Lloyd Hope
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- Heu…

Lloyd fit tourner le bloc de données entre ses mains, de façon à voir le plan dans un autre sens. Puis un autre. L’exercice lui rappelait vaguement les courses d’épreuves de Korriban, lorsque les apprentis devaient s’enfoncer par équipe dans les caveaux des Seigneurs Sith avec des plans similaires. Sauf que cette fois, ce n’était pas un exercice, et qu’un terentatek se promenait probablement dans ces galeries.
Le plan avait été dessiné manuellement, et le hapien soupçonna que les distances étaient très approximatives : les galeries paraissaient beaucoup moins étroites sur le plan qu’elles ne l’étaient réellement. Mais cela leur suffirait pour s’y retrouver à peu près.

- Ah ! Tiens là, fit-il soudain, posant son doigt sur un endroit de la carte. Je pense que notre éboulement est là et que la pièce dans laquelle on se trouve est… ici.

Il décrocha le stylet du bloc de données pour tapoter le dessus de l’écran et marquer les zones qu’il pensait reconnaître.

Spoiler:

- On a dû arriver par les escaliers de l’ascenseur, ici. Et tout à l’heure, la salle vers laquelle Luis t’a emmenée, ce doit être cette zone où il y a de l’eau. Quant à Kahla et au terentatek…

Il réfléchit un instant, avant de se raviser avec un soupir.

- Non, je sais pas. Mais on dirait que ce chemin-là conduit vers une sortie naturelle. C’est bien de l’avoir en tête.

Le hapien éteignit le bloc de données après avoir mémorisé à peu près ce qui l’intéressait sur le plan. Il ne voulait pas consommer toute la batterie restante en gardant le dispositif allumé, et de nouveau seuls son sabre et le briquet de Dana éclairèrent leur visage. Il devinait dans la pénombre les yeux écarquillés de l’Inquisitrice.

- On essaie de retrouver Luis, et le terentatek si possible avant qu’il ne nous trouve lui-même, et on se tire vite fait. On progresse en silence, c’est plus sûr.

Il n’attendit pas la réponse de l’Inquisitrice avant de se relever pour éclairer le chemin de la sortie de la pièce.

-------

-------

-------Comme un peu plus tôt, ils avaient progressé en avançant au coude à coude pour bénéficier de la lumière. Ils avaient suivi une galerie bien travaillée, avant de retomber sur une coursive étroite dont le sol inégal les faisait parfois trébucher. Une humidité malsaine suintait des murs qui luisaient alors. Deux fois, des bruits suspects leur étaient parvenus et Lloyd avait vite éteint son sabre laser pour faire taire le ronronnement et la lumière qui risquaient de trahir leur position. Il avait tenu Dana contre lui, le temps que les bruits cessassent, qu’il fût sûr qu’aucun ennemi n’allait surgir. Il sentait la respiration de la Sith s’accélérer quand il la pressait contre son torse. Il se maudissait que son esprit fût si obnubilé par leur proximité physique. Puis le calme revenait et il pouvait rallumer son sabre. Ils reprenaient leur progression en silence, tous leurs sens aux aguets.

Au bout d’un moment, un bruit régulier se mit à leur parvenir. Discret mais présent en trame de fond : un écoulement assez puissant, le bruit de l’eau qui polissait la roche avec une détermination minérale. Une rivière souterraine, probablement. Le hapien ne sut pas dire s’il avait entendu ce son lorsqu’il avait cherché Dana quand elle avait couru après Luis quelques minutes plus tôt : il avait couru sans y prendre garde, voulant à tout prix retrouver l’Inquisitrice. Mais désormais, plus ils avançaient, plus il l’entendait.

Ils parvinrent enfin à un endroit où le clapotis de l’eau fut très intense, et pour cause : la rivière souterraine traversait la coursive, formant une barrière au sol. En éclairant avec le sabre, on pouvait apercevoir l’autre côté de la rive, qui n’était tout au plus qu’à trois mètres. Le courant n’avait pas l’air très fort, mais il était difficile de savoir si le lit était profond ou non. Mais avaient-ils d’autre choix que d’explorer jusqu’à retrouver Luis et le terentatek ? Lloyd jeta un regard derrière eux, mais le couloir était plongé dans le silence et l’obscurité. Alors il tendit la garde de son arme à Dana.

- Tiens ça pour m’éclairer, je vais essayer de traverser, souffla-t-il, et sa voix couvrait à peine le bruit du torrent contre la roche.

Quand il eut les mains libres, il s’approcha du bord de l’eau. Les lueurs rouges de son sabre étaient réfléchies par l’eau en mille éclats carmins, jetant sur la roche alentour des ombres pourpres inquiétantes. Mais ce qui rendait Lloyd prudent, c’était surtout l’obscurité rampante de la mine. Une sensation qui ne l’avait pas quitté depuis leur entrée dans cette grotte, mais qui s’intensifiait à mesure qu’ils progressaient pour chercher Luis. Il lui semblait que quelque chose léchait leur corps de façon invisible, menaçant d’enserrer leur esprit à tout instant, comme une bête tapie dans l’ombre attendrait le bon moment pour refermer sur eux sa mâchoire béante.

Il posa prudemment un pied dans l’eau, et sa botte s’enfonça jusqu’à la cheville tandis qu’il se tenait au mur. Le torrent ne lui parut pas puissant, et il consentit à lâcher la paroi pour s’aventurer un peu plus loin.
Le pas suivant, et toute sa botte disparut sous l’eau.
Le pas suivant, et il était immergé jusqu’aux genoux.
Le pas suivant, et il avait de l’eau jusqu’aux cuisses. Le froid glacial mordit sa peau à travers son pantalon désormais trempé et il laissa échapper un sifflement de consternation.
Heureusement, au pas suivant, l’eau ne grimpât pas davantage et elle put avancer de quelques pas, jusqu’au milieu de la rivière souterraine. Ses yeux s’étaient habitués à l’obscurité, et il devinait la coursive qui apparaissait à quelques pas devant lui. Il y était presque. Dana n’aurait qu’à lui envoyer son sabre et elle traverserait à son tour.




Brusquement, un grondement emplit l’atmosphère. Le sol se mit à trembler sous leurs pieds et le hapien dut faire un effort pour ne pas tomber dans l’eau. Le courant aurait pu l’emporter s’il n’y prenait pas garde, mais il gardait ses bottes ancrées dans les gravillons et la boue qui recouvrait le fond du lit de la rivière. De la roche qui surplombait leur tête, de petits fragments se détachèrent et tombèrent entre eux, et les deux Sith furent figés d’appréhension : la mine allait-elle s’effondrer sur eux ?




Mais bientôt, le grondement cessa, les tremblements également. Tout parut calme de nouveau. Le hapien s’était retourné vers Dana, dont il voyait la silhouette illuminée par son sabre.
J’suis morte de peur dans ces endroits.

- C’est rien. Juste un petit tremblement de terre, tâcha-t-il de dire, bravache.

Puis il y eut une vague.

Inattendue.
Haute et brutale.

L’eau surgit de l’ouverture en amont de la rivière, comme un jet projeté par une pression soudaine, et elle percuta Lloyd de plein fouet avec une violence et une rapidité qui l’empêchèrent de comprendre ce qui était en train de se produire. Il fut projeté dans le lit de la rivière et soudain le courant l’emporta follement.

Plus de lumière, plus de Dana, plus d’air. Plus de sol ni de plafond, juste l’eau, partout.

Il essaya de se rattraper mais ses mains heurtèrent la roche douloureusement et il comprit qu’il dévalait rapidement un tunnel sombre. L’air manquait. Lutter contre le courant était inutile. Dans l’obscurité, il fut balloté, sentant douloureusement son corps cogner parfois une paroi.

Le courant lui sembla se transformer en aspiration. Comme si le centre de la mine cherchait à l’attirer dans une inspiration irrésistible, vers l’obscurité. Il cria, mais sa voix fut étouffée par le torrent. L’eau s’engouffra dans sa gorge tandis qu’il tombait, indéfiniment lui semblait-il.








Schlouf.








La chute avait pris fin. Il avait senti une autre masse d’eau l’accueillir. Il toucha le fond de cette étendue souterraine et se projeta de ses pieds vers le haut, vers une surface hypothétique.

S’il y en avait une.

Après trois brasses, sa tête émergea de l’eau, dans une obscurité totale. Il eut un haut-le-cœur, et l’eau qui s’était infiltrée dans ses bronches fut rejetée brusquement avant qu’il put enfin avaler une grande bouffée d’air. Il pataugea plus qu’il nagea le temps de reprendre son souffle. Ses râles désordonnés côtoyèrent un instant le bruit d’une cascade – celle par laquelle il avait dû arriver.

Il se mit à nager, tremblant, dans une direction aléatoire. Il n’avait plus de force. Il n’avait plus même l’énergie de tendre la Force pour chercher Dana. Il ne savait pas combien de mètres les séparaient désormais.

Il nageait pauvrement.

Enfin, ses mains glacées percutèrent la pierre. Un rivage. Il se hissa hors de l’eau avec un grognement. L’adrénaline l’aida, et il se retrouva à quatre pattes, haletant. Enfin un sol stable, enfin tiré de cette eau meurtrière.
Mais le soulagement ne fut que de courte durée, car alors il se rendit compte de la situation désastreuse dans laquelle il se trouvait : l’obscurité était totale. Il ne voyait rien, pas même ses propres mains appuyées sur la pierre, sous son visage. Il avait perdu le sens de l’orientation, et ne pourrait pas le retrouver : le bloc de données dans sa veste avait certainement pris l’eau et ne pourrait plus être rallumé. Et pour couronner le tout, le froid et ses vêtements trempés allaient bientôt avoir raison de sa chaleur corporelle.

Il se laissa aller par terre, S’allongeant pour mettre son corps au repos, se recroquevillant en espérant se protéger du froid. Réfléchissant. Cherchant un indice, utilisant ses oreilles puisque ses yeux ne lui servaient à rien, mais le bruit de la cascade couvrait tout.




Sauf… Une respiration. Epaisse, calme, profonde. Qui se rapprochait.

Lloyd se figea, les yeux écarquillés dans le noir. Il entendait une cage thoracique profonde, puissante. Un reniflement. Des griffes qui cliquetaient doucement sur le sol.



La respiration et les cliquetis se rapprochèrent. Le hapien essaya de ramener la Force autour de lui, pour se défendre, mais sa chute et l’effort considérable qu’il avait mobilisé pour les sauver des mineurs quelques temps plus tôt avaient eu raison de ses dernières capacités. Il se mit à trembler plus fort et il ferma les yeux quand un souffle chaud s’écrasa dans sa chevelure.
Ca y était, le terentatek était là. Et il ne pouvait pas se défendre.













Quand soudain, il sentit une matière épaisse, chaude, rugueuse et humide à la fois, se frotter contre sa joue.

Une langue.








- … Luis !!

Sa poitrine lui sembla se liquéfier de soulagement.

Darth Hope
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-Merde, merde, merde….souffla-t-elle en se précipitant vers le bord tumultueux de la rivière souterraine. Elle y plongea un pied qui s’enfonça jusqu’au genou. L’eau glacé avait doublé de volume et son courant était devenu ravageur. Dana retira hâtivement sa jambe et recula, paniquée.

-MERDE ! hurla-t-elle de colère et de frustration. Ces sentiments n’étaient que deux gouttes d’eau dans la vaste étendue que formait son inquiétude. Elle n’arrivait pas à tourner ses pensées vers autre chose que Lloyd Hope. Ses yeux grands ouverts accusaient le coup de l’horreur, de la probabilité qu’il fût mort noyé. Elle cria de nouveau, mais rien ne lui répondit si ce n’était le sinistre vide de la mine.


Elle avait abandonné.
Recroquevillée sur la berge rocailleuse, plongée dans le noir absolu, elle avait ramené ses genoux contre elle pour y enfouir son visage. L’une de ses mains tenait toujours le sabre-laser, éteint. Elle essayait de respirer, de ne pas sangloter, de réfléchir, mais rien ne lui venait. Toutes ses ressources avaient été aspirées par cette énième contrariété. Dana avait l’impression que cette fois-ci, elle ne reverrait plus le hapien quoiqu’elle décidât de faire. Rebrousser chemin au risque de retomber sur les anciens mineurs maudits ? Traverser la rivière déchaînée ? Elle serait emportée par le courant.

- Où est Lloyd ?
- Mort.


Péniblement, elle se remit debout. La lame pourpre cisailla les ténèbres et mordit les reliefs alentours d’un halo rougeoyant. Les eaux furieuses continuaient de se déverser contre la roche. Leur boucan brassait l’air et heurtait désagréablement les oreilles de l’Inquisitrice. C’était un véritable Sith, songea-t-elle en portant le sabre flamboyant devant sa figure pâle. Et elle lui faisait confiance. Mourir serait la trahir. Il avait dit qu’il ne la trahirait pas ; jamais. Elle devait croire à cette promesse non-dite ou plus rien n’aurait de sens. Pas même les souvenirs, les épreuves ou la joie qu’ils avaient pu partager au détour d’un malheur. Elle se concentra et quand elle fut sûre que ses pensées ne seraient plus perturbées par l’angoisse et la solitude, elle plongea dans la rivière.

