Lloyd Hope
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- Dis-moi franchement.

Mumkin se trouvait debout dans le cockpit, à deux pas de Lloyd qui, vautré dans le siège de co-pilote, se tordit le cou pour regarder le dévaronien. Ce dernier avait retiré son veston, et il portait en dessous un débardeur d’un blanc douteux, qu’il lissait sur son ventre de ses mains griffues. Il se mit de profil par rapport au hapien.

- Tu trouves que je devrais perdre du poids ?

Lloyd cligna des yeux en le regardant, cherchant à humidifier ses pupilles rendues douloureuses par des picotements de fatigue. Il portait un pull du même genre qu’il avait prêté à Dana.

- Ça dépend. Si ton ventre passe toujours entre les commandes de pilotage et le siège, et que tu risques pas de te coincer en descendant dans la salle technique, moi ça me va.
- Ouais, toi. Mais je veux dire, pour mon sex appeal.

Le hapien laissa échapper un rire surpris en se retournant vers la baie de pilotage. Sa tête bourdonnait mais Mumkin lui procurait une certaine éclaircie. C’était peut-être pour cela qu’il s’était lié absurdement avec lui. La naïveté du pilote l’arrachait de temps à autre à ses ruminations sordides.

- J’vois pas ce qu’il y a de drôle. T’sais, Kalon et les autres, ils ont raison. J’ai dépassé les trente ans, faudrait que j’trouve une femme.
- Bonne chance, se moqua Lloyd.
- Tssss… Tu dis ça mais tu sais pas t’y prendre non plus. A ton âge, j’aurai déjà deux ou trois gosses.
- Ouais, mais c’est pas vraiment mon but. Allez, je prends le quart suivant. Va te coucher.

Mumkin remit sa veste avec une grimace soucieuse, mais il laissa finalement le hapien seul dans le cockpit. Lloyd replia ses jambes contre lui pour se retrouver vautré dans le fauteuil, à scruter l’espace devant lui, les bras croisés sur sa poitrine comme pour se réchauffer.
Il ne faisait pourtant pas trop froid à bord du Sans Visage, mais il n’avait aucune envie de rejoindre sa cabine vide. Ce petit espace lui paraissait moins cru, moins sévère que sa couchette que Dana n’avait pas rejointe. L’Inquisitrice avait installé ses quartiers dans la cabine voisine et maintenant qu’elle avait demandé à avoir une douche fonctionnelle, elle n’avait plus besoin de s’incruster chez lui. Statu quo, chacun restait chez soi depuis leur départ, deux jours plus tôt.
Les premières heures, il s’était occupé avec Mumkin d’établir une trajectoire sans danger pour rejoindre Ch’hodos. Cela nécessitait un petit détour et Lloyd avait approuvé malgré le temps qui pressait pour sa propre mission. Une part de lui ne voulait pas tout à fait reconnaître qu’il cherchait peut-être à repousser une certaine échéance. Ensuite, il avait essayé de se reposer. Dana dormait dans sa cabine, et lui était resté étendu à frémir sous sa maigre couverture.




A chaque fois qu’il fermait les yeux, il revoyait Mat’ qui l’accusait dans la galerie souterraine. Son cerveau voulait trouver de meilleures réponses pour la Twi’lek que celles qu’il avait données. Simultanément, il savait que c’était vain : ce n’était pas la vraie Mat’aenna. Mais il anticipait une confrontation, qu’elle fut imaginaire ou non. Il n’avait pas répondu à son dernier message et s’en voulait. Mais pour dire quoi ? Habituellement, c’était lui qui écrivait et elle qui ne répondait qu’une fois sur dix.
Il avait fini par se relever, d’une humeur sombre, pour arpenter le Sans Visage comme un fantôme préoccupé. Il avait été dans la soute, donner à manger à Luis. Il avait réchauffé une barquette pour la déposer devant Dana quand elle était passée par la coquerie. Il avait vérifié dix fois les radars, vérifié trois fois leur trajectoire, et encore contrôlé l’hyperdrive, les jauges de la salle technique et tout ce qui lui tombait sous la main. Pour échouer dans le cockpit, à prendre son tour sur une surveillance de routine afin que Mumkin pût se reposer un peu. La fatigue se faisait sentir, mais le genre de sommeil qui voulait l’attirer à lui était semblable au gouffre qui béait au fond de la mine de Galidraan : il y était inexorablement attiré tout en sachant qu’il n’y trouverait que la douleur et l’obscurité.

Alors il toisa les étoiles, qui s’écrasaient dans son champ de vision à mesure que le Sans Visage fendait l’espace, aussi longtemps qu'il le pût.






Le cadavre encore chaud de Cassandra sur son corps nu.

Puis ses mains autour d’un petit cou vert émeraude, fragile comme une jeune plante. Encore quelques secondes et elle serait morte. Les yeux de la Twi’lek étaient écarquillés. Ils le suppliaient d’arrêter, mais il ne relâchait pas son étreinte mortelle. Encore quelques secondes et elle serait morte. Elle gémissait de douleur, et ses propres larmes brouillaient la vue du hapien. Le cou était chaud, les membres de la jeune créature essayaient vainement de le repousser, de le griffer, mais elle n’avait plus assez d’énergie, déjà. Encore quelques secondes et elle serait morte. Le teint avait pris une couleur plus sombre. Les yeux étaient comme sortis de leurs orbites, fixant Lloyd comme s’ils avaient voulu sauter de leurs cavités pour l’attaquer. La bouche de la Twi’lek était restée ouverte, cherchant désespérément un air qui cette fois n’entrerait plus jamais dans sa gorge. Encore quelques secondes et elle serait morte. Le corps était inanimé, il ne bougeait plus. Une main s’était glissée sur la nuque de Lloyd, froide et possessive, et lui ne pouvait relâcher son étreinte. Il étranglait un cadavre à la bouche béante, ouverte, si écarquillée d’horreur qu’il aurait pu basculer à l’intérieur.

Encore quelques secondes et elle serait morte.

Ses mains étaient fixées là pour toujours. Son maître lui ordonnait de lâcher mais il ne pouvait pas. Mat’ est déjà morte, lui disait-il. Tu l’as déjà tuée pour moi.





- Aaah !

Le hapien sursauta si brutalement qu’il tomba de son fauteuil, arrachant au passage quelques boutons du tableau de commande, ce qui par chance n’eut pas d’effet important. Il percuta le siège du pilote en se relevant, et le fauteuil grinça en tournant sur lui-même. Le son agressait ses oreilles. Le silence qui suivit fut plus insupportable encore. Lloyd recula jusqu’à la banquette et ses mains lui paraissaient si humides quand il les passa sur son visage qu’il baissa les yeux sur celles-ci. Elles étaient recouvertes d’une fine pellicule verte et un moment il ne comprit pas jusqu’à ce que…

- NON ! NON !

Il se mit à s’essuyer frénétiquement les mains sur ses vêtements, mais rien n’y faisait : la peau déchiquetée de Mat’aenna était partout sur ses paumes et ses doigts et ne partait pas : il frotta plus vigoureusement, essaya sur le bord de l’écoutille, frotta à s’en égratigner follement les mains mais il voyait les lambeaux de peau verte pendre sans n’y pouvoir rien faire. Sa respiration était devenue folle et il gémissait de panique. Il tâcha de contrôler sa peur mais il crut sentir une main froide dans son cou et il se retourna brusquement, persuadé de devoir faire face à Darth Laduim : mais son maître n’était pas là. Les deux sièges étaient vides et son œil fut attiré par ce qui dépassait d’en dessous le tableau de bord : un lekku. Vert comme ses pupilles émeraudes.

- Non… répéta-t-il d'une voix qui devenait plus aiguë, et les larmes lui montèrent aux yeux. Mat’ ?

Il se laissa glisser contre le montant de l’écoutille, car ses jambes ne le portaient plus. Il s’affaissa au sol, les mains paumes ouvertes devant lui car il ne savait que faire de ces morceaux de peau qui refusaient de partir et quand il fut à terre, il vit sous le panneau de commandes.






Il y avait un corps. Mort. D'une twi'lek.







Le visage de Mat’aenna le fixait, yeux écarquillés dans une expression d’horreur et bouche grande ouverte comme si elle avait voulu crier.






Il lui sembla que le cri avait lieu, qu’il lui déchirait les entrailles, qu’il allait en mourir.
Et qu’il le méritait.





Lloyd se mit à hurler. Il aurait voulu fuir, mais son corps ne voulait pas, il était pétrifié contre la paroi de métal et il n’entendait pas sa propre voix désordonnée qui demandait pardon.











--------

--------

--------A quelques pas de là, Mumkin se tira de sa couchette avec un bâillement sonore. Il grogna en cherchant du bout des pieds ses pantoufles qui raclèrent le sol à chacun de ses pas dès qu’il fut levé. Il ouvrit l’écoutille de sa cabine en se frottant les yeux et émergea dans la coursive sans paraître plus que cela perturbé par les cris qui venaient du cockpit. Cependant il parut soudain plus éveillé quand il se rendit compte qu’il était tombé nez à nez avec une Inquisitrice Sith. Il déglutit pour chasser de sa bouche la sensation de sa langue pâteuse (et longue) avant de s’adresser à elle.

- Tout va bien, c'est rien. J’y vais, j’y vais, croassa-t-il avec lassitude. Votre excellencité.

Il avait dit ça comme si une alarme inutile venait de se déclencher à bord du Sans Visage, ce qui arrivait d’ailleurs assez souvent. Mumkin se traîna dans la coursive, ouvrit la cabine du capitaine et plongea la main dans un tiroir en ressortant l’instant d’après du même pas traînant. Ses pieds connaissaient par cœur ces chemins du vaisseau, ses mains elles aussi savaient quoi faire et quand.

- J’suis peut-être un peu enveloppé en ce moment, mais c’est parce que j’ai un peu trop mangé au mariage. C’est tout, commenta-t-il avant de prendre la direction du cockpit.

Quand il y parvient, il trouva un Lloyd recroquevillé qui se tassait dans un coin du cockpit, à côté de la banquette où Luis s’affalait désormais régulièrement. Son visage était sillonné de larmes coulant de ses yeux écarquillés, qui fixaient un point vide dans l’appareil. Le hapien haletait. Des cris mourraient dans sa gorge. C’était toujours les mêmes syllabes. Non. Pas, pas moi. Je voulais pas. Mat’. Non. Mumkin les connaissait par cœur.
Le dévaronien s’agenouilla devant lui et Lloyd parut à peine le reconnaître. Mumkin essaya d’attraper le bras de Lloyd mais celui-ci paniqua. Ses mains tremblaient et il tenta de fuir en se tassant plus encore contre le métal, comme s’il avait pu disparaître dans la paroi.

- C’est moi, patron ! C’est Mumkin ! Laisse-moi te donner ta dose, tiens.

Le dévaronien tenait en effet une seringue dans sa main. De l’autre, il avait attrapé le poignet du hapien et le tirait vers lui. Au prix d’une lutte sordide, ponctuée de grognements et de gémissements, il parvint à la lui planter dans le pli du bras, visant une veine plus saillante que les autres. Mumkin avança le bouton poussoir et tout le liquide disparut dans le corps du Sith. Alors il libéra le hapien qui rampa de côté, pour échapper à ses démons invisibles, et qui échoua allongé au sol, tremblant, à gémir encore.

- Voilà, c’est bien. Fais dodo maintenant, je reviens te chercher quand tu seras calme, d’accord ?

Mumkin bâilla encore et gratifia l’épaule de son patron une petite tape encourageante. Il l’enjamba nonchalamment avant de repartir du même pas traînant.



Le hapien resta seul à fixer avec horreur la twi’lek couchée sous le tableau de bord.

Peu à peu, elle disparut, ainsi que sa peau sur les mains du hapien, rouges et égratignées, qu’il ramena contre lui pour rester couché en chien de fusil. Il tremblait de froid, ou de terreur, ou bien peut-être à cause du slick, il ne savait pas. Sa tête reposait à même le sol, et son visage baigné de larmes se détendit quand la chaleur du slick eut enfin envahi son corps.




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Quand Damaya Shar était morte, Darth Tiamat – sa mère, avait voulu brûler ses affaires. Elle avait également ordonné à des prêtres Sith de « purifier » la maison pour effacer toute trace de la présence de sa propre fille.

Bref.

Elle avait souhaité annihiler l’existence de l’héritière qui avait apporté le discrédit sur leur lignée en s’éprenant d’un Jedi. En couchant avec lui. En mourant par lui. Les flammes du brasier avaient rutilé dans les prunelles de Dana et elles avaient tout emporté :  les robes, les bijoux, les datapads et même les cris des esclaves qui avaient appartenu personnellement à Damaya et qui avaient été cruellement immolés avec ses souvenirs. Tout était parti en fumée. La cadette n’avait réussi à sauver que deux choses. La pique-laser qu’on lui avait confié et un kimono de soie noire translucide.

Agenouillé dans sa cabine, elle admirait le vêtement, paralysée par le souvenir de son aînée. Lorsqu’ils étaient arrivés sur Dromund Kaas pour rencontrer le Conseil Noir, elle avait demandé à ce que ses affaires – celles qui dormaient dans la suite privée d’un hôtel, soient transférées  vers le Sans-Visage. Et elle avait passé deux jours à renouer avec ses propres biens. Ils s’étaient mêlés aux vêtements offerts par Ruth, aux présents des Serpents. Bientôt, l’espace étroit de la cabine avait débordé de sous-vêtements, de pantalons, de chaussures, de parfums, de maquillage. Au milieu de ce bordel, la silhouette de Dana paraissait recroquevillée sur elle-même.

Le kimono de soie. Elle en caressait pensivement les coutures. L’Inquisitrice se remémorait que sa sœur le portait la nuit où elle avait décidé de fuguer pour rejoindre Kaas City et connaître une vie franchement compliquée. Elle le plia avec précaution et le rangea sur sa couchette jusqu’à ce que des cris, résonnant dans les circuits de recyclage d’air ne glacent ses sangs. Elle crut reconnaître la voix de Lloyd et se précipita contre les commandes d’ouverture de l’écoutille. Mumkin l’avait devancé et, tétanisée, elle l’avait observé courir en direction de la cabine du capitaine, puis du cockpit.


Une part d’elle l’exhortait à se jeter sur le même chemin pour aider le hapien, s’assurer qu’il allait bien. Cependant le dévaronien avait présenté un calme à toute épreuve comme si, il ne se passait rien de grave alors que l’écho des hurlements laissait penser le contraire. Ce contraste perturbait Dana et elle fut tentée d’obéir à l’autre part d’elle-même : celle que corrompait l’Obscurité. Depuis deux jours, elle avait guetté que cette opportunité se présente. Elle avait rarement quitté sa cabine pour endormir la vigilance, jouer à la princesse casanière que seule la faim expulsait de son palais.

Elle tourna les talons et prit la direction opposée au cockpit, direction la soute où séjournait parfois Luis – quand il devenait trop encombrant dans le cockpit. En mobilisant la Force, elle parvint à ouvrir la trappe menant à la cale. Le nexu l’accueillit avec impatience et elle le repoussa, agacée.

-Pas maintenant Luis, le calma-t-elle.

Il grogna et tourna en rond, griffa le sol d’acier, renifla bruyamment. La Sith l’ignora pour s’intéresser à des caisses proches.

Qu’elle ouvrit.

C’était une fouille en bonne et due forme et quand un couvercle avait l’audace de lui résister, elle se dirigeait vers une boîte à outils et empruntait de quoi le faire sauter. A ses débuts dans l’Inquisition, fouiller des vaisseaux, des planques était une corvée systématique. Cette tâche avait fait partie intégrante de sa formation d’Inquisitrice, lui apprenant à aiguiser son instinct, à ouvrir ce troisième œil et à affûter son flair. Elle ne s’était pas pliée à l’exercice depuis longtemps et une adrénaline étrange avait échauffé ses veines. C’était l’appréhension que Mumkin revienne, ou Lloyd. Elle avait dit avoir confiance en ce dernier, mais n’avait jamais affirmé l’accorder à cet alien.

Clac.

Le vérin du caisson sauta après quelques coups. Son visage plongea dans son contenu et elle contracta sa mâchoire, le regard glacé de sévérité.

-Oh Mumkin…sale petit alien...siffla-t-elle entre ses dents serrées.

Ses doigts s’emparèrent d’une casquette à l’effigie d’Aarona Klova. Elle ne le savait pas, mais cette « cargaison » obtenue suite à la demande de Goshgosh n’aurait dû être embarquée qu’une fois l’Inquisitrice partie. Mais quand le cousin cornu avait livré le slick, il avait supplié Mum’ de se presser pour les goodies. Et Dana comptait bien lui faire regretter d’avoir cédé au risque. Dans son dos, Luis grattait un congélateur avec désespoir. Il faisait tant de bruits qu’elle se détourna sèchement vers lui.

-Arrête ça.

Elle hâte le pas pour l’atteindre. Il abaissa sa tête, en guise de soumission et elle allait soupirer quand son œil décrivit le congélateur dont les flancs étaient éraflés par les griffes avides du nexu.

-Tu veux de la viande, c’est ça ? Seulement pour cette fois.

