-- Secteur Esstran -- Système d'Ord Radama -- Égide de Krayiss --


L'espace infini l'appelait à nouveau. C'était un chant silencieux, quelque chose d'incompréhensiblement charnel, comme si l'immensité immatérielle et impersonnelle avait été, juste le temps de ces précieux moments, un visage maternel revenu du fond des âges. Une vision qui différait de beaucoup de celle d'une écrasante majorité au sein de cette galaxie, qui ne voyait en l'espace qu'un vide menaçant et froid, inerte, effrayant par sa simple "non existence".

Dans le ciel carmin du soir, qu'un feu prodigieux avait enflammé d'une main de maître, l’Égide s'arrachait de l'emprise de la gravité d'Ord Radama. En une lente ascension, le croiseur de guerre et ses suivants quittaient leur station sur les quais de Livien Magnus et la base impériale qui les avait accueilli quelques semaines. La ville s'était vidée des troupes de passage et retrouvait son train de fonctionnement habituel, alors que les guerriers du ciel partaient pour de nouveaux voyages.

Par les fenêtres des immeubles, le spectacle valait bien celui de leur arrivée. Les formes effilées des immenses vaisseaux rapetissaient, jusqu'à se stabiliser en haute atmosphère. Alors, l'un après l'autre, ils allumaient leurs propulseurs principaux, générant de longues ondes de choc dans les dernières couches gazeuses qui protégeaient la surface de la planète en dessous. Le grondement se répercuta à des milliers de kilomètres, laissant présager un monstrueux orage, au beau milieu d'un après-midi sans nuage.

A bord, tous les ponts étaient sur le pied de guerre, travaillant de concert à manœuvrer les colosses avec une précision remarquable. Chaque technicien, chaque enseigne, chaque officier savait très exactement quelle tâche il lui fallait accomplir : une formidable mécanique, soigneusement huilée, qui avait construit leur légende. Celle d'une flotte que l'on apprenait à redouter, même lorsque l'on était en position de force. Un corps d'armée par qui la gloire d'un empire né dans la douleur continuait de se répandre de système en système, et qui ne comptait pas laisser la flamme s'éteindre de sitôt.

Le bleu surréaliste du ciel fit place au noir le plus total : ils étaient de nouveau chez eux, dans ce vide impitoyable qui pourtant les côtoyait chaque jour de leur vie. Horakk laissait son regard errer à l'infini. Il avait beau connaître ce théâtre formidable par cœur, jamais il ne s'en lassait. Lorsque la formation fut en orbite haute, la proue des vaisseaux pivota gracieusement pour se détourner de la planète. La taille des bâtiments et les forces colossales qui s’y exerçaient forçaient la lenteur de leur danse. Mais pour certains esprits, elle n’en était que plus admirable.

Ord Radama les reverraient sans doute bien assez tôt.

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" L'apprentie Malaco Signavar nous est envoyée par Darth Khorog en personne. Son maître, Darth Ashela, a accédé au souhait de son apprentie de se former au pilotage et à la manœuvre de vaisseaux de guerre. Une requête que le Grand Inquisiteur a prise au sérieux ! De là, l'origine des ordres qui vous ont été transmis, amiral.

-Une Sith qui souhaite se former à l'astrogation ? résuma Horakk d'un air pensif, c'est fort louable. Avez-vous davantage d'information à nous fournir, Excellence ? "

La silhouette massive du Seigneur Sorjihanis soufrait de quelques instabilités, la transmission depuis Korriban nécessitant de nombreux relayages. Mais le Sith, d'une bien-portance remarquable, ne paraissait pas perturbé par le tressaillement de leur communication. Son visage, bien qu'atrocement mutilé, demeurait grossièrement humain et souriant. Autant qu'un Sith de l'Académie de Korriban pouvait sourire. Horakk le connaissait de loin : il avait cru comprendre que cet homme au faciès aussi effrayant que son sadisme, était préposé aux liaisons entre l'académie et les différents corps d'armée depuis quelques années. Lorsqu'il fallait que l'un des précieux protégés des mystiques noirs quittât Korriban pour quelque mission, dans l'espace ou sur le terrain, c'était Sorjihanis, ou plus rarement l'un de ses collègues surveillant, qui se retrouvait à donner ses directives aux militaires. Très cordial et volontiers plaisantin, le Sith n'en conservait pas moins une sale réputation qui n'avait pas manqué de mettre Antarxarxès sur ses gardes.

