21.575, 2^nd semestre • Dantooïne, Chambre de Thann Sîdh.

#Seïid Qiik

« Qu’est-ce que tu racontes… – Je ne plaisante pas… te voir t’activer ainsi, avec toutes ces responsabilités… Tu deviens quelqu’un d’importante, Madame Sîdh, et je crois que ça me séduit davantage encore. » La chaleur allait et venait, de ses joues à son ventre, sous le regard pétillant de sa compagne. Elle ne savait plus où se mettre et elle pensait pouvoir faire virer l’hiver au printemps tant elle irradiait de chaleur. « Pourquoi tu me charries comme ça ? J’suis là, j’suis gentille, et toi tu me mets en boîte, et pire, tu secoues le carton ! – Je n’ai fait que dire la vérité. Tu me penses malhonnête ? » Pour souligner sa bonne foi, tout autant que pour tenir la promesse de ces yeux crépitants, elle accompagna sa bravade d’un baiser qui n’avait rien des chastes échanges qu’elles avaient d’abord échangé. Leur histoire évoluait, à leur rythme, alors qu’elles grandissaient. Thann se laissa entraîner par les sentiments, elle se sentait flotter. En paix. Quel sentiment délicieux que d’être aimée et d’aimer. Leurs embrassades connurent pourtant une extinction prématurée : par quatre fois, son comlink, négligemment abandonnée sur la petite table de salon la veille au soir sonna. Si tôt, avec une telle insistance, cela ne pouvait que troublait l’esprit de la responsable des travaux. Elle abandonna sa belle, non sans lui avoir promis une partie remise, et se précipita pour saisir le cinquième appel. « Ici la Padawane Sîdh, que puis-je faire pour vous ? – Bonjour, Thann, c’est Jane, on a une urgence ici. Le chantier de la tour ouest a lui aussi subi des dégradations mais cette fois, c’est plus sérieux. Des agents ont été blessés, du matériel détruit… ‘fin bref, on a besoin de toi au plus vite. J’ai aussi contacté le Maître Asho'Tye, vous ne serez pas trop de deux pour régler le problème, et il faudra constater des dégâts avant même de songer à mener l’enquête. Puisque tu as tardé à répondre, elle devrait être arrivée le temps que tu n’arrives. – Rien de grave, au niveau des blessés ? – Non, non, ils ont été pris en charge et aucun pronostic vital n’est engagé, mais certains devront garder le lit un moment. Je ne peux pas te garder plus longtemps, on s’en dit plus tout à l’heure. » La communication fut interrompue, laissant une Miraluka un peu paniquée.

Un bras la saisit par derrière, apparemment bien décidé à ne pas la laisser partir aussi vite qu’elle l’eût voulu. « Qui t’arrache à moi, encore ? – Jane Shepard, la référente sécurité civile du secteur ouest. Un souci dans la nuit, une attaque, encore, au niveau de la tour. – Une attaque ? De la tour ouest ? … La fanfaronne laissa un suspens terrible s’installer. – Thann, fais attention aux dragons, promets-le moi. Elles éclatèrent toutes les deux de rire, l’une forçant l’autre à la retraite à force de coups de coussins. – Tu devrais passer plus de temps à lire et moins à jouer, nounouille ! Allez, laisse-moi filer, j’ai déjà pris du retard et je vais avoir l’air d’une irresponsable si je tarde trop, le Maître Asho’Tye est déjà en route, et… – Le Maître Asho’Tye ? Aïe… – Oh ça va… N’en rajoute pas. Tu sais déjà comment ça m’angoisse de travailler avec une sommité pareille. J’ai l’impression de ne plus savoir rien faire de mes dix doigts une fois qu’elle est dans les parages. – Tu sais faire. Apprends d’elle aussi bien que tu as appris de Karm. Allez, file maintenant, je vais aller m’occuper de remuer les flemmards de la salle d’entraînement pour passer le temps. »

