Darth Hope
Darth Hope
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- - Kaas City, une semaine auparavant. - -

La lumière matinale, trop matinale, de Kaas City frappa soudainement son minois endormi alors que les volets de sa suite se levaient brusquement. Elle tourna le dos aux premiers rayons solaires, grognant une injure incompréhensible et garda les yeux fermés.

-Debout Dana. Nouveau jour, nouvelle vie.

Je préfère dormir.

-Dana.

Runà tendit sèchement sa main vers le lit et les draps volèrent au sol, découvrant son apprentie qui dormait, vêtue d’un simple t-shirt. L’Inquisitrice leva les yeux au ciel avant même de les ouvrir et concéda à émerger d’un sommeil bien trop confortable. Elle se redressa paresseusement, s’agenouillant au centre de sa couche pour aviser la silhouette élégante de son Maître. Cette dernière était bardée d’un droïde d’assistance médical et d’une jeune femme zeltronne aux cheveux aussi carmin que sa peau. La blouse blanche qu’elle portait ne laissait aucun doute sur sa profession, mais les paupières de Dana étaient encore collées l’une à l’autre par les restes d’un repos salvateur.

-C’est quoi ce bazar…
-Je t’avais promis un docteur, tu te souviens ?
-Je vais bien, bordel. Laissez-moi dormir.

La miraluka céda la parole à son invitée qui eût un immense sourire hypocrite vers Shar.

-Je suis le Docteur Drea Vega. Nous nous sommes déjà rencontrées, il y a trois jours.
-Pas enchantée, du coup, répliqua-t-elle en glissant hors du lit et chipant une cigarra d’un paquet acheté la veille à la réception de l’hôtel avec les deux crédits de Hope ; dont il ne verrait plus la couleur. Mais quelle importance, finalement. Le briquet qui embrasa l’extrémité de ses lèvres portaient le sigle luxueux de l’établissement hôtelier où elle séjournait.

-Le kolto a peut-être soigné la commotion, mais Dame Runà m’a indiqué que vous aviez subi des blessures de type traumatologique lors de votre dernière mission.
-Ouais, mais j’ai pas été mordue alors…

Elle délogea la cigarette fumante de sa bouche et indiqua la sortie de la chambre à la zeltronne.

-Dehors.

Drea consulta Darth Runà d’un regard incertain. Elle lui offrit un accord silencieux et elle « ramassa » son droïde avant de disparaître. Dana se dirigea vers le panorama imprenable de Kaas City, fumant en silence. Elle s’admirait dans le reflet de la baie, si bien astiquée qu’elle paraissait inexistante. Le T-shirt sombre était froissé et il lui semblait qu’elle avait perdu un peu de poids ; de quoi ravir sa putain de Seigneurie Akusha qui trouverait bien le moyen de se plaindre qu’il n’était pas un chien et que par conséquent, il ne rongeait pas d’os.

-Elle souhaitait simplement vérifier que tu allais bien, et moi aussi par la même occasion. Si seulement tu pouvais arrêter de te comporter constamment comme une adolescente en crise, c’est pénible. Tu es adulte et moi aussi, nous pouvons communiquer avec des mots.
-Alors en voici cinq, de mots, déclara-t-elle sans quitter l’éveil de la ville dont les sommets sombres quittaient doucement le brouillard nocturne. Qu’elle reste loin de moi. J’espère qu’ils sont clairs. Et peut-être que si vous arrêtiez de me materner constamment, je me prêterais moins au jeu de l’adolescente irascible.
-De la rhétorique, dès l’aube. Tu es bien en forme effectivement. Sache que tu as été parfaite au camp Piya. Le maire de Kaas City est ravi.
-Vous donnerez une médaille à Lloyd Hope pour ça, il a hâte de vous revoir.
-Je suis sûre qu’il a autant hâte de te revoir.

Elle marquait un point. Dana haussa les épaules et se dirigea vers une méridienne proche pour s’y asseoir, croisant ses jambes dénudées que Runà admira pensivement, malgré son absence de vision sur les choses matérielles, elle sentait au travers de la force, cette partie sulfureuse du charisme de son apprentie. Elle en éprouvait une pointe de jalousie, évidemment, elle dont la jeunesse s’éloignait jusqu’à n’être qu’un souvenir vaporeux.

-Je t’ai apporté des affaires. Robes, ton maquillage si précieux, de nouveaux documents d’identités.
-Des robes ? fit-elle avec perplexité.
-Et pourquoi pas ? A moins que tu ne préfères la bure du Temple Sith ?
-Et ma pique-laser ?
-J’ai envoyé des hommes fouiller les décombres du camp, nous verrons si la volonté de ta chère sœur aura survécu aux flammes. Si c’est le cas, la pique-laser te sera rendue. Si pas, il te faudra trouver ta propre voie. Dana…tu ne peux pas toujours vivre dans l’ombre de ton aînée.

La pique-laser de Damaya Shar, son unique héritage, tout ce qu’elle avait laissé derrière elle. Son aînée n’avait ni tombeau dans lequel se recueillir, ni testament, ni restes à enterrer. Elle n’avait créé que le néant suite à son départ duquel avait émergé son arme. Cette pique particulière, à la garde courte mais suffisamment longue pour la manier lors de combat à distance était tout ce qu’il lui restait d’elle. Quelque part, Piya aurait été un échec sur toute la ligne si elle ne la récupérait pas.

-Nous devons parler de ta prochaine affection.
-Je présume que je retourne sur le Lightbreaker, supporter la tête de con qu’est Iani Chaos. Le meilleur plan de carrière de toute ma vie. Et n’insistez pas avec cette histoire de mutinerie à la con. S’il y a des mutins sur le Lightbreaker alors je suis l’Impératrice, s’agaça-t-elle. Ou peut-être que vous me renvoyez sur Ch’Hodos.

Ce qui était encore la meilleure option.

-Tu es affectée sur un nouveau vaisseau, le temps d’une mission.
-Ne prononcez plus ce mot, il porte malheur, soupira-t-elle en expirant une longue volute de fumée toxique, la tête renversée en arrière, le regard fixé au plafond. Son dos l’élançait toujours dans certaines positions, mais les soins primaires dont elle avait bénéficié sur le Sans-Visage lui semblaient suffisants.
-L’Etat Major, avec l’appui du Clergé, prépare un défilé militaire sur Kaas City. La paix ramollit les cœurs et il serait dommage que des mondes neutres puissent voir dans ce pacifisme publiquement assumé un signe de faiblesse de la part de l’Empire. Qui dit Paix, dit relâchement. Les réseaux de résistance vont en profiter, parce que l’armée sera moins sur les dents. Enfin, beaucoup de vaisseaux de la Marine se rassemblent actuellement en orbite de Dromund Kaas. Nous craignons que ce rassemblement en un même point soit une cible facile pour des attentats. Lorsqu’un géant se constitue, il a toujours des pieds d’argiles. Peu importe son gabarit. Il suffirait d’un traître qui sache où frapper et le strike peut être immédiat.
-Je dois m’occuper de ce traître ?
-Les enquêteurs de la Purification ont fait leur travail, à toi de faire le tien.

Runà délogea un datapad de la ceinture dorée qui marquait sa taille gracile. Shar détourna le regard. Elle ne supportait plus de voir le corps gracieux de sa maîtresse ; car elle ne pouvait s’empêcher de l’imaginer nue, dans un grand lit défait…

-Il n’était pas si bon que ça, tu sais, rit Runà comme si elle lisait dans ses pensées.

Mais alors ton Maître, c’est vraiment une salope !

-Je te le fais pas dire.
-Pardon ?
-Je ne vous le fais pas dire, qu’il ne doit pas être si bon que ça.

Dana attrapa l’appareil allumé et en consulta l’affichage de données. L’holographie d’un visage vaguement familier apparaissait en haut de page. Elle avait déjà vu ces traits quelque part et tout lui revint, comme un tsunami tout droit venu du passé.

-C’est une blague ?
-Et non. Ce charmant traître se trouve sur l’Egide de Krayiss dirigé par l’Amiral Antarxarxès.
-Je connais ce nom, oh non….

Et elle coula de dépit sur le fauteuil, déjà abîmée par la tâche à venir.

-Il a transporté les Lames Rouges d’Axxila dont tu faisais partie sur Lorrd.
-Vous auriez pu m’épargner ça, D’ailleurs, gémit-elle de désarroi en fixant l’écran du datapad. Ce traître est loin d’être un imbécile. Si vous annoncez qu’une Inquisitrice débarque, il va se faire la malle.
-Déserter, en plein défilé ? Il y aura trop de vaisseaux en un même point. Il est piégé Dana, fait comme un rat. C’est un assassinat simple. Tu dois juste agir avant qu’il ne le fasse. Et puis, nous n’avons pas prévenu l’Amiral ni son équipage de ton arrivée. Tu donneras toi-même ton ordre de mission à l’Amiral, et à l’Amiral seulement.
-Quelle merde. C’est un foutu piaf !
-C’est un Rishii très charmant, voyons. Et un soutien très loyal à l’Empire. Je ne lui en voudrais pas s’il te coupait la langue parce que tu lui as manqué de respect, alors apprends à réfléchir avant de parler.

L’Inquisitrice parut considérer la menace. Elle eut un léger frisson d’horreur à l’idée qu’une serre de Rishii lui arrache la langue.

-Pas de…menottes ?
-Pas de menottes.
-Pas de collier de rétention ?
-Aucun collier de rétention.

Un court silence s’installa entre les deux femmes, la brune reprit :

-Pas de virus ?
-Absolument aucun virus, sourit Runà, vaguement amusée par les angoisses de son apprentie.

Et Lloyd Hope ne sera pas là, n’est-ce pas ?







- - Orbite de Dromund Kaas, actuellement. - -



L’espace qu’elle détestait était là et il s’étendait à perte de vue, peu importe la direction vers laquelle tendait son regard. Attachée dans le poste de navigation d’une modeste navette de transport militaire, ses prunelles dorées fixaient tous ces points lumineux et inconnus. L’ombre de l’Egide les recouvrit bientôt, plus ténébreuse encore que l’océan glaciale qu’elle avait l’habitude de fendre en temps de guerre. Dana se pencha et contempla les canons lasers visibles et les systèmes de défense rapprochée.

-Egide de Krayiss, ici le transporteur impérial immatriculé TI459-2. Demande l’autorisation d’amarrer, tonna la voix de l’humaine, tirée à quatre épingles dans son uniforme, qui pilotait leur navette.

Le silence reprit ses droits. Les vérifications se faisaient dans la salle des opérations de l’Egide. On sondait le signal du transpondeur de ladite navette, son immatriculation, sa trajectoire, sa vitesse. Les visages étaient graves et concentrés.

-Transporteur Impérial TI459-2. Autorisation accordée d’amarrer, hangar tribord, quai numéro 8. Nous vous conseillons de réduire votre vitesse pour mieux engager votre entrée au Hangar. Bienvenue sur l’Egide de Krayiss. Terminé.


-Dame, vous devez rester attachée jusqu’à l’arrêt total de la navette. Raison de sécurité.
-Je vais gerber, vraiment, déclara-t-elle en quittant son siège, un peu pâle.

La pilote n’avait pas écouté les recommandations et amorcé son virage trop vite, retournant les tripes de l’Inquisitrice. Et si cette dernière n’était pas trop occupée à conserver son repas du matin dans son estomac, elle aurait volontiers étranglé cette maudite femme dont la conduite était comparable à celle d’un certain dévaronien de sa non-connaissance. Repenser à Mumkin lui donna davantage l’envie de régurgiter.


Un « petit » comité d’accueil trépignait d’impatience au quai numéro huit du hangar tribord. Trois officiers en tenue de cérémonie qui consultaient l’heure de temps à autre. Lorsqu’on annonça l’arrivée du transport, enfin, ils se tinrent tous bien droits, comme s’ils s’apprêtaient à voir débarquer Darth Laduim en personne. D’un seul et même regard, ils contemplèrent Dana Shar débarquer. Elle était un pâle mais son maquillage mettait en valeur toute son élégance féminine. Ils se jetèrent une œillade perplexe. Le plus âgé se pencha à l’oreille de son collègue pour murmurer à la hâte :

-Ce n’était pas censé être une Twi’lek ?
- Je présume qu’ils nous ont envoyé ce qu’ils avaient sous la main. Elle est tout de même très ravissante.
-Je préfère les lekkus, c’est plus esthétique.

Ils se turent parce qu’elle était désormais face à eux. Ils purent humer son parfum. Entêtant. Détailler la facture de sa robe sombre et fendue dont le décolleté paraissait bien trop plongeant, même pour ce genre de femme. Chuter le long de ses jambes au galbe soyeux. L’un s’était perdu dans les reflets de sa chevelure qui absorbait le moindre jeu de lumière. Dana resta interdite devant les officiers.

Personne ne serait au courant de ma venue hein ? Ben, ils ont pas l’air au courant qu’ils ne devaient pas être au courant. Merci pour le comité d’accueil, Maître Runà. Mais fallait pas.

-Mademoiselle…commença l’un en se raclant la gorge. Il fallait regarder ses yeux bordés de khôl. Ses yeux et non son….Ahem. Mademoiselle, bienvenue sur l’Egide de Krayiss.

Un fracas assourdissant ponctua cet étrange discours de bienvenue. On venait de tester hâtivement les réacteurs d’un chasseur. Deux soldats beuglèrent des insanités. Le test n’avait visiblement pas été concluant. L’agitation qui animait le hangar était trois fois plus intense que sur le Lightbreaker ce qui réussit à la dépayser un instant.

-Je présume que vous devez être impressionnée. Mais ne vous en faîtes pas, votre séjour devrait se dérouler sans aucun problème. Les soldats sont disciplinés.
-D’accord…articula-t-elle avec un peu de lassitude et s’il en venait aux faits ?
-Nous vous conduisons directement à l’Amiral Antarxarxès, qui tenait lui-même à vous transmettre toutes les consignes relatives à la sécurité des lieux et au règlement intérieur. Ce n’est pas tous les jours qu’on accueille une personnalité de votre acabit, cela demande quelques aménagements, sans vouloir vous manquer de respect. Vous êtes une civile après tout.

C’était la première fois qu’on recevait aussi bien une Inquisitrice. A l’incompréhension se superposa la stupeur.

-Bien. Menez-moi donc à tête de….

Elle s’interrompit se souvenant de l’avertissement de Runà.

-A l’Amiral Antarxarxès, se força-t-elle à sourire.


Horakk Antarxarxès
Horakk Antarxarxès
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• Sur un malentendu... •





-- Vide intersidéral -- Pont supérieur de l’Égide de Krayiss --


Ils rentraient !
A bord des vaisseaux de la troisième force de combat de la Ve flotte, les chants des soldats revenus vivants du front résonnaient en rythme dans les longs couloirs des croiseurs et des frégates qui voyageaient à la vitesse supraluminique en direction de leur maison de cœur : Dromund Kaas, mythique capitale de leur nation renaissante.



Il régnait à bord un curieux climat. Mélange improbable de lassitude extrême, de frustration, de joie, de fébrilité, et peut-être aussi, de trouble. On savait ce que l'on quittait : la guerre, le front, et son quotidien harassant, déprimant. Mais pourquoi ? Qu'allait-on retrouver à l'arrière ? Au "bercail", comme on aimait à l'appeler presque amoureusement ? Après parfois des années entière d'absence, beaucoup de marins sentaient le sol se dérober sous leurs pieds pourtant sûrs : jusqu'ici, ils n'avaient vécu que pour le lendemain, parfois pour l'immédiat.

Les temps de repos étaient le seul moyen de rythmer artificiellement une vie qui sans cela n'aurait plus eu aucun sens, dans un espace sans jour ni nuit, sans haut ni bas. Les quelques permissions qui égrenaient les longues campagnes n'étaient guère qu'une trop courte pause dans une vie qui, souvent, s'achevait brutalement. Ainsi allait la vie de millions d'hommes et de femmes au travers d'une galaxie en guerre depuis une décennie, semblable à l'éternité pour bien des soldats.

Paradoxalement, rompre avec ce cercle sans fin n'était pas sans risque. Trop habitués désormais à ne vivre que par les armes et la mort frôlée à chaque instant, les soldats impériaux redoutaient plus encore ce temps incongru de latence qui les verraient revenir sur des terres qu'ils avaient escomptés ne pas revoir.


Mais, aujourd'hui, la totalité des équipages de la flotte se préparait pour une manifestation d'une ampleur et d'une portée aussi politique que symbolique. Non, la paix ne les avait pas fait taire, pas plus qu'ils n'imaginaient leurs adversaires en train de jouer aux cartes. Ainsi, par une décision que l'on avait unanimement approuvée sur de nombreuses flottes, le trône impérial conviait ses troupes retirées du front suite à la déclaration de paix à défiler sur Dromund Kaas, transformant ce qui pouvait s'apparenter à un retour piteux incompréhensible en manifestation à la gloire de la puissance militaire d'un empire construit par et pour elle.


--

Comme à son habitude, Antarxarxès n'aimait guère qu'une prise de décision se fasse sans échange d'idées préalables. Profitant de ce temps mort, comme suspendu entre deux épisodes éprouvants, il avait réuni sur le pont supérieur quelques uns des officiers de l’Égide, dont il escomptait aiguiser davantage l'esprit au travers d'une courte réunion visant à faire émerger quelques idées.

" Le sujet est simple : trois jours nous séparent des répétitions officielles. Aucun ordre ne nous a été communiqués. Je veux mettre à profit chacune de ces heures "libres" qui nous aura été donné pour régler tout problème ayant à trait aux motivations de vos subordonnés et à leur moral d'une manière générale. Vous n'avez sans doute pas manqué de remarquer que l'annonce de l'Impératrice n'a pas été au goût de tout le monde. J'entends donc permettre à mes hommes de ronger leur frein autrement qu'en ruminant entre eux ! "

C'est en ces termes qu'il ouvrit la séance de brainstorming improvisée du soir. Rangés en un large arc-de cercle au devant de l'holoprojecteur, les six officiers qui lui faisaient présentement face semblaient en attendre davantage de sa part, incertains quant à la conduite à suivre. Il fallait dire que le sujet d'étude était plutôt inhabituel.

" Toute suggestion pertinente est la bienvenue, conclut Antarxarxès en laissant les crochets noirs qui lui servaient d'ongle cliqueter sur le rebord de la console du vaisseau.

Les visages affichèrent toute une palette d'émotions hâtivement refoulées, au profit d'un bref silence méditatif. Le plus âgé des officiers prit tout naturellement la parole en premier, comme s'il estimait que c'était là ce que l'on attendait de lui.

" Je me disais qu'une nouvelle session d'exercice pour nos escadrons de chasseurs...

-Tout exercice dans l'espace de Kaas est interdit jusqu'à nouvel ordre ! Comment voulez-vous vous exercer à quoi que ce soit avec autant de vaisseau au parsec carré ?! "

Le rabroué rougit légèrement, la mine déconfite. Il ne fit cependant aucune objection. Mais sa tentative avortée mit fin à l'enthousiasme premier du groupe : personne n'osait plus se lancer. Horakk, sensible à ce détail,

" On pourrait organiser une animation à bord ? finit par tenter timidement le capitaine Fost, dont la jeunesse tranchait avec l'âge de ses comparses.

Les paires d'yeux se tournèrent d'un seul mouvement vers lui.

" Une animation ?

-O-oui... Une...animation ! Je ne sais pas... Une soirée dansante ? Un spectacle ? "

Vaarguant eut une expression indescriptible.

" Quoi... à bord ?! "

Lui aurait-on proposer d'aller récurer les toilettes à la brosse à dent qu'il n'en aurait pas été plus dérouté.

Les arcades sourcilières du rishii s'envolèrent brièvement, son regard de feu s'animant soudain d'une surprise impossible à masquer. Il pencha la tête, cherchant à déterminer s'il devait chasser Fost à coup de botte dans le derrière pour ... ou l'écouter davantage. L'attitude figée et penaude du jeune capitaine ne correspondait pas à l'idée que l'on pouvait se faire d'un impertinent cependant. Son regard bleu suppliait silencieusement l'alien de ne pas l'enfoncer davantage.

" J'avais précisé : proposition pertinente, capitaine.

-Je sais bien, amiral ! Mais entre nous, vous savez combien ça gronde, en bas, avec toutes ces nouvelles directives, l'arrêt subit des combats, l'incertitude... Je sais bien que mon bon mot pourrait passer pour sot, mais, cadrons la chose : on ne va pas faire récurer le pont trois fois à chacune de nos enseignes en attendant Atunda ! Or, on ne débarquera pas avant... on est coincé !

-Vous n'avez pas tort sur ce point, admit le rishii après une courte pause, occuper les esprits avant d'occuper les corps.

Durant l'échange animé entre ses différents subordonnés, l'amiral avait silencieusement décortiqué la chose. De prime abord, la proposition de Fost semblait tout droit sortie d'une mauvaise blague d'un fantassin. Dans un second temps néanmoins, elle pouvait se révéler exploitable, dans une certaine mesure.

" Et pourquoi pas payer une péripatéticienne par tête de pipe, tant qu'on y est ?!

-Parlez pour vous ! Comme s'il n'y avait que des hommes sur ce vaisseau !

-Mais le fait est que nous sommes effectivement largement majoritaire sur le plan numérique, lieutenant ! Il vous faudra plier aux désidératas de la majorité !

-Je rêve... "

Excédé, le rishii prit le temps d'inspirer longuement, avant de relâcher ses poumons en un mot bref et d'une puissance remarquable - prononcé sans une once de colère, mais avec une fermeté qui coupa court au tintamarre qui enflait :

" Assez. "

Silence. Horakk prit le temps de dévisager chacun de ses officiers avant de reprendre d'un ton égal :

" Tant qu'à explorer les pistes les plus improbables, capitaine : assumez donc votre idée et développez votre pense, je vous prie. "

Ses yeux perçants s'arrêtèrent à leur tour sur le visage encore juvénile de l'homme blond, qui serra les dents avec un visible effort. Un regard noir à l'adresse du capitaine Vaarguant plus tard, il reportait toute son attention vers l'alien au plumage blanc qui lui faisait désormais face : soutenir un tel regard lui avait toujours semblé difficile. Même calme et serein comme il semblait l'être, l'amiral Antarxarxès lui avait toujours fait l'effet d'un prédateur patient et retord, dont le regard semblait vous transpercer de part en part à chaque fois avec la même violence contenue. Une impression ingrate, au vu du caractère globalement conciliant qu'il avait pu apercevoir. Tout du moins, comme pouvait l'être la conciliation de la part d'un gradé impérial. Mais Fost n'était jamais parvenu à rester indifférent face à une telle scrutation.

" Vous savez... Le Nexu's Room, sur Kaas ? Leurs prestations sont assez... impressionnantes.

-Ravi de voir que vous êtes au fait des lieux de ralliement du tout Kaas City, capitaine Fost. "

Rires discrets : ses propres commissures remontèrent légèrement devant la mine embarrassée de l'officier. Lequel, désormais, luttait visiblement pour maintenir intact son sang-froid. Voyant qu'il n'osait plus ouvrir la bouche, Horakk l'y incita d'un geste :

" Allez-y, continuez ! Le Nexu's Room, donc ? En quoi pensez-vous que leurs "prestations" pourraient nous être utiles ?

-Il y a quelques années, pour remonter le moral de ses équipages, le colonel Tiegrenn avait fait venir une célèbre cantatrice de l'époque... . Je me suis dit qu'on pourrait faire la même chose... voire mieux ! "

Le souvenir d'avoir lu l'information quelque part lui revint à l'esprit : le genre d'anecdote amusante qui faisait rapidement le tour de l'armée. A l'instar de Decker en son temps, le vieux Tiegrenn avait été considéré comme un original pour cette simple incartade. Bien que l'homme en lui-même ait été des plus conservateurs, et peu connu pour son innovation en matière de commandement, la rumeur avait été plus forte que la réalité, et "les soirées Tiegrenn" s'étaient fondues dans le commun troupier.

" Vous savez ce que je pense de la séparation stricte du professionnel et du privé, capitaine.

-Oui, amiral. Ce... n'était qu'une suggestion...

-Et elle n'est pas dénuée de sens, loin s'en faut. "

L'approbation tacite surprit Fost, dont le regard clair, qui s'était résigné à contempler son propre reflet sur le dessus de ses bottes, revint à l'horizontal dans l'espoir brusque d'y accrocher les yeux d'un orange transcendant. A la place, il y trouva le dos de l'alien, retourné vers le noir profond de l'espace. Il ouvrit la bouche, mais son voisin de droite fut le plus rapide.

" Amiral... souffla le capitaine Eldar avec une mine préoccupée, vous ne pensez tout de même pas que...

-Que faire chanter quelqu'un sur une estrade au beau milieu d'un mess est une bonne idée ? Vous étonnerais-je, capitaine, si je vous disais qu'en cinq ans, j'ai vu infiniment plus absurde ? Non ?

-Sans doute pas. Mais... Que dira-t-on ?

-Beaucoup de choses, à n'en pas douter : c'est le propre des ragots. Mais je m'inquiète bien plus de la santé mentale de mes troupes et de leur efficacité que de quelques dira-t-on. Si l'idée du capitaine Fost vous déplaît tant, j'attends vos propres suggestions sur la question. "

Malgré la parfaite cordialité des mots maîtrisés de l'alien, le ton s'était fait dangereux. Comme si, toujours sous le couvert , Antarxarxès le mettait au défit d'oser le contredire. Le piège n’échappa à personne - et certainement pas à Elbar, soudain bien moins sûr de sa condescendante assurance envers son jeune collègue, qui l'espionnait subrepticement d'un œil étonné.

" Vous... les avez déjà, amiral. Mais comme l'a très justement souligné le lieutenant Montaag, elles ne sont pas pertinentes, pour l'heure...

-Vous n'avez donc rien d'autre à proposer. "

Ce n'était même pas une question. Les commissures du quadragénaire se plissèrent de dépit.

" Non, amiral.

-Bien. Alors, faute de mieux, c'est cette piste qui sera privilégiée ! Des objections ? "

La tête du rishii pivota lentement pour détailler les visages les uns après les autres. Fost rayonnait.

" Vous pouvez disposer. "

Tous les officiers saluèrent d'un seul mouvement, et se retirèrent d'un pas raide du pont de commandement.

" Pas vous, Fost. "

L'humain blond suspendit son pied une seconde, interloqué. Il se retourna un peu trop rapidement, manquant de bousculer Elbar qui lui décocha un regard consterné.

" Amiral ? "

Être convoqué à part était rarement une bonne nouvelle. Le fraichement promu Fost n'avait guère envie d'étudier plus avant les manières subtiles de l'alien de jouer des cordes psychologiques à son avantage. Il était certain qu'au contraire, Horakk faisait bien partie de ces officiers au tempérament sans nuance, dont il valait mieux éviter de contredire même la plus sotte des décisions. Amusé, Horakk regarda longuement son jeune officier danser machinalement d'un pied sur l'autre. Sa nervosité était somme toute banale pour son âge.

" Nous avons reçu un message crypté de la part des autorités de Dromund Kaas : un officier Sith - le mot fit frémir Fost - Lloyd Hope, a été affecté à notre bâtiment. Je vous épargne les motifs et les discours inutiles... Je vous charge de prévenir l'escouade du sergent Mii'Shel que le capitaine Hope sera intégré à leurs effectifs sous peu. Qu'ils préparent son arrivée : notre hôte devra recevoir les marques de respect dues à son rang, mais devra néanmoins remplir le rôle préposé à son grade. Je vous charge de faire cette commission de vive voix, nous limitons les traces écrites. "

Soulagé, le jeune homme sembla fondre sur place. Cette mission sans importance l'aurait sans doute déçue, du temps où il sortait de l'académie. Désormais, les choses simples et rapides étaient presque les bienvenues.

" A vos ordres, amiral ! Ce sera fait, et bien fait ! "

Il salua avec le sourire, et quitta le pont à son tour.

De nouveau seul, Antarxarxès prit le temps de consulter quelques bases de données publiques, à la recherche d'idées, de personnalités kaasi susceptibles de remplir le rôle qu'il envisageait.
Il n'avait guère eu le temps de se cultiver ces dernières mois, et il découvrit que les stars des peuples impériaux avaient quelque peu changé depuis ces dernières années. Il en était arrivé à éparpiller des dizaines de fenêtres au-dessus de la table holographique, lorsque le commandant Granath fit son apparition, étonné de voir l'amiral aux prises avec des photos de presse :

" Dites-moi, commandant : si vous deviez monter une soirée pour vos propres troupes, du genre que seules les fêtes officielles peuvent nous permettre d'organiser, dans le but de rendre cette paix finalement joyeuse... Sur quel genre d'animation se porterait le plus naturellement votre choix ? "

Le cathar, bien loin de témoigner de la perplexité d'autres officiers devant une telle demande, prit un air inspiré, détaillant à son tour la myriade de figures, de posters, d'articles et d'hologrammes qui flottaient devant eux.