L’eau lui arriva bientôt à la taille et se déversait avec brusquerie contre ses hanches, ses jambes, menaçant de la faire basculer à tout moment. Cependant, elle tenait bon et avançait à pas enjambées lentes et régulières. Le niveau grimpa encore à mi-chemin et couvrait sa poitrine, flirtait avec sa gorge. Elle maintenait le sabre-laser bien haut, les bras tendus au-dessus de sa tête. Et elle cristallisait son énergie sur la concentration que nécessitait le périlleux exercice. Dans ces moments critiques, la peur avait vite fait de vous précipiter. Et la précipitation menait au faux pas ; le faux pas à l’erreur fatale et l’erreur fatale à une mort inexorable. Quand Dana se sentait perdre l’équilibre, elle ne bougeait plus et affrontait son angoisse pour demeurer maîtresse d’elle-même. Il ne fallait pas perdre le contrôle. Elle campait fermement sur ses deux jambes, patientait dans l’eau froide qui transperçait la barrière de ses vêtements, de sa peau pour venir mordre ses os.

Après de longues et périlleuses minutes, son pied heurta enfin l’autre rive. Sa semelle glissa contre les graviers et la tourbe et elle se dépêcha de se jeter en avant pour agripper le sol et ramper hors de l’eau, frigorifiée. Ses membres tremblaient alors qu’elle se traînait péniblement dans la suite de la galerie. Sa silhouette fut avalée par l’obscurité, jusqu’à étouffer la lueur de la lame.














Criiischt…
C’était le bruit que faisait le sabre-laser qui s’enfonçait dans la roche épaisse et traçait un sillon orangé. A son passage, les minerais fondaient pour se durcir ensuite et ne laisser qu’une marque dégoulinante figée dans le froid. Dana progressait ainsi, laissant la lame racler paresseusement la paroi afin de baliser le chemin qu’elle parcourait. Ainsi, quand elle arrivait à un embranchement et qu’elle empruntait un chemin qui la ramenait sur ses pas, elle s’en rendait compte. Il suffisait de repérer les traces fraîches. Alors, elle revenait au croisement et ayant identifié chaque route déjà empruntée, prenait enfin la bonne direction. Bientôt les galeries furent plus larges. Assez larges pour qu’un terentatek s’y faufile. La hauteur sous plafond avant également gagné en volume. Mais l’obscurité corrompue aussi. Elle s’abattait sur ses épaules comme un poids mort. Elle se sentait avancer plus lentement, l’esprit engourdi par la corruption qui régnait en ces lieux. Des voix s’étaient insinuées dans sa tête ankylosée alors qu’elle était persuadée de n’avoir croisé personne.

Puis à la faveur de la lumière dégagée par le sabre, elle le vit.
C’était l’ombre d’une tignasse blonde. Il avait dû la voir aussi, capter le halo rouge qui l’entourait. Mais il ne s’était pas arrêté et poursuivait.

-Lloyd ?!

Il accéléra le pas et elle en fit de même.

-Lloyd ! Attends !

Il s’était mis à courir et elle s’entendait s’essouffler au pas de course pour le rattraper.

-Lloyd, c’est moi !

Elle ne songea plus à marquer les parois de son passage, obnubilée à l’idée de le retrouver, de s’assurer qu’il allait bien. Mais il lui échappait, filait entre ses doigts comme l’eau fuyante et la frustration grandissait. Elle avait l’horrible impression qu’il cherchait à la semer, à la perdre ici. Qu’il voulait se débarrasser d’elle. La peur grandit. Elle déboula dans une grande pièce. La lueur de son sabre refléta les contours de machines de forages, de droïdes de chantier à moitié détruits. Tout rappelait l’activité passée de la mine. Au centre, il semblait y avait une cavité béante. Et de l’autre côté, une silhouette rachitique patientait. Le cœur de Dana bondit hors de sa poitrine à l’idée que cette nouvelle chose eût pu faire du mal à Lloyd. Elle se rapprocha prudemment en position de garde. Et plus elle se rapprochait, plus elle devinait en l’inconnu, l’une des créatures qui les avait attaqués. Mais celle-ci semblait immobile et sans velléité belliqueuse. Si elle avait pu le décrire en détails, elle aurait vu sa gueule décharnée, sa mâchoire disloquée du reste de son crâne sur lequel trônait encore un casque de mineur. Autour de sa cage thoracique, des câbles et des cordes s’enroulaient de manière tortueuse.

-Où est Lloyd ?! cria-t-elle comme s’il avait pu lui répondre.

Dana tremblait encore, mais ce n’était plus le froid. Ses mains s’agrippaient fermement à la garde du sabre, prête à en découdre. Mais l’être décharné se contenta de déploya son bras efflanqué et l’un de ses doigts noueux pointa l’abysse qui les séparait. Il lui montrait la direction à suivre, en silence, pour trouver une réponse à sa question. Méfiante, l’Inquisitrice s’approcha du bord de la cavité. Elle s’agenouilla lentement.

-Ne regardez pas là ! hurla une voix féminine à des mètres de là. Kahla venait de débouler, la figure ensanglantée, le souffle rauque.

Trop tard.
La Sith s’était penchée au-dessus de ce nid de ténèbres, dans l’espoir de retrouver le hapien qui n’avait été qu’une illusion.
Et elle se sentit attirée, avalée par une attraction trop forte.
Son corps bascula.

Une poigne ferme agrippa sa main et Dana eut un sursaut de lucidité. Elle glapit un cri de terreur. Ses jambes battaient dans le vide et son autre main s’accrochait au sabre-laser. L’humaine releva sa figure et croisa les yeux écarquillés de l’apprentie qui faisait de son mieux pour ne pas la lâcher. Au prix de nombreux efforts de la part de l’une et de l’autre, la zabrake réussit à tracter Dana hors de la cavité. Elles s’étendirent au sol toutes les deux, la respiration courte et irrégulière. Dana leva fébrilement le sabre entre elles et découvrit que Kahla n’avait plus sa bure. Elle portait un uniforme sombre, déchiqueté par endroit et une plaie à sa figure rajoutait plus de rouge à sa peau qu’il n’en fallait.

-Kiwi…souffla-t-elle.
-Il est pas loin, j'ai pas réussi à le semer, grimaça Kahla, rompue par la douleur que son espèce supportait pourtant bien.

Shar réussit à se relever. La créature de l’autre côté du trou avait disparu, comme un mirage soudainement balayé par la réalité. La tête lui tournait et le froid revenait au galop. Il glaçait la pointe de ses cheveux humide, se cristallisait sur l’humidité de son manteau grenat. Elle claquait faiblement des dents, mais l’adrénaline était plus forte et échauffait ses veines d’une énergie désespérée.









Bang.

Le sol vibra sous le poids du terentatek. Il avait sauté depuis une corniche, les yeux luisant d’un appétit sombre. Kahla geignit d’impuissance en le découvrant dressé, dans le dos de l’Inquisitrice. Cette dernière n’osa plus bouger, consciente du danger imminent. Kiwi rugit son impatience et son souffle putride souleva la chevelure de jais avant de glacer la nuque blanche de Dana.

D’une enjambée, il se propulsa, mâchoire ouverte.

Elle ferma les yeux, comptant les secondes qui la séparaient de la douleur et de la mort.
















Rien ne vint.















-Le nexu ! glapit Kahla, frappée de surprise.

Dana se détourna vivement. Les grognements des deux bêtes emplissaient l’air. Luis avait surgi pour bondir sur le terentatek avant qu’il n’atteigne sa maîtresse. Les créatures se roulaient à terre, s’échangeaient des coups de griffes, de crocs. Tout s’emballait, allait vite. Le terentatek ne tarderait pas à prendre le dessus et à cette idée, le cœur de Dana s’affola. Elle devait trouver une solution.

Enfin, à la lueur du sabre-laser, la figure familière de Lloyd apparut. Il semblait essoufflé, mais bien vivant.


Lloyd Hope
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Le hapien s’était redressé tandis que Luis frottait son visage contre ses vêtements trempés. Lloyd tapota tant bien que mal le pelage de la bête sans la voir, en espérant ne pas s’embrocher dans ses épines dorsales. Il était assis par terre mais dans cette obscurité totale, il était bien incapable de savoir dans quelle direction il pouvait aller. La présence de Luis le rassurait quelque peu, aussi étrange que cela pût paraître.

- Là, là, c’est bien. Tu te souviens bien qui distribue la viande toi, hein ?

Le nexu répondit en fouettant l’air de sa queue avec enthousiasme, et Lloyd en entendit le claquement contre la pierre.

- Bon, faut que tu m’aides mon grand. Où est Dana ?

Luis lui répondit par un grognement qui ressemblait exactement à ceux qu’il avait quand… Il avait faim. Dans l’obscurité, le hapien devina que la créature découvrait ses dents multiples.

- Heu, ouais, mais j’ai rien là. Trouve Dana, et je te donne de la viande. Dana.

Le nexu resta silencieux, se mettant à renifler les bottes de Lloyd.

- Mais si, quoi. Dana, ta maîtresse, soupira le hapien. … Et la mienne, j’crois.

Luis ignora complètement sa remarque. Lloyd leva les yeux au ciel en soufflant. Il n’avait rien sur lui qui sentit l’odeur de Dana pour faire comprendre ce qu’il voulait au nexu. De plus le froid mordait ses membres et il comprit que s’il ne s’activait pas prochainement, il se condamnait.
Il était en train de se relever quand une voix lointaine leur parvint. Aussitôt, Luis se redressa et retint son souffle. Lloyd eut à peine le temps de glisser ses doigts entre ses épines dorsales pour s’y accrocher : lui aussi avait reconnu le timbre de Dana et quand le nexu s’élança, il tâcha de suivre le mouvement.
S’en suivit une course désordonnée. Le nexu se jeta dans un corridor à quelques mètres de là, Lloyd sur ses talons accroché à lui, qui manquait de glisser à chaque pas aveugle. Le hapien percuta plusieurs fois les murs mais refusa de lâcher prise. Luis emprunta une galerie qui remontait et les deux déboulèrent enfin dans une salle où une lumière. A la lueur rouge de son propre sabre, le hapien n’eut que le temps de voir le terentatek apparaître. De surprise, il lâcha Luis, qui se rua sur la créature. Le hapien, lui, accourut près de Dana et Kahla, le souffle court.

- Il faut le piéger ! cria-t-il.

Mais avec quoi ?
Lloyd tourna sur lui-même, cherchant de ses yeux réhabilités quoique ce fut qui pût leur venir en aide. Il y avait un gouffre au centre de la pièce – il résista à l’envie d’aller voir de quoi il retournait pour regarder plutôt du côté des machines de forage. Elles ressemblaient à des tracteurs, dotées d’une cabine antique surplombant un foret, énorme pointe sillonnée par une lame de métal. Il y en avait trois de la sorte, à côté de droïdes empilés.

Lloyd attrapa le bras de l’Inquisitrice dont les yeux étaient rivés sur le combat impressionnant qui se jouait entre les deux bêtes sous son regard inquiet.

- Dana ! Ton briquet, file-le-moi ! Vite !

A peine Dana réagit-elle, extrayant l’objet de sa poche, que le hapien s’en empara et se rua sur les machines. Il grimpa à bord de l’une des cabines.

Clic. Clic. Clic.

La lame jaillit sous ses yeux pour éclairer le maigre tableau de bord. Les contrôles de l’appareil étaient rudimentaires : un bouton d’allumage, deux manettes, deux pédales et un bouton d’arrêt d’urgence. Lloyd enfonça le bouton d’allumage… et rien ne se produisit. Il retenta en manipulant les pédales, et soudain il y eut un grondement et un cahotement, et la machine démarra. Le tableau de bord s’illumina faiblement et une lampe, plus puissante, se braqua sur les quelques mètres devant le foret, qui s’était mis à tourner lentement. Lloyd, tout en rangeant à la hâte le briquet dans sa veste, enfonça une pédale et la machine s’avança. Il freina aussitôt et manqua de s’écraser sur les manettes quand la machine pila trop brusquement. Il lui fallut deux nouveaux essais avant de réussir à manipuler correctement l’engin et enfin, il put braquer le foret dans la direction du terentatek et avancer.

La bête en question était toujours aux prises avec le nexu. Les deux créatures se cherchaient, leurs gueules se refermaient dans le vide, faisant claquer leurs dents dans la lumière de la foreuse.

Dès que Luis s’écarta pour mieux reprendre de l’élan, le hapien appuya à fond sur l’une des pédales. La foreuse chargea droit devant, le foret s’activant davantage, se mettant à tourner avec un chuintement sonore. La machine traversa la pièce. Le terentatek ne le vit arriver qu’au dernier moment. Luis fuit devant le bruit de la machine mais Kiwi, lui, avait bien l’intention de combattre. Il évita le foret quand celui-ci arriva à proximité et écrasa sa grosse patte contre la cabine. L’engin fut secoué et Lloyd manqua d’en être éjecté. A la hâte, il chercha la marche arrière, mais quand il parvint enfin à la trouver, Kiwi avait attrapé la cabine de ses deux pattes et tenta de soulever la machine. Lloyd cria. Il ne put rien faire d’autre que manipuler le foret. Il tenta d’accélérer le mouvement, le foret se mit à tourner plus intensément. Le terentatek fit l’erreur de rapprocher l’un de ses membres de l’engin et aussitôt il fut brûlé par la friction agressive.
Kiwi laissa échapper un hurlement. De fureur ou de douleur, le hapien n’aurait su dire. A travers la cabine, toujours enserrée dans les pattes de Kiwi, il voyait les cornes énormes et entre elles, les petits yeux enfoncés du terentatek qui le fixaient avec une noirceur décuplée par l’obscurité des lieux.
Kiwi laissa éclater sa rage en projetant la machine. L’engin vola dans les airs. Quand elle retomba la seconde suivante, le hapien en fut éjecté avec violence : il traversa une vitre en la brisant, et vola avant de retomber avec brutalité sur le sol, sur le flanc. La vitesse du choc le fit glisser sur quelques mètres dans les débris de verre. Il crut qu’il s’en tirerait avec seulement quelques égratignures, jusqu’à ce que…

- Aaah !