" Je ne vous en voudrais pas de déléguer cette tâche à vos sous-officiers les plus compétents, nota le Sith, mais entre nous, je pense que le seigneur Khorog vous serez gré de vous impliquer personnellement dans cette mission, aussi ingrate peut-elle paraître. Je sais de source sûre que vous figurez parmi les meilleurs astrogateurs de la flotte : votre savoir ne pourrait qu'être bénéfique aux Sith tels que cette jeune Signavar. Les temps de formation sont réduits, question de coûts en ressources... Autant qu'elles soient les plus efficaces possibles. "

Le compliment, presque doucereux, n'avait pas échappé aux oreilles alertes du rishii : s'il n'était pas imperméable à la flatterie, il en connaissait aussi le prix. Surtout venant d'un Sith. Sorjihanis était un petit seigneur sans réelle envergure, condamné à musarder dans l'ombre des plus grands : il ne reculait donc devant rien pour agrandir discrètement sa zone d'influence et pour se trouver des soutiens, y compris dans la marine et l'armée. Horakk soupçonnait bien que ses demandes n'étaient pas anodines. Mais il choisit à dessein de feindre la naïveté.

" Je consacrerais le temps dont je disposerais à l'intégration de l'apprentie Signavar dans nos rangs, Excellence. Je n'ai jamais considéré la transmission du savoir comme une corvée, loin s'en faut. Notre invitée sera prise en charge avec toute l'attention qu'elle mérite.

-Je n'en doute pas, amiral ! J'avais hésité, je l'avoue... Conscient que les nouvelles affectations de la Ve flotte vous laisserait sans doute peu de répit... Mais vous achevez de me convaincre que vous confier cette jeune Sith est une bonne idée. N'ayez pas peur de la malmener : vous savez qui sont les Sith, et comment nous évoluons ! Menez-lui la vie dure ! Qu'elle ne pense pas une seconde que cette formation sera moins exigeante que les précédentes !

-Vous aurez un rapport régulier de toutes ses activités, fit Horakk en ramenant ses mains dans son dos, la tête levée vers l'imposante silhouette holographique, et je peux vous assurer que Sith ou non, la vie de marin est des plus exigeantes en elle-même. L'apprentie Signavar le découvrira bien assez tôt. Du reste, je vous laisserait seul juge du niveau de difficulté effectif de la formation, et je saurais veiller à ce qu'il reste conforme à vos attentes.

-Excellent ! Je vous envoie les immatriculations de son transport et de son vaisseau personnel dès qu'ils me parviennent. Ah, oui... ! J'allais oublier : elle possède un petit chasseur, un modèle Ha'Mi des plus récents, je crois. Offert pour bons et loyaux services à l’Empire. Prévoyez de lui affecter une place dans l'un de vos hangars pour la durée de cette mission.

-A vos ordres, Excellence. Nous attendrons votre missive. "

Sorjihanis coupa la communication, et le rishii éteignit la console dans la foulée. Bien loin de procrastiner l'organisation d'une arrivée sur son navire, Antarxarxès prit les devants le jour même. Les conditions de vol s'annonçaient idéales, et effectuer un tour inopiné au sein du Harrower faisait partie de ses propres coutumes. Coutumes héritées de feu son vieux mentor, grand spécialiste es contrôle surprise des équipes techniques ou des escadrons de pilotes amateurs de drogue qui tentaient de le dissimuler... Bonne époque ! Laissant la barre à Granath, il entreprit de voyager lui-même jusqu'au hagard de proue, encadré d'une escorte plus symbolique que destinée à parer à une menace pour l'heure inexistante.

Sur un fond sonore de studieuses analyses des marins et des officiers, Antarxarxès s'éclipsa du pont supérieur, gagnant les entrailles inextricables du croiseur.