D’une main, elle ouvrit le contenant et ses prunelles se figèrent en rencontrant les reliefs de sacs difformes et étiquetés. Elle eut une minute de flottement alors que sa conscience décrivait le mot « Ch’Hodos’ sur l’une d’entre elle. La brune se pencha et s’empressa de déchirer le sac, de l’ouvrir en deux, animée par un mauvais pressentiment, par cet instinct qu’on instillait chez les Inquisiteurs en début de carrière. Elle écarta vivement le plastique et le regard béant de Jaden Ashar se planta dans le sien. Elle blêmit et retint un haut-le-cœur. La dernière fois qu’elle avait vu Ashar, sa tête était encore attachée à son corps et…sa peau n'avait pas commencé à se nécroser. Choquée, elle referma brusquement le congélateur.  La tête lui tourna. Il y avait encore des caissons qui avaient échappé à sa curiosité, mais la nausée compressait ses tripes.

Elle n’avait soudainement plus envie de fouiller.

Elle courut vers la trappe pour quitter ce cauchemar.















-Hey !
-Quoi ?! s’écria-t-elle, sur la défensive.
-Tu reviens de la soute, Excellencité ? bougonna Mumkin en trottant vers elle.
-Oui, je m’occupais de Luis, répliqua-t-elle sèchement en cachant la casquette dans son dos.
-Lloyd il aime pas trop quand on traîne dans la soute, ça le rend nerveux.
-Ca vous rend tous nerveux dès que je quitte ma cabine ou la coquerie.
-Bah, t’es une Inquisitrice Sith, c’est toi qui l’as dit, renifla-t-il, bravache.
-Oh Mumkin…sourit-elle soudainement en l’admirant. Nous devons avoir une discussion toi et moi.

La cabine du dévaronien était à la fois ordonnée et sans dessus-dessous. Une odeur rance martelait l’air et elle se souvint voir senti la même chose dans la roulotte de Zoraïda ce qui reflua en elle des souvenirs étranges. Il fit quelques pas dans l’espace exigu, tâchant nerveusement de ranger une bricole ou deux. Il n’avait pas prévu d’avoir un entretien privé avec Dana Shar, dans ce lieu intime, mais il n’avait pas eu le choix. Du coin de l’œil, il décrivit la Sith, drapée dans une robe en cuir mat qui s’arrêtait outrageusement à mi-cuisse. Le vêtement suggestif soulignait sa taille, le rebondi de sa croupe…il s’efforça de regarder ailleurs et tomba dans l’enchantement des lèvres maquillées de Dana. Il fallait regarder autre part. Heureusement la veille, il avait décidé de repeindre un peu les murs et avait décroché les posters d’Aarona Klova.

-C’est pour quoi ? Si c’est…pour ce que j’crois, j’préfère te prévenir. Il pourra rien se passer de plus parce que….je suis pas du genre à me poser sérieusement et…
-Assieds-toi, ordonna-t-elle en désignant la couchette.
-T’es comme ton maître, t’as l’air de savoir ce que tu veux, souffla-t-il en obéissant.

Elle se pencha vers lui et il sentit son cœur s’accélérer. Il devenait difficile d’éviter le décolleté de l’Inquisitrice et son corps de mâle réagissait un peu trop. Il s’éclaircit la voix et elle brandit la casquette entre leurs visages proches. L’excitation retomba aussi brutalement qu’elle était arrivée. Il déglutit.

-Tu deales encore ta petite marchandise propagandiste anti-Impériale ?

Il aurait aimé que son patron soit là, pour le protéger de la fureur qui avait éclaté dans ces yeux dorés. Mais Lloyd n’était pas au courant pour la marchandise non plus, car il avait expressément exigé qu’elle soit embarquée après le départ de Dana. S’il prévenait le capitaine de cet incident, il se mettrait en porte à faux, c’était pas bon du tout.

-T’en fais pas, tu peux t’en sortir. Deux chemins s’ouvrent à toi, Mumkin, dit-elle froidement. Soit…tu coopères et tu me donnes les noms des revendeurs, à ce moment-là, je pourrais me débrouiller pour que tu connaisses que le premier niveau des geôles Inquisitoriales.

Elle plaqua brusquement l’objet contre le torse du cornu.

-Soit, tu détruis cette cargaison, entièrement et on oublie qu’elle s’est un jour retrouvée sur le Sans-Visage. Je  serai plus jamais aussi clémente qu’en cet instant. Quel est ton choix ?
-Je…j'vais détruire ça.
-Qu’est-ce que je risque de trouver d’autres ? Si je fouille cette cabine et le reste du vaisseau ?
-Rien, rien…fit-il, complètement blême.
-Tu fais ton petit commerce de contrebande avec ce que tu veux. De la drogue, des croquettes pour chiens kats mais….si je trouve encore de la marchandise anti-Impériale ici. Zoraida risque de pleurer ta mort. Ok ? murmura-t-elle à quelques centimètres des lèvres tremblotantes du dévaronien.
-Ok…
-Bien.










Elle remonta la coursive principale du Sans-Visage avec une assurance propre à son sang noble. Le pas altier, elle alla libérer Luis de la soute. Ce dernier bondit à ses côtés, les crocs relevés, sa queue ondulant contre le revêtement d’acier. Dana passa un index contre ses lippes fardées, s’assurant de la bonne tenue de son maquillage et s’engouffra dans sa cabine, comme le prédateur regagnait sa tanière pour reprendre des forces. L’animal, lui, monta la garde devant la porte de sa maîtresse, espérant qu’un dévaronien imprudent passe devant.


Elle avait décidé d’attendre jusqu’à être certaine de ne croiser personne. En général, les gardes se faisaient au cockpit, de ce qu’elle avait remarqué. Après quelques heures à réfléchir, à se demander pourquoi Jaden Ashar se retrouvait coupé et réparti dans des sacs étiquetés, elle décida de poursuivre ses investigations. Elle aurait pu confronter Hope, mais lel se souvint de ses cris, du visage endormi de Mumkin qui disait gérer la situation. Quelque chose n’allait définitivement pas. Et elle se sentait comme une étrangère à laquelle le Sans-Visage refusait de s’ouvrir. Elle avait l’impression d’être mise à l’écart, comme on l’avait écartée à la mort de Damaya en lui niant toutes les réponses légitimes. Tout était si compliqué dans sa tête, elle n’arrivait plus à démêler ce qui était vrai. La bouche de Lloyd contre la sienne, leurs corps aimantés sous un jet d’eau brûlant, était-ce vrai ? Elle se prit la tête entre les mains.

Qu’est-ce qui était vrai ?
Pourquoi Damaya était morte ?
Pourquoi Lloyd Hope avait crié ?

Pourquoi la tête de Jaden Ashar était dans un sac avec la mention « Ch’Hodos » ?











L’écoutille grinça en s’ouvrant. Luis ouvrit un œil. Le vaisseau était plongé dans un silence inquiétant. Seuls les ronronnements réguliers des machines vrombissaient sourdement dans l’air artificiel. Dana se pencha et retira ses bottines dont les talons faisaient du bruit. Ses pieds nus glissèrent sur le sol et elle s’enfonça sur un chemin qu’elle n’avait encore jamais emprunté et qui la conduisit au début d’une échelle. Cette échelle semblait s’enfoncer dans d’autres entrailles, plus sombres que la soute.

-Tu restes là Luis, et tu empêches quiconque de descendre, compris ? Personne. Tu as mon autorisation pour dévorer celui qui essaierait.

La bête émit un grognement satisfait.

Les barreaux de l’échelle scièrent la plante de ses pieds et elle eut l’impression de ne jamais atteindre sa destination. Enfin, un autre sol se présenta sous elle, mais elle dut se courber, se contorsionner presque. Une sensation de panique l’envahit et tapissa sa nuque d’une sueur froide. C’était trop étroit. La tuyauterie, les machines formaient des boyaux qui menaçaient de l’écraser et de l’étouffer. Elle fit un effort immense pour surmonter sa phobie et se retrouva bientôt à quatre pattes, cheminant dans cet espace restreint. Elle dépassa l’hyperdrive et arriva à une impasse. Sous une rangée de diodes orangées qui creusaient des ombres sur ses joues, elle distingua plusieurs bidons.

Son cœur arrêta de battre dans sa poitrine alors qu’elle redoutait savoir ce qu’ils contenaient. La sueur s’était propagée à son front et ses mèches de jais collaient désagréablement à son visage tandis qu’elle respirait fort, emportée par la colère, emportée par sa claustrophobie. Elle devait sortir de là.












Un paquet d’heures plus tard, Dana Shar était fraîche et resplendisante. Elle avait enfilé le kimono noir de sa sœur défunte. La coupe du vêtement délicat dévoilait une cuisse pâle et dessinait un décolleté sensuel. Ses longs cheveux de jais ondulaient en volutes envoûtantes sur ses épaules et son dos. Elle était parfaitement maquillée et dégageait un parfum fleuri qui provenait de son shampoing habituel. Elle était assise sur la couchette de Lloyd Hope et installait une guirlande de LEDs colorées offerte par Mercy, en souvenir du mariage. Elle s’appliquait à décorer de ces lumières vives le plafond bas de la couche et ne fut pas perturbé par l’arrivée du propriétaire des lieux. Et quand elle croisa son regard elle fit semblant de ne pas lire la surprise qui y éclata.

-Je me disais que…ta cabine manquait de décorations, souffla-t-elle comme si cela expliquait sa présence.

Alors le statu quo était terminé ? Elle débarquait comme ça, dans les quartiers du capitaine, sans un avertissement au préalable, sans un signe. Parce qu’il ne disait rien et paraissait insensible à son geste, elle se releva pour se rapprocher de lui. Il eut un mouvement de recul, surpris par une odeur qui transcendait le parfum fleuri. Elle avança de nouveau. Il pensa rêver. Cette odeur.

-Si t’aimes pas, tu pourras toujours la retirer mais…parfois, dormir avec une veilleuse, ça empêche les cauchemars, murmura-t-elle alors qu’il avait reculé encore, jusqu’à être acculé contre l’écoutille. Les néons blafards avaient perdu en intensité et la guirlande colorée éclairait leurs silhouettes, les frappant d’un millier de tons moqueurs.

-J’ai pensé appuyer sur le bracelet de nombreuses fois cette « nuit ». Pour que tu me rejoignes.

Ses doigts conquéraient déjà la chevelure blonde alors qu’elle l’admirait de si près. Son souffle chercha le sien, s’y mêla avec ardeur. La peau de Dana était chaude. Ses lèvres aussi au moment où elles se posèrent contre les siennes. Et sa langue qui s’insinua lascivement dans sa bouche était brûlante. La texture du rouge à lèvre laissa place à un goût familier. Le baiser fut bref, car elle y mit un terme rapidement pour chuchoter.

-Oui. C’est du slick sur mes lèvres, répondit-elle à une question silencieuse

Il pouvait baisser les yeux et voir le long de la gorge de l’Inquisitrice, un long sillon huileux et rutilant. Le slick qu’elle avait déposé sur sa peau absorbait les reflets des LED de couleur.

-Pour le moment, t’en trouveras pas ailleurs que sur ma peau.

Elle planta ses yeux dans ceux du Sith. Elle était sérieuse.

-Il va falloir tout me dire. Cassandra disait à Raidun que t’étais fou. Quand t’es parti dans la forêt sur Jabiim, que t’es descendu dans ce caveau après avoir frappé Svan, j’ai pensé que peut-être….elle aurait pu dire la vérité. Et il y a quelques heures, on entendait que tes cris dans le vaisseau. Mumkin avait pas franchement l’air inquiété. Moi j’étais inquiète.

Elle s’humecta les lèvres, goûta elle-même à la saveur poisseuse du slick.

-Qui est le capitaine qui m’emmène sur Ch’Hodos ? Un drogué ?

Et il pouvait faire tomber encore son regard, deviner que la trace sur le derme de la Sith descendait encore plus bas. Le slick brillait dans son décolleté, entre la courbe de ses seins et disparaissait dans l’ombre de son ventre gardé jalousement par la soie du kimono.

-Je pensais que t’avais plus Jaden Ashar. Tu sais où il est en ce moment. Dans des dizaines de sacs, au creux d’un congélateur bon marché, dans ta soute. Le slick, je connaissais. Par contre, tes talents de boucher, tu vois, ca m’impressionnerait presque. Qu’est-ce que tu fous Lloyd ?

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Il était resté allongé de longues minutes, à fixer l’emplacement vide sous la console, à sentir le slick bercer doucement son corps. Il s’appliquait à écouter le ronronnement du Sans Visage, et peu à peu sa respiration avait retrouvé un rythme régulier. Mumkin était réapparu un petit quart d’heure plus tard et l’avait aidé à se relever. Puis à marcher, car le slick le rendait terriblement maladroit. Il avait ri, sans savoir pourquoi, quand le dévaronien l’avait fait rentrer dans sa cabine, puis l’avait aidé à s’allonger sur sa couchette. Il avait grommelé que les lumières étaient trop fortes, alors Mumkin avait éteint en partant.

L’écoutille s’était refermé, et il avait ri encore, puis il avait contemplé les ombres que formaient les objets dans sa cabine plongée dans la pénombre, jusqu’à ce que le sommeil le prenne brutalement.

Un sommeil sans rêve.

Creux.

Vide.

Exactement ce qu’il voulait.

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-------Au cours de la « nuit », il s’était réveillé. Il était sorti du vide comme on sort d’hyperespace : avec soudaineté et un sursaut désagréable. Dans l’obscurité, il avait essayé de se lever, devinant qu’il avait trop dormi. Il avait chuté au sol, puis rampé misérablement jusqu’à un tiroir. Sa main avait cherché à tâtons, mais le tiroir était vide. Il avait juré à voix haute.

Il s’était rendormi à même le sol.

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-------Reprendre la vie après avoir consommé du slick était toujours compliqué. On avait le choix entre des heures de faiblesse et de nausées, des tremblements et des yeux picotants, une envie folle de consommer encore, et… Reconsommer pour s’éviter les effets secondaires.

Mais Dana était là. Il ne pouvait pas tomber dans ce cercle vicieux. Il fallait qu’il fît un effort. Il avait donc essayé de reprendre le fil des activités du vaisseau, en supportant les supplications de son corps. Puis, quand il était revenu dans sa cabine après avoir fait un tour dans le cockpit, il avait trouvé Dana sur sa couchette.

Ensuite, tout lui était tombé dessus.

Elle avait entendu sa crise.
Elle avait trouvé le slick.
Elle avait trouvé les morceaux de Jaden Ashar.

Qui est le capitaine Hope ?

Un fou. Un drogué. Un boucher.


L’écoutille fermée l’empêchait d’aller plus loin. Dommage. Il aurait voulu fuir. Mais le Sans Visage était trop petit pour s’évader, tout comme Dana n’avait pu s’évader quand il l’avait cueillie dans la cabine voisine. Mais ce temps-là était déjà derrière eux. Comme il se l’était imaginé, il fallait bien un jour que Dana se rendît compte de qui il était.

Il ouvrit la bouche, puis la referma. Il n’y avait rien à dire ? Si, il ne pouvait pas rester silencieux devant tout cela. Il voyait bien dans les prunelles dorées, qui le transperçaient, que le silence et la fuite ne seraient pas une option. Mais lui expliquer ? Trop compliqué. Trop ridicule. Elle ne comprendrait pas.

Malgré la main qui glissait dans ses cheveux, il se libéra soudain en partant de côté. Il passa ses mains sur son visage en tournant le dos à l’Inquisitrice, mais il savait bien qu’elle le foudroyait du regard, ou se l’imaginait.

- Je… je comptais t’en parler, dit-il à voix basse.

Ça sonnait faux. Et pathétique. Car oui, il avait prévu de lui parler de quelque chose à ce sujet sur la route mais il n’avait pas du tout prévu de lui avouer son œuvre macabre. Il avait déjà tout planifié : juste avant qu’elle ne descendît, il allait lui demander un petit service, lui remettre un paquet, lui demander de faire livrer cela pour lui sans l’ouvrir, de lui faire confiance.
Son plan misérable était tombé à l’eau.
Soudain il se retourna vers elle.

- Attends. Comment tu sais ça, pour Jaden ? Tu fouilles mon vaisseau ?

Ses prunelles s’étaient enflammées.

- A quoi tu joues ? Tu me pièges ? s’insurgea-t-il, et sa voix s’était brisée sur le dernier mot. Je croyais qu’on se faisait confiance !

Ils restèrent un moment là, à se fusiller du regard, puis le hapien contracta les mâchoires, avant de secouer la tête en signe négatif.

- Et c’est moi le déloyal ? la questionna-t-il à son tour. C’est moi le menteur, moi le traître ? Je t’avais fait confiance !

Sa voix était devenue un cri de douleur. Son visage avait rougi sous la colère mais il ne lui laissa pas le temps de le constater. Il s’approcha de sa couchette et arracha brutalement la guirlande, qu’il jeta aux pieds de l’Inquisitrice. Les lumières colorées clignotèrent une fois avant de s’éteindre.

- J’ai pas besoin de tes grigris contre les cauchemars ! Ma vie en est un ! Et je croyais qu’tu comprenais ! J’croyais qu’tu étais de mon côté ! J’en ai la gerbe d’avoir fait tout ça pour toi, et d’avoir l’air de ton vrai Sith et pourquoi faire ? Puisqu’à la fin tu vas te casser pour rejoindre ton putain de mari en me traitant, moi, de déloyal ? Hé bien pars, vas-y, va-t-en !

Il attrapa un bloc de données qui gisait sur sa couchette et la balança vers l’écoutille. L’objet s’écrasa avec un son métallique à quelques centimètres de Dana.

- Cours sur Ch’hodos où tu es quelqu’un d’important, cria-t-il encore, et quand tu reverras Svan, prend son putain de collier s’il t’a fait tant de peine que ça. Va le consoler, te baigner nue avec lui, va ! FAIS-TOI SAUTER PAR QUI TU VEUX MAIS LAISSE-MOI !

