour toujours. Je ne reviendrai plus. Alors…
Si tu as des questions auxquelles il te faut des réponses, si tu veux…t’exprimer même…pour exprimer ta colère. Tu peux écrire.




CSS par Gaelle

Lloyd Hope
Lloyd Hope
Messages : 1085
Eclats Kyber : 280



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à vif


Il s’était déjà tellement ridiculisé.





Après la crise, Lloyd avait fini par ramper jusque sous la douche. Se rincer. Retourner dans sa couchette. S’allonger en tremblant, en guettant les ombres, prêt à voir émerger un cadavre. Il regrettait, maintenant. Il voulait rappeler Mumkin, lui dire qu’il n’allait pas faire ça, qu’il avait déjà réfléchi à autre chose. Mais plus il y pensait, plus ce choix paraissait être le bon. Combien de fois Mumkin avait-il failli y laisser sa peau, juste parce qu’il avait le malheur de travailler pour un Sith ? Et puis, il n’avait pas protesté. Le dévaronien aussi devait en avoir assez de travailler pour un type comme lui, à qui on pouvait pas dire la vérité.

Il resta longtemps allongé là, à écouter le ronronnement du vaisseau, et les bruits sourds de la cabine d’à côté.











Une lueur rouge éclaira soudain la cabine et le datapad sur le bureau se mit à vibrer. Le hapien hésita, puis laissa tomber. Ce devait être Darth Laduim qui lui envoyait de nouvelles instructions, et il n’était pas capable de les prendre pour le moment.

Finalement il se leva quand même avec une grimace. On ne savait jamais, ça pouvait être important pour leur vie. Et s’ils étaient poursuivis ? Il tituba jusqu’au bureau, et quand il vit le nom s’afficher il sentit une pierre tomber au fond de son estomac. Il ouvrit d’un doigt tremblant la conversation, pour tomber sur le message de Dana. Il le trouva étrangement… Serein. Et pourtant, elle annonçait qu’elle partait pour toujours. Il pinça les lèvres en attrapant l’appareil et retourna se coucher avec celui-ci.

Il lut et relut le message plusieurs fois, ses yeux s’attardant un instant sur l’image de la guirlande. Puis il éteignit le datapad.

Le problème avec les écrits, c’était qu’il était facile de les retourner contre vous. Mais il avait déjà soupçonné Dana, et il l’avait regretté ensuite.

Il ralluma le datapad et se mit à pianoter, recroquevillé en chien de fusil dans sa couchette désespérément baignée non de rouge, mais d’une lumière blanche agressive. Le Sans Visage tremblota un peu – ils devaient passer dans une zone de turbulences, et il sentait à travers ces vibrations les réglages qu’effectuait Mumkin depuis le cockpit : ralentissement, correction de trajectoire. Il bossait bien. Le hapien regrettait d’avoir été si dur. Il soupira puis déglutit en essayant de se concentrer sur le petit écran devant ses yeux épuisés.

C’était compliqué, même à l’écrit. Il n’arrêtait pas de commencer des phrases et de les effacer.

Quand il parvint à la fin du message, il se dit que celui-ci était beaucoup trop long. Il en supprima des parties. Finalement il envoya rapidement le message, se mordant la lèvre une fois qu’il fut parti, regrettant déjà ses propos. Il s’était déjà tellement ridiculisé. Mais c’était aussi, en somme, une forme de dernière chance.



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Capitaine Pervers


J’ai été nul. Pas que pour Nar Kaaga, avant aussi. Khar Delba notamment. J’ai pas arrêté d’y penser ensuite, j’aurais dû descendre te chercher. Je suis désolé.
Et sur Nar Kaaga il te serait rien arrivé si tu m'avais pas connu. Je sais pas quoi te dire sur ce qu'il s'est passé. Si tu veux en parler tu peux aussi.

Désolé aussi pour le spectacle naze que je suis en train de donner à bord. On est presque arrivés et tu seras plus jamais obligée de subir ces conneries.