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Dès qu'Horakk apparut dans l'encadrement du turbolift, les soldats stoppèrent toute activité pour se ranger au garde-à-vous. Les plus jeunes et inexpérimentés, moins rodés que leurs aînés à ce genre de revirement soudain, laissaient des détails amusants à portée de son regard. C'était une clef hydraulique hâtivement dissimulée dans le dos, un mouchoir qui dépassait d'une poche d'uniforme, un casque de travers, un balais magnétique tenu à l'envers. Le regard de l'officier accrochait tous ces menus détail avec un mélange paradoxal d'amusement et d'agacement. Les lendemains de leur départ d'Ord Radama avait laissé certains équipes dans un état de relâchement qui l'irritait. Il se planta subitement devant l'une des récentes recrues, qui blanchit à vue d’œil. L'humain ne devait guère avoir plus d'une vingtaine d'année, et les taches de rousseur qui parsemaient sa face pâle ne faisait qu'accentuer l'impression juvénile qui en émanait. L'exemple même de personne qu'il fallait serer de près dès le début si l'on escomptait en faire un bon soldat. Loin d'en avoir pitié, Horakk prit au contraire à cœur de remettre l'herbe folle dans le rang, d'une remarque ferme et d'un calme souverain, qui avait tant fait la marque de son charisme au commandement de l’Égide :

" Soldat, cet uniforme n'est pas règlementaire. Toutes vos poches doivent être fermées, et tous vos boutons également. Rectifiez-moi ça immédiatement. "

Les autres marins jetèrent une œillade intéressée à la malheureuse victime désignée de leur équipe. Encore un qui n'avait guère l'habitude du niveau d'intransigeance à bord, pensait avec un sourire narquois les plus vieux. Ses camarades, murés dans le silence, ne lui étaient d'aucune utilité en cet instant, et il fallut au tout jeune impérial des trésors de courage pour vaincre cette peur atavique qui le paralysait. On ne croisait pas un regard comme celui-ci tous les jours - même ici.

" O-oui... a-a-amiral," susurra l'adulescent avec un léger cheveu sur la langue, en tentant vainement de refermer sa boutonnière d'une main tremblante. Il s'y reprit à quatre fois avant de parvenir à tout reboutonner.

Le rishii sentit l'atmosphère se figer, alors qu'il attendait, immobile, que son vis à vis se soit exécuté de bout en bout, ne le lâchant du regard que lorsqu'il fut remis . Il reprit alors sa marche, comme si rien ne s'était produit. Et rien ne s'était produit.

Le cortège militaire traversa l'immensité vide du hangar au pas cadencé, s'attirant les salutations de rigueur dès que leur route croisait celle de l'amiral en vadrouille. Dès qu'ils étaient passés, les discussions en aparté allaient bon train. D'un regard circulaire, Horakk embrassait l'immensité du hangar, où les chasseurs étaient rangés avec rigueur à leur emplacement, pour la plupart en inspection. Au détour d'une passerelle de maintenance, Antarxarxès trouva celui qu'il était venu chercher, comme indiqué sur les emplois du temps de l'équipage. En temps et en heure. Toujours.

" Repos, lieutenant. "

L'homme s'exécuta avec rapidité, dardant un regard interrogatif sur son supérieur. Il ne s'était pas attendu à voir débarquer quiconque, pas aujourd'hui. Et certainement pas celui qui se trouvait à présent devant lui. Il ne savait trop quel sens donner à cette visite... Et par prudence, se risqua à demander :

" Un problème, mon amiral ?

-J'ose espérer que non, lieutenant ! Une demande vient de nous parvenir, de l'Ordre Sith : nous allons accueillir dans nos rangs l'une de leurs apprentie. C'est la raison de ma visite. "

Il fit une brève pause, jaugeant de la réaction que celle nouvelle provoquait chez les marins. A en juger par les visages des quelques présents, la nouvelle ne soulevait pas un enthousiasme délirant. Le contraire l'eut étonné, et il ne s'en formalisa guère : un surplus de travail était rarement une bonne nouvelle, même au sein de l'Empire Sith. Le lieutenant se donna cependant un certain mal pour ne rien laisser paraître qu'une surprise polie.

" Cette apprentie viendra avec son propre appareil, que nous hébergerons le temps que durera sa mission. Je veux qu'à cette fin, vous réserviez l'une des plateformes de garage chasseur du quai n° 14. Je vous charge de superviser l'accueil de ce vaisseau et son intégration dans les boucles de maintenance préventive.

-Il en sera fait selon vos ordres, acquiesça le petit homme brun avec une mine sérieuse, une pointe d'inquiétude parvenant néanmoins à percer au coin de ses yeux bleus.

