Alysha Myy’Lano
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Premier Semestre de l’Année 21.576 • Quelque part, aux portes d’un havre qui s’était voulu secret.


Je marche sous le masque de l’Apprentie. On ignore qui je suis, nul ne sait où je vais. On m’aura déposé loin, dans les campagnes inhabitées. J’ai traversé depuis, allant de jour et de nuit, ne m’arrêtant que peu, comme une ombre sur la terre. Un fantôme se livre à la déambulation. Sans but ? Certes non. Je sais où me porte mes pas. Cette conscience me rend alerte, car c’est à la porte du loup que je vais toquer. D’autres loups, dans l’espace, ont hurlé leur soif de sang. La guerre civile embrase la meute. Je dois savoir qu’en est-il de celui-ci qui se terre dans sa tanière depuis trop longtemps. Vais-je me faire manger la main ? La matinée m’offre son soleil d’aube, si Coruscant est encore transie par les froidures de l’hiver, j’ai trouvé ici un délicieux été en promenade. Mes pas font se balancer ma cape, ma capuche ne couvre pas mes cheveux strictement ordonnés, mon visage de marbre perle presque de rosée, laquelle pleure le long de mes bottes. Il en est presque comme si je ne rejoins pas les portes d’un enfer. Que me dira alors la bouche d’ombre ? Au-delà de ma mission, une curiosité m’anime.

Les hautes herbes et les collines dorées ont cédé le pas au couvert des arbres bas et à leurs oiseaux. Cet univers semble ne jamais se défaire du vert profond qui l’habite. J’avance plus lentement mais je finis par trouver l’ancienne sente. Les broussailles rampent sur le chemin, soucieuses de le faire disparaître. Je sais que je ne vais pas le long des routes habituelles, je vais par la traverse. Je ne souhaite pas être découverte trop tôt, mais j’ignore si je peux être à ce point discrète que je peux passer inaperçue aux yeux d’un individu de la puissance de mon hôte. Je songe de nouveau à ce que j’ai lu de lui. Absalom Thorn. Le dossier de ma Dame est profus, et sa carrière remarquable dans la danse des Seigneurs Sith. L’est-il seulement encore ? Je suis curieuse. Au-delà de la mission qui m’a été confiée. Je suis dépositaire d’une promesse et, de mes lectures, je nourris l’espoir de trouver chez lui d’anciens savoirs. La sylve s’ouvre soudain.

J’ai atteint le lieu que je cherchais. Les bâtiments surgissent de la végétation, laquelle tente tant bien que mal les rappeler à elle. Des lianes pendent après avoir grimpée sur le permabéton, la mousse semblent s’être donnée pour mission d’envahir la moindre parcelle d’asphalte. Est-ce vraiment au creux de cet écrin que je trouverai cet étrange bijou ? J’ignore où il se trouve, je ne sens pas son aura. Peut-être les bâtiments sont-ils encore plus vaste en dedans qu’en dehors. Peut-être n’est-il pas là. Peut-être m’a-t-il vu venir depuis longtemps et s’est-il glissé dans des ombres encore plus profondes que les miennes. Je me présente à la porte de qui semble être le bâtiment principal et, contre toute attente venant d’une femme qu’on aurait d’abord pris pour une saltimbanque. Non, je ne suis pas à compter parmi les voleuses. Du moins pas aujourd’hui. Aujourd’hui, je suis l’émissaire d’une inconnue et une âme intriguée.
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La porte s’ouvre et la silhouette encapuchonnée d’un corps que l’on devine difforme sous les vêtements sombre se présente, pour considérer longuement la visiteuse. La Grande Bibliothèque de l’Obscur attire des pèlerins presque continuellement. C’est une excellente chose : il faut bien que les pièges à loups dans la forêt servent à quelque chose. Les charognards des bois comptent depuis près de deux ans désormais sur cet afflux continuel de visiteurs.

Ceux qui parviennent jusqu’à ses portes sont plus rares et on leur accorde en général le bénéfice du doute. C’est qu’ils ont été envoyés par le maître, le plus souvent, ou bien que leur perspicacité ait assez grande, et par conséquent assez préoccupante, pour avoir percé le secret des bâtiments. Dans ces cas-là, on leur sert le thé avant de déterminer s’il est opportun de les égorger. Les bibliothécaires sont comme cela : à cheval sur la politesse.

Entrez, jeune femme, dit la capuche d’une voix rauque dont le basic est haché par un accent étrange.

On conduit la visiteuse dans un couloir impeccablement entretenu qu’orne une fresque holographique abstraite, œuvre d’une artiste hapienne encore méconnue mais promise à un brillant avenir sur le marché de l’art. Des anciennes fonctions du complexe comme base militaire, il ne reste plus guère comme indication que l’épaisseur des murs et la sobriété de l’architecture. Aucune arme à l’horizon, aucun signe militaire, et tout le confort de la bonne société hapienne.

La Kiffar pénètre dans un vaste hall, que traversent aussi d’autres visiteurs, guidés par des silhouettes tout aussi fantomatiques. Parfois, l’on peut percevoir des auras dans la Force, sombres pour la plupart, d’autres fois, ce sont simplement des regards inquiets que les lecteurs du jour se jettent les uns aux autres, en tentant de deviner le mystère de leur présence respective. Celui-là, connaît-il le maître ? Compte-t-il parmi ses amants, que l’on dit nombreux ? Et celle-ci ? Qui l’a envoyée ?

He’Thu est introduite dans un petit salon meublé avec goût.

Asseyez-vous, fait la voix avec une politesse discutable, le maître va être prévenu de votre arrivée. Il aime accueillir les nouveaux visiteurs en personne.

Cette dernière remarque sonne étrangement comme une menace à peine voilée.

Ne sortez pas de cette pièce. Sous aucun prétexte. Les tapis sont très difficiles à nettoyer.

Et puis le bibliothécaire disparaît. Un petit quart d’heure plus tard, un Acolyte à la peau et aux cheveux blancs comme la neige fait son apparition pour déposer une assiette de petits gâteaux et une théière près de la visiteuse.

Trois minutes. Trois minutes d’infusion, pas plus, murmure-t-il d’un ton insistant, comme si la vie de la visiteuse en dépendait.

Puis il se retire, auréolé d’une légère impression dans la Force. À nouveau les minutes passent, et soudain elle peut le sentir. C’est comme le lever d’un soleil noir. Sa présence, obscure, profonde, presque obsédante, semble remplir presque toute la base. Elle n’a aucun des tumultes que l’on retrouve chez bien des Seigneurs Siths. Aucune tempête de haine, aucune agitation de cruauté ni aucune aspiration sanguinaire. Mais le Côté Obscur, partout, comme un lac immobile, aux profondeurs indéchiffrables.

Elle peut le sentir s’approcher d’elle, l’envelopper pour ainsi dire, et peut-être même la peur et l’admiration qu’il suscite chez celles et ceux dont il croise le chemin. C’est comme une menace tranquille, une promesse de destruction qui n’a pas besoin de manifester sa puissance et compte sur l’évidence de sa domination pour balayer les obstacles sur son passage.

Ah, excellent, vous êtes encore là, s’exclame soudain une voix douce et chaleureuse, tandis que pénètre dans le petit salon un Hapien dont la beauté est beaucoup trop sublime pour ne pas être suspecte, surtout à son âge. Je suis sincèrement navré de vous avoir fait attendre.

Il a les traits angéliques et le sourire facile, son regard pétille, on lui confierait sans hésitation son tooka, et il fait probablement des risettes aux enfants dans les parcs. Difficile de concilier cette bonne humeur un peu espiègle, et en tout cas bienveillante, avec un passif de génocidaire et de criminel de guerre. Est-ce vraiment lui qui a éreinté tout un continent de Kano-IV ? Lui qui a fait bombarder les civils de Gree en accusant l’Ordre Jedi ? Lui dont on assure qu’il développe des armes bactériologiques ?

On ne vous a pas donné de confitures ? Mais c’est criminel !

Il a un bref regard pour la porte et, sans qu’il n’ait appuyé sur le moindre bouton, ou activé son comlink, le même Acolyte se manifeste. Le regard que le jeune homme aux cheveux blancs pose sur son maître est chargé d’une passion de toute évidence charnelle, qu’il ne prend même pas la peine de dissimuler.