Ce fut ainsi qu’elles se quittèrent, tandis que Thann avait enfilé rapidement la tenue civile qu’on lui connaissait le plus dans l’enceinte de la nouvelle enclave. Les couloirs préfabriqués se mêlaient à ceux des bâtiments déjà finis. Le chantier avançait bien. Non sans quelques couacs, bien entendu, comme ce matin-là. Alors qu’elle jaillissait hors des bâtiments pour gagner le secteur concerné, encore largement en friche, elle remarqua, à l’horizon, que le soleil dépassait à peine. Le froid mordit son cou, elle releva sa capuche, força le pas, l’herbe givrée crissée sous ses pas. Il y a quelques semaines de cela, elle avait elle-même fait la demande auprès de l’Ordre de cette force d’appoint. Ils étaient rares les maîtres à disposer de la réputation de l’Arkanienne, dans tous les sens du terme. Beaucoup la jugeait d’un naturel difficile, Thann ne la tenait que pour brillante – ce qui la rendait, pour la presque Chevalier, terriblement intimidante. C’était elle, d’ordinaire, le petit ingénieur de service. Travailler à ses côtés, depuis lors, avait été pour elle aussi bien source d’un enrichissement indéniable, mais aussi une source d’angoisse certaine. Peut-être serait-ce là l’occasion pour l’aspirante Sentinelle de briller auprès de son aînée ? Elles n’avaient pas encore eu l’occasion de travailler véritablement en tandem, toujours dans le cadre d’équipe plus larges. Ce serait l’occasion d’un étrange baptême du feu, au milieu du froid hivernal de Dantooïne.

« Vous ne devriez pas être sur Dantoïne, Maître. » L’expression du Dr S’Trasza ne laissait aucun doute sur l’étendue de sa désapprobation. Ce qui était fait était fait mais tous les deux savaient que si le médecin avait eu vent de ce déplacement, il aurait tout fait pour l’éviter à l’Arkanienne. « Je ne pouvais décemment pas encore reculer mon « retour ». Le Conseil est d’autant plus impatient que je n’ai toujours pas répondu à leurs questions. » dit-elle tandis qu’elle transmettait ses dernières données médicales. « Je ne vois pas en quoi vous faire aller sur Dantoïne répondra à leurs interrogations au sujet de l’incident. » Le haussement d’épaules de l’Arkanienne indiqua qu’elle non plus ne voyait pas en quoi… Mais cela faisait des années qu’elle avait l’habitude de composer avec les ordres du Conseil sans chercher une quelconque logique. Dans l’immédiat, tout du moins. L’idée générale viendrait bien assez tôt. « Le Conseil ne peut-il pas se satisfaire de votre rapport ? » reprit Tyberr’Hyus. « Le Conseil ne se satisfera jamais de mes rapports. Vous n’avez toujours pas compris que je ne suis pas… dans les petits papiers du conseil ? »

Une manière délicate de dire qu’entre le Conseil et See’Ryl cela n’avait jamais été l’amour fou. Avec un bon nombre de Jedi d’ailleurs. Sa manière d’être et sa race étaient une source de problème à laquelle la jeune femme ne pouvait pas grand-chose… Quoiqu’elle fasse, rien ne changerait. Pourtant, elle continuait à essayer malgré son déménagement sur Coruscant et sa mise à l’écart volontaire des affaires internes à l’Ordre. Depuis sa conversation avec le Grand Maître, See’Ryl gardait son avis pour elle-même, attendant simplement le moment où elle verrait ses projections devenir réalité. Celles précisément qui, de la simple esquisse, étaient passées à un dessin aux traits de plus en plus prononcés. On pouvait voir, dans le silence de l’Arkanienne, une question de fierté. Probablement… A condition que l’on y ajoutât un abandon clair et net de sa part. En quittant Ondéron, elle avait, entre autre, abandonné tout espoir d’être un jour réellement intégrée à l’Ordre et traitée comme chacun de ses membres. De ce fait… Elle avait donné son avis, il avait été rejeté. Elle ne comptait pas recommencer ad vitam aeternam dans l’espoir pathétique d’être écoutée. Il ne restait plus que l’attente. « J’attends votre rapport de ce soir. S’il y a la moindre variation de votre état, je vous fais rapatrier. » menaça le médecin après un court silence. « Et qui enverrez-vous pour me récupérer ? » demanda See’Ryl plus par curiosité que par défi. « J’ai quelques contacts très utiles… Prenez soin de vous. » dit-il avant de couper la communication.