" Mmmh... En voilà une question délicieuse, amiral ! Les possibilités sont nombreuses ! "

Il se pinça le coin de l'oreille droite, dont la forme pointue était échancrée d'une curieuse manière. Un tir de blaster mal esquivé en était apparemment l'origine. Ses babines souriantes et son air rêveur ne trompait pas sur la malice qui l'animait lorsqu'il répondit d'un ton guilleret :

" Mais, si je devais répondre d'une manière parfaitement honnête, je dirais : de la pole dance , pour sûr ! "

L'expression intéressée d'Horakk se fendit pour laisser place à une stupeur totale. Granath était un incorrigible blagueur, malgré son âge, et son grade. Le commandant prit un air dégagé.

" Je savais que ça vous plairait pas. "

Horakk secoua la tête, les yeux fermés. Il se passa une main lasse sur le visage, lissant lentement les petites plumes qui lui tapissaient le crâne.

" Disons qu'à l'origine, commandant, par "animation", je pensais davantage à de l'opéra, ou peut-être à un ballet. Je conçois que nos officiers puissent grandement apprécier ce genre de spectacle-ci, mais vous y allez fort...

-J'ai été honnête ! Et je pourrais parier ma solde que c'est aussi ce que pensent les trois quarts de cet équipage ! Malheureusement, n'étant pas Sith, je ne pourrais sans doute pas aller fouiller leurs petites têtes pour y dénicher la réponse... "

Horakk soupira lourdement. Il était parvenu à s'approprier convenablement l(idée initiale de Fost, incluse dans une vision sans doute trop idéalisée d'une soirée classique. Mais partager l'organisation avec une personnalité aussi décomplexée que celle de Virdis avait peut-être sonné le glas de sa vision. Mais, l'espace d'un instant, Horakk accepta de considérer la chose : après tout... son but n'était-il pas de distraire des soldats ? De les détourner d'une grogne que rien ne venait adoucir ? De les motiver plus que jamais ? Hypocrite qu'il aurait été d'avouer qu'il ne connaissait pas les désirs les plus avoués de milliers d'hommes et de femmes coupés du reste du monde des mois durant, et qui ne sortaient de leur solitude que pour combattre !

Une nouvelle idée commença à prendre forme.

" Et comment feriez-vous pour organiser un spectacle de poledance, commandant ? Je suppose que pour vous avancer sur un tel terrain, vous y avez réfléchi !

-Réfléchi ?! Ah non, pas du tout, amiral ! J'y connais rien... Enfin, pas plus que n'importe quel client occasionnel de nightclub ! Ahah ! "


-- Orbite de Dromund Kaas -- Pont supérieur de l’Égide de Krayiss --


Ce soir, plus qu'un autre, à bord de l’Égide, les officiers avaient sorti leurs uniformes d'apparat. Chacun à leur tour, se relayant les uns les autres, les invités de marque de leur immense famille spatiale s'étaient retirés dans leur quartier afin d'y faire un brin de toilette, délaissant la sobriété habituelle pour une fierté parfois un peu trop évidente. Décorations et médailles avaient fleuries sur les poitrines comme les violettes au printemps.

Horakk avait à son tour disparu dans l'intimité de ses quartiers pour se mettre sur son trente-et-un. Une fois douché et séché, il prit soin de lisser le plumage immaculé qui le couvrait, plaquant soigneusement les plumes folles à l'aide d'une touche de gomme, rehaussant du même coup les discrets éclats dorés des pointes de ses oreilles élancées. Malgré son faciès étrange et intriguant, on ne pouvait ôter à son allure ni sa prestance, ni son élégance. Bien plus léger qu'un humain de même taille, l'avien avait toujours dans sa démarche, même rigidement militaire, cet aspect aérien et souple qui faisait défaut à d'autres créatures bien plus terrestres.

Il revêtit avec la même application son uniforme d'apparat, dont les épaulettes et les cordons brodées d'or renforçaient encore sa carrure massive. Pensif devant le miroir, Horakk chercha des yeux quelque chose, une note différente, qu'il pourrait ajouter à cette tenue des plus règlementaires, pour connoter l'aspect festif d'une telle soirée. Dans l'un des grands vases qu'il avait disposé lui-même dans la cabine, il avisa un bouquet de lorachidées offert par Eisne, dont l'une menaçait de tomber. Il coupa délicatement la fleur mourante, et l'épingla avec le même soin à la veste de son uniforme. Satisfait du résultat, il acheva d'enfiler un pantalon d'un noir de jeais, dont la couleur se confondait avec ses bottes parfaitement cirée.

La Vorpale au côté, il regagna le pont supérieur pour y attendre celle dont il avait personnellement commandé les services auprès d'un directeur artistique lui ayant loué des performances exceptionnelles.

Granath salua son supérieur avec son bonhomme de sourire habituel. L'immense cathar au pelage ocre s'était surpassé pour faire paraître ce dernier soyeux comme du velours. Il y avait pour Horakk une intense satisfaction à voir son équipage faire soudain preuve d’autant de zèle et d'enthousiasme, après des semaines somme toute morose. Ils n'avaient peut-être pas fait demi-tour pour rien, au final. Cependant, le temps seul en déciderait.

" Amiral ? On nous informe que la navette vient d'arriver. "

Le cathar arborait un sourire qui ne laissait aucun doute sur l'origine de ladite navette.

" Parfait. Vous savez ce qu'il vous reste à faire, commandant ?

-En effet, et ce sera fait !

-J'ai demandé à accueillir moi-même notre invitée du soir. Vous ne disposez donc que d'un petit quart d'heure, tout au plus. Veillez à ce qu'il n'y ait aucun retardataire.

-Pas d'inquiétude, amiral, nous sommes prêt ! On se souviendra longtemps de cette soirée, croyez-moi ! "

Ils se séparèrent séant, le cathar prenant la direction du réfectoire des officiers au pas de course. Antarxarxès le regarda disparaître par la porte blindée, avant de se retourner vers les immenses baies de transparacier qui offrait une vue imprenable sur le vaisseau.


L'attente fut propice à tout un tas de réflexions annexes : avait-il bien fait d'accéder à la demande de son officier ? Avaient-ils bien choisi le personnel présent ce soir ? Le dîner serait-il à la hauteur ? A chacune de ses propres interrogations, l'esprit directif d'Horakk répondait par l'affirmative : oui, tout était comme cela devait être. Sinon ? Il devrait agir en conséquence. Comme il l'avait toujours fait... La vie, après tout, n'était qu'une improvisation permanente sur des thèmes imposés, rarement ceux que l'on appréciait ou au moment que l'on désirait. Il fut tiré de sa réflexion par le roulement mécanique des portes du pont.

Enfin, on annonça leur arrivée. En avance de près d'une demi-heure au cadran local, de surcroit : on ne pouvait que louer un tel professionnalisme ! De bonne humeur, le rishii prit position face à l'entrée, prêt à recevoir ceux qu'il attendait avec, il se l'avouait, un soupçon d'impatience presque enfantin.

Entourée par trois officiers, leur invitée tenait la promesse qui leur avait été faite par le manager du Nexu's Room : "gracieuse et d'une élégance propre à faire rêver le plus obtus des esprits". A ceci près que la danseuse qui se tenait devant eux n'était pas la Twi'lek dont le profil leur avait été communiqué. Le document n'ayant aucune valeur contractuelle, les officiers ne s'en étaient pas formalisé. Horakk se promit néanmoins de vérifier l'identité de leur invité auprès de l'agent 17 dès que le temps lui en serait donné. Que leur bref moment de fête profite à une intrigante n'était pas au programme...

Flanqué de deux de ses commandants, l'amiral Antarxarxès attendit que le petit groupe parvienne doctement à sa hauteur pour saluer les arrivants. Les trois officiers qui accompagnaient l'invité s'alignèrent et saluèrent militairement leurs supérieurs, Fost les précédent en enthousiasme.

L'accueil ne pouvait être plus formel et gratifiant, même si d'un œil extérieur, il était avant tout intimidant. En agissant de la sorte, Antarxarxès avait à cœur d'imprimer une image puissante et positive auprès de celle qui se présentait à eux comme l'une des plus grandes professionnelles de son "secteur d'activité". En tant que civile, elle ne manquerait pas d'être un vecteur de propagande tout à fait bienvenu. La marine, pour la jeunesse impériale et une grande partie des civils, représentait l'élite, l'idéal à atteindre et en cela, tout, de leur apparence à leur moindre comportement, devait maintenir cet idéal intact.

Horakk attendit une brève seconde que le regard curieux et surpris de la jeune femme accroche le sien pour prendre la parole.

" Au nom de tout le personnel, je tenais à vous souhaiter la bienvenue à bord de ce vaisseau ! Sachez que nous sommes ravis d'accueillir une personne de votre qualité à bord, même très temporairement. Je suis l'amiral Horakk Antarxarxès, commandant de la troisième force de combat de la cinquième flotte d'assaut, et votre hôte pour le temps que vous passerez en notre compagnie. "

Bien loin de se contenter de la rigueur sèche d'un simple salut militaire à l'encontre d'une telle personne, le noble qu'il était s'inclina respectueusement, main sur le cœur. Les usages auraient voulu qu'il se plie à un baise-main, mais une telle coutume n'était pas en vigueur ici. Armé de sa vue de rapace, il la détaillait, non pas avec l’œil ravi de Fost ou d'Elbar, mais plutôt avec l'attention prudente d'un père vigilant. Même avec tout l'enthousiasme qui entourait cette courte et exceptionnelle soirée, Antarxarxès ne pouvait se départir une seule minute d'une vigilance constante. Elle demeurait une étrangère, une civile... Un danger potentiel, un cheval de Troie éventuel. Pour autant, la chaleur que dégageaient ses paroles était sincère : il espérait au moins que, toute professionnelle qu'elle soit, sa présence à bord ne lui ait pas été imposée à contrecœur. On ne faisait jamais bien les choses qu'avec passion.

" Comme vous le savez peut-être, l’Égide de Krayiss est depuis plusieurs années le vaisseau capital de notre troisième force de combat. Vous comprendrez donc quelle importance peut prendre la sécurité, des biens et des personnes, dans chaque recoin de cet appareil. Sécurité à laquelle malheureusement je suis dans l'obligation formelle de vous faire souscrire. Aucune exception. "

Il avait vaguement souri à cette dernière mention. Les rares civils et officiels à être montés à bord de ce genre d'appareils n'avaient guère aimé le climat de rigueur absolue qui y régnait. Tout y était contrôlé, vérifié, calculé, nettoyé, désinfecté, réglé, redirigé, segmenté, étiqueté, classé, verrouillé... Tout, jusqu'aux port de chaussons aux semelles isolantes dans certaines salles à l'électronique sensible. Il fut remis à la jeune femme une unique carte magnétique de petite taille, facilement glissée dans une poche, dont le code d'identification, temporaire et unique, lui était destiné. A ceci fut ajouté un petit bloc de données, contenant le règlement intérieur des vaisseaux de la marine - un authentique pavé de 321 pages et 22 annexes ponctué d'un laconique "Gloire à l'Empire" en guise de paraphe. Quelques notes avaient également été incluses en supplément. La première était un plan tronqué d'une partie du vaisseau, avec une séries de coordonnées indiquant le lieu de rendez-vous. La seconde, des indications relatives au déroulé de la soirée. La troisième, bien plus énigmatique, ne faisait mention que de quelques lignes lapidaires : En cas de stricte nécessité - "Question : "Combien de canons ?" Réponse "128".

" Tout d'abord, la discrétion sera de mise avant que vous ne soyez pleinement opérationnelle - si l'expression peut convenir. Prenez le temps qu'il vous faut. Tâchez cependant d'être à l'heure, une attente inopportune pourrait gâcher l'effet de surprise.

Le capitaine Fost ci-présent sera chargé de vous accompagner jusqu'à vos quartiers : vous y trouverez tout le confort nécessaire pour vous y reposer et vous préparer. A l'horaire indiquée, rendez-vous aux coordonnées qui vous ont été notées. Le commandant Granath vous y attendra et vous fera entrer. Le reste... ne dépendra que de vous.
"

Le capitaine en question, celui-là même qui avait accueillie la jeune femme sur les quais du hangar, sembla se gonfler de fierté à l'évocation d'une telle mission. Horakk gratifia chacune des personnes présentes d'un regard interrogateur, son port altier conotant de lui-même son appartenance à la haute société par delà l'uniforme. Il était à l'aise : mieux, ici, il était chez lui. Bien plus souverain sur cette portion de métal flottante dans le vide que nulle part ailleurs dans la galaxie.

" Des questions ? "

Et tandis qu'il attendait sa réaction, son regard mobile la détaillait avec précision, guignant des détails qu'un œil humain n'aurait pas remarqué, à moins d'un examen approfondi. Dire que la silhouette typiquement féminine le laissait indifférent aurait été mentir : elle évoquait à elle seule certains des meilleurs moments d'une existence autrement vouée à la mort, sous bien des formes. Pour autant, la nature non-humaine de l'amiral lui donnait un recul qu'un Fost ou un Elbar n'avait guère, empêtrés dans leurs propres hormones. Voir le charme de la jeune femme brune agir de la sorte était une expérience qui confirmait la réussite de son pari à l'avien, même si le plus dur restait encore à faire. Il l'écouta parler avec un certain plaisir, tentant en toute discrétion de sonder ses dispositions vis à vis d'eux. Etaient-ils finalement à la hauteur de leur réputation ? C'était une question d'une importance plus significative qu'elle n'y paraissait. Surtout pour un idéaliste de sa trempe.

Seulement, un détail, anodin, lui fit soudain l'effet d'un aiguillon entre les côtes.

Je connais cette femme.

Dès lors, cette idée ne le quitta plus, et l'enthousiasme chaleureux dont il avait fait preuve se mua peu à peu en une méfiance sous-jacente l'égard de cette inconnue-déjà-vue.

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Lloyd Hope
Lloyd Hope
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- Notre section est chargée de l’entretien et de la maintenance de l’armement et du système de défense, disait le sous-officier en marchant d’un pas vif dès qu’ils furent sortis du turbolift. Evidemment, nous ne sommes pas la seule. Nous travaillons principalement sur les canons à ions, mais nous sommes interchangeables et demain peut-être, nous serons affectés aux torpilles que nous n’en serions pas du tout déconcertés.

Lloyd acquiesçait sans se formaliser des efforts du sergent Mii’Shel pour le convaincre de la performance de son équipe. Une mission parfaitement ennuyeuse pour les jours à venir, n’était-ce pas tout ce qu’il avait demandé quelques jours plus tôt ?
La bonhommie de Mii’Shel, l’humain au visage rond un peu tassé et au regard perçant, était pour l’instant de bon augure. Le sergent tenait dans sa main droite – à laquelle manquait un doigt, certainement une blessure de guerre – un datapad où les caractéristiques techniques des canons à ions s’étalaient en un code compliqué faits de chiffres et de courbes descriptives.

- Comme vous pouvez le voir, nos 5 CAI sont disposés de manière asymétrique sur l’ensemble du croiseur dans un souci d’une défense homogène dans tous les axes potentiels. J’ai fait rassembler toute la documentation technique là-dedans – il secoua le datapad – ainsi que les derniers rapports de maintenance et les résultats des derniers tirs d’exercice. Nous avons boosté les performances à l’aide de quelques petits bricolages de notre cru. Il paraît que vous avez un intérêt particulier pour l’armement et son entretien, et que c’est pour ça qu’on vous a affecté chez nous ?

Ah bon ?

- Tout à fait, répondit Lloyd sur un ton égal, ses yeux détaillant les coursives impeccables dans lesquelles ils s’acheminaient. Je vois que les lieux sont parfaitement entretenus.
- Ah ah, oui. L’Egide et son Amiral sont réputés pour être un exemple au sein de la flotte Sith. Sans compter qu’on se doute qu’il y aura une revue des troupes et du matériel avant le défilé. On a pris un peu d’avance.
- Sage décision.
- Nous arrivons dans l’étage supérieur, où se trouvent les générateurs. Chaque CAI est couplé à une série de générateurs indépendants afin qu’une avarie technique ne puisse engendrer des conséquences sur le système énergétique du reste de l’armement. Ces générateurs sont assez fiables, mais sont très gourmands en consommables. Certains de mes hommes sont affectés continuellement à la simple vérification des jauges. On peut en effet avoir très vite un déchargement de l’alimentation du générateur, ce qui nous poserait un problème en cas de « livraison expresse » comme on dit chez nous.

Autrement dit, des tirs sans chargement préalable, à froid, en cas d’urgence. Lloyd et le sergent passaient devant de longs tubes horizontaux, dont le diamètre avoisinait la taille du hapien et qui couraient sur des centaines de mètres devant eux. Le matériel était gigantesque, mais les passages entre les composants très étroits. Des techniciens se contorsionnaient presque pour réaliser leurs contrôles.

- Bien sûr, les équipes tournent, pour ne pas être frappées d’un ennui à cette tâche qui nuirait à l’efficacité de la surveillance. Vous verrez que les compétences sont très complémentaires : astromécaniciens, physiciens, électriciens… Il faut tout une gamme de métiers, avec des spécialités très pointues, pour faire tourner de tels bijoux.
- Je n’en doute pas.

Ils continuèrent ainsi en silence, devant parfois se courber pour passer sous des brassées de câbles, puis ils ressortirent du long hall des générateurs pour gravir une nouvelle volée d’escaliers. Le ronronnement des générateurs disparut derrière eux. Après quelques virages, ils se retrouvèrent dans un couloir aux sols recouverts d’un revêtement qui fit disparaître le son de leurs bottes, comme leurs talons s’enfonçaient dans la matière souple. Les portes électroniques s’alignaient de part et d’autre, toutes identiques. Le sergent Mii’Shel s’arrêta devant celle portant le numéro 2331. Ce numéro rappela quelque chose à Lloyd, mais il repoussa soigneusement le souvenir. L’humain actionna le panneau de commande et la porte s’ouvrit.

- Voilà vos quartiers, dit nerveusement le sergent. Nous vous avons attribué la plus spacieuse, j’espère que cela siéra à votre rang.
- Ça ira très bien, dit Lloyd en entrant, ayant hâte de pouvoir être seul un instant.

La cabine était déjà plus grande que celle qu’il avait sur le Sans-Visage : deux grandes pièces, une pour travailler et recevoir les communications, l’autre pour dormir, également dotée d’une petite salle d’eau. Quand on savait que la plupart des mariniers ici se partageaient des douches communes, c’était un sacré luxe. Le hapien déposa son sac.

- Hem… éructa le sergent qui n’avait pas encore disparu. On vous a fait apporter l’uniforme que vous avez demandé. Le maître tailleur de l’Egide a fait au mieux à partir des mensurations que vous nous avez fournies.
- Oui, j’ai abîmé mon uniforme au cours de ma dernière mission. Je vous remercie.
- Voilà voilà…

Moment de gêne. Lloyd se tourna vers le sergent Mii’Shel et lui adressa un signe de tête entendu.

- Ne vous tracassez pas, sergent, tout cela ira très bien pour moi. Et je ne suis envoyé ni pour exercer des contrôles sur vos équipes, ni pour traumatiser vos mariniers. Vous n’aurez pas d’ennuis de ce genre avec moi. N’ayez crainte.

Le sergent afficha un sourire affable, qui en disait long sur la confiance qu’il accordait à ces propos : aucune.

- Bien sûr, bien sûr, je ne m’inquiétais pas du tout. Comment hum.. Dois-je vous appeler ? Seigneur Hope ?
- Non, capitaine. Je suis officier avant d’être un Sith lorsque je suis sur un navire.
- Bien, mon capitaine. Bon alors, après vos heures de repos, on vous fera faire un petit tour plus complet. Gharissa et Lem se chargeront de répondre à vos questions, et aussi, vous serez conviés à la soirée.
- La soirée ?
- Oui, l’Amiral a prévu quelque chose pour demain soir, apparemment. En attendant le défilé.
- Ah.
- Bon, à tout à l’heure, mon capitaine.

------

------

------Lloyd se tenait dans sa cabine, poings noués derrière lui, pour faire face à Darth Laduim, dont l’hologramme tremblotait légèrement au-dessus de l’holocommunicateur. Le Twi'lek était assis dans un siège qui disparaissait dans le bas de l'image, laissant voir par transparence la cabine du hapien qu'il ne s'était guère approprié : à part la couchette sur laquelle il avait pu s'étendre sans pouvoir dormir - ses yeux se refermaient toujours sur des images qui l'empêchaient de trouver le repos - il n'avait que déversé le contenu de ses affaires sur une banquette à laquelle il tournait le dos, en position debout.

- Puisque tu as émis le souhait d’intégrer la Marine de façon plus durable, j’ai pensé qu’un petit tour de certaines fonctionnalités astronautiques te permettrait de perfectionner tes connaissances. Comme cela, tu pourras mieux te préparer à tes futures fonctions.
- En astiquant des canons ?

La poitrine du Twi’lek fut secouée d’un rire gras.

- Je sais que tu aimes mettre les mains dans le cambouis Lloyd. Mais si tu intègres définitivement l’armée, ce sera en position de commandement. Tu vas donc apprendre à faire faire. Pas astiquer toi-même.

Lloyd soupira et se laissa tomber sur un siège à proximité. Au diable les convenances. Le hapien passa ses mains dans ses cheveux en détournant le regard.

- J’ai déjà été en situation de commandement plusieurs fois, je vous rappelle.
- Des opérations spéciales, Lloyd, pas une frégate.
- Certes.
- Allons, ne sois pas ingrat. L’Amiral Antarxarxès a accepté ton intégration avec une grande courtoisie.

Comme si la Marine pouvait refuser une demande directe du Castellan Noir.

- Fais en sorte que celui-ci puisse faire confiance aux Sith. Si c’est toi que j’ai envoyé sur l’Egide, c’est parce que je sais que tu ne feras pas de grabuge. Compris ?
- Compris… soupira Lloyd.
- Comment va Mat’aenna ?

Lloyd releva la tête vers l’hologramme de Darth Laduim et se raidit, les yeux étrécis.

- Je suis désolé mais je vais devoir y aller, Seigneur Laduim. Je suis attendu pour prendre mes fonctions.
- Bien sûr, bien sûr. Je suis sûr que cela te permettra de penser à autre chose. Mais ne l’oublie pas trop, n’est-ce pas ? Il serait dommage que je perde la baguette qui te maintient dans le droit chemin. Il me faudrait en trouver une autre…
- Sauf votre respect, je ne pense pas avoir encore besoin de ce genre d’incitation.
- Nous verrons, Lloyd. Nous verrons.

L’hologramme disparut et Lloyd envoya avec force sur le communicateur le verre qu’il tenait entre ses doigts. L’objet se brisa en déversant son contenu pitoyablement sur le sol de la cabine.

------

------

------- Je suis sûre que ça va encore être un truc pour les mecs, disait Gharissa, la plantureuse falleen, face à ses deux amies toutes vêtues de leurs treillis de mécaniciennes.

Les trois femmes étaient attablées dans une salle de repos tout en longueur, où elles s’étaient servi quelque boisson pétillante et alcoolisée pour se préparer à la soirée aussi bien que leurs comparses masculins. Il leur restait un bon quart d’heure avant de rejoindre le gros des troupes dans la plus grande des salles de conférence, qui allait se transformer en une salle des fêtes.

- En plus, tout le monde va jamais rentrer dans cette salle, répondit Cleric, à la longue chevelure rousse tirée en une queue de cheval réglementaire à l’arrière de son crâne. Les officiers vont être prioritaires, et les autres, ça va être une retransmission holo, à tous les coups.
- Et pour voir quoi ?
- Des femelles Rishii à poil ?
- A plume tu veux dire !

Les trois femmes se mirent à rire en essayant de ne pas être trop bruyantes. L’alcool faisait son petit effet : elles allaient rudement s’amuser malgré tout. Derrière elles, une porte coulissa et plusieurs personnes entrèrent. On faisait aussi à voix haute des pronostics et on expliquait à un officier le chemin à prendre pour rejoindre la salle de conférences. Cleric coula vers ses deux amies un regard entendu. Puis, se penchant vers Gharissa :

- D’où il sort, celui-là ?

Elle faisait référence à l’officier en uniforme noir tiré à quatre épingles.

- Ah lui… T’y intéresses pas de trop près, c’est un Sith. Affecté à notre escadron, aucune idée de la raison. Il est beaucoup trop gradé pour être là…
- Un Sith, répéta Tessa, la troisième d’entre elles, une humaine au chignon brun qui accentuait la malice de son visage sombre ; mais elle affichait désormais une moue dubitative. C’est des fous furieux, ces gens-là. J’ai entendu parler de trucs qui se passent sur Korriban, ça fait froid dans l’dos.
- Il est plutôt beau gosse, fit Cleric, en attrapant le bout de sa queue de cheval rousse pour la ramener sur son épaule en l’entortillant pensivement au bout de son doigt.
- Il est austère, commenta la falleen en prenant garde à ne pas parler trop fort. J’ai passé la matinée avec lui ce matin. Il m’a accompagnée sur les contrôles techniques de chacun des générateurs. J’pouvais pas me détendre, j’vous jure. Je me disais qu’il était forcément là pour enquêter ou quoi. Mais il posait pas de questions. Et pas un sourire, bonjour l’ambiance.
- Mais il y pitait quelque chose, au moins ? Ca a pas l’air d’être un manuel
- Dommage
- Si si, ça va, il connait les machines, mais bon, on peut pas dire que…
- Hé, Cleric !

La voix leur était parvenue du groupe d’hommes à l’entrée de la salle, et les femmes se retournèrent en affichant un air innocent.

- Arrêtez vos messes basses, un peu. Le capitaine Hope a besoin d’un guide pour l’emmener à la salle de conférences, où sont attendus les officiers pour la soirée.

- Ooooh bien sûûûûr, s’exclama Cleric en sautant sur ses pieds avec enthousiasme.

Gharissa et Tessa échangèrent un regard consterné.

- On l’aura prévenue, grogna la falleen à son amie.
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La mâchoire de Dana se décrochait tant qu’elle avait l’impression de la ramasser un peu plus bas à chaque fois. Le souvenir vague du Rishii lui parut radicalement différent de sa vision présente. Elle passait ses prunelles dorées de l’Amiral à ses officiers, complètement stupéfaite par l’accueil qui lui était réservé. Ses mains tenaient encore le petit bloc de données et la carte magnétique, sidérées. Il était rare d’arriver à surprendre agréablement Dana Shar et Horakk venait de réussir ce presqu’exploit. Elle en déduisit qu’ils s’étaient occupés de lui isoler le traître afin de faciliter son exécution. L’estime qu’elle portait pour la Marine Impériale venait de grimper en flèche et ses lèvres s’étirèrent dans ce qui parut être un sourire timide. Cette expression lui occasionna presque une crampe tant elle y était peu habituée. C’était même trop beau pour être vrai, mais après toutes les galères passées, ne méritait-elle pas de récolter facilement les lauriers ?

-Des questions ?

Mais où était donc passé Iani Chaos et sa tête de con ? Son équipage jeune et incompétent, son croiseur de classe Terminus aux nombreuses avaries dues à sa sortie d’usine ? Serait-elle sur un vrai vaisseau impérial ? Elle se remémora brièvement Lorrd, les coups de poings échangés avec Joxxe dans la salle d’entraînement de l’Egide, le discours d’Odium, le nom improbable de l’Amiral. Etrangement, aujourd’hui, son faciès avien lui paraissait moins improbable.

- Merci pour l’accueil, fit-elle sobrement. Où est-ce qu’on peut fumer ?

Laconique, comme tous les Siths l’étaient.






Chakni, de son nom de scène Kiwi, était éblouissante. Sa renommée nationale brillait sur ses courbes voluptueuses qui lui avaient valu d’être dans le panthéon des fantasmes féminins de Mumkin. Son holographie sulfureuse trônait aux côtés d’Aarona Klova dans sa petite cabine du Sans-Visage. Elle terminait de choisir ses tenues en vue de sa prochaine prestation. Quitter les estrades du Nexu’s Room de temps à autre représentait des opportunités de dépaysement sur lesquelles elle préférait ne pas cracher. Les réguliers du cabaret n’avaient plus l’enchantement des premiers spectacles ; ils se contentaient de boire ses poses lascives comme un alcoolique descendrait des litres de liqueur hors de prix. L’idée de séduire un parterre d’officier la galvanisait et elle avait répété ses chorégraphies assez de fois pour être sûre de battre tous ses records. Elle devait se dépêcher, son transport ne tarderait pas et….

BANG.

Les portes de ses appartements sautèrent dans un bruit de détonation assourdissant. Elle poussa une exclamation de surprise et porta un regard terrifié sur les silhouettes sombres qui se précipitèrent sur elle. Bientôt, sa joue fut plaquée au sol, comme le reste de son corps magnifique au derme émeraude. Elle sentit qu’on lui tordait douloureusement les bras dans le dos et son cœur se mit à battre la chamade. Elle leva ses yeux emplis de larmes vers l’inconnue qui émergeait, vêtue d’une robe immaculée et le visage bandé au niveau de ses orbites qu’elle devinait vides.

-Inquisition Sith, dit calmement Darth Runà. Vous êtes accusée de propos anti-Impériaux, entre autres.
-Que…quoi ? Ce…ce n’est pas vrai, je…
-Sortez-la d’ici, ordonna-t-elle aux soldats de l’Inquisition qui soulevèrent la prisonnière.