Est-ce que vous n’auriez pas un peu de confiture, s’il vous plaît, Shrtsprvdkr ?
Bien sûr, maître.

Et le garçon s’éclipse.

Bien, fait Absalom en reportant son attention sur sa visiteuse du jour. Vous avez l’air d’avoir voyagé un moment à pieds…

Il désigne les chaussures de la jeune femme, qui trahissent en effet qu’elle ne débarque pas fraîchement du terminal de l’astroport droit dans le speeder.

… je suppose donc que vous vouliez être discrète. Pas discrète au point de vouloir vous introduire ici subrepticement, ce qui est assurément une preuve de sagesse, et assez bien informée pour savoir où nous trouver.

Shrtsprvdkr refait son apparition pour déposer un petit pot de confiture à côté des biscuits secs de la visiteuse et tendre une tasse de thé à son maître. L’Acolyte ne manque pas d’effleurer des siens les doigts de l’Hapien, quand celle-ci change de mains. Puis il s’éclipse une nouvelle fois.

Les visiteurs sont les bienvenus ici, tant qu’ils respectent un certain nombre de règles. Notre discrétion n’a pas pour motif de restreindre la lecture de ces ouvrages, bien au contraire : elle est une protection nécessaire pour que les usagers de la bibliothèque puissent venir y étudier en toute quiétude. Vous comprendrez donc, mademoiselle, que je souhaite en apprendre plus avant de vous ouvrir nos portes effectivement. Ainsi donc, et si vous me permettez d’être aussi direct…

Direct comme quelqu’un qui n’utilise jamais trois mots quand il peut se servir de deux cents.

… qui est vous ? D’où venez-vous ? Et qu’espérez-vous trouver ici ?

À part de la confiture.
Bien entendu.
Alysha Myy’Lano
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Drapé dans un étrange tissu, à la fois délicat et à la coupe terriblement austère, l’hôte qui m’ouvre la porte à tout de l’érudit et, dans le même temps, cette peau soyeuse lui donne l’éclat effroyable du serpent. Un battement de cils, une distraction, et le venin se mêlerait à mon sang. Je me suis avancé en territoire ennemi, me voilà à ses côtés. La peur, l’excitation, le danger. Mon cœur bat plus vite, je maîtrise ma respiration, je donne ma réponse. Je me contente de m’incliner, ne désirant pas révéler ma qualité d’aphone si tôt. Il ne s’en formalise pas, me guide aussitôt. Mes yeux courent le long de l’étrange projection holographique qui illumine le couloir. Les tons, les mouvements, les formes. Les chatoiements électriques se perdent en circonvolutions luminescentes. L’étrange tableau peut courir ainsi jusqu’à l’infini, il semble reboucler sur lui-même. La tension dramatique dure aussi longtemps que l’œuvre et le couloir, mais finalement la source de toute ceci se voit gratifié d’un nom, lumineux comme le reste : « Onnela Vèra’Plujameer ». Je ne sais rien à l’art de plus qu’aux restes des choses. Mon éducation n’est qu’un immense champ de lacunes. J’imprime ce nom, dans ma mémoire, comme s’il devait m’être utile demain et tous les jours suivants de ma vie.

Nous entrons dans un plus vaste monde. Un grand hall. Les murs s’élèvent simplement. Pas de percée vers l’extérieur, pas de voûte en ogive. Rien d’autre que du permabéton aux angles tout à fait pragmatiques s’élevant avec brutalité, et de là haut, pendent des lustres superbes. Une étrange esthétique se dégage de cette association du froid martial et de l’audace artistique. D’autres sont présents. J’ai perdu mon visage dans les noirceurs de mon capuchon, je manipule la force pour en agrandir les ombres. Personne ne peut me reconnaître et je ne tends que fugacement à saisir le visage des autres. On me conduit dans un salon, décoré avec goût et répondant à toutes les attentes du confort. Le Maître des lieux m’est annoncé. Il viendra. Je souris. Le serpent persifle et se retire.

Je ne peux guère explorer les lieux davantage que d’un regard. La pièce est petite, quelque chose me dit qu’elle est surveillée et que je ne peux pas me tendre à l’extérieur, même par l’esprit. Je me montre donc patiente, je joue doucement avec mon komboloï. Perle, après perle, jusqu’à ce qu’un enfant digne des Lunes de Iego se présente à moi, me présente les cadeaux d’un hôte attentionné, et s’en repart aussi discrètement qu’il est venu. Trois minutes, pas plus. Je boude les gâteaux. J’ai une ligne à tenir.

Enfin, je le sens venir à moi bien avant de le voir. Oui. Le maître des lieux. Je goûte à son aura, elle est à l’image de son château : effroyablement puissante et pleine de subtilité à la fois. Il est loin de la caricature de certains que j’ai pu rencontrer sur Dromund Kaas et Korriban. Alors qu’à cette présence se superpose un visage, je me rends compte que les mots qui ont été posés dessus par ce que j’ai lu de lui sont bien fades une fois mis face à la réalité qu’ils tentaient de décrire. Il n’y a aucun doute, il est bien Hapien. Même-moi, superbe parmi les gens de mon espèce, peut-être la plus belle, je semble éclipsée comme la Lune l’est par le Soleil. On dit parfois que les monstres les plus colorés sont les plus dangereux. Je n’en doute, ici, à aucun instant. Je le laisse jouer la scène qu’il souhaite me jouer. L’enfant s’éblouit les yeux, il s’en brûlera les ailes. Vient le temps de répondre.

Je fais glisser mon doigt le long de mon avant-bras, sur une bande d’obsidienne brillante, et active ainsi mon terminal. Mon visage, les alentours captent la teinte verdoyante de l’appareil. Mes doigts virevoltent sur lui et bientôt, une voix en surgit. « Vous êtes un hôte attentionné et vous ne faite pas mentir la légende qui m’a attirée jusqu’ici. Beaucoup ont parlé de vous, certains en parlent encore, si bien que je viens ici pour deux raisons : vous voir et apprendre de vous, ou de ce lieu, des secrets qu’ailleurs on me cacherait. Mais avant tout, permettriez-vous que je vous parle d’âme à âme et que je me délivre ainsi de ce medium ? » Je lui souris, avec humilité. Avec ce mignon aux yeux brûlés, je n’ai pas eu de peine à saisir que mes belles iris ne serviraient à rien plongés dans les siennes.
Absalom Thorn
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Ah, il y a une légende sur la qualité de mes biscuits secs ? Ma foi, vous m’en voyez flatté. Vous savez que je les confectionne moi-même ?

(Est-ce qu’il est sérieux ?)

En tout cas, il n’a pas l’air flatté d’apprendre qu’on parle encore de lui. À vrai dire, Noctis préférerait qu’on l’oublie, ça lui éviterait d’avoir à regarder constamment par-dessus son épaule. La célébrité est un instrument utile, pas de doute, mais elle a ses revers, et tout bien considéré, la tranquillité de l’anonymat, pour celui qui peut compter sur sa fortune, l’emporte amplement pour ce qui est des avantages sur les dangers inhérents à la gloire.

Je n’ai guère de sympathie pour les voix robotiques, dit-il quand son interlocutrice l’interroge sur la meilleure manière de communiquer. Vous avez peut-être entendu dire cela aussi, de moi ?

L’aversion de l’Hapien pour les droïdes n’a rien d’un mystère, mais elle n’est pas non plus exceptionnelle : nombreux sont les adeptes de la Force, d’un côté comme de l’autre, à éprouver une répulsion naturelle pour ces êtres mécaniques qui ne l’habitent pas de la même manière que le reste du vivant. D’ailleurs, Absalom n’est pas un technophobe : c’est l’intelligence artificielle qui le rebute, simplement.

Pour ce qui est des âmes…

Désormais, sa voix naît de l’esprit même de la Kiffar. Ce n’est pas une menace résonante et dominatrice, comme il arrive souvent avec les Seigneurs Siths qui emploient la télépathie pour mieux faire sentir leur puissance, et comme il le fait parfois lui-même : ce ne sont pas des mots qui résonnent presque douloureusement de son cerveau, mais c’est comme si la jeune femme les pensait d’elle-même, avec une sorte de douceur bienveillante, presque de nostalgie attendrie.