Le vide.

Sous son corps, le sol venait de disparaître. Le gouffre. Ses doigts raclèrent follement la roche. Il réussit à se maintenir sur le bord en haletant, mais ses mains et ses bras glissaient quand il essayait de remonter.

Et au moment où il parvenait à hisser sa tête, il rencontra de nouveau le regard de Kiwi, qui s’apprêtait à le charger.

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-Mais qu’est-ce qu’il fait ?! s’exclama Dana, éblouie par les phares de l’engin, dont la lueur avait agressé ses yeux habitués à la pénombre. Kahla se précipita vers elle, agrippant son bras, essoufflée par ses blessures.
-Je crois qu’il vaut mieux pas le savoir, souffla la zabrake. Nous devrions en profiter et partir. Chercher des renforts, je connais des gens.
-Mais de quoi tu parles ? se révolta l’Inquisitrice en dégageant son bras.
-On va pas survivre à trois ici ! Pas avec Kiwi, ni avec ce qui se terre dans cette mine !

La voix de Kahla perçait difficilement à travers le bruit de machinerie et les rugissements du terentatek. Un fracas métallique assourdissant fit sursauter l’humaine qui dirigea son attention vers le combat. Elle écarquilla les yeux en voyant Lloyd être éjecté de la cabine. Comme une prémonition, une préscience guidée par l’inquiétude, elle comprit la trajectoire vers laquelle il était propulsé. Son corps bougea machinalement, dans un réflexe surprenant, porté par le seul instinct de sauver Hope. Elle dérapa sur le sol rocailleux et courut comme elle n’avait jamais couru, espérant arriver à temps ; arriver avant qu’il ne disparaisse dans l’abysse noire.

-Lloyd !

Kiwi lui barra la route, prêt à charger le hapien qui luttait pour ne pas chuter. Transportée par l’urgence de la situation, incapable de réfléchir plus que la nécessité qu’il survive, Dana mobilisa ses dons pour la Force, le bras tendu vers l’engin à terre. Il frémit à peine dans un grincement sinistre. Le terentatek s’élance. L’Inquisitrice tâcha de chasser la peur de son esprit. Elle éjecta l’idée que le capitaine meurt, rejeta la terreur que cette possibilité jetait dans son cœur. Elle se concentra jusqu’à ce que la Force saisisse l’acier. Sa main effectua un mouvement large. Elle serra les dents et propulsa le poids du métal et de la foreuse. Kiwi fut fauché en pleine charge. L’appareil s’écrasa sur lui. Dana ne cherche pas à savoir ce qui avait fonctionné et se précipita pour avaler les quelques mètres qui la séparaient de lui.

Ses deux mains empoignèrent les poignets de Lloyd alors qu’elle s’était jetée sur le ventre. Il put sentir le fer de son bracelet tinter contre la peau de ses doigts. Il put saisir l’étendue dorée de ses yeux, sa chevelure de jais qui brillait à la lueur du sabre qu’elle avait abandonné dans sa tentative désespérée de le secourir. Et elle tira de toutes ses forces, pour le tracter hors du vide et des ténèbres. Son cœur lui donnait l’impression d’imploser quand, parfois, elle sentait ses forces s’amoindrir et qu’il était de nouveau emporté par la gravité. Alors, elle resserrait sa prise, le suppliait du regard de ne pas la lâcher, de remonter. Jusqu’à ce qu’ils furent agenouillés au sol, l’un en face de l’autre, les mains toujours liées. Celles de Dana tremblaient de fébrilité. Quant à ses pupilles d’or, elles se noyaient dans le regard du blond. Leurs souffles furent bientôt à proximité, attirés comme des aimants. Un grognement animal les rappelèrent à la réalité et ils se redressèrent pour apercevoir Luis rôder autour du corps inerte de Kiwi. Les doigts de Dana glissèrent hors des paumes de Lloyd.

-J’espère qu’il est pas mort….murmura-t-elle.

Mais si le nexu grognait autour du terentatek, cela signifiait que ce dernier vivait assez pour pouvoir représenter une menace. Dans l’immédiat, toutefois, le choc avec la machine l’avait abruti et il gisait inconscient. Dana ramassa le sabre-laser et avisa la salle ainsi que les vestiges qui composaient vaguement une histoire passée.

-Il doit y avoir des câbles robustes, du genre de ceux qu’ils utilisaient pour…enfin, on pourrait tenter d’immobiliser définitivement Kiwi avec au cas où…

Hope ne dit rien, mais elle crut le voir approuver du chef.  















A l’aide de la télékinésie, Shar avait prudemment dégagé les débris de l’engin afin de libérer le corps de la bête. Le poitrail puissant de Kiwi se levait et s’abaissait au rythme d’une respiration rauque et profonde, mais régulière.

BAM. Le sol venait de vibrer.

Les bras de l’Inquisitrice étaient retombés mollement le long de ses courbes tandis que les morceaux de la foreuse s’étaient écrasés au sol. Elle n’avait pas eu la force de maintenir son emprise pour les déposer avec délicatesse. Le bruit fit bouger le terentatek mais il ne se réveilla pas.

Et les câbles existaient. Cependant, ils étaient lourds. Ils durent les tracter à deux, sous le regard paresseux de Luis. Kahla avait visiblement fui les lieux dès que l’opportunité s’était présentée. Leurs efforts présents se concentraient les câblages qu’ils trainèrent jusqu’au corps imposant de Kiwi. Dana était essoufflée. Parfois elle tremblait. Sa couette haut ne ressemblait plus vraiment à une coiffure. Des mèches sombres et humides s’en évadaient lâchement pour coller à son cou et à sa figure. Elle grogna quand il fallut tirer encore un plus les câbles. Ils se mirent d’accord, Lloyd grimperait avec prudence sur Kiwi afin de permettre aux liens solides de passer par-dessus. La Sith s’occuperait du dessous. Durant l’opération délicate, la bête s’ébrouait, les obligeant à s’immobiliser pour guetter tout réveil brusque.  De temps à autre, elle levait son visage pâle vers la silhouette hapienne perchée sur le monstre. Ses lèvres frémissaient, voulaient articuler des mots qui, finalement, semblaient manquer. Alors, elle conservait le silence perturbé par le bruit des câbles qui coulaient autour des muscles du terentatek. Elle observa les muscles de Lloyd se tendre quand il fallut serrer ce filet improvisé. Elle le vit faiblir, terrassé par les épreuves passées. Dana se rapprocha. Il sentit les mains fébriles de l’humaine glisser sur les siennes, agripper les cordes solides et elle tira avec lui pour consolider les nœuds. Elle tira si fort qu’elle se pressa contre Hope pour prendre davantage d’élan, fit échouer son souffle brûlant non loin de lui. Leurs pieds patinèrent sur le sol lisse.

Enfin, après de longues minutes, ils purent découvrir leur œuvre. Côte à côte, ils avaient l’air de deux braconniers que la chasse avait terrassé. Ereintée, Dana se permit, juste une minute, de laisser sa tête retomber sur l’épaule du Sith.

-Comment on sort, maintenant ? Et avec…Kiwi…

Ses prunelles dévièrent lentement vers Luis. Sa vision se brouilla brièvement. La fatigue pesait sur chacun de ses muscles mis à vif par les efforts de ces dernières heures. En voyant le terentatek ligoté, un drôle de souvenir lui revint en mémoire. Lloyd et elle étaient menottés dans un cargo-speeder militaire. Elle avait dit que s’ils étaient infectés, les menottes ne les retiendraient pas. Il lui avait répondu quelque chose comme :C’est vrai que tu préfères les colliers de détention.

-Un collier, souffla-t-elle.

Elle décolla sa joue de l’épaule du hapien et lui agrippa le bras, saisie par une idée.

-Faut qu’on trouve de quoi faire un harnais à Luis, pour qu’il tracte Kiwi…Tu as encore le plan ou tu t’en rappelles ?

Le temps jouait contre eux. Kiwi ne resterait pas éternellement inconscient.



Lloyd Hope
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Leurs vêtements trempés leur collaient à la peau. Au froid, ils ne résistaient que grâce à cette activité physique imposée. Quand ils ne bougeraient plus, ou moins, la morsure glaciale s’en prendrait à leurs corps épuisés sans le moindre ménagement. Mais Lloyd essayait de ne pas trop y penser. Il avait sorti le bloc de données de l’intérieur de sa veste et, sous le regard de Dana, tenta vainement de l’allumer.

- Il est fichu, dit-il seulement.

Il allait jeter le datapad par terre mais se ravisa. A la place, il l’envoya plus loin, vers le gouffre. L’objet décrivit un arc de cercle avant d’être aspiré par le trou sans fond. Ils attendirent d’entendre l’impact, mais ils n’entendirent rien du tout. Comme si le bloc de données avait juste disparu pour toujours. Le hapien sentit un frisson lui parcourir l’échine.

- Cet endroit fait froid dans le dos, souffla-t-il, et sa main chercha celle de Dana à l’aveuglette. On ne se sépare plus jusqu’à sortir d’ici.

Il serra d’une pression les doigts de l’Inquisitrice, qui s’étaient abimés avec les siens sur le cordage.

-------

-------

-------Fabriquer un harnais n’avait pas été facile, mais Lloyd avait eu l’idée d’aller récupérer les sangles qui permettaient de s’attacher aux sièges à l’intérieur des machines de forage. Les ceintures assemblées entre elles après avoir été découpées au sabre laser avaient formé un harnais à passer autour du cou et sous le ventre de Luis. Le plus compliqué, cependant, avait été de lui mettre. Le nexu s’agitait considérablement. Chaque fois que Lloyd essayait de passer les mains sous la créature, Luis bondissait et se mettait à fourrager dans les mains de Lloyd en sortant sa langue énorme et pointue. Dana lui ordonnait de rester immobile mais c’était peine perdue. Ils finirent par réussir à refermer le harnais sur Luis, mais au prix de quelques épines dorsales égratignant leurs bras et leurs mains.
Ensuite, il fallut nouer le câblage avec lequel ils avaient ficelé Kiwi à ce harnais, et cela prit encore de nombreuses minutes. La fatigue les gagnait de plus en plus sévèrement, et l’adrénaline les abandonnait peu à peu pour laisser leur cerveau en proie à leur imagination : que se cachait-il dans ce gouffre ? La silhouette qui les toisait au loin était-elle vivante ?

Dès qu’ils le purent, ils se hâtèrent vers la coursive qui remontait. Celle par laquelle Dana était arrivée. Lloyd pensait pouvoir retrouver le chemin de la sortie de mémoire s’ils retrouvaient la rivière qui l’avait englouti un peu plus tôt. Dana, quant à elle, identifia au bout d’un moment les traces de sabre laser sur les murs et ils purent suivre ce fil de retour malgré les croisements entre les corridors.
Ils marchaient doucement, encourageant Luis qui se trainait derrière eux. Le nexu devait faire des pauses, car la masse du terentatek derrière lui était énorme et ne bougeait pas facilement. Le hapien essaya une ou deux fois d’aider Luis en tirant sur les câbles, mais d’une part il était épuisé, d’autre part le nexu avait un autre genre de puissance à laquelle contribuer était ridicule.
En conséquence, ils progressaient très lentement. Et Dana comme Lloyd pensaient sans le dire à ce qui se produirait quand Kiwi se réveillerait. Ils restaient silencieux, à se consulter parfois du regard.

Tu la détruiras elle aussi.

Le hapien s’immobilisa au milieu d’une coursive, sourcils froncés.

- Tu as entendu ? chuchota-t-il à Dana.

Mais l’Inquisitrice lui avait fait non de la tête. Il allait dire que son esprit lui jouait des tours quand…

Le malheur et la mort.

- Zoraïda ?!

Le hapien se retourna, persuadé que la vieille folle était à côté de lui, ou derrière lui, mais l’obscurité au-delà de ce qu’offrait l’aura de lumière du sabre laser était profonde et personne – ou n’importe qui – n’aurait pu si tapir.

Tu lui as dit, que tu seras un monstre avec elle aussi ?

- Quoi ?

Lloyd s’écarta de plusieurs pas. Il ne comprenait plus rien. L’obscurité. Oui, le côté obscur, il n’y avait que cette explication. Mat ne pouvait être là, Zoraïda non plus et…

Une twi’lek à la peau émeraude apparut devant lui. Ses grands yeux s’écarquillèrent en tombant sur les deux Sith, et ses lekkus se balançèrent doucement lorsqu’elle fit non de la tête.

- Alors, c’est à cause de ça que tu ne peux plus ? demanda Mat’ en désignant Dana du menton.
- Quoi ? Mais tu…
- Moi qui croyait que tu r’viendrai me chercher ! Espèce de… hapien lâche et déloyal !

Les yeux de Mat’ s’étaient remplis de larmes. Elle dissimula son visage éploré derrière ses mains fines et délicates avant de se mettre à courir. Elle passa devant Lloyd en sanglotant, mais le hapien resta sous le choc un bref instant, avant de la voir passer devant Luis, puis devant le terentatek pour s’enfoncer dans la mine, de là où ils venaient.

- Mat’, attends ! cria-t-il soudain, et il se mit à courir à sa suite. N’y vas pas ! MAT !

Sa voix se brisa comme un écho dans la coursive mais il se jeta dans le noir à sa poursuite. L’obscurité l’avala subitement et il fut forcé de ralentir : il ne voyait pas où il mettait les pieds, et la silhouette de Mat’ restait toujours à la limite de son champ de vision, comme si elle ralentissait quand lui aussi baissait l’allure. Il s’arrêta totalement, cligna des yeux avant de soupirer.