En fait, ça faisait longtemps que je voulais te dire, puisque je crois que j’aurais plus l’occasion. J’ai essayé de t’écrire juste après Khar Delba. Je voulais te dire, ce qui s’est passé au Grand Temple, c’est ça qui m’a rendu définitivement impérial. C’est là que j’ai su que j’avais plus besoin de la laisse de Laduim. Je sais que c’est bizarre, mais ça fait longtemps que je voulais te remercier pour ça, voilà.

T’es pas obligée de me croire.

Tout ce qui s’est passé ensuite, j’ai tout aimé aussi.

Je veux juste savoir.

Sur Ch’Hodos, je t’ai demandé de la tendresse et je sais, on devrait pas reparler de cette nuit-là. Mais je voulais savoir si c’était ce que tu voulais aussi ou si tu l’as fait pour moi.
Je t’embêterai plus jamais avec ça après. J’ai juste besoin de savoir, pour un truc entre moi et moi-même.






CSS par Gaelle

Darth Hope
Darth Hope
Messages : 717
Eclats Kyber : 20



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à Vif

Voilà, tout se terminait comme tout avait commencé.






Les pieds nus de Dana frôlaient le revêtement d’acier qui constituait les coursives du Sans-Visage. Elle n’avait eu quelques pas à faire pour se retrouver devant l’écoutille fermée du capitaine. Dans les couloirs, il faisait froid. Elle resserra les pans écarlates de son kimono autour de ses épaules frêles. Une manche flottait puisqu’elle ne pouvait y passer son bras. Comme elle avait promis jadis, elle ne portait rien sous la soie translucide et dorée. Au creux de son coude valide, quelques objets. Elle se pencha pour les déposer sur le pallier de la cabine, les disposant avec précaution. Il y avait une bouteille de jus de fruits, un bouquet de fleurs séchées et son briquet, précieusement conservé dans la poche de son short durant toutes ces péripéties. Elle espérait qu’il trouverait dans ces vestiges, des souvenirs réconfortants, qu’il se souviendrait de la fraîcheur de l’eau et de la douceur du sable qui leur avaient servi de lit, une nuit sur Jabiim. Elle n’avait pas d’autres médicaments à sa disposition pour l’aider. Elle n’avait plus de slick à lui offrir.

Il put entendre l’écoutille de la cabine invitée grincer encore, pour se refermer. Dana avait terminé d’emballer toutes ses affaires ou presque. Sur le minuscule bureau, une photographe sur papier glacé rutilant timidement. Elle s’en saisit avec douceur et le goût du soda pétillant et sucré lui revint en bouche. Personne n’invitait une travailleuse du Lagon Noir à mange run bout, hein ? Elle glissa l’image dans un sac à main où elle avait réuni ses affaires plus personnelles. Sur le lit bien fait, la tenue qu’elle porterait sous sa bure sombre et ample. Il serait bientôt temps de détacher la guirlande. Luis était roulé en boule dans le petit espace de douche et il sommeillait, grognant parfois. Dana se dévêtit. Elle plia avec précaution le kimono coûteux pour le ranger dans le sac et se détourna pour enfiler ses habits, luttant contre sa prise de courbes pour faire passer la taille du pantalon à ses hanches et son ventre.

Quelques minutes plus tard, elle terminait de nouer ses cheveux, datapad allumé sur ses cuisses. Elle relisait la réponse du capitaine. Elle tendit sa main vers la commande de la guirlande et l’éteignit. Elle était désormais baignée dans les ténèbres qu’elle connaissait assez. Le reflet de l’écran holographique soulignait la couleur de son œil au beurre noir. Une goutte salée chuta sur la surface de l’appareil, puis une autre. Elle pleurait, se démenant pour terminer d’attacher sa chevelure cuivrée. Ce serait terminé, dès le moment où, dans quelques heures, elle poserait le pied sur le sol kaasi. Elle serait l’Inquisitrice Dana Shar. Elle garderait ses secrets, ses blessures, ses humiliations. Elle porterait le masque de l’Inquisition Sith et sa bure funeste. Elle rentrerait dans le rang.




Le message avait franchi la paroi métallique qui séparait leurs deux cabines. Désormais, Dana s’évertuait à nouer la ceinture de sa bure et à en ajuster les pans. Elle avisa le résultat dans le miroir de la pièce, son ventre coupable n’était pas visiblement. Les oiseaux se cachaient pour mourir. Il y avait encore des secrets à préserver.