Au moment de passer l’encadrement de la porte, Kiwi résista brièvement et cracha vers le visage de Runà qui n’eût qu’un sourire de dépit.

-Pourquoi vous faîtes ça ?! Je n’ai rien fait !
-Vous connaissez une certaine Dana Shar ?

Chakni écarquilla les yeux, frappée de stupeur. Dana Shar ? Ce nom lui disait quelque chose. Il fallait remonter des années auparavant. Et remonter encore. Jusqu’aux portes du Lagon Noir. Elle n’était qu’une adolescente, comme Dana. Elles étaient arrivées là en même temps, aussi paumées l’une que l’autre avec leur simple jeunesse à monnayer. Les lèvres de la Twi’lek se mirent à trembler fébrilement. Qu’est-ce que Dana venait faire là-dedans ? Elles s’étaient perdues de vue, il avait de cela presque dix années. Cette histoire n’avait aucun sens. Mais la miraluka faisait souvent cet effet-là à celles et ceux qui s’empêtraient un jour dans sa toile.

-Je vois que oui. C’est elle qui vous a dénoncé. Emmenez-la et si elle résiste encore, tuez-la.
-Bien, Dame Runà.

Pétrifiée de terreur et d’incompréhension, Kiwi se laissa emporter par les soldats, incapable d’opposer la moindre résistance. Il lui semblait que son monde venait de s’écrouler et que sa vie disparaîtrait bientôt. Runà prit une grande inspiration et vagabonda dans la pièce, l’air pensive. Ses doigts fins coururent sur les étoffes légères, les bijoux, le faste des accessoires. Son sourire s’élargit et elle consulta son datapad personnel. Sa protégée ne tarderait pas à s’envoler pour l’Egide de Krayiss et le Nexu’s Room venait d’être fermé sur ordre express de l’Inquisition. On ne risquait pas d’envoyer de remplaçante à Kiwi. Tout était parfait.









-Habituellement, ces quartiers sont dédiés aux personnalités impériales de la plus haute importance que l’Egide escorte parfois. Actuellement, ils sont vides. Vos affaires ont déjà été installée. Nous pensions que vous auriez besoin de tout le confort possible afin d’être ahm…je veux dire…

Fost finit par s’empêtrer dans ses propres mots. Il souhaitait donner une explication et pensait à un compliment à lui faire dans le même temps et tout finissait en bégaiement étrange. Dana avisa le luxe de cette « cabine », quatre fois plus imposante que celle qu’elle occupait sur le Lightbreaker. La décoration sombre présentait des objets d’un grand raffinement et un droïde protocolaire astiquait la baie vitrée renforcée alors qu’elle était déjà si propre qu’on aurait pu se croire dans l’espace.

Shar porta une cigarra à ses lèvres et tendit le bloc de données au capitaine dont elle croisa les prunelles bleutées.

-Pas besoin. Je ne resterai pas assez longtemps pour pouvoir tout lire.
-Bien…

Il abaissa les yeux avant de les redresser sur elle. Il trouva la force de rassembler son courage et de se jeter corps et âme dans les courants incertains de la séduction.

-Je…je ne vous ai jamais au Nexu’s Room, vous faîtes cela depuis longtemps ?
-Hein ?

Elle comptait allumer sa cigarette mais la stupeur avait stoppé son geste.

-Désolé, cette curiosité était inconvenante de ma part. C’est que…je pensais qu’il nous enverrait Kiwi. Elle est très douée. Evidemment, je ne remets pas du tout en cause vos compétences vous êtes vraiment…très…ahem…(Il toussota, le regard fuyant.) très magnifique. Je veux dire, votre robe est magnifique. Comme vos cheveux…c’est juste que…

Les derniers mots moururent dans un silence embarrassant. Elle leva les yeux au ciel et termina d’allumer son petit plaisir quotidien. Ils étaient à l’entrée de la suite que rien ne venait perturber. Lui côté coursive et elle côté cabine.

-Capitaine Fost, c’est ça ?
-Oui, fit-il en se raidissant.
-J’aime beaucoup vos cheveux aussi. Ils ont une couleur que j’aime bien.

Les doigts de l’Inquisitrice actionnèrent ensuite la commande de fermeture des portes et il se retrouva planté devant une entrée close, clignant des yeux, un air ahuri sur le faciès. Il passa une main perplexe dans sa tignasse blonde et s’éloigna, rêveur.



La Sith avait un mauvais pressentiment. Le Nexu’s Room ? Kiwi ? Elle secoua la tête pour chasser ces interrogations parasitaires. La mission devait primer et s’ils lui apportaient le traître sur un plateau d’argent, elle n’allait guère se plaindre des propos fantasques d’un jeune capitaine. Elle était agenouillée au pied du lit, devant son bagage personnel. Elle avait déballé quelques affaires, dont un T-Shirt sombre qu’elle déposa avec précaution sur le bord de la couche. Elle avait l’impression d’être vide de l’intérieur sans la pique-laser de Damaya. Ne pas sentir le poids de son héritage contre le galbe de sa cuisse, lui laissait un sentiment d’échec qu’elle vivait difficilement. Entre son index et son majeur droit, sa cigarra se consumait en silence.

Elle s’adossa au lit, toujours à terre et fumait encore. Ses prunelles défiaient le vide infini qui se répandait au-delà de la baie vitrée. Elle se demandait quels genres de personnalités impériales de la plus haute importance avaient partagé cette même vision. Sans doute des gens aux mains bien propres, contrairement aux siennes qui étaient pleines de sang. Certainement des gens à la conscience aussi sale. Ceux qui donnaient les ordres. Elle inspira une profonde bouffée de toxine et à travers la fumée qu’elle expira lentement, elle revit le visage du traître à abattre. Elle irait aux coordonnées indiquées. Elle emprunterait le blaster d’un officier et elle plaquerait le canon entre ses deux yeux. Elle appuierait sur la détente, en dépit du passé, en dépit de Lorrd.

Faîtes que ce soit rapide.





-Un spectacle ? fronça-t-il les sourcils, partagé entre amusement et consternation.
-Tout à fait Sergent et ça commence dans….dix petites minutes. Le commandant Granath est sur le pied de guerre.

Le mirialan eût un sourire dépité et secoua la tête. Il détacha le stéthoscope qui pendait autour de son cou et se défit de sa blouse blanche pour dévoiler son uniforme d’officier médical.

-Vous savez que l’infirmerie doit continuer de tourner, spectacle ou pas ?
-Allez Doc’, minauda son subordonné, On aura davantage besoin de vous là-bas, vu les infarctus que le spectacle risque de donner.
-Notre cher Amiral a autorisé la tenue d’un spectacle qui risque de filer des infarctus à tout le gratin de l’Egide ? Sérieux ?
-Affirmatif, ricana l’autre, une lueur malicieuse dans le regard.
-Rien que pour ça, je veux bien oublier la déontologie quelques minutes.




La démarche de l’Inquisitrice était à la fois militaire et gracieuse. On avait l’impression qu’elle dévalait les pentes d’un champ de bataille dont les tirs ne pouvaient la heurter. Les pans de sa robe sombre flottaient autour de ses jambes et ses cheveux relâchés suivaient le même mouvement. Ses lèvres rebondies étaient fardées d’une couleur aussi écarlate que le sang et ses cils sombres paraissaient interminables. Les talons hauts de ses bottines résonnaient dans les coursives qu’elle trouva étrangement vides. Enfin apparut la silhouette du Capitaine Fost à un embranchement proche des coordonnées indiquées. Il l’escorta pour les mètres restants et ouvrit avec galanterie des portes qui dévoilèrent les rumeurs d’une assemblée conséquente.

Elle se figea, si bien que le jeune officier dut revenir sur ses pas.

-Qu’est-ce que…

Des dizaines, peut-être dix fois des dizaines, de regards s’étaient braqués sur elle. Mais le sien n’avait en ligne de mire que cette estrade, surmontée de projecteurs d’occasion et de l’acier rutilant d’une barre verticale qu’elle reconnut immédiatement.

-Attendez, où est-il ? C’est quoi ce bazar ?
-Ah, oui, le commandant Granath doit être dans les parages.

Elle s’apprêtait à faire demi-tour, mais la voix grondante du cathar l’apostropha.

-Par ici !

Dana s’ébroua vers lui, à la fois furieuse et fébrile. La clameur qui envahissait la salle s’était légèrement amenuisée, pour laisser place à des sifflements discrets et des murmures. Cette atmosphère lui rappela la désagréable impatience des spectateurs du Lagon Noir, des années plus tôt, de cette boule au ventre qu’elle avait en montant sur scène et des regards qu’elle encaissait tant qui lui transperçaient la chair jusqu’à mordre ses os. Ses prunelles fuirent à nouveau vers la barre de poledance alors qu’elle rejoignait le commandant, derrière la scène, presqu’à l’abri des œillades. Presque, parce que désormais, tout le monde savait qu’elle était là.

-Vous allez enfin m’expliquer ce bordel ? lâcha-t-elle vers les deux militaires, agacée.
-La scène ne vous plaît pas ?
-Il manque quelque chose ?

De l’autre côté, les rumeurs enflaient à nouveau.

-On attendait plus que vous, en fait. Alors, bon show !
-Quoi ?! s’étrangla-t-elle. Je suis Inquisitrice ! Je suis sur ce vaisseau pour…

Tu donneras toi-même ton ordre de mission à l’Amiral, et à l’Amiral seulement.

-Rha, laissez tomber.
-Bon, vous y allez ?
-Non !

Fost était pâle comme un mort et alternait son regard entre Granath et Dana, pas certain de comprendre. Le spectacle était annulé ?

-Vous êtes payée pour ça, je vous signale. C’est quand même dingue !
-Vous savez ce qui va être dingue ?

Mon poing dans ta grosse gueule poilue d’alien de merde.

-Ahm, Mademoiselle ?
-Quoi ?! s’impatienta-t-elle en se détournant vers Fost.
-L’Amiral risque de ne pas être très content s’il y a du retard…

Je ne lui en voudrais pas s’il te coupait la langue parce que tu lui as manqué de respect,






Granath fit enfin signe aux techniciens qui éteignirent les lumières principales de la salle, plongeant ses spectateurs dans un silence curieux. Elle était montée sur scène parce qu’il lui semblait que, dans l’immédiat, il n’y avait eu aucune autre issue. Provoquer un scandale sur l’Egide de Krayiss en confrontant l’Amiral lui aurait attiré les foudres de son Maître. Un projecteur frappa sa silhouette drapée de ténèbres, mettant en valeur les parties de son corps que sa robe découvrait. Un réflexe stupide la fit sourire vers l’assemblée qu’elle devina dans la pénombre. Même après des années, elle demeurait conditionnée à sourire sur une scène. Aucun champ de bataille n’avait changé ça. Que faire ? Elle crut apercevoir le regard orangé du Rishii, au premier rang et eut un bref sursaut, tâchant de se recentrer. Tous le reste des visages, même ceux du premier rang bénéficiaient de l’anonymat de l’obscurité. De toute façon, la première règle pour survivre était de ne jamais regard le premier rang, mais de porter son attention au fond, le plus loin possible.

Ca pourrait être pire Dana. Lloyd Hope pourrait être là, par exemple. Et avec lui, une multitude de contaminés. Finalement, personne n’était au courant de sa mission. Peut-être pourrait-elle utiliser ce malheureux quiproquo à son avantage ? On venait de lui offrir une couverture presque tombée du ciel. Les haut-parleurs déversèrent les premières notes d’une musique qu’elle reconnut immédiatement. Un classique dans le milieu de la nuit, heureusement. Elle avait chorégraphié des centaines de poses sur ce morceau. Il suffisait juste de laisser son corps faire. Quelque part, les yeux de Fost se mirent à pétiller quand elle commença à se dévêtir avec sensualité.

Sa robe tomba à ses chevilles et sa main agrippa la barre que ses courbes épousèrent. Ses sous-vêtements étaient sobres, d’une couleur aussi sombre qu’une nuit sans lune. Puisqu’elle ne pouvait compter ni sur la tenue, ni sur les accessoires, elle allait devoir se concentrer sur la chorégraphie. Il lui fallait rechercher la performance et flirter avec le risque de se casser la gueule. Tant pis.

Elle coula au sol avec grâce, dessinant un grand écart aussi doux que ses atours féminins. Elle-même avait oublié à quel point son corps pouvait être souple. Sa paume retrouva la barre et elle se redressa d’une impulsion, portée par la musique.




-Vous saviez que c’est une vétéran de Lorrd ?

En qualité de Sith, on avait installé Lloyd au premier rang et il partageait cet honneur avec le sergent mirialan qui s’était adressé à lui, portant sa voix par-dessus les décibels chantantes. Il parlait à Hope mais ne quittait pas la scène des yeux.

-Je ne savais pas qu’elle s’était reconvertie dans ce genre de domaine. Je me rappelle son dossier médical comme si c’était hier. Dana Shar, 22 ans – enfin, 26 maintenant, une mâchoire brisée à Korriban…

Au cas où le hapan avait un doute sur la personne qui se produisait actuellement sur l’estrade, aussi aérienne que désirable, par moment.


Quelques-uns applaudirent, fascinés par le spectacle. On aurait dit qu’autour de cette barre d’acier, la gravité n’avait pas d’emprise sur Dana Shar dont les muscles étaient pourtant mis à rude épreuve pour réussir à se maintenir en suspension dans les airs sans risquer la chute. Elle tournoyait, ses cheveux dansaient avec elle et l’instant d’après, elle atterrissait douceur. Elle faillit louper une réception, mais eut le réflexe de se rattraper. Au sol, son corps ondulait, et ses poses n’épargnait aucun angle sur son anatomie qu’une simple dentelle noire mettait en valeur.

Et d’autres suspendirent leur souffle quand elle monta toujours plus haut, grimpant autour de cette barre à la seule force de ses bras qui paraissaient pourtant si frêle. Elle fixait le plafond.

Pense à autre chose.

Arrivée au plus haut, Elle garda fermement la barre entre ses cuisses contractées et renversa son buste en arrière. Le sang afflua immédiatement à son front. Elle n’avait plus l’habitude. Avec précaution, elle desserra ses muscles et ses courbes glissèrent brusquement le long de la barre. Beaucoup loupèrent un battement de cœur, pensant qu’elle se fracasserait au sol, mais à quelques centimètres de ce dernier, elle coinça sa descente en resserrant ses jambes. Une main se posa à terre, puis l’autre, et elle se réceptionna dans une acrobatie simple, mais efficace, qui eût encore l’occasion de dévoiler ce qu’elle avait de plus sulfureux.

-Alors, elle, elle doit être plus douée pour faire l’amour que la guerre, quel cul, intervint le subordonné du sergent, assez fort pour se faire entendre du Sith non loin.
-On peut dire que oui.

Silence. Le sous-officier observait le médecin avec une touche d’admiration et de stupeur.

-Nooon, t’as couché avec ?

Il haussa les épaules en guise de réponse.



Le rebondi de sa poitrine épousa encore une fois la barre, alors que la musique reprenait. Et Dana se retrouva soudainement là, dans une pose lascive mais esthétique, essoufflée et échevelée. Elle avait l’impression que chacun de ses muscles brûlait d’agonie. Et l’un de ses poignets la faisait souffrir. Petite rançon de la gloire à venir.

Le Capitaine Fost fut le premier à se lever pour applaudir. Suivi de Grannath et de dizaines d’autres personnes. Elle écouta les échos de ces paumes qui frappaient avec consternation. Ce n’était pas elle qu’ils applaudissaient. Elle n’avait pas pu faire ça.

Arrête de sourire comme une conne. T’es plus au Lagon Noir.





-Ouais, c’est pas exceptionnel, clama Cleric devant l’holoprojecteur du mess ou les soldats moins gradés avaient eu droit à la retransmission.
-T’es juste jalouse eh, la taquina Tessa.
-Encore ! beuglèrent quelques militaires qui applaudissaient bien trop franchement. Et faîtes plus de zoom HEIN !
-Les hommes…râla-t-elle.
-J’ai apprécié le spectacle moi, sourit Gharissa.
-C’est parce que t’aimes les nanas, c’est pas pareil, rétorqua la rousse à la recherche d’un peu de soutien. Ils auraient pas pu nous débaucher un beau mec pour faire la même chose eh ?
-Eh Cleric, tu veux un beau mec ? Me voici ! ricana l’un de ses camarades qui l’avait entendu. Mon moral est regonflé à bloc tu peux venir en profiter !
-Je préfère encore astiquer les canons de Mii’Shel, lui opposa-t-elle avec une moue agacée.


Horakk Antarxarxès
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-- Orbite de Dromund Kaas --


C'était désormais une certitude : il la connaissait. Mais, d'où ? Agaçante question. Le simple fait de ne pas parvenir à recoudre le présent et le passé le dérangeait. Il y avait là quelque chose de dissonant, rien qui ne lui inspira confiance. Organiser ce simple évènement avait été un travail trop conséquent pour qu'il se solde par un échec à cause... d'un mauvais pressentiment.

L'alien s'échina à n'en rien montrer. Il garda pour lui son interrogation et ses soupçons, laissant la jeune femme faire preuve d'une familiarité qui aurait valu une remontrance mémorable à n'importe quel militaire. Les civils étaient bien souvent d'une impertinence incompatible avec leur mode de vie et leurs règles rigides. La question, déclamée sur un ton presque blasé, laissa les officiers perplexes. Les regards convergèrent brièvement vers le visage abscons de l'alien, dont le bec restait un obstacle majeur pour qui aurait voulu interpréter ses expressions faciales.

" Où est-ce qu’on peut fumer ? "

A l'extérieur, en terrasse, eut-il envie de rétorquer, sarcastique. Il n'en fit rien. A peine ses oreilles bougèrent-elles sous l'effet de sa déception.

" Vos quartiers sont équipés de système de renouvellement d'air, répondit-il avec une pointe de sévérité nouvelle, vous pourrez vous détendre là-bas. Initier flammes ou étincelles ailleurs que dans les zones accréditées est strictement interdit. Tout le détail est résumé dans le document qui vous a été remis. Veuillez noter également que les notes privées qui vous sont adressées ont une date de péremption : elles s'autodétruiront à la date indiquée. Je ne peux donc que vous enjoindre à en prendre rapidement connaissance. "

Sur cette nouvelle couche de règlementation rébarbative, l'amiral jugea qu'elle en savait désormais bien assez pour pouvoir circuler à bord le temps nécessaire. D'un geste du bras, il l'invita à suivre le capitaine Fost, dont la proactivité explosait tous ses précédents records.

" Vous pouvez disposer. Bon séjour. "

Le regard perçant du rapace continua de suivre le dos de l'humaine, jusqu'à ce qu'elle ait disparu dans l'ombre de l'immense porte blindée en contrebas. Tout son plumage frémit alors, témoignage de la tension qui l'animait : cette soirée s'annonçait bien plus délicate qu'il ne l'avait escompté.

Mais, bien loin de s'en offusquer, le rishii prenait cela comme un authentique défi. Première étape : il devait absolument comprendre pourquoi le Nexu's Room n'avait pas envoyé la twi'lek tel qu'il le leur avait notifié quelques jours auparavant. Ensuite, où, nom d'une lame, avait-il rencontré ce visage, ces yeux là ? Il devait bien parvenir à s'en souvenir !

Sombre, il circula une longue minute le long de la baie vitrée. Le regard interrogatif et inquiet du capitaine Elbar le ramena subitement à la réalité, qu'il paraissait avoir quitté, emporté dans ses propres calculs.

" Capitaine Elbar, capitaine Vaarguant : faites disposer les unités Mark I le long des coursives 1A à 12J. Je veux également le déploiement intégral des unités de détection anti-intrusion sur chaque voie d'évacuation des hangars. Respectez les consignes prévues à cet effet. Dites également au Sibyllin de prendre tous les relayages qui nous seront adressés pour la prochaine heure. Le commandant Dremilcol est d'ores et déjà au courant.

-Bien, amiral. A vos ordres... "

Elbar laissa trainer un regard plein d'incertitude, comme si, malgré sa bonne volonté, l'état de préoccupation inhabituel de son supérieur était communicatif. Il n'osa cependant pas demander la raison d'une telle attitude. Lorsque les deux hommes eurent quitté la salle, Horakk se dirigea vers l'extrémité du pont, dégainant son holocommunicateur. Il hésita une brève seconde. Le temps d'examiner si, compte tenu de la situation, ce qu'il s'apprêtait à faire en valait réellement la peine.

Un officier averti en vaut deux milles, le bleu.

La pointe de sa griffe appuya sur le clavier, validant le numéro sélectionné. La petite silhouette fine et sèche de l'opératrice des services secrets apparut instantanément dans le faisceau de l'appareil. Son regard se figea une seconde, avant qu'elle ne déclame d'une voix sombrement monocorde :

" Agent 17, au rapport. Bonsoir, amiral.

-Navré de vous interrompre, agent 17, mais j'ai une tâche urgente à vous confier. J'ai besoin que vous vérifiez pour moi l'identité d'une personne montée à bord ce soir, s'enquit Horakk avec concision, elle ne correspond pas au portrait de celle que nous attendions... Et j'ai quelques raisons d'avoir des craintes sur une tentative d'infiltration d'un évènement privé de la marine. Des soupçons, pour l'heure peu fondés, sur une usurpation d'identité.

-Des soupçons ? répéta la cyborg avec un regard incertain, de quel genre ? Un comportement suspect ?

-Du genre que son visage ne m'est pas inconnu... Je ne dispose que de très peu de temps : je dois me rendre au pont inférieur dans la minute. Je vous envoie l'holoportrait enregistré depuis nos caméras de surveillance. Vous avez tout au plus une dizaine de minutes pour me donner un résultat : je dois savoir si cette femme est bel et bien une danseuse du Nexu's Room... ou une usurpatrice. Je dois pouvoir agir rapidement.

-Une dizaine de minutes ? " fit 17, étonnée.

Elle pianota sur un clavier hors du champ de la caméra, avant de revenir vers Antarxarxès :

" Je communique votre demande à notre superviseur, mais je doute que nous puissions avoir un résultat aussi vite. Je vous rappelle dès que j'ai du nouveau... Vous devriez suivre votre "invitée" à la trace le temps que je puisse confirmer ça.

-C'est bien ce que je compte faire. " confirma-t-il en refermant le comlink d'un geste sec, le poing fermé.

Il quitta le pont d'un pas résolu, sa queue aux longues plumes blanches se balançant discrètement dans son dos. Déjà, dans le ventre de l’Égide, des centaines de marins convergeaient vers la salle qu'ils avaient consacrée à l'évènement. Lui, en revanche, avait encore un léger détour à faire avant de prendre part aux festivités.


-- Orbite de Dromund Kaas -- Pont Inférieur de l’Égide de Krayiss --

" Elle est là !

-Tu l'as vue ?!

-Ouiii...! Juste une seconde, mais c'était bien elle ! Elle est là, derrière l'estrade ! "

Dans le brouhaha incompréhensible qui régnait au sein de l'immense salle sombre, l'équipage, ravi de cet interlude festif des plus dépaysants, s'en donnait à cœur joie. Dans le fond de la salle, bien loin des oreilles inquisitrices des officiers, les soldats commentaient avec un entrain renouvelé l'action encore inexistante.

" Qu'est-ce qu'on attend ?! On est déjà assis depuis cinq bonnes minutes... J'ai soif, moi.

-Tu veux pas plutôt une main aux fesses en attendant, chérie ? Y paraît que ça réchauffe autant ! Ahah !

-Mon blaster dans ton froc aussi, il va chauffer, gros bantha !

-Eh ! Pas devant les enseignes, quoi !

-Fermez vos gueules, là-bas ! souffla une immense armoire à glace par-dessus son épaule, l'amiral arrive ! "

Comme des enfants pris sur le fait, les sous-officiers se murèrent brusquement dans un silence coupable, laissant l'ombre du carré d'officiers dépasser leurs rangs en direction de la scène. Les murmures reprirent sitôt la menace éloignée.

Quelques visages osèrent se retourner pour les regarder passer. Horakk ne dévia pas de son objectif : les places qui leur avait été réservées au premier rang, juste à la hauteur de la scène. L'intégralité de la salle avait entièrement été réaménagée au cours de la journée par une légion de droïdes de maintenance, afin de pouvoir accueillir les rangées de siège et tout le matériel nécessaire au rendu final du petit spectacle. Tout était donc parfaitement en place au milimètre près - comme il était d'usage dans la marine impériale, ce depuis qu'elle existait. A une exception près : Antarxarxès n'avait pas prévu que son humeur se soit tant dégradée avant même la fin de la soirée et son lot d'imprévus.

Parce que désormais, il savait.

Il savait que la personne qu'il avait accueilli à bras ouvert n'était pas celle qu'elle aurait dû être. Comment ? Cela en revanche, il l'ignorait encore. Mais plus pour longtemps - c'était la promesse glacée qui se gravait dans son regard inhumain. Quel qu'est été le but ultime de cette improbable manœuvre, il ne permettrait jamais que l'on usât de son équipage, de son vaisseau, à des fins cryptiques sans son accord. La voix de l'agent résonnait encore dans un coin de sa tête lorsqu'il traversa le seuil de la porte qui menait directement derrière les derniers rangs des spectateurs.

" Dana Shar : le superviseur a été formel, amiral. La femme qui s'est fait passée pour votre poledanceuse est une agent de l'Inquisition. Votre infiltration n'en est donc... pas vraiment une. Pas si j'en crois mes données. Son dossier est en règle - je ne vois rien qui aurait pu nécessiter une couverture à l'heure actuelle... Pas sur l’Égide, ni sur Kaas. Je n'ai pas plus d'informations à vous communiquer malheureusement... Inquisition oblige. Désolée. "

L'information l'avait pris de court : que venait donc faire l'Inquisition à bord de l’Égide ? Et surtout : maintenant ?! De tous les soirs possibles, il avait fallu que ce soit celui-ci. Le mystère restait entier, mais plus encore : quel intérêt ? Il manquait bien trop de pièce à ce curieux puzzle. La présence des Sith de l'Inquisition était souvent synonyme de complots et autres trahisons plus ou moins avérées. Rien qui ne pouvait provoquer autre chose qu'une implacable colère dans l'esprit du serennien. A présent, l'envie de mettre sur pause toute cette agitation et de confronter l'inconnue lui tordait les boyaux. Ce n'était ni les protocoles de la marine, ni ceux de l'Inquisition. Quelque chose clochait, visiblement.

Hélas, il était trop tard pour envisager de faire machine arrière. Tout interrompre maintenant aurait été une catastrophe, autant pour leur travail que pour leur image. L'inquisitrice infiltrée semblait étrangement se plier au jeu. Alors, il décida de jouer son propre rôle, passant sous silence ce qu'il venait de découvrir, déterminé à faire rentrer les choses dans l'ordre sitôt que l'occasion se présenterait - quitte à provoquer cette occasion lui-même. Une esclandre devant son équipage était proscrite, et il doutait que même l'inquisition puisse sciemment souhaiter un tel dénouement. Ce devait être un jour de fête - pas une vulgaire tragicomédie !

Il demeura donc de glace, s'efforçant de se peindre un masque d'enthousiasme qui n'avait plus la même sincérité qu'auparavant. En traversant l, son regard calcula machinalement le fait que la disposition des lieux avait été respectée à la lettre, et que l'holotransmission destinée au reste de l'équipage qui n'avait pu s'entasser là était bel et bien en place. Les rangs avaient été attribués en fonction des grades, mais également en fonction de l'ancienneté. Certains sous-officiers vétérans, naviguant parfois à bord du croiseur depuis des années, s'étaient ainsi vu récompensé de leur travail par une place au premier rang, en témoignage du respect qu'il leur portait. Certains d'entre eux avaient vu autant de batailles que lui, et beaucoup lui étaient cher, sur un plan purement relationnel. L’Égide de Krayiss, au contraire de certains autres bâtiment de la marine impériale, s'était acquis une réputation singulière de par son esprit de corps tout droit sorti de l'idéal militariste de son meneur. Si la théorie ne rejoignait pas toujours la pratique, c'était à mettre au rang des qualités les plus remarquables de cet équipage.

Lorsqu'il arriva auprès de ses proches subordonnés, déjà confortablement installés, il avisa un nouveau visage parmi tous les traits familiers. Dans son uniforme noir des plus sayant, le capitaine Lloyd Hope, nouvellement intégré, semblait quelque peu distant. Délaissant une seconde ses préoccupations secondaires, Antarxarxès acheva de saluer les officiers qui se levaient sur son passage, pour s'arrêter à la hauteur du jeune Sith. Ce dernier, absorbé par quelque réflexion intense, ne releva la tête qu'en décalage.