… je ne suis pas sûr que nous en soyons déjà là, poursuit le télépathe, Mais nos esprits peuvent communiquer et c’est déjà beaucoup. J’en déduis en tout cas que vous avez déjà profité d’un certain entraînement. Ce n’est pas le cas de tous ceux qui parviennent jusqu’ici. Certains ont été privé de guide et de ressources dès le début de leur existence, faute d’être nés dans l’orbite des Jedis ou des Siths, et errent sans parvenir à faire germer la puissance que la Force a semé en eux.

La remarque n’est pas sans arrière-pensée : c’est une manière pour lui d’inciter la jeune femme à se livrer sans chercher à exagérer ses connaissances et sans se montrer pudique de son ignore éventuelle. Absalom a du mépris pour ceux qui renâclent à l’effort, mais pas pour ceux qui sont, privés d’instruction, parviennent malgré tout jusqu’à lui. La Force est de toute façon à ses yeux un don précieux pour qu’il rejette quiconque la possède.

Quant à votre apprentissage, je ne suis pas avare de ma bibliothèque, et vous devez le savoir, puisque vous êtes venue jusqu’à ici. Mes leçons particulières sont elles plus rares, néanmoins, et elles se méritent, car j’ai éprouvé souvent de la déception à cet égard.

À ce qu’on raconte, outre son inquisitrice personnelle, Darth Venenous, l’homme n’a jamais eu qu’un seul apprenti, dans lequel il a fondé de grands espoirs, avant que celui-ci ne disparaisse. On assure qu’il l’a pris sous son aile avec bien des réticences et que depuis, il n’en a jamais cherché un autre, se contentant de groupes de disciples, sectateurs à la ferveur aveugle qui lui sont des ressources plutôt que des compagnons.

Puisque les gâteaux ne vous intéressent pas, suivez-moi, pense-t-il en se relevant.

Ensemble, ils quittent le petit salon et remontent l’un de ces couloirs bruts que l’art vient adoucir.

Je suis curieux de savoir ce que l’on vous a raconté sur moi. J’ai toujours joui d’une réputation contrastée au sein de l’Empire et de la République, les rumeurs faisant rarement place aux nuances des personnes qui se choisissent une existence marginale. Mais je crois que si vous m’abordez avec, permettez-moi l’expression, un esprit ouvert, vous vous rendrez compte qu’il est plus facile de traiter avec moi que la légende, comme vous dites, ne le suggère.

Ils pénètrent dans un turbolift qui, en quelques secondes à peine, les conduits à un étage supérieur et un nouveau couloir assez semblable au précédent. Là, cependant, des vitres sur l’un des côtés, permettent d’admirer la luxuriante forêt qui entoure l’ancienne base militaire et derrière laquelle, quelques dizaines de kilomètres plus loin, s’étend le domaine des Thorn, où les parents du Seigneur, et les parents de sa mère avant eux, ont élu domicile.

Mais commençons par parler de vous. Qui êtes-vous ? D’où venez-vous ? Et pourquoi, précisément, vous trouvez vous ici ?

L’homme passe la main devant le détecteur d’une porte, qui s’ouvre devant eux, et ils parviennent à une galerie métallique qui longe les quatre murs d’une immense salle dont le centre, un étage en-dessous, est occupé par des terminaux de lecture. Sur les étagères soigneusement étiquetées par des inscriptions holographiques en basic, rareté au sein du Consortium, s’alignent les holodisks renfermant les ouvrages de la bibliothèque.

La plupart des lecteurs sont si absorbés dans leurs travaux qu’ils ne remarquent pas la présence du maître, mais ceux qui sont le plus avancés dans la Force lèvent aussitôt les yeux vers les galeries supérieures, avant de reprendre leur lecture.
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De l’autodérision ? Je ne m’attendais pas à un comique de façade en première approche, quoiqu’au fond, les dossiers ne l’avaient pas présenté comme une bête sanguinaire. Il est un génocidaire, un érudit et un homme de cour. Le crime et l’ignominie ne sont plus liés au laid qu’au beau, simplement, ceux qui s’y livrent semble simplement souvent manquer de goût. Par certains égards, j’ai le sentiment d’avoir entamer une nouvelle conversation avec mon beau docteur. Le jeu de domination est plus pervers qu’avec ma Dame. Il n’y a pas cette même étrange honnêteté. Si j’étais folle, je pourrais penser qu’il me traite en égale. Jeu de dupes. Danger amusant. Je me surprends à aimer me faire peur.

Il est en monstration, je ne me vois pas répondre pour l’instant. Il me parle, parle, d’abord dans l’air puis en pensée. Je ne montre pas le moindre signe de surprise, c’est après tout mon mode de communication privilégié avec mes proches, je suis simplement soulagée de sa façon de procéder, sans violence, c’est un homme courtois. Nous quittons le salon dans lequel j’ai patienté, un coup d’œil discret à mon TPH me donne le temps exact ; le temps m’avait semblé moins long. De nouvelles pièces d’arts, de nouveaux noms, je n’ai guère le temps de leur porter l’intérêt que les artistes auraient désiré. Il faut dire qu’ils n’auraient, de toute façon, jamais été le cœur de mon attention, à cet instant.

Pont de verre au-dessus d’une nature sauvage. J’aime beaucoup. Au loin, de grandes bâtisses domaniales. Beaucoup de goût. On sent l’Histoire d’ici. Enfin, on me passe le sceptre de paroles, à mon tour, je fais germer dans son esprit ma voix. Du moins, celle qu’il m’aurait plus d’avoir.

« Je suis pas grand-chose parmi les Siths, à peine l’apprentie d’une personne d’importance. L’on m’a demandé d’aller à votre rencontre, de prendre cordialement de vos nouvelles, et j’ai décidé de mon propre chef qu’une telle visite ne pouvait se faire sans répondre à ma propre curiosité. Pour ce qui est des nouvelles, je vois que vous vous portez comme un charme, et que vous semblez bien décidé à cultiver ici vos terres. Pour le reste, je suis curieuse de savoir si vous sauriez me guider vers des savoirs plus anciens, plus sombres, que l’on m’a interdit en d’autres lieux.

J’ai reçu plusieurs formations, elles n’ont pas toute eu pour vocation de cultiver notre Don, puisque nous le partageons. J’ai compté parmi les filles de joie, enchaînée par les fers de l’esclavage, puis l’on m’a libéré et j’ai été initié aux arts du Courant Blanc. Là, on m’a rejetée, jugeant les passions qui m’habitaient contraire aux lois des Sœurs. Alors j’ai rejoint la famille à laquelle j’aspirais, et j’ai trouvé dans la Sith un début de réponse. Je viens ici poursuivre ma quête. J’espère trouver ici des fragments du passé, d’anciens savoirs, notamment sur un sujet qu’on ne m’a esquissé qu’à demi-mots : l’art raffiné de la sorcellerie. M’aiderez-vous ? »


Je suis dans la gueule du loup, il n’a qu’à faire claquer ses mâchoires et mon cou délicat déverse l’éclat vermeil que cache le nacre de ma peau. J’ignore tout à fait quelle sera sa réaction. Mes yeux découvrent l’univers bleuté des étagères. La bibliothèque est immense, plus fréquentée que je ne le croyais. Peut-être le prédateur est-il moins vorace que ce que la rumeur lui prête. J’ignore tant, il y a tant à apprendre ici. Mon esprit crie famine. Je suis fatiguée d’être ballottée de sachante en sachante, toujours dépendante des miettes que l’on veut bien me laisser grignoter. J’ai besoin de plus. J’ai besoin de savoir. J’ai soif. Terriblement. Il n’y a guère à douter qu’à ce moment, c’est bien un désir ardent qui embrase mes iris tandis qu’elles vont de part et d’autres du lieu.
Absalom Thorn
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Je ne sais rien de la sorcellerie.


Ah, hé bien, c’était bien la peine de faire tout ce chemin !


Ou presque. Si vous voulez bien me suivre…


Ensemble, ils quittent la grande pièce en continuant à longer la galerie métallique, pour rejoindre le couloir vitré.


Cet endroit renferme beaucoup de choses que j’ignore, et beaucoup de domaines que je ne pratique. L’étude de la Force consiste d’abord à reconnaître notre propre infirmité. Aspirer à la toute-puissance et à l’omniscience est une passion dangereuse et elle conduit sur la route de pouvoirs illusoires. Comme les divinités des panthéons, il faut savoir se spécialiser.