Sa voix s’était répercutée dans la cabine et quand il eut terminé, le silence revint. Seul subsistait le ronronnement du Sans Visage, et il n’avait plus rien d’apaisant. Le hapien tremblait en contemplant Dana qui doucement se retourna pour obéir. Il la regarda faire un pas vers l’écoutille, et il sut qu’il n’y avait plus qu’une seule seconde à la regarder avant qu’elle ne quittât sa cabine pour la dernière fois. Il sentit se briser au fond de son abdomen la même chose qui s’était brisé une première fois, quand il l’avait aperçue sur une plage de Jabiim, avec Svan.

Il regretta immédiatement ce qu’il avait dit, ce qu’il avait fait, le fait d’être ici même, mais il n’y avait plus moyen de retourner en arrière.

Et il n’avait plus qu’une seconde pour changer quoi que ce soit.




C’était un combat perdu d’avance. Il courut pour avaler la distance qui les séparait et soudain il se retrouva plaqué contre elle.
Il avait attrapé sa main juste avant qu’elle ne touche le panneau commandant l’ouverture de l’écoutille. Son autre main l’avait retenue en enfermant le reste de son corps.

- Attends. Attends.

Sa voix s’était brisée dans sa chevelure de jais. Elle sentait bon le shampooing et le slick. Comme ce matin-là, sous un pont de Kaas City.

- Je voulais pas dire ça. Je voulais… Je voulais te prévenir.

Il baissa les yeux et pria pour qu’elle ne se retournât pas.

- Depuis le début, j’ai voulu te dire qu’il fallait pas qu’tu t’intéresses à moi. J’ai vraiment essayé, j’te jure.

L’odeur du slick était beaucoup trop perceptible. Son corps quémandait sa part. Soit de slick, soit de Dana. Qu’importait tant qu’il pouvait faire taire tout ce qui se tramait à l’intérieur, à coup d’ivresse.

- Je suis ça, Dana. Tout ça. Un drogué, un fou, un boucher. Un alcoolique, un lâche.

L’air lui manqua et il leva un instant les yeux au ciel. Pour trouver de l’oxygène. Bientôt, respirer Dana ne serait plus possible.
C’était insupportable. Mais il tâcha de se convaincre qu’il s’y était préparé. Il avait su à chaque fois que leurs corps s’étaient enivrés l’un de l’autre. A chaque fois il avait essayé d’y puiser la douceur, la plénitude, l’évasion, l’oxygène. Car il savait qu’ensuite, il faudrait retourner dans le long abysse, en apnée. Que le jour viendrait où elle se rendrait compte.

- Le chien errant du Castellan, conclut-il dans un souffle, c’est moi.

Les basses besognes. Les exécutions. Les livraisons sordides. Les avertissements glauques. Le sale boulot.

Il relâcha doucement son étreinte, ainsi que sa main figée devant le panneau de commandes, et il recula d’un pas.

Elle pouvait sortir, maintenant qu’elle savait.

Elle ne se retournerait pas, elle ne verrait pas ses yeux noyés, qui menaçaient de déborder. Sa poitrine qui implosait, qui l’écrasait d’humiliation.
Darth Hope
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Sa main était suspendue à quelques millimètres seulement du panneau de commandes. Elle avait envie de quitter cet Enfer. Pas seulement la cabine de Hope, mais le Sans-Visage. Mais elle s’était piégée elle-même et toutes les issues menaient dans le vide, dans la mort. Ce qui lui sembla préférable. Elle avait l’idée que cette immensité sidérale serait plus confortable, plus réconfortante que les grincements du Sans-Visage qui répercutaient l’écho des mots qu’il avait eu pour elle. Son cœur eut une contraction désagréable qu’elle ignora avec difficulté. Elle souhaitait partir, mais des milliers de mots chahutaient au bord ses lèvres et se piétinaient pour franchir leur barrière.

Bien sûr qu’elle fouillait son vaisseau. Qu’est-ce qu’il croyait ? C’était une Inquisitrice Sith. C’était une Sith. Elle fouillait ce rafiot de la honte parce que la confiance dont il parlait n’avait été qu’un leurre, un simulacre ou alors ils n’avaient jamais eu la même notion de confiance. S’il lui avait effectivement fait confiance, il lui aurait tout dit : le slick, les morceaux de Jaden Ashar, la cargaison de marchandises anti-Impériale. Cependant, il l’avait encore laissé pour compte comme si elle n’en valait pas la peine, comme si elle n’était là que pour les moments où il avait besoin de s’épancher. Quel le reste ne comptait pas.

Il y avait tant de mots.

- On s’en fiche de me prévenir, lâcha-t-elle enfin, d’une voix blanche, les yeux rivés sur l’écoutille. Ca sert à rien de prévenir quelqu’un qui est déjà au courant. Tu penses qu’après toutes ces épreuves de merde, j’avais pas compris qui t’étais ? Je sais que tu es un fou.

Cassandra l’avait avoué. Cette garce avait bien des défauts, mais c’était le genre de femme trop romantique pour être une menteuse. En outre, Dana avait témoigné de cette folie. La violence contre Svan n’avait été qu’une minuscule partie émergée de l’iceberg, elle l’avait pressenti.

- Un drogué.

Les bidons de slicks qui s’alignaient devant elle tandis qu’elle était vautrée au sol, le corps poisseux d’huile. Les marques violacées dans le creux du coude de Lloyd quand il était attaché sur une chaise, dans une cellule si petite qu’une seule ampoule suffisait à en éclairer l’espace.

- Un boucher.

Le corps d’une rouquine qui était déchiqueté par le bruit d’une explosion. Les crânes de Zal et sa catin écrasés l’un contre l’autre dans des chocs sordides, portés à bout de bras par la combattivité du hapien.

-Un alcoolique.

Son haleine chargée d’alcool quand il s’était penché sur elle, dans la cabine de Tibalde Aarian, au cœur de l’Egide.

- Je l’ai toujours su, conclut-elle dans un souffle si tenu qu’elle se demanda s’il l’avait entendu.

Le mot lâche avait été passé sous silence car elle ne pensait pas qu’il en fût un. Sa paume échoua contre le panneau mais n’activa aucune commande. Ce n’était qu’un appui de plus pour qu’elle ne flanche pas. Elle ne voyait plus rien car sa vision était parasitée par des milliers de larmes qui se bousculaient à ses yeux. Dana se détourna vivement et fondit sur Lloyd. Elle le frappa pauvrement, abattant des poings faibles contre son torse. Parfois, elle le repoussait et revenait pour marteler encore, les lèvres entrouvertes, le souffle court. Jusqu’à ce qu’elle en eût marre et qu’elle se décida à reculer.

- Je t’ai protégé ! Toi, Mumkin, ton vaisseau. Comment OSES-TU dire que je n’ai jamais été de ton côté ! Je l’ai toujours été, depuis Korriban jusque maintenant ! Et qu’est-ce que j’ai en retour ? Tes sales petits reproches de chien de Laduim.

A son tour de se prendre la tête entre les mains, d’inspirer grandement pour ventiler sa colère grondante.

- Je vais le tuer. Laduim, je vais le tuer. Et si j’y arrive pas, tu ferais mieux de le faire. Au cas où t’aurais pas compris, il vaut plus rien dans cet Empire. C’est un putain de lâche. T’as été aveugle ? Au Conseil Noir. Sa position est fragilisée ! Ca veut dire que bientôt, il ne pourra PLUS protéger ta petite Mat’aenna chérie. Que la protection du Castellan Noir n’aura plus aucune valeur. J’aurais mieux fait de m’en tenir à ouvrir mes jambes avec toi, mais j’ai ouvert le reste. Je suis qu’une conne.

Dana se pencha. Les longs pans de son kimono sombre et translucides frémirent et elle ramassa la guirlande éteinte, la faisant couler entre ses doigts comme elle l’aurait fait d’une précieuse rivière de perles.

- J’étais venue pour que tu me dises tout. Pour que tu puisses avoir une épaule sur laquelle te soulager, pour compter sur autre chose que du slick. Et une fois que tu m’aurais tout dit, je comptais te demander si je pouvais rester ici, dans cette cabine, m’y laver, y dormir. J’avais accroché cette guirlande parce que je m’étais souvenue que la dernière fois que j’ai dormi dans cette couchette, il y avait un capitaine qui avait le sommeil léger et perturbé par des cauchemars. Que j’en ai fait aussi…parce que ma vie aussi est un cauchemar et que j’en suis un.

Elle referma le poing autour de la guirlande et détendit sa main pour la laisser échouer au sol dans un bruit minable.

- C’était indigne d’une Sith. C’était vain.

Et l’étendue dorée se présenta à lui, aussi profonde qu’un gouffre de douleur.

- Après tout, j’en ai rien à faire de Dana Shar.

C’était comme si sa propre voix, à lui, tombait des lèvres rebondies de Dana, qu’il revivait cet instant où il avait prononcé ces mots à Darth Runà.

- C’est bon, finit-elle par dire. Je vais donner cette tête à Akusha, avec sur le front de Jaden, la signature du Castellan le plus décrédibilisé de l’histoire Sith. Tu sais qu’elle va être sa réaction ?

Un pas après l’autre, ses pieds nus glissèrent sur l’acier froid du Sans-Visage et elle était de nouveau toute proche de lui.

- Déjà, il va vouloir m’exécuter. Avant de se rappeler que je suis son épouse, pour la énième fois. Puis il va rire. Jaden était son apprenti. Il va dire que s’il est mort, c’est qu’il était faible. Il n’en prendra pas grand ombrage. C’était moi qu’il voulait vivante. Laduim voulait lui faire passer un message ? C’était ma tête qu’il aurait dû envoyer. Mais ton maître est un incapable. Et je lui voue une haine tenace que rien n’arrêtera, pas même sa mort. Et….je te déconseille de te dresser entre lui et moi, quand le jour viendra. Tout ce que t'auras à faire ce jour-là c’est…

Elle leva les mains, comme si elle ne faisait que parler d’un sujet banal, facile. Il y avait une couche de glace plus tenace que celle de Galidraan qui s’était formée à la surface de son esprit. Et les larmes qu’elle percevait dans le regard de Lloyd heurtaient sur cette surface gelée et s’y figeaient douloureusement, devenant glace à leur tour.

- Récupérer ta twi’lek. Et prier pour que ce soit suffisant. Assez suffisant pour que le cauchemar s’arrête. A mon tour de te prévenir donc, je suis comme ça. Je suis une Sith. Et tu sais quoi ? Ma vie n’est qu’un vaste désert également. Rien ne pousse. Rien ne survit.

Sauf ton nom.



Lloyd Hope
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Lloyd avait encaissé les coups qui avaient martelé sa poitrine en silence. Il les acceptait. Il trouvait même cela soulageant. N’importe quoi plutôt qu’elle soit sortie, plutôt que le laisser là, seul, avec ces constats et une guirlande brisée. Elle aurait pu continuer, elle aurait pu frapper plus fort, il ne se serait pas défendu. Il avait écarté les mains pour la laisser faire, il avait lutté contre l’envie de les refermer sur elle, de la serrer contre lui tant que c’était encore possible.

Il encaissa la suite dans ce même silence.

Elle voulait venir dans cette cabine. Y rester. Alors qu’elle savait. Il n’y voyait qu’une explication : sa vie devait vraiment être un cauchemar pour préférer se terrer dans la cabine du vaisseau d’un boucher, dans cet espace exigu alors même qu’elle détestait l’étroitesse et le silence de l’espace.

Lloyd la contempla un moment en silence. Le temps de digérer. Le temps que l’eau se résorbe devant ses prunelles. Voir le joli kimono qui découvrait à peine ses épaules aurait dû le distraire. Au contraire, cela ne lui faisait que lui rappeler que l’intensité du gâchis qu’il était en train de faire. Ou du cadeau que sa vie absurde, ce cauchemar, avait décidé de lui offrir. Une malédiction.

Le hapien retrouva enfin un souffle suffisant, une sécheresse lui permettant de parler à nouveau.

- Non, je voulais pas que tu l’apportes toi-même, dit-il d’une voix éteinte, presque bougonne après ce silence qui avait suivi leurs cris à tous les deux. Je pensais que tu pourrais trouver je sais pas, un esclave, un messager. Quelqu’un qui pouvait s’y rendre à ma place. Pas seulement parce que j’y risquerai ma vie, mais parce que je voulais respecter ton souhait, celui de pas me mêler de ce qui me regarde pas. Alors que tout ce qui te menace me regarde, d’une façon ou d’une autre. Même si c’est pas raisonnable.

Mais ce n’était que des détails. Il le savait. Il voyait, comme un miroir, les larmes qui baignaient le désert doré. Lloyd se détourna pour marcher jusqu’au hublot, passant ses mains sur son visage.

- Et non. Laduim est trop puissant, malgré la faiblesse de sa position au Conseil Noir actuellement. Donc je ne ferai pas ça parce que oui, je m’interposerai pour que tu ne te condamnes pas.

Il soupira.

- Il aura son compte, un jour. Mais mon maître n’est pas pire que Darth Runà : pour le moment ils nous tiennent. Le jour où ça changera… On avisera. D’ici là…

Lloyd se retourna vers elle. Il vit dans ses yeux que ses propos ne lui plaisaient pas tout à fait, mais s’il voulait qu’il fût honnête, il l’était.

- D’ici là, on fait le job et on survit.

Il y eut un nouveau silence, pendant lequel Lloyd revint doucement vers elle, les yeux baissés sur le désordre de la pièce. Il n’avait pas vraiment rangé depuis sa crise précédente, quand Dana était partie sur Galidraan. Et à ce désordre il avait ajouté ces deux objets, dont l’un auquel Dana tenait peut-être. Il regretta. Il lui adressa une mine contrite, eut un haussement d’épaules bref, qui se voulait signifier peut-être une excuse.

- J’croyais que t’avais apporté tes affaires pour retourner vivre définitivement sur Ch’Hodos,
confessa-t-il avec embarras.

Alors il se baissa pour ramasser la guirlande et, sous les yeux de Dana, il retourna l’accrocher au-dessus de la couchette en y grimpant à genoux. Lorsqu’il la rebrancha, deux ampoules restèrent éteintes, brisées. Mais le reste fonctionnait. Lloyd se mit en position assise au bord du matelas, puis tendit la main pour attraper celle de l’Inquisitrice. Ses doigts se refermèrent autour des trois serpents.

- Tu aurais dû appuyer. Je serais venu, dit-il simplement. J’ai pas arrêté de te dire de t’en servir depuis… Depuis le lac. Celui de Jabiim. Tu... Tu te rappelles ?

Il tira doucement sur son bras pour l’attirer jusqu’à lui, sans savoir si vraiment elle voudrait bien venir. Mais elle ne résista pas vraiment alors les mains du hapien se refermèrent sur la soie tandis qu’il voulut l’enlacer en attirant son corps entre ses genoux pour qu’ils fussent l’un contre l’autre, qu’ils s’imbriquent comme seuls leurs corps savaient si bien le faire. Parfois, il avait l’impression que les courbes de Dana était sculptées selon sa propre silhouette pour qu’ils pussent s’épouser si harmonieusement.
Le visage de Lloyd échoua sur l’épaule de l’Inquisitrice, où il déposa un baiser. Puis il la regarda dans les yeux avant que ses prunelles ne se fixent sur les lèvres de Dana. Il vint passer son pouce sur sa bouche, et en essuya doucement le slick qui faisait luire ces lèvres charnues, qui l’appelaient. Il déglutit en croisant l’étendue dorée.

- Ce n’est pas le slick qui me soigne le mieux. C’est ce qu’il y a en dessous, souffla-t-il comme pour s’expliquer.

Leurs souffles se mélangeaient mais il ne l’embrassa pas. Il remit sa tête sur l’épaule de l’Inquisitrice et la serra contre lui. Il essaya de rassembler son courage.

- C’est compliqué pour moi de dire. Mais je voulais vraiment, murmura-t-il, éteint. C’est juste…

Il dut s’arrêter pour prendre une grande inspiration. Il sentit encore l’odeur de slick et de shampooing, tâcha de s’y raccrocher désespérément. Ses mains froissèrent la soie.

- Je la tue chaque nuit depuis cinq ans.

Sa propre voix lui avait fait l’effet d’une geignement ridicule. Il sentit la chaleur désagréable envahir sa gorge mais non il allait résister. Il inspira de nouveau et le silence s’installa tandis qu’il jetait des regards au-delà de l’épaule de l’Inquisitrice. Il fouilla les recoins sombres du regard, prêt à y apercevoir un lekku, une main, un pied qui déclencherait la vague suivante. Un nouveau cauchemar dans le cauchemar.

Mais il n’y avait rien. Entre lui et le reste de sa cabine, Dana faisait écran. Elle le protégeait du reste du monde et elle n’en savait rien. Il trouvait cela triste et approprié à la fois.
Il finit par sentir sa respiration ralentir. Ses doigts se desserrèrent. Mais il ne la lâcha pas. Peut-être voulait-elle s’enfuir. Peut-être n’osait-elle pas le lui dire. Mais tant qu’elle serait là, tant qu’il sentirait la chaleur de son corps contre le sien, il pouvait survivre. Il respirait sa peau. Il étreignait sa princesse tant qu’il le pouvait encore.