Voilà, tout se terminait comme tout avait commencé, par un code. Il était temps de quitter la mission. C’était un adieu qu’il comprendrait. Il comprendrait peut-être que la première fois qu’elle avait utilisé ce code, il cachait une réalité sincère et que la dernière fois qu’elle l’utilisait, rien n’avait changé.



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]

Foutue Inquisitrice



Je te crois.

Toi aussi, tu m’as donné de la tendresse, cette nuit-là. C’est ce que je voulais. C’est ce que nous voulions tous les deux. Ca faisait très longtemps que je voulais de la tendresse avec toi. Je regrette pas d’en avoir reçu, de t’en avoir donné sur Ch’Hodos.

Je croyais vraiment. J’ai sincèrement cru que ça pouvait marcher, avec le temps, avec la confiance qu’on avait l’un envers l’autre. Je t’ai laissé des présents, devant ta porte. De quoi fêter ta promotion et un cadeau, même si tu fumes pas, c’est toujours pratique.

Je regrette juste mon bracelet. Mais si c’est le seul sacrifice à faire pour que tu sois encore en vie, alors je m’habituerai. Je suis contente que tu aies survécu. Ta vie, elle en valait largement trois.
Avoir brisé ta laisse au Grand Temple, j’en suis contente également. T’es une carte maîtresse de l’Empire loyaliste Sith. Y’a pas besoin de mission spéciale pour qu’un Inquisiteur devine ça.

J’ai mis de l’ordre dans la cabine invité, j’ai nettoyé. Je pense que tout est prêt.

Embrasse-moi.




CSS par Gaelle



Lloyd Hope
Lloyd Hope
Messages : 1085
Eclats Kyber : 280



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à vif


Au moins, il ne sentait plus ni le slick, ni l'alcool.





Il avait enfoui son visage dans l’oreiller et pleuré.



Et c’était tout. Il n’avait pas écrit de réponse, il n’avait pas été voir les cadeaux devant sa porte. Mumkin n’y toucherait pas, il lui faisait confiance. Il ne pouvait pas prendre le risque qu’on le vît dans cet état.
Il pleurait. Comme un enfant ayant perdu sa mère. Le tissu étouffait ses sanglots, et il pressait fort pour être sûr qu’on ne put entendre les reniflements de l’autre côté de la paroi de la cabine.













- Matricule 4668-41DS en approche. Demande autorisation de se poser.
- Matricule 4668-41DS, autorisation accordée. Veuillez vous diriger vers le quai 468-B.
- Entendu, merci.

Mumkin coupait la communication en s’enfonçant dans le fauteuil du pilote au moment où Lloyd entrait dans le cockpit et se glissait dans le siège à côté, silencieux, l’œil balayant les moniteurs. Le dévaronien fit de son mieux pour l’ignorer, mais il ne put s’empêcher de jeter un petit coup d’œil quand même, avant de fixer la baie de pilotage, faisant mine de se concentrer sur le couloir aérien qu’il était censé suivre. Le cockpit était baigné d’une lumière pâle ; celle de l’atmosphère de Dromund Kaas. Ils plongeaient doucement vers l’astroport.
Le hapien regarda son comparse, essayant de déchiffrer ce que signifiait l’indifférence que Mumkin arborait.

- T’as retrouvé l’allure d’un officier impérial, on dirait.

Lloyd baissa un instant les yeux sur lui-même. Oui, il avait revêtu son uniforme. Il avait bien tout soigné ; défroissé les plis, retiré les petites aspérités qui s’y logeaient parfois, il s’était rasé de près, il n’y avait plus de traces de sang dans ses cheveux. Tout ce soin ne pouvait dissimuler les traces sur son visage des évènements récents ; les cicatrices encore rouges, les cernes, une tempe restée bleue. Mais c’était le mieux qu’il avait pu faire. Au moins, il ne sentait plus ni le slick, ni l'alcool.

- Ben ouais, répondit-il finalement.
- Après avoir passé une semaine à être une larve méchante au fond de sa couchette, je commençais à m’inquiéter.

Lloyd soupira, légèrement agacé, mais il n’avait pas l’énergie de s’énerver vraiment.