À nouveau, ils sont dans le turbolift, mais cette fois-ci, Absalom presse sa main contre le panneau de contrôle et une lueur dorée vient lire ses empreintes. La cabine s’ébranle une seconde fois, pour descendre dans les sous-sols de la base militaire.


La maîtrise de chaque domaine repose sur deux choses différentes. La connaissance générale de la Force et de ce qu’elle permet de faire, sur le plan théorique, et la pratique de ces pouvoirs que l’on a choisi parmi d’autres. Il faut s’abstenir de tout pratiquer, mais l’on doit s’astreindre à tout découvrir.


Les portes de l’ascenseur se rouvrent et l’aspect du couloir qui s’étend devant eux est plus sobre et plus austère que l’art délicat des installations de la surface. Pourquoi s’y arrêterait-on, cependant, quand la Force est si puissante dans ce souterrain ? L’impression est la même qu’un Temple Jedi ou qu’une Académie de Sith : ces lieux sont marqués par l’exercice concret, constant, des pouvoirs de la Force, et pas seulement par la lecture attentive des livres que renferme la bibliothèque.


Voyez cela en quelque sorte comme un chirurgien qui d’abord se forme en généraliste, avant de se spécialiser. J’ai étudié la sorcellerie en arrivant dans l’Empire Sith, j’en ai maîtrisé les rudiments, mais c’est une conception de la Force assez éloignée de ce que je recherche moi-même. Trop, comment dire… ?


Il esquisse un sourire amusé.


Corruptrice.


Raison superficielle, aux yeux de bien des Siths, sans aucun doute, mais raison impérieuse pour lui : la sorcellerie défigure, elle ronge le corps pour développer les pouvoirs de l’esprit, et Absalom tient infiniment à sa beauté. Dans quarante, dans quatre-vingt, dans cent ans peut-être, il veut conserver cette perfection à laquelle il a employé tant de son savoir et qui, plus que tous les secrets nécromantiques que renferme la sorcellerie sith, représente pour lui la véritable immortalité.


Mais je n’ai pas assemblé cette bibliothèque pour mon seul usage personnel et vous trouverez ici beaucoup de ce que vous cherchez. Peut-être pas la sorcellerie sith, mais d’autres, qui s’en rapprochent. Des connaissances éparses ou systématiques, de civilisations disparues ou de sectes cachées, des rêves un peu délirants, parfois, et d’autres fois des systèmes très concrets. Par ici.


Arrêté devant une porte, il compose un code interminable sur le panneau de contrôle et la porte coulisse. De l’autre côté, des machines médicales, des pistons, les bips réguliers d’un corps qui s’accroche à la vie par le seul secours de la médecine.


Laissez-nous, dit Noctis à haute voix.


Depuis l’obscurité de la pièce, une voix féminine répond :


Oui, maître.


Une silhouette vient se découper sous le halo lumineux de la lampe chirurgicale. C’est une femme, de trente ans peut-être, à la beauté spectaculaire, probablement parce qu’elle est Hapienne. Elle pose sur son maître un regard transi d’admiration, avant de s’éclipser, sans paraître même se rendre compte qu’il est accompagné.


D’un geste, Absalom repousse le drap qui recouvre le corps auquel sont branchées les machines. Le spectacle est rebutant. Ce sont deux hommes et une femme, dont les espèces, sans doute différentes, sont devenues indéfinissables : leurs corps sont joints les uns aux autres par la hanche, comme ceux de siamois, leur peau est noirâtre et leurs yeux, fermés, ont des paupières affreusement boursouflées.


Ils sont en train de mourir.


Sans blague.


L’homme pianote sur une console et un petit hologramme s’affiche au-dessus de la chose agonisante. On y voit un Twi’Lek, une Zeltrone et un humain, d’une vingtaine d’années à peu près.


Des prophètes et des sorciers talentueux, qui m’ont accompagné dans bien des aventures. Ils ont cherché à se nourrir les uns des autres, à gagner en puissance en s’alimentant réciproquement. Petit à petit, leurs esprits se sont fondus en un seul. Ils ont voulu plus de puissance vitale, et leurs corps se sont agglomérés. La Force les a consumés à se révélant à eux. Leur difformité n’est pas le signe de leur incompétence. Elle est la marque de leurs talents de sorcier.


Il s’abstient de préciser que cette quête effrénée de plus de puissance a été attisée en haut par ses discours, par ses exigences à lui, et que c’est pour satisfaire à leur maître, pour se distinguer toujours un peu plus à ses yeux, qu’ils ont abandonné d’abord leur liberté de pensée, puis l’indépendance de leur corps, et enfin leur vie.


Je ne dis pas cela pour vous dissuader, poursuit le Seigneur dans l’esprit de sa visiteuse, sans quitter du regard le corps difforme qu’il fixe avec une fascination morbide, ni même pour vous dire qu’il y a un prix à payer, car pour des êtres comme eux, ce que vous voyez n’était pas un prix. Quand on a choisi sa voie au sein de la Force, aucune des conséquences, aucun des sacrifices n’est un prix.


Le regard de l’Hapien quitte la monstruosité pour rejoindre celui de la jeune femme.


Pourquoi est-ce la sorcellerie que vous recherchez en particulier ? Que voulez-vous faire et que voulez-vous savoir ? C’est votre but qui doit gouverner à votre choix.
Alysha Myy’Lano
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Je ne marque pas la surprise lorsqu’il m’avoue son ignorance. De ce point de vue, les informations que l’on m’a communiquées s’avèrent simplement exact. C’est à son esprit qu’il faut veiller en présence du seigneur des lieux, non aux incantations qu’il pourrait susurrer. Mais je sais aussi qu’il dispose, comme il vient de le prouver, des moyens pour moi d’accéder à ces savoirs sans qu’un regard extérieur ne dirige mon étude. Je veux savoir. Libido sciendi. Un antique démon qui aujourd’hui œuvre en moi. Je l’écoute avec attention. Il est vrai que je ne me sens souvent, même dans l’art de la Force, que moitié savante. Je n’ignore pas comment faire, j’ignore encore trop souvent les dynamiques qui permettent que cela soit fait. Enfin. Il ne fait que poser des mots sur un sentiment qui m’a déjà gagné, et ce docte, pour l’instant, s’en tient aux platitudes.

L’ascenseur ouvre de nouveau ses portes et immédiatement, je me sens comme ailleurs ; sur Kholma. Un laboratoire, en quelques sortes. On retrouve les mêmes odeurs, la même sobriété clinique. Mais il y autre chose. Quelque chose que le Docteur, lui, n’aurait pas senti. L’air est chargé par la Force, à la façon de Korriban, quoiqu’avec cette subtilité de la jeunesse, les lieux sont imprégnés mais le ronflement n’a pas le même grondant venu du fond des âges. Il me met en garde. Je souris. Oui, certains, en jouant avec le feu, ont fini par consumer leurs propres chairs. Cela, déjà, je le sais, pour l’avoir lu, pour l’avoir vu. Des fantômes, à Dromund Kaas, d’autres à l’Académie. Certains praticiens, d’aucun dirait zélé, je préfère le terme d’idiot, portent sur eux les stigmates des secrets qu’ils ont exhumé. L’impatience, l’orgueil. Si je suis avide, je ne suis pas intempérante. Si les Sœurs m’ont reniée, je garde les traces de leur sagesse ; limitée, incomplète, niaise – j’ose le penser – mais d’une certaine vérité.

La porte glisse, le décor se confirme, nous sommes bien dans une clinique. L’odeur oscille entre les vapeurs d’alcool, de chimie et de putrescence. Le même regard dans ses yeux. Il faut prendre gare à son esprit, si près du Maître des lieux. A quoi bon une telle emprise ? Non que je la désapprouve, mais je m’interroge sur la fin. Il ne me semble pas si vain que cela soit sans but. Soudain, le spectacle s’offre à moi.