- Mmh, mmh mmmh mmh…

Le hapien avait fermé les lèvres et les yeux mais du fond de sa gorge, il chantonnait un air. Un air entendu sur une plage, un soir où il avait pu l’observer tout son saoul. Sur un monde lointain, il se souvenait de la voix douce de l’Inquisitrice, et des mots qu’elle avait prononcé en lui accordant de temps à autre un regard.

- La chanson que m’a chanté Dana, chantonna-t-il dans un murmure à son oreille, en la berçant doucement entre ses bras, a réchauffé mon âme de… soldat.
Darth Hope
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La mélodie lui remua les tripes. Les notes s’évadaient des lippes du blond et vibraient contre le tissu fin de son kimono ; percutaient doucement la peau qui dormait dessous. Elle sentit un frisson agréable courir le long de son épaule et ferma les yeux. Melantha, la chanson de la nana qui attend son gars parti à la guerre. C’était un chant militaire de propagande, romanesque, intemporel. La première fois qu’elle l’avait entendu, sur Axxila, elle en avait vomi tout le peu de bon sentiment qui lui restait. Personne ne savait vraiment qui était Melantha : une humaine, une twi’lek. Elle revêtait la figure de nombreux fantasmes. Chaque soldat avait sa Melantha, ou espérait l’avoir. C’était la promesse de revenir au foyer et paradoxalement, c’était un encouragement à partir se battre pour l’Empire. Celui qui ne se battait pas, qui ne faisait pas le boulot et qui ne survivait pas, n’aurait pas droit à la chaleur des bras de Melantha.

- Moi aussi je la vois morte, depuis autant de temps au moins.

Elle parlait de Damaya. Lentement, elle coula ses doigts dans la chevelure délicate de Lloyd et elle avait l’impression qu’ils étaient de plombs, raidis par le souvenir tenace de son aînée. Elle ne la tuait pas, mais elle voyait la lame qui surgissait pour crever sa jolie poitrine et l’éclabousser d’un sang brûlant. Elle crut défaillir et ferma les yeux.

- Ma sœur, expliqua-t-elle d’une toute petite voix. C’était elle la vraie princesse de Ch’Hodos. Moi je n’étais que…qu’un..je n’étais rien à côté d’elle. Elle avait tout. Les plus beaux hommes, Jaden Ashar y compris. La puissance dans la Force. La beauté. Absolument tout. On aurait dit que le monde lui avait tout donné et qu’il m’avait tout enlevé. Je la jalousais.

Dana se laissait bercer contre le Sith et rabattait ses bras autour de lui, le berçant à son tour comme elle l’avait emporté contre elle dans cette cellule sinistre sur Kaas City. Elle souhaitait que plus rien n’atteigne le blond, excepté ses mots à elle, ses étreintes, son parfum, ses confessions. Il dénudait son âme meurtrie et l’embrassait de sa voix grave. Il y avait des années qu’elle n’avait pas ressenti un tel sentiment de sécurité. Les bras du hapien étaient son unique tanière, son dernier refuge, une place forte que le monde pouvait assiéger. Elle savait qu’ils ne céderaient pas. Et elle n’était pas disposée à les laisser céder.

- Ce kimono était à elle. Comme ma pique-laser. C’est pour ça que j’ai fait ramener toutes mes affaires ici. Pour ça et parce que…je ne veux pas d’un autre endroit qu’ici pour lécher mes plaies.

Il y eut un léger silence. La clameur du Sans-Visage lui parut moins insupportable. Sa gorge éclata dans un sanglot alors que de nouvelles larmes roulaient sur ses joues. Et à la lueur colorée des diodes qui formaient la guirlande, elles ressemblaient à des perles bariolées.

- Un putain de Jedi l’a massacrée, lâcha-t-elle comme on se débarrassait d’une vérité trop douloureuse. Chaque nuit, ce foutu Jedi revient et la tue, et ensuite il me tue aussi. Mais Lloyd

Le prénom du capitaine s’était brisé dans l’air alors qu’elle peinait à maîtriser ses sanglots qui jaillissaient par flot houleux et faisaient tressaillir ses lèvres. Elle se dépêcha de réfugier ces dernières contre la chevelure claire, laissa les boucles d’or assécher ses yeux et le parfum familier apporter de l’oxygène. Elle savait que si Damaya vivait encore, le hapien aurait été subjugué par sa beauté, sa force, son intelligence. Aucun homme n’avait jamais résisté. Peut-être était-ce mieux qu’elle soit morte ? Après tant d’années, Dana versait enfin la larme du deuil. Elle n’avait pas pleuré devant Tiamat. Le bûcher de la damnatio memoriae avait asséché ses yeux. Les coups d’Orcus l’avaient empêché de pleurer. Elle se remémorait avoir voulu l’égaler, avoir laissé pousser ses cheveux que Dama’ avait longs, les avoir coupés après son échec à Korriban, pour enfin les faire grandir de nouveau une fois son titre d’Inquisitrice acquise. Et en cette soirée, cette rivière de jais coulait en partie sur le Sith.

- La seule femme que tu tues, c’est moi.

Dana l’invita à basculer avec elle, pour qu’ils s’étendent tous les deux sur la couchette, comme ils l’avaient fait auparavant. Face à face. L’or dans l’émeraude. Avec soin, l’Inquisitrice s’appliqua à dégager chaque cheveu du visage hapien. Et quand il fut complètement à découvert, elle poursuivait, détachant des mèches imaginaires comme un prétexte pour caresser son nez, sa pommette, son front.

- Chaque nuit, à petit feu. Lentement, poursuivit-elle à voix basse.

Il eût une chute de tension dans le vaisseau. Les lumières se coupèrent brusquement mais aucun d’eux ne bougea. Une seconde plus tard, les néons se rallumait, le ronronnement régulier de la machinerie reprit. Les ampoules de la guirlande avaient toutes virés au rouge. Il devait bien y avoir une commande pour décider des couleurs, mais l’objet était vieux, capricieux, comme les traditions des Serpents de Jabiim. Les lueurs vermeilles s’épandaient sur leurs corps proches. Du kimono délicat, la courbe d’un sein menaçait de jaillir à tout instant.

- Je me souviens de Jabiim, répondit-elle. Je me souviens du Temple à Kaas City…

Le slick brillait encore le long de sa gorge, dessinant un serpent translucide aux reflets pourpres.

- Je voulais que tu me choisisses. Kedrod…je l’aurais tué. Je n’aurais pas supporté. Je ne supporte pas qu’un autre que toi me touche. C’est pour ça que j’ai tué Raidun.



Lloyd Hope
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Mumkin descendait de la soute, en tendant l’oreille, mais les cris provenant de la cabine de Lloyd s’étaient tus. Il n’entendait plus rien. Il aurait préféré entendre l’Inquisitrice sortir pour aller s’enfermer dans sa cabine : depuis deux jours, les deux Sith avaient été très sages, vivant chacun dans leur espace et il s’en était félicité en se disant que leur « moment de passion » était enfin terminé. Mais maintenant il craignait le pire.

- Ouw !
- Oui, oui, ça vient, grogna Mumkin à l’attention de Luis.

Il se laissa glisser sur le sol de la soute dont le niveau était plus bas que la coursive principale, et le nexu avait accouru pour le renifler. Le dévaronien essaya de rester calme quand Luis lui montra toutes ses dents dans un étrange sourire carnivore. Il se déplaça doucement vers l’un des congélateurs et l’ouvrit quand…

- Gloups.

Ce n’était pas le bon. Il y avait plein de paquets. Dont l’un était éventré, laissant entrevoir…

- LUIS NON !

La gueule du nexu venait de se refermer sur le coin d’un paquet et le dévaronien s’accrocha à celui-ci. Il s’ensuivit une lutte affreuse : le plastique du paquet s’étira, coincé sous un croc du nexu et tiré par les griffes de Mumkin par ailleurs, jusqu’à se déchirer pour qu’une main à demi-décomposée finisse par en tomber avec un bruit mou. Mumkin se jeta dessus avant que le nexu ne pût l’attraper et le leva haut au-dessus de lui pour la maintenir hors de portée du nexu.

- AH AH ! cria-t-il de victoire. J’ai gagné ! Tu croyais quand… Ah.

Le dévaronien calma son enthousiasme en se rendant compte qu’il serrait une main, sans corps au bout.

- Yeuk.

Il jeta la main dans le congélateur et referma vite l’appareil. Puis il eut un soupir, les yeux fixés devant lui, frappé par la consternation.

- Alors c’est ça qui l’excite chez Lloyd ? Ces femmes, j’vous jure…
- Aouw.


-----

-----

-----Les yeux du hapien ne quittaient pas l’étendue dorée, le désert baigné de larmes comme un mirage. Il vit une goutte perler, glisser doucement sur la tempe de Dana, s’écraser sur la couchette. Puis une autre. Il avait cru, quand elle avait prononcé son nom, qu’il défaillirait à son tour, mais maintenant il se concentrait sur les lignes parfaites de son visage. Elle pleurait pour eux deux. Elle ne le savait pas. Il avait passé une main sur sa joue pour essuyer le surplus d’humidité qui s’était formé comme une pellicule, puis dans ses cheveux pour soutenir son visage tout près du sien. Les reflets rouges qui faisait luire la chevelure de jais de Dana rappelaient son sabre laser. Il bougeait lentement les doigts de son autre main.

Il ne parla pas tout de suite. Il pensait à ce qu’elle lui avait dit. Damaya. Les cauchemars.

- Le Jedi, souffla-t-il. On lui règlera son compte à lui aussi, si tu veux.

Une perle d’eau émergea du désert, roula au-dessus de l’arrête du nez de Dana comme elle aurait gravi une dune, puis elle la dévala pour ralentir sur la joue que soutenait Lloyd. Les lèvres du hapien l’interceptèrent en se posant sur la peau douce de sa princesse et il sentit sur sa langue le goût salé.

- Moi non plus, je supporte pas qu’un autre que moi te touche.

Sa voix n’était plus qu’un souffle, qu’elle seule pouvait entendre, et l’émeraude affronté toujours l’étendue dorée du désert de Ch’hodos.
- Alors… Je peux en profiter pour poser toutes mes questions, dit-il, sur le ton du constat. Et exiger de toi ce que je veux.

Le hapien la dévorait des yeux. Plus seulement les traits parfaits de son visage, la cicatrice sur sa lèvre, mais aussi la courbe de son cou, les mèches de cheveux qui voilait à demi son épaule dénudée, mais encore le galbe d’un sein qui se dessinait sous le kimono dont la soie douce caressait leur corps à tous les deux à chaque fois que la poitrine de l’Inquisitrice se soulevait au rythme de sa respiration.

- En ce cas, je veux savoir… Quand est-ce que tu as fait ce tatouage.

Il glissa son bras sous le visage de l’Inquisitrice, de façon à ce qu’elle reposa sur son biceps et qu’il put entourer ses épaules. Il tira doucement sur le kimono et celui-ci dévoila progressivement ses seins nus. Le hapien dut se mordre la lèvre inférieure pour se maîtriser en la contemplant.
- Et enfin…

Lloyd avait chaviré, et de nouveau glissé son visage contre le sien, enfoui dans la chevelure sombre, joue contre joue pour susurrer à son oreille.

- Je veux que tu me dises tout ce que tu aimes, et comment tu aimes qu’on te le fasse. Que je te le fasse.

Darth Hope
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BAM BAM BAM.


De grands coups portés contre l’écoutille couvrit leurs souffles précipités.

BAM BAM.

- Lloyd ?! HE Patron !

Un grognement agacé lui répondit. Dana avait sursauté, abattue en plein vol par la stupeur. Il lui semblait que la réalité venait de lui voler sa jouissance et la bombardait de sensations désagréables. Elle entendait son cœur battre à ses tempes et les bruits des poings de Mumkin qui cognaient à la porte. Les coups devenaient plus assourdissants, plus insupportables. Elle sentit un grand vise se créer en elle alors que le capitaine s’éloignait à contre-cœur. Dana se dépêcha de rabattre son kimono sombre autour de ses courbes luisantes de sueur. Elle s’assit sur la couche, auréolée du halo carmin que diffusait la guirlande.

Le grincement feutré de l’écoutille qui cédait à l’injonction du panneau de commandes.

- Ah ben pas trop tôt, soupira le dévaronien avant d’observer le blond de pied en cap, de son pantalon défait à l’intégralité de son torse nu. Il osa un regard au-delà, dans l’intimité de la cabine d’où refluait une odeur de stupre et d’interdit. Le genre de parfum que dégageait un mélange gaz et feu. Face à l’impatience du capitaine, il rajouta.
- Y’a un problème avec les congélos, si tu vois ce que j’veux dire.
- Ca va, je suis au courant ! s’agaça Dana, enragée par l’intervention du cornu.
-Son nexu est putain d’intenable ! explosa à son tour Mumkin, puis il baissa d’un ton pour que Lloyd fut le seul à l’entendre. Et elle aussi, elle fouine partout sur le vaisseau. J’vais faire une espèce de burn-out, et te claquer un arrêt maladie patron, sérieux. On peut pas faire une pause pipi, genre…on arrive bientôt à la station Astroballe. Y’a des supers matchs de…

L’écoutille lui claqua au nez. Le calme revenu, Dana poussa un soupir et se releva. Ses jambes étaient encore cotonneuses et avaient un mal fou à la soutenir. Elle releva le menton, comme si elle n’avait jamais été vaincue sur cette couchette deux minutes plus tôt.

- Ton vaisseau regagne une cabine libre à l’arrière, ponctua-t-elle avant de se ruer dehors.


Lloyd Hope s’attendait-il à une tempête de chaos nommée Dana Shar dans son espace exigu, dans sa vie minable rythmée par le cauchemar et le slick ? Toujours était-il qu’à côté des pièces mécaniques qui traînaient sur le bureau de la cabine, entre deux blocs de données, dont un restait figée sur l’écran d’une brune au manteau grenat – perdue au milieu des conifères de Galidraan, des flacons de maquillages avaient échoué. Sur le chambrant de l’écoutille menant à la salle d’eau, le kimono noir était suspedu. Il y avait un peu plus de Dana Shar dans la cabine du capitaine. Elle n’avait pas apporté toutes ses affaires bien sûr, cela aurait été saugrenu dans un espace aussi réduit. Comme ils co-équipaient, ils cohabiteraient désormais, du moins jusqu’à Ch’Hodos, jusqu’à ce qu’ils soient quittes à nouveau.












Assise sur un caisson dans la soute, Luis étendu à ses pieds, Dana savourait un gobelet de « jus de fruits de Jabiim ». Elle avait élégamment croisé ses jambes pour observer Mumkin suer à déplacer une demi-douzaine de caisses estampillées d’une marque de vin artorien mais qui recelaient des casquettes. Elle veillait à ce qu’il détruise bien tout, entre deux gorgées enivrantes. Et le nexu surveillait aussi. Qu’il eût Jaden Ashar découpé en vingt morceaux dans un congélateur proche ne semblait pas affecter l’Inquisitrice.

- C’était pour ça que tu voulais que je l’assomme si tu crevais ? fit-elle amèrement.
- Entre autres, ouais. Heureusement, j’suis pas mort.
- T’as le chic pour te ramener au mauvais moment, s’indigna-t-elle, repoussant sa colère.
- Un genre de sixième sens, renifla-t-elle en déposant la dernière caisse sur la pile déjà montée. Voilà. Tu diras rien à Lloyd alors ? Il était pas trop au courant pour la cargaison. J’comptais lui dire, bah en fait, j’devais en écouler une partie sur la station Astroballe.
- Qu’est-ce que j’en ai à foutre ? Balance-moi ça dans le vide et trouve-toi une égérie plus….impériale friendly.
- Comme Kiwi ? se risqua-t-il.

Elle manqua de recracher son breuvage.

- Le tenretatek ? lâcha-t-elle.
- Mais nan, nan. La twi’lek, c’est une strip-teaseuse connue sur Kaas City.
- Ah, sourit-elle de manière énigmatique en se réfugiant dans une gorgée d’alcool.
- Quoi ?
- Rien. Contente-toi de détruire tout ça. Et la prochaine fois que tu frappes à la cabine de Lloyd, rappelle-toi que j’y dors, maintenant. Et que je suis moins conciliante que lui.
- Ouais, votre Excellencité, marmonna-t-il, bougon. Et puis quoi encore, elle souhaitait qu’il l’appelle patronne ? Jamais de la vie.

Le ponch avait assez échauffé ses joues qui avaient rougi. Elle jeta un dernier regard vers le congélateur et quitta la soute, sans Luis dans son sillage au grand désespoir de Mumkin.













Dans le cockpit, elle tendit son verre encore rempli vers un Lloyd occupé à vérifier des paramètres de vol. Elle rencontra son regard surpris et haussa les épaules avant de s’installer sur le siège de copilote. Elle portait à nouveau la robe de cuir qui seyait à ses formes comme une seconde peau. L’immensité sidérale défilait au travers de la baie de pilotage et un point lumineux dans l’infini annonçait que la station serait bientôt à portée, dans quelques heures de vol. Entre ses doigts délicats une cigarra à peine fumante, qu’elle avait allumé sur le chemin vers le cockpit.

- Il faut qu’on parle de Ch’Hodos.

Elle convoqua la Force et d'un geste paresseux de la main fit se refermer l'écoutille. Le verrou s'enclencha, pour plus d'intimité. Le genre d'intimité propice aux discussions sérieuses.


Lloyd Hope
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Combien de Luis Raidun ?