Une fois seule, See’Ryl soupira en s’installant devant son petit-déjeuner… Essentiellement composé de médicaments. Cela non plus ne l’enchantait pas mais les raisons ne manquaient pas pour qu’elle prenne consciencieusement ses traitements. « Administratrice, la référente Jane Shepard essaie de vous joindre. » annonça Légion. « Prends le message. J’arrive. » Inutile de faire la conversation : si elle était appelée aussi tôt, c’était qu’il y avait un problème… Donc qu’elle devait se déplacer. Elle avala ses gélules d’une traite, grimaçant lorsque l’une d’elle menaça de faire une fausse route. Moins de cinq minutes plus tard, elle était dehors, suivie par le massif Légion qui avait strictement accompli la consigne donnée et qui lui diffusait le message de Shepard tout en avançant. Bientôt, elle s’immobilisait devant le chantier de la tour ouest. Voilà qui n’allait pas faire avancer les travaux, songea-t-elle brièvement. Elle était habillée comme elle en avait l’habitude. Son éternelle combinaison noire qui, pour une fois, tranchait avec le blanc de sa chevelure au naturel. Elle ne portait nul manteau… Rien qui ne pouvait la réchauffer. L’avantage de venir d’une planète glaciale même sans y avoir vécu plus de quelques semaines d’affilée : les gènes ne mentaient que rarement à propos d’une habitude à telle ou telle condition de vie.

« Rapport. » demanda-t-elle à la référence Jane Shepard à peine celle-ci fut arrivée non loin. Pas de salutations. See’Ryl n’était pas de ce genre quand il y avait une urgence. Elle écouta ce que l’humaine avait à dire puis, sans jeter un œil à son droïde « Scanne les ruines. Je veux un état des structures. » Le fait qu’elle ne mentionne pas d’éventuels survivants signifiait qu’elle faisait suffisamment confiance à Shepard pour ne pas vérifier qu’elle avait d’ores et déjà fait évacuer les survivants. « J’ai prévenu la padawan Sîdh. » annonça la référente. Annonce à laquelle See’Ryl se contenta de répondre d’un léger mouvement de tête, pour accuser réception du message. Quoi de plus normal ? La padawan était affectée aux lieux… et ce n’était pas See’Ryl qui allait chercher à lui voler sa place.

See'Ryl Lun'Sa Asho'Tye, teal
Legion, goldenrod
Thann Sîdh, cornsilk
Jane Shepard, palegoldenrod

Thann n’avait pas fait vingt pas qu’elle se félicita de cette fine doublure semblable au velours avec laquelle elle avait retouché ses vêtements d’hiver. Sans ça, elle aurait déjà commencé à grelotter, ou à recourir à la Force pour s’éviter de claquer les dents comme une enfant surprise par la bise. Elle aperçut le géant de métal avant de sentir, juste à son côté, la présence du Maître. Elle semblait aussi peu vêtu qu’elle-même, en apparence, mais Thann savait pertinemment que son aînée, elle, n’avait pas eu besoin de doubler sa tenue pour ne pas faire chanter ses dents. L’aspirante Sentinelle se trouva bientôt à leur hauteur et, à son grand soulagement, la conversation semblait tout juste s’être amorcée. Un simple signe de tête respectueux pour chacune lui servit de salutation, elle ne désirait pas charger en paroles superfétatoires un dialogue déjà entamé.