Lorsque l'on accueillait un Sith à bord, il y avait rarement de moyen terme. Soit l'expérience était galvanisante... soit catastrophique. Et ce, quelque soit le vaisseau. Bien que les équipes techniques de la marine n'aient que rarement été au contact de la petite caste des Sith, ils
Dès que l'amiral eut tourné les talons, le masque de neutre indifférence se fendit, dévoilant un air maussade.

" Voilà aut'chose... Suffisait pas de se taper la maintenance de toute une escadre dans la semaine, aussi..." soupira-t-il en prenant la direction de la vigie de supervision d'un pas trainant.

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" Commandant, transport en approche. Immatriculation en règle, elle répond au signalement du transport destiné à l'apprentie Malaco Signavar. Dois-je communiquer l'autorisation d'approche ? "

Le commandant Granath se retourna vers son interlocuteur, l'esquisse d'un vague sourire sur le museau.

Le lui interdire serait sans doute drôle... Ou pas, songea l'incorrigible bout-en-train qu'il était. Sa pensée ne dépassa jamais les frontières de son esprit, conditionné par des décennies de doctrine impériale. Avec un hochement de tête affirmatif, il toisa son interlocuteur depuis la passerelle :

" Autorisation accordée. Dirigez-la vers le hangar principal, quai n°14. "

Autrement plus plat et infiniment moins drôle - mais tout à fait protocolaire. Dans les travées du pont de commandement, les opérateurs s’affairèrent avec un zèle redoublé.

" Vecteur d'approche 124.3 - 356.2 - 578.6 - 1566.2.36...", déclama mécaniquement le technicien de bord dans son micro," Égide de Krayiss à apprentie Signavar, veuillez réduire votre vitesse d'approche de 45 points, votre norme vectorielle est trop élevée. A vous, répondez apprentie Signavar. "

Le suivi de l'atterrissage du Ha'Mi solitaire semblait se faire sans encombre, augurant que sa pilote n'était plus une débutante. Le personnel de bord scrutait avec une rigueur absolue tous les paramètres de vol de l'engin, tant dit que sur le pont de commandement, le cathar guettait l'arrivée de l'invitée du jour depuis les baies vitrées. Un point brillant, unique, noyé dans l'infinie obscurité du vide. Il resta pensif une courte seconde, puis, jugea en son fort qu'il n'avait déjà que trop tarder à prévenir l'hôte de ces lieux que l'arrivée était imminente.

" Amiral, je crois que notre "stagiaire" arrive ! " fit Virdis au travers de son comlink.

Le commentaire, qui ne dissimulait pas son aspect humoristique, eut le bon ton de faire sourire le rishii, à l'autre bout de la communication. C'était une grande première, pour eux comme pour lui. Une jeune Sith en apprentissage sur une flotte spatiale... Il ne savait guère ce qu'une telle expérience pouvait donner, mais sa curiosité naturelle prenait le pas sur le reste. Pour l'heure. Terminant sa pause sans précipitation, Horakk écrasa les restes de son cigare dans le cendrier. Il prit le temps de se présenter devant l'holomiroir pour rectifier sa tenue, puis quitta ses quartiers pour rejoindre le point de rendez-vous.

Lorsque le petit chasseur pénétra sur les quais du gigantesque hangar entre les mâchoires béantes du Harrower, les équipages présents étaient en rang, au garde-à-vous, pour former la haie d'honneur destinée à l'accueil de la jeune Sith. L'envoyée du Seigneur Khorog recevait les égards dus à son rang, et Antarxarxès avait tenu à ce que tous les futurs compagnons de route de Signavar fussent présents. Ainsi, le capitaine Elbar et sa section au grand complet avait fait le déplacement depuis leur Résilience "l'Omerta" pour accueillir celle qui allait être formée dans leurs rangs.

Flanqué du commandant Granath et du commandant Lainthon, Antarxarxès remonta les rangs de ses soldats pour joindre la zone d’amarrage du chasseur. Il s'arrêta à bonne distance de l'appareil, laissant la togruta prendre brièvement connaissance du lieu. Lorsqu'elle ne fut qu'à quelques pas d'eux, les officiers claquèrent des talons en un ensemble parfait, gratifiant la nouvelle venue d'un salut tout militaire.