Le hapien contemplait les étoiles qui s’étalaient, écrasées par la vitesse, de l’autre côté du transparacier. Il était enfoncé dans le siège du pilote, son pull de nouveau sur lui. En prenant son tour de surveillance, il avait soigneusement veillé à ne pas regarder sous la console, à ne pas alimenter les réflexes que sa paranoïa soufflait à son esprit. Le Sans-Visage était de loin l’endroit le plus sûr dans lequel il avait jamais vécu et devait le rester. Ranger froidement les souvenirs parasites pour les garder à l’écart de sa vie.

Combien de Luis Raidun ?

Ça n’avait pas été très difficile, pour une fois. Ses sens étaient encore à fleur de peau. Il croyait sentir l’odeur du slick, du shampooing, et de la sueur. Il voyait encore danser les courbes de Dana quand elle se cambrait entre ses mains. Il l’entendait gémir. Mais une question tintait en boucle à ses oreilles.

Combien de putain de Luis Raidun ?

Elle avait dit ça comme s’il y en avait eu beaucoup. Il passa une main pensive sur sa mâchoire crispée au moment où elle entrait. Elle s’installa à ses côtés et il la regarda. Il la voyait encore, nue, étalée sur sa couchette dans la soie du kimono. Il avait presque eu toutes ses réponses. Ce n’était que partie remise.

- Le secoue pas trop quand même, dit-il. Mon alien. J’aurais du mal à en trouver un autre qui me convient.

L’écoutille du cockpit était fermée et il ne craignait donc pas que Mumkin les entendît. Il les avait entendu descendre tous les deux dans la soute et avait décidé de ne pas s’en mêler. Il se doutait que ce n’était pas pour que l’Inquisitrice pût profiter d’une langue longue de trente centimètres. Après tout, peut-être que le dévaronien serait plus obéissant. Il savait qu’il ne serrait pas assez la visse depuis plusieurs mois.

- Il a des défauts mais il est vraiment utile. Faut juste pas lui dire, sinon il prend la grosse tête.

Le hapien tourna de nouveau son regard vers l’Inquisitrice. Il crut y déceler une lueur d’insatisfaction et il sourit.

- Laisse-moi deviner : il a encore embarqué quelque chose qui te plaisait pas ? Et sans me prévenir ?

Il tendit la main jusqu’au siège du copilote pour la glisser dans le cou de Dana avec un regard un peu moqueur.

- Ça fait longtemps que je pratique le Mumkin, dit-il pour expliquer comment il avait pu deviner. On a un genre de marché implicite. Il ferme les yeux et les oreilles sur beaucoup de choses me concernant, je ferme les yeux sur certaines de ses affaires. Quand elles me gênent pas. Lui et moi on n’était pas tout à fait prêts à avoir une Inquisitrice dans notre vie, quand t’as débarqué sur le Lightbreaker.

Lloyd détacha sa main de la peau de Dana, pour s’intéresser de nouveau aux commandes de l’appareil, quand un voyant lumineux s’était mis à clignoter. Le hapien abaissa légèrement une manette après avoir appuyé sur un bouton, et le voyant cessa son clignotement.
Le visage de Lloyd était redevenu sérieux. Les lueurs du tableau de commandes se reflétaient dans ses pupilles émeraudes, et il consentit enfin à prendre le verre qu’elle tenait toujours. Il y trempa ses lèvres avant de lui rendre.

- Pas mal. Bon. On va bientôt sortir d’hyperespace. On est encore loin de Ch’hodos mais on peut pas risquer d’être sortis de force en territoire renégat.

Les territoires renégats. Ce terme était apparu sur tous les derniers rapports qu’il avait reçu depuis Khar Delba.

- Donc on va continuer en pilotant à vue jusqu’à Ch’Hodos. Ça va nous prendre pas mal d’heures, et de tours, à Mumkin et moi. Compte encore quarante-huit à soixante-douze heures, en fonction de ce qu’on rencontre sur le chemin.

Il serait donc un peu moins disponible qu’il ne l’avait été jusqu’ici. Raison de plus pour parler maintenant de ce qui se produirait ensuite. Le hapien la regarda, puis soupira en détournant ses yeux pour contempler l’espace.

Ch’Hodos. Là où il devait juste la déposer. Sans savoir ce qui se passerait après. Si elle laissait ses affaires derrière elle, il aurait au moins ça pour se consoler. Pour alimenter une espèce d’espoir de retour. Il prit une inspiration lente, pour choisir ses mots.

- Je sais que tu veux pas que je vienne, commença-t-il. Mais j’ai besoin d’en savoir un minimum. Savoir que je te jette pas dans une fosse aux lions. On pourrait au moins essayer de te déposer dans un endroit sûr, avec Mumkin. J’ai un transpondeur qui me permet de brouiller les pistes. D’entrer sans être repéré en atmosphère dans des zones peu surveillées, même si c’est difficile. Pour que tu puisses te poser et rejoindre des gens qui te protègeront.

Même s’il ne ferait confiance à aucun d’entre eux, même s’il espérait qu’elle non plus ne leur ferait pas confiance. Il hésita un instant avant de poursuivre.

- Et… je pourrais éventuellement t’attendre un peu, tenta-t-il, même s’il savait que ce n’était probablement pas comme ça qu’elle envisageait d’être « déposée ». Je veux dire… Si jamais ça se passe pas bien, tu pourrais rentrer vite.

Il pencha un peu sa tête pour lui faire des petits yeux de chien battu, suppliants.

- Et comme ça je te lèche tes plaies moi-même… ?
Darth Hope
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Elle avait dressé une oreille attentive, presque conciliante. Un sourire avait même fleuri sur ses lèvres rouge sang quand il avait glissé une main dans son cou, froissant légèrement sa chevelure de jais.

Un sourire, des gestes fugaces, des mots échangés sans venin. Les cauchemars qui polluaient leur vie semblaient leur accorder une trêve. Entre ses doigts fins, elle tenait son gobelet et sa cigarette se consumait paresseusement, dévoyant un parfum de toxines dans l’habitacle. Le Lightbreaker. Cela était si lointain, quand elle avait posé ses pieds sur la console et qu’il l’avait briefé avec une ironie mordante sur la bande d’Artorias. C’était ici, pour la première fois, qu’elle avait croisé le regard de Luis Raidun. Et ce regard avait tout changé. Tout comme les yeux suppliant de Lloyd Hope étaient en train de bouleverser toutes ses certitudes.

- Je sais que tu ne resteras pas à l’écart, peu importe que je te l’ordonne ou que je te supplie de ne pas t’en mêler, répondit-elle doucement et des mèches sombres dansèrent autour de sa figure irisée quand elle dévia son minois vers le décor spatial, vers ce vide qu’elle détestait. Tout était si grand et ils étaient obligés de se réfugier dans des minuscules coquilles d’acier.

Elle ne savait pas par où commencer concernant Ch’Hodos. Il y avait tant de choses à dire et en même temps, elle n’était pas sûre qu’il en saisisse la moitié. Non pas qu’il fût incapable de comprendre, mais pour un étranger, tout était toujours si compliqué. Elle se rappelait l’acclimatation difficile sur Jabiim, à se fondre dans une communauté qui n’était pas la sienne.

- Darth Akusha, mon époux, dirigeait Ch’Hodos bien avant cette putain de guerre. Il m’a épousé parce que mon nom a encore une importance sur cette planète. T’es peut-être pas calé en histoire sith, mais Shar Dakhan a été un Seigneur Noir qui a sauvé…il a…(Elle semblait chercher un mot plus convenable) préservé ce qu’il restait des forces Siths au moment où ces dernières se faisaient décimer. C’est un héros. Les Siths n’en comptent pas beaucoup. Il a fondé Ch’Hodos, telle qu’on la connaît du moins. Je suis sensée descendre de ce Sith qui était presqu’un dieu. En tout cas, je porte son nom, son sang, une infime partie de son ADN. Et c’est ce qui fait de moi une personne importante pour Akusha. S’il a une Shar à ses côtés, le peuple de Ch’Hodos ne contesterait pas son pouvoir. Et si je l’épousais, l’Empire donnait des fonds conséquents à Ch’Hodos pour se développer. C’était ce genre de deal. Maintenant, tout a changé, les cartes ont été rebattues. Je n’ai aucune foutue idée de ce qui peut se passer actuellement sur ma planète.

Sa voix se tarit dans une gorgée de jus de fruit et elle trouva un certain réconfort à déposer ses lèvres là où il avait posé les siennes. Sous la réflexion, ses yeux dorés ne devinrent plus que deux fentes pensives que bordaient une forêt de cils noirs. Elle ne disposait d’un réseau d’influence assez grande pour avoir une vue d’ensemble de la situation sur Ch’Hodos et Runà avait catégoriquement refusé de lui apporter son aide.

- Mais je suis sûre d’une chose.

Le filtre de sa cigarette se retrouva pincé entre ses lippes brillantes d’un gloss trop rouge, trop profond. Elle inspira une bouffée de toxines pour rassembler ses idées et de sa bouche coula une fumée blanche et volatile qui s’éparpilla lentement entre eux jusqu’à être aspirée par les recycleurs d’air qui travaillaient à plein régime et dont le grondement lointain tissait une trame sonore apaisante.

- S’il a envoyé Jaden, son petit apprenti, c’est que je dois encore compter. Jaden m’a dit que des poches de résistances loyalistes s’étaient formées. Et ces poches existent parce que j’existe. Il devait m’emmener à Akusha pour que je jure fidélité à Ramken devant mon peuple. Si je ploie le genou devant cet enfoiré, les poches de résistances ploieront elles aussi le genou. Alors, il ne m’arrivera certainement rien. Mais toi

Elle glissa sur lui une œillade inquiète, contemplant sa beauté, sa tignasse blonde qui refusait de suivre un schéma bien rangé. Elle pinça ses lèvres dans un sourire amusé avant de d’enrouler l’une de ses mèches noires autour de son index. Il était temps pour un peu de pédagogie.

- Mes cheveux noirs. C’est un signe de noblesse sur Ch’Hodos. Les Shar ont toujours eu les cheveux foncés. Je sais pas qui a décidé quelque part que la génétique compterait comme ça. Plus tu as les cheveux clairs sur Ch’Hodos, plus tu descends. Et quand on est aussi blond que toi on dégringole tout en bas dans l’échelle sociale. Mais c’est pas le seul problème, Lloyd.

Dana dirigea un regard vers l’écoutille, s’assurant qu’elle était bien fermée et se pencha vers lui après avoir déposé son gobelet vide sur la console et y avoir jeté sa cigarette qui s’était éteinte dans une série de crépitements et d’étincelles. Elle attrapa les deux mains du hapien, une dans chacune de ses paumes et elle pressa fort. Aussi fort que ne l’était son inquiétude.

- Tu es l’apprenti de Laduim et on entre en territoire renégat. Si qui que ce soit apprend qui tu es, ce que tu représentes. Ils te donneront tous la chasse pour avoir l’honneur de rapporter ta tête à Ramken. Et même si Ramken brandissant la tête du chien du Castellan fragilisera un peu plus ce dernier, le précipitant sûrement vers sa fin, c’pas une chose que j’ai envie de voir arriver, ok ? Si tu veux rester, il va falloir ruser.

Elle relâcha l’étreinte de ses mains sur les siennes et se conforta dans son siège, ramenant ses jambes sous elle dans une position souple et féminine.

- Tu serais un esclave parfait. Je pourrais te protéger. Pour de vrai. Personne ne touche à mes esclaves. Akusha ne leur porte aucun intérêt, il a les siens. Je te laisse réfléchir à cette possibilité. En attendant, atterrir dans un lieu discret est le meilleur moyen de se faire repérer. Akusha m’attend. Il va même me dérouler le tapis rouge. Je suis son petit objet de propagande. Je serai moins suspecte si je réponds à son aimable invitation. Le Sans-Visage n’est pas enregistré comme un vaisseau loyaliste non ? C’est un électron libre, ce connard d’Ykis en était persuadé. Et il ne peut pas toujours avoir tort.

Ses pensées défilaient à toute vitesse comme si elle consultait une liste et qu’elle s’assurait de ne rien oublier. Puis elle sursauta sous le rappel d’une réflexion.

- Ah et ! Mumkin. Ton alien. Il sort pas du vaisseau. Ch’Hodos est spéciste. Il reste en stand by à l’astroport, j’me débrouillerai pour qu’on lui apporte tout ce qu’il faut. Et oui, s’indigna-t-elle ensuite. Il avait une cargaison de ces casquettes de cette chanteuse anti-Impériale. Et parce que je suis Inquisitrice je peux pas fermer les yeux sur ça. Le slick, honnêtement je m’en fous, n’importe quelle autre marchandise illégale, c’est pas mon problème. Mais du matériel de propagande anti-impériale j’peux pas. Désolée. Mais je vais accéder à tes…demandes pour tenter d’être un peu plus conciliante.

Un nouveau sourire, plus sensuel, émergea sur ses lèvres charnues et elle s’inclina de nouveau pour que ses doigts glissent le long de la cuisse de Lloyd, à l’image de serpents lascifs.

- Après tout, c’est toi le capitaine. Alors, tu réfléchiras. C’est mon plan de bataille ou bien tu reste à l’écart. Si tu as besoin de trouver du matériel pour bidouiller ton transpondeur et ton matricule, y’aura ptetre de quoi à la station dont parlait Mumkin, mh ? Si tu as tout ce qu’il te faut et bien, je te laisse à tes réflexions mais pas trop fort. Je voudrais pas que tu froisses un de tes si jolis neurones.

La Force frémit autour d’eux, un déclic se fit et l’écoutille s’ouvrit. Dana se redressa et avant d’atteindre la coursive, se retourna dans l’encadrement de l’entrée.

- Je serai à la coquerie. J’ai besoin de faire le plein.

Et elle parlait bien de son gobelet vide. Enfin, elle lui envoya un clin d’œil beaucoup trop suggestif, dont elle avait le secret ; celui qui faisait remonter ses pommettes assombries par une touche de blush et qui rendait tout ce qu’il atteignait beaucoup trop inflammable.



























Le début.




























La fin.































Dana y songea longuement alors qu’elle parcourait la moitié du vaisseau pour rejoindre la coquerie. On pouvait penser que le début avait pris racine sur Artorias, à l’arrière-salle d’un bar clandestin. Ou alors, on pouvait considérer qu’il remontait beaucoup plus loin, dans l’ombre d’un caveau Sith. La fin, en revanche, semblait difficile à estimer. L’Inquisitrice souhaitait repousser cette dernière indéfiniment. Repousser le moment où ils seraient quittes. Repousser l’instant où l’un d’eux succomberait. Elle avait survécu à Damaya Shar. Elle ne voulait pas survivre à Lloyd Hope. Elle ne supporterait pas un nouveau deuil. A cette idée, ce n’était pas glace qui étreignait son esprit, mais le feu. Celui de la passion. Celui de la destruction. Elle serait capable de tout anéantir, de s’anéantir, si la fin se précipitait dans une direction qu’elle refusait. Mais n’était-ce pas là, la puissance de la Force. Darth Runà avait des visions d’avenir, imprécises, mais vraies. Dana, elle, n’avait que son instinct, que ses tripes….que ses sentiments increvables pour le Sith. Il était hors de question qu’elle faiblisse.

Au détour d’une coursive, la masse imposante de Luis jaillit et il rampa jusqu’à ses côtés. Elle croisa ses paires d’yeux sanguinaires et pourtant sinistrement calmes.

Elle tendit la main, comme on l’avait obligé à le faire devant une cage durant son enfance.
Et il ne la mangea pas. Sa paume échoua au sommeil du crâne animal, slaloma entre les épines rabattues. La bête obéissait. Dans le cœur de Dana, c’était devenu une certitude. Elle reprendrait Ch’Hodos et la première chose qu’elle ferait, ce serait reconstruire le zoo de son père.

Et pour chaque créature, un nom.

Il y aurait autant de noms, autant de créatures, que de Luis Raidun.









Mumkin fit retomber sa cuillère dans son pot de glace dès qu’elle était entrée, lui coupant l’appétit. La relation qu’il avait noué avec Dana Shar était beaucoup trop étrange et angoissante. Il se remémorait leur périple dans la forêt de Jabiim, les claques « bienveillantes » qu’elle lui avait administré pour qu’il vive. Il l’avait sauvé au camp Piya. Elle l’avait sauvé sur Jabiim. Cela aurait pu être la fin de l’histoire. Au début de cette dernière, il y avait eu le spécisme de Shar quand elle avait mis le pied sur le Sans-Visage pour la première fois, contre sa coque externe avec un regard méprisant pour Mumkin, si méprisant qu’il s’était senti minable.

- Je viens en paix, cher alien, ironisa-t-elle en désignant le pot de glace. Tu peux continuer de t’engraisser pour nourrir mon nexu.

Ouais, sa relation avec Dana Shar était beaucoup trop étrange. Il l’avait vu nue, avait ressenti du désir, avait commenté ses courbes quand Lloyd l’avait soigné une première fois sur le vaisseau. Mais, quand même, on pouvait dire qu’il avait développé une forme de respect dans toute cette tempête de convoitise et de haine. Elle faisait partie du décor, maintenant. Il grimaça en pensant qu’il s’y était presque fait, mais des voyants dans sa tête continuaient de s’emballer quand elle était dans le secteur et tous criaient la même alarme : celle du danger.