- J’ai pas voulu être méchant. Pardon, voilà. J’ai dit ça parce que ça allait pas trop. Euphémisme. Je réfléchis toujours à une solution. J’ai pas envie de vendre le Sans Visage.
- Nan, je sais, je m’inquiétais pas.

Le hapien tourna vers Mumkin un regard surpris. Le dévaronien agita ses cornes et un petit sourire déforma ses lèvres.

- Avoue, tu peux pas te passer de moi, en vrai. Franchement, si j’étais pas là, j’sais pas comment tu s’rais encore vivant.

Lloyd laissa échapper un soupir amusé. Il prit une longue inspiration, laissa sa poitrine retomber en s’intéressant de nouveau à la couche de nuages qui se fendait sous leurs yeux.

- T’as raison, soupira-t-il. T’es beaucoup trop loyal pour que j’te vende avec le Sans Visage.
- T’as pas besoin de quelqu’un pour piloter ta frégate ? J’ai toujours rêvé d’avoir un peu plus de masse à faire décoller.
- Ça fonctionne pas comme ça, sinon j’t’aurais pris, tu penses.

Dans la coursive, derrière eux, les cadeaux laissés sur le pas de l’écoutille avaient disparu. Lloyd les avait récupérés quand il avait été sûr que tout le monde dormait. On apercevait, à l’entrée de la cabine invité, la queue de Luis qui dansait tranquillement.

- Du coup, j’vais avoir une augmentation ?
- Pourquoi ça ? Tu m’as un peu laissé tomber, sur le slick, dernièrement.
- T’avais b’soin d’être laissé un peu seul pour comprendre, nan ?
- Comprendre quoi ?
- Que t’avais besoin de moi !
- C’est salaud, ça. J’en ai bavé.
- Ouais, mais j’ai qu’un salaire de pilote, alors que je fais beaucoup plus. Encore plus depuis qu’on a un nexu à bord !
- Il va partir, le nexu. Définitivement.
- Ouais, c’est c’que j’avais compris.

Ils retombèrent dans un silence morne. Le hapien essayait de rester concentré sur sa respiration. Il n’y avait rien à dire à ce sujet.

- Bref, reprends tes fonctions habituelles, j’verrais ce que je peux faire, pour ton salaire.

Mumkin eut un sourire rayonnant. Quand le patron culpabilisait, c’était toujours le meilleur moment pour demander une faveur.







Quand la passerelle du Sans Visage s’ouvrit, sur le quai, le hapien fut le premier à descendre. Il fit le tour du Sans Visage pour accéder à la soute et d’un geste d’habitué, en ouvrit la trappe pour en sortir les caisses contenant les affaires de Dana, qu’il empila à côté de la passerelle, en les transportant une à une. Luis débarqua d’un pas souple, renifla un moment le hapien comme s’il avait eu un vague souvenir que celui-ci avait porté autrefois un morceau de cuir lui indiquant qu’il devait lui obéir, mais il n’y avait plus rien de ce genre au poignet de Lloyd, dont les mains étaient de toute façon couvertes de ses gants de cuir.

Il déposait la dernière caisse sur une pile quand, en périphérie de sa vision, il capta la forme noire qui descendait de la passerelle. Il prit une inspiration avant de lui faire face et de soutenir son regard.



Soudain, sur le quai, il y avait une Inquisitrice et un capitaine de la Marine Impériale. Ils avaient tous deux l’allure rigide que leurs fonctions imposaient et pour un œil extérieur, rien n’aurait jamais pu laisser deviner qu’ils avaient pu être autre chose que de simples associés dans le travail.
De près, pourtant, Lloyd laissa transparaître un léger embarras.

- Bon, ben, c’est l’heure. Hum… Y’a une dernière chose que je voulais dire. Et pas écrire. Le dire en vrai. C’est que si… Si un jour tu as un gros souci, je suis… Ou bien si un jour on se retrouve dans une opération ensemble. Je suis toujours ton allié. Voilà.

Il serra les lèvres subitement.

Et aussi, j’aurais voulu t’embrasser une dernière fois. Mais c’était qu’un foutu code.

Mais il ne dit rien de plus.