- Tu n’es pas vraie, l’accusa-t-il avec amertume.
- C’est ce que tu penses ? Ou c’est une excuse que tu t’inventes pour pouvoir te taper qui tu veux sans penser à moi ?
- Arrête ça.
- Sinon quoi ?

Mat’aenna revint sur ses pas pour se rapprocher de Lloyd et il remarqua qu’elle portait un bustier en cuir et une jupe très courte, du genre qu’elle portait sur Coruscant, quand elle n’était même pas majeure.

- Sinon quoi ? répéta-t-elle. Tu vas m’étrangler ? Hé bien vas-y, fais-le.

La twi’lek se laissa tomber à genoux et le hapien sentit s’écraser le poids de la panique à l’intérieur de ses entrailles. Il recula d’un pas, mais Mat’aenna le fustigea du regard.

- Fais-le. Tu seras débarrassé. Tu pourras la tringler comme tu veux. En lui laissant des traces partout.

Lloyd sentit la sueur chauffer son front et sa nuque, et ses mains se mirent à trembler, il recula davantage. La panique le gagna quand Mat’ tendit la main afin d’attraper la sienne. Il savait ce qu’elle voulait faire, car tout cela était dans sa tête.

- LAISSE-MOI ! hurla-t-il brusquement. J’ai fait TOUT ce que j’ai pu !

Sa voix se brisa contre les murs, s’étrangla dans sa gorge tandis qu’il butait sur une pierre en reculant. Il manqua de trébucher, mais la twi’lek n’avait pas décidé de le suivre, visiblement. Elle se contenta de se relever, un regard sévère planté dans les pupilles émeraudes du hapien.

- Ce n’était pas suffisant, persiffla-t-elle, et elle disparut dans l’obscurité.

Le hapien resta seul dans le noir, tremblant. La vision avait disparu.

-------

-------

-------Au bout d’un moment, il avait réussi à faire demi-tour. A remonter lentement le long de la galerie, s’orientant à la lueur du sabre rougeoyant. Son arme, que Dana tenait toujours. Quand il réapparut, il était blême. Il fit de son mieux pour ne pas croiser le regard de l’Inquisitrice et reprendre la tête du convoi, en silence.
Darth Hope
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-Lloyd ? fit-elle d’une voix chargée d’incompréhension. A qui tu parles ?

Mais il ne la voyait plus, ne l’entendait plus et semblait chercher du regard quelque chose ou quelqu’un. Et Dana comprit de qui il s’agissait lorsqu’il cria le diminutif de Mat’. Un instant, elle chercha aussi – bêtement, comme si la twi’lek au sourire figé pouvait apparaître ici.

Puis, Hope s’était mi à courir et à hurler encore le prénom de Mat’aenna. Son hurlement résonna loin, jusqu’à n’être plus qu’un écho dans l’obscurité. Luis avait profité de leur confusion pour se reposer, indifférent à l’agitation des deux humains. L’Inquisitrice n’avait pas trouvé la force de le suivre, car ses pieds étaient comme englués dans le sol glacial. Elle baissa les yeux pour voir ses chevilles enfoncées dans la roche. Elle se persuada que ce n’était qu’une illusion mais le décalage entre son corps et son esprit demeurait important et elle se conforta dans sa paralysie précaire tandis que des clameurs lointaines se répercutaient contre les murs de la galerie. Elle crut reconnaître la voix du hapien, sans pouvoir distinguer clairement les mots. Elle devina qu’il parlait à une autre personne.

Qu’il parlait à Mat’aenna.

- Luis ! siffla-t-elle entre ses dents serrées.

Le nexu dressa une oreille attentive.

- Luis, on avance, lâcha-t-elle en fournissant un effort démesuré pour briser son immobilité et se rapprocher de lui.

Elle agrippa son harnais dans l’espoir de lui faire comprendre qu’il fallait partir, maintenant. Il se remit paresseusement sur ses pattes griffues dans un feulement antipathique qu’elle ignora. Elle crut qu’il lui reprocha d’abandonner Lloyd ou peut-être était-ce ses propres états d’âmes. Elle ferma le poing et fut incapable d’avancer. Au moment où elle se décida, poursuivre ou se retourner, le Sith revenait, aussi blafard qu’un mort. Ses traits s’effaçaient à la lueur pourpre du sabre-laser, gommés par la fatigue, par…un on-ne-savait quoi d’inquiétant.












- "On se sépare plus" hein ? laissa-t-elle filer entre ses lèvres pincées de déception.

Deux enjambées plus tard, elle était à sa hauteur. Ils avançaient, très lentement, Luis sur les talons, mais le visage de Dana était tourné vers Hope, ne lui laissant aucun répit, cherchant à mater son regard pour l’absorber dans l’étendue doré du sien.

- T’étais prêt à tout lâcher pour une hallucination ?!

Elle se mordit la joue, ses molaires écrasèrent la muqueuse jusqu’à la faire saigner mais cela ne suffisait pas à contenir la colère qui grondait, ni la jalousie qui alimentait ce ressentiment.

- Ah oui, c’est vrai. C’était pas juste une hallucination, c’était l’apparition de ta Mat’aenna. (Et face à ce regard toujours fuyant, elle rajouta) Je t’ai entendu hurlé son nom. Et donc c’est excusable pour te faire tuer, ou nous faire tuer. Pour abandonner la mission. Pour courir vers un échec de plus que Ghrann sera ravie de relater à ton enfoiré de Maître. Mais pour une fois, lui et moi on tombera d’accord sur le fait que t’es qu’un…

Dana avait parlé vite, ses mots s’étaient emballés les uns après les autres. Enfin, elle avait réussi à croiser les prunelles émeraudes du hapien et ce fut comme un électrochoc. Ce regard familier, dans lequel elle était tombée tant de fois. Ce regard sombre, qui avait dévoré le sien, qui avait dévoré son corps, qui dévorerait son âme. Sa rage s’effilocha jusqu’à n’être qu’un vide insécure.

- Laisse tomber. J’me serai débrouillée seule si le terentatek s’était réveillé.

N’empêche que le bracelet à son poignet pesait lourd désormais et lui brûlait le derme. Elle se détourna pour reprendre la progression, hélant Luis de temps à autre pour l’encourager à ne pas faiblir. Mais ils faiblissaient tous. Dana s’interrogeait en fixant le sol, pas après pas, si Mat’aenna manquait à Lloyd. Sûrement. Assez pour représenter une faille dans son esprit dans laquelle l’obscurité pouvait s’engouffrer. Elle porta une paume à son visage, essuya l’humidité qui débordait de ses yeux. Ses larmes fraîches s’étalèrent sur le sang séché qui maculait sa figure. Elle sentit le sel de son propre corps, l’odeur ferrique de cette hémoglobine maudite. Les deux se combinaient désagréablement à la surface de sa peau et elle n’avait qu’une envie, se réfugier sous un jet brûlant et lécher ses plaies. Mais sa langue n’atteindrait jamais les blessures profondes, celles qui s’étaient ouvertes à l’intérieur et qui ne se refermaient plus.

- Je me fiche que c’était elle, mentit-elle.

Elle inspira profondément et l’air froid déchira ses poumons sollicités par les efforts constants.

- Mais j’ai pas envie de ramasser ton cadavre, ponctua-t-elle avec une sincérité un peu acerbe.

Elle s’arrêta, se remémorant l’écho des mots et des cris, sans les comprendre. Elle avait eu envie de fuir, de l’abandonner là, avec sa Mat’aenna. Et elle se maudissait parce qu’elle savait qu’elle n’aurait jamais pu continuer sans lui.

Mais parfois, il lui semblait juste qu'elle n'était pas de taille. Peu importe combien de traîtres ils affronteraient, combien de renégats, combien d'infectés, combien de terentatek...elle pouvait les terrasser tous. Mais face à cette twi'lek, elle se sentait impuissante. Et les ennemis de Dana pouvait l'atteindre à travers Lloyd Hope. Mais lui, personne ne l'atteindrait à travers Dana. Il fallait passer au travers de Mat'aenna pour le toucher. Et l'Inquisitrice sentit que lui et elle, n'étaient plus sur un pied d'égalité. En fait, ils ne l'avaient jamais été.




Lloyd Hope
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La frustration, le sentiment d’injustice, la honte se mélangeaient tandis qu’il s’échinait à avancer, les yeux rivés sur ses pas qui écrasaient la roche sombre, qui l’engloutissait à mesure qu’il espérait émerger. Par moments, il avait l’impression qu’ils tournaient en rond, marchaient indéfiniment. Il était impossible de faire demi-tour : en bas l’obscurité le happerait, il se jetterait dans le vide si les voix l’accusaient encore. Si Dana lui disait encore qu’il n’était qu’un…

- Qu’un quoi ? avait-il demandé, sans animosité.

Un hapien lâche et déloyal ?
Un con ?
Un alcoolique ?
Un chien qui se vendait au Castellan sur des missions de merde ?
Du genre à fuir ?
Du genre incapable de la protéger lui-même ?
Du genre à cacher des morceaux dans la soute ?
Du genre à apporter le malheur et la mort ?


Mais Dana n’avait pas répondu. Leurs regards s’étaient croisés, il avait vu quelque chose se jouer dans l’étendue dorée, et quelque part il espéra que ce n’était pas un renoncement. Et en même temps il espérait que c’en fut un. Il ne savait pas. Quand se rendrait-elle compte ?

- Je sais pas c’qui m’a pris, maugréa-t-il soudain à voix basse.

Il se détourna pour reprendre sa marche silencieuse. Ces mots ne valaient pas grand-chose. Il en avait bien conscience, mais il n’avait pas mieux. Une étoffe glaciale semblait s’être tissée entre eux deux, par sa faute, et il enfonça ses mains dans ses poches en y cherchant la chaleur de son propre corps. En vain. Il ne dormirait pas cette nuit. Il le sentait à son cœur qui battait la chamade et refusait de se calmer, à la sueur qui dégoulinait dans sa nuque sans raison, à son esprit qui ne pouvait faire abstraction d’images qui lui revenaient en boucle, qui l’agressaient à chaque fois qu’il clignait des yeux. Rien de ce qu’il ferait ne serait suffisant.

Ils parvinrent soudain au chemin barré par la rivière souterraine. L’eau s’était considérablement calmée et ils s’arrêtèrent un instant pour observer le lieu qui l’avait englouti un peu plus tôt. Le niveau était redescendu. Lloyd estima qu’ils devraient pouvoir s’enfoncer jusqu’à mi-cuisse. Luis en profita pour laper de sa langue pointue l’eau et se désaltérer un peu.

- On devrait pouvoir passer en se dépêchant, et en aidant Luis à faire passer Kiwi, commenta Lloyd.

Il s’entendait lui-même comme dans un songe. Il se douta que Dana aurait aimé entendre autre chose. Mais il y avait la mission. Et la mission passait avant tout. Ils se l’étaient promis, il ne savait plus quand.
Il observa un moment le liquide s’écouler à ses pieds. Le hapien souhaita que ce fut du slick, qu’il pût y plonger, qu’il coulât dans ses veines jusqu’à tout oublier, jusqu’à descendre tout en bas, tout en bas du gouffre, qu’on l’y oubliât pour toujours, Dana et Mat’ et Laduim et Cassandra et Zoraïda et Alop, et il fut obligé de se secouer pour s’arracher à ces pensées absurdes.

- Cette obscurité a trop d’influence sur moi, dit-il comme s’il se parlait à lui-même. Je voudrais bien dire que je ne suis pas moi-même mais…

Il se tourna pour faire face à Dana, croisa son regard éteint. Il se demanda si toutes les vérités étaient bonnes à dire. Sur son visage alerte se peignit le doute.

- Non, rien, renonça-t-il subitement. Viens Luis.

Et il se hâta de s’enfoncer dans l’eau en tenant le nexu par son harnais, afin de l’inciter à descendre avec lui. L’eau glaciale mordit ses jambes jusqu’aux genoux, puis un peu plus haut. Il ignora la sensation désagréable en serrant les dents. Cette fois-ci, il ne s’arrêta pas pour regarder en arrière, jusqu’à atteindre l’autre rive. Il remonta à la hâte, Luis sur ses talons, puis Dana. Quand enfin les trois furent de nouveau les pieds sur un sol ferme, ce fut au tour du terentatek de traverser l’eau. Au début, Luis avait tranquillement repris sa route et l’eau aida même Kiwi à mieux glisser au sol. Mais lorsqu’il fut à mi-chemin de la rivière souterraine, le terentatek eut un grognement, puis un mouvement. Lloyd et Dana se figèrent en braquant leur regard sur la créature, que l’eau glacée avait dû éveiller.



Grrrouuuuuoook.



Comme pour confirmer leurs craintes, Kiwi avait rugi en essayant de desserrer les dents, en vain. Le câblage bloquait ses mâchoires fermées, tout comme ses membres. Ses yeux s’étaient ouverts, jetant des œillades rouges et furibondes aux deux Sith. Il essaya de bouger mais ne put qu’être balloté contre les parois de la roche, éclaboussant l’eau autour de lui.
D’instinct, Lloyd et Dana eurent un mouvement de recul, mais le danger ne vint pas de là où ils l’attendaient : en entendant la bête se réveiller, Luis jeta un coup d’œil en arrière, et s’excita soudain. Il laissa échapper un glapissement aigu avant de tenter de fuir, détalant sur la roche en faisant crisser ses griffes sur la pierre, et Kiwi fut tracté brutalement en avant.