« Je vous préviens tout de suite, les retours des différentes équipes qui travaillaient cette nuit sont un peu confus, certains parlent d’individus armés de vibro-lames, des saboteurs, d’autres nous parlent de créatures organisées aux griffes comme des lames. Il faisait nuit, ils ont tous été pris au dépourvu après un service éprouvant, je pense que la fatigue en ajoute autant que l’imagination et la peur. Je vous projette ce qu’ont pu enregistrer les holocam mais, manque de chance, la plupart des attaques ont eu lieu hors champs, comme vous pouvez le constater. » Elle projeta depuis un TPH les vidéos de surveillance. Thann se félicita encore une fois intérieurement de la manufacture de son interface qui, à présent, lui permettait de voir sans plus aucun souci ces jeux de la lumière. Elle nota aussi qu’il lui fallait absolument ce genre de jouer un jouet un jour. Encore rare, l’Enclave avait décidé d’investir dans la technologie pour aider les différents chefs d’équipe à gérer leurs tâches bien plus facilement qu’avec un datapad physique traditionnel. Et puis, comme disait Seïid, ça avait de la gueule.

Thann consulta les images avec attention, effectivement, il n’y avait rien de vraiment concluant dans celles-ci. « Le fait est que la piste des créatures peut être privilégiée, des saboteurs n’auraient pas eu peur d’entrée dans la lumière et s’en serait certainement pris davantage aux structures et aux équipements de valeur que les ouvriers ont abandonnés. Peut-être Légion pourra-t-il compléter ces constats préliminaires ? » Le colosse s’était éloigné dès le début de la conversation pour procéder aux scans qui lui avaient été ordonnés et Thann, en périphérie de sa perception, le sentait s’activer, tout entier concentré sur sa tâche. Elle avait été époustouflée lors de sa rencontre avec le droïde. Elle n’avait rencontré que rarement de tels objets d’art technologique et, à dire vrai, comme dans le cas singulier de Bouteboute, elle avait bien du mal à le considérer encore comme « objet ». La suite du bilan coupa court à ses pensées :

« Seulement trois de nos équipes sur les quatre présentes ont été attaquées, ils étaient cinq par groupes, nous comptons en tout six blessés, dont deux graves : ils devront rester hospitalisé un certain temps. Je n’ai pas encore reçu de rapport de la part des médecins sur la nature des blessures… Voilà toutes les informations que j’ai pu récolter à l’heure actuelle, j’attendais votre arrivée pour commencer à inspecter avec vous le terrain, voir ce que les traces pourront nous apprendre. » – Bien, il nous faut procéder avec méthode si nous ne voulons pas effacer ces traces et nous ne serons pas trop peu de quatre mais tout à fait assez, on a vite fait de piétiner l’herbe. Heureusement, le gel a sûrement aidé à conserver les traces du passage de nos maraudeurs. Je vous propose de nous répartir le terrain en trois zones d’étude, là où ont eu lieu les attaques, et de rester en liaison radio pour nous faire part de nos constats respectifs. » La proposition était toutefois ouverte, elle ne prétendait jamais s’imposer, Thann ne concevait ses relations toujours que sur le mode du partenariat, à la façon de son mentor, et si une décision ne parvenait pas à faire l’unanimité, c’est qu’elle n’était simplement pas la bonne. Elle attendrait l’assentiment de chacune avant de s’activer, l’inclination de tête de Jane ne tarda pas à l’assurer du sien.

A peine avait-elle donné son instruction que Légion était partit accomplir ce qui était attendu de lui. See’Ryl n’avait pas besoin de le surveiller. C’était l’avantage d’avoir programmé le droïde : elle pouvait lui faire confiance les yeux fermés. Si jamais il trouvait quoique ce soit, il lui transfèrerait l’information sans s’interrompre. Elle salua Thann, attendant patiemment le rapport qu’elle avait précédemment demandé. Lorsque ce dernier arriva, l’Arkanienne l’écouta avec plus d’attention qu’il n’y paraissait. Impression accentuée au moment où il fut question des caméras. Intérieurement, elle apprécia l’interface sans pour autant le dire. Elle n’avait jamais été une grande bavarde…. Et était très loin d’être connue pour complimenter les gens. Ce n’était pas pour rien que les rares padawans qui avaient accepté de tenter l’aventure avec elle avaient finit par trouver un autre Maître. « Si je devais saboter quelque chose, j’éviterais la lumière… A cause de l’angle des caméras. Il est bien plus difficile de distinguer quoique ce soit dans le noir que dans la lumière. » nuança-t-elle.