CSS par Gaelle

Darth Hope
Darth Hope
Messages : 717
Eclats Kyber : 20



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à Vif

Un chien qui se libère de sa laisse devient un loup.






Le Vaisseau était à l’arrêt. La passerelle venait de s’ouvrir, elle l’avait entendue à la vibration régulière qui agitait les parois quand elle était actionnée. Plus tôt, Mumkin était venu l’aider à transporter ses affaires jusqu’à la soute et désormais, il n’y avait plus qu’une cabine vide, ou presque. Elle s’était penchée pour détacher la guirlande avec précaution et la roule afin de lui trouver une place confortable dans son sac de voyage, contre la soie rouge d’un vêtement appartenant au passé. Voilà, c’était officiellement redevenu la cabine invitée. Elle y jetait un regard circulaire alors que s’estompaient tous les souvenirs, toutes les images de ce qu’elle y avait vécu au cours de ces derniers mois. Ces mémoires étaient de la peinture fraîche qu’une pluie torrentielle chassait pour ne laisser que des murs vierges et blancs. Elle se demandait si d’autres personnes dormiraient comme elle y avait dormi. Mat’aenna séjournerait sans doute dans la cabine du capitaine. Son cœur se serre à cette pensée et elle tâcha d’oublier l’humaine que Lloyd avait transpercé de son sabre-laser.

- Bon ben, Lloyd débarque déjà tes affaires.

Déjà.

Mumkin se rendit compte que sa phrase, sur ce ton enjoué, pouvait être mal interprété.

- Et ahem, Luis est dehors.
- Bien, accepta-t-elle en quittant la cabine pour lui faire face.

A quelques mètres, les lueurs du quai traversaient l’ouverture que formait la passerelle pour étinceler dans la longue galerie principale du Sans-Visage. Dana tenait son datapad en main et échangea un regard avec le dévaronien.

- Plus de nouvelles hein ?

Elle fit glisser son pouce à la surface de l’écran. « Capitaine Pervers » disparut définitivement de sa base de données, elle n’aurait plus de moyen de le contacter en privé. Le cornu hocha doucement du chef.

- Merci Mumkin, fit-elle d’un ton qu’elle maintenait le plus neutre possible alors que sa gorge était nouée d’appréhension et de tristesse. Passe le bonjour sur Jabiim. Et, essaie d’y être pour la naissance de ton neveu, je sais que…je sais que ça va rendre ta sœur heureuse. Bon et bien. Adieu.


Elle baissa la tête et marcha d’un pas raide vers la sortie. Le quai et son agitation l’engloutit presqu’immédiatement. C’était un retour au bercail en demi-teinte. Et si elle était soulagée de retrouver la sécurité de l’Empire, de voir patrouiller des soldats en tenues sombres, d’admirer les symboles impériaux fleurir partout, une nostalgie douloureuse étreignait sa poitrine. Elle se détourna vers le vaisseau et croisa le regard de Lloyd Hope qui était venu face à elle.

- Oui merci, répondit-elle d’une voix un peu lointaine.

Elle essayait de se détacher émotionnellement de ces adieux absurdes, sans y parvenir. Elle aurait souhaité l’enlacer une ultime fois, mais cela aurait rendu la séparation plus difficile et elle ne voulait pas prendre le risque qu’à travers sa bure, il puisse sentir un enfant donner un coup de pied ou deviner la forme d’un ventre qui s’arrondissait davantage avec le temps. Alors elle déposa son sac à ses pieds et tendit sa main valide vers lui, pour arranger le col de son unfiorme pourtant impeccable. Le bout de ses doigts vernis retomba dans une caresse fantôme, s’attarda d’un frôlement sur ses galons de capitaine et plus bas, se noua très brièvement à ceux gantés du Sith.

- Je crois pas qu’un capitaine de frégate ai le temps, mais je m’en souviendrai. Il va falloir défendre l’Empire maintenant, capitaine. Ramène-nous des victoires. Qu’une Inquisitrice, quelque part puisse lire ton nom couvert de gloire.