La peau est si tendue, si noire, l’éclairage si blafard, que, sauf le palpitant sous le diaphane, nous pourrions la croire de verre. Immonde transformation. Formidable transcendance. Comme j’ai découvert, aux côtés du Docteur, les miracles de la peste de Taris, j’en découvre ici une autre, si stupidement retourné contre soi. Obligé de se mêler car incapable, par eux-mêmes, d’atteindre les cimes désirées. Alors qu’il m’a présenté ces gens en personne de talent, je me risque à une objection, avant de répondre à ses questions. Je soutiens le regard magnétique du roi-serpent. « Vous-mêmes n’ignorez pas que l’absolu de l’art est à force d’art de parvenir à faire oublier qu’il est art lui-même ? Vous ne pourrez me convaincre qu’ils ont atteint ce sommet en ne poursuivant que leur but. Ils se sont oubliés pour vous, ont perdu la raison pour vous obtenir cette puissance. N’est-ce pas ce à quoi chacun œuvre ici ? » Je m’interromps, puis réponds à sa question. Je désire prendre la main sur le réel, sur le vivant. J’ai été, mon existence durant, le jouet de toutes les facéties ; aujourd’hui, je prends le contre-pieds de cette danse et la main haute sur la vie elle-même. Par la sorcellerie, la connaissance des corps et des âmes, je désire dévoyer le pensant et lui donner pour gouverne ma propre volonté. J’ai en moi ce profond désir de création. D’une autre création.

J’ai quitté son regard pour poser le mien, flambant, sur le leur, entremêlé. Non, pour moi, s’ils sont le symbole d’une réussite, d’une victoire, c’est de la sienne, non la leur. Qu’ont-ils gagné dans leur dévotion ? Pathétiques fantômes… Je soupire, je cligne des yeux, le bleu océan a effacé les flammes qui habitaient mon regard. Je me tourne à nouveau vers lui. Et vous, Seigneur ? Quels furent les fins premières qui orientèrent votre parcours et celles qui vous guident à présent ? J’ai le sentiment, dans votre sourire, de trouver l’une d’elle, mais je n’en distingue ni le moyen, ni si elle est l’unique. »[/i] Je ne souris pas pour charmer, ni pour défier. Je souris pour être aimable, pour lui montrer le visage qu’il me présente malgré mes traits Kiffar dépourvus du lent travail de l’eugénisme indigène.
Absalom Thorn
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Un sourire amusé éclaire le visage du Seigneur qui domine ce qui n’est presque plus qu’un cadavre. La jeune femme a vu juste.

Perspicace, hmm… ?

Il rabat le drap sur le corps.

Certes. Ils ont travaillé à mon service. Ils se sont dévoués. Mais, de la même manière que lorsque l’on offre un cadeau, c’est souvent pour avoir le plaisir de contempler sa propre générosité et que les marques d’amitié que l’on donne sont d’autant plus vaniteuses qu’elles paraissent désintéressées, ceux qui se sacrifient pour leur maître s’accomplissent parfois dans cet abandon, car il est des êtres qui n’ont pas de plus grand plaisir, ni de plus grande aspiration, que de consumer leur existence pour quelqu’un d’autre.

L’homme quitte la pièce et entraîne sa visiteuse à nouveau dans les couloirs souterrains.

Je n’ai pas d’esclave et je tiens l’esclavage pour une pratique profondément avilissante et répugnante.

La rumeur parmi les Siths est d’ailleurs que l’Hapien consacre un temps considérable, et une partie généreuse de ses ressources, à libérer de séduisants éphèbes des griffes des esclavagistes, et qu’il arrive même parfois que l’acte soit purement désintéressé, parce qu’il ne profite pas toujours des charmes de ceux qui lui doivent leur liberté.

Mais il existe des servitudes volontaires et ces actes de dévotion doivent être respectés. Là où vous voyez un échec et une infirmité se trouvaient peut-être pour eux d’insoupçonnables délices. Sans doute vous n’êtes pas si jeune pour ignorer que l’on trouve parfois bien du plaisir à la contrainte, qu’il y a des jouissances secrètes à se donner plutôt qu’à prendre et que l’abandon, pour certains, est la suprême des voluptés ?

Absalom parle de la Force avec bien plus d’hédonisme qu’il n’est d’usage chez les Jedis, certes, mais aussi chez la plupart des Siths. Le rapport érotique qu’à l’entendre il entretient avec elle est toutefois curieusement en porte-à-faux avec le calme absolu de son aura, qui ne dit rien des désirs qui peuvent l’agiter et qui font pourtant une bonne part de sa réputation.

Une nouvelle porte s’ouvre devant eux et ils pénètrent ensemble dans un salon de méditation. Tout, ici, relève de l’architecture jedi : la sobriété de la pièce, la forme des sièges, la lumière qui se diffuse légèrement depuis les murs. Sans la présence obsédante du Côté Obscur, on se serait cru au coeur du Temple sur Ondéron.

D’un geste de la main, le maître des lieux invite son interlocutrice à s’installer sur l’un des sièges circulaires et sans dossier, avant de s’asseoir lui-même en tailleur sur l’autre.

Ma préoccupation première est la connaissance, explique-t-il alors d’un ton tranquille. Comprendre la Force, ou peu importe comment vous souhaitez l’appeler, comprendre aussi la manière dont les autres l’ont comprise, et en pénétrer les mystères. Je suis poussé d’abord par la curiosité. La puissance est un bénéfice presque accessoire de celle-ci, et en tout cas un instrument. Celui qui recherche le pouvoir comme une finalité, celui-là finit toujours par le perdre, ou par se perdre en lui.

Voilà une maxime qui cadre assez mal avec les préceptes sith.

Ma deuxième préoccupation est la jouvence perpétuelle. Ou tout du moins repousser autant que possible les limites de mon existence, car la vie est beaucoup trop intéressante pour n’être pas toujours vécue. C’est le plus triste adage des Jedi que de prétendre qu’il faut accepter la mort. Est-ce ce que l’on enseigne dans les facultés de médecine et les laboratoires de prosthétique ? Et pourquoi un humain devrait-il se satisfaire de son siècle quand d’autres espèces en vivent de nombreux ? Accepter la mort relève d’un obscurantisme spéciste dénué de toute rationalité.

Certes, sa longévité à lui repose sur la mort de ses victimes, qu’il sacrifie à sa jeunesse, mais Noctis ne considère pas que toutes les vies aient une égale importance.

Et ma troisième préoccupation est la beauté. Appelez cela mon tropisme hapien. La beauté est source de plaisirs en elle-même et le spectacle de la beauté raffine l’âme et éloigne des instincts les plus brutaux. La beauté est source de connaissances et de plaisirs, qui en sont les biens seconds. Je crois aux vertus de l’entraînement rigoureux, de l’étude patiente et systématique, mais certes pas à celles de l’ascétisme. En cela, les Jedis et les Siths me paraissent s’abuser également, en se privant des plaisirs les uns du corps et les autres de l’âme. Un être qui ne peut ni jouir, ni aimer, n’est pas un être qui vit pour lui-même, mais un véhicule auquel pourrait se substituer tout aussi bien n’importe quel autre.

Pas étonnant que ce type-là vive loin de Korriban.

Ainsi vous voulez dominer la création, et créer par vous-même, et manier les esprits et la matière, mais vous ne me parlez là que d’instruments, pas de but. Sans doute le charpentier peut-il souhaiter posséder une vibroscie pour le simple plaisir de la posséder, mais combien n’a-t-il pas plus de raisons de l’acquérir, quand il souhaite bâtir un chalet ? Oubliez un temps votre passé, tout ce qu’on vous a refusé et infligé, oubliez que le pouvoir peut être une revanche et un défi que vous adressez aux autres, et pensez d’abord à vous-même, avant de penser à eux. Que désirez-vous ? Quels plaisirs goûterez-vous ? Quelle joie pensez-vous trouver au sein de la Force ?