A son ton, il était compliqué de savoir si elle réfutait totalement les paroles de la padawan ou si elle les approuvait. A vrai dire, See’Ryl s’était contentée de simplement souligner un fait qu’elle ne tarda pas à préciser. « Cependant, si l’on devait saboter, on le ferait à un moment où il y a le moins de risques de croiser un témoin. » En sommes, oui, l’hypothèse de la faune locale semblait la plus prometteuse. Les prunelles immaculées de posèrent sur Jane Shepard. « Il va falloir réorganiser la surveillance… Et prévoir quelques interfaces infra-rouges. » Un ordre… ou presque. Si l’on occultait l’infime nuance de suggestion qui avait fait varier le ton habituellement neutre. Comme quoi, la jeune femme commençait à s’améliorer un minimum dans les relations sociales. Auparavant, elle se serait contentée de lâcher sa suggestion sans se soucier de son ton ou même de la manière avec laquelle elle serait entendue. Concernant Légion… Elle s’approcha de l’interface pour pouvoir étendre ce qu’elle réceptionnait comme informations et permettre à toutes les personnes présentes de les visionner. Il s’agissait d’un rapport écrit dont les éléments importants étaient aussitôt mis en évidence au fur et à mesure du traitement des données.

« Les médecins ont-ils dit à quel type appartenait les blessures ? » Il lui semblait évident qu’il serait majoritairement question de plaies de type coupure… Mais avec un peu de chance, il y aurait un médecin qui saurait faire la différence entre une lame et un croc ou une griffe. « Il faudrait plutôt scanner le sol qu’observer le sol directement. » dit-elle non sans avoir acquiescé à la suggestion. Elle indiqua silencieusement à Légion de ne pas s’approcher des zones qui seraient inspectées par Thann et par Jane, remettant le scan des structures à plus tard. Elle s’éloigna après avoir rompu le flux de transmission entre l’interface et Légion. Ce dernier bougeait par intermittence : il faisait un pas, s’arrêtait pour scanner avant de repartir. La zone qui lui était attribuée serait probablement cartographiée à la perfection… See’Ryl, elle, récupéra de quoi scanner avant d’agir de la même manière tout en sachant qu’elle n’aurait jamais le même résultat.

See'Ryl Lun'Sa Asho'Tye, teal

Legion, goldenrod

Thann Sîdh, cornsilk

Jane Shepard, palegoldenrod

La Padawane écouta avec attention les remarques de son aînée. Oui. C’était évident. Si vraiment des êtres pensants avaient voulu nuire au projet, ils auraient aussi bien évité la lumière que des prédateurs sauvages. Finalement, l’erreur première avait peut-être aidé de négliger la sécurité du site et de ne pas installer davantage de caméras et, surtout, à plus large spectre. Thann avait pourtant assisté à ces réunions, eu voix au chapitre. Là, elle trouvait les limites peut-être de sa bienveillance parfois naïve. Ce n’était pas qu’elle était “trop gentille”, c’est qu’elle avait toujours beaucoup de difficulté à imaginer “le mal que l’on pourrait faire”. Clairement, l’incident d’aujourd’hui devait lui servir de leçon et aiguiser sa méfiance.