- Attention !

Lloyd n’eut que le temps de plonger vers Dana pour la plaquer contre un mur, de justesse avant que la masse énorme du terentatek ne passât devant eux en manquant de les faucher. Kiwi percuta néanmoins le hapien dans le dos et les deux Sith basculèrent contre la roche, tombant comme les deux masses humides qu’ils étaient. Lloyd resta un bref instant contre elle, tandis que les deux bêtes s’engouffraient dans la galerie. Kiwi était trimballé contre les murs et plus il raclait la pierre, plus il semblait s’enhardir, s’exciter dans ses rets qui pour le moment, le maintenaient prisonnier.
Au sol, Lloyd tourna le regard vers Dana avant de s’écarter brusquement pour se relever.

- Il faut les suivre avant qu’ils ne prennent le mauvais chemin !

Mais c’était elle qui détenait son sabre.

Il tendit la main pour l’aider à se relever.




Il y eut un moment de flottement, pendant lequel il se demanda si elle hésitait.




Il attrapa sa main libre de force pour la relever et l’emmener dans le corridor à la suite des deux créatures affolées.

Il refusa de la lâcher pendant leur course folle.
Darth Hope
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Elle cherchait désespérément à échapper à sa poigne, mais il refusait de la lâcher.
Courir et résister devenaient deux actions simultanées impossibles. Son corps réclamait grâce et elle s’abandonna à la course. Elle abandonna, aussi, sa main à celle de Lloyd tandis qu’elle se concentrait sur leurs folles enjambées et tentait de suivre le rythme péniblement. Plusieurs fois, elle avait manqué de trébucher et les doigts du hapien autour de sa paume l’avaient aidé à retrouver l’équilibre.

Les puissants muscles de Luis se détendaient à chaque bond qu’il effectuait, le corps lacéré par le poids du terentatek éveillé. Mais l’adrénaline secouait ses veines sauvages, échauffait son sang de prédateur. Il voulait sortir. Son instinct de chasseur était en alerte. Les oreilles dressées, les narines ouvertes autant que ses deux paires d’yeux rougeâtres. Il sentait un courant d’air filer, comme un frémissement régulier et il suivit cette piste à l’image d’un acharné ; Kiwi derrière lui, les deux Siths sur ses talons. L’imposante masse de la créature ligotée était ballotée, traînée. Et le terentatek s’épuisait en vain à se défaire des liens qui s’enfonçaient dans sa peau épaisse, creusaient dans ses nerfs des striures douloureuses. Alors il hurlait : de frustration de douleur. Il n’était plus qu’une immense boule de colère et de souffrance que le nexu tractait comme un boulet.

Bientôt, courir devint très difficile. Car la galerie montait en pente. Luis dût ralentir l’allure aussi. Ils durent grimper plus que courir, jusqu’à ce qu’une étroite lumière leur parvienne au bout du tunnel. Les deux animaux surgirent à l’air libre et glacial de Galidraan. Le premier se laissa emporté par son élan. Et dès que Dana sortit à son tour, elle écarquilla les yeux alors que son nexu était emporté par son propre élan vers ce qui ressemblait….


Au bord d’une falaise.

- NON ! hurla-t-elle.

Mais il était trop tard. Luis bascula, sa chute emporta Kiwi et ils disparurent tous les deux de leur champ de vision.













Il n’y avait que le ciel bleu à perte de vue et le manteau neigeux qui rutilait sous ses rayons lointains. Derrière eux, la roche de la mine qu’ils venaient de quitter par cette galerie secondaire, presque naturelle. Au loin, à plusieurs mètres, vers l’Est, la Forêt de conifères reprenait. L’Inquisitrice grelotait, assaillie par le froid, par l’épuisement, par la peur. Elle ne sut comment elle réussit à se ressaisir, mais un éclat de combattivité faisait encore levier dans son esprit. Malgré son regard éteint, la reddition n’était pas encore totale. Elle se détourna vers Lloyd.

- Faut que t’appelles Mumkin, il doit venir avec le Sans-Visage, décida-t-elle d’une voix sans appel. Sa main était partie fouillée une poche dans la doublure renforcée de son manteau. T’avais raison. Ils peuvent tous m’atteindre à travers toi. Mais j’suis la seule concernée. Toi, t’es concerné par autre chose.

Ses doigts délogèrent un comlink de la chaleur relative du blouson. Son séjour dans la rivière avait été court et avait épargné l’appareil de communication bien rangé. Sur son derme pâle, le froid polaire se cristallisait. Il créait une pellicule translucide et brillante sur les traces de sang, de poussière et de larmes. Il raidissait chaque mèche humide de ses cheveux décoiffés.

- Alors arrête. Tu me dois rien.

Sa figure s’était rapprochée de celle du capitaine à ces derniers mots. L’espace d’une seconde, le souffle tiède de Dana s’évaporait contre les lippes hapiennes à un rythme régulier. Puis elle plaqua vivement le comlink sur le torse du blond et recula vers le bord de la falaise, déterminée.

- Appelle Mumkin ! répéta-t-elle en haussant la voix parce qu’elle s’éloignait de plus en plus. Dis-lui qu’il faut qu’il mette le Sans-Visage en vol stationnaire au-dessus de cette falaise ! Et préparez tous les deux les câbles d’accroche !

Arrivée au bord, elle s’agenouilla, le vide dans son dos. Elle allait entamer une descente prudente pour espérer rejoindre Kiwi et Luis.

- Ok ? fit-elle dans un dernier cri à son attention.

Et elle eut comme un sourire, bien vite voilé par une partie de sa chevelure de jais tandis qu’elle balançait prudemment ses pieds dans le vide blanc, cherchant contre le versant, une corniche, un appui. Aussitôt trouvé, elle commença à disparaître complètement de la vue du Sith, concentrée sur sa tâche.

S’enfoncer dans le vide. A chaque pas. Sentir la brise mordante brûler sa figure gelée. Être entourée d’un silence presqu’absolu. Elle trouva dans l’exercice beaucoup de douleur à cause de son corps endolori, mais également une paix étrange qui aida un moment son cœur à battre en diapason avec la nature de Galidraan. Quand elle osait un regard en contrebas, elle se dpêchait de plaquer sa joue contre la roche glacée, prise de vertige. Ce n’était pas le moment de flancher. A mi-parcours, flancher devenait une certitude. Ses bras tremblaient, fébriles de fatigue. Ses jambes cotonneuses ne portaient plus leur appui avec autant d’assurance. Le sol se rapprochait.
Et il se rapprocha plus vite quand sa semelle glissa soudain contre une cale rocheuse glissante à cause du gel. Elle perdit l’équilibre. Ses bras ne furent pas assez forts pour la retenir. Son corps dévala la pente, devenue un peu moins raide.

























Crac.

Ce n’était pas de la neige qui avait amorti sa chute, mais une surface gelée. Des points noirs dansèrent devant ses yeux alors qu’elle luttait pour maintenir sa conscience à flot. Sa vision se stabilisa, le ciel redevint bleu, sans aucune tâche. Avec un gémissement de douleur, elle roula sur le flanc. Après plusieurs tentatives, elle réussit à se relever mais ses chaussures patinèrent sur la glace et elle tomba pauvrement. Dana lutta avec d’autres essais avant de réussir à se stabiliser. Elle aperçut le corps de Kiwi à des mètres plus loin. Abruti par le choc de sa chute brutale, il semblait de nouveau inconscient. A ses côtés, Luis était contorsionné et mordait désespérément le câble qui le retenait au terentatek. Encore un regard aux alentours et elle comprit qu’ils avaient atterri sur une immense étendue d’eau gelée dont elle ignorait l’épaisseur. Sans cette donnée, elle dut marcher prudemment vers le nexu. Elle était si concentrée qu’une fièvre étrange la gagna, déposant une sueur poisseuse le long de sa nuque.

- Luis…souffla-t-elle quand elle fut assez proche. Luis, pas de geste brusque. Je vais t’aider, attends.

Il figea ses yeux pourpres dans ceux de sa maîtresse tandis qu’elle relevait la manche de son manteau pour libérer le dispositif de sa vibro-dague. Elle l’enclencha. Le son aigu fit grogner l’animal et elle tendit sa main libre vers lui pour le rassurer. A pas de loup, elle le contourna pour atteindre le câble qu’elle trancha d’un geste sec.

- Allez dégage, dégage sur la rive Luis, fit-elle précipitamment.

Il s’ébroua marchant d’un pas titubant. Elle remarqua que sa patte arrière droite boîtait. Finalement, il s’était blessé durant la chute. Son cœur se contracta douloureusement dans sa poitrine, une fois de plus.


Une ombre massive recouvrit le soleil. Dana leva sa figure pour découvrir la structure d’acier du Sans-Visage. Ses réacteurs, déployés à puissance minimale pour permettre un vol stationnaire sifflaient dans l’air. La passerelle était ouverte et elle reconnut la silhouette familière de Lloyd, sa chevelure blonde et humide qui battait aux vents des hauteurs.

- Les câbles ! hurla-t-elle pour qu’il puisse l’entendre.


Un bruit sec d’un mécanisme qui se déployait et du ventre sombre du vaisseau des cordes d’acier renforcé se déployèrent. Dana leva les bras jusqu’à saisir leurs crochets et elle recula avec prudence jusqu’au terentatek. Et elle se figea quand elle tomba dans son œil ouvert et injecté de colère.

- Non…murmura-t-elle.

Il poussa un rugissement qui brisa les liens retenant sa mâchoire. Et parce que le reste des cordages l’enrageait, il se mit à ruer. La glace sous lui se fissura jusqu’aux pieds de Dana. Elle déglutit. Ses mains ne lâchaient pas les câbles du Sans-Visage.

Crac. Crac. Crac.

Tout s’emballa. Plus de failles à la surface. Les failles devinrent bientôt des gouffres. Et les gouffres se transformèrent en une noire. Kiwi et Dana furent aspirés en même temps. La température glaciale du lac figea la Sith. Elle sentit les câbles filer entre ses paumes. Elle sut que, quelque part, sur la passerelle du vaisseau, Lloyd tentait désespérément de la faire remonter par ce moyen. Elle fronça les sourcils toujours en apnée et se propulsa vers le corps de Kiwi qui se débattait vainement contre ses liens, contre l’eau et la glace. Elle fixa les câbles d’accroches à ses liens et il fut brutalement tracté hors de l’eau. Le mécanisme de remontée grinçait péniblement sous son poids, mais tenait bon. Dana eut un sourire. L’adrénaline retomba lentement. Elle tenta de remonter à sa suite, agitant mollement ses jambes.

Elle se heurta à la glace. Elle aurait dérivé, d’un rien, pour se retrouver piégée.

Son poing frappa dessus alors qu’elle manquait d’air.

Elle allait se noyer.

Mais si la mission était réussie, quelle importance, finalement.

Pas de reddition.

Jamais.

Pas d’abandon.





































Jamais.

Lloyd Hope
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Mais on ne se sépare plus, dit une petite voix au fond du hapien, quand le visage de Dana disparut au bord de la falaise.

-------

-------

-------- Mumkin attends ! Repose-le ! Redescends un peu à côté et remets-toi en stationnaire !

Le hapien était agenouillé au bord de la passerelle, l’une de ses mains le retenant au vérin pendant que ses yeux fouillaient la surface, plusieurs mètres en contrebas. Il avait vu la glace se fissurer sur le lac, et soudain Kiwi s’enfoncer dans un craquement sonore. Un moment, il avait cru qu’ils n’avaient qu’à tirer pour récupérer Dana et le terentatek. Mais le Sans-Visage n’avait tracté que la créature, et l’Inquisitrice restait désespérément hors de son champ de vision.

- T’es dingue ! beugla le dévaronien depuis le cockpit. Si ce fichu monstre rue dans la forêt et il nous emporte avec lui ! Ou bien le câblage va s’entortiller dans les arbres et on va se crasher quand on va vouloir s’envoler !
- REDESCENDS JE TE DIS ! Juste un peu !

Mumkin obéit, et déplaça l’appareil. Kiwi, qui se démenait dans ses liens, tangua drôlement quand le Sans-Visage s’immobilisa de nouveau, dans un mouvement de balancier qui déstabilisait un peu leur vaisseau.

- Faut le stabiliser ! cria encore Mumkin depuis le cockpit, mais Lloyd n’avait que faire du terentatek.
- Je descends ! cria-t-il.
- Ca y est, ça y est, je redescends !
- Non je dis : JE DESCENDS !
- QUOI ?
- JE DESCENDS !

Le dévaronien se tordit le cou sur son siège de pilote, qu’il ne pouvait quitter pour maintenir le Sans-Visage à niveau. Il vit vaguement, vers la passerelle, le hapien se jeter dans le vide.

- Mais qu’il est con c’est pas possible.

Mumkin fit redescendre l’appareil un peu plus brutalement que prévu, et Kiwi heurta de nouveau la surface du lac gelé. De nouvelles fissures se produisirent, mais il ne s’enfonça pas dans l’eau. A quelques mètres de lui, un trou béait dans la glace, là où il avait coulé quelques secondes plus tôt.

-------

-------

-------Le vent glacial lui cinglait le visage, et battait ses mèches blondes et sa veste contre sa peau glacée. La descente fut plus longue qu’il ne l’aurait cru : il n’avait pas sauté bêtement, bien sûr, il se laissait glisser le long du câble, ses gants chauffant tandis qu’il freinait avec ses mains et ses genoux repliés autour du cordage.
Puis il atterrit sur Kiwi qui réagit à l’impact des bottes de Lloyd avec un grognement furieux. Le hapien sauta sur la glace pour ne pas rester à portée de la bête, mais il glissa immédiatement et se vautra durement contre le sol gelé. Il se releva à la hâte.