" Excellence, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à bord de l’Égide de Krayiss, ainsi qu'au sein de la Ve flotte d'assaut impériale. "

Il avait brièvement incliné la tête à ses propres mots. Malgré sa posture martiale et raide, son sourire portait une chaleur que l'on devinait sincère derrière son masque sévère. La Sith qui s'avançait vers eux était grande et élancée, ses montrals encadrant avec élégance un faciès rubicond tatoué de blanc. En tout point conforme au dossier transmis par l'Inquisition.

" Le Grand Inquisiteur Darth Khorog nous a indiqué les raisons de votre venue. Nous espérons que votre séjour à bord sera conforme à vos attentes en matière d'apprentissage. "

Mais, avec les Sith, rien n'était jamais certain...

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La silhouette imposante qui sortit du petit appareil avait attiré à elle tous les regards en un instant. Tout du long de son court trajet, elle avait été silencieusement épiée par un équipage tour à tour surpris, blasé, inquiet, intrigué... Et un amiral circonspect.

Le sourire étrangement chaleureux de la grande alien eut le don de détendre quelque peu l'atmosphère :

“ Merci infiniment Amiral Horakk Antarxarxès. ”

La voix possédait encore quelques accents doucement juvénile, derrière une assurance qu'Horakk, fort de sa longue expérience, devinait construite à la hâte. Il en allait ainsi d'une grande majorité des apprentis Sith en mission, souvent propulsés sans le moindre ménagement dans des univers pour lesquels ils n'avaient volontairement pas été préparés. Des individus souvent jeunes et brut de décoffrage, mais dont les plus malins d'entre eux parvenaient malgré tout à s'adapter au pied levé. Malaco Signavar, par son attitude, prouvait au moins qu'une telle sagacité faisait partie de son bagage initial. En cela, elle tranchait sans doute avec nombre de ceux qui l'avaient précédés sur le sol rutilant de l’Égide.

Horakk opina brièvement du chef, les mains toujours plantées dans le dos. Le rishii, bien petit en comparaison de la grande alien, n'en gardait pas moins une présence toute particulière, autant liée à son statut qu'à sa carrure d'avien, large et bien bâtie. La ligne de ses épaules, détendues, laissait paraître qu'il était à l'aise. Malgré toute l'appréhension que le responsable d'un bâtiment pouvait ressentir à accueillir un tel électron libre, les années avaient donné au rishii cette capacité propre à toute figure de commandement de ne laisser filtrer que les émotions pertinentes. La nervosité en faisait rarement partie.

“ Merci pour votre accueil dans votre impressionnant Bâtiment de Guerre, j’ai hâte d’apprendre ce que vous pourrez m’enseigner tant dans les choses qui sont prévu… Et imprévu. En premier lieu, je souhaiterais que vous ne m'appeliez pas Excellence. Je suis peut-être Sith, cependant je ne suis qu’Apprentie et je suis ici en tant qu’élève -ayant beaucoup à apprendre-. ”

Une attitude tout en modestie qui parut surprendre tout le monde. Une brève seconde, les iris aux chatoiements vermillon scrutèrent les traits du visage étranger, avec toute la rudesse que de telles pupilles rondes pouvaient inconsciemment renvoyer.

Elle avait au moins piqué son naturel curieux au vif. L'esprit investigateur du rishii lui renvoyait fugacement une myriade d'interrogations disparates. Qui était-elle ? Quelle histoire pouvait-elle bien avoir ? Qui était son maître au sein de l'Empire ? Qu'espérait-elle trouver en venant ici ? Quel caractère cachait donc ces tatouages faciaux ? Quelles études de la Force étaient les siennes ? Avait-elle déjà navigué ? Connaissait-elle l'armée impériale ?

Mais à la seconde où il se focalisa sur ses propres paroles, sa part se fondit de nouveau dans l'obscurité, occultée par la discipline militaire :

" Votre modestie est tout à votre honneur, apprentie Signavar : chaque marin sait que c'est en ayant l'envie d'aller de l'avant qu'il progresse chaque jour dans son métier. Se penser arrivé, croire n'avoir plus rien à apprendre est une erreur qu'un militaire ne fait qu'une fois dans sa courte vie. Sachez néanmoins qu'ici, chaque citoyen impérial a la vive conscience de l'atout que représente l'Ordre Sith pour notre nation. Nous savons que vos talents sont l'une des clefs de la victoire, et nous respectons tous cela. "

En prononçant ses derniers mots, tout à ses talents de leader, il regardait furtivement les visages de ses hommes pour mesurer la portée de ses mots. Tout impérial se devait d'être aussi, et surtout, un ferveur défenseur de l'Ordre Sith, auquel leur empire devait,sinon sa reconstruction, du moins l'immense partie de sa culture et de son histoire.