Rapidement, le Maître Asho’Tye pallia les failles et ordonna que le dispositif de surveillance soit renforcé. A aucun moment elle ne porta la faute sur Thann... Au moins était-elle la seule à se fustiger intérieurement. Le maître poursuivait, apporta son intelligence à la proposition première, et bientôt, elles furent trois à parcourir le terrain de concert. Lentement, pas à pas, désireuse d’obtenir les meilleurs résultats, la Miraluka progressait dans la surface qui lui avait été attribuée. Parfois, elle rencontrait des outils abandonnés, une fois, elle trouva les traces d’une blessure reçue, mais la plupart du temps, elle aurait été bien incapable de remarquer seule les déformations du terrain. Là où les bottes des travailleurs avaient clairement écrasé l‘herbe et marqué le sol de leur emprunte, il était surprenant de constater combien les agresseurs, eux, ne semblaient pas avoir abimé le sol. Sur les outils lâchés, des marques de lacérations, et partout, ou du moins, en maints endroits, d’étranges trous, comme de piquets, s’arrêtant souvent à la lisière des zones lumineuses, allants et venants. “ Maître, Jane, je constate ici surtout des traces qui laissent à penser à des espèces autochtones. Les outils abandonnés en dehors des zones éclairées sont couverts d’entailles et de griffures et, partout, je retrouve des... trous, comme si ces créatures se déplaçaient sur des piquets ou des échasses. - Je fais le même constant ici. Des Kinraths... Ou bien des Laigreks. En tous les cas, de belles cochonneries. Ce sont des prédateurs locaux. Cela fait des années que les habitants du coin ont fait sauter les nids proches des agglomérations mais ils arrivent toujours à retrouver un chemin et à passer nos clôtures et les dispositifs de sécurité. S’ils ont réussi à se frayer un chemin jusqu’ici, j’ai bien peur qu’il faille prospecter pour remonter jusqu’au nid... On n’a pas l’équipement pour ça. - Mais deux jedis et un droïde des plus sophistiqués pourraient peut-être répondre aux attentes. Qu’en pensez-vous, maître ? ”



La proposition était aussi spontanée qu’honnête. Elle avait répondu à l’appel de la nécessité aussi sûrement qu’à l’accoutumée. Thann n’était pas du genre à laisser des civils s’exposer au danger, d’autant moins lorsqu’eux-mêmes se déclaraient sous-équipés pour une telle mission. Auprès du Maître Asho’Tye et de Legion, que pouvait-il arriver si ce n’est une bonne chose pour tout le monde ?



Et soudain le constat s’imposa à elle : quoi que fût la menace, elle était vivante. Autant elle avait toujours été en harmonie avec son maître, et l’un comme l’autre avait toujours trouvé le moyen de ne pas tuer, mais l’Arkanienne avait-elle la même politique ? Comprendrait-elle sa volonté à elle, petite Padwane sûrement crédule, de recourir à tous les moyens avant cet extrême ? Il y avait longtemps que ses idéaux ne s’étaient pas ainsi téléscopé avec la réalité...

L’une des choses qui poussaient bon nombre de gens à être précautionneux en présence de See’Ryl était, évidemment, sa race. Mais au-delà de cela, c’était sa propension à ne pas tourner autour du pot pendant cent sept ans. Elle disait ce qu’il y avait à dire, pointait les erreurs plus que les réussites… Tout n’était qu’occasion de s’améliorer, de réfléchir, de modifier. On ne retrouvait pas le moindre jugement ou accusation quand il fut question de la sécurité. Cette dernière s’était avérée trop légère. Dont acte. Il était inutile pour elle de fustiger la jeune femme à ses côtés. Celle-ci s’en chargerait probablement toute seule. Et à moins qu’elle ne le « demande » d’une manière ou d’une autre, l’Arkanienne n’irait pas jusqu’à prononcer des mots voués à la réconforter. En silence, elle accomplit ce qui lui était demandé. Le scan s’effectuait à son rythme, les données s’affichaient et parfois, elle laissait un marqueur. Le traitement se ferait une fois que tout le monde aurait terminé.

Elle finit par revenir auprès de Jane et Thann. Tout en les écoutant, elle lança le programme de modélisation. Ce n’était clairement pas aussi précis que si elle avait disposé de son matériel habituel mais c’était suffisant, en tout cas, pour mettre en exergue les éléments trouvés par la Miraluka. La zone était parsemée de ces « trous ». Lorsque l’holo se lança et dévoila la carte, elle pencha légèrement la tête sur le côté. « Légion, essaie de voir si l’on peut distinguer des individus » demanda-t-elle. Suivant son intuition, elle ajouta « Et compares l’espacement des trous avec les données concernant les Kinraths et les Laigreks. » See’Ryl continua son observation avant de se souvenir de ce que Thann avait proposé quelques instants plus tôt.