- Dana ?
- Wouuuh ! répondit Luis à quelques pas.

Le nexu boita en rejoignant Lloyd, qui s’approchait du bord de l’eau.

Le lac était sombre. Aussi sombre que celui de Jabiim, et le hapien n’y détectait aucune silhouette familière. Il résista à l’envie de plonger : même s’il la retrouvait à l’aveuglette, dans cette obscurité, comment se tracteraient-ils à l’extérieur ?

- Putain de merde. Je savais que c’était une mauvaise idée. On avait dit qu’on se séparait pas !
- Wour.

Lloyd releva le nez de la surface du lac pour croiser le regard du nexu. Il portait toujours le harnais improvisé.

- Ok, tu vas m’aider.

Le hapien se redressa brusquement et courut, non sans glisser encore, jusqu’au terentatek. Des multiples câbles qui retenaient Kiwi, il en repéra un qui pouvait se défaire facilement. Il dénoua l’un des nœuds, et le câble sauta brusquement en libérant la gueule de la créature. Kiwi rugit avant de faire claquer ses dents dans sa direction. Heureusement, ses membres étaient encore ligotés et il ne pouvait que menacer le Sith à distance. Lloyd, lui, passait le câblage autour de sa taille avant d’attraper l’autre extrémité, celle doté d’une crochet, et de retourner voir Luis.

Mais le nexu avait compris. Crochet signifiait tracter. Pas d’accord. Luis bondit hors d’atteinte.

- Non Luis ! Reviens ! J’ai besoin de ton aide là !! Dépêche-toi viens ici !

Peine perdue. Le nexu s’en alla tranquillement vers la rive, avec un hapien sur ses pas qui trébuchait tous les deux pas, manquant de s’étaler à cause de la surface glissante.

- LUIS ! TU FAIS CHIER MERDE TA MAITRESSE EST EN TRAIN DE SE NOYER !

Il bondit sur le nexu sans crier gare. Luis essaya de se dégager, et Lloyd sentit la douleur quand l’une de ses épines dorsales s’enfonça dans son bras. Il ignora la souffrance, s’efforça de sceller le crochet au harnais. Quand il y parvint, il se dégagea, et Luis s’éloigna de quelques mètres en s’ébrouant. Au bout d’une dizaine de mètres, cependant, il fut obligé de s’arrêter : c’était la distance maximale qui pouvait désormais le séparer de Lloyd qui lui, l’autre bout du câble noué autour de sa taille, courait vers le lac.

Il plongea.










L’obscurité, le froid.

La sensation de ne pouvoir s’orienter.

Il se souvenait de l’étreinte qu’il avait eu au fond de l’eau, dans un autre lac, quand il avait eu si peur qu’il fût trop tard. La terreur s’empara de lui.

L’eau ne le réussissait guère.












Il tendit la Force, ouvrit les yeux dans l’eau sans rien y distinguer que les rayons lumineux, la glace blanche qui laissait passer des faisceaux bleus de l’astre de Galidraan.











Et soudain, il crut voir une forme sombre, juste sous la glace. La silhouette flottait, et de longs cheveux détachés formaient comme un grand soleil noir.

Le hapien nagea à la hâte. Il tendit la main pour attraper le poignet de Dana quand…

Cloc.


Le câble était trop court. Ou bien Luis avait décidé de s’en aller et de le remonter trop tôt. Il se battit en nageant contre le courant. Ses doigts gantés glissèrent contre la glace au-dessus de lui et il cria un prénom dans l’eau, des bulles noyant soudain son visage. Il tendit la main encore, mais c’était injuste, les doigts effleuraient seulement le poignet doté d’un bijou avec trois serpents.

Il cria encore le prénom de l’Inquisitrice, et soudain, le visage bougea, faisant danser les cheveux dans un doux ballet, et il aperçut l’étendue dorée.


Elle était consciente.


Il tendit sa main vers elle, sous leurs yeux. Cette main qui avait tenu un briquet, plusieurs fois. Pour l’allumer. Pour la sauver des cruautés du monde, même s’il n’était pas capable de la protéger correctement.

Il la supplia du regard car il ne pouvait rien faire d’autre.




Dana. Prends ma main. Prends-la. Laisse-moi faire ça.


S’il te plaît.











Darth Hope
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Le filet de lumière qui perçait la glace était mince.
Tout comme le fil qui la reliait encore à la vie.

Le courant glacial déplaça ses mèches de jais, libérant son regard éteint, que toute force avait quitté. Elle aperçut une silhouette masculine tenter de l’atteindre et elle paniqua parce qu’elle avait vu le visage tordu par la colère de Luis Raidun. Elle s’agita un peu, mais trop faible, sut à peine secouer son pied. Ainsi, il était revenu pour elle, depuis les profondeurs, pour se venger, pour la prendre à nouveau et l’emporter. Elle se sentit suffoquer. Elle avait l’impression que les doigts du rebelle se resserraient autour de sa gorge, juste au-dessus du collier et qu’il pressait pour qu’elle meurt. Elle n’avait même plus conscience de se noyer. Tout s’entremêlait. Elle souhaitait tant lui échapper. Si cela signifiait plonger encore plus et mourir, elle acceptait. Tout. Mais pas redevenir la prisonnière de Raidun.

Elle réussit à s’agiter.
Poussée par le courant, sa main alla contre sa volonté et heurta celle de Lloyd qu’elle n’avait toujours pas reconnu. Il referma ses doigts autour des siens et le noir remporta la victoire.


















La lumière solaire agressa ses rétines à peine ouvertes. Elle sentit un tsunami soulever sa poitrine et vomit de l’eau froide. Nouveau soubresaut. Elle régurgita bruyamment, choqué par les assauts qui secouaient son corps pour expulser tout ce liquide de ses bronches. Ses poumons lui brûlaient, son œsophage n’était plus qu’une muqueuse abrasive et la souffrance lui coupait le souffle. Elle tremblait, étendue sur la glace. Le vent la glaçait davantage et ses lèvres, devenues violacées grelotaient sans cesse.

Elle vomit encore avant d’être prise d’une quinte toux qui n’expulsa plus qu’une bile translucide.

L’image de Raidun vibra soudainement à la surface de sa mémoire. Et elle paniqua de nouveau, cherchant d’un regard hagard. Elle ne rencontra que l’image de Lloyd Hope tout près d’elle, frigorifié et trempé. Elle comprit douloureusement, enfin. Ses mains s’agrippèrent aux bras du hapien et elle déposa son front contre lui, sans cesser de trembler. Il tremblait aussi.

- Lloyd…j’ai froid. Je suis morte de froid.

A chaque mot, elle expirait des volutes blanches qui se cristallisaient dans l’air. Au loin, le ronronnement sourd des réacteurs du Sans-Visage perturbaient le calme des lieux. Kiwi grognait, s’ébrouait, mais avec moins de ténacité, car la faiblesse le gagnait également. Après les deux chocs consécutifs qu’il avait subi, sa faim, le froid qui le mordait aussi, les câblages d’acier souple qui meurtrissaient sa chair, il perdait de son bagou, mais n’en demeurait pas moins instable. Derrière le rideau de misère et de fatigue qui voilait ses yeux mi-clos, Dana s’adressa à lui.

- J’ai une dernière idée…pour Kiwi…

Elle sombra complètement, fermant les yeux, pesant contre lui alors qu’elle luttait pour ne pas perdre connaissance. Il la sentit raffermir ses doigts autour de ses muscles tandis qu’elle s’était mise à chuchoter.

- Il faudrait que…Mumkin le plonge dans…le trou, où la glace est fissurée…jusqu’au cou…et attendre.

Attendre que la glace se reforme autour du monstre, l’emprisonnant. Seulement, après, avec les précautions qui s’imposait, ils pourraient aller découper dans l’eau figée et extraire un terentatek qu’une couche de glace aura immobilisé. Hope devait bien avoir un outils comme ça dans sa boîte. C’était capillotracté, mais elle n’avait rien de mieux. La Force ne suffisait pas. Elle se rendit compte qu’elle s’était mise à frictionner les bras du hapien, pour faire émerger de ce mouvement répétitif un peu de chaleur.






- Encore un peu plus à gauche, souffla-t-elle d’une voix épuisée. Ses lèvres frôlaient un comlink que Lloyd tenait tout près d’elle. Ils étaient demeurés l’un contre l’autre, pas tant par affection que par nécessité de se transmettre une chaleur vitale dans ce climat polaire qui aurait tôt ou tard raison d’eux. Du moins, c’était ce que pensait Dana. Elle guidait le pilote qui, depuis les airs, manœuvrait pour aligner Kiwi avec le trou béant dans la surface gelée. Le regard à moitié fermé, elle aperçut enfin le bon alignement.

- C’est bon, c’est bon, ne bouge plus…

La créature ballotée par les vents tentait de se débattre dans son filet improvisé, complètement désorientée. Depuis le cockpit, le dévaronien actionna la commande pour dérouler les câbles d’accroches et le monstre entama une longue descente jusqu’à être immergée dans l’eau qui éclaboussait sous ses tentatives de se libérer. Mais il semblait se fatiguer en vain. Lloyd sentit le poids de Dana l’écraser. Les lippes de l’Inquisitrice avaient glisser contre le métal du comlink, puis contre les doigts gantés du Sith avant qu’elle ne s’effondre, incapable de rester consciente davantage.

-Elle est morte ? demanda Mumkin, prudemment, à travers l’appareil de communication.






Elle entendit son prénom, mais il était couvert par la masse de l’eau. Indistinguable. Mais elle savait que c’était son prénom. Elle rouvrit les yeux. Lloyd était toujours là. Elle les referma. Puis, elle ne sut combien de temps après, elle les ouvrit encore. Dana alterna entre état de conscience de de semi-conscience durant un long moment. L’épuisement, le manque d’oxygène récent, l’hypothermie l’amenaient parfois à parler, mais elle ne savait plus trop ce qu’elle disait. Quelque chose comme : Luis était là. Parlait-elle du nexu ? Parlait-elle de Raidun ? Et lentement, depuis sa gorge puissante jusqu’à sa taille, le terentatek subissait l’étreinte de la glace qui se reformait. Seules ses pattes s’agitaient, entremêlées dans l’eau froide et les câbles. Il grognait de désarroi, émettait de longues plaintes aigües, comme un animal blessé. Ses cris de détresse surgissaient aux oreilles de Dana qui émergeait alors une nouvelle fois. Allongée contre le Sith, ils formaient une boule sombre à la surface d'une étendue blanche qui réfléchissait le soleil comme un miroir.

- Je veux rentrer.

Rentrer ? Sur Ch’Hodos ? Sur le Sans-Visage ? C’était ce dernier qu’elle voyait. Elle songeait à la cabine du capitaine, à sa couchette étroite, la couverture chaude, ses murs impersonnels. Elle entendait, dans le lointain de sa mémoire, les bruits d’impacts ardents contre l’écoutille, le son de la douche qui déversait une eau brûlante et le silence de leur sommeil.


Lloyd Hope
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- On va rentrer. Je vais te ramener chez toi, ok ?

Le souffle du hapien s’était fait plus ténu. Il serrait Dana contre lui et ses vêtements humides ne le protégeaient pas du froid mordant. Ils étaient tous les deux trempés, leurs cheveux dégoulinants sur leur visage et le maquillage de Dana s’était répandu sous ses yeux. Un vent léger léchait leurs silhouettes tandis qu’il essayait de les maintenir tous les deux vivants, mais ses membres tremblaient de fatigue et de froid.
A quelques pas de là, la créature se mouvait faiblement, essayant elle aussi de survivre dans l’eau glaciale et une partie de la glace avait commencé à se reformer sur elle.

Il n’était pas compliqué de faire un rapide calcul : si l’eau gelait, leur sang à son tour gèlerait aussi mais surtout, avant cela, l’eau qui étreignait encore leurs vêtements raidis sous le poids de l’humidité. Seule leur aptitude liée à la Force pouvait peut-être encore les aider… Encore fallait-il rester conscient.

- Dana, souffla le hapien. Reste avec moi. Encore, s’il te plaît.

Il se revoyait, quelques heures plus tôt sous la douche, à espérer qu’elle fut vivante, que le froid ne l’eût pas emportée définitivement. Retour à la case départ. Mais cette fois, pas de jet d’eau brûlante pour l’aider. Seulement leur volonté à tous les deux, de survivre. C’était bien cela qu’il craignait justement.
Il se balança un peu plus, comme s’il la berçait au creux de ses bras : elle était allongée et il semblait l’avoir cueillie, ou recueillie, tandis que lui se maintenait à genoux. S’il se couchait, il fermerait les yeux. Ce n’était pas possible. Pas acceptable. La mission n’était pas terminée. Celle de Dana, peut-être. Mais pas la sienne.

- Regarde-moi. Il ne faut pas dormir. Il faut lutter. Ok ?

Sa voix tremblait.
Parfois, Dana ouvrait les yeux, et il voyait l’étendue dorée et l’incertitude qui voilait les deux petits joyaux qui avaient été si durs avec lui. Que pouvait-il dire pour la maintenir éveillée ? Il souffla et un nuage de vapeur se forma devant son visage avant de se dissiper. Ses propres lèvres étaient devenues violettes, et au bout de ses cils s’étaient formés de minuscules perles de glace.

- Je… j’vais te raconter une histoire. Comme ça tu t’accroches au fil de l’histoire. Ok ?