" Capitaine Lloyd Hope, je présume ? "

Il attendit de pouvoir capter pleinement l'attention du jeune homme blond, dont les traits sculpturaux ne pouvaient évoquer qu'une seule ascendance fort particulière. Le rishii sourit, les commissures grises de son bec s'étirèrent maigrement. Sa voix profonde et calme couvrit un temps les murmures environnants, concédant au proche-humain la même chaleur que celle qu'il consacrait toujours à ceux qu'il estimait :

" Votre intégration à notre équipage se fait-elle selon vos désirs ? Les préparatifs de cette unique soirée, couplés à ceux du défilé, nous ont grandement accaparés ces derniers temps... Et je regrette de n'avoir pu vous consacrer davantage de mon temps depuis votre arrivée. J'espère néanmoins que notre bâtiment se montre à la hauteur de vos espérances en matière de technicité ? J'aurais grand plaisir à échanger sur vos impressions, à l'occasion. En matière de vaisseaux et d'armement, les progrès à faire sont perpétuels. "

Le court échange avec l'étrange Sith blond terminé, il gagna finalement sa place. Une poignée de minutes plus tard, la salle fut plongée dans une obscurité quasi totale. Le jeu de lumière fit apparaître la scène devant eux, illuminant l'immense barre verticale seule au milieu, comme un point d'exclamation incongru. Antarxarxès inspira, concentré sur ce qui allait suivre. Il tâcha de mettre ses appréhensions diverses de côté, souhaitant capter au mieux tous les détails des instants où leur vigilance à tous serait sans doute moindre.

Il était, après tout, la figure paternelle, même purement symbolique, de ce navire. Celui qui, des années durant, avait fait de son mieux pour les mener au travers d'innombrables difficultés et qui, peut-être trop au goût de certains, les considérait comme bien plus que du simple bétail.

Elle laissa tomber sa robe, comme pour leur donner le signal que... tout était ici et maintenant. Les oreilles du rishii pivotèrent malgré lui. La lumière crue sur la peau nue dessinait un tableau digne des plus grandes peintures, avec une solennité qui tranchait avec la musique choisie. Elle souriait. La petite main humaine se posa sur la barre, avec un léger chuintement que l'ouïe de l'alien capta avec intérêt.

Souple. Féline. Le paradoxal mélange de l'acier et de la soie, du cuir et du velours, de la chaleur douce de la peau vivante sur le froid dur du métal inerte. Fantasmagorique paradoxe qui attirait tous les esprits à lui comme une nuée d'éphémères ! Autour d'elle, le monde s'était arrêté, figé, centré sur sa danse hypnotique.

La foule retenait son souffle, parfaitement silencieuse. Les notes évocatrices de la musique éveillèrent les sens. Le public tout entier n'avait d'yeux que pour elle. Une foule de sentiments contradictoires étaient fugacement passés dans la prunelle étincelante de ses yeux. Assis à un pas de la scène, Antarxarxès n'en avait pas loupé une miette. Tout comme lorsqu'elle se coula langoureusement le long de la barre, en un grand écart qui tira quelques exclamations ébahie de la foule. Quelques contorsions plus tard, elle était en l'air, son corps seulement vêtu du strict minimum. De quoi enflammer la plupart des esprits, même les plus simples... Horakk cligna des yeux, surpris malgré lui par la tournure sulfureuse de la démonstration. La proximité de la danse lui offrait une vue absolument imprenable. Et tout noble qu'il fut, le mâle qu'il demeurait ne pouvait lutter contre sa propre imagination, lancée à pleine vitesse par les évocations on ne pouvait plus explicites de chaque geste, chaque courbe, chaque délié. Figé sur son siège, il la vit redescendre sur le sol de l'estrade comme une onde fluide, dessiner un large cercle du bout de son pied, lui tourner le dos dans un déhanché qui l'aurait fait souffrir, laissant à son appréciation des paysages exotiques que seul protégeait un mince voile de dentelle noire.


Madre Mia.


Depuis un bon quart d'heure, il avait étrillé sa mémoire pour tenter de se souvenir du visage qui s'était présenté devant lui. Dès que la jeune femme avait fait son apparition, le souvenir l'avait giflé avec une force phénoménale, le laissant avec une expression proche de la mortification. Protégé à moitié par le secret des ombres, il n'en demeura pas moins sidéré par ce qu'il voyait.


-- 9 ans plus tôt --

" Allez, commandant ! C'est pas tous les jours qu'on se paye une perm' à Kaas City ! Autant en profiter ! "

L'homme lui avait décoché un coup de coud virulent dans les cotes en guise de motivation. Le sourire carnassier du capitaine parvint à lui déteindre dessus. Horakk sourit à son tour, dévisageant l'humain avec une fausse suspicion :

" Vous êtes vraiment sûr que ces "spectacles" en valent la peine ?

-Au Lagon Noir ? Pour sûr ! On fait pas mieux dans le genre... Enfin, pas à ma connaissance ! J'ai pas encore testé toutes les cantina de la Bordure ! Ahahahah ! "

La petite horde d'officiers revenus de mission s'était égayée dans les rues rutilantes des tous nouveaux quartiers de Kaas City. Antarxarxès avait regardé ces rues flambant neuves avec un mélange d'admiration et de tristesse. Lui, sans doute bien mieux que beaucoup des jeunes soldats venus aujourd'hui, connaissait le quotidien sans pitié de ceux qui avaient trimé pour bâtir ces complexes sortis de terre.

Emboîtant le pas aux autres marins, Antarxarxès parvint au pied d'un grand immeuble décoré de larges panneaux holographiques indiquant toutes sortes de divertissements prometteurs aux badauds. L'un d'eux clamait en lettres capitales : "Lagon Noir". Avec entrain, ils étaient entrés. Ils étaient chez eux, en terrain conquis, rentrés victorieux d'une guerre qui peinait encore à exister, mais qui ne manquerait pas de les couvrir de gloire... ou de terre.

" Pourquoi on l'a invité, celui-là ? Depuis quand les aliens s'intéressent aux jolies filles ?!

-Depuis que les gars dans ton genre zieute des twi'lek, nigaud, répondit une femme dont le grade était illisible dans la pénombre.

Horakk ne répondit rien. Il se contenta d'ignorer la verve de l'inconnu, indifférent à ce qu'il côtoyait bien trop souvent. Pour autant, la voix s'était rapprochée d'eux. Etait-il conscient que ses longues oreilles d'avien étaient bien plus alertes que celles, rondes, d'un être humain ? Peu probable. Le commentaire ne cherchait pas à être discret, néanmoins.

" Tu parles ! Comme si c'était comparable ! Il sait même pas à quoi ressemble une paire de miches humaines ! "

Cette fois, l'agressivité moqueuse contenue dans la voix ne pouvait être ignorée. Même Sorran avait jeté un coup d’œil à son supérieur avec une attente manifeste. Comme jadis sur le parvis de l'Assemblée des Grandes Maisons, on le provoquait ouvertement. On le réduisait à sa simple apparence, qui devenait de fait une source inépuisable de raillerie. Fallait-il que ces esprits étroits et sans avenir n'y voient qu'un sujet de moquerie, alors qu'il était évident que leurs différences morphologiques. Savait-il, celui-là, qu'un seul coup de son bec au travers de son immonde visage le rendrait laid et handicapé à vie ? Ou faisait-il semblant de croire que se sentir en minorité obligeait l'alien qu'il était à rester sage ? Il était un Antarxarxès avant d'être un rishii.

Horakk stoppa sa marche et attendit une brève seconde d'entendre les pas du militaire s'approcher encore de lui. Il se retourna alors vers son adversaire du jour, oreilles droites et une expression des plus doucereuses peintes sur ses traits durs. L'humain en question était une grande bringue à l'uniforme vaguement de travers, les cheveux d'un roux criard.

" Laisse-moi deviner, fit Horakk avec un long sourire plein de sournoiserie, elles ne ressemblent pas aux tiennes ? "

Les officiers de l'Hécatombe éclatèrent de rire. Le visage de l'officier roux vira au cramoisi. Il recula comme si Horakk l'avait giflé, une expression de profond dégoût tordant ses traits juvéniles :

" Ne m'approche pas, saleté d'alien ! "

Horakk ne se démonta pas une seconde, et combla l'écart qui venait de se créer en avançant d'un pas. Autour d'eux, les têtes des marins et des quelques soldats présents dans le couloir s'étaient retournées.

" Commandant Antarxarxès, rectifia le serennien, glacial. Et je ne vois rien de sale ici, si ce n'est peut-être la semelle de tes bottes. "

A ses côtés, il sentit plus qu'il ne vit Sorran se ranger à sa droite. A sa gauche, il capta soudain la petite silhouette élégante de Leonora Soelenn. Leur vieille rivalité avait fini par devenir, contre toute attente, une grande source d'entente entre les deux jeunes promus. Il ne s'était guère attendu à ce qu'elle les suive dans leur recherche de loisirs dépravés, mais il fut presque soulagé de voir qu'elle était prête à se mêler à la bagarre si la situation l'exigeait.

" Comme si ce grade pouvait réellement être donné à un alien... C'est ridicule. Un oiseau qui commande une frégate... ! ricana le roux, cherchant un soutien du regard,

-C'est sans doute bien plus logique qu'un bipède sans aile qui prétend savoir faire voler trois-cent mille tonnes de duracier. Tu te permettras de commenter le jour où tu sauras t'élever de plus de trente centimètres au dessus du sol... Le rampant. "

La tête haute et le regard perçant, Horakk avait mis tout le mépris dont il était capable. Il avait appris à jouer à ce jeu sans doute bien avant la naissance de celui qui lui faisait face. Les rires firent place à un demi-silence fébrile. Conscient qu'il était en infériorité numérique, l'humain pâlot se contenta de feuler comme un chat échaudé :

" Tu me le paieras, espèce d'oiseau débile...! On ne m'insulte pas impunément !

-Pas plus que moi, rétorqua Antarxarxès, qui avançait encore, main sur le pommeau de son arme, prêt à provoquer en duel le premier, quiconque se targue de traiter un Antarxarxès comme tu viens de le faire devra en répondre par les armes ! "

Une main féminine l'arrêta à temps, alors que le rouquin disparaissait dans les couloirs de la cantina. Il jeta un œil sur cette main basanée, posée avec douceur sur la sienne :

" Laisse tomber, commandant, tu ne le changeras pas avec des mots - et couper la tête d'un officier sur Kaas quand on est pas Sith, c'est pas conseillé ! - Elle désigna du menton l'ombre qui avait disparu derrière une porte - Jonas Kishtar, rejeton du trou du derche du même nom, bien trop crasseux pour avoir des manières, comme toute sa piètre famille... Rien qui ne nécessite que tu t'attires des ennuis ! "

Elle disait visiblement cela en connaissance de cause. Débarrassé des quelques gêneurs, leur groupe accéda enfin à l'endroit tant convoité, où l'ambiance sombre et rougeoyante promettait bien plus qu'un simple spectacle de danse. On ne venait pas dans une telle cantina pour un simple brandy correlien.

" J'aurais dû lui expliquer la différence entre un oiseau et un avien. La réponse aurait été plus didactique ! " plaisanta Horakk.

Le jeune kaasi haussa les épaules avec un sourire en coin.

" Bof. Moi, en général, j'lui réponds merde. En principe, ça colle avec tout. Et ça m'évite d'avoir à lui construire une vraie réponse qu'il mérite pas ! "

Horakk rit à son tour. Ils entrèrent finalement dans la large salle en arc de cercle qui constituait le sous-sol du célèbre Lagon Noir. Elle était déjà noire de monde - principalement des figures de la flotte, venue en nombre fêter leur permission, comme il était de coutume. Un orchestre jouait à l'arrière de la scène.

" Cher public ! Voici maintenant la beauté qui a fait chavirer bien des cœurs sur Kaas City... Une chevelure aussi ténébreuse que le Temple Noir ! Faites un accueil chaleureux à... DANA ! "

Le public du Lagon Noir se mit à rugir entre les quatre murs de la cantina. Depuis les coulisses, une magnifique jeune femme brune, dont la petite silhouette était soulignée par une tenue qu'il aurait été euphémique de qualifier de "légère", entra en scène. Instantanément, les sifflements appréciateurs se firent entendre, avec toute la finesse dont des militaires impériaux déchaînés étaient capables. Tout ce que la technique permettait en matière de sons et lumières étaient déployé sur les quelques mètres carrés de scène qui constituait le pilier central de la cantina. Tout autour de la salle, les divers bars étaient bondés. Tous les balcons débordaient de visages hilares des marins venus s'enjailler.

La soirée promettait d'être longue - et arrosée.


La danseuse avait pris place, ses pas souples la menant jusqu'au devant de la scène avec un déhanché suggestif. Les rumeurs avaient décru, ne conservant que les quelques commentaires grivois des plus jeunes, dont le regard étonné découvrait avec ingénuité la silhouette dévêtue qui se présentait à eux, pleine d'une intrigante confiance. Horakk, laissé dans l'ombre par la foule compacte de la balustrade, venait ici avec peu d'attentes particulières. A peine savait-il ce que ses camarades avaient envisagé comme activité du soir. Cela lui donnait un esprit léger et décontracté, parfait pour entamer une permission. Il n'était plus un niais depuis longtemps. Il n'était pour autant pas un régulier du Lagon Noir, et celle qui venait à eux poussait en avant sa curiosité naturelle. La plupart des danseuse de cantina étaient des twi'lek ou des zeltronnes. Rarement des humaines, et rarement d'un teint aussi délicatement pâle.

Antarxarxès, coincé entre deux de ses collègues, la tête posée sur son poing, le coude sur la rambarde, détaillait la danse singulière avec grand intérêt. Etait-elle "belle" ? Il n'en savait trop rien. Il sentait juste sa curiosité croitre à chacun de ses mouvements, toujours fluides, toujours parfaitement calculé, mus par une longue habitude. Faute de la trouver belle, il la trouvait attirante. Comme pouvait l'être une femelle de toute espèce, par la simple aura qu'elle dégageait, mélange subtil de douceur et de danger.

Lorsqu'elle se mit à escalader la barre en tournoyant, le rishii sentit son échine se hérisser. La cambrure de son dos était proprement surréaliste, la souplesse dont elle leur faisait la démonstration l'impressionna au plus haut point. Son expression n'échappa pas à sa compagnie.

" Dis donc, ça fait mouche, on dirait... pouffa Leonora en lui décochant un regard complice,

-Je me demande comment elle fait pour plier sa colonne à un tel degré ?

-C'est son métier... Elle fait ça tous les jours. "

Il ne s'aventura pas à aller plus loin dans ses questions. L'ambiance s'était considérablement réchauffée, et il doutait que ses interrogations passent pour autre chose qu'un intérêt déplacé.
Il retourna donc son regard vers "Dana" et ses fabuleuses acrobaties, dont la chorégraphie prenait un rythme effréné. La danse devenait sinueuse, soyeuse, sensuelle.


Feu Lagon Noir, feu Sorran, feu Kishtar, feu Soelenn, feu l'Hécatombe.

Ne restait plus que Dana.


Son regard plein de furieux mystères, ses mains de pianiste contre la barre chromée, fardée de lumière et d'ombre.

--

" BRAVO !!! "

Horakk émergea lentement de son souvenir, comme d'une transe étrange. Les hourras et les sifflements lui emplirent tout à coup les oreilles. Il cligna des yeux, les bras toujours croisés dans la position qu'il avait adopté plusieurs minutes plus tôt. Autour de lui, la salle toute entière s'était levée à l'unisson pour applaudir la performance. Les visages des hommes de l’Égide étaient plein d'une joie qu'il n'avait plus vu depuis des années. Ce simple intermède, ce culot pleinement assumé de l'armée de vouloir penser à autre chose - et quelle autre chose ! - avait finalement porté ses fruits. Dans quelques jours, ils défileraient sur Dromund Kaas, sur Kaas City, devant le Conseil Noir et l'Impératrice en personne.

Et l'auraient-ils fait ce soir, dans la foulée, qu'ils n'auraient pu être plus rayonnants.

Les yeux dorés de la brune accrochèrent soudain les siens, dans la clarté revenue de la salle. Sans dévier son regard d'un seul degré, Antarxarxès leva lentement ses mains gantés et, d'un geste élégant presque ralenti, exagéré, applaudit à son tour.

Félicitations, inquisitrice Shar. Vos talents sont multiples.

Mais sa pensée ironique ne quitta jamais sa gorge. Il se contenta d'applaudir en silence en la regardant, indifférent aux officiers qui les entouraient. Dans le creux de ses prunelles bigarades brillait un éclat où se mêlaient lucidité méfiante et satisfaction admirative. Et peut-être, aussi, un discret et rêveur désir.

--

Le spectacle n'avait durer guère plus d'un quart d'heure, mais c'était comme si l'éternité s'était écoulée depuis qu'il avait accueilli l'humaine à bord de l’Égide.

Avec toute la discipline qui les caractérisaient, les marins impériaux avaient quitté la salle rang par rang, se dirigeant dans un brouhaha inhabituel vers le mess des officiers, où, d'après le bref discours d'un Virdis Granath ravi, la soirée se terminait par une soirée dansante accompagnée d'un buffet. Un grand classique des autorités impériales, très apprécié de la haute société. Une soirée éclectique qui se doublait en réalité d'une autre, réservée cette fois aux milliers de soldats déjà bien en train, dont le nombre et la tenue n'aurait jamais collé à une telle coutume. Ce soir, il n'y aurait pas un seul dortoir tranquille à bord.

La scène était vide, mais la haie d'honneur formée par les officiers de l’Égide ne laissait guère le choix à la jeune femme. Si elle avait escompté s'éclipser de la scène pour souffler en cachette... c'était raté.

Fost, toujours aussi proactif, n'avait pas tardé à ramasser lui-même la robe laissée dans un coin, pour la tendre avec déférence à la brune afin qu'elle puisse se vêtir. Elle fut applaudie encore, mais les regards qui étaient dardés de toute part sur sa silhouette n'avaient plus rien d'innocent.

Dès qu'il se fut levé, ses hommes l'invectivèrent avec bonhommie, visiblement tous très motivés par ce qu'ils venaient de vivre. Ou de rêver.

" Toutes mes félicitations, amiral ! J'étais presque déçu que notre Kiwi nationale n'ait pas pu tenir le rôle, mais là... "

L'humain ne termina sa phrase qu'à grand renfort d'expressions explicites. Son enthousiasme décrocha un rire léger à l'officier. Antarxarxès les salua avec le sourire, échangeant quelques mots à la volée, l’œil toujours fixé sur Dana Shar. Mais dans l'immédiat, il la savait trop surveillée pour s'en inquiéter. Il la laissa au bon soin des officiers tous plus enthousiaste les uns que les autres, le temps de donner quelques directives supplémentaires pour cette fin de soirée.

Son attention se reporta sur son commandant en second, resté de l'autre côté de la scène. Granath donnait ses ordres aux techniciens et aux droïdes chargés de remettre la salle en ordre dès la fin de la soirée annoncée. Il s'en détourna, toujours avec le sourire, lorsqu'il avisa l'amiral qui lui fonçait dessus.

" Un problème amiral ? demanda-t-il avec une pointe de surprise,

" Nous allons le savoir très vite. Je souhaite parler à... notre invitée, déclara-t-il, ne sachant quel nom lui donner sans trahir la recherche effectuée un peu plus tôt par leur agent de liaison.

-Quelque chose ne s'est pas passé comme prévu ? J'ai bien cru noter une nervosité, chez elle, avoua discrètement le grand cathar, mais j'ai mis cela sur le compte du stress... "

Il se passa une main fébrile sur le menton. Horakk leva une main en signe d'apaisement.

" Ce serait trop long à expliquer - pas maintenant. Je vais dénouer moi-même cette sombre affaire. Mais pas d'esclandre : faisons cela discrètement autant que faire se peut. Je veux que vous fassiez verrouiller tous les accès. Tous. Personne ne sort sans mon accord explicite. "

Granath ne cacha pas sa surprise. La froideur de son supérieur, après un tel moment de liesse, était si décalée qu'il ne savait trop quelle place lui donner. Ses réflexes militaires prirent néanmoins le dessus et il écarta l'idée de questionner davantage.

" A vos ordres... Je vais verrouiller les portes 14F et 12G, les unités Mark devraient déjà être en place. "

Il tourna les talons sur-le-champ, laissant l'amiral rejoindre le reste des troupes.

--

Dans le mess, décoré avec un goût tout particulier, l'invitée du soir ne faisait pas que des heureux. Quelques officiers, dont le fard ornait les yeux furibards, tenaient conciliabule loin de l'attroupement qui gravitait autour de la star du soir.

" Une vraie catin ! C'était juste d'une vulgarité atterrante... Je ne comprends pas comment l'amiral a pu tolérer ça ! C'est incroyable... je pensais le connaître, mais je me suis trompée. Et tous ces mâles débiles qui lui lèche les pieds...! Regarde-les ! C'est une honte ! Dès qu'on en a fini avec ce défilé à la noix, je me fais muter. Cette paix nous a vraiment rendu dingue ! "

Si son regard avait pu tuer, Miss Culotte en Dentelle serait morte de trois-cent cinquante manières différentes, toutes plus originales les unes que les autres. Mais en l’occurrence, elle était totalement impuissante face au succès retentissant de sa "prestation". L'enseigne, flanquée d'une moue crispée comme l'était la main qui tenait un verre en cristal, se tourna brusquement vers sa collègue, qui visiblement n'avait rien trouvé à répondre.

" Eh ! Tu m'écoutes, où tu fais juste semblant ?!

-Hein ? Oh... Oui. Oui oui. "

Mais les yeux de la jeune brunette étaient ailleurs. Plantés avec un désespoir douloureux sur la nuque blonde du capitaine Fost, lui-même aimanté dans le sillage de la danseuse. Visiblement, elle n'aurait pas la moindre chance avec lui ce soir - comme tous les autres soirs. Elle était sur ce navire depuis deux ans, et depuis deux ans, elle espérait qu'un jour, il daignerait enfin lever les yeux sur elle. Mais non. Il y en avait toujours une plus belle, plus charismatique, plus gradée. Et Anis Hadana restait avec son petit fantasme secret, seule. Elle se sentait plus pitoyable chaque jour qui passait, à soupirer comme une idiote, alors que d'autres auraient déjà eu le courage d'aller lui parler.

" Aaah ! "

Un liquide glacé venait de lui être jeté dessus. Son regard remonta jusqu'au bras de la femme qui lui faisait face, et sa mine exaspérée. Son verre était vide.

" Et là, tu m'écoutes ? grinça sa camarade, furieuse,

-T'es folle !! Je vais faire comment maintenant ?!

-C'est vrai ça, tu vas faire comment ? Vas donc te changer, maladroite ! Si un capitaine te prend avec un uniforme sale, tu vas pas rester longtemps à ton poste, hein ? "

Anis fusilla la jeune femme du regard, outrée.

" Tu n'es qu'une pauvre frustrée qui n'y comprend rien ! Dégage ! " explosa-t-elle en courant vers l'une des issues de la grande salle, où l'on terminait d'affluer. Les larmes aux yeux, elle s'efforça de rester digne et droite, comme on le lui avait enseigné dans la marine. Elle disparut entre les mâchoires des portes, essuyant la première larme qui était malgré tout parvenue à passer outre sa tentative d'un revers de manche. Soudain, dans le couloir devant elle, son regard enregistra l'image de deux énormes Mark I en faction, immobiles, leurs caméras braqués sur elle. Dès qu'elle s'en approcha, les machines se montrèrent hostiles :

" Ordre : Interdiction de quitter la salle avant : consigne. Faites demi-tour. Terminé. "

La jeune femme déglutit, stoppée net dans son élan. Elle ne s'y était absolument pas attendue... Depuis quand étaient-ils parqués dans le mess ? Par qui ? Pourquoi ? Sentant l'humidité imprégner le tissu pourtant épais de sa veste, elle tenta malgré tout de passer :

" Enseigne Hadana, affectation permanente au poste n°25 ! Demande permission d'aller aux sanitaires ! "

Mais l'imposant droïde ne bougea pas. Un cliquetis menaçant dissuada la soldate de tenter d'insister : les canons des bras de la machine étaient désormais verrouillés sur elle. Elle fit de son mieux pour respirer et se calmer.

" Ordre : Interdiction de quitter la salle avant : consigne. Faites demi-tour. Terminé.

- T-très bien... Si c'est les ordres...Ok. Je vais me débrouiller. "

Les droïdes de combat du vaisseau ne tirait pas sur l'équipage, pas si elle se pliait à la discipline qui devait être la sienne. Des ordres ? Très bien : elle s'y plierait.

Déboussolée, le devant de son uniforme détrempé, Anis fit demi tour, ne sachant plus que faire. Elle regardait de loin les officiers discuter entre eux, plus misérable que jamais. Et Fost était toujours vissé à cette fichue danseuse. Elle avait beau en vouloir à sa camarade revêche, elle comprenait son sentiment. Elle n'avait guère le cœur à faire la fête, toute impériale était-elle...

Mais sa réflexion morose fut interrompue par une apparition immanquable : entre les têtes humaines amassées, venait de sortir du couloir la silhouette carrée à la tête triangulaire inimitable d'Horakk Antarxarxès. Anis se crispa, pâle comme la mort. Elle se retrouvait à dix pas de l'amiral... et sa veste d’uniforme était trempée, luisante de sucre.

Cette soirée s'annonçait épouvantable !

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Lloyd Hope
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- … Et alors, je l’ai accompagnée et je lui ai dit : « vous êtes magnifique. » et là, elle a passé une main dans mes cheveux et elle a dit « j’adore vos cheveux », avec un clin d’œil.
- Nooon…
- Si, je vous jure, ça s’est passé comme ça…

Lloyd avait rejoint la rangée d’officiers du premier rang après avoir réussi à se débarrasser, avec assez peu de considération, de la mécanicienne rousse un peu trop bavarde à son goût. Le Capitaine Fost se gargarisait auprès de ses collègues d’une rencontre avec l’artiste du soir, qui n’éveillait pour le moment guère l’intérêt du hapien, monté à bord avec deux seules réelles envies : d’une part, rencontrer un Amiral de la trempe d’Antarxarxès, d’autre part, s’enterrer dans les entrailles de la créature de métal pour y garder les mains (et la tête) occupées dans les enchevêtrements ronronnants de ses mécanismes.

Les lieux dans lesquels il se trouvait étaient inédits par leur arrangement logistique : on avait réorganisé la salle de conférence pour la transformer en une arène dotée d’une scène centrale devant des centaines de sièges alignés. Les officiers discutaient bruyamment en circulant le long des rangées de fauteuils pour y trouver leur place. Les pronostics allaient bon train et on portait un intérêt tout particulier au capitaine Fost, qui visiblement était dans la confidence. Lloyd, quant à lui, s’était contenté de saluer poliment les officiers qui lui avaient porté un intérêt distant – on se méfiait toujours des Sith à cause de leur réputation sulfureuse – à part peut-être le médecin mirialan qui lui avait serré la main assez chaudement.

- Bienvenue parmi nous, capitaine Hope. Je suis le docteur Tibalde Aarian. Mais vous pouvez m’appeler Doc, comme tout le monde. Vous nous rejoignez pour combien de temps ?
- Enchanté, docteur. Quelques jours, seulement.
- Vous arrivez au bon moment, vous avez un bon flair pour trouver les festivités.
- Ce sont les festivités qui me trouvent, en général.

Les deux hommes se sourirent et leur échange fut interrompu par l’arrivée de l’Amiral. Le solennel Rishii imposait le silence et le respect par son attitude autant que par son regard perçant, vers lequel Lloyd se tourna tardivement, encore peu au fait des choses implicites qui se lisaient dans les attitudes de ses comparses officiers et qui auraient dû l’alerter de la proximité du personnage. Néanmoins, il se tint à côté des autres avec la même déférence silencieuse.
L’Amiral s’adressa directement à lui, et Lloyd acquiesça respectueusement pour confirmer son identité.

- Tout se passe parfaitement, Amiral, je vous remercie. L’Egide de Krayiss dépasse mes espérances, j’apprendrai beaucoup de ce séjour sous votre commandement. J’en profite pour vous transmettre les salutations du Castellan Noir, qui vous est reconnaissant d’avoir accédé à sa requête.

Un officier à droite de l’Amiral jeta à Lloyd un regard sceptique, mais le hapien l’ignora. Il passerait peut-être pour un lèche-bottes, mais tant pis. Pour une fois qu’on ne l’envoyait pas sur une mission suicide, il comptait bien s’éviter des ennuis en ne passant pas pour un fauteur de troubles. De surcroît, ses espérances en matière d’apprentissage du fonctionnement d’un croiseur impérial et de son commandement étaient sincères.

Leur échange s’arrêta là. Lloyd ne savait guère quel genre d’opinion utile il fournirait à l’Amiral sur l’armement de l’Egide mais il nota dans un coin de son esprit la tâche d’y réfléchir afin de ne pas être pris au dépourvu.

Soudain les lumières s’éteignirent et Lloyd imita les officiers en s’asseyant. Fost, qui avait momentanément disparu, revint dès qu’une silhouette élégante se découpa dans un jeu d’ombre. Le hapien cligna des yeux, qui n’étaient pas encore habitués à la nouvelle obscurité, puis le projecteur éclaira subitement l’artiste.

Une longue robe noire, des cheveux tout aussi sombres qui cascadaient au-dessus d’un corps taillé dans le muscle. Et un sourire. Un sourire que Lloyd n’avait jamais vu sur ce visage.