« Légion n’a aucune capacité de combat. » Une information que beaucoup occultaient à cause de la taille du droïde. Un nouveau silence s’installa. Elle le brisa comme si elle venait de réaliser quelque chose. Son regard se posa sur Thann. « Votre Maître est Maître Torr… Je ne suis pas certaine qu’il accepte que vous participiez à faire exploser des nids. » commença-t-elle « D’autant plus quand il s’avère que la solution est inefficace à terme… » On aurait pu croire à un sarcasme mais il n’en était rien. See’Ryl énonçait des faits. Exactement comme elle l’avait fait au sujet de la sécurité. « Il est vrai que dans l’immédiat, faire sauter les nids est une idée viable…. Cependant pour qu’elle le soit vraiment, il faudrait éradiquer l’espèce problématique sur des kilomètres carrés. Et encore… rien ne prouve que ce soit une solution pérenne. Alors dites-moi, Padawan Sidh… quelles autres solutions pourrions-nous trouver ? »

Tout était une occasion d’apprendre ou d’expérimenter. See’Ryl n’était pas connue pour être une farouche défenseure de la faune. Néanmoins, elle n’était pas du genre à faire un massacre si cela pouvait être évité. Tout était dans l’équilibre et dans la retenue. Dans le cas présent, le premier pallier des solutions extrêmes s’était avéré inefficace. Avant de passer à autre chose dans le même ton, autant essayer de trouver une méthode plus… respectueuse de l’environnement.

See'Ryl Lun'Sa Asho'Tye, teal
Legion, goldenrod
Thann Sîdh, cornsilk
Jane Shepard, palegoldenrod

Thann avait craint, un temps, que la Maître Jedi ne fut pas tout à fait sur sa propre longueur d’onde. L’entendre parler ainsi, même de créatures comme les Laigreks dont la menace et la violence n’étaient pas à démentir, la rassura profondément et elle sentit comme un poids se lever de son cœur. « Je suis tout à fait d’accord avec vous, Maître, je suis intimement persuadée que le prédateur est un élément tout aussi clef de l’écosystème que le paisible herbivore, et que nous restons les principaux agresseurs, nous qui nous implantons ce qui a été très certainement leur territoire de prédilection depuis des dizaines d’années avant notre venue. Vouloir réfléchir à leur éradication me peine profondément, et on ne doit envisager de porter atteinte à ces créatures qu’en cas de danger de morts imminents. Une autre solution doit être trouvée. Une solution durable, un nouveau point d’équilibre qui puisse se perpétuer pour eux comme pour nous. Peut-être devrions-nous prendre le temps de l’étude ? Voir si nous disposons de davantage d’informations sur ces créatures que nous ne le pensions. Nous avons déjà découvert plusieurs fois, dans les vieilles archives de la période de l’Enclave et des années qui ont suivi sa destruction, des informations cruciales et pourtant oubliées. Peut-être aurons-nous, cette fois encore, une chance égale ? – Possible... Il y a peut-être des chasseurs qui connaissent les habitudes... Nous avons peut-être troublé un lieu de reproduction ou de prédation... Auquel cas, nous devons aussi vérifier les habitudes de leurs proies. Légion, compile les données disponibles. » Le droïde, aussitôt, s’exécuta, gardant son optique dans le vague. Thann s’interrogea, à l’instant : est-ce qu’elle ressemblait à ça, finalement, lorsqu’elle ne prenait pas la peine de fixer ses interlocuteurs et qu’elle travaillait sans ressentir le besoin de fixer l’objet de son attention ? Elle ne savait que penser de l’idée, et finalement la trouva quelque part amusante. Finalement, après un temps anormalement lent pour qui était habitué à travailler avec des droïdes connectés en réseau, le géant de métal délivra les informations qu’il avait pu capter. En l’occurrence, il existait bien quelque chose, mais ce quelque chose était, pour une raison ou pour une autre, inaccessible à distance. Il lui fallait un port physique pour pouvoir aller plus avant sur cette piste, les informations semblaient incroyablement anciennes.