Il déglutit avant de risquer un regard vers le terentatek. La créature semblait avoir renoncé. Mais il ne pensait pas à Kiwi. Il réfléchissait, et son cerveau lui parut engourdi. Une histoire. Connaissait-il seulement une belle histoire ? Il fouilla son passé, à la recherche d’une histoire qu’on avait pu lui raconter. Peu importait le sujet. Il fallait juste tenir Dana éveillée.
Un vague souvenir émergea. Il ne se souvenait plus des détails. Il inventerait.

- C’est un conte qu’on chante aux enfants, sur Hapès. C’est l’histoire d’une jeune femme pleine d’ambition. Elle a tout pour elle ; tellement belle que les autres femmes en tombent amoureuses. Tellement intelligente que dès son plus jeune âge, les membres de sa famille l’écoutent pour avoir ses conseils. Et bien sûr, tellement douce que les mâles ne veulent jamais la quitter dès qu’ils ont goûté à sa peau.

Il s’arrêta un instant, leva le nez au ciel. Le vent était tombé. Ils avaient droit désormais à des flocons de neige qui tombaient doucement. Lloyd eut la sensation désagréable d’être progressivement enseveli. Quand il regarda Dana de nouveau, il vit que ses yeux étaient à peine entrouverts, et qu’un fin filet de vapeur s’échappait de ses lèvres.

- Elle s’appelait… J’sais plus. On va dire qu’elle s’appelait Freya. Bref, Freya avait beaucoup d’ambition. Sa famille l’encourageait, car ils étaient nobles et… Ils pensaient qu’elle ferait une parfaite Reine-mère du royaume, elle en avait toutes les qualités. Et justement, la Reine-mère de l’époque était une horrible marâtre. Elle assassinait la moindre femme qui pouvait la concurrencer, même dans sa propre famille. Elle faisait stériliser les hommes avec qui elle couchait, juste pour être sûre que l’une de ses filles n’essairait pas un jour de lui prendre le trône.

Lloyd eut un frisson. Il ferma les yeux pour poursuivre. Avec la fatigue, son corps s’affaissait peu à peu. Il essaya de redresser un peu l’Inquisitrice avant de poser sa tempe sur le front de Dana.

- Et donc un jour, Freya va rencontrer la Reine-mère mais elle est maline : pour ne pas être perçue comme une concurrente, il fallait qu’elle se présente intelligemment à la souveraine. Alors… Alors elle va la voir, et elle dit : « Voilà, tout le monde veut que je prenne votre place. C’est terrible parce que je n’en ai pas envie du tout : je sais que dès que j’aurais pris votre place, tout le monde complotera contre moi, et je ne pourrai plus jamais avoir confiance en personne. Je sais aussi que je deviendrai horrible, car toutes les décisions que je prendrai, il y aura toujours des gens qui trouveront ça injuste. Au final, être Reine-mère, ça a l’air si difficile… »

Lloyd arrangea la position de Dana : il rassembla ses mains contre lui, tâcha de les réchauffer quelques instants en soufflant sur les doigts délicats de l’Inquisitrice, avant de poursuivre.

- La Reine-mère trouve que Freya est vachement intelligente. Elle lui dit « oui c’est vrai, c’est la pire position du Royaume, ou en tout cas la plus difficile. Mais si tu ne veux pas venir à ma place, tu vois, tu n’as rien à craindre de moi. » Alors Freya trouve que pour une première rencontre, elle s’est pas trop mal débrouillée, et elle s’en va. Mais quand elle rentre chez elle, il y a un assassin qui l’attend pour la tuer. Il se jette sur elle mais Freya le supplie de lui laisser la vie sauve. Et l’homme donc ne la tue pas, parce qu’elle est aussi belle qu’une princesse et il se dit que ce serait dommage. Freya lui dit qu’il a bien fait, et qu’elle le récompensera quand elle sera devenue Reine-mère.

Le hapien s’interrompit. Dana avait fermé les yeux. Il fit un effort pour bouger, pour essuyer les flocons qui s’entassaient sur le visage de l’Inquisitrice, puis il y eut un grésillement.

- Il se passe quoi après ?

Le hapien sursauta. Il n’avait pas éteint le comlink qu’il avait toujours entre les doigts de la main qui soutenait Dana. Il croisa le regard doré qui était réapparu et les yeux du hapien rirent en les rencontrant.

- Après, le nexu mange le dévaronien tout cru. Encore quelques minutes et tu pourras tracter, Mum.

Cette fois-ci, il veilla à couper la communication.

- Bon alors Freya retourne voir la Reine-mère le lendemain, et elle lui demande pourquoi est-ce qu’elle a essayé de la faire tuer. Et la Reine-mère lui dit qu’elle n’a pas essayé de la faire tuer, qu’elle a juste envoyé un homme faire semblant, pour voir comment elle allait le charmer. Elle lui dit un truc du style : « quand on veut voir ce que vaut une femme, on regarde comment elle traite ses mâles. » Bref. Et là, Freya se défend et lui dit qu’elle a juste inventé un mensonge pour échapper à l’assassin, qu’en réalité elle ne veut vraiment pas devenir Reine. Alors la Reine lui dit bon, pour être sûre je vais te mettre à l’épreuve. L’assassin qui est venu cette nuit, en réalité, c’est l’un de mes fils, le plus âgé. Si tu refuses le trône, épouse-le.

Il s’interrompit brièvement.

- Ah oui, sur Hapès, quand tu te maries avec un homme, on considère que tu t’avilies un peu, expliqua-t-il, parce que les femmes les plus prestigieuses se marient très tard. Avant ça, elles se reproduisent avec qui elles veulent, mais sans être mariées. Donc Freya se dit bon ok, je vais accepter le mariage, puis je me débarrasserai du mari après. Donc elle accepte, et elle gagne comme ça la confiance de la Reine-mère. Le lendemain, la Reine-mère est morte, et Freya prend sa place. Tu sais pourquoi ?

Le hapien releva un peu la tête, pour vérifier que Dana n’avait pas abandonné. Mais elle cligna des yeux. Elle n’avait juste plus d’énergie.

- Désolé, s’excusa-t-il d’avance, la fin est nulle. Ben c’est son fils qui a tué la Reine, parce qu’à ce moment de l’histoire il se dit que d’une part Freya sera une meilleure Reine que sa mère parce qu’elle ne recherche pas le pouvoir, et d’autre part parce qu’il se dit que si elle a voulu l’épouser c’est qu’il pouvait avoir ses faveurs pour être le premier reproducteur. Mais bref, c’est pas ça qui compte dans l’histoire. L’idée c’est que toute l’histoire est basée sur un jeu de confiance. … Aucune des deux femmes n’a fait confiance à l’autre, jusqu’au bout, mais la Reine, elle, a quand même fait confiance au fils alors que Freya, elle, ne faisait confiance à aucun des deux. Et le fils non plus, même à sa mère en fait il ne faisait pas confiance. Dans ce triangle, du coup, c’est la Reine qui perd forcément. … Comme un jeu d’holochess, … tu vois ?

La respiration de Lloyd s’était faite plus lente. Ses membres étaient si engourdis qu’il ne pensait plus être capable de les bouger. Le poids de sa tête reposait de nouveau contre celle de Dana. Il essaya de redresser le menton pour couvrir de son cou le front de l’Inquisitrice, essayant vainement de la réchauffer un peu.

- C’est nul, hein ? chuchota-t-il. C’est Hapès. C’est… leur spécialité, aux hapiens.

Parler, encore. Dire. N’importe quoi. Il ne fallait pas qu’elle s’endormît. Lui non plus. Mais son esprit commençait à s’embrouiller sévèrement.

- Tu vois… Si toi, moi et Mumkin on formait un triangle, j’aurais perdu le premier. Je fais confiance à Mumkin et… j’te fais confiance à toi.

Il y eut un coup de vent, et des flocons furent rabattus sur leurs visages. Le hapien cligna des yeux pour dégager la neige de ses cils.

- C’est pas vrai qu’on peut pas m’atteindre à travers toi. Depuis qu’on fait équipe, y’a le monde entier qu’essaie d’me bouffer. Et le pire, c’est que j’préfère qu’il essaie encore plutôt que de renoncer.

Il tenta de se redresser un peu. Dana avait fermé les yeux. La voix du hapien n’était plus qu’un murmure grave.

- Je renoncerai pas, ok ? J’ai promis de t’ramener sur Ch’hodos. Ça sert à rien de me demander d’arrêter.

Son souffle s’échoua une dernière fois contre la joue de Dana.

- Arrêter quoi ? Arrêter d’être ton genre ?
Darth Hope
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Elle se conforta contre lui, les yeux toujours clos, mais il lui semblait que sa conscience fuyait moins. L’histoire ou le conte, elle ne savait pas très bien comment désigner le récit l’avait maintenu dans cette réalité, avec lui. Elle s’était accrochée à la voix familière de Lloyd ; une voix qui parfois, avait tremblé de froid, rendue un peu rauque par le climat ; une voix qui parfois, aussi, avait été un peu mal assurée et elle se demandait s’il inventait de toutes pièces ou si c’était réellement une fiction entendue sur Hapès et qu’il retransmettait. Hapès. Son esprit avait travaillé, en ébullition, pour se remémorer qu’il en était évidemment originaire. Qu’avait-il gardé de son ADN, de cette génétique si particulière, de cette culture ? Un simple conte ? Elle aurait aimé avoir la force de lui poser tant de questions. A la place, elle écoutait et chaque mot était semblable à une petite pierre qui balisait un chemin de retour. Elle en ramassait un et avançait. La Force l’y aidait, bien sûr. Elle circulait dans leurs veines, comme leur sang trop tiède qui menaçait, à tout moment, d’atteindre l’hypothermie. Mais ils résistaient encore.

- Qui a dit que…tu étais mon genre ? souffla-t-elle, pinçant ses lippes gercées dans un sourire énigmatique.

Il sentit la joue froide et humide de Dana glisser contre ses lèvres. Elle avait rouvert les yeux et un feu animait encore ses prunelles précieuses que le froid n’avait pas atteintes. Leurs souffles se cherchèrent. Il n’eût bientôt plus qu’une seule et même vapeur blanche qui se matérialisait entre leurs visages rapprochés.

- T’as raison, murmura-t-elle et sa bouche effleurait désormais la sienne. Il pouvait presque goûter aux gerçures carmines qui striaient les lèvres de Dana. C’est nul…Hapès, je veux dire. T’es pas un mâle reproducteur, ni un esclave. Et…personne se rabaisserait en t’épousant. J’ai bien suivi, hein ?


Au fur et à mesure de ses paroles, ses lèvres avaient avalé la distance ridicule qui demeurait. C’était juste, une énième tentative pour se transmettre un peu de chaleur, pensa-t-elle alors qu’elle abattait sa bouche sur celle du blond, que leurs lippes se poursuivaient dans un baiser froid qui éveillait un feu dont la chaleur finit par se dissiper en elle. Elle se redressa sur ses genoux, emportée par l’élan de l’étreinte, avide de cette chaleur. Elle avait tellement froid et les lèvres de Lloyd brisaient toute la glace pour instiller la flamme qui réchauffait. Ses mains grimpèrent soudain dans la chevelure blonde, fraîche et trempée ; Elle y perdit la sensation de l’extrémité de ses doigts, mais n’en avait cure. La main gantée de Lloyd s’échoua contre sa nuque, lui arrachant un frisson, de froid, de désir.

Quand un bruit assourdissant déchira le ciel, les forçant à se séparer pour tourner leurs figures pâles vers le Sans-Visage d’ù provenaient des sons étranges. Dans le cockpit, Mumkin pressait hâtivement une commande qui faisait jaillir cette horrible mélodie grinçante et puissante. Ca semblait l’amuser, bien qu’une grimace d’impatience déformait son faciès jaunâtre. Dana baissa les yeux et s’humecta les lèvres, s’éloignant un peu de Hope pour qu’il puisse utiliser son comlink.

- C’est pas l’moment de jouer à la bête à deux dos, j’ai un terentatek d’au moins cent tonnes qui tire sur mes câbles d’accroches, j’tracte ou j’vous laisse repeupler Galidraan ?!

Mumkin, toujours dans l’exagération. Le blond allait répondre, mais l’Inquisitrice lui dama le pion en se jetant sur le comlink, ourlant ses paumes fébriles autour de celles du Sith.

- Non ! Tracte pas, on doit d’abord découper la glace !
- Bah faîtes vite alors !

La communication se coupa et elle jeta un regard à la fois outré et sidéré vers Lloyd. Elle plongea sa main dans l’une des poches de son manteau grenat et extirpa le sabre-laser du hapien.

- Il est temps de finaliser la cage de Kiwi. Après tout, c’est toi qui voulais pas t’attarder sur cette mission.

Et après un regard suggestif, elle se détourna.



















Les dernières forces.
C’était ce moment où après une longue chute vers l’incertitude, vers la fin, le corps connaissait une seconde vie. C’était l’adrénaline qui revenait, en dépit des muscles ankylosés ou des poumons brûlés par le froid. C’était mobilisé l’instinct de survie et le Côté Obscur, s’y abandonner pour franchir une nouvelle limite.