Spoiler:
Alysha Myy’Lano
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Le rideau tombe. Le spectacle de la morbidité, dernier acte. Une tragédie, la fin en sera funeste, malgré l’extase finale des martyrs. Auront-ils, au seuil de la mort, conscience de ce plaisir délicieux de l’ultime offrande ? C’est ce dont il essaie de me persuader. Il est facile de reconnaître aux esclaves le plaisir de la soumission lorsqu’on tient la chaîne, j’imagine. Je n’ai jamais eu ce bonheur, je ne peux que l’imaginer. « Les fers les plus solides sont sûrement ceux qu’on a oublié. Comment couper un fil qu’on ne sent plus, qu’on ne voit plus… Je ne doute pas qu’il y a un plaisir, chez le triste, à laisser le soin à d’autre de s’embarrasser du labeur de la pensée. Mais me ferez-vous croire que vous ne disposez pas, vous-même, d’une échelle des plaisirs ? »

Je dois lui reconnaître à Monsieur Thorn qu’il a su s’éloigner des sentiers battus et rebattus par les anciens pour présenter un discours neuf. J’ai beaucoup entendu, depuis que l’on m’a présenté la Force et ses mystères. Yuthura, ses maîtres m’ont parlé. Ifant, ses Sœurs. Aujourd’hui, ma Dame, les Seigneurs Korribanite et Kaasien. Un nouveau discours, une nouvelle philosophie, un nouveau rapport au réel. Je suis peut-être une inculte, mais les longues discussions avec mon héroïne, les nuits passées à revoir mon mentor à travers le temps ont développé en moi une certaine sagesse. A ne rien connaître, on semble apprendre mieux à organiser ce rien. Je trouve à cette vision sensuelle de la Force un côté presque… mignon.

Nous voilà dans une salle aux allures simples, presque paisible. S’il n’y avait les vibrations frémissantes de l’obscurité, ici, nous aurions pu être dans un temple dédié à la lumière. J’ignore de quelle tradition cette architecture est héritière, mais elle me semble loin des conceptions Sith. Je comprends mieux les inimitiés. Le portrait comprenait des rapports difficiles avec l’inquisition. Une telle pensée. Hérétique, pour l’orthodoxie, je n’en doute pas. Hérétique et dangereuse. Hérétique donc, de mon point de vue, intéressant puisque créatrice. Je n’ai pas le fanatisme de l’ancien. Je reconnais les puissances d’antan et ce qu’elles ont à nous apprendre, mais cela n’a de valeur que dans la réécriture. Veux-je n’être que l’énième bis repetita ? Non. Je marquerai le temps à ma façon.

Il m’invite à le faire, je m’assoie, imitant sa posture. Il érige ses piliers. Savoir, éternité, esthétique. Un temple proprement superbe. Terrifiant et beau. Adorable et craint. « L’art pour l’art ne vous paraît pas être une fin suffisamment noble et solide ? Le plaisir de faire parce que cela peut être fait ? Ou bien demandez-vous à une jeune femme tout juste sortie des chaînes de la servitude, si pauvrement éduquée qu’elle comptait encore au nombre des illettrés naguère, d’avoir d’ores et déjà percé les mystères de la vie qui l’anime ?

Je prends vos questions et les inscrits sur les pages de mon esprit, espérant en rédiger les prochaines pages bientôt. Quel plaisir ? Permettez-moi d’entamer avec vous le début de ma thèse. Ai-je en moi ce besoin d’enfanter ? Il y a un temps, j’aurais préféré vous parler de vengeance. Simplement. La colère, la fureur. Je désirais leur sang. Le temps de l’ire futile semble se passer. Quel plaisir à la vengeance ? J’aurais continué de porter leurs chaînes. J’ai besoin de me créer, différente. De me réinventer. De bâtir à ma façon, ma personne et le monde, mon monde. Est-ce bien cela ? Je cherche, quelque part, comme vous, une forme de pérennité, je crois. On m’a interdit d’être jusque-là, je refuse de disparaître dans l’oubli et à la fois, ce que j’aime à faire… Concédez-moi la prétention de m’affirmer artiste, d’une certaine façon. Et comme toute artiste, j’aspire aussi à la liberté. Non pas le pouvoir pour le pouvoir, mais la qualité suffisante pour m’affranchir, enfin, des jougs que l’on m’a imposé. Je dois apprendre, trouver ma liberté, créer, vivre. Ou bien ai-je déjà perdu l’esprit et êtes-vous déjà en train de faire de moi l’une de vos admiratrices. »


Je ris à ma façon. S’il doit désormais s’en douter, du fait de notre étrange façon de communiquer, il entend bien le souffle saccader de mon rire à présent, vide des vibrations habituelles des gorges. Je suis venue pour trouver des réponses. J’ai réalisé que je partirai avec davantage de questions encore. Oh, Yuthura, vos convictions semblaient plus simples.
Absalom Thorn
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Je vois, vous êtes de la race des bâtisseurs de pyramides.


Nulle ironie dans sa voix qui résonne en pensée dans l’esprit de la jeune femme, et pourquoi y en aurait-il eu ? Toute la décoration de sa bibliothèque témoigne d’un goût véritable pour l’art. Il serait incapable de reconnaître les courants et les époques, ou même d’identifier les artistes, faute de temps consacrer à leur étude, mais il aime leur beauté et créer lui semble une motivation aussi respectable que les siennes.


J’ai été élevé par les Jedis, poursuit-il avec la même douceur, et je les ai détestés pour leurs ordres, pour leurs contraintes et pour leurs privations. Rien de comparable, je l’entends bien, avec ce que vous avez subi vous-même, là n’est pas mon propos. Mais pendant longtemps, j’ai regardé les premières décennies de ma vie comme une sorte de trahison.


C’est lui que l’on traite souvent de félon, mais cela ne l’empêche pas de porter un regard accusateur sur ceux-là mêmes qui prétendent le juger.


Plus de vingt ans à m’enseigner de contenir mes pouvoirs, de restreindre mes désirs, de cultiver mon ignorance. Vingt ans à m’inculquer une hiérarchie si stricte et si desséchante qu’elle ne laisse plus de place à l’individu. Pas de possession. Pas d’autres avis que le Code, pas d’autres décisions que celles du Conseil. Pas d’intimité. Pas de famille. Pas d’amours. Pas de liberté.


L’Ordre Jedi a beau jeu, à ses yeux, de présenter les Siths comme de dangereux criminels, mais il n’a jamais été qu’une secte intégriste qui réduit des enfants à un endoctrinement systématique, pour les confiner à une vie de quasi-esclavage, qui se termine souvent à un âge précoce dans des batailles horribles.


Je n’ai jamais eu la colère tempétueuse de bien des Siths, ni cet esprit de vengeance si opiniâtre qu’il aurait été la source de toutes mes ambitions, mais j’ai voué des haines farouches, longtemps, dont j’ai craint un jour qu’elles ne deviennent obsédantes et, comme vous, je me suis rendu compte qu’à trop penser à ceux qui nous ont diminué, l’on se diminue encore.


Il a un sourire doux et protecteur.


Vous parlez beaucoup de votre ignorance et vous vous présentez presque comme une illettrée, mais vous êtes déjà plus sage peut-être que je ne l’étais moi-même à votre âge, et vos aspirations sont déjà plus nobles et plus raffinées que les petits espoirs d’avancement qui animent nombre de jeunes guerriers de l’Empire, quand ils regardent les Seigneurs et les Dames qui les dominent, et songent à cette place qu’ils pourraient occuper.


Son ascension météorique au sein de l’Ordre Sith ne lui a pas conservé un très grand respect pour ceux qui en gravissent les échelons plus péniblement.


La clairvoyance est un atout précieux, et l’on doit toujours porter sur soi-même un regard lucide et parfois critique, mais la modestie est une faiblesse, car elle est au mieux une hypocrisie, au pire l’ignorance de ses propres mérites. Si vous vous diminuez par respect pour ma grandeur, sachez que je n’ai pas besoin que les autres s’humilient devant moi pour savoir ce que je vaux, et que je préfère être entouré de gens qui connaissent leur excellence, et prêtent malgré tout l’oreille à mes conseils, que de talents qui s’humilient pour ménager ma sensibilité.


Curieuse affirmation, quand on considère l’attitude de quasi toutes les personnes qu’ils ont croisées ensemble jusque-là dans cette bibliothèque.


Et si vous croyez sincèrement être ignorante et incompétente, le premier de vos apprentissages ici ne doit pas se faire dans vos livres, mais en vous-même, car pour vous sentir à la hauteur des secrets que vous cherchez, vous devez d’abord vous mesurer avec justesse. Fermez les yeux.


Sa présence dans l’esprit de la jeune femme se fait petit à petit plus envahissante, mais pas comme une menace : c’est une étrange chaleur, et presque un plaisir, qui s’insinue dans les moindres pensées de la Kiffar. Au bout de quelques secondes, il commence à faire émerger des souvenirs plaisants, des moments de réussite et d’accomplissement personnel, des victoires, les satisfactions du quotidien comme les conquêtes les plus exceptionnelles.