« Attendez… Les informations ont quatre cent soixante-quinze ans ? Vous… Vous plaisantez ? La question était purement rhétorique, Legion n’était effectivement pas doté de module de personnalité lui permettant de développer un sens de l’humour selon les standards galactiques. – Si je ne me trompe pas, cela nous ramène à la dernière fois où l’Histoire Jedi et l’Histoire de Dantooïne se sont trouvées mêlées. Le droïde confirma les supputations de la Padawane. – De fait… Il n’y a qu’en ville qu’on aura une chance de trouver un vestige. Cela nous ramène à tellement loin… Peut-être dans l’ancienne mairie ? Je ne sais même pas si les locaux ont une utilité aujourd’hui, je pensais que c’était un lieu de réception, quelque chose du genre, mais de ce que j’en sais, cela pourrait être aussi bien resté une annexe de la mairie actuelle. J’appelle pour qu’on nous prépare un speeder, nous y serons rapidement. »

« Bonjour, nous sommes de l’Enclave. Nous avons contacté la Mairie, un peu plus tôt, et elle nous a donné l’autorisation d’accéder aux archives du bâtiment, en particulier à des documents qui remonteraient à la période de la « Bataille de Khoonda ». C’est bien ça, Legion ? Le droïde confirma le terme tandis que la Padawane, qui se tenait gentiment devant le comptoir de l’accueil, attendait une réaction du droïde protocolaire qui s’y trouvait pour accueillir le peu d’usagers des lieux. « J’ai effectivement reçu une autorisation. Je vais vous demander vos papiers d’identité afin de procéder à la vérification d’usage, puis je vous guiderai jusqu’à la salle dédiée. Ces ordinateurs sont si anciens qu’il me faut vous en indiquer les procédures d’accès et d’usage. » Il n’y eut guère de difficulté administrative, le formulaire A-38 ayant été consciencieusement rempli par la drôle de troupe qui s’était présentée dans l’ancienne mairie. Jane avait eu la surprise de découvrir qu’elle était à la fois une salle de cérémonie, l’ancienne grande salle ayant été remarquablement conservé permettait l’accueil de bal et de repas dans un cadre historique unique, tandis que la majeure partie du bâtiment était effectivement devenu un lieu d’archives et de stockages. Thann laissa son esprit vagabonder sur les murs alentour, cherchant à trouver dans les interstices les secrets cachés d’âges anciens. Il était rare de trouver sur Dantooïne des bâtiments aussi vieux. De ce qu’elle en lisait, puisqu’elle avait profité des formalités pour s’emparer d’un fascicule présente à l’entrée à destination des visiteurs, ce lieu avait été, avant de tomber dans le domaine public, la propriété privée d’une riche famille de Dantooïne, les Matale, puis, suite au bombardement de l’Enclave Jedi d’alors par les forces de Darth Malak et la destruction partielle des lieux, les gens de Dantooïne en avait fait le centre administratif d’une nouvelle ville, laquelle avait un temps été baptisée Khoonda – d’où le nom de la bataille à laquelle Legion avait fait référence. C’était étrange de renouer ainsi avec le passé de l’Enclave. Un bond tout à fait inattendu. Elle n’avait clairement pas imaginé que chercher à résoudre la menace que représentait ces prédateurs l’amènerait à ainsi plonger dans l’Histoire. « Ce lieu est fascinant… Il a vu passer tellement d’événements d’importance pour Dantooïne… se laissa-t-elle à commenter tandis que la troupe avançait dans le couloir, précéder de peu par le droïde protocolaire cliquetant qui indiquerait à Legion les démarches pour accéder aux informations désirées. – Je n’y avais même jamais mis les pieds, j’ignorais totalement qu’il avait été si important. C’est curieux de te voir lire toute seule comme une grande, j’imagine que cela veut dire que ta visière fonctionne à merveille ? Les enfants grandissent si vite… » Thann sourit. Il était vrai que Jane avait vite pris l’habitude, le vieillissent de B0-UT l’y obligeant, de faire la lecture à sa collaboratrice.