L’ennui, c’était qu’en dehors du sourire, il connaissait parfaitement le reste de la personne qui tenait la barre.

Dana.

Son cœur manqua un battement. Pendant trois secondes successives, il essaya intensément de se convaincre qu’il s’agissait d’un sosie. Qu’il était en train de délirer. Que sa parano refaisait surface, son esprit le trahissant une nouvelle fois.

Pas Dana.

Mais si, bien sûr, c’était elle. Dès que la robe tomba à ses pieds, il en eut la certitude : il reconnaissait parfaitement cette peau, ces courbes. Il ferma un bref instant les yeux. Quand il les rouvrit, les pieds de la jeune femme avait quitté le sol et toute la salle avait retenu son souffle. Il eut la sensation aiguisée, désagréable, que le spectacle magnifique lui échappait comme la surface de l’océan s’éloigne alors que l’on croit voir le soleil et que l’air vient à manquer. Comme le transparacier qui se fissure au cours d’une bataille, dans une explosion magnifique d’étincelles de mille couleurs : la conscience aiguë de la beauté, l’horreur de constater qu’elle signifie la fin de toute chose.





Une lame m’ankylose, les éclairs de tes yeux crachent à l’infini
Tes jambes cisaillent la lumière à en déchiqueter la nuit






Les commentaires du mirialan et de son subalterne à quelques pas de lui s’ajoutèrent à la surface du spectacle en traçant un sillon de glace dans le brasier qu’était devenu l’arène. Lloyd sentait la tension de tous ces hommes aux yeux rivés vers l’artiste. Chacune de ces paires de globes inquisiteurs se repaissait des mouvements ensorcelants de l’Inquisitrice. Le hapien chercha désespérément le regard de Dana, comme pour la supplier de se rendre compte, mais bien sûr elle ne pouvait le distinguer dans cette marée de désir. De toute façon, qu’aurait-il pu réellement lui transmettre ? Il était là, les yeux écarquillés, à suivre comme les autres la courbe de son dos qui s’accentuait dans un mouvement théâtral. L’échancrure des balconnets de son soutien-gorge qui menaçaient constamment de laisser échapper un sein trop libertaire. La chute du corps stoppé à quelques centimètres de la scène. L’horizon qui se dévoilait quand les rideaux de peau s’écartaient comme un éventail de sensualité.

-------

-------

-------Le numéro se termina aussi brusquement qu’il avait commencé. Les soudains applaudissements arrachèrent Lloyd de sa transe et il se rendit compte qu’il tremblait. Même ses mains. Il ne savait pas pourquoi. Par mimétisme, il se mit à applaudir lentement. Tout le monde se leva, alors il se leva aussi, les yeux toujours levés vers la silhouette, écarquillés d’une consternation stupéfaite.
C’était une standing ovation.

-------

-------

-------- Hope ! Hope c’est toi ?

Merde. Il avait presque réussi à s’échapper de la fournaise. Dès que le spectacle était terminé, il avait profité du flot qui s’écoulait vers le mess pour la suite des festivités pour essayer de s’éclipser. Il n’avait aucune envie d’entendre des centaines de gars fantasmer allègrement sur Dana. Alors qu’il avait réussi à sortir du troupeau, cependant, une voix l’avait interpelé et il se retourna lentement, pour faire face une enseigne trapue ; un humain à la peau qui tirait sur un jaune qu’il mit une seconde à reconnaître.

- Sebey ?
- Un peu mon n’veu !!

Sebey lui serra la main avec ses deux paluches enthousiastes. Il n’avait pas vu l’humain depuis Columex. Son entrain démonstratif faisait scintiller les deux yeux noirs enfoncés au fond de ses orbites et Lloyd se sentit coupable de ne pas davantage partager l’ivresse de cette rencontre inattendue. Il s’efforça de grimacer un sourire.

- J’savais pas que t’étais affecté à l’Egide.
- Ben ouais ! J’y suis depuis huit mois, c’t’un bon équipage, t’es en visite ou tu nous rejoins ? Comment tu vas depuis Colu ?
- En visite. Quelques jours. Ça va. Et toi ?
- Un peu qu’ça va ! J’suis vachement content de plus avoir le capitaine Ekjor sur le dos, tu peux m’croire. Et sur l’Egide, t’as vu le genre de spectacle qu’on nous sert ?? C’était dingue, cette danseuse !
- Hum, ouais.
- Tu vas où comme ça, tu viens boire un verre avec nous, hein, allez !

Lloyd n’eut pas le cœur à refuser. A l’époque de Columex, Sebey avait été un officier hors pair, sur qui il avait pu compter alors qu’il avait été sous le feu républicain des heures durant. Il n’avait pas eu le temps, dans la cohue de l’époque, de le remercier correctement. Il ne pouvait pas se défiler comme ça.
Il se retrouva donc de nouveau dans le flot des conversations.

Le mess avait été lui aussi arrangé pour l’occasion spéciale. Lloyd était insensible aux pyramides de petits fours, aux lumières chatoyantes et aux odeurs chaudes qui s’échappaient de plats encore fumants. En revanche, il ne pouvait s’empêcher d’entendre, entre les jacassements de Sebey, les commentaires grivois qui s’évadaient des conversations avoisinantes. Tout le monde se tordait le cou pour voir évoluer au centre de la salle la dame à la longue robe noire, dont les officiers prenaient garde à ne pas piétiner la traîne élégante.
Lloyd, lui, faisait de gros efforts pour s’empêcher de la chercher du regard, mais l’agitation ne cessait de lui rappeler la présence cuisante de Dana. Il lui semblait que chaque humanoïde masculin avait décidé de décrire ses fantasmes les plus fous avec pour actrice principale l’Inquisitrice Shar. Les lustres projetaient une lumière blanche qui faisait luire les cols gris clair de tous ces officiers aux joues rougies par le désir, qui s’agglutinaient sur le passage de la belle danseuse.





Des myriades d'anges ivres d'extase s'embrasent au feu charnel
Ç’aurait été pur ravissement sans ces vermines pendues à tes dentelles






- … et après, on m’a affecté à la logistique. Je t’avoue que ça m’a fait des vacances, de plus être tout le temps sous le feu. Mais en fait, c’était aussi beaucoup d’urgence, tu vois. On te bassine constamment que les opérations prévalent, et t’as le temps de rien faire correctement. Mais après, c’est intéressant, tu vois, on se rend pas compte, ne serait-ce que la distribution des rations, tout ce que ça représente comme organisation… J’te sers ?

Sebey et Lloyd avait contourné un grand groupe pour s’approcher de l’un des buffets où s’alignaient des bouteilles de substances colorées. Il y avait bien quelques carafes de vin artorien, mais au soulagement du hapien, l’humain avait porté son dévolu sur une boisson plus forte, un whisky d’une planète obscure – le whisky corellien ne se trouvant dans l’Empire que sur le marché noir.

- Je veux bien. Tu peux y aller, j’en ai besoin, répondit Lloyd en agitant le verre vide dont il venait de s’emparer.

Sebey s’esclaffa en remplissant le verre.

- J’vois ça ouais, on dirait qu’t’as vu un fantôme. T’as rencontré l’Amiral ? C’est vrai qu’il fait un peu flipper avec son… Bref, tu vas voir, il est rigide mais il est assez juste. Les hommes le craignent mais le respectent, tu vois. Bon allez, raconte. Qu’est-ce que t’as fait depuis deux ans ?

Sebey se servit à son tour et il fit tinter son verre contre celui du hapien en un geste festif. Lloyd engloutit deux gorgées. Le liquide lui embrasa la gorge et il pria pour que les effets se fissent sentir rapidement. Qu’est-ce qu’il avait fait depuis deux ans ? Une série d’images lui vint en tête. Aucune n’était très agréable.

- Des missions pour le compte du Castellan. J’aurais aimé être plus souvent affecté dans des bâtiments de ce genre, mais jusqu’ici mes demandes n’ont pas été prises en compte. Alors j’règle des affaires internes. Certaines plus intéressantes que d’autres.
- Ouais c’est bon, j’ai compris, c’est secret défense, c’est ça ?
- Un peu, ouais.
- Vous les Sith… Enfin, toi au moins, tu découpes pas les gens pour un oui ou pour un non. Un seul Sith sur l’Egide, ça passe, on accepte, plaisanta l’humain en buvant à son tour.

Il y en a deux à bord, en fait.

- Ah ! Y’a Crooney qui est là, j’ai un truc à lui demander, je reviens.

Lloyd acquiesça et regarda son vieil ami s’éclipser. C’était son ticket de sortie : il ne connaissait personne d’autre et pourrait s’évaporer sans que quiconque s’en rendît compte, inconnu qu’il était. Puisqu’il allait rejoindre sa cabine, il osa jeter un coup d’œil vers la danseuse, mais il ne la vit pas : elle était entourée d’officiers qui tour à tour faisaient devant elle des courbettes en se disputant la place. Il y eut des rires moqueurs après que l’un d’entre eux se fut baissé vers elle et il devina qu’un officier plus inspiré que les autres avait trouvé bon de baiser la main de la belle en lui faisant part de ses compliments.





Petite fille taillée dans le cuir d'une fronde, t’as pas fini
De t’faire allumer par des rishiis blancs et des hommes en gris






Il y eut du mouvement à proximité des portes de sortie, et soudain les officiers tâchèrent de se comporter un petit peu mieux : la prestance du Rishii qui venait d’apparaître faisait son effet et Lloyd commençait à s’y habituer. Bien sûr, l’Amiral en personne se dirigeait déjà, lui aussi, vers le centre de la pièce. Il suivit un moment la démarche droite du commandant de l’Egide en serrant son verre froid, dont la moitié du contenu s’était déjà volatilisé pour lui réchauffer l’estomac. Il lui semblait que ses entrailles étaient subitement réapparues pour lui faire remarquer que son corps aussi, avait décidé d’être en panique.

Pourquoi je me mets dans des états pareils, c’est ridicule. Certes, leurs peaux et leurs regards s’étaient effleurés, quelques jours plus tôt. Mais pas parce qu’ils étaient dans un échange charnel : seulement parce qu’ils risquaient leur vie et que c’était une manière de surnager dans l’horreur qui essayait de les entraîner par le fond. Il avait l’impression qu’il avait eu sous les yeux ces derniers temps une jolie perle seulement connue de lui et qui l’avait vaguement attendri. Qu’il aurait oublié sitôt que Mat’ lui aurait envoyé un message. Et qu’en réalité, il avait s’agi d’un joyau convoité dont il avait été incapable de détecter la préciosité, et qui était désormais manipulée par des mains sales et vulgaires.

Et même si c’était vrai, où est le problème ? Il était hapien. Des joyaux, il s’en était déjà offert à lui et il y en aurait d’autres. La convoitise ne pouvait quand même pas le mettre dans un état pareil, ce n’était pas sérieux.
T’es qu’un con, Lloyd.

Le hapien prit une inspiration et se hâta vers la sortie. Il en avait assez vu. Il passa à deux doigts de se prendre le contenu d’un verre destiné à une enseigne qui visiblement se disputait avec sa collègue – il partageait leur humeur – mais il évita les gouttes sur son uniforme flambant neuf pour rejoindre les portes. Un droïde menaçant s’interposa soudain entre lui et la poignée.

- Ordre : Interdiction de quitter la salle avant : consigne. Faites demi-tour. Terminé.
- Oh, puis merde, c’est pas vrai.
- Vous ne vous sentez pas bien, monsieur Hope ?

Lloyd fit volte-face un peu brusquement. C’était le mirialan et il réprima une réplique amère à lui rétorquer.

- Si, si, j’ai… Oublié quelque chose dans ma cabine. Comment ça se fait que c’est fermé ?
- Aucune idée, je viens d’essayer de sortir aussi.

Le docteur était un peu nerveux et il se justifia rapidement.

- Ce n’est pas très raisonnable, j’ai des patients et des tests en cours dans le centre médical. Même si des droïdes sont bien sûr en veille pour effectuer toutes les manipulations, je préfère être à proximité, vous comprenez.
- Bien sûr.

Des patients dont tu vas apprendre par cœur leurs mensurations à eux aussi ?
Le mirialan, qui avait enfoncé ses mains dans ses poches, baissa pensivement les yeux sur la boisson du hapien. Ce dernier regardait la main du médecin, qui avait l'air de triturer nerveusement quelque chose sous le tissu de se veste.

- Une telle récréation, ces hommes n’y ont pas droit souvent. Ils vont beaucoup en profiter. J’espère que je ne vais pas ramasser des comas éthyliques.
- L’équipage ne se mettra pas en si mauvais état en compagnie de l’Amiral, tout de même.
- Ah, avec une telle créature, on ne sait jamais ce qui peut arriver, fit Aarian en désignant du menton le groupe au centre de la pièce, qui encerclait l’étoile de la soirée.

Le hapien fut forcé de tourner son regard vers la danseuse qui, malencontreusement, s’était tournée dans sa direction au cours d’une conversation. A plus d’une vingtaine de mètres de distance, leurs yeux se croisèrent. Il lut un instant la surprise dans les yeux de l’Inquisitrice, et il resta de marbre avant de détourner le regard, façon je n’sais pas qui tu es.
L'alcool aidait.





Ça shoote dans les colonnes de mon palais vertébral
C’était vertigineux de te voir à l’horizontale






- Ça c’est sûr, murmura-t-il en réponse au mirialan, avant de s’intéresser de nouveau au contenu de son verre, espérant qu’une bouée d’oubli s’y trouverait. Ça, c’est sûr.

Darth Hope
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Ses mains fébriles nouèrent les attaches de sa robe ténébreuse et elle tenta de retrouver un semblant de dignité en lissant quelques mèches de cheveux derrière ses oreilles pâles.

-Par ici, Mademoiselle… ? Je, je suis navrée mais je ne connais pas votre..
-Dana, souffla-t-elle vers Fost, encore essoufflée. C’est Dana. Sans le Mademoiselle.
-La suite de la soirée se poursuit au Mess et vous êtes bien évidemment notre invitée…ahem (Il parut hésiter et précipita le prénom à ses lèvres comme on se brûlait les ailes.) Dana.

Ils s’ébrouèrent et elle ne sut que faire des applaudissements que certains lançaient encore, entre plusieurs sifflements anonymes et enjoués. Elle avait l’impression que son sourire ne disparaîtrait jamais. Il coulait sur son visage fardé un masque presque douloureux. Cette « célébrité » soudaine galvanisait une partie de la Sith. Davantage que le pouvoir brut, la gloire qu’on lui portait – suite à sa performance, suffisait à la glacer entièrement. Elle ne savait que faire de ces figures inconnues qui la gratifiaient de regards brillants, concupiscents, curieux, envieux pour les plus féminines d’entre eux. Elle absorbait tout ce flots de sentiments à l’image d’une éponge et elle en perçut bientôt le poids insupportable. Jamais, Dana ne s'était sentie aussi seule.

Ce succès, elle ne l’avait vécu que de rares fois lors de ses mois dé prestations au Lagon Noir. Du temps où son corps était absolument parfait er vierge. Vierge de cicatrices, vierge de toute convoitise charnelle, vierge de toute corruption. Elle n’était qu’une enfant propulsée à l’âge adulte. Elle se remémorait avec quelle force elle avait souhaité se déraciner, ignorant à quel poing ses racines étaient profondes et épaisses, entremêlées et que ses faibles bras n’auraient jamais pu les arracher. Elle s’était appelée Dana, simplement. Parce qu’elle ne voulait pas d’un faux visage. Elle voulait être adulée en tant que Dana. Toute l’attention que son aînée avait accaparée, elle avait souhaité la récupérer comme on récoltait les traites d’une dette impayée.

Ce soir, alors qu’elle arrivait au mess’, escortée par un parterre de prétendants, elle aurait aimé ne pas s’appeler Dana Shar.

-Cette cicatrice sur la lèvre lui donne un charme.

Elle cligna des yeux vers les deux officiers qui parlaient d’elle comme si elle était transparente et pourtant, ils la dévoraient du regard. Ils commentaient son physique comme on faisait l’étalage des qualités du droïde dernier cri, comme s’il n’y avait pas une âme derrière cette bonne enveloppe charnelle.

Elle entendait l’eau couler dans les canalisations. La sensation froide du tuyau sous sa croupe et ses cuisses affaiblies, les baisers fiévreux du clandestin dans cette cabine, à l’abri du bunker. Elle eût envie de vomir et les puissants échos des centaines de voix qui s’exprimaient ce soir revinrent à ses oreilles. On s’approchait d’elle, profitant d’une proximité chère payée pour humer la fragrance de ses cheveux, ou effleurer avec courtoisie une couture de sa robe. C’étaient des caresses presque invisibles mais si nombreuses qu’elles furent bientôt semblables à des contacts inconvenants. Sa main se retrouva dans celle d’un officier zeltron à la tenue impeccable et marqua son derme d’un baiser. Elle eût chaud. Il n’oserait quand même pas ?!Elle retira vivement sa main, incertaine.

-L’un d’entre vous aurait une cigarra ?

Un militaire plus rapide que les autres présenta une cigarette à ses lippes colorées. Elle marmonna un remerciement puis :

-Qui a un briquet ?

Des dizaines de flammes crépitèrent près de sa figure, d’un même mouvement et elle posa son attention sur chacun de ses hommes qui se devouaient pour l’embraser. Tout ce cinéma était en train de la dépasser et elle détestait perdre le contrôle. Il lui avait échappé tant de fois ces derniers temps.

-Je n’arrive pas à décider qui va m’allumer.

Quelques ricanements gras qui l’agacèrent et le Capitaine Fost se racla la gorge pour annoncer vers ses pairs.

-Messieurs, vous savez qu’il est interdit de fumer dans le Mess’.
-Dans ma cabine c’est autorisé, répliqua un humain approchant la trentaine, les cheveux indisciplinés et bouclés lui retombaient sur le front. Il avait un sourire qui égalait son culot. Elle poussa un soupir et dévia son regard vers l’entrée à la recherche du Rishii. Ce cirque ne pouvait pas durer. Les risques que le traître passe à l’action frôlait la certitude à chaque minute perdue. Et dans cette volonté de fuir une énième conversation sulfureuse, elle loupa une marche et crut chuter de plusieurs étages…..dans les yeux émeraude de Lloyd Hope.

Quoi ?! Manqua-t-elle de s’étrangler.

Elle serra le poing si fort que ses phalanges blanchirent. En bonne compagnie en plus. De tous les putains d’officiers qui peuplaient l’Egide il eût fallu qu’il converse avec Tibalde Aarian. Quelle connerie. D’ailleurs, depuis quand était-il ici ? Le sol se déroba sous ses pieds à l’idée qu’il ait assisté au spectacle. Elle se mit à gémir de désarroi intérieurement, mais ses yeux geignaient pour elle, lui donnant des allures de biche qui ne firent que réchauffer les ardeurs de ces capitaines. C’était une énième crise de priorité qui venait d’imploser. Gérer la présence de Hope.

Alors celui-là, pensa-t-elle furieusement, jamais bien loin quand il s’agit de me reluquer ou de me tripoter. T’es vraiment un con, Lloyd.

Gérer le cas du Sergent Aarian.

Et bientôt celui de l’Amiral dont la prestance écrasales discussions brûlantes, comme un vent soufflait des bougies à la flamme timorée. Elle avait l’impression d’être confrontée à des centaines de départs d’incendies simultanés, et de n’avoir qu’un pauvre seau d’eau comme moyen de les éteindre. Il lui semblait que l’air se raréfiait et que tous ces rires et ces compliments lui ravissaient le peu d’oxygène qui lui revenait de droit. Elle avait fait face à des champs de bataille moins dangereux que celui de ce soir. Elle songea à la grande baie vitrée dans sa cabine, qui plongeait dans le vide intersidéral, à cette vue panoramique qu’elle avait eu sur Kaas City dans l’écrin de da chambre d’hôtel. Elle avait ce besoin urgent de voir l’horizon et d’avaler un grand bol d’air. Ses prunelles se mirent à chercher Hope, avec la frénésie d’une enfant qui avait perdu de vue l’unique repère qui permettait un retour au bercail.

Où es-tu, bon sang. Tu dois t’éloigner de Tibalde, absolument.

Elle aurait voulu lui hurler ce conseil, mais demeurait mortifiée dans un silence quasi catatonique.

Les premières notes classiques d’un morceau musical se déversa sans crier gare sur les flots de paroles, étouffant les clameurs. Dana embrassa l’assemblée d’une œillade, tournant sur elle-même toujours à la recherche du hapien, mais elle ne croisait que des visages étrangers et des uniformes gris.

-Dana, la sollicita timidement Fost. Il est de coutume que l’invitée d’honneur ouvre le bal des officiers.

Comme si je n’avais pas assez dansé, s’agaça-t-elle.

Elle ignorait tout des coutumes conservatrices du milieu marinier de l’Empire. Les hauts-gradés majoritairement issus des nobles lignes de planètes impériales semblaient perpétuer une tradition tout à fait hors de propos pour Dana. Mais il lui fallait se soumettre, sinon sa maigre couverture serait brisée et le traitre fuirait à la moindre occasion. Fost s’apprêta à lui proposer cette danse, tout galant et martial qu’il était. Elle l’ignora pour se diriger d’un pas résolu vers Horakk tandis que la musique allait crescendo.

C’était donc une valse, reconnut-elle vaguement.

Elle ne savait pas danser la valse. Toute aristocrate de sang qu’elle fût. C’était un luxe qu’on ne lui avait jamais enseigné.

L’avien et l’humaine se faisaient face. Les palabres du mess avaient laissé place à des rumeurs murmurées. Le privilège d’un amiral était incontestable et on ne gagnait pas des batailles pour ne pouvoir en profiter par la suite. Elle devina plic-ploc qu’une légère révérence marquerait le début des hostilités et elle ploya délicatement les genoux pour lui adresser une courbette rapide et féminine. Déjà les regards s’interceptaient ci et là dans la foule. Cavalier recherchait cavalière pour un galop nocturne.



Une présence s’approcha du Sith blond. L’uniforme surmesure de sous-officier taillait sa taille gracile avec douceur, tout comme doux était son sourire, qu’elle adressait à Lloyd avec la franchise qu’avaient toutes les séductrices. Celle-ci était blonde, et sa chevelure tressée en couronne promettait d’être longue si on la déliait dans un moment d’intimité. Ses yeux bleus parlèrent avant ses lèvres au rebondi brillant d’un gloss discret.

-Capitaine ? Dansez-vous ?

Elle espérait que oui. Et qu’il fasse plus que danser. Elle n’était pas en service après tout, malgré la tenue officielle et elle venait d’ingurgiter trois coupes de vin artorien.



Dana déglutit discrètement quand le Rishii fut à un souffle convenable d’elle. Elle avait une impression mitigée le concernant. Elle devinait sa musculature alien sous son uniforme – ou du moins l’imaginait, renvoyant à sa race de Rishi et qui lui donnait d’étranges airs de predateur. Des airs adoucis par ces plumes qui absorbaient la lumière au point d’en paraître soyeuses. Elle eut un imperceptible soubresaut dès l’instant où une serre frôla sa main. C’était comme un humain, pensa-t-elle, mettant le doigt sur ce qui la dérangeait. C’était comme un humain coincé dans un corps d’alien. Un corps qu’il supportait avec une indifférence digne, malgré les regards. C’était ce qui l’avait hissé au rang d’Amiral, sans doute.

Ils partagèrent bientôt la proximité qu’autorisait les convenances d’une valse.

-Si vous êtes l’amiral que l’on décrit, vous devez savoir qui je suis.

Elle s’interrompit pour se concentrer sur les pas vers lesquels il la menait.

-Vous devez le savoir et vous m’avez laissé monter sur cette foutue scène. Je pense que j’ai sauvé votre petite soirée festive.

Ses lèvres esquissèrent un sourire à la fois moqueur et amusé. Nouveau silence, car elle devzit tournoyer devant lui avec élégance. Les pans de sa robe se soulevèrent avec grâce dans le mouvement aérien et elle lui refit face avec la ferme intention de poursuivre.

-Je ne suis habilitée à donner mon ordre de mission qu’à vous seul. Je viens régler un problème.

Sa paume féminine s’amarra une nouvelle fois à l’épaule rishii. Et elle manqua de louper un pas.

-J’ai besoin que vous me laissiez agir, au nom de l’Inquisition Sith. Cet ordre de mission concerne la Sûreté, celle avec un grand S. Mais je vous rassure, je suis une Inquisitrice efficace.

Mon cul, c’est du rishii aussi ?

-Personne ne saura, sauf le problème et quand il le saura, il sera déjà réglé. En revanche, il ne doit pas comprendre, sinon il risque de paniquer et ce serait la fin de l’ordre qui règne sur l’Egide.

Elle virevolta de nouveau, ses cheveux flottèrent dans l’air sous les regards admiratifs de ceux qui n’avaient pas voulu danser pour se consacrer au nouveau spectacle du corps de Dana agité par une musique douce.

-C’est le Sergent Tibalde Aarian, souffla-t-elle alors qu’un mouvement rarement audacieux dans ce genre de valse lui permit d’avoir ses lèvres contre l’oreille d’Antarxaxès. Si jamais il quitte ce vaisseau, vous devrez l’intercepter par tous les moyens. Tant qu’il est sur votre bâtiment, il est ma cible. Je vous prierai donc de ne pas interférer. Je connais mon travail.

A peu près.

-Les enquêteurs du Clergé ont toutes les preuves nécessaires. Voyez avec le Cardinal Noir pour de plus amples informations. Je ne suis là que pour vous retirer une vilaine épine du pied et j’ai toutes les autorisations nécessaires.

La main de Dana glissa de l’épaule du militaire jusqu’à son poitrail, dans une caresse féline et ses doigts effleurèrent les contours de la fleur qu’il portait avec élégance. La musique s’interrompit, signant la fin de la première danse. Quelques applaudissements ponctuèrent cet entracte. Elle demeura proche d’Horakk, le temps de partager avec lui un regard et elle se détourna vivement. Mieux valait ne pas lui laisser le temps de la contredire. Maintenant qu’ils se détachaient l’un de l’autre, les requins revenaient rôder dans les eaux ténébreuses de Dana.



Pour qui serait la deuxième danse ?




La Sith ignora les mains que l’on tendait galamment vers elle et ramassa la traîne de da robe pour traverser plus rapidement la salle.

Lloyd la vit fondre sur lui tel un prédateur sur sa proie acculée alors qu’une seconde valse résonnait. Et puisque tous les regards se braquaient désormais sur eux, il dût se sentir bien obligé de glisser une main contre la hanche de l’Inquisitrice, là où se trouvait une serre de Rishii quelques minutes plus tôt. Un premier pas, mal assuré, alors qu’ils se bornaient à s’éviter du regard malgré la promiscuité de leur corps.

-T’ as intérêt à garder tes yeux bien droit, Lloyd, dit-elle avec une once de colère dans sa voix légèrement essoufflée. T’es vraiment le pire…pervers de cet Empire. Et avant que tu la ramènes, je te signale que je suis en mission. Tu sais, une mission normale. Ou t’étais pas sensé ramener ta poire. Tu m’as maté sur la scène ?

Il ne l’écoutait pas ou à moitié. Ils etaient un peu gauches, voire maladroits. Lloyd ne menait pas la valse avec autant de maîtrise qu’Horakk. A bien y regarder, il n’avait pas l’air dans son état normal. Il la fit tournoyer mollement et au moment de la réception, sa maladresse et l’alcool n’aidant pas, sa paume échoua contre le postérieur de Shar, au lieu de sa hanche. C’était compliqué les valses aussi. On ne savait jamais vraiment mettre les mains.

La musique prit fin juste à temps pour que tout le monde entende une claque magistrale sur une joue déjà tiédie par du whiskey. Les yeux de Dana brillaient trop. Etaient-ce les lumière trop vives ? Des larmes futures ? Une foule de sentiments qu'elle avait dû mal à digérer ? Ses doigts avaient laissé une empreinte sur le faciès hapien. Elle n'avait pas retenu son coup. Elle dégagea hâtivement la paume du Sith et recula en le fusillant d’une œillade aussi noire que sa robe.

-T’es vraiment qu’un con, ponctua-t-elle, la voix pleine d’amertume. Elle ne pouvait pas croire qu’il était comme ce ramassis d’indélicats qui n’avaient fait que vanter les mérites de ses charmes. Elle n’avait rien dit sur le toit du 2331, ni dans le bunker du camp Piya, parce que la justification sur la recherche de morsure tenait vaguement la route. Mais ici, dans ce contexte.

De toute manière, il était trop tard pour regretter son geste. Il était trop tard pour se demander si elle n’aurait pas dû lui expédier cette gifle des jours plus tôt, devant le grand lit défait. Il était trop tard pour se rendre compte qu’elle venait de frapper le seul homme de cette assemblée auquel elle aurait aimé appartenir. Trop tard pour comprendre que cette claque, elle aurait dû se l’administrer elle-même puisque sentir la main du hapan déraper contre ses courbes avait embrasé son esprit de convoitise. Et elle avait eu ce réflexe, pensant se protéger, parce qu’elle ne voulait accueillir aucune passion mais que Lloyd l’attirait indéniablement et menaçait tout son petit monde d’effondrement. Et les yeux dorés de la Sith fixaient toujours son homologue. Finalement, ne l’avait-elle pas giflé parce qu’il n’était pas là quand tous ces officiers se pressaient autour d’elle, s’arrogeant un espoir de la toucher, de lui parler. Il était présent, sans doute avait-il tout vu, mais cette fois-ci, il n’avait rien fait et avait laissé faire. C’était elle la conne d'avoir cru qu'il serait toujours là..