Cessez de me parler de ce que vous ignorez et de ce qui vous manque, cessez de penser à vos infirmités et à vos faiblesses, vous aurez bien le temps, plus tard, de les examiner d’un œil juste et proportionné, pour décider ce qu’il convient d’en faire. Contemplez en vous ce qui est exceptionnel et précieux, ce qui vous place si au-dessus de ces autres guerriers que vous avez pu rencontrés, machines soumises à la mécanique d’émotions médiocres, lancées vers des destins dérisoires, embrassez d’un regard l’étendue de vos expériences si diverses, et sentez tout ce que vous êtes déjà, pour deviner tout ce que vous pourrez devenir.
Alysha Myy’Lano
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Au semblant d’objectif que se prête la biographie dont on m’a dotée, il double le tissu d’un velours de subjectif bienvenu. J’ai le sentiment d’en apprendre davantage sur lui, lorsqu’il se raconte, qu’avec toutes mes lectures préalables. Quelque part, je trouve en lui un reflet. J’ai le sentiment de jouer des mêmes cartes, d’avoir dans ma manche les mêmes atouts. Les sirènes de la méfiance retentissent d’autant plus fort en moi.

« Je ne connais guère l’enseignement des Jedis. Il m’est simplement connu ce que nos archives Korribanites les plus accessibles en délivre, et vous concèderez qu’on y distingue un prisme et un parti pris certains. Je ne doute pas pourtant que, comme vous, je m’y serais rapidement sentie… Bridée ? Ma prime jeunesse, et d’ailleurs, la majeure partie de ma vie s’est fait sous le joug d’un dispositif neuronal, lequel me maintenait dans une forme d’état second, de lassitude, presque permanent. M’en libérer… Je ne saurais trouver les mots pour vous exprimer mon extase d’alors. » Je me garde bien d’émettre mes propres doutes sur l’Empire. Cette forme politique inébranlable, porteuse de paix à présent. Comment pouvions-nous ne pas nous enliser dans l’immobilisme morbide dès lors ? La guerre civile est une résultante logique d’un corps qui ne peut souffrir le manque d’ennemi ; face à l’ennui, les anticorps finissent par s’en prendre au corps lui-même.

Puis il revient à moi. J’ai le sentiment que nous ne sommes pas compris. Je le laisse terminer avant d’apporter mon contre-point à son chant. « Comprenez bien, cher hôte, que je n’ignore pas que je compte parmi la race des seigneurs. Je dispose du pouvoir, je dispose de mes propres forces, je dispose d’une volonté à rompre les fondations du monde. Mes mentors m’ont aussi inoculé leurs sagesses, bien différentes, que j’ai pris longuement le temps de m’approprier.

Comme vous, je n’ai pas la frénésie de certains Siths. Et cette différence est ma force. Simplement, je n’ai aucune formation académique ou scolaire. Je n’ai appris à lire il n’y a que deux ans. On m’a muré dans le silence en m’interdisant la langue des signes jusqu’à l’âge adulte. Je ne connaissais de la galaxie que ce que les gens de passage me délivraient, au hasard d’un monologue, ou de ce que j’en entendais dans la bouche de mes consœurs d’alors. Si mon premier mentor m’a fait l’héritière d’une certaine tradition orale, elle a aussi largement tronqué mon enseignement ; une autre forme de bride mentale, finalement. Je ne suis libre de mon propre enseignement que depuis peu… Et il faut encore apporter de la nuance dans cette liberté également.

Ceci étant dit, ne suis-je pas venue jusqu’à vous par devers tout ? On ne parle là d’aucun rempart sinon du temps. J’ai appris la patience, j’ai pris la route peut-être un peu tard, mais je ne la parcourais qu’avec plus d’envie, d’ardeur et de joie. »
Je le regarde, l’œil brillant. S’il avait des doutes sur ma confiance, il serait difficile de continuer de les alimenter. Je suis de la race élue. Je suis une Reine parmi les mécréants. Je le sais. Je n’ai plus de barrière que le temps. Le reste cèdera à ma volonté et à mon désir démiurgique.
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Bien.


Et sur cette conclusion d’un laconisme inhabituel, l’homme se releva.


Si vous voulez bien me suivre, nous allons procéder à votre inscription.


Ah parce qu’il fallait s’inscrire ? En tout cas, ils rebroussaient chemin : le couloir qui longeait les salles d’où émanait le Côté Obscur, le turbolift et, de retour vers la souffrance, la direction du grand hall. Cette fois-ci, Absalom emprunta un couloir opposé à celui où l’on avait d’abord conduit la jeune femme, jusqu’à la faire pénétrer dans une pièce dont la porte portait la double inscription, en basic et en hapien :




Centre administratif




Chère Darth Silencious, bonjour, claironna le maître des lieux en pénétrant dans une pièce d’une propreté si impeccable qu’on aurait pu se désinfecter en s’y roulant par terre.


Il y avait là une vaste console futuriste, à demi-circulaire, derrière laquelle se tenait une Sephi en bure de sorcière sith. Elle devait avoir cent, peut-être cent vingt ans mais, à cause de son espèce, elle conservait presque l’apparence d’une humaine entre deux âges. Ses cheveux noirs, relevés en un chignon compliqué, lui donnait un air sévère.


Maître, prévint-elle aussitôt en portant un regard soupçonneux sur l’Hapien de beaucoup trop bonne humeur pour son goût, si vous venez m’annoncer que vous avez encore perdu votre clef d’identification, je vous préviens, j’annule toutes les commandes de thé et je vous mets au pain sec et à l’eau pour quatre mois.
Moi, s’offusqua l’intéressé ? Perdre ma clef d’identification ? Moi ?
L’événement ne serait pas inédit…
Deux fois. C’est arrivé deux fois.
Quatre.
Dites donc, Silencious, qui est le maître, ici ?
Du calcul mental ? Certainement pas vous.


Absalom laissa échapper un soupir résigné. Il fit un pas de côté néanmoins, puis un geste de la main et déclara :


Nous avons une nouvelle lectrice.
Allons bon, marmonna Darth Silencious, qui faisait partie de ces bibliothécaires qui jugeaient que les livres n’étaient jamais mieux que lorsque personne ne posait ses mains pleines de doigts dessus. Remplissez ce formulaire, mademoiselle.


Et la Sephi pianota à une vitesse proprement sidérante sur sa console, jusqu’à ce que, du côté de la Kiffar, apparût un formulaire on ne peut plus rudimentaire. On lui demandait son nom ou son pseudonyme, son espèce, ses préférences atmosphériques, ses allergies notables, ses langues vivantes et mortes, la fréquence estimée de ses visites et d’indiquer tout phénomène mystique, biologique ou prosthétique de nature à affecter l’intégrité des ouvrages conservés, papiers ou électroniques.


Le Seigneur Noctis vous attribuera un niveau de sécurité, expliqua la sorcière d’une voix égale, qui vous permettra ou vous bloquera l’accès aux différentes sections de la bibliothèque. Chaque section représente un degré d’approfondissement particulier de la Force et chaque section couvre une diversité de domaines, répartis à l’intérieur des sections en rayonnages. Vous trouverez le catalogue des sections qui vous sont ouvertes et leur index dans les terminaux de consultation.


À peine le formulaire complété que la jeune femme se fit tendre un datapad.


Vous ne pouvez pas télécharger d’ouvrages sur un appareil mobile sans l’accord explicite du Seigneur Noctis. Toute tentative de le faire entraînera la corruption de votre appareil et, si nos mesures de sécurité informatique ne devaient pas suffire, vous seriez traquée jusqu’au bout de la Galaxie, capturée et assassinée de la plus horrible façon.


Comme dans toutes les bibliothèques, en somme.


Est-ce que je me suis bien faite comprendre ? Vous pouvez prendre des notes, mais seulement sur ce datapad, qui est connecté à notre système et nous vérifierons régulièrement que vous ne copiez pas l’intégralité des ouvrages.
Sachez néanmoins que pour les ouvrages des premières sections, précisa Absalom de vive voix, j’accorde volontiers les autorisations non seulement pour les copies d’emprunt, mais également pour copier des exemplaires à conserver.
Pour des raisons qui dépassent l’entendement, commenta Silencious. Il est interdit de boire et de manger dans les salles de lecture. Un espace de restauration est mis à votre disposition. Je vois tout. Je sais tout. Si vous introduisez ne serait-ce qu’une barre de céréales dans ma bib…


Absalom s’éclaircit la gorge.