Il était souvent désarçonnant pour beaucoup d'âmes étrangères de constater que cette ferveur était parfois tout sauf hypocrite. Dans le cas d'Horakk, elle était non seulement sincère, mais aussi naïvement admirative. Comme si derrière la façade austère du vétéran de guerre, s'était soudain éveillé le jeune adolescent perdu, émerveillé par ce tableau dantesque d'une nation interplanétaire battant comme un cœur unique au rythme d'un hymne guerrier sans compromission.

Mais toutes ces considérations ne pouvaient pas échoir à l'apprentie Signavar, ni même à aucun des hommes présents. Elles n'étaient l'apanage que de sa propre psyché, à peine dévoilée par l'étincelle brûlante au creux de son regard d'avien. Néanmoins, la chaleur présente dans ses mots, bien réelle, faisait écho à l'enthousiasme de la Sith, et donnait à ce court entretien une note plus joyeuse qu'à l'accoutumée.

" A présent si vous le voulez bien, laissez-moi vous présenter brièvement la chaîne hiérarchique de cet équipage. "

Il leur fallait commencer par le début. Il y avait trop à dire, sur le navire comme sur ceux qui l'occupaient, et Horakk craignait qu'en se départissant de trop de sa rigueur professionnelle, il ne s'emportât à palabrer des heures durant sur ce qui constituait depuis des années l'immense majorité de sa vie.

" Je suis secondé à bord de l’Égide de Krayiss par le Commandant Virdis Granath, qui tient la barre en ce moment même. "

Lequel ne manquerait pas de lui être présenter en suivant. Sans s'attarder, l'amiral entama la longue présentation des têtes alignées en rangs parfaits le long du hangar. Antarxarxès récita son trombinoscope avec une fascinante facilité : comment s'y retrouver, avec ces mines fermées qui se ressemblaient toutes ? La Ve flotte avait connu des revers qui avaient laissé Horakk et ses coéquipiers face aux dures répercussions de lourdes pertes. L'équipage s'en était donc trouvé régulièrement modifié, remanié, échangé... Mais à chaque fois, l'amiral jadis petit soldat sans envergure, avait pris le temps qu'il fallait pour saluer les nouveaux arrivants, en apprendre un peu sur leur parcours, leur vision de la marine. Si les hommes du rang avaient toujours été trop nombreux pour qu'il ne les côtoyât tous, Antarxarxès prouvait à Signavar qu'aucun de ses gradés ne lui était inconnu. Là était l'une des grandes forces de l’Égide, en comparaison de nombre d'équipages impériaux : elle n'était pas qu'un puzzle improvisé d'anonymes. Elle était un corps d'armé à part entière, fière d'elle-même et de ses capacités.

Connais tes hommes comme tu te connais toi-même, comme tu connais chaque poche de ton uniforme et ce qu'elle contient. Tel avait été la devise de son père, telle était donc la sienne, dans un mimétisme que l'on aurait sous d'autres cieux trouvé ridicule. Qui tenait ici d'une sorte d 'antique tradition : la marine était au demeurant un milieu fort conservateur.

Ils finirent par atteindre le bout des rangs, et la dernière escouade salua à son tour Malaco : à sa tête, un humain grisonnant, plutôt râblé, à peine plus haut que le rishii, dont les rides renforçaient encore la mine raide.

" Et voici enfin le capitaine Elbar, commandant de la frégate "L'Omerta", à bord de laquelle vous ferez vos premières armes après avoir réussi la formation de base en matière de pilotage et d'astronavigation. "

Le capitaine salua militairement, son regard céruléen, dur et peu amène, semblait ne pas vouloir croiser celui de la jeune togruta.

" Excellence. "

Le concerné opina du chef, toujours bien droit. Horakk lui décocha un regard en biais, que l'humain parut ne pas capter.