Qui voulait une troisième danse ?



Tout le monde fit un pas en arriere, peu désireux de connaître le sort du malheureux capitaine Hope. Et puis, après la stupeur et les rires vint le moment de doute et de terreur. Venait-elle de frapper un Sith ? Un froid s’abattit sur l’assemblée proche du couple.

C’est dommage. Elle était beaucoup trop belle pour mourir ce soir, songèrent quelques-uns.







Horakk Antarxarxès
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-- Orbite de Dromund Kaas -- Pont inférieur de l’Égide de Krayiss -- Mess des officiers --


La clameur sourde et conviviale qui émanait du seuil du mess était étonnamment forte. D'ordinaire, même les conversations les plus animées en ce lieu ne portait pas si loin dans leur immense bâtiment. D'un pas lent mais pas moins cadencé, plus par mécanique acquise que volontairement, Horakk fit son entrée, flanqué de Granath et de Vaarguant.

Finalement, tout ne se déroulait pas si mal. Pour l'instant. La tension discrète qui nouait les épaules d'Antarxarxès signalait pourtant que tout n'était pas comme il aurait dû être. La présence de l'inquisitrice réchauffait considérablement l'atmosphère, en cette veille d'évènement officiel. Il aimait à constater que cet effet avait agi dans le sens qu'il espérait : pas une fois, ses oreilles n'avaient capté les mots "paix de merde" ou "décision stupide" durant le dernier quart d'heure. Les sujets de conversation de ces derniers temps venaient d'être noyés par tout un tas de commentaires qui, s'ils étaient pour beaucoup déplacés, avaient le mérite de tenir le rôle qu'il avait escompté leur donner.

Par la passion, j'ai la puissance.

Il commençait réellement à comprendre la teneur d'une telle maxime, et n'en n'éprouvait que davantage d'admiration pour le code Sith. Derrière son apparente simplicité, se cachaient des vérités éternelles qu'il n'était pas seulement bon de connaître en théorie, mais de vivre, d'expérimenter, pour les utiliser dans leur plein potentiel. Peut-être cette simple soirée en vase clos était-elle son nouveau champ d'expérimentation à ce titre ?


Son regard vigilant embrassa la salle d'une œillade circulaire, repérant ci où là quelques visages tournés en sa direction. La jeune femme en noir était déjà accaparée par la gente masculine, à la manière d'une nuée de vautours affairés sur une unique charogne. Horakk s'y était préparé, et dardait un regard amusé, presque attendri devant le comportement des plus jeunes de ses hommes. De tels comportements étaient souvent bien incompris par les civils, inconscient des contraintes inhumaines - et inaliennes - que la vie de marin, et de soldat de manière générale, imposait.

On s'écarta pour le laisser passer, la rigueur militaire des impériaux demeurant intacte malgré leur état d'esprit détendu. C'était là toute la force de leur formation impitoyable : leurs corps aussi bien que leurs esprits avaient tôt pris le pli de l'obéissance. Même les plus hilares n'avaient pu retenir un raidissement réflexe de leur échine à sa vue.

Du haut de son petit mètre soixante-quinze, l'avien ne dépassait guère de la foule des humains, pour la plupart d'une taille respectable. Néanmoins, sa silhouette rectangulaire droite et stricte, émaillée des touches d'or qu'arborait son uniforme d'apparat, laissait les yeux de ses subalternes au fait de sa position d'un seul regard. Là où un humain glabre aurait été couvert de cicatrices disgracieuses, son plumage d'un blanc remarquable cachait les sévices que la vie avait pu lui infliger, le laissant faussement immaculé à la vue des autres. Mû par l'habitude et le vieil instinct du rapace planant haut dans le ciel, il quitta lentement sa trajectoire rectiligne pour contourner l'immense attroupement formé autour de Shar, pour entamer un large cercle, n'épargnant aucun recoin du mess du regard. Cette cartographie mentale l'aida à vérifier que les consignes avaient bien été suivies. Des quatre issues de la pièce au cœur du croiseur, il n'en demeurait aucune libre d'accès : les deux premières avaient été verrouillées magnétiquement par Virdis... La troisième était gardée par les droïdes en faction dans les coursives, de même que la dernière qu'ils venaient de traverser, où le cathar s'était spontanément posté en vigie.

Sous couvert de clôturer leur soirée dans la joie et l’allégresse, ce bal allait sans aucun doute devenir le théâtre d'une surveillance accrue de la Sith incognito... ou de l'objet de sa venue. Quel qu'il ait été. Avec une pensée féroce, Horakk se félicita d'avoir été aussi prévenant : elle n'avait désormais plus le choix. Rester anonyme ne lui servirait plus à rien ! Et, contre toute attente, il crut bien qu'elle avait d'elle-même saisi le problème, lorsque, la musique ayant peu à peu couvert les rumeurs de la foule des militaires, la jeune humaine l'avait cherché du regard. Pour se diriger dans sa direction l'instant suivant, une lueur étrange dans le regard. Horakk ne sut comment l’interpréter, mais il prit la peine de s'avancer d'un pas, ouvrant symboliquement le champ des possibles pour ce qu'elle s'apprêtait à faire.

Sous le regard curieux des officiers - et sans doute quelque peu aigri de Fost - la Sith exécuta une courte révérence. La situation, examinée d'un. Seul, dans le secret de son esprit, Antarxarxès considérait tout le sel de la situation, lui qui, toute sa vie durant, avait courbé l'échine, parfois jusque terre, devant les maîtres de l'Ordre. Mais le geste de Dana, soutenu par sa grâce féminine et juvénile, avait tout pour séduire le plus exigeant des nobles.

" C'était pas à lui de l'inviter d'abord ? commenta à voix basse une femme quelque part loin derrière lui,

-Si... Je crois... mais tu sais, le vieux protocole, sur Kaas, aujourd'hui... M'étonnerait qu'ils lui aient enseigné ça au Nexu's ! "

Malgré lui, Horakk ne put s'empêcher de sourire à cette naïve entorse à l'étiquette, d'une ingénuité presque touchante. Surtout venant d'une Sith. Il accepta sa demande muette, et à son tour, exécuta la révérence que l'on réservait à cette occasion, en son pays. Son bras droit s'envola souplement devant lui, décrivant une courbe lente et maîtrisée tandis qu'il courbait l'échine et reculait son pied droit d'un pas, le croisant légèrement derrière le gauche.

Il avait exécuté cette figure avec la fluidité que seule confère une longue habitude.

" Mademoiselle. " l'invita-t-il avec un fantôme d'accent que seule une oreille habituée pouvait noter. Gardant pour lui tout autre titre qui aurait trahi sa fortuite couverture.

Leur échange de bons procédés n'avait duré que le temps d'une respiration, mais pour Fost, figé à quelques mètres d'eux, la démonstration avait duré toujours. Il ne parvenait plus à détacher son regard des deux personnages qui jouaient maintenant les premiers rôles dans son mélodrame personnel.

L'inquisitrice glissa sa petite main nue, fine et pâle dans le creux de sa paume, immense en comparaison, gantée de noir, armée de griffes. Le contraste ne pouvait être plus grand. Avec une délicatesse surprenante pour une telle main, il la saisit et l'attira à lui, jusqu'à ce que leurs corps ne fussent plus qu'à deux mains d'écart. Il glissa sa main libre dans le creux formé par sa taille, bien loin de toute malséance. A son tour, il la laissa glisser son bras sur son épaule, accrochant le col montant de son uniforme des doigts.

Horakk sentit alors la tension sous-jacente qui animait l'humaine. Elle le fixait avec le regard perdu de celle qui était allée trop vite en besogne, désormais dépassée par les évènements. Maintenant qu'elle n'était plus qu'à quelques centimètres de lui, ses sens affinés captaient son être d'une toute nouvelle manière, et il devinait... Une intense nervosité.

Antarxarxès préjugea sur l'instant qu'elle était due à nul autre que lui-même. Blasé, depuis bien longtemps, il ne s'en offusqua pas outre mesure. Bien d'autres détails importants allaient se jouer ici, pour qu'il ne lui passe cette répulsion réflexe - au fond, assez naturelle pour un être humain. Biologiquement parlant, il n'était rien d'autre qu'un potentiel prédateur. Mais elle faisait un visible effort pour n'en rien laisser paraître, toujours souriante pour les yeux qui les dévisageaient de toute part.

Il l'interrogea du regard. Savait-elle danser ? C'était explicitement la demande qu'elle lui avait faite. Et à laquelle il avait répondu par l'affirmative. Alors, sans aucune brusquerie, lui laissant tout loisir de s’acclimater à sa présente singulière, il lui fit faire les premiers pas. Un. Deux. Trois. Sa botte glissa subrepticement contre sa bottine pour replacer son pied qui ripait dans la mauvaise direction, et il repartit en sens inverse. Un, deux, trois.

Oui, en ce moment je fais le DJ ! Musique, maestro !

Au bout du quatrième enchaînement de pas, la Sith se détendit, ses mains cessèrent de se crisper dans les siennes. Elle avait compris le principe de base, et l’appliquait doctement. En réponse, il lui sourit, son visage osseux s'adoucissant quelque peu par cette discrète mimique. Il pouvait presque deviner son prochain mouvement rien qu'en sentant le déplacement Ils n'étaient plus dans le mess, ils n'étaient plus sur l’Égide. Le parfum discret et délicat qu'elle portait le plongea dans ses vieux souvenirs. Seule sa robe échancrée bien plus qu'aucune bienséance ne l'aurait permise lui rappelait la réalité de leur situation.

Maintenant qu'elle lui faisait face, son visage à hauteur du sien, il pouvait voir, sous la lumière crue, toutes les discrètes marques qui rappelait qui elle était, et quelle était sa vie. Dana n'était plus une danseuse depuis des années, c'était désormais une évidence. Ils se jaugèrent un court instant, face à face. Jusqu'à ce que l'amiral décide qu'il fut temps de gagner en audace.

D'un geste doux mais ferme, il imprima un mouvement rotatif à son poignet. Souple et légère, Dana suivit, et tournoya devant lui, emportant sa large robe avec elle. Il rattrapa de nouveau sa main libre, et l'emporta dans une suite répétée des mêmes pas réguliers au travers de la foule qui les imitait peu à peu.

" Si vous êtes l’amiral que l’on décrit, vous devez savoir qui je suis. "

L'oreille d'Horakk pivota, trahissant brièvement leur échange. Il ralentit son mouvement sur l'instant, surpris qu'elle s'adresse brusquement à lui, sur le ton de la confidence. Il s'était attendu, au contraire, à ce qu'elle tente d'éluder tout discours.

Alors, ce n'était pas une légende : les Sith lisaient dans les esprits. Fort bien, pensa-t-il avec une vigueur renouvelée, alors elle savait également tout ce qu'il pensait d'une telle situation.

" Vous devez le savoir et vous m’avez laissé monter sur cette foutue scène. Je pense que j’ai sauvé votre petite soirée festive. "

Elle venait de lui en faire le reproche ? Vraiment ? C'était bien tout le culot d'une Sith. Son regard croisa le sien et il ne chercha pas à voiler son expression dubitative face à sa moquerie. Ils se séparèrent à nouveau avec, cette fois, une amplitude et une vitesse démultipliée. Une rumeur surprise et admirative courut sur les premiers rangs, les yeux impudiques tentant de suivre la cadence du jeu de jambe de la belle demoiselle qui virevoltait sur le sol métallique. Il profita de son éloignement pour la regarder, la jauger, souriant avec ironie en son fort intérieur lorsqu'il songeait encore aux visions qu'elle lui avait gracieusement offertes quelques minutes plus tôt. En avait-elle seulement conscience ? Ou était-elle parvenue à cloisonner son esprit comme ils le faisaient tous, pour évincer définitivement les idées périlleuses ?

La question lui brûlait le bec, mais sa noblesse-oblige le gardait bien d'un tel impair. Elle ne lui en laissait en réalité pas même le temps : dès que le mouvement rythmé de leur danse lui en laissait l'occasion, l'inquisitrice continuait son explication discrète, portant à son ouïe fine des mots murmurés dont le contenu n'était guère pour le rassurer.

" J’ai besoin que vous me laissiez agir, au nom de l’Inquisition Sith. Cet ordre de mission concerne la Sûreté, celle avec un grand S. Mais je vous rassure, je suis une Inquisitrice efficace. "

Pas une fois, il ne songea à ouvrir le bec. Pour une raison simple. Des lèvres humaines pouvaient s'agiter discrètement. Pas le bec d'un rishii. Il se contenta d'écouter avec une attention toute particulière chacun de ses mots. Et un, en particulier, claqua entre eux avec la force du tonnerre.

" C’est le Sergent Tibalde Aarian... "

Le regard d'Antarxarxès s'arrondit, ses pupilles noires s'étrécirent jusqu'à ne plus exister. Le bras de Dana, fermement arrimé à son épaule, lui sembla de plomb. Il pouvait sentir chacune des plumes qui le couvrait se raidir sous l'effet de la surprise. Son esprit se cabra, rebuté à l'idée qu'un homme de la trempe d'Aarian ait pu tourner le dos à tant d'année à bord de leur vaisseau. Au sein de leur armée, là où toutes leurs victoires avaient coûté si cher. C'était tout bonnement impensable.

La voix de l'Inquisitrice résonna à l'infini dans cette myriade incohérente de couleurs et de sons, et Horakk sut alors qu'il ne pouvait se retourner, et confronter le porteur de ce nom, sans se trahir. Sans les trahir. Mais au creux de ses tripes, une sensation glacée et noire venait de naître, doublée d'une profonde incompréhension, aussi.

Aarian ? Un traître ?

Il eut toute les peine du monde à continuer son mouvement sans que son ralenti ne paraisse étrange. Seule, la position presque intime de Dana contre lui, pouvait encore donner l'illusion qu'il profitait de cette courte danse pour s'arroger le droit à une intimité qu'elle n'aurait su lui refuser. Têtes bêches, ils continuaient de tourner lentement aux milieux des autres couples formés, le murmure de Dana parvenant difficilement à couvrir le tambour du sang qui lui battait les tempes.

" Si jamais il quitte ce vaisseau, vous devrez l’intercepter par tous les moyens. Tant qu’il est sur votre bâtiment, il est ma cible. Je vous prierai donc de ne pas interférer. Je connais mon travail. "

Comment le pourrait-il, pensa Horakk avec une pointe d'agacement, alors que toute notre flotte est stationnée ici ? Aarian Tibalde n'était pas un pilote. Ferait-il deux brasses dans le vide aux commandes d'un chasseur qu'il serait abattu.

A moins qu'il n'ait des complices, songea soudain le rishii avec une onde de fureur glacée. Il sentit de nouveau la jeune femme contre lui, ses pieds valsant machinalement à sa place, alors qu'il réfléchissait à toute vitesse. Ne pas sombrer dans la paranoïa la plus totale durant ce bref instant fut sans doute l'un de ses plus grands exploits depuis des années. La bouche de Dana souffla de nouveau sur les plumes fines de son oreille, leur danse prenant un tour

" Je ne suis habilitée à donner mon ordre de mission qu’à vous seul. Je viens régler un problème. "

Pensait-elle sérieusement qu'il s'agissait pour lui d'une bonne nouvelle ? L'arrivée de l'Inquisition en était rarement une. Il parvint de justesse à ne pas sourire devant sa naïveté bravache, toute Sith. Donc, elle leur avait été envoyée sous le seau du secret, pour une mission dont les renseignements eux-mêmes n'avaient apparemment pas connaissance... Pour exécuter un traitre qui s'avérait être l'un de ses hommes les plus estimés, médecin chevronné, vétéran de surcroit. C'était beaucoup pour une seule danse.

" Les enquêteurs du Clergé ont toutes les preuves nécessaires. Voyez avec le Cardinal Noir pour de plus amples informations. Je ne suis là que pour vous retirer une vilaine épine du pied et j’ai toutes les autorisations nécessaires. "

Avec l'espoir que les pouvoirs abscons dont ils étaient dotés fussent réels, il projeta vers elle sa pensée, appuyée d'un regard soutenu, droit dans le sien, alors que leurs corps s'éloignaient de nouveau, sa posture reprenant un air altier et lointain :

Il n'y a pas de "Je" sur un vaisseau spatial, inquisitrice. Il n'y a que le "nous". Vous ne pourrez pas agir seule, personne ne le peut. Et certainement pas sans mon aval.


Ils tournoyèrent encore sur deux longues mesures lancinantes, avant que la musique du premier morceau ne meure dans un sanglot de violon. Horakk sentit alors la jeune femme hésiter, son bras coulissant avec une lenteur sensuelle sur son épaule. Il sentit sa main glisser bien trop lentement contre lui. Il réprima un vague frisson et lui adressa un regard interrogatif, peu sûr de la signification de son geste. Elle observa la Lorachidée accrochée à sa veste, comme si cet objet seul avait révélé quelque chose. Ses grands yeux sombres pleins d'ombrageuses pensées se plantèrent dans les siens, sans qu'il ne parvienne à les comprendre, et la seconde suivante, avait tourné les talons dans un tourbillon de tissu noir.


Autour d'eux, les conversations avaient repris, avec un tout nouveau sujet à traiter. On ressortait difficilement d'une telle valse sans quelques ragots supplémentaires sur le dos.

Son regard la suivit encore quelques instants, puis il se détourna, amer et préoccupé, prenant le temps de se servir un verre sur l'une des tables disposées plus loin.


--

Planté à côté de la porte par laquelle ils avaient transité, Virdis Granath regardait le couple improbable exécuter les premiers pas de l'une des danses les plus classiques de la noblesse galactique. Ses moustaches frémirent. Il ne lui venait qu'une idée : quelle classe. Le cathar avait du mal à croire que la jeune femme dont la robe dessinait des arabesque sur le sol avait été celle dont il avait, pas même une heure plus tôt, admiré la peau pâle du ventre, étiré le long d'une scène. Guidé par le rishii pas après pas, elle se transformait à présent en dame du monde.

Quelle femme, quand même !

Il en voulait presque à Antarxarxès de la tenir d'une si courtoise façon. C'était bien là tout le problème d'un serennien, pensait le kaasi qu'il était. Un tel balais dans le fondement qu'il vous empêchait de profiter des rares occasions données par une intimité consentie ! Aurait-il été plus cavalier, à sa place ? Rien n'était moins sûr, mais il devait admettre que le savoir-vivre de son supérieur était en cela largement supérieur au sien...

" Commandant ? "

Virdis tourna le regard, pour voir le sergent Aarian venir à lui d'un bon pas. Il ne portait ni verre, ni nourriture, la main dans l'une des poches de sa veste d'uniforme. La chose intrigua vaguement le commandant en second de l’Égide, mais il fut bien vite regagné par son enthousiasme pour se triturer davantage les méninges.

" Oui, sergent ! Qu'y a-t-il ? Vous ne vous amusez plus ? "

Les dents effilées du cathar avaient sailli de ses lèvres en un sourire aussi inquiétant que joyeux. Le mirialan, les mains vides de toute trace de vivres ou d'alcool.

" Ah ! Non, non... Pas du tout, soyez rassuré ! Cette soirée était vraiment une bonne initiative ! La tension de ces derniers temps est enfin retombée, et ces sandwich Havla au sel de Bassel sont tout bonnement divins ! Très bon choix.

-Je ne vous le fais pas dire ! J'en ai pris dix-sept depuis tout à l'heure... Mais quoi ! On aura bien le temps de penser à tout un tas de choses moins drôles plus tard.

-A ce propos, fit le médecin en triturant nerveusement l'intérieur de sa poche, j'ai été arrêté par une garde droïde de l'autre côté. Nous n'avions pas été informé que la relève encerclerait le mess ? Il y a un problème ? Je dois absolument me rendre à l'infirmerie, et... "

Il chercha à finir sa phrase, mais le mouvement négatif de la tête, le cathar apporta une réponse définitive à ses interrogations. Ils étaient bel et bien parqués pour la soirée.

" Désolé, sergent, mais c'est impossible.

-Impossible ? Mais, enfin, mon commandant...! Je ne peux pas laisser mes patients les plus atteints sans surveillance toute une nuit durant... Pour une soirée dansante ! C'est grotesque !"

Granath toisa Aarian depuis son mètre quatre-vingt dix. Un éclat incertain atténuait le regard brillant. Venait-il de se faire insulter d'une manière dévoyée ? Ou bien l'affable infirmier en chef venait-il de remettre la décision d'un amiral en question ? Dans les deux cas, ça n'allait pas. Le ton de sa voix perdit immédiatement plusieurs degrés.

" Ordre de l'amiral. Personne ne sort sans son accord. Si vous voulez sortir, allez lui en demander l'autorisation expresse. "

Le teint verdâtre d'Aarian pâlit légèrement. Malgré son côté boute-en-train étonnant pour un impérial... Granath restait un impérial. Buté comme un bantha.

--


La déception, infinie. La colère... en puissance.

Tibalde Aarian avait officié sur l’Égide de Krayiss en tant que superviseur du bloc médical d'urgence depuis plus de cinq ans. Il avait rendu d'innombrables services à cet équipage, traversé leurs plus grandes batailles, et Horakk le considérait - à juste titre le pensait-il - comme un homme loyal et digne de louanges. S'était-il finalement trompé sur toute la ligne ? Avait-il été aveugle au point de ne rien voir, mystifié par un homme dont les connaissances lui faisaient défaut, à lui ? Avait-il, comme d'autres avant lui, nourri un serpent en son sein ?


Si tel était le cas...


L'oeil orange glissa sur le côté, suivant la courbe des épaules dénudées de l'Inquisitrice qui s'éloignait en silence.

Si tel était le cas, alors oui : mieux valait pour Tibalde Aarian que Dana Shar le trouve en premier.


La figure d'un vert pâle d'Aarian, croisée un peu plus tôt, avait à présent disparue de son champ de vision. Horakk se déplaça entre ses officiers d'un pas lent, mimant la décontraction. En réalité, tout son être s'était centré sur la recherche du proche-humain dans cette foule dont il connaissait presque par cœur chaque visage.

Tu ne peux pas te cacher. Pas ici, pas devant moi, pensa-t-il en avisant soudain l'intéressé en train de bavarder avec l'un des capitaines. Horakk maîtrisa son envie de suivre la cible désignée par l'inquisitrice du regard, soucieux de ne pas compromettre un potentiel plan d'action en révélant sa méfiance. Pour palier à la frustration de ne pouvoir régler la chose séant, Antarxarxès se résolut à entamer une seconde danse, avisant Shar qui avait jeté son dévolu sur... le capitaine Hope.

Le choix, bizarrement, ne surprit l'amiral qu'à moitié. Après tout : les Sith devaient finir par tous se connaître. L'apprenti du Castellan Noir allait-il reconnaître la jeune femme ? Elle était à présent la seule à maîtriser ce risque. Le rishii se dirigea d'un pas égal vers l'une des derniers officiers encore postée près du buffet, sans partenaire. Commandant de l'une de ses frégates, elle était également nouvelle au sein de leur force de combat. l'occasion était trop belle pour être ratée : faire connaissance avec ses propres unités faisaient parti de ses passes-temps favori. Savoir sur qui compter, voilà qui s'avérait capital. Sous le regard surpris de la proche-humaine un peu guindée, le rishii exécuta de nouveau la courte révérence protocolaire qu'il avait jadis tant répété devant Eisne Malvern :

" Me feriez-vous l'honneur d'une danse, commandant Lainthon ? "

Le teint pâle de la proche-humaine vira presque au mauve. Peu , elle se contenta d'un salut militaire un peu trop raide :

" Avec plaisir, amiral ! "

Piètre menteuse, pensa le serennien avec un sourire mental. La main qu'elle lui tendit tremblait un peu, et il devinait qu'elle était encore bien moins à l'aise à l'idée de valser que ne l'avait été Dana Shar. Avec une pointe de fatalisme, il s'enquit de la guider comme il l'avait fait pour sa précédente partenaire, et emporta Lainthon à son tour au travers de la salle, trois pas à la fois. Au détour d'une pirouette, son œil accrocha le couple maladroit de Shar et de Hope, qui tentait tant bien que mal de rester digne et . Seulement, les visages expressifs des deux humanoïdes ne projetait pas autre chose qu'une colère mal contenue.

" Je suis vraiment désolée, balbutia Lainthon avec un rire gênée, je ne sais pas danser...! Je dois vous sembler si maladroite !"

Tâchant de ne pas trahir que son intérêt était ailleurs, le rishii reconstitua tant bien que mal la phrase qu'il n'avait qu'à moitié écoutée :

" Ce n'est rien, croyez le bien, la rassura-t-il tout en essayant de ne pas perdre Hope et son encombrante partenaire de vue, vous vous en sortez admirablement bien pour une débutante. Gagnez simplement en confiance.

-J'aimerais bien ! Mais vos pieds risquent de ne pas apprécier ma nouvelle confiance...! Ahah !

-Mes pieds ne risquent plus rien depuis longtemps, commandant, plaisanta-t-il en lui souriant. "

Mais il doutait qu'elle sache toute la vérité sordide que cachait ce bon mot. Toutes les années de douleur que cachait cette maîtrise calculée de la valse. Ils revenaient au centre de la salle sur les dernières notes de la seconde valse, lorsqu'une baffe retentissante claqua quelque part dans la salle. Les oreilles du rishii se dressèrent de surprise.

Un "Oooooooooooooh" stupéfait et choqué parcourut l'assistance, ponctué de quelques éclats de rire incontrôlés.

Antarxarxès lâcha subitement sa cavalière pour se retourner, la main à la garde de son arme. A plus de dix mètres d'eux, Lloyd Hope et Dana Shar se faisaient face au beau milieu d'un no man's land.

" Elle l'a giflé ! couina quelqu'un à sa droite, elle a giflé le Sith !

-Oh merde...

-Y avait une exécution au programme, ce soir ? "

Tous les regards s'étaient braqués vers le couple, coupant court à la troisième valse. Puis, lentement, avec la réalisation atterrée de l'affront impossible qui venait d'être commis, certains se tournèrent machinalement vers lui. Le plumage d'Horakk se plaqua contre son corps, ses oreilles disparurent en arrière, et d'instinct, Lainthon recula. Plus personne n'osait bouger.

En un éclair de lucidité, le rishii comprit qu'il devait agir : la diversion qu'ils créaient allait compromettre la seule chance de Shar d'isoler Aarian. Qu'elle qu'ait été l'origine de cette monumentale gifle, elle ne pouvait justifier un échec.

Déjà, des rumeurs mortifiées circulaient dans les rangs des officiers, certains, bien plus pragmatiques, tablant déjà sur la manière dont il allait exécuter la malchanceuse. D'un pas martial, il leur fonça dessus, suivi discrètement par quelques uns de ses plus proches subordonnés. Ce qui allait suivre n'allait pas être agréable, c'était un fait. Tout le temps que dura sa marche, Horakk souhaitât qu'un évènement inattendu vienne justifier le fait qu'il ne puisse faire ce que son rôle allait l'obliger présentement à faire, sous peine de devoir définitivement faire un trait sur la couverture fortuite de l'inquisitrice en robe de soirée. Mais rien ne changea, et, armant sa volonté, le rishii se résolut à prendre la situation en main.

Avec une coutre inclunaison du buste, il s'adressa au capitaine dont la joue portait encore la marque de l'impact des plus virulents :

" Je suis navré, excellence, déclara-t-il dans le silence soudain qui les avait entouré, appuyant sur le titre qu'il s'était jusque-là gardé de donner à Hope comme cela lui avait explicitement été demandé, c'est une épouvantable méprise. Notre invitée n'a pas conscience de l'impair qu'elle vient de commettre. Avant que vous n'exigiez une quelconque sanction la concernant, permettez-moi de mettre une minute les choses au clair... "

D'une œillade qu'il souhaitât explicite à Hope, il saisit Dana par le bras sans ménagement, en prenant pourtant le soin de ne pas griffer la robe. Néanmoins, de loin, le geste parut convainquant :

" Suivez-moi. "

La foule des officiers de l’Égide s'ouvrit pour laisser passer l'amiral et la danseuse qui resterait dans leur mémoire la seule à n'avoir jamais commis un tel impair... avec une telle fougue. Le regard ébahi, Granath se recula au garde-à-vous, juste à temps pour laisser passer le rishii furieux et sa fausse prisonnière. Dès qu'ils furent éloignés dans le couloir, le barrage de droïdes refermé derrière eux, il lâcha le bras de la Sith, et d'un souffle grondant comme le tonnerre, s'adressa à elle à voix basse :

" Est-ce que je peux savoir ce que tout ceci signifie ?! Toute Sith que vous êtes, vous n'avez pas compris qui était cet homme en le voyant ?! La portée de votre geste ne vous a donc pas effleuré l'esprit ?! Cette pièce est verrouillée, votre cible est ici et seulement ici ! Et vous lui donnez une chance de se soustraire à notre vigilance en me mettant dans une situation impossible ?! Parsangbleu, êtes-vous sérieuse ?! "

Ses yeux oranges étincelaient de fureur dans la semi obscurité rougeoyante de la coursive, jetant des ombres effrayantes sur son faciès alien. Son exclamation s'était doublée d'un geste explicite de la main. Derrière la voix restée à moitié murmurante, la colère pouvait se sentir dans chaque syllabe détachée avec application. Quiconque pouvait dès lors comprendre que seul son statut d'inquisitrice avait pu sauver Shar d'un sort autrement plus radical ce soir-là.