Elle, elle retournait simple au sale boulot. Parce qu’il fallait bien quelqu’un pour le faire. Elle s’en accommodait parfaitement. Les traîtres se traquaient souvent dans la boue et l’ingratitude. Un Inquisiteur n’avait pas besoin de gloire retentissante comme celle qui secouait les cieux d’une planète après une bataille remportée. Dana se pencha pour récupérer son sac. Ses prunelles dorées avisèrent une dernière fois le Sans-Visage et elle s’interrogea. A quoi ressemblerait la frégate qu’on lui allouerait ? Après tout, cela ne la concernait plus et ne la concernerait sans doute jamais.

- Je présume qu’un chien qui se libère de sa laisse devient un loup. Le Loup de la Marine, c’est un surnom qui te va bien Lloyd Hope.

Un loup. Un animal tellement solitaire, sauf quand il vivait en meute.

- N…N’attends pas que je parte, on vient me chercher normalement. Il ne devrait plus tarder.

Dans le dos de l’Inquisitrice, une agitation peu commune pour un quai de spatioport. Les dolats chargés de la sécurité, s’étaient écartés, l’âme craintive face à l’arrivée d’un groupe de l’Inquisition Sith. Trois soldats endoctrinés, munis de fusil blaster noirs escortaient un zabrak à la peau carmine tatouée de ténébère dont la bure flottait autour de ses chevilles à chaque pas martial qu’il entamait pour conquérir le quai. Il fit un geste sec vers les soldats qui s’occupèrent des affaires de Dana pour les transférer sur un chariot répulseur.

- Inquisitrice Shar, tonna Kedrod dans son dos, à des mètres de là.





CSS par Gaelle



Lloyd Hope
Lloyd Hope
Messages : 1085
Eclats Kyber : 280



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à vif


Dana Shar était l’Empire.





S’il était un loup, alors le loup en lui hurlait à la lune. Lloyd avait un bref instant fermé les yeux, comme pour encaisser, comme pour accepter, avant de les rouvrir, une expression figée, ternie, sur le visage. Il s’humecta les lèvres, comprenant qu’il n’y aurait pas d’autre contact que celui dont elle venait de le gratifier. Il se laissa tomber dans l’étendue dorée, qui surplombait la bure sombre de Dana comme un soleil mis en valeur par une mer obscure.

- Je ferai ça, alors, Inquisitrice. Défendre l’Empire, ramener des victoires. Je ferai ce que je peux pour que t’aies jamais honte d’avoir… Cru qu’ça pouvait marcher avec un type comme moi.

Le hapien grimaça un sourire, voulant signifier que ce n’était qu’un peu d’humour, malgré la sensation désagréable qui l’étranglait, sous le col de son uniforme qu’elle avait tendrement arrangé.

- Un jour, peut-être, qui sait, je me battrai pour Ch’Hodos. Je penserai à toi quand ta planète sera libérée.

Parce qu’elle allait l’être. Il y comptait bien. S’il n’avait plus d’Inquisitrice à protéger, alors il ne lui restait plus qu’à aller arpenter l’Empire pour faire payer le prix fort à tous ceux qui étaient une menace à ce que Dana Shar représentait pour lui. Dana Shar était l’Empire. On avait atteint Lloyd Hope à travers Dana Shar. Il allait être le pire ennemi de ceux qui touchait à l’Empire, désormais.

La voix de l’Inquisiteur avait arraché Lloyd à sa dernière contemplation. Il se tourna vers le nouvel arrivant, comme déjà des soldats s’emparaient des affaires de Dana. Kedrod s’approcha d’un pas souverain, gratifia le hapien d’un regard distant, avant de s’immobiliser à quelques pas d’eux.

- L’apprenti du Castellan, commenta le zabrak en guise de salutation, et Lloyd ne répondit que d’un bref signe de tête, de la même froideur dont il était gratifié. C’est gentil de me ramener ma nouvelle coéquipière.

Une bouffée de chaleur envahit le corps du hapien, mais il se contrôla, serrant ses poings gantés. Il y avait déjà de quoi le remplacer, donc.

S’il était un loup, alors le loup en lui voulait gronder de colère.

- Tâchez de la protéger, maugréa-t-il, desserrant à peine les dents.
- Les Inquisiteurs de notre rang savent se protéger seuls… Hope. L’Inquisitrice Shar, comme moi-même, sait se défendre de l’ennemi.
- Ce n’est peut-être pas l’ennemi que vous devriez craindre, alors.