Kiwi avait arrêté de se débattre et les avait regardé approché d’un œil noir de haine. Ils veillèrent à calculer une distance raisonnable pour que la lame-laser ne fasse pas fondre tous les efforts fournis jusque maintenant. La couche de glace mesurait une soixantaine de centimètres d’épaisseur ; ce serait juste, mais suffisant. S’ils attendaient qu’elle épaississe encore, ils mourraient de froid. Le pouce engourdi de Dana frôla le commutateur de la garde incurvée et la lame jaillit dans un crépitement familier. Elle leva les bras, prête à enfoncer le sabre dans la glace quand ses jambes flagellèrent soudain. Elle manqua de s’effondrer et Lloyd vint l’aider. Il récupéra son sabre et donna le premier coup. Une vapeur translucide s’évapora à mesure que la lame-laser s’enfonçait dans la glace et la faisait fondre. Il la traîna autour de Kiwi, s’arrêtant souvent pour faire une pause, essoufflé. Le nexu les avait rejoint durant l’opération, assis aux côtés d’une maîtresse agenouillée sur la glace, fatiguée. Dans ses prunelles dorées se reflétaient le pourpre du sabre qui sifflait dans la glace et dans l’eau. Dès que ce fut terminé, elle porta le comlink à ses lèvres fébriles. Le Sith revenait vers elle.

-On y est presque…Lloyd ! Tu devrais monter en premier. Tu me renverras un câble d’accroche, je remontrai avec Luis.

Elle vit le visage du hapien se fermer d’hésitation. Elle déglutit et tenta un pauvre sourire qui dût davantage ressembler à une grimace.

-Parfois, se séparer est une bonne solution. C’est même la meilleure, quand on se fait confiance.

Dana passa ses bras autour du cou de Luis, tâchant de ne pas se blesser avec ses épines dorsales rabattues. Elle leva les yeux vers la silhouette du hapien qui avait sauté au plus près du terentatek. Ce dernier grogna, près à saisir la moindre opportunité, mais Lloyd fut prudent. Il se plaça dans son dos et grimpa sur la créature qui se dépêcha de ruer du chef pour tenter de le déséquilibrer. Il s’accrocha à une des cornes, avant d’arrimer une de ses mains au câble.

-Mumkin, souffla Dana, soulagée, Mumkin tu peux tracter.
-Pas trop tôt, maugréa un grésillement dans l’appareil.

Clonc, clonc.C’était la machinerie qui rembobinait les câbles. Kiwi rugit, s’agita, enfermé par les liens d’acier, par la glace. Son rugissement ne devint bientôt plus que des grognements résignés. Le nexu frotta sa gueule contre la joue de Dana, sans quitter le terentatek qui se balançait dans le vide. L’Inquisitrice ne quittait pas Hope du regard. Finalement, dès qu’il engagea un pied sur la passerelle, il s’attaqua aux câbles. L’un d’entre eux atterrit devant Dana. Ses doigts aiffaiblis par le froid mirent un temps fou à attraper le crochet pour le faire passer dans le harnais improvisé de Luis. Ce dernier s’était montré plus coopératif, comme s’il avait senti que cette fois-ci, c’était terminé. Qu’il aurait enfin droit à sa viande. Elle se hissa avec difficulté sur l’animal. Et clonc. Ils passèrent devant un Kiwi prisonnier qui fit claquer ses mâchoires dans le vide, espérant les atteindre. Mais Dana avait toujours sa figure levée vers la passerelle, vers Lloyd Hope.










Luis se secoua. La neige éclaboussa la passerelle qui se refermait à moitié. Le vaisseau prit de l’altitude, assez pour que le dévaronien puisse enclencher le pilotage automatique vers la capitale de Galidraan et courir vers le pont inférieur. Il avait, au passage, attraper deux couvertures de survie et dès qu’il déboula devant eux, les tendit avant de se raviser quand le nexu darda sur lui un regard plein d’appétit.

-Bon…bah, j’suppose que, j’envoie toute l’eau chaude disponible dans ta cabine ? fit le dévaronien vers son patron, avec un petit air sous-entendu.
-Pour qu’il ait le luxe d’une douche chaude et moi non ? s’enquit Dana en se frictionnant les bras, encore frigorifiée. Ce sera moitié, moitié. J’ai besoin d’eau chaude dans la mienne aussi.

Elle lança au blond, une œillade pleine de défi et de sensualité.

Lloyd Hope
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Le hapien s’était laissé glisser assis, à l’intérieur du Sans-Visage dont la cage d’acier resterait pour lui le plus rassurant des sols. Mais bientôt, il leva le nez vers l’Inquisitrice, surpris de sa remarque. Mumkin et Lloyd échangèrent un regard dès que Dana avait disparu dans la coursive. Le dévaronien haussa les épaules.

- Apparemment, la fin de l’histoire était pas terrible. Ou alors, tu sens l’ail. T’as mangé quoi ?

Le hapien grogna en se levant, prenant la direction du cockpit.

- Je t’ai pas demandé de conseils, Mum. Surveille l’altitude, j’ai pas envie qu’on perde notre cargaison.

Le dévaronien haussa les épaules, plutôt satisfait, et les deux, dont un Lloyd à l’uniforme trempé, vérifièrent par la baie de pilotage que la voie était à peu près libre jusqu’à la capitale, dont les sommets se perdaient dans un nuage neigeux, à l’horizon.

- Bien, fit le hapien à l’humeur sombre. Tu me surveilles ça de près, j’ai quelques trucs à faire. Ah oui, et donne de la viande à Luis, il l’a bien mérité.
- Aouw.

Le nexu les avait suivis curieusement dans le cockpit et il reniflait déjà la main de Mumkin qui fit la moue.

- Heu... Tu veux pas le faire toi-même ?
- Non, j’ai un truc à régler avant, trancha Lloyd. Et il faut qu’on se prépare à être reçus par le Seigneur Ghrann, je peux pas y aller dans cet état.

Le dévaronien haussa les épaules et laissa le hapien partir. Tout ce feu, tout ce gaz. Ca allait finir par péter, un de ces jours.

- Ouw ?
- Ouais, ouais, j’arrive.

-------

-------

-------Le hapien avait ouvert sa cabine en passant devant, sans y entrer. Son uniforme dégoulinait encore de son plongeon dans l’eau glaciale et de la neige qui fondait, déposée sur ses épaules et dans ses cheveux, rabattus en mèches désordonnées sur son front et ses oreilles. Dans d’autres circonstances, il aurait fait peine à voir, mais ses gestes secs semblaient rappeler son appartenance à un Ordre où la loi du plus fort primait : il commanda l’ouverture de la cabine de Dana et l’écoutille glissa, ouverte, dans la paroi du Sans Visage. Il croisa les bras pour toiser sévèrement l’Inquisitrice, qui s’était libérée de ses bottes et de sa veste qui avait jusqu’ici cintré sa taille.

- Hé, lui dit-il en s’adossant au montant de l’écoutille. Ta douche est cassée, j’te rappelle.

Sa voix n’était pas agressive, mais il avait l’air contrarié. Il ne resta pas longtemps dans cette position, car déjà il pointait un doigt ganté vers elle, comme une sommation. Comme un officier impérial commanderait à ses troupes.

- Dana, lui dit-il sur un ton sévère, on a quelque chose d’important à clarifier, toi et moi. Là, tout de suite.

Soudain il fit trois pas pour avaler la distance qui les séparait et il força Dana à reculer contre la paroi de métal, où elle se trouva emprisonnée. Il leva une main gantée pour s’emparer du menton de Dana et lever le minois de l’Inquisitrice vers ses yeux émeraudes, qui la jaugeaient sans sommation, légèrement étrécis. Leurs visages étaient si proches que leurs souffles se mélangeaient.

- Est-ce que tu aurais osé sous-entendre que j’suis pas ton genre ? murmura-t-il.

Les émeraudes riaient, moqueuses, même s’il ne souriait pas. C’était un air de défi, et son autre bras posé coude contre le mur empêchait toute fuite. Le Sans Visage était trop étroit, de toute façon, pour permettre une quelconque évasion.

- J’exige réparation. Sinon, interdiction de squatter la douche du Capitaine.

Il aventura sa bouche contre celle de l’Inquisitrice, et leurs corps mouillés, glacés, se pressèrent l’un contre l’autre pour y recréer la chaleur intérieure que, il en était sûr, ils avaient tous deux ressentis un peu plus tôt, quand ils se consumaient lentement sur la glace. Il lâcha le menton de l’Inquisitrice pour mieux l’étreindre toute entière.
Quand il sentit les doigts de Dana dans ses cheveux il ne put s’empêcher de la soulever à la hâte. Elle l’aida en refermant ses cuisses autour de ses reins et ils voyagèrent jusqu’à la cabine du Capitaine, en refermant derrière lui, pour aller droit dans la salle d’eau.

Darth Hope
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Elle posa un pied conquérant dans la cabine de Hope, ruisselante. Sa silhouette dénudée avait surgi de la salle d’eau, semblable à un mirage.

D’un geste assuré, elle rabattit sa chevelure de jais en arrière et des milliers de gouttelettes d’eau éclaboussèrent l’air, comme autant de d’étoiles luisaient dans l’espace noir. Ses lèvres avaient retrouvé leur couleur chaude et frémissaient encore d’un sourire épanoui. Les traces de sa longue douche dévalaient ses courbes féminines et trempaient le sol froid de la pièce. Elle attrapa une serviette et y réfugia son corps, fixant l’écoutille fermée.

Elle n’était plus sûre de reprendre le contrôle un jour.
Son pouls s’accéléra alors que la photographie d’une twi’lek à l’expression figée s’imposait dans sa mémoire.
Ils n’avaient rien clarifié.

Un son. Et elle se détourna lentement vers la présence de Lloyd qui émergeait à son tour. Il rabattait sa tignasse blonde en arrière et elle chuta dans son regard émeraude qu’il fut difficile de soutenir. Ses muscles, l’eau qui en embrassait effrontément les reliefs. Elle ne sut faire autrement que laisser vagabonder ses rétines dorées. Elle le reluquait carrément. Et sans aucune culpabilité.

-C’était ok, dit-elle doucement alors qu’il s’approchait et qu’elle sentait le monde chavirer. Mais tu ne fais que me déposer.

Elle crut lire un avertissement dans l’horizon verdâtre et elle s’empressa de rajouter.

-Tu déposes ta coéquipière. Et elle tiendra toutes ses promesses.

Il s’était planté devant elle et Dana resserra le tissu spongieux autour d’elle, affrontant ce nouveau défi. Et elle dirigea ses yeux plus bas sur le corps du hapien, esquissant un sourire bref.

-Et tu as été très déloyal, sache-le, murmura-t-elle avec défiance. Déloyalement mon genre.

Elle plaqua une main tiède contre son torse, annihila la distance entre leurs lèvres avant de le repousser doucement. Ses prunelles riaient à leur tour, comme il avait fait rire les siennes. Elle avait envie de lui confesser tant de choses, mais elle savait qu’aucune parole, aucun aveu, n’empêcherait ce qui arriverait tôt ou tard. Ses doigts frôlèrent les siens.

-Je vais demander à Mumkin de réparer ma douche, ok ?

Elle se hissa sur la pointe des pieds et plaqua ses lippes à l’oreille du blond pour terminer :

-T’auras autorisation de la squatter. On va dire que ce sera un échange de bons procédés entre le Clergé Sith et la Marine Impériale.

Et le temps reprit sa course quand elle s’éloigna de lui. L’écoutille s’ouvrit dans un bruit familier. Il la vit détourner sa figure et il put admirer la cicatrice à sa lèvre se déformer quand elle sourit. Dana lui envoya un clin d’œil qui fit frémir ses longs cils noirs et elle disparut, avalée par la coursive, abandonnant dans son sillage une traîne d’eau sombre.





-Il a essayé de me bouffer.

Dana soupira, éreintée. La douche l’avait revigorée, mais son corps accusait de nombreuses courbatures désormais et elle ne rêvait qu’à une couchette confortable. Mais Mumkin avait surgi, en panique, la prenant de court. Il était si apeuré qu’il glissa à peine une œillade sur ses courbes à moitié dénudée.s Et depuis, il avait passé cinq minutes à lui expliquer le problème avec Luis.

-Tu l’as mis dans la soute ?
-Ouais…
-Et tu lui as donné de la viande ?
-Ouais.
-Alors où est le problème ? s’agaça-t-elle en souhaitant passer mais il se remit devant elle, tout penaud.
-Ce truc veut me manger, on peut pas…le donner à un zoo ou chai pas.
-Mumkin, le coupa-t-elle. Je ne suis pas Lloyd Hope. Je me fiche complètement de tes desideratas, surtout quand ils concernent mes affaires.

Il s’écarta d’un pas et elle reprit sa marche tout en concluant :

-Je le débarquerai avec moi sur Ch’Hodos et tu seras tranquille.

Elle s’arrêta et se retourna vers lui, l’admirant de pied en cape. Le dévaronien déglutit, pas du tout rassuré par ce constat.

-Enfin, s’il ne te dévore pas avant. Tu devrais faire un petit régime. T’aurais peut-être l’air moins appétissant.

Il émit un sifflement sidéré avant de lever les yeux au ciel.

-Et ce n’est pas tout. Le voyage va être long et j’ai une douche hors service dans ma cabine.
-Celle de Lloyd convient pas ? claqua-t-il sans réfléchir, beaucoup trop contrarié.
-Est-ce que…tu sous-entends quelque chose ?
-Nan…se rétracta-t-il.
-Parfait, parce que je suis sur ce vaisseau en qualité d’Inquisitrice Sith et il vaudrait mieux que tu ne l’oublies pas.
-Je vais voir ce que j’peux faire pour la douche de son Excellencité, alors.






A l’extérieur, les sommets de la capitale Galidraane se rapprochaient lentement. Kiwi vagissait, fatigué d’être suspendu à ces câbles, balancé dans l’air, glacé par l’étau qui brûlait une partie de ses muscles, contracté entre des cordages solides. Si tout se passait bien, la vieille Ghrann aurait bientôt son terentatek adoré au bercail.

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