" Si vous avez réellement un plan, inquisitrice Shar, j'exige, en tant que responsable et maître de ce navire, d'en connaître la teneur ! Ainsi que celle du risque encouru par mes hommes si votre traître tente de nous nuire ! "

Et se disant, Antarxarxès pensait de nouveau à Aarian, la cuisante sensation de trahison s'ajoutant à la colère devant la puérilité dont avait fait preuve la Sith qui se tenait droite devant lui. Où était Aarian, dans cette foule ? Il aurait dû être en train de le pister, et au lieu de cela, avait été contraint de la tirer à l'écart pour ne pas révéler le poteau rose à la totalité de ses hommes. Il n'aurait pu rêver pire. Tout allait dépendre de la réaction de Lloyd Hope, à présent...

Dana, elle, allait devoir retravailler sa mise en scène... et très vite. La sérénité sensuelle de leur précédente valse semblait, elle aussi, à une éternité de leur nouvelle danse.

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Lloyd Hope
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Lloyd resta un instant immobile, à fixer d’un regard ahuri l’Inquisitrice offusquée. Mais qu’est-ce qui avait pu se passer pour en arriver là ?! Il était bien sage dans son coin, et elle était venue en sous-vêtements se trémousser avec indécence devant tout l’équipage d’un croiseur impérial. Puis elle était venue le chercher pour danser. Pour danser ! Alors qu’il avait autant l’habitude de ces activités mondaines qu’une esclave twi’lek n’avait l’habitude de démonter un réacteur d’hyperdrive ! Et enfin elle l’avait mitraillé de reproches auxquels il n’avait rien compris pour finalement le gifler ainsi ? Tout ça parce qu’il avait glissé sur son fessier ?!
Ok, sentir le muscle rebondi de Dana sous sa main n’avait pas été désagréable, certes, mais ça n’avait pas été son intention de départ, elle aurait dû s’en douter.

T’aurais juste pu me dire que tu t’envoyais en l’air avec mon Maître. C’est pas comme si t’avais la moindre envie d’entendre mes explications de toutes façons. Ça t'arrange bien de me cataloguer comme pervers, hein ? Il n’avait même pas eu le temps de lui dire quoique ce soit avant qu’elle ne le giflât.

L’alcool aidant, le hapien sentit la chaleur de la colère envahir son corps. Il ne pouvait décemment pas porter la main sur elle. Il sentait le poids des regards sur lui, mais il ne pouvait pas détacher ses yeux de l’Inquisitrice.

- Je suis navré, excellence.

Lloyd tourna lentement son regard sur l’Amiral qui intervenait.

- C'est une épouvantable méprise. Notre invitée n'a pas conscience de l'impair qu'elle vient de commettre. Avant que vous n'exigiez une quelconque sanction la concernant, permettez-moi de mettre une minute les choses au clair...

Le hapien ne répondit rien. Stupéfait et mortifié, il les regarda tous les deux s’éloigner en serrant les poings.

On le regardait toujours et il s’efforça donc d’avoir l’air plus dégagé. Il jeta un regard autour de lui à la cantonade avant de réussir à sourire avec hypocrisie.

- Bien, dit-il calmement. On dirait que Miss Dana a réussi avec brio à s’offrir un moment en tête à tête avec notre Amiral. Quelle souplesse, quelle… habileté. Il y eut quelques rires polis. Tant de vulgarité n’a jamais été de mon goût, de toute façon. Danse suivante ?

--------

--------

--------La fête avait repris, non sans un certain malaise. La musique apaisa cependant rapidement les inquiétudes, comme on reformait des couples pour tournoyer une nouvelle fois. Lloyd avait envie d’un autre verre, mais la claque qu’il avait prise lui avait quelque peu rafraîchi les esprits et il se doutait que désormais, on le garderait à l’œil. T’as vraiment décidé de me pourrir la vie, Dana.

Il avisa les quelques individus solitaires, et jeta son dévolu sur une humaine à la mine dépitée. Il s’approcha et proposa sa main en un geste galant.

- Me feriez-vous l’honneur de cette danse, enseigne ?
- Ahem… Bien sûr, excellence, fit la jeune femme en grimaçant un sourire qui trahissait une pensée du type « pourquoi c’est tombé sur moi », mais Lloyd l’ignora, tout à sa sombre humeur qu’il était.

Lui non plus n’avait guère envie de danser encore, il s’agissait seulement de donner le change, afin qu’on ne crût pas qu’il avait pris l’affront de la danseuse comme un échec personnel. Il fallait bien préserver les apparences.

- Capitaine, ça suffira, répondit-il seulement, et ils s’appliquèrent tous deux à exécuter les pas à trois temps.

Heureusement pour eux, cette valse était un peu plus lente que la précédente et ils restèrent un moment silencieux, à se concentrer sur l’enchaînement. Pas en carré. Pas en carré. Tour de gauche. Tour de gauche de nouveau. Surtourné, pas en carré. Et on tient sa main bien haut.

- Ne faites pas cette tête, je n’aurai pas de geste déplacé avec un officier, lui dit-il comme l’enseigne ne se détendait pas.
- Haha, rit-elle sans une once de sincérité. Je ne m’inquiète pas du tout. Hum. Désolée pour… Ma tenue, mon capitaine.

Ah oui, tiens, elle était mouillée. Il avait été tellement absorbé à ruminer la sombre scène qui s’était produite quelques minutes plus tôt qu’il n’avait même pas remarqué.

- Aucun problème.
- C’est vrai que vous avez trouvé ça vulgaire ?

Le hapien regarda pour la première fois sérieusement dans les yeux la femme qu’il avait invité à danser. Le décor tanguait autour d’eux au rythme de leurs pas et de leur rotation. Est-ce qu’elle voulait elle aussi parler de Dana ? Ne pouvait-on pas lui foutre la paix avec cette putain d’inquisitrice ?

- Oui, lâcha-t-il mollement. Pourquoi ?
- Les autres officiers ont l’air d’y avoir pris beaucoup de plaisir et…

Anis eut une œillade en périphérie sans terminer sa phrase. Elle cherchait quelqu’un du regard régulièrement. Il se demandait qui. Lloyd haussa les épaules à la fin de leur pas en carré.

- Ce n’est pour eux qu’un divertissement momentané, rien de sérieux.

Quand l’enseigne le regarda de nouveau, il crut voir une lueur de satisfaction dans ses yeux, qui n’avait rien à voir avec ce qu’il venait de dire. Il jeta à son tour un regard dans la direction qui avait attiré plusieurs fois l’œil d’Hadana. Le capitaine Fost les regardait d’un air vaguement intéressé, une moue sceptique sur le visage. Anis se rapprocha un peu plus de Lloyd, qui baissa sur elle un regard interrogateur. Elle rougit.

- Hum, on n’a pas souvent l’occasion de danser avec quelqu’un de votre rang, haha, se justifia-t-elle avec embarrassement, comme si elle n’assumait pas trop ce qu’elle était en train de faire.

Bon, toi tu me dragues juste pour rendre jaloux quelqu’un, c’est ça ?

- Vous prenez des risques : on se tient habituellement loin des Sith. J’admire votre courage.
- Oh, c’est…
- Oooooooh.

La clameur s’était levée autour d’eux et d’un même mouvement, Anis et Lloyd se tournèrent vers le buffet, abandonnant leur danse de toute façon mal exécutée. Un petit attroupement s’était formé autour d’une silhouette allongée au sol. Quelqu’un baissa la musique et l’enseigne et le hapien s’approchèrent, comme d’autres, pour voir ce qui se passait.

- … connait bien le dossier médical de l’enseigne Bioris, disait le mirialan accroupi auprès de l’humain qui s’était visiblement effondré au sol. Ce n’est pas l’alcool, et je ne crois pas à un simple malaise vagal.

Aarian prenait le pouls de l’humain qui avait blêmi. La victime n’était pas tout à fait inconsciente : ses yeux étaient ouverts mais voilés par un nuage de brume. Il n’arrivait pas à prononcer un mot, comme paralysé. Le commandant Granath accourut et fit s’écarter les individus pour se pencher lui aussi au-dessus de la victime.

- Enseigne ? Bioris, vous m’entendez ?

L’humain cligna de ses yeux perdus dans le vague mais ne dit rien.

- Je pense à une crise d’épilepsie, intervint Aarian. Il faut l’extraire de là et l’emmener d’urgence au centre médical.

Le commandant Granath jeta au mirialan un regard suspicieux.

- Je vous ai déjà dit que personne ne pouvait sortir, ordre de l’Amiral Antarxarxès, rétorqua-t-il sèchement. Et je n’ai jamais entendu que Bioris était épileptique. Et il n’a pas de convulsions.

Aarian secoua la tête avec un soupir d’agacement.

- Mon commandant, l’épilepsie peut prendre de multiples formes, et les convulsions sont un symptôme non systématique. De plus, l’épilepsie peut se déclarer à tout âge, mais plus particulièrement après un choc spécifique. L’enseigne Bioris a eu un accident de service il y a quelques mois, avec traumatisme crânien. Cette crise n’est absolument pas à prendre à la légère.

L’attroupement s’était fait silencieux. Un air de valse, en fond, continuait toujours discrètement de tournoyer. Lloyd repensa brièvement à la poche du mirialan mais ne se formalisa pas ; des malaises lors d’une soirée arrosée, c’était tout à fait ordinaire.

- Mon commandant, c’est une urgence ! insista fermement Aarian.

Granath fit la moue.

- Je vais signaler l’incident à l’Amiral. Mais entretemps, installez-le dans un endroit moins visible, et que la fête reprenne.

Aarian se fit aider d’un officier et à deux, ils soulevèrent le corps inanimé pour le transporter à l’écart. On débarrassa rapidement une table pour l’y déposer, un tas de serviettes sous le crâne pour soutenir sa tête. L’infirmier en chef exécutait quelques gestes professionnels tout en marmonnant que sans son matériel, il ne pouvait rien faire d’autre que de regarder l’état de cet homme dans le besoin se dégrader minute après minute.

De son côté, Granath donna l’ordre de remettre la musique, puis il alla échanger quelques mots à voix basse au capitaine Fost. Ce dernier eut l’air de s’animer, puis d’acquiescer. Puis ils se séparèrent. Le capitaine Fost alla échanger quelques mots avec un officier, puis un autre. Lloyd observait la hiérarchie impériale fonctionner avec sa capillarité habituelle, et afficha une surprise polie lorsque que l’impérial blond vint ensuite s’adresser directement à lui.

- Capit… Excellence, fit Fost en imitant lui aussi le titre choisi par l’Amiral pour s’adresser à lui. Le commandant Granath suggère que vous nous aidiez aussi, si vous l’acceptez. Il n’est pas sûr que… Hum, que l’Amiral soit disponible immédiatement.

Lloyd eut une appréhension un peu vive. Est-ce que tu es en train de me dire que vous ne voulez pas déranger l’Amiral qui est peut-être en train de se prendre du bon temps avec la danseuse ? Mais il n’en montra rien.

- Que se passe-t-il ?
- Deux autres officiers ne se sentent pas très bien. On craint une stupide intoxication alimentaire. Mais par mesure de précaution, nous allons utiliser ces panneaux pour créer une zone d’isolement à l’abri des regards pour y accueillir ceux qui ne se sentent pas bien. Je m’occupe de cette organisation, le lieutenant Montaag va relancer la soirée.

Un soutien sanitaire. Les habitudes du champ de bataille reprenaient le dessus, même quand ils n’étaient pas officiellement en service.

- Bien, mais je ne vois pas en quoi je peux vous aider.
- Le commandant Granath demande à ce que quelqu’un… garde le sergent à l’œil. Juste au cas où. Avec une très grande discrétion. Il ne vous connait pas et vous êtes un Sith, ce sera moins suspect que vous rôdiez à proximité plutôt que nous.

Lloyd échangea avec Fost un regard curieux, mais l’officier n’avait pas l’air de souhaiter en dire plus. De quoi Granath soupçonnait-il le mirialan, au juste ? Le hapien allait acquiescer quand une troisième personne intervint subitement dans leur conversation.

- Mon Capitaine, on reprend la danse ?

Lloyd se tourna, surpris, pour tomber sur Anis Hadana qui lui offrait un sourire intéressé. Elle s’était approchée d’eux avec un aplomb qui la rendait elle-même nerveuse. Fost la regarda lui aussi, interloqué par cette attitude à laquelle il n’était pas habitué, mais ne pipa mot. Après tout, elle n’était pas en service.

- Désolé, enseigne… ?
- Hadana. Anis Hadana.
- Nous reprendrons cette danse un peu plus tard, avec grand plaisir. Mais j’ai quelques petites choses à faire avant cela.

Lloyd les planta tous les deux là, pour se diriger vers la victime et Aarian, devant qui on disposait déjà les panneaux décoratifs pour leur créer un espace plus intime. Le mirialan avait tiré une chaise pour s’asseoir à côté de l’humain, qui cette fois était inconscient. Il avait l’air plongé dans un profond sommeil. Quand ils furent enfin seuls tous les trois, après le balai des constructeurs improvisés qu’étaient devenu les officiers présents, Lloyd tira lui aussi une chaise pour s’asseoir à côté d’Aarian. Le mirialan le regarda étrangement.

- Qu’est-ce que je vous disais, hein ? J’étais sûr qu’il y aurait des malaises. Mais celui-là, il m’inquiète. Je suppose que vous n’avez pas l’autorité suffisante pour nous faire sortir de là, vous non plus ?
- Pas sans que son pronostic vital soit engagé, en tout cas, marmonna Lloyd pour toute réponse.
- Justement, on n’en est pas sûr, argumenta Aarian.

Le hapien le regarda.

- Vous êtes rudement inquiet, pour un simple malaise. Son cœur bat, il respire… Vous croyez vraiment que…
- La vie repose sur trois pieds, capitaine Hope : la circulation sanguine, la respiration, et la conscience. C’est un trépied. Comme un tabouret : si l’un des pieds est rompu, la vie est en danger, elle peut basculer à tout moment.
- Je vois.

Des belles paroles, un beau numéro. Mais était-il méfiant envers Aarian parce qu’il avait de bonnes raisons, ou seulement à cause de cette allusion vis-à-vis de Dana un peu plus tôt ? Il fallait vraiment qu’il se sortît cette allumeuse de la tête. Elle obscurcissait son jugement.

- Vous pourrez passer aussi au centre médical, si besoin. Je peux vous mettre une compresse sur la joue, osa nerveusement plaisanter le mirialan, non sans jeter des regards vers Granath qui s'éloignait.

Lloyd lui jeta un regard noir. Non, c’était un vrai connard, finalement.

- Ahem, je plaisantais, bien sûr. C'est une honte, ce qu'elle a fait. Shar est comme ça, mais c'est ce qui fait son charme. Mais... Soyez indulgent. Ne lui faites pas payer trop cher cet affront...

Pourquoi. Tout. Le. Monde. Voulait-il. Absolument. Lui. Parler. De. Cette. Allumeuse.
--------

--------

--------A quelques pas de là, Granath avait sorti son comlink et s’était isolé loin des enceintes qui diffusaient de nouveau la musique.

- Amiral. Amiral ? Ici le commandant Granath. Je vous prie, hum… de m’excuser pour le dérangement. Il y a eu un malaise potentiellement grave parmi nos officiers. Le sergent Aarian demande une évacuation avec la victime vers le centre médical au plus vite. Mais il y a deux autres personnes indisposées. Attendons vos ordres, terminé.
Darth Hope
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Les yeux de la Sith ne quittèrent pas son excellence, le dardant aussi sûrement qu’un faisceau de ciblage balistique et ce, tout le long de son chemin forcé vers la sortie. Hope était dans son élément, songea-t-elle avec cette colère qui refusait de desserrer ses tripes, quel genre de soutien aurait-elle pu trouver ici ? Face à la fureur contenue du Rishii, elle demeura aussi droite qu’altière, raidie par une rage différente de la sienne. A qui pensait-il s’adresser, au juste ? Une vulgaire enseigne ? Elle avait connu des Seigneurs Siths plus enragés que cela, prêts à la briser de leur seule contrariété. Elle ravala péniblement sa salive et soutint les prunelles perçantes de l’Amiral.

-Vous êtes un noble, non ? souffla-t-elle sur le même ton, agacée. Elle s’était approchée d’un pas assuré. Un autre que lui aurait reculé, mais Antarxarxès ne céda pas un millimètre de terrain, si bien qu’elle fut prise à sa propre stratégie et dut affronter une proximité à laquelle elle ne s’attendait pas, mais qui était propice à un échange murmuré – aussi envenimé fut-il.

-Vous êtes un noble, répéta-t-elle. Vos codes moraux doivent vous dicter une certaine bienséance, hein ? Que le putain de capitaine Hope n’a pas. Que je sois Inquisitrice ou danseuse n’y change rien. Que ce croiseur soit prêt à exploser ou pas, n’y change rien. Et qu’il soit un sith, comme moi, ne change rien non plus au fait qu’il doive garder ses mains à leur place. Et s’il n’était pas sith, comme moi. (Elle se faisait un plaisir de rappeler cette égalité de rang.) Je lui aurais déjà coupé la main.

Elle s’interrompit pour mesurer ses propos, avec un recul un peu tardif. Elle n’allait tout de même pas lui expliquer ses états d’âme profonds et justifier son comportement par des sentiments purement égoïstes. Darth Runà aurait fait preuve de moins de patience et de compassion qu’Horakk face à cette situation. Aucun Inquisiteur n’aurait perdu son sang-froid dans cette salle. Elle se mordit la lèvre inférieure et maudit Lloyd, une énième fois. A ce train-là, sa probable descendance aurait le poids de cette malédiction sur au moins une centaine de génération.

-C’est votre vaisseau, ce sont vos règles, concéda-t-elle froidement, malgré le tissu de sa robe qui effleurait l’uniforme impérial. Je suis prête à coopérer par égard de mes supérieurs envers votre personne. Un autre Inquisiteur que moi ne se serait pas formalisé de cette coopération et Aarian serait mort dans un bain de sang, au milieu de vos chers hommes à la veille d’un défilé ou les cœurs doivent être regonflés à bloc et non transits d’horreur et d’amertume. C’est pour cela qu’on m’a envoyé.

Parce que je suis faible, et que c’est une mission simple.

-Mais plus nous perdons de temps à nous apprivoiser, Amiral, plus nous laissons le temps au problème d’organiser sa future tragédie. J’estime vos hommes autant que vous et je suis là pour les protéger.

Elle y croyait sincèrement, parce qu’elle voulait racheter le drame d’Artorias qui avait coûté la vie à deux loyaux impériaux dont elle avait récolté la mort, par son seul manque de discernement. Elle chassa le regard verdâtre de l’enfant qui plongeait dans le sien au moment où elle pressait la détente. Elle avait été si froide à l’intérieur hier et aujourd’hui un feu brûlant rongeait son être.

-J’ai combattu avec Tibalde sur Lorrd. J’étais dans les Lames Rouges que vous aviez transportées. Je le connais.

Depuis toutes ces années, elle pensait le connaître. L’Aarian qu’elle avait intimement fréquenté avait changé si elle s’en référait au dossier de l’Inquisition. Elle avait été la première à encaisser le choc de sa trahison.

-Nous avons eu une liaison, l’approcher ne sera pas difficile. Contentez-vous plutôt de garder votre sang-froid et de ne pas communiquer votre état évident de stress à votre équipage. Les enquêteurs ne m’ont pas précisé son plan d’action. Mais je présume qu’il n’a pas accès à l’armement de ce vaisseau en sa qualité de médecin. Ecoutez.

C’était de l’impératif, mais il était plutôt doux, porté par sa voix basse et féminine.

-L’armée impériale a déjà frôlé un désastre mutin par le passé. Nous travaillons à la purger de ces reliquats de traîtres. La plupart ont déserté et sont activement recherchés. Tibalde fait partie de ceux qui se sont accrochés à l’idée d’une seconde vague, visiblement. Et il doit avoir des complices dans la Flotte, d’après mes informations. Tout peut-être envisagé, il pourrait lancer du gaz dans le système de recycleurs d’air. Et bon, puisque vous n’avez pas de terrasse, ça va être difficile de faire un courant d’air, n’est-ce pas.-Mais ce n’est qu’une supposition, il pourrait chercher à vous abattre. La mort d’un amiral de votre trempe à la veille d’une liesse, ce serait franchement pas jojo pour le moral des troupes et pour la réputation de la Marine. Même si je ne doute pas que vous sachez vous défendre comme un grand. J’ai simplement besoin d’isoler Aarian loin des regards.

Malgré la taille modeste du Rishii, elle demeurait plus courte que lui du haut de son mètre soixante-neuf et avait cette obligation désagréable de lever sa figure pour pouvoir mêler l’or de ses yeux à l’incandescence des siens. Elle voulut rajouter quelque chose, mais qu’y avait-il de plus à dire, si ce n’était qu’elle apprécierait qu’il change de ton la prochaine fois qu’il s’adressait à elle. Le souffle de l’Inquisitrice s’était tari contre le faciès avien alors qu’elle demeurait silencieuse à retenir tension et colère au sein de son regard. Horakk la toisa.


Quelques minutes plus tard. La voix de Granath gronda dans le comlink de l’Amiral.






Aarian fixait Bioris avec attention. Ils étaient désormais à l’abri derrière un cordon sanitaire de fortune, formés de quelques panneaux disposés avec un soin tout à fait militaire. Il revoyait dans ce visage inconscient, Dana Shar étendue dans la neige lorrdienne et son sang fleurir comme autant de coquelicots dans un champ fertile. Pourquoi était-elle présente aujourd’hui ? Cette carrière de poledanseuse lui semblait incongrue, presque incompatible avec le caractère de la demoiselle et par-dessus tout, il n’ignorait pas sa nature sith. Aurait-elle renoncé à ses prérogatives ? Il avisa avec discrétion la présence de Lloyd Hope quelque part dans son dos et fit son possible pour paraître naturel. Cette soirée était en train de toute foutre en l’air. Il devait s’exfiltrer de cette salle absolument. Cela devenait aussi vital que respirer .


Quand Dana et Horakk réapparurent parmi les convives, la fête avait repris et les regards curieux se déversaient sur eux avec une fureur interrogative. Aucune trace apparente sur la danseuse, elle n’avait donc pas subi le courroux du Rishii. Pas de larmes brillant dans son regard. Et on s’échangea des œillades entendues. Antarxarxès et la jeune femme débutaient peut-être une liaison ? Beaucoup de conversation tournèrent autour du sujet, murmurées de lèvres en lèvres. Il avait sauvé l’invitée du courroux d’un Sith après tout, cette sévérité n’aurait été qu’un acte heroïquenet galant. Tout à fait digne de leur amiral, pensèrent certains avec émoi. Parfaitement droit, sévère et juste. Il ne pouvait que mériter pareille créature à son bras.

-Savez-vous où se trouve le docteur ? Je ne me sens pas très bien, souffla-t-elle dès que Fost revint à sa hauteur.
-Oh, vous n’êtes pas la seule. Vous savez ce que vous avez mangé ? Cela peut venir d’une intoxication alimentaire.

Je n’ai rien mangé.
Quelle actrice hors pair.

-Par ici, le Sergent Aarian s’occupe des malades.

Il la guida vers la zone sanitaire avec un sérieux martial placardé au visage. Malgré les festivités, l’heure était grave pour le jeune capitaine. Shar hésita en remarquant la silhouette familière de Hope et leva les yeux au ciel. C’était pas vrai. Il collait au cul de Tibalde comme une mouche à une merde de Bantha. S’il était envoyé pour faire le ménage, lui aussi. Il allait devoir prendre un ticket et faire la file. Hors de question que Dana brade sa cible à un autre prédateur.

-Sergent, déclara l’officier blond. Dana ne se sent pas très bien.

Le mirialan quitta le chevet de Bioris pour faire face à la Sith.

-Salut, Shar. Et je peux savoir où tu as mal ?

A ma fierté, obligée que je suis de parler au traître que tu es.
Mais il fallait improviser. Et faire comme si Hope n’existait pas, ce qui était rude.

-A mon poignet, je pense que….

Il l’interrompit en saissisant brusquement son poignet, comme il l’avait fait quatre années auparavant à l’infirmerie de bord. Elle feignit une grimace d’inconfort et il sourit légèrement.

-Ton poignet gauche à toujours été faible, que ce soit pour donner des coups ou tenir une barre de poledance, se moqua-t-il.
-Vous…vous connaissez ? Demanda Fost complètement atterré.
-Bien sûr, capitaine Fost. Une ancienne fréquentation.(Il n’avait pas lâché son poignet, le serrant même davantage). Après tout ce temps, même pas un petit message ?
-Est-ce bien le moment de régler nos comptes ? Tu as des hommes à terre, je te signale. Et nous ne sommes pas seuls.
-Mais tu aimes faire les choses en public ! S’exclama-t-il soudain, plein de colère. Que ce soit t’offrir en spectacle ou frapper des officiers.


Raclement de gorge gêné du côté de Fost qui lança un pauvre regard à Lloyd dont la joue avait à peine dérougi.

-Et j’ai besoin d’accéder à l’infirmerie pour pouvoir soigner tout le monde.
-Je…je vais voir avec l’Amiral et le commandant Granath, intervint le jeune officier, trop content d’avoir une porte de sortie à emprunter dans cette tragi-comédie un peu embarrassante.

Cela lui faisait deux désillusions. Dana avait complètement ignoré sa demande de danser et elle retrouvait desormais un ancien amant. Et à cela on pouvait rajouter le succès retentissant de l’Amiral auprès de la brune. Amiral contre lequel il ne pouvait pas décemment rivaliser. En sortant de la zone sanitaire, tout acquis à ses tristes pensées, il percuta l’enseigne Hadana. Cette dernière avait les bras chargés de boissons et toutes se renversèrent sous son crinde stupeur. L’uniforme de Fost fut bientôt autant trempé que celui d’Anis et leur regard consternés se hapèrent. Le supérieur pensa étrangement qu’il n’avait jamais remarqué ce grain de beauté au coin de l’œil droit de l’enseigne. En fait, il ne l’avait jamais vu d’aussi près. Et elle lui semblait soudainement attirante avec ses joues désolées et ses yeux catastrophés.



-Et sinon, tu as d’autres douleurs ?

Aarian lâcha enfin le poignet de l’Inquisitrice qui lui opposa une petite moue.

-A la tête…

Improvisation totale.

Il fit un pas de plus pour se positionner face à elle. Ses mains au teint olivâtre glissèrent de part et d’autres du visage féminin, caressèrent ses joues et s’ancrèrent contre son cou, sous ses cheveux sombres. Il l’auscultait, manipulant ses cervicales.

-Un faux mouvement lors de ta danse sans doute. Tu fais ça depuis longtemps ?
-Quelques….(Il ne fallait pas hésiter) quelques mois.
-Étrange, pour une sith, constata-t-il.
-On peut dire ça. Ecoute, je n’ai pas trop envie d’en parler.
-Désolé de te demander de simples nouvelles après quatre années de silence, s’excusa-t-il avec une ironie évidente.
-J’ai juste été gravement blessée à Gravlex Med. J’ai failli crever pour de bon la-bas. Ça m’a travaillé, j’ai décidé d’arrêter les conneries.

Elle dévia ses prunelles vers Hope au moment où Aarian l’attirait à lui pour lui baiser le front, flattant sa chevelure de jais.

-Tu m’as manqué.

Et Aarian, elle ne le giflait pas lui ?
Pourtant, ce n’était pas l’envie qui manquait.

-Et tu pourrais t’excuser auprès du Capitaine Hope, non ? Je sais que tu as meilleur caractère que ca.

C’était il y avait quatre putain d’années. Elle fit l’effort, pour préserver sa couverture, de se tourner vers le hapan.

-Je suis navrée, excellence.

Oh ce petit ton typiquement Danien sur chaque syllabe du mot excellence. Ex…. t’es qu’un connard….cel…. mais qu’est-ce ce que tu fous ici au juste, Lloyd ?.... lence… Tu peux m’allumer ?

-Après tout, ce n’était qu’une main au cul, je vous suis juste reconnaissante de ne pas m’avoir prise de force dans un recoin sombre…poursuivit-elle avec sarcasme.
-Shar, avertit Aarian.
-J’ai dit que j’étais désolée.