Ils se défièrent du regard et Kedrod eut un sourire mielleux. Le hapien abandonna la charge, sentant peser sur lui le regard circonspect de Dana. Elle avait raison. C’était ridicule. Même le zabrak avait raison : Shar se protégeait mieux qu’il n’avait pu le faire pour elle.

Alors il prit une brève inspiration, se sermonnant intérieurement en regardant la grande allée qui longeait les quais, qui conduisait à l’extérieur de l’astroport. C’était comme Mat’ avait dit, se dit-il : il voulait toujours se mêler quand on ne lui avait rien demandé. C’était comme tout le monde disait, il devait savoir lâcher l’os quand il n’y avait plus rien à ronger. Mais il n’avait jamais pu apprendre à faire ça.

Derrière le hapien, Mumkin était en train de refermer la trappe de la soute, et il jetait vers le trio des œillades trop innocentes. Le dévaronien remonta à bord, enclenchant derrière lui la fermeture de la passerelle. Le bruit sec de la fermeture du Sans Visage parut sonner comme un signal, et soudain il y était. Le tout dernier instant.
Qu’aurait-il voulu dire ? Au revoir, ma princesse de Ch’Hodos. Alors il lâcha, monocorde, tant pour l’Inquisitrice que son nouvel équipier :

- Au plaisir. Pour l’Empire.

Et il partit d’un pas décidé pour quitter le quai, car il avait à faire, de son côté. Trouver un taxi, rejoindre les quartiers généraux de la Marine pour y prendre les renseignements sur sa nouvelle affectation, revoir son maître pour discuter des détails et bien sûr, fuir comme il savait si bien le faire.





S’il était un loup, alors le loup en lui avait perdu sa meute. Il marchait seul, fendant une foule bavarde, naviguant entre les gens comme entre les arbres d’une forêt qu’il était incapable de voir.








Ou peut-être qu’il ne naviguait pas.



T'as jamais navigué, Lloyd. Tu bricoles dans l'vent et ton vaisseau dérive.





CSS par Gaelle


Darth Hope
Darth Hope
Messages : 717
Eclats Kyber : 20



[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Plaies à Vif

Tout n’était qu’une tornade confuse qui ébranlait les fondements de son âme.






Elle s’était détournée de Kedrod pour admirer Lloyd Hope s’effacer comme une eau fuyante pour rejoindre une foule au loin, se plonger dans un anonymat soudain et disparaître non seulement de sa vue, mais également de sa vie. Une nouvelle fois. A quoi ressemblerait son quotidien désormais ? La passerelle du Sans-Visage était close, sans doute à ton jamais. Le zabrak l’attendait. Elle lui lança un regard neutre et ils suivirent les soldats inquisitoriaux.

A chaque pas qu’elle avalait et qui l’éloignait du Sans-Visage, elle combattait une volonté absurde ; celle de faire demi-tour et de courir sur les traces de Hope. Elle lui expliquerait tout : l’ultimatum de Darth Runà sur Astroballe, sa grossesse toujours en cours. Elle le rattraperait par le bras comme dans un holofilm absurde, elle lui dirait qu’elle croyait toujours que ça pouvait marcher, elle et lui. Mais qu’aurait-elle fait de Mat’aenna ? C’était peine perdue. Ces adieux représentaient la meilleure opportunité qu’ils avaient d’arrêter de partir en déliquescence et de se consumer. Jusque-là, ils n’avaient été que deux objets à la dérive, quelque chose les avait attirés dans une gravité soudaine et ils avaient chuté, chuté encore, embrasant leurs corps et leurs âmes. Ils avaient chuté, envirés par le feu, par la vitesse, par toutes les sensations grisantes. Ils avaient chuté et ils avaient oublié qu’ils seraient pulvérisés en milliers d’éclats insignifiants dès qu’ils percuteraient la surface.

- Nos routes ont fini par se croiser finalement.