" Vous aurez également l'occasion de joindre votre appareil aux forces de ses escadrons de chasseur lorsque nous aurons atteint notre prochain objectif, au sein de la Passe de Sinaar* "

Elbar allait-il remplir correctement la mission qu'il lui avait confié ? L'homme avait des idées bien arrêtées sur nombre de sujets, et Antarxarxès tablait davantage sur son professionnalisme que sur sa propension à ne pas aimer les stagiaires.

" Je vous présenterais en temps voulu le reste de notre flotte, en faire le tour ici et maintenant m'est hélas impossible. Si vous voulez bien me suivre, nous nous rendons au poste de commandement pour y établir le cadre de votre séjour parmi nous. "

La troupe d'officiers reprit le chemin du pont de commandement, augmenté désormais d'un nouveau membre, dont la tenue peu règlementaire tranchait avec le reste de la compagnie, et la faisait repérer à des kilomètres à la ronde.

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-- Système d'Ord Radama -- Égide de Krayiss -- Pont Supérieur --

Sur le pont supérieur, seul le bruit régulier des machines et les quelques commentaires des techniciens troublait un silence un peu tendu. L'ouïe affutée du commandant Granath anticipa cependant l'arrivée qu'il guettait depuis plusieurs minutes.

Les portes chuintèrent sur leur passage, tandis que le pas militaire de leur marche rapide résonnait dans les couloirs glacés de l’Égide. Horakk ne put s'empêcher de remarquer discrètement les regards intéressés et curieux de la jeune Sith, tandis qu'ils gagnaient rapidement leur objectif. Granath les y attendait, flanqué des capitaines Montaag, Saatkor, Fost et Vaarguant.

La totalité du pont salua brièvement leur arrivée :

" Excellence. C'est un honneur. " déclara sobrement Granath, un léger sourire sur les babines. Son faciès félin laissait paraître une vague facétie, alors que toute son attitude respirait le sérieux. Un paradoxe dont peu avait la clef sur ce navire.

" Voici donc le centre névralgique de l’Égide de Krayiss, comme de tout navire impérial. Bien qu'il existe des systèmes de sécurité décentralisé en cas d'urgence, la totalité des fonctions de contrôle, de surveillance et passent par ici. Vous comprendrez donc que nous ayons pris toutes les précautions nécessaires lors de votre introduction en ces lieux. "

Le rang des capitaines s'écarta pour laisser passer rishii et togruta. Horakk vint se placer près de la console, et invita la Sith à en faire de même d'un ample geste courtois :

" A présent, j'aimerais pouvoir mieux cerner vos attentes et le chemin que nous aurons à parcourir pour accomplir l'objectif fixé par Darth Khorog concernant votre séjour à bord. Pour que cette... immersion, vous soit des plus profitable, il nous faut pouvoir établir un plan d'action efficace pour que vous puissiez trouver ici les connaissances qui seront exigées de vous par vos maîtres. "

De tout cela, il n'avait que la missive de l'Ordre Sith, et les quelques bavardages de Sorjianis : un maigre bagage. Il n'avait guère eu le temps d'organiser une formation en bonne et due forme. D'une part, parce que son rôle l'accaparait pleinement, malgré le calme apparent après le cessez-le-feu ordonné par les Sith. Ensuite, parce que n'ayant jamais eu à former personne personnellement, il se projetait mal dans ce tout nouveau rôle. Antarxarxès examina rapidement l'expression de son vis-à-vis, et, lorsqu'il fut sûr d'avoir son attention, il jugea qu'il leur était profitable de commencer à tailler dans le vif du sujet. Il en savait trop peu sur son niveau actuel, il lui fallait plus de matière.

" Que pouvez-vous nous dire à propos de vos connaissances actuelles en matière d'astronavigation ? Quelle connaissance avez-vous de nos vaisseaux et des trajets spatiaux ? Avez-vous déjà eu une formation au commandement des troupes, ou bien en gestion de l'armement spatial ? "

Il espérait, peut-être un peu lâchement, qu'Elbar serait plus adroit et expérimenté que lui en la matière, bien que l’attitude fermée du capitaine ne lui laisse pas loisir d'en savoir plus.

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*lieu de mon invention, isolé, situé dans le nord du secteur Esstran, pour le contexte

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