Désolée de pas lui avoir foutu le revers qui allait avec, oui. Elle ne comprenait même plus pourquoi elle se mettait dans de tels états pour Lloyd Hope. Une part d’elle se désolait d’avoir levé la main sur lui, mais cette part-là n’avait pas droit au chapitre. Le Sith était vêtu comme le soir de leur retrouvaille au 2231 district 40-9. L’uniforme impeccable et sombre le démarquait des autres officiers, accréditant sa valeur et sa supériorité sur eux tous. Il tranchait avec l’ornde sa cheveux indomptée. J’aime beaucoup vos cheveux aussi. Ils ont une couleur que j’aime bien. Une couleur…Et elle se vit de nouveau, dans les égouts, emmêler ses doigts dans cette même tignasse, défaire avec patience les mèches poisseuses qui avaient collé au front d’un Lloyd à moitié conscients, alors qu’ils allaient mourir. Qu’ils auraient dû être morts.

-Shar ?

Elle eût un soubresaut, se rendant compte qu’elle n’avait pas quitté le hapien des yeux, plongée dans sa contemplation. Aarian lui avait posé une question, elle n’avait pas écouté. Elle n’avait entendu que les souvenirs que Lloyd criait en elle et qui résonnaient partout, trop fort, trop envahissants.

-Je te demandais si tu voulais t’asseoir.

Tibalde avait toujours été surprotecteur envers elle, d’une rare tendresse également malgré son côté sarcastique et la priorité qu’il portait à ses patients. C’était pour cela qu’elle l’avait quitté, parce qu’elle était une sith. Qu’elle ne méritait pas un homme aussi prévenant dans sa vie, qu’il n’y aurait eu aucune place pour lui dans son futur à elle. Mais peut-être avait-il changé ? On changeait tous. Et le sergent, en attendant la réponse, avait bien remarqué le regard dont Dana avait béni le Sith blond. Et soudain une idée s’invita dans son esprit nerveux. Dana n’était pas prévue dans ses plans que la soirée avaient en partie démoli, mais elle devenait une porte de secours.

-Non.
-Toujours aussi bornée. Mais j’ai ce qu’il te faut pour te soulager. Dès que nous serons à l’infirmerie. Je m’occuperai de toi.

Il se détourna d’elle et s’accroupit auprès de l’inconscient. Ses tatouages faciaux assombrissaient ses prunelles déjà préoccupées, mais il avait retrouvé un semblant de contrôle grâce à Dana. Cette dernière se massa le poignet et après une courte hésitation s’approcha de l’autre sith. Elle veilla à garder une distance correcte entre eux, et Aarian était toujours à portée de regard. Il avait remis la main dans la poche de son unifofme et mesurait le pouls de Bioris. Elle revint à Lloyd et son visage parfaitement propre. Si propre qu’il lui parut être un autre homme que celui qu’elle avait côtoyé au cours de leur mission commune. Elle aurait souhaité lui expliquer la situation, elle devait trouver un moyen.

-Tu sais quoi…t’as tellement une face de Mynock que ta tête ferait gerber un Rancor..
-Shar ! S’indigna Tibalde qui avait tout entendu, tant il était proche.

Elle espérait que Hope comprendrait, qu’il se rappelerait du code d’Artorias. Qu’il ferait le lien de leur première mission avec la situation présente, qu’il comprendrait donc qu’elle était ici en infiltration et qu’il y avait un traître, qu’il pouvait déduire que ce dernier était penché au-dessus de Bioris, parce que tous ceux qui avaient une liaison avec Dana était des traîtres. Lloyd y compris.

-Pardon, fit-elle pour apaiser l’indignation du sergent et endormir sa méfiance. C’est mon mal de tête. Il me fait dire n’importe quoi.
-Tu devrais t’asseoir conseilla-t-il.

Avec l’alcool, l’état d’énervement de Hope, peut-être qu’il ne saisirait rien. Alors, elle insistait, l’admirant avec clarté,ses yeux silencieux dans les siens.

Embrasse-moi. King. Vox. Prax….Aarian.

Rappelle-toi Lloyd. T’es un foutu pervers, mais on forme une bonne équipe toi et moi. Alors rappelle-toi du code, disait-elle si fort en pensée, espérant vainement qu’il l’entende.



Horakk Antarxarxès
Horakk Antarxarxès
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-- Orbite de Dromund Kaas -- Pont inférieur de l’Égide de Krayiss -- Coursives --


Elle était si prévisible. Une part d'Antarxarxès se réjouissait égoïstement de ce fait, ravi de pouvoir exercer son sens de l'anticipation avec justesse. L'autre, en revanche, aurait presque aimé être agréablement surpris comme il avait pu l'être lors de l'accueil du jeune Hope. Un Sith singulier, d'une humilité plus que surprenante compte tenu de son statut. Hélas, imperméable à la porte de sortie qu'il lui offrait sous couvert de remontrance, Dana préféra au contraire opter pour l'option la plus basique : lui rentrer dans le lard qu'il n'avait guère.

Même les Sith les moins conventionnels étaient ffaits du même bois, une fois que l'écorce en était retirée. Leur éducation avait été effectuées selon les mêmes codes. Elle lui renvoya sa propre colère, comme si celle-ci pouvait avoir une quelconque légitimité en une telle situation. Glacial, Horakk la laissa vitupérer avec véhémence, déterminé à mettre les choses au clair une bonne fois pour toute. Leur simulacre avait assez durer : si un acte irréversible devait être commis ce soir, il le serait... dans les règles.

" Vous êtes un noble, non ? " lui cracha-t-elle avec colère. La question rhétorique lui tira une brève surprise. Ses arcades sourcillières couvertes de minuscules plumes en rangs serrés s'envolèrent brièvement. Où voulait-elle donc en venir ?

Persuadée d'être intimidante par sa seule présence, la Sith combla en quelques pas la distance qu'il lui avait laissée. Jusqu'à ce que l'extrémité de son bec frôle celle de son nez, jusqu'à ce que leurs yeux se confondent. Le regard chaotique et noir de Shar se heurta avec violence au rasoir inflexible de la ligne de mire du vétéran. Horakk sentit son plumage se hérisser malgré lui. Il aurait été si facile de céder à cette colère tant prisée. D'un simple coup de nuque, de précipiter les arrêtes effilées de son bec contre ce visage pâle et d'y graver à jamais un second sourire béant... Mais il ne cèderait pas. La tension entre eux atteint un sommet, avant que, bloquée dans son avancée par le refus catégorique de l'alien de se laisser impressionner, la Sith ne réalise brièvement que son plan ne marchait pas. Loin de battre en retraite, cependant, elle soutint encore son regard :

" Vos codes moraux doivent vous dicter une certaine bienséance, hein ? Que le putain de capitaine Hope n’a pas. Que je sois Inquisitrice ou danseuse n’y change rien. Que ce croiseur soit prêt à exploser ou pas, n’y change rien. Et qu’il soit un sith, comme moi, ne change rien non plus au fait qu’il doive garder ses mains à leur place. Et s’il n’était pas sith, comme moi. Je lui aurais déjà coupé la main. "

Quelle hypocrisie, pensait-il en la regardant dans le fond des yeux, si près qu'ils en étaient à loucher pour se voir encore. Qu'elle puisse penser une seconde qu'il n'eut pas lui-même tranché ladite main au premier quidam désinvolte le blessait plus qu'il ne l'aurait avoué. Mais les Sith n'étaient pas des quidam, et là était tout le nœud de l'affaire. Elle avait manqué de révéler sa couverture à sa propre cible par cet acte irréfléchi et impulsif. Aurait-elle souhaité se faire passer pour une femme qui ne se laissait pas faire, elle n'aurait, dans tous les cas, pas eut les moyens. Le rôle que son opération avait nécessité ne lui en laissait pas la latitude... Faisait-elle donc semblant de ne pas le comprendre, pour lui asséner telle tirade ?

" C’est votre vaisseau, ce sont vos règles... "

Il sentit qu'elle tentait vaguement de le faire reculer en accentuant encore la proximité de leurs visages. Mais le corps monobloc de l'officier ne vacilla pas. De loin, le cinéma de leurs silhouettes sombres pouvait paraître suspect. A la différence que ses mains à lui étaient présentement nouées dans son dos. Leurs voix, volontairement atténuées, ne portait guère au delà de quelques pas, simplement réverbérées par les murs métalliques du vaisseau autour d'eux. Leur rapport de force évoluait d'une étrange façon, leur échange, ni amical, ni agressif, ondulant au gré des paroles de l'inquisitrice. Elle-même semblait se troubler, consciente de ses propres travers, alors que le rishii gardait le silence, la privant ainsi de toute prise supplémentaire. D'une main invisible, il la poussait dans ses retranchements, la forçait à dérouler son idée trempée de colère jusqu'au bout.

Leur proximité était-elle qu'il pouvait à présent distinguer les stries dans ses iris dorées. Il y avait là un relief fantastique, semblable à un désert nocturne. Il fit un effort conscient pour se détourner de cette pensée. Malgré toute la colère qu'il avait ressenti, et qui courait toujours dans ses veines, il comprenait quel danger pouvait receler la féminine félinité d'une telle personne : son parfum, sans doute choisi à dessein, était lui aussi une arme, dont elle usait visiblement avec une grande aisance.

" Je suis prête à coopérer par égard de mes supérieurs envers votre personne. Un autre Inquisiteur que moi ne se serait pas formalisé de cette coopération et Aarian serait mort dans un bain de sang, au milieu de vos chers hommes à la veille d’un défilé ou les cœurs doivent être regonflés à bloc et non transits d’horreur et d’amertume. C’est pour cela qu’on m’a envoyé. "

La remarque ne fit qu'aiguiser davantage le fil déjà acéré de sa colère. Mais ses mots s'imprimaient avec autant d'acuité que ne le permettait leur intimité. Horakk n'en perdait pas pour autant ses vieilles habitudes : cerner la personne qui lui faisait face. Voilà qui l'absorbait en réalité pleinement, derrière le voile de ses émotions. Et ce qu'il voyait le laissait pour l'heure maussade.

Il n'avait guère de contacts à l'Inquisition, si l'on exceptait ses récents échange avec le Grand Inquisiteur lors de l'arrêt de la flotte sur Ord Radama. Il s'était toujours prudemment tenu à l'écart des éternelles luttes de pouvoir des Sith et leur terrible manie de se tirer dessus par officiers interposés. Mais ce qui demeurait possible en tant que capitaine de frégate ne l'était hélas plus lorsque l'on était à la tête d'une flotte entière. Trop conscient qu'ils tenaient là un bon petit soldat dont le charisme était une arme à part entière, les seigneurs désireux de s'attirer son soutien pour leurs combines personnelles n'hésitaient plus à se pencher sur son cas. Sa tête de mascotte ne le rendait malheureusement que plus visible, là où il se serait bien passé d'une telle publicité.

" Mais plus nous perdons de temps à nous apprivoiser, Amiral, plus nous laissons le temps au problème d’organiser sa future tragédie. J’estime vos hommes autant que vous et je suis là pour les protéger. "

Horakk tiqua sur le verbe. L'avait-elle employé à dessein ? Un vague rictus sceptique se peignit au coin de son bec. Sith ou pas, femme ou pas, les humains demeuraient égaux à eux mêmes... La fin de sa phrase ne l'en laissait que plus dubitatif, malgré toute la douceur, presque étrange en un tel contexte, qu'elle tenta d’insuffler à ses mots.

Quel estime pouvait-elle bien lui porter, alors qu'elle ne devait guère le connaître qu'au travers d'un dossier quelconque, ou de ses seuls états de service ? Tout ceci ne disait rien de qui était la personne que l'on avait en face : s'il lui en avait fallu une preuve, Horakk aurait donné le nom d'Aarian Tibalde. Mais la tentative eut le mérite de refroidir momentanément la rage qu'il avait ressentie en la voyant retourner la figure de Hope - et ses chances de coincer Aarian dans une valse par la même occasion - au beau milieu d'une salle bondée.

" J’ai combattu avec Tibalde sur Lorrd. J’étais dans les Lames Rouges que vous aviez transportées. Je le connais. "

Les oreilles du rishii se redressèrent vivement. Lorrd ? Lames Rouges ? L'information était inattendue. Ainsi donc, le fin mot de l'histoire. Une lucidité nouvelle éclaira le regard de l'alien. A la manière d'un puzzle épars dont il lui manquait encore quelques pièces, les explications de Dana venaient combler les lacunes.

Ainsi donc, ce vaisseau ne vous est pas étranger. Je ne crois pas davantage aux coïncidences que vous.

Il commença à développer l'idée, les souvenirs de cette époque révolue revenant l'encombrer, alors qu'il aurait dû se centrer sur le présent...Seulement, elle sembla faire une brève pause, articulant la phrase suivante avec un ton très différent.

" Nous avons eu une liaison, l’approcher ne sera pas difficile. "

De mieux en mieux,pensa l'officier avec un intérêt accru. L'histoire s'épaississait davantage à chaque phrase, et il ne savait trop s'il devait l'interrompre, ou la laisser finir.

" Contentez-vous plutôt de garder votre sang-froid et de ne pas communiquer votre état évident de stress à votre équipage. Les enquêteurs ne m’ont pas précisé son plan d’action. Mais je présume qu’il n’a pas accès à l’armement de ce vaisseau en sa qualité de médecin. Écoutez. "

C'est ce que je fais depuis cinq bonnes minutes, pensa-t-il avec ironie. Mais vous, Shar, m'écoutez-vous vraiment ? Ou pensez-vous encore, comme vous le disiez si bien, que vous pouviez régler le problème seule ? Votre orgueil vous perdra. Tel est l'adage des Sith, après tout. Pourquoi s'encombrer d'une armée, lorsque votre pouvoir personnel pouvait vous faire jongler avec la vie et la mort ? Dans les prunelles du rishii, quelques ombres passèrent, mais la fixité de son regard demeura identique. Une statue de sel n'aura pas été plus statique.

" L’armée impériale a déjà frôlé un désastre mutin par le passé. Nous travaillons à la purger de ces reliquats de traîtres. La plupart ont déserté et sont activement recherchés. Tibalde fait partie de ceux qui se sont accrochés à l’idée d’une seconde vague, visiblement. Et il doit avoir des complices dans la Flotte, d’après mes informations. "

Décidément, il ne supportait pas davantage ce petit ton pincé qu'il n'avait supporté sa tentative de le faire reculer. Une salvatrice sagesse aurait voulu qu'il lui concède ce caprice - Sith oblige - mais Horakk Antarxarxès ne supportait guère que l'on tente de lui apprendre son métier. Il restait donc là, campé fermement sur ses pieds à l’image d'un mur "anti-Shar" inamovible, alors qu'elle dansait subtilement sur les siens, après avoir échoué à le plaquer au mur. Curieuse danse.

" Tout peut-être envisagé, il pourrait lancer du gaz dans le système de recycleurs d’air. Et bon, puisque vous n’avez pas de terrasse, ça va être difficile de faire un courant d’air, n’est-ce pas.-Mais ce n’est qu’une supposition, il pourrait chercher à vous abattre. La mort d’un amiral de votre trempe à la veille d’une liesse, ce serait franchement pas jojo pour le moral des troupes et pour la réputation de la Marine. "

Les systèmes d'aération d'un Harrower sont compartimentés, pensait-il en parallèle, équipés de clapets anti-retours et de trappes de désenfumage pour ce genre de cas... Il contrait ainsi chacun de ses arguments d'une manière instinctive, à la façon d'un jeu de raquette. Mais, conscient qu'elle ne l'écouterait pas s'il s'octroyait le luxe de la couper dans son élan, il rongea son frein en silence, se contentant de la fixer, encore et toujours, avec une égale sévérité.

" Même si je ne doute pas que vous sachez vous défendre comme un grand. "

Elle minauda d'une nouvelle manière, comme pour appuyer son propos. Les longues oreilles d'Horakk pivotèrent, l'une à l'arrière, l'autre vers l'avant. Venait-elle réellement de... l'infantiliser ? Une vague dénégation de la tête lui échappa, atterré par sa tentative de paraître drôle... Du moins, l'espérait-il. Bien qu'il comprit que son apparence le rendait sans âge pour la plupart des individus, il doutait d'avoir l'apparence d'un adolescent turbulent.

Il la regarda encore, le menton rentré pour centrer son regard dans le sien malgré les quelques centimètres qui les séparaient. La colère brillait encore dans son regard de ténèbres, et elle conclut, dans une phrase qui tomba dans le lourd silence de la coursive où ne régnait plus que la rumeur lointaine de la fête :

" J’ai simplement besoin d’isoler Aarian loin des regards. "

Après un temps de suspension incertain, d'attention mutuelle ou toutes les émotions et les non-dits se bousculaient dans une cohue illisible, Antarxarxès soupira.

Il secoua brièvement la tête, avant de se détourner. Son regard attrapa le plafonnier, puis le sol sombre, avant de revenir le long de la silhouette raidie de l'Inquisitrice. Lorsqu'il parla à nouveau, sa voix n'avait plus le débit acerbe de sa précédente tirade, mais la sévérité contenue qu'elle laissait entendre ne souffrait pas que l'on prit ses mots à la légère :

" Si le but final d'Aarian Tibalde avait été effectivement de m'abattre, il l'aurait déjà fait. Les opportunités ne lui ont hélas pas manqué. " conclut-il en la contournant lentement, brisant la symétrie qui les avait opposés pour prendre quelques pas de distance.

Il revoyait clairement le visage souriant du mirialan au premier rang, devant la scène. Leur très bref échange, lui prenant place sur son siège, et la lumière qui s'éteignait subitement. Dans ce noir feutré, où toutes les ombres avaient le même visage, un blaster armé d'un silencieux, une arme empoisonnée ou toute autre méthode silencieuse et létale aurait laissé le temps au traître de se fondre à nouveau dans la foule. Aarian n'avait pas agi. L'occasion avait peut-être été manquée par divers facteurs... Mais Horakk n'y croyait pas. L'esprit méticuleux d'un Aarian ne collait pas avec une telle loterie.

Aarian était parmi eux depuis bien trop longtemps pour que sa traîtrise ne lui ait dicté qu'un coup d'éclat aussi hasardeux et bancal. Finir entre les griffes de l'Inquisition était une fin trop cruelle pour le court moment de gloire morbide qu'aurait pu lui procurer le meurtre d'un officier. Cette soirée n'avait été programmée que depuis peu : si l'Inquisition disait vrai, sa traîtrise devait avoir un motif plongeant bien plus loin dans le passé. Tout ceci devait nécessairement avoir une explication. Mais le manque d'information de l'inquisitrice donnait finalement raison à son inquiétude première : sa mission... était le fruit d'une improvisation. Rien ne leur avait été communiqué, ni à lui, ni aux renseignements, si bien que leur malentendu initial avait provoqué une perte de temps considérable, et un report de l'action devenant réellement dangereux.

" Je crois que vous n'avez pas très bien saisi la teneur de la situation, excellence. Il y aurait bien trop à répondre... je le ferais en temps utile. Pas maintenant. "

Et il accentua le titre, comme il l'avait fait pour Hope - montrant par la même qu'il connaissait parfaitement son statut social, dans leur pyramide hiérarchique immuable. Et que pour autant, comme elle l'avait elle-même doctement rappelée, aucun possesseur de sabre-laser n'aurait présentement pu manoeuvrer leur bâtiment sans lui. Mon vaisseau, mes règles. Ell pourrait bien lui cracher dessus ailleurs, comme l'avait fait bien d'autres avant elle.

" Le stress et la colère sont deux émotions différentes, sinon contradictoires. En l’occurrence, votre attitude est un frein réel à l'efficacité que vous prétendez rechercher. Voilà, la vraie raison de ma colère ! Alors, avant que vous ne tentiez encore de m'apprendre mon métier, laissez-moi mettre les choses au clair. "

Un index griffu s'était levé pour appuyer ses paroles. Bien loin de se laisser materner fielleusement par une femme dont il avait presque le double d'âge, l'amiral entreprit de reprendre les commandes de la soirée - qu'il avait lui-même commandé. Son affirmation était dure, mais, étrangement, elle ne semblait plus aussi grondante que ne l'avait été sa remontrance initiale. Il semblait désormais bien davantage pressé d'en finir avec ces stupidités que de lui faire un long cours sur l'infiltration d'un groupe ou l'exfiltration de cibles. Sans agressivité, mais d'une intransigeance toute militaire, il entreprit de lui exposer crument les choses.

" Vous vouliez compromettre toutes vos chances de tirer tout bêtement votre cible à l'écart pour un manquement à la bienséance ? Nous avons des devoirs, vous comme moi. Faut-il donc vraiment vous conter les horreurs de la guerre dont j'ai été témoin pour comparaison ? En ai-je pour autant oublié mon devoir ? Ma mission ? "

Il écartait les bras pour soutenir son propos.

" Non, car tel est le crédo d'un soldat impérial. Et donc, le mien. "

Peu auraient pu parler avec tant de conviction dans la voix. Ses mots étaient tombés avec la lourdeur du plomb.

" Vous me promettez une action aisée et rapide. Je n'en attends pas moins d'une figure de l'Inquisition ! Si votre rôle ici est bien d'éliminer des traîtres à l'Empire, que peut donc une main mal placée ? Si votre devoir est de protéger l'Empire, que peut donc valoir le manque de savoir vivre d'un Sith ? Pensiez-vous que je n'aurais pas moi même tranché cette main si elle avait appartenu à un simple roturier de mon fief ? Me pensiez-vous si complaisant avec votre honneur que j'aurais accepté de tolérer une telle grossièreté sur mon navire... s'il n'y avait eu là une totale contradiction avec votre objectif ?

Voilà le tout de ma décision : je ne pouvais faire autrement que de réagir à votre acte sans que mon immobilisme ne paraisse au bas mot suspect ! Je ne parle pas de ménager mes hommes d'une vision qu'ils ne connaissent que trop bien... mais de vous laisser la seule chance que vous aurez d'approcher votre cible avant qu'elle ne comprenne et vous échappe, nous obligeant à lui courir après dans des kilomètres de coursives !
"

Comprenait-elle ? Ou avait-il finalement en face de lui la seule inquisitrice de Dromund Kaas qui n'ait pas été formée comme les autres ? Il secoua la tête une fois de plus, et enchaîna directement.

" Nous n'en serions pas là si vous aviez accepté dès le départ l'idée de collaborer plutôt que d'intervenir seule. Quelque soit l'origine du quiproquo qui vous a mené à prendre la place de l'artiste ce soir, elle ne peut être issue que d'une improvisation totale et d'un grand manque de communication entre nos forces. Je ne perdrais pas de temps à en débattre ici : peu importe ! Mais, dès à présent, il n'y a plus de place pour la tentative hasardeuse. Mes règles sont simples : nous agissons ensemble, et selon une action préalablement coordonnée. Ai-je votre attention pleine et entière ? "

Ils n'eurent cependant guère le temps de s'abîmer dans une nouvelle joute : un bruit électronique vint sonner la fin de leur tête à tête. D'un seul geste, Horakk glissa sa large paume dans la poche de son pantalon, et en tira son comlink :

" Amiral. Amiral ? Ici le commandant Granath. Je vous prie, hum… de m’excuser pour le dérangement. Il y a eu un malaise potentiellement grave parmi nos officiers. Le sergent Aarian demande une évacuation avec la victime vers le centre médical au plus vite. Mais il y a deux autres personnes indisposées. Attendons vos ordres, terminé. "

Ils y étaient. Ce qu'il avait craint était finalement advenu : Aarian passait à l'action. Si seulement cette fichue danse s'était déroulée comme prévu... Ils n'auraient eu qu'à le cueillir et le trainer à part. Désormais, il allait falloir être beaucoup plus rusé que ça.

" Bien reçu, commandant. " lâcha Horakk, laconique.

Horakk jeta un nouveau regard à Dana, et, sans la quitter des yeux, porta de nouveau le comlink à hauteur de son visage, de telle manière à n'articuler qu'à hauteur du micro :

" Vous êtes seul, pour le moment ? "

Seconde de doute.

" On peut dire ça, amiral... Si on excepte tout le monde ici.

-Alors je vais être bref et concis. Aarian est la cible, et notre danseuse est le tireur. Trop d'éléments me manquent encore, mais vous ne devez en aucun cas laisser le sergent seul. Pas une seule seconde : trouver tous les prétextes possibles pour qu'il soit surveillé en permanence. Il ne doit pas s'en douter, soyez inventif ! Je soupçonne que notre médecin vous ait provoqué quelques malaises à dessein afin de rendre sa sortie inévitable. Mais cela importe peu : nous devons le faire sortir. Qu'il sorte donc. "

Mais uniquement selon mes désirs... pour peu qu'ils pensent que ce soient les siens. De l'autre côté du comlink, Horakk entendit un grésillement.

" Je comprends mieux maintenant , fit la voix de Virdis avec une dizaine de décibels en moins, pourquoi il tentait autant de se faufiler. Je vais voir ce que je peux faire.

- Je fais ouvrir la coursive 12F dans la minute : si Aarian se dirige effectivement vers l'infirmerie, nous le verrons très vite. Dans le cas contraire, je veux savoir quelle direction il prend. N'intervenez pas sans mon accord. Je vais faire le nécessaire de mon côté. "

Malgré l'urgence, tout n'était pas perdu, loin s'en fallait. En réalité, Horakk le comprit : ils n'avaient pas encore commencé à jouer. Aarian venait de commettre sa première erreur en se dévoilant de la sorte. Ce qui signifiait qu'il avait effectivement quelque chose de précis à faire. Maintenant, il en était certain, les tentatives successives du mirialan pour sortir de la salle n'avait rien à voir avec un patient quelconque.

Il souhaite se soustraire à notre vue, ou bien ce qu'il s'apprête à faire nécessite un endroit, un objet particulier qu'il ne peut manipuler à la vue de tous sans se compromettre.

Cela éliminait déjà de fait de tirer droit sur lui ou de tenter de l'attaquer sournoisement. Mais les possibilités restaient encore bien trop vastes. Il lui fallait en éliminer encore beaucoup d'autres avant de commencer à cerner parfaitement la situation. Le pourquoi de tout ceci restait un mystère, mais Horakk ne comptait pas donner l'occasion au sergent de le leur révéler en premier.

" Compris, amiral. Terminé. "

Au seul ton de son second, Antarxarxès pouvait deviner que le cathar avait déjà compris toute la gravité de la situation.

" Bien. Maintenant, réfléchissons au comment. "

Parlant pour lui-même davantage que pour Dana, il croisa les bras dans son dos, s'éloignant dans l'ombre de la coursive, marchant au hasard. Dans le silence et la solitude retrouvée, Horakk ferma les yeux, et laissa son esprit s'élever.

Alzati, sempre.

Il devait prendre du recul, encore, regarder la situation au travers de l’œil de son esprit, non pas depuis la coursive vide où il marchait, mais loin là-haut, depuis l'espace. Considérer l'architecture du vaisseau qu'il connaissait si bien, regarder et imaginer toutes les possibilités. Un travail mental facilité par l'habitude, mais néanmoins trop chronophage. Aller à l'essentiel : le pont inférieur babord, l'infirmerie, les coursives, les issues...

Ensuite, oui, il devrait... devenir Tibalde Aarian. Penser comme lui. Que savait-il de lui ? Depuis quand ? Comment les choses avaient-elles évoluées depuis ces derniers mois ? Y avait-il quelque détail intéressant à retenir de la dernière fois qu'ils s'étaient croisés ? Dans cette salle, là, au premier rang ?

Horakk passait ses idées les unes après les autres, à toute vitesse, pressé par le temps, par l'urgence de trouver une réponse adéquate en un minimum de temps. Une vieille voix rauque et ricannante cingla dans un coin de sa tête, comme si elle l'y avait attendu tout ce temps...



Tu te donnes beaucoup de mal pour un simple toubib, le bleu. Mais, c'est bien... Tu commences à comprendre certaines choses ! Avec un peu de chances, ton petit agent-double n'aura rien vu venir... Mais dis-moi : cette fille, là. Elle le connait sans doute mieux que toi, ton sergent vert, non ? S'il y en a une qui peut le "sentir venir"... C'est bien elle, tu crois pas ? Souviens-toi, plumeau : ce que tu ne peux pas obtenir par toi-même...


...Obtiens-le par accident. Je m'en souviens, oui.




Après une longue minute d'un pesant silence, il se retourna brusquement vers Dana, l'oeil de nouveau vif d'intérêt :

" Vous disiez que le sergent Aarian et vous, aviez eu... une relation ? "

Avant qu'elle ne puisse seulement envisager qu'il lui soit venu un intérêt malsain quelconque, le rishii s'était de nouveau approché, le regard plein d'un malicieux calcul, planté dans le sien :

" Pensiez-vous qu'il vous porte toujours de bons sentiments ? ... A quel point ? "

C'était une opportunité parfaite. Son intérêt n'en fut que plus vif : ils n'avaient en réalité pas encore commencé à jouer. L'action était encore de leur côté.


Par la passion, j'ai la puissance.
Par la puissance, j'ai le pouvoir.



--

La clarté de l'immense salle du mess était revenue, les laissant à nouveau paraître aux yeux du monde. Antarxarxès capta les nuées de regards malicieux qui s'