Kedrod parlait mais elle ne l’écoutait pas. Sa voix était tout juste une interférence lointaine dans le champ sonore de ses pensées qui l’anesthésiaient. Il y avait eu des promesses, comme des vœux échangés. Il y avait des excuses synonymes d’aveux assumés. Et devant ses yeux, ce n’était plus l’astroport de Kaas City qui défilait. Elle observait ces derniers mois partir en fumée.



















Des heures plus tard, dans l’intimité d’une chambre modeste, dans l’un des dortoirs du Grand Temple, elle retardait sa prise de fonction et son retour dans les rangs. Un vieux datapad à la main, elle poursuivait un message laissé inachevé des années plus tôt. Elle avait relevé la tête et croisé son reflet dans le miroir d’une coiffeuse. Elle s’était mise à observer sa tête de déterrée, ses blessures qui ne guériraient pas tout de suite et déformaient son visage. A travers toutes ces chairs meurtries, on ne distinguait même plus sa petite cicatrice à la lèvre. Mais c’était dans son propre regard qu’elle se plongeait. Les hurlements d’une mère terrifiée tintèrent à ses oreilles, Aucun de ces résistants, défenseurs autoproclamés de la liberté n’avait esquissé le moindre geste pour sauver les enfants. Elle actionna la gâchette une ultime fois. Pourquoi aucun d’entre eux n’avaient bougé ? Pourquoi ne l’avaient-ils pas empêchée ? Elle commençait à se convaincre qu’elle avait fait preuve de courage en appuyant sur la détente, en exécutant un enfant. Elle était allée au bout de ses convictions, comme Shar Dakhan l’avait fait avant elle. Pour les Siths. C’était dans ce bois-là qu’elle avait été façonnée. Elle s’était enfoncée trop profondément. Je te laisserai jamais remonter. Cela signifiait-il l’entraîner plus bas encore ?

Tout défila en une fraction dans son esprit à la dérive : la longue marche sur Artorias, son exécution au bord de la falaise, les yeux émeraudes de Hope. Son cœur s’était mis à battre plus vite. Leurs retrouvailles au district 2331 40-9. Le réveil sous la pluie, les doigts de Lloyd tirant sur le tissu de son décolleté, quand elle avait été incapable de le tuer, la jalousie qu’elle avait ressenti en découvrant la photographie de Mat’aenna pour la première fois. Les larmes roulaient pathétiquement sur ses joues. Dana et Vance Hickpens s’enlaçant dans les entrailles d’un bunker. Le métal froid de la tuyauterie sous la peau nue de ses cuisses. L’incendie vorace qui avait éclairé leurs prunelles tombées l’une contre l’autre. Elle se pencha en avant, étouffant un sanglot. Le baiser dans le slick. L’étreinte sous un pont. Le mobilier brisé dans une chambre du Grand Temple. Leurs corps suants qui se rencontraient pour la toute première fois, et qui se percutaient des semaines plus tard à bord du Sanguinaire, juste avant Khar Delba. Elle prit une grande inspiration pour évacuer un cri de peine. Le briquet qui jaillissait du poing de Lloyd, le bracelet qui se refermait sur son poignet fauche. L’eau froide du lac qui s’abattait sur eux comme un tombeau sinistre. La carté des trois lunes de Jabiim au-dessus de leurs corps en fusion. La chasse sur Dathomir. L’union forcée sous la tente. On sauve nos vies, rien de plus.

Tout se rejouait, en accéléré. Les gémissements de bonheur, les râles de plaisir, les cris de colère, les hurlements de détresse, les exclamations de douleur jusqu’aux silences. La couleur bleutée de la barbe à bantha, des glaçons qui se heurtaient dans un grand verre de soda. Et la cire…la cire brûlante de dizaines de bougies renversées sur un autel où Lloyd Hope s’était saoulé à même Dana Shar. Peut-être était-ce avant la barbe à bantha ou après. Tout n’était qu’une tornade confuse qui ébranlait les fondements de son âme. Elle le sentait jusque dans la Force, jusque dans ses entrailles où il avait si maladroitement déposé la conséquence de tous leurs abus, de toutes leurs conneries.

Tout ce qui s’est passé ensuite, j’ai tout aimé aussi.

Elle avait envie d’appuyer sur le bouton.






















Générique de fin.



CSS par Gaelle



Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
skin made by
© jawn