… dans la bibliothèque du Seigneur Noctis, vous seriez…
Traquée jusqu’au bout de la Galaxie, etc.
Exactement. Vous avez l’interdiction stricte de vous battre avec les autres usagers, de tenter de les contrôler mentalement, de les assassiner d’une quelconque manière, de les provoquer, de les posséder, de siphonner leur âme, de…
Bref, soyez polie.
Je n’irais pas jusque là, mais enfin… Prière de tenir vos relations sexuelles dans des endroits où vos gém…
Chère Silencious, je ne doute pas que le datapad contienne l’intégralité de votre règlement intérieur ?
Dans ses sept cents vingt-sept pages, oui, maître.
Excellent ! Votre professionnalisme est, comme toujours, légèrement effrayant.
Merci, maître, répondit la Sephi en inclinant légèrement la tête.
C’est nous qui vous remercions.


Et après cet échange de courtoisie dont on eût difficilement été témoin dans les couloirs de Korriban, le Hapien entraîna sa visiteuse à sa suite. Une fois dans le couloir, il précisa, mais cette fois-ci télépathiquement :


Le datapad qu’elle vous a donné contient votre clef d’authentification, qui vous permet d’accéder aux différentes pièces et aux turbolifts auxquels vous êtes autorisée. Mon Inquisitrice va faire quelques vérifications à votre sujet et, une fois qu’elle aura rendu ses conclusions, je vous donnerai les accréditations qui me paraîtront appropriées et vous pourrez profiter pleinement de la bibliothèque. Si vous voulez bien m’accorder encore quelques minutes…


Nouveaux couloirs, nouvelles décorations exquises et, cette fois-ci, un escalier. Cinq minutes plus tard, ils pénétraient dans un bureau spacieux mais sobrement meublé. Ce qu’il contenait de plus remarquables étaient deux monolithes d’un noir profond, à la surface parfaitement lisse. Le Sith renégat s’approcha de l’un d’entre eux et effleura sa surface. Alors se firent entendre une interminable série de cliquetis.


De toute évidence, il s’agissait d’un complexe verrou mécanique, sans accès depuis l’extérieur, et que l’on ne pouvait activer que par la télékinésie, en sachant précisément la position et l’engrenage des mécanismes. Le monolithe finit par s’ouvrir pour révéler une bibliothèque d’une centaine d’ouvrages, certains aux apparences fort anciennes et d’autres qui étaient manifestement consignés dans de petits carnets récents.


Absalom tira l’un de ces carnets.


Votre datapad, je vous prie.


Il se servit de l’appareil pour scanner patiemment les cinquante premières pages, avant de le rendre à la Kiffar, de ranger le carnet et de refermer sa curieuse étagère.


Vous avez le début de mes réflexions de jeunesse, si je puis dire, à mon arrivée au sein de l’Empire, quand j’ai été initié à la sorcellerie sith. Pour l’heure, profitez de la bibliothèque, mais si vous souhaitez un enseignement plus particulier de ma part, alors revenez me voir en me pointant dans ces notes des endroits où j’ai tort, des conclusions hâtives et des choses qui m’ont échappé. Prenez le temps qu’il vous faudra. Les ouvrages des premières sections devraient amplement suffire à vous y aidez.


Se pensant, il la reconduisait hors du bureau, puis vers le hall.


Si vous le souhaitez et si vous passez ce petit test, et si par ailleurs vous êtes disposée à m’en dire plus sur les personnes qui vous forment actuellement, alors je consentirai à contribuer plus personnellement et plus activement à vos apprentissages.
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He’Thu Lhoss, yellowgreen
Absalom Thorn, goldenrod

Une si longue conversation. Voilà qu’elle se termine simplement. Qu’est-ce qu’uen fin si abrupte peut bien me révéler ? J’ignore les habitudes du personnage, j’ai pourtant décelé un goût pour le langage. Quelque chose m’échappe. A-t-il été averti de quoi que ce soit ? Je ne sens aucune menace, même en laissant la Force me murmurer ses secrets. Décidément, quelque chose m’échappe. Peut-être l’ai-je déçue. Soit. Il ne serait pas le premier à faire l’erreur de trop peu me considérer, à m’oublier jusqu’à ce que je me rappelle à lui. Il se lève, et m’invite à le suivre. Malgré toute la maîtrise que j’ai de moi, la surprise doit affleurer sur mes traits et je la transforme en un sourire amusé. Une inscription, vraiment ? Voilà que je le suis, empruntant de nouveaux les chemins qui m’ont amenée là. Les choses sont tellement étranges dans ce lieu. Non moins malsain qu’en l’Académie, mais… Dans une gamme différente. A la façon des œuvres d’art dont il a couvert les murs, il semble être parvenu à étaler le Mal au couteau, comme pour le rendre plus doux mais non moins omniprésent. Mon cœur y trouve une certaine forme de délectable.

Darth Silencious ? à la tête d’une bibliothèque ? Non, vraiment, je ne peux retenir un léger rire muet. En même temps que je m’incline brièvement, par politesse et pour cacher ce rire. Quel étrange endroit, vraiment. Quelle étrange personne aussi. Je ne parviens pas à identifier ce qu’elle est, alors qu’elle n’est clairement pas humaine. De drôles d’oreilles pointues, une peau à la teinte violine. Je suis incapable d’estimer son âge. Elle a la sévérité d’un meuble ancien et l’œil brillant d’une fougue hors du temps. Alors qu’elle s’adresse à mon hôte, elle est la première que j’ose considérer comme l’une de ses collaboratrices, et non comme un pantin. En quelques mots, j’ai le sentiment qu’elle est la seule, depuis mon arrivée, à s’être passionner pour autre chose que son mentor lui-même. Voilà que l’on me tend un formulaire après m’avoir jaugée avec circonspection. Peut-être Absalom n’est-il pas le plus à craindre ici, finalement.

Alors que je parcours le document, mon esprit tordu ne peut s’empêcher d’en imaginer les pièges et les mésusages. Finalement, je me rends compte aussi soudainement que je ne suis personne. Je doute même que ma Dame ait fait la moindre mention de moi dans un document officiel Sith. Une ombre. Qu’importe le nom que j’indique… Et pourquoi pas, dès lors, choisir d’être ce que je veux ? Un sourire se dessine. J’entends un mot, parvenu à moi depuis les siècles, au travers des âges. Le belle accent twi’lek, les lèvres pourprées. Ici, née Darth Morgûl. Je ne mens pas, j’indique ma nature d’enfant de Kiffu – peut-être me laissera-t-on dès lors accéder à certaines choses pour que je puisse en déceler la nature pour un tiers tout en apprenant moi-même de mes visions. La fréquence de mes visites ? Je les espère mensuelle, et les indique ainsi.

De nouvelles règles, un nouveau mors que l’on me calle entre les dents. Je trouve étonnant qu’un ordre se targuant d’avoir la liberté pour absolu fasse du quotidien de ses adeptes une litanie infinie de règlement en tout genre. Les carcans m’étouffent. Bientôt. Sept cent vingt-sept pages ? Une ode au dessèchement du vivant. Un signe de tête pour faire savoir que j’entends, faute de comprendre, et nous quittons l’étrange dame. Je tiens fermement mon datapad. J’ai en moi la joie pétillante des jeunes premières. Nous voilà bientôt devant ce que je devine être un contenant de première importance, la complexité du mécanisme en témoigne. Entre mes mains, bien plus promptement que je ne l’aurais imaginé, ses réflexions.

« J’ose espérer que nos prochaines rencontres souffriront moins de mes… engagements premiers. Je suis une fleur loyale à sa terre mais pas au point de me laisser faner lorsque celle-ci ne me nourrit plus. Je vous remercie pour ces notes, je tâcherai d’en découvrir les sagesses aussi bien que les errances. Je ne puis, pour l’heure, m’attarder davantage en ces lieux mais sachez qu’à défaut de l’admiration inconditionnelle que vous avez fait naître chez chacun de vos sujets, chez moi, pour le moins, vous aurez fait naître une certaine forme de… curiosité. » Je lui souris courtoisement et puisqu’il m’autorise à quitter son côté, un énième employé des lieux nous rejoints pour me mener à la sortie de l’édifice.

FIN
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