- Ouais ben ça c'est ma façon de pleurer ma cargaison, grogna-t-il.
- Figure-toi que ton patron m’a convaincue…
- Et j’peux savoir comment il a fait (Puis il enchaîna avec un regard entendu) Ah ouais, convaincue de cette façon-là.
- Qu’est-ce que j’ai dit à propos des sous-entendus ? lâcha-t-elle froidement.
- J’sous-entends rien.
- Parfait parce que…


Elle se pencha et lui rafla le pot de glace avant de se servir une généreuse cuillérée qu’elle enfonça entre ses lèvres avec beaucoup trop de lascivité.

Carrément étrange, ouais.

- Je suis prête à te faire une fleur pour ta collaboration avec l’Inquisition. Cette Kiwi.
- Ouais ?
- Je la connais.
- Naaaan ? s’esclaffa-t-il, incrédule.
- On était collègue au Lagon Noir, y’a des années. Si tu veux quand on sera de retour à Kaas City, je t’arrangerai un rencard. Mais plus de casquettes ?
- T’as le sens des affaires, Votre Excellencité.

Elle étira un sourire qu’elle s’empressa de cacher derrière une nouvelle dégustation de crème glacée.

- J'vais vraiment devoir songer à un régime du coup, t'aurais pas des astuces ?

Lloyd Hope
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- Un esclave ?? Mais ça va pas !

Le hapien avait l’air outré. Il se renfrogna dans son fauteuil quand elle partit mais bientôt, en toisant son tableau de commandes, il fit les comptes : il avait eu des réponses, assoupli Dana au sujet de Mumkin et même obtenu de ne pas devoir s’en aller sur-le-champ dès le colis livré. Il décida que c’était plutôt encourageant, pour les dernières heures écoulées.

Il repensa à la façon dont il l’avait briefée le premier jour de leur mission sur Artorias, dans ce même cockpit.
Tant avait changé. En l’occurrence, ce n’était plus lui qui la briefait, mais elle qui se chargeait de cette partie-là. Ce n'était plus elle la prisonnière, mais lui qui devait jouer l'esclave. Mumkin avait raison. Il se faisait mener par le bout du nez.




C’était plaisant.

-------

-------

-------- Bon, t’as gagné, on va pouvoir s’arrêter, à ta station.

Le hapien avait trouvé Mumkin dans la coursive. Le dévaronien venait de se plaquer contre la paroi pour pouvoir passer sans toucher le nexu qui s’était installé en plein milieu, étalé de tout son long, comme si le corridor lui appartenait. Lui avait toujours appartenu.

- Telle maîtresse tel nexu, commenta Mumkin. Un jour ils vous montrent les dents, le lendemain ça demande des caresses.
- Mmh, pas faux.
- Tu disais quoi ?
- La station Astroballe. On peut s’arrêter.

Le dévaronien sembla hésiter.

- Ah. Non ben finalement j’me sens mieux, c’est pas la peine.
- Hein ?
- Ouais ouais j’te jure. J’devais avoir mal digéré un truc. C’est les barquettes-là. C’est plein de produits à auriculaire glycomique élevé.
- Quoi ?

Mumkin croisa les bras et poussa un soupir d’exaspération.

- Il faut qu’on achète des produits frais, Lloyd.

Le hapien cligna des yeux, stoïque. Dans la pénombre du corridor, il voyait la face jaunâtre de Mumkin qu’aucun sourire n’éclairait. Ce n’était donc pas une blague.

- Ah. Ben écoute, t’achèteras ce que tu veux sur la station, c’est toi qui vois, mais on y va quand même. De toute façon techniquement dans le contrat c’est toi qui fais à bouffer, j’te rappelle.
- Hé mais j’le faisais au début, c’est toi qui disais que ma bouffe était dégueulasse et qu’il fallait que j’arrête !
- Ouais, c’est vrai. Immangeable. Achète-toi ce que tu veux mais jette pas mes barquettes, du coup. Bon, tiens.

Lloyd colla une petite liste griffonnée sur un morceau de papier sur le torse de Mumkin qui l’attrapa avec une moue.

- Ça, c’est les autres courses qu’il faut que tu m’fasses. Et on bascule sur le deuxième transpondeur dès maintenant, je veux pas pouvoir être tracé à la station.

Le hapien le laissa planté là, enjamba Luis à son tour pour atteindre sa cabine. Il referma derrière lui, comme Dana était toujours à la coquerie. Il mit les poings sur les hanches en jetant un long regard sur son petit espace de vie. De petits indices trainaient ça et là au sujet de l’Inquisitrice. Pour le reste, il se mit à ranger le bordel laissé par ses soins depuis deux semaines.

-------

-------

-------Il n’avait fallu qu’une heure pour atteindre la station Astroballe. C’était une grande plateforme métallique aux multiples bras, comme une créature arachnoïde entourée de nuées de mouches : de milliers de navettes transitaient, minuscules, allaient et venaient. Dès qu’ils s’approchèrent d’un quai, ils furent assaillis de signes lumineux : des messages publicitaires vantant les attractions de l’endroit, les multiples magasins, les soldes sur certains produits. Astroballe était le genre d’endroits qu’affectionnait particulièrement Mumkin, et dont Lloyd se méfiait comme de la peste. Le genre de coin où quelqu’un pouvait vous verser discrètement quelque chose dans la trappe à carburant pour pouvoir vous indiquer ensuite où faire réparer votre appareil. Généralement, le dévaronien déambulait donc dans cet univers pendant que le Sith… surveillait jalousement son vaisseau.

Cette fois-là, dès qu’ils furent posés, Mumkin descendit de la passerelle en grommelant. Il avait plusieurs listes, qu’il avait enregistré sur son bloc de données, et il en avait probablement pour quelques heures. Lloyd lui faisait confiance pour prendre son temps : le dévaronien aimait bien chiner à la recherche de pièces de rechange d’occasion pour le Sans Visage. Dès qu’il disparût au bout du quai, perdu dans la foule qui se pressait à l’entrée d’une longue galerie commerçante, le hapien jeta un regard autour du vaisseau pour y détecter une quelconque silhouette suspecte, mais il n’y avait rien de spécial. Alors il retourna à l’intérieur en refermant la passerelle, et se mit à la chercher.

Ces dernières heures, il l’avait ignorée royalement. A dessein. Il avait vu ses regards suggestifs, mais il avait fait comme s’ils n’existaient pas. Il savait qu’elle était dans la coquerie, et était soigneusement resté dans le cockpit ou sa cabine. Ou bien il la savait dans la cabine, alors il s’était réfugié dans la salle technique.

Il avait besoin de réfléchir. Et éventuellement, autant qu’elle fut aussi frustrée que lui avait pu l’être à chaque fois qu’il s’était fait allumé gratuitement sans rien derrière. Quelques heures plus tôt il avait grignoté des noix de Vjun, réfugié sous la machinerie, avec un sourire accroché aux lèvres à cette idée. Mais peut-être qu’elle n’avait rien remarqué. Ce n’était pas impossible.

Bref. Cockpit : vide. Cabine : vide. Coquerie : vide. Comme Luis n’était pas là, il supposa que Dana se trouvait dans la soute. Il s’y glissa en silence. Les néons de la pièce jetaient une lumière blafarde sur les caisses et les congélateurs. Le nexu était sagement assis sur l’une d’entre elles et ne quittait pas l’Inquisitrice de son regard rouge. Elle avait ouvert le congélateur qui contenait la viande et se tenait dos au hapien.

Lloyd avala rapidement la distance qu’il les séparait avant qu’elle n’ait eu le temps de faire un geste. Il apparut dans son dos et il referma le congélateur d’un coup sec. De son autre main, il avait attrapé l’Inquisitrice par la taille et il s’échina ensuite à lui saisir les mains pour que ses deux poignets fussent emprisonnés par sa poigne. Il la plaqua contre le congélateur, son corps pressé contre ses courbes et son buste accompagna la chute en avant de l’Inquisitrice. L’odeur de ses cheveux l’enivrèrent et il referma un bref instant ses dents sur la nuque de l’Inquisitrice en un geste conquérant.

- Le grand méchant a quelque chose à terminer, murmura-t-il d’une voix rauque.

Ses mains parcoururent le cuir noir, ses doigts creusant des sillons dans le tissu et, à travers, dans la peau de Dana. Il pressait son bassin contre sa croupe en l'embrassant ses épaules et le son de sa voix de Dana attisa soudain le besoin de son corps de se repaître d'elle. Il inséra un genou entre ses cuisses pour la rehausser avec brusquerie sur le congélateur, et…

- AAAH !

Il la lâcha soudainement. Une douleur fulgurante venait de traverser sa cuisse. A peine baissa-t-il le regard qu’il vit les longs crocs du nexu plantés dans son pantalon, où perlait déjà de multiples sillons de sang pourpre. Luis voulait défendre sa maîtresse, Luis ne voulait pas lâcher.

- AAAH ! Mais putain lâche-moi !!!

La douleur fit se plier en deux le hapien. Quand il tirait sur sa jambe, Luis serrait plus fort encore pour empêcher toute fuite, et la douleur devenait plus insoutenable encore. Lloyd essaya de glisser ses doigts dans la mâchoire du nexu pour le faire lâcher. En vain.

Darth Hope
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Dana se retourna vivement, les paumes appuyées sur le bord du congélateur. Les empreintes de Lloyd étaient encore vivides sur le cuir de sa robe, contre sa peau frémissante, mais le spectacle qui s’offrit à elle la fit blêmir et elle se précipita les yeux écarquillés d’inquiétude et de colère.

- LUIS !

Dans le cri, plus de colère que d’inquiétude.

- Lâche-le ! cria-t-elle et la Force résonna dans sa voix tant elle s’était connectée à elle, emportée par la rage, par la destruction. Comme à chaque fois qu’il s’agissait de perdre Lloyd Hope. La gueule du nexu se désolidarisa de cette malheureuse jambe et Luis recula, s’aplatissant au sol, coupable. Il se mit à geindre, ne comprenant pas l’origine de l’ire de Dana alors qu’il avait simplement veillé à la protéger.

Quand elle se dépêcha vers le hapien, il s’était assis dos appuyé au congélateur et la jambe tendue, une grimace de douleur flottant sur ses traits magnifiques. Elle avisa tout le sang qui poissait le pantalon du Sith et se pinça les lèvres avant de tancer la créature d’un regard noir.

- Dégage. VA T EN !

Une étrange hystérie l’avait gagnée, la rendant menaçante. Luis grogna ce qui aurait pu ressembler à une excuse et fila. Il traversa le vaisseau à toute vitesse pour se réfugier, en boule, dans le cockpit afin de ruminer. Sur ses crocs jaunâtres luisait encore le sang de Hope.



L’un des néons de la soute s’essoufflait. Il clignotait lâchement, et l’endroit alternait entre période de pénombre et de lumière blême. Réfugiée contre le congélateur, à peine frappée par la lueur tanguant, l’Inquisitrice s’évertuait à lécher les plaies. Un rideau de mèches ténébreuses couvrait son profil tandis qu’elle était penchée sur la jambe blessée, un kit de premiers soins ouvert non loin. Elle avait réussi à déchirer le tissu noir et ses mains avaient viré vermeilles quand elles avaient trempé dans l’hémoglobine tiède. Les crocs s’étaient plantés assez profondément pour rendre le tout impressionnant. Elle se pinça les lippes et détourna sa figure vers Lloyd, à la fois amusée et sérieuse. C’était une expression qui lui allait bien car quand elle s’empêchait de sourire, sa cicatrice à la lèvre se pliait d’une drôle de façon.

- Je crois que…tu vas perdre ta jambe, souffla-t-elle avec une gravité surjouée.




Agenouillée près de lui, ses mains fouillaient le kit à la recherche de compresse, d’eau oxygénée. Il eut un sursaut quand elle déposa la première compresse sur la blessure.

- Désolée, souffla-t-elle derrière son sourire provocateur, sans le regarder.

Les soins étaient machinaux. Malgré ses gestes délicats, elle manquait d’expérience et ses capacités médicales étaient vite limitées par son manque de connaissance. Cependant le kit de premiers soins permettait d’appliquer une médication simple, à la portée du tout-venant. Ce serait suffisant, le temps de faire mieux. Elle observa son œuvre, dubitative avant de passer une main sensuelle dans sa longue chevelure noire, celle qui était signe de noblesse et que le sang de Lloyd souillait désormais.






Lloyd Hope
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Le dévaronien avait déjà récupéré deux gros sacs de marchandises quand il décida de s’arrêter faire une petite pause au Double Serpent, une cantina dont le nom l’inspirait. C’était un petit établissement coincé entre deux grosses échoppes, avec des écrans passant pour certains des courses de pods et pour d’autres des danses lascives exécutées par des twi’leks dont l’âge ne devait peut-être pas dépasser la majorité. Il s’affala sur une banquette vide et commanda un Bloody Kiwi à un droïde qui encaissa ses crédits avec un remerciement dans un basic un peu rouillé avant de déposer devant lui un grand verre rempli d’un liquide vert pétillant.

- Merci. C’qui est bien avec les droïdes, commenta-t-il à l’attention du besalisk qui occupait la banquette voisine, c’est qu’ils connaissent tous les cocktails, même ceux pas très connus.
- Boaf, les Bloody Kiwi c’est pas si inconnu, répondit de bon cœur l’alien, avec un rire qui secoua ses multiples replis de peau.
- C’est pas faux.

Le dévaronien trempa ses lèvres dans le cocktail avec un grognement de satisfaction, avant de sortir d’une petite poche intérieure de son veston un petit papier plié. L’écriture fine du hapien s’y étalait en plusieurs points et il dut froncer les sourcils pour tout déchiffrer : Mumkin n’avait pas trop l’habitude de lire autre chose qu’un datapad.

- Alors ça, j’ai. Ensuite ça ok je passe le prendre dans le quartier de l’électronique, et…

Il fronça les sourcils. Il tourna le papier pour essayer de lire dans un autre sens avant de le redresser, perplexe. Mais visiblement, il avait bien lu du premier coup.

- Le patron il dérape complètement là, maugréa-t-il entre ses lèvres.

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La douleur était toujours intense, mais il tâcha de se maîtriser. La compresse appliquée était gorgée d’un antiseptique qui picotait les perforations multiples que le nexu avait creusé dans sa chair. Mais l’attention du hapien était avantageusement détournée au profit d’un spectacle qui le faisait frémir. Il eut envie de bouger mais à peine se mût-il sur la caisse que sa jambe l’élança douloureusement.

- C’est pas juste, grogna-t-il, mais ses yeux ne quittaient pas le spectacle.

Il était bien décidé à ne pas en perdre une miette. Qui savait de quoi leur avenir serait fait ? Il fallait prendre tout de ces instants. Alors il se laissa aller en arrière et son dos rencontra, derrière la caisse, la paroi contre laquelle il put se laisser reposer. Il passa ses deux mains rougies de sang derrière sa tête pour soutenir son crâne dans une posture de détente. Le sang et la brève grimace de douleur racontaient une autre histoire, mais il laissa échapper entre ses lèvres un sifflement impressionné.

- J’ai réservé la pole danseuse de l’Egide rien que pour moi, commenta-t-il, narquois. Tu sais pas combien de centaines d’officiers impériaux rêveraient d’être à ma place.

Il y avait une pointe de fanfaronnade dans sa voix et un sourire étira ses lèvres que Dana avait marqué du sang du hapien.

- Je dois te faire une confession, dit-il subitement.

Alors que Dana faisait un tour sur elle-même, dans un mouvement lascif, il crut que le Sans Visage venait de faire une vrille dans les airs ; le creux de son ventre avait remué comme face à une sensation trop forte et il se mordit la lèvre à travers son sourire avant de poursuivre.

- Ce soir-là, j’y ai été un peu fort avec Aarian parce que… Bah, t’étais tellement… Hum. Tellement…

Il réfléchit un instant, faisant mine d’être distrait par les doigts qu’elle fit doucement courir sur les courbes de sa poitrine, mais il cherchait le bon mot. Ou bien, le mot qui ne le trahirait pas trop. Les mots n’avaient jamais été ses alliés mais, il pouvait trouver quelque chose d’approprié.

- Tellement majestueuse que je trouvais insupportable la seule idée qu’un sergent bas de gamme comme lui ait pu toucher ta peau.

Lloyd haussa les épaules.

- Pas que je vaille mieux hein. Mais au moins je sais quand ce que je touche est précieux.

Il repensa un instant au petit con qui s’était amusé à baiser la main de Dana sur l’Egide, dans le mess, et au goût de l’alcool qu’il avait bu avec Antarxarxès. Quelle soirée de merde, quand même. Et en même temps… C’était quand il avait vu ce spectacle qu’il avait pris conscience de son attirance absolument déraisonnable.
- Ce sera quoi mon nom d’esclave, ma princesse de Ch’Hodos ? souffla-t-il à voix basse. Parce que là je crois que je suis prêt à être asservi.
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- Aarian était celui d’entre eux tous qui méritait le moins tes coups..

La voix de Dana avait vibré dans la coquerie. L’eau d’une douche récente coulait encore le long de sa chevelure noire. Elle portait un t-shirt, bardé des insignes de la Marine impériale et ses jambes dénudées étaient croisées sous la table. Une barquette fumante patientait devant elle, mais elle était occupée à fumer. Son regard heurta celui de Lloyd assis à ses côtés.

- Mais…il n’aura jamais fait ça pour moi.

Elle attrapa sa fourchette et la planta brutalement dans le contenu de la barquette brûlante.


- Le passé est le passé. Tu comptais les tuer comme tu as tué Orzak, sur Korriban. Tu l’as tué parce que tu passais là et que tu t’ennuyais et que tu m’avais vu travailler dur…par simple caprice, résuma-t-elle sans animosité.

Car le passé est le passé. Du moins, le croyait-on. Mais il y avait des passés plus douloureux que d’autres.

- T’étais pas là quand tous les Luis Raidun ont fait ça. C’est trop tard. Ce qui compte, c’est ceux qui vont arriver. Dis-moi juste que…

Elle cueillit une portion de purée et l’enfonça dans sa bouche, mastiquant pensivement, oubliant la brûlure de l’aliment trop chaud. La suite de sa phrase fut définitivement perdue dans une seconde bouchée. Elle mangeait avec appétit, contrairement à Mumkin, les barquettes semblaient lui convenir. Elle déglutissait ce conglomérat de molécules synthétiques et de protéines artificielles que le four avait irradié durant des centaines de secondes. Le goût âcre l’aidait à réfléchir. Elle tentait de rassembler des mots, de les mettre les uns à la suite des autres, comme on emboiterait laborieusement les pièces d’un puzzle. Mais l’image escomptée ne se créait pas. Trop de pièces aux angles incompatibles. Trop de mots. Cela risquerait de devenir un coulis inavouable.

- Merci, fut ce qu’elle réussit à sortir. Quand on était dans le bunker et que t’es redescendu, si tu m’avais pas trouvé. Je serai sans doute morte, dans cette position…sur ces tuyaux..T’as sauvé ma vie, t’as sauvé tellement plus aussi. T’es vraiment…

Elle esquissa un sourire narquois.

- Le genre de coéquipier que tout inquisiteur rêverait d’avoir hein ? Et personne réchauffe les barquettes comme toi. C’est un sacré don.

Pour joindre le geste à la parole, elle se resservit une bouchée et elle lécha sa fourchette jusqu’à effacer toute trace de miette, comme elle avait nettoyé son pouce, une heure plus tôt.

- Un don qui t’a été octroyé par le Côté Obscur, se moqua-t-elle, j’en suis sûre. Mais parlons un peu de Vance…

Sous la table, son pied nu avait fondu contre la jambe blessée du hapien et dessinait contre elle des cercles lents, soulevant un peu le tissu de son nouveau pantalon.

- Tu es d’accord pour jouer mon esclave. Alors tu vas devoir apprendre les codes culturels de ma planète. Je serai ta maîtresse, mais une personne de mon rang pourra te donner des ordres en mon absence et il faudra lui obéir, heureusement ces personnes sont peu nombreuses. Je ne sais pas dans quelle disposition sera Akusha, sans doute très contrarié que son épouse ai infligé une défaite au camp de celui dont il lèche sans vergogne le cul. Quoiqu’il arrive, il ne faudra pas intervenir. Je gère Akusha, seule. J’ai l’habitude. Derrière ses airs de vieux sénile, il me déteste. Donc si tu as des questions, c’est le moment. Ah et…

Elle se pencha vers lui et présenta une portion de barquette à la bouche de Lloyd, amusée. Ses yeux dorés pétillaient.

- Un esclave ne couche pas avec sa maîtresse, c’est strictement interdit. Je vais t’épargner le sort réservé à ceux qui ont tenté. Un esclave n’a pas droit à des armes. Donc ni blaster, ni sabre-laser. Ni…Force. Akusha serait capable de détecter que tu es un Sith, alors il va falloir te tenir éloigné de lui.



Lloyd Hope
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- Tu te moques ou c’est un vrai merci ? grommela-t-il.

Il avait chipé avec les doigts un petit morceau de viande qui dépassait de la barquette fumante. Il l’écouta sagement jusqu’à ce qu’elle lui mît une bouchée dans la bouche. Il mastiqua en grognant.

- Pas le droit de te toucher, pas le droit d’intervenir ? … Qu’est-ce qu’on va s’amuser, dis donc. J’ai bien fait d’en profiter un peu.

Il soupira, passa ses mains sous la petite table pour attraper le pied nu de Dana qui jouait contre son pantalon. Il le fit venir sur son genou, le massa paresseusement.

La coquerie était plutôt bien rangée. Depuis que Dana vivait ici, et qu’après Jabiim elle avait fait un peu de tri et de ménage, Lloyd et Mumkin avaient tous deux fait un effort pour garder l’endroit correct. L’un par orgueil, l’autre par crainte. Mais le dévaronien avait accroché au-dessus de l’évier une image de sa sœur et son compagnon unis sur la plage. Un cliché qui avait été pris juste après que le drap se fut envolé sur le lac, et les deux dévaroniens sur l’image resplendissaient d’un bonheur durable auquel ni Lloyd ni Mumkin ne pensaient avoir droit. Le hapien n’aimait pas trop cette image, mais son pilote était un peu sentimental. Il comprenait ça.

- Ok pour Akusha, ok pour la Force. Ok pour Vance. Mais je me disais qu’on pouvait accorder nos violons sur mon origine. Je peux être un esclave que tu as acheté récemment quelque part ? Ça expliquerait ma méconnaissance de Ch’hodos. Je pourrai dire aux autres esclaves que je suis encore en formation, en quelques sortes. Kaas City par exemple ? Un ex-escort boy, ayant appartenu à d’autres maîtres, sur lequel tu aurais… craqué ?

Il avait appuyé le dernier mot avec une pointe de provocation. Ses yeux émeraudes pétillaient encore de la même lueur que Dana avait allumée en lui un peu plus tôt, quand il l’avait… prise sur le congélateur. A quelques mètres d’un Jaden Ashar dont Lloyd espérait que les morceaux s’étaient bien retournés dans leur tombe glacée.

- Ah oui, et pas un hapien. Ça mettrait trop la puce à l’oreille de quelqu’un qui nous aurait déjà croisés. On ne sait jamais. Je suis donc juste un humain.

Il croisa les prunelles de Dana et y fut un instant hameçonné. Il savait bien que c’était l’un des pires deals qu’il n’avait jamais accepté. Après celui de Laduim. Changer temporairement de maître, pour devenir un esclave… Si Dana voulait le piéger, cela deviendrait extrêmement facile. Mais il était déjà prisonnier d’une toile qu’elle avait entortillé autour de lui depuis un bout de temps et il n’avait plus trop de choix à part lui faire confiance.

- Ça me fait penser… Il va falloir changer nos codes. J’peux pas vraiment dire à la princesse de Ch’hodos de m’allumer ou de m’embrasser, du coup, dit-il avant de s’interrompre un instant pour prendre une nouvelle bouchée que Dana fourrait dans sa bouche. Ch’est dommage. Je les aimais bien.

Il mastiqua un instant pensivement. Ses doigts traçaient sous la voûte plantaire de Dana des lignes pour la détendre, comme s’il anticipait un travail sur lequel il devait s’entraîner.

- Il faut que tu me dises aussi quelles sont les tâches de tes esclaves. Que je sache à quoi m’attendre. Et t’en fais pas trop pour moi là-bas. Je me fondrai dans le décor. Ça pourra pas être pire que Dathomir.

Il baissa les yeux un moment. Le souvenir de leur accouplement sous la tente. La découverte du tatouage. La journée à la mine. La fatigue écrasante qui l’avait terrassé, jusqu’à ne pouvoir faire autrement que de s’endormir dans le lit de la chasseuse. Il avait été un très mauvais mâle soumis. Il faudrait faire mieux cette fois. Et dire qu’il avait quitté Hapès depuis si longtemps, pour être de nouveau rétrogradé au rang de mâle exécutant. Et dire qu’une part de lui se soumettait sans équivoque à cette situation absurde.

- Ah oui, et, dernière chose. Mumkin ne fera que nous déposer. Ensuite, il se mettra en stationnaire en orbite éloignée du système. Il y sera beaucoup plus en sécurité et on ne peut pas prendre le risque que quelqu’un fouille ma soute en laissant le Sans Visage à l’astroport. Je vais lui demander de…

Ponk.

Le hapien lâcha à regret le pied qu’il massait tranquillement pour se lever.

Ponk, ponk, ponk. La voix de Mumkin, étouffée, leur parvint. Lloyd courut le long de la coursive et enclencha l’ouverture de la passerelle. Dès que les cornes du dévaronien apparurent, ce dernier se mit à jacasser.

- Mais t’avais verrouillé la passerelle ? Pourquoi ? Ah me dis rien je veux pas savoir ! Bon j’ai presque tout trouvé y’avait juste pas d’huile moteur mais bon je pense qu’avec ce qu’il nous reste ça devrait aller pour un moment. J’ai trouvé les fusibles qui nous manquaient la dernière fois tu sais les gros là ? Ah puis j’ai trouvé ta… commande spéciale mais franchement, j'ai galéré et ça a coûté une blinde. Tu pourras pas dire que c’est pas fin ou j’sais pas quoi parce que là vraiment j’ai mis le paquet mais ça va te coûter cher mon vieux t’as intérêt à avoir fait du stock sur ta carte de crédit mais tu pourras vérifier hein j’ai gardé les tickets j’ai pas fait d’extras ! Donc les dépenses là elles ont explosé mais je te jure c’est tout à cause de ton machin de luxe. Et j’ai pris toutes les provisions que t’as indiqué mais ça faut beaucoup nan ? Tu comptes tenir un siège ou quoi ?

Lloyd fut obligé de se serrer pour faire de la place à Mumkin qui passait avec tout un tas de sacs. Il tirait même derrière lui une caisse à roulettes et il ne dépassait de tout ce fatras que son visage cornu et ses mains griffues.

- Nan, c’est toi qui va être seul un long moment, je voulais pas que tu sois tenté de te poser quelque part pour des raisons aussi futiles.

Mumkin laissa tout tomber au beau milieu de la coursive tandis que le hapien refermait la passerelle en actionnant la commande d’un geste d’habitué.

- Heu… Long comment ? Mais pourquoi ? On la dépose sur Ch’Hodos et on s’en va on a dit… Nan ? questionna-t-il avec une mine déçue peinte sur sa face un peu grossière.
- On a un peu changé les plans.
- Elle te mène par le bout de la…
- Ouais, je sais. Viens, on va t’expliquer ce que tu dois savoir. C’est-à-dire, pas grand-chose. T’avises pas d’essayer d’en savoir plus que tu devrais en posant des questions à Dana en mon absence.

Lloyd avait commencé à remonter la coursive mais le dévaronien traîna le pas derrière lui.

- Tu boites nan ?
- Ouais. Luis m’a mordu.

Mumkin s’esclaffa avant de redevenir sérieux.

- Bête de malheur ! J’espère que Dana t’a chouchouté pour s’excuser, au moins. Hé, siffla-t-il soudain à voix basse. J’pourrai la voir dedans ?
- Pose encore une fois la question et cette nuit tu dors dans le congélateur avec les morceaux de l’autre type qui a été trop curieux.

Le dévaronien haussa les épaules : ça valait le coup d’essayer.

Quand les deux comparses arrivèrent dans la coquerie, Dana avait terminé sa barquette. Le tshirt à l’insigne de la Marine impériale s’était foncé là où les cheveux humides de l’Inquisitrice avait dégorgé. Il flottait encore une odeur d’aliments chauds dans la pièce. Le hapien alla s’adosser à l’évier en croisant les bras. Mumkin hésita un instant avant de s’asseoir sagement devant l’Inquisitrice. Il se pencha légèrement vers elle au-dessus de la table.

- J’ai acheté des barquettes allégées, lui confia-t-il avec un air sérieux.
- Mum, écoute-moi bien. Dana et moi, on va descendre sur Ch’Hodos tous les deux. Pour quelques jours. Voire quelques semaines, on sait pas trop.

Le dévaronien tourna vers Lloyd son regard blasé.

- Et Luis ? Vous le prenez hein ?
- Oui. Et Luis. Bon, pendant ce temps-là, je serai probablement pas en mesure de te contacter. Et en plus, tu peux pas te montrer du tout sur cette planète. Ils sont spécistes et c’est trop dangereux. ET je veux pas perdre ma cargaison bêtement. Donc tu vas te mettre en orbite du système pour rester le plus loin possible mais dans le champ de communication. Tu fuiras toute présence, tu ne fais confiance à personne, même si on t’appelle pour du secours, tu fais le mort. Ok ?

Il existait une règle universelle dans l’espace : si un vaisseau dérivait, on lui portait assistance. Si c’était l’ennemi, il échouait prisonnier. Mais entre navires marchands, par exemple, cette règle était sacrée et Mumkin et Lloyd la respectaient généralement. Mais pas cette fois. Il savait que ça ne plairait pas au dévaronien mais ils étaient en territoire renégat et il ne pouvait prendre aucun risque.

- Tu veux dire que je vais rester tout seul pendant un mois ? A parler à personne ?
- Tu peux activer et paramétrer le droïde si tu veux.

Le robot assassin avait été entreposé dans la soute depuis qu’il l’avait eu. Lloyd n’avait pas eu envie de l’activer. Pour bien faire, il aurait voulu démonter entièrement le droïde pour vérifier que personne, et notamment Darth Laduim, n’avait dissimulé une puce ou un autre dispositif d’espionnage. Mais il comprenait bien la solitude que Mumkin allait expérimenter.

- Et t’as qu’à en profiter pour écrire à ta famille. Tu leur passeras le bonjour, de la part du Sith et de la femme de ménage. Puis si ça tombe ce ne sera que quelques jours. Si t’as pas de nouvelles au bout d’un mois, t’es autorisé à retourner un peu en territoire loyaliste. Dromund Kaas, pas ailleurs. Puis tu reviens au cas où on a besoin de toi.

Au bout de combien de temps Mumkin était-il censé abandonner Lloyd définitivement ? Conclure qu’il était mort et qu’il ne servait plus à rien d’attendre ? Ils n’avaient jamais discuté de cela précisément. Une fois, le hapien avait parlé d’un « délai raisonnable », mais ça ne voulait rien dire pour le dévaronien. De toute façon, il fallait que le capitaine revint vivant, sinon il était au chômage. Et ce serait trop la honte devant les cousins.
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- Bah, j’vais ranger les courses hein. J’présume que vous devez parler de vos trucs avec Ch’Hodos.
- Mumkin, l’appela-t-elle d’une voix tellement sèche qu’il se raidit. Finalement, elle laissa échapper un sourire amusé. C’est bien, pour les barquettes allégées.

Puis elle balaya l’air de la main en sa direction pour lui signifier de les laisser. Les pas du dévaronien se répercutèrent en écho dans la coursive, jusqu’à ce que le silence retombe. Dana pivota sur la caisse qui lui servait de siège pour toiser Lloyd plus loin. Progressivement, son sourire fana et elle leva les yeux vers l’holographie qui trônait au-dessus du coin lavabo. C’était incongrue, mais elle avait l’impression que cela rendait l’endroit plus sécurisant, moins impersonnel.

- Mes esclaves et bien font des trucs d’esclaves tu sais. Ils réparent les speeders, les droïdes, s’occupent de l’entretien de la Forteresse en général, de faire les courses, la cuisine….de mon bain. Pour les privilégiés d’entre eux, cela va de soi. Rien de bien compliqué.

Un sourire revint sur ses lèvres. Il était plus contrit comme si elle n’osait pas tout lui dire et que le mensonge par omission passerait mieux si elle souriait. Il ne serait peut-être pas dupe mais, certaines choses demeuraient bloquées dans sa gorge que l’incertitude nouait. Elle voulait paraître confiante et assurée, mais beaucoup de paramètres pouvaient faire pencher la balance en leur défaveur.

- Je te mettrai quelque part où on ne risquera pas de faire attention à toi, d’accord ? Si je t’accorde une position de prestige, les autres se méfieront. Tu seras vu comme une espèce d’opportuniste, les esclaves ont leur code, enfin il paraît. Moi j’ai toujours fait que leur donner des ordres, et ils ont toujours été là pour réaliser mes volontés depuis ma naissance. Et…

Elle prit une profonde inspiration et se releva, nouant ses mains devant elle. Le bracelet aux trois serpents dansa autour de son poignet tandis qu’elle se rapprochait de lui.

- Gardons le fait que j’ai craqué pour Vance entre nous, d’accord ? fit-elle, taquine. On ne fonctionne pas comme Dathomir ou Hapès, nos esclaves mâles ne sont pas des reproducteurs ou seulement…

Silence. Elle abaissa les yeux pour masquer la jalousie qui en brûlait la couleur.

- Ou seulement avec d’autres esclaves pour donner naissance à d’autres esclaves, mais tu ne seras pas concerné. Et le plus souvent, ce sont les marchands d’esclaves qui pratiquent ce genre de choses. Non…je t’ai acheté parce que…

Dana tendit son bras et deux doigts coururent le long du pull qu’il portait.

- Tu es fort et robuste. Un peu bête, mais plein de ressources. Et puis, une Shar ne rend pas de compte sur ses achats. La Forteresse de Shar Dakhan est mon fief, assura-t-elle, levant sur lui un regard sévère. Ce n’est pas le Temple de Kaas City, personne ne contrarie une Shar dans son palais alors, cela ira. Tu as bien fait pour ton alien.

De nouveau, son attention se perdit sur le cliché représentant une idylle lointaine, sur Jabiim, que deux sourires concrétisaient.

- Lui il n’est pas Sith, il a une famille qui attend après lui. Te trompe pas, je suis pas devenue sentimentaliste, c’est juste que. Je vois bien que tu tiens à lui. Et d’autres personnes tiennent à lui j’ai aucune raison qu’il lui arrive quelque chose. Je vais juste sonder le terrain d’accord, voir s’il y a la moindre faille dans laquelle je pourrais m’engouffrer. M’assurer que Ch’Hodos va bien et on rentrera.

On. Rentrera.
Sous-entendu : elle et lui.

Sa paume lissa un pli du pull alors qu’elle arborait une mine pensive.

- Enfin, si tu veux bien que je revienne avec toi. Sinon, il me restera plus qu’à jurer fidélité à Ramken et j’aurais une bonne raison d’aller chercher la tête de ton maître.

Elle se hissa sur la pointe des pieds et déposa ses lèvres au coin de la bouche du hapien, avant de quitter la coquerie.





Dana était assise en tailleur dans son ancienne cabine où elle entreposait les affaires qui n’avaient pas de trouver de place dans l’espace privé du capitaine. Face à elle, posé au sol, un datapad ancienne génération. Le coin de l’écran portait la marque d’un coup. Avec les années et la rivière furieuse du temps qui s’écoulait, elle avait perdu ses biens les plus précieux. Des souvenirs qu’elle avait emporté avec elle quand elle avait fugué de Ch’Hodos une première fois. Des mémoires qui avaient réchauffé son cœur d’adolescente en perdition que la grisaille de Kaas City avalait. Qui lui avaient donné le courage d’affronter les néons du Lagon Noir. Tous les matins, en revenant dans le dortoir, elle se réfugiait dans son petit lit et consultait ces souvenirs. Aujdourd’hui, il ne lui restait plus que ce datapad. Elle ne l’avait pas allumé depuis son entrée dans l’Inquisition Sith. Son doigt enclencha l’appareil et la voix de Damaya Shar surgit :

- Tu devineras jamais où je suis..

Les lèvres de Dana se mirent à trembler. L’image de son aînée flottait sur l’écran holographique. Soudain, la voix de Damaya changea, tout comme son visage que déformèrent la douleur, l’incompréhension. C’était une illusion, elle le savait mais elle n’arrivait pas à dévier ses yeux du datapad.

- Tu vas mourir aussi, lui dit soudainement le cadavre de sa sœur.

Elle éteignit le pad d’un geste vif, comme si elle venait de se brûler la rétine. Elle n’était finalement pas prête à confronter le souvenir de sa sœur. Il n’avait plus rien de réconfortant, parce qu’elle avait tardé à lui rendre justice. Qu’à la place, elle se dévoyait, chienne de Runà, chienne de Ch’Hodos….

Chienne de Lloyd Hope soufflaient les lèvres délicates de son aînée.

Elle repoussa le datapad éteint d’un geste furieux.

- Au moins, je suis pas la chienne d’un Jedi, siffla-t-elle dans un murmure amer.








Dana activa l’ouverture de l’écoutille d’un coup d’épaule contre le panneau de commande, parce que ses deux mains étaient occupées. Elle tenait de verres de ponch offert par Ruth. Son pas félin glissa dans la cabine de Lloyd. La guirlande autour de la couchette était allumée, toujours aussi rouge que le sang qu’ils avaient partagé dans la soute. Le reste des lieux était paisible. Elle remarqua qu’un ordre sommaire régnait, comme si le hapien avait rangé cet espace. Elle en fut presque impressionnée.

- Prêt pour la suite du birefing, capitaine ? lâcha-t-elle avec une ironie mordante. Parce que j’ai de l’alcool, oups, du jus de fruits.

Elle entendit du bruit dans la salle d’eau et il émergea, refermant son pantalon dans la foulée. Elle arqua un sourcil et se pinça les lèvres. Il y avait aussi ce genre d’intimité dans une cohabitation. Elle se dépêcha de lui tendre un verre, raidie par quelque chose qui ressemblait à de la timidité. Le même genre de timidité qui avait fait rougir ses joues lorsqu’il avait dévoilé son briquet au monde entier sur Jabiim.

- Je suis un peu nerveuse. La dernière fois que j’étais sur Ch’Hodos c’était avec le Général Takeda. Ca remonte a des mois et des mois. Il y a une dernière chose dont je dois te parler.

D’où l’alcool.

- Ma mère.

Et là, c’était le moment de prendre une profonde gorgée de jus de fruits.

- C’est une Sith. Et une espèce de veuve noire sortie tout droit d’un holofilm lugubre et cliché, déplora-t-elle en s’asseyant en tailleurs sur la couchette. C’est officiellement elle qui dirige la Citadelle. On a des relations plutôt houleuses, pas du genre à faire du shopping ensemble si tu vois ce que je veux dire. Je la déteste. Vraiment. C’est une lâche. Et elle a jamais aimé Ch’Hodos. Si tu la croises, tu devras lui obéir. Mais s’il se passe quoique ce soit, tu dois me prévenir. Que je la remette à sa sale petite place de salope au cœur de pierre.

Dana devenait acide. Parler de sa génitrice remuait tout un tas de haine au fond de ses trippes et ce remoud lui donnait envie de vomir.

- Pour le code. On peut garder face de mynock ? Je t’enverrai Luis, ne fais confiance qu’à lui.

Elle déposa le verre sur une tablette non loin du lit et détacha la lanière de cuir qu’elle portait à la cuisse. Dana se déplaça jusqu’au bureau, elle ouvrit les tiroirs. Une seringue de slick. Elle referma. En ouvrit un autre pour trouver une lame, un couteau. Elle s’en servit pour découper le morceau de cuir en deux. Elle en noua une moitié à sa propre cheville et se rapprocha de Lloyd pour passer l’autre moitié autour de son poignet.

- Il t’obéira un peu comme ça. Il sera notre moyen de communiquer. S’il se passe quoique ce soit il nous guidera l’un à l’autre. Je répondrai toujours au code, tu sais. On serait pas une véritable équipe sans ce code.


Lloyd Hope
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Lloyd trempa ses lèvres, pensif, dans le verre de ponch.

Entre papa qui élève des nexus, la mère qui a l’air d’être une salope et la sœur qui s’est tapé un Jedi avant de se faire éventrer par lui, elle est vachement sympa ta famille.

Mais il garda ces propos pour lui. Il ne servait à rien de remuer ce que Dana savait certainement déjà. Il haussa les épaules.

- Ok pour garder le code, alors.

Le Sans Visage se mit à vibrer sous leurs pieds. Lloyd connaissait par cœur le langage de son vaisseau : c’était le moteur en sous-régime lorsque Mumkin ralentissait un peu trop brusquement. Et un tel ralentissement signifiait…

- On arrive dans le système, dit-il d’une voix posée, sérieuse. J’ai demandé à Mumkin de faire une approche tranquille, pour ne pas attirer l’attention. Ca va prendre quelques heures de traverser le système pour atteindre ta planète.

Il avait un peu incliné le visage, son front plissé tandis qu’il la contemplait d’un air inquiet.

- J’aimerais bien te dire que ça va bien s’passer mais j’en sais absolument rien et par principe, mieux vaut être trop prudent que pas assez, dit-il de but en blanc.

Le genre de déclarations que Mat’ lui aurait reproché. Elle n’aimait pas qu’il se montrât parano comme elle disait mais le hapien remit la twi’lek dans un coin de son esprit. Chaque chose devait rester à sa place. C’était la condition pour rester un fou raisonnable, sinon il ne saurait plus se tirer des torrents désordonnés qui grondaient dans sa tête depuis qu’il était… Un boucher.
Donc depuis longtemps.

- Tu devrais en profiter pour te reposer un peu.

Ses yeux parcoururent la couchette, éclairée par la guirlande rouge et il était impossible de ne pas penser à ce qui s’était passé entre eux à cet endroit. Il y eut un silence un peu tendu entre eux, et le hapien essaya de se convaincre que ce n’était que parce que Ch’Hodos les rendait nerveux tous les deux et que ça n’avait rien à voir avec cette situation un peu étrange où deux êtres, deux Sith censés ne faire confiance à personne allaient se coucher dans le même lit pour y dormir de façon planifiée.
C’était indigne d’une Sith, avait dit Dana.
Il n’avait strictement rien à foutre de la dignité.

- Ah oui au fait, dit-il soudain comme s’il allait oublier, alors que ce n’était pas du tout le cas. J’ai fait, hum… Un truc un peu, comment dire... Bizarre ?

Il apparaissait légèrement gêné alors il détourna le regard pour ne pas être trahi par l’expression de son visage. Finalement il avala d’un trait ce qui lui restait de jus de fruits et posa d’un geste un peu sec le gobelet sur une étagère à côté de la couchette. Puis il fit deux pas pour ouvrir un placard et en sortit un paquet carré, haut de quelques centimètres à peine. Le carton portait une inscription élégante, faites de traits noirs en longueur, minuscules. Une date indiquait plusieurs centaines d’années d’artisanat pour exprimer l’expérience de la boutique, mais c’était le seul indice que l’on pouvait deviner à partir de cet emballage. Le hapien posa le paquet sur la couchette avant de le désigner de la main d’un geste vague.

- Le prend pas comme… Je veux dire c’est pas… Enfin j’ai eu cette idée alors que j’étais pas sûr que tu m’emmènerais sur Ch’Hodos, voilà. C’est pour toi. Pour que, hum… Tu aies comme un genre de souvenir. Je trouvais ça…. Bon si t’aimes pas ou si ça te gêne tu le prends pas c’est pas grave.

Il se trouvait ridicule et s’en voulut un instant. Pour lui faire oublier rapidement ce moment embarrassant, il lui fit signe d’ouvrir en pinçant les lèvres. J’savais pas qu’t’étais un sentimental. Désolé, s’excusa-t-il à sa petite voix intérieure.

Le hapien prit une inspiration pour chasser le doute et savoura du regard les deux pas que l’Inquisitrice fit pour atteindre la couchette. Il contempla ses doigts délicats et hésitants qui se tendaient vers la boîte, son visage circonspect, ses yeux dorés qui brillaient et sa bouche que sa cicatrice rendait unique. Les mèches de ses cheveux qui coulaient de son épaule lorsqu’elle se pencha.
Elle ouvrit le paquet avec précaution, et déposa le couvercle de la boîte. Un papier fin recouvrait une étoffe et les doigts de Dana s’ourlèrent pour dégager le présent.

C’était un kimono de soie, d’un rouge éclatant. Quand Dana le déplia, l’étoffe glissa sur elle-même, dévoilant les longs pans translucides brodés de fleurs d’un doré lumineux. La coupe était différente de son kimono noir, les pans s’étendaient peut-être un peu plus bas, , mais chaque couture était élégamment faite d’un fil d’or. Une ceinture dorée gisait encore dans le paquet.
L’ouvrage n’était probablement pas d’aussi bonne facture que certaines des pièces les plus prestigieuses que l’on pouvait trouver dans un palais royal, mais l’intégralité de sa paye du mois y était passée et il espérait donc que la qualité serait suffisante pour plaire à ces prunelles.

Comme elle ne s’exprima pas tout de suite il s’approcha d’elle, se glissant dans son dos. Il referma doucement les bras autour de sa taille, posant sa joue contre le cuir chevelu à l’odeur parfumé de la princesse. Celle-ci tenait toujours le kimono du bout des doigts.

- Rouge comme tes lèvres, et doré comme tes yeux, murmura-t-il pensivement.

Rouge comme tout le sang versé pour toi, et doré comme les bougies qui ont éclairé ton corps sous la tente de Dathomir.
Darth Hope
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C’était inattendu.
Pas étrange, pas ridicule, pas sentimental, juste….inattendu.
Peut-être même inespéré ?

Un instant elle eût envie de rire, non pas pour se moquer du geste, du présent ou de Lloyd. Mais parce que la nervosité et tout un tas d’autres émotions s’exprimaient par le rire chez elle. Elle retint ce rire en pinçant davantage le tissu soyeux du kimono. Et elle était contente de lui tourner le dos, de lui cacher son expression délicate, ses joues rosies par la surprise et par la chaleur d’un plaisir coupable. Celui de recevoir.

- Il est…























- Magnifique, soupira Dana en admirant la soie ténébreuse du kimono que portait sa sœur. L’habit soulignait les courbes vallonées de Damaya sans aucune pudeur et les drapait d’une pellicule sombre et brillante. Elle était éblouissante, fantasmagorique, digne de la princesse de Ch’Hodos. La Sith tourna sur elle-même pour éblouir davantage sa cadette qui se sentit laide et minable face à autant de grâce.
- Je trouve aussi, s’amusa l’aînée.
- Un prétendant te l’a offert ? Ou…(Elle se renfrogna, du haut de sa puberté mal engagée et de ses complexes d’infériorité.) Jaden peut-être ?

Les lumières rouges de Kaas City se jetaient avidement dans le petit dortoir, au cœur d’une résidence miteuse dans les faubourgs de Kaas City là où Dana s’était terrée depuis des mois pour échapper aux sombres projets de sa génitrice.) Damaya eût une petite moue pleine de mystère qui réhaussa creusa ses fossettes.

- Un prétendant, oui.
- Je veux savoir qui c’est…
- C’est pas Jaden Ashar en tout cas. Quand reviens-tu sur Ch’Hodos ?

La plus jeune quitta l’ombre de sa couchette et se dirigea vers un évier délabré dont le néon pâle éclaira sa jeune figure. Elle saisit un rouge à lèvre ostentatoire qui traînait parmi d’autres affaires et commença à se farder les lippes. Son expression s’était figée, dure comme la pierre.

- J’reviendrai pas Dama’.
- Je te protègerai, insista la plus grande.
- T’es une Inquisitrice Sith. T’es jamais là. T’accours dès que l’Impératrice souffle dans son sifflet à chiens.
- Dana….s’agaça l’aînée.
- Elle a tué Papa ! Tout…cet Empire de merde l’a tué. Et ca va te tuer aussi, merde, s’énerva-t-elle en remarquant qu’elle avait tremblé et que le fard avait tracé une longue tracé rouge sur son menton.
- Et c’est pour ça que tu dois devenir ça ? Ca te plaît que ces porcs te regardent te trémousser, t’es une Sith ! Pas une…
- Pas une quoi ? Vas-y, dis-le ! Une pute ?
- En tout cas, certainement pas ça.
- Arrête de me juger. Parce que t’as toujours été la plus douée de nous deux.
- J’ai besoin que tu rentres.

Les portes s’ouvrirent dans un bruit feutré et des rires féminins s’insinuèrent dans la pièce, portés par des silhouettes peu vêtues d’humaines, de twi’lek, de zeltrones. Il y avait des danseuses, des putains, des serveuses, des femmes qui voulaient juste survivre dans l’ombre de ce nouvel empire. Dana essuya son menton à l’aide d’un tissu humide.

- J’ai quelque chose à t’avouer, tu sais. Mais pas ici, alors il faut que tu retournes sur Ch’Hodos.
- Je veux plus rien savoir de Ch’Hodos.






















- Il est…répéta-t-elle en émergeant de ses souvenirs, alors que les lèvres du hapien glissaient silencieusement contre sa chevelure noire. Bien.

Elle aurait aimé être sur Jabiim et dire que Mercy avait trouvé le kimono magnifique, même si ce n’était pas vrai. Elle n’aurait jamais osé le lui avouer aussi directement, de peur de se couvrir de ridicule. En réalité, elle le jugeait trop somptueux pour la Sith ratée qu’elle était. Un trou se creusa dans sa poitrine en se demandant si Mat’aenna, l’innocente, n’aurait pas mérité ce présent, plus qu’elle. Mais voilà, c’était à Dana que Lloyd avait fait ce cadeau. A Dana Shar, la princesse de Ch’Hodos. Le trou béat un peu plus, devenant un gouffre et elle sut d’où était provenue la sensation d’insatiété après leurs nombreuses étreintes. Elle esquissa un sourire à travers les mèches brunes qui coulaient devant son regard. Les bras de Lloyd qui emprisonnaient sa taille, le pourpre et l’or du vêtement luxueux.

- Il fallait pas, souffla-t-elle, perdue entre l’embarras et une joie étrange. Cela a dû te coûter cher et…

Dana déposa avec précaution le vêtement sur la couchette et se retourna doucement, pour ne pas briser les barreaux de cette cage qu’il avait refermé autour d’elle. Il y eût deux souffles. Bientôt plus qu’un avant que leurs bouches ne se rencontrent comme elles l’avaient fait sur le sol d’une cellule couvert de slick. C’était un baiser où leurs lèvres s’apprivoisèrent, à égalité, où il était question de goûter à l’autre. Et Dana savoura comme un ivrogne plongeait dans son premier verre.


- Je ne mettrai rien en-dessous, quand je dormirai avec toi, murmura-t-elle. Jamais.




Le sol de la cabine trembla encore. Mumkin manoeuvrait selon les instructions de son patron et dût tricher en basculant une partie de l’énergie du vaisseau sur l’un des réacteurs. Une nouvelle sous-tension étouffa les néons de la cabine. Seule la guirlande, discrète, peu gourmande, continuait de les éclairer, délimitant une zone étrange, que les cauchemars évitaient, mais contre laquelle ils se pressaient avec avidité, tendaient des mains à la peau émeraude, des visages déformés par la souffrance, sans réussir à les atteindre. Dana s’était blottie contre le capitaine, pour le protéger des ténèbres qui s’étaient abattus. Elle affronta le démon intérieur qu’était sa claustrophobie. Les bras de Lloyd repoussaient tout de toute manière et créaient des étendues infinies. Et elle était comme un animal qui retrouvait enfin sa tanière après des kilomètres d’errance, dans le froid, dans le doute, dans la faim. Quand elle poserait le pied sur Ch’Hodos, elle deviendrait une autre femme. A cette idée, elle se pressa davantage contre lui. Elle n’avait que quelques heures pour faire mourir Dana. Juste Dana. Pour que Dana Shar prenne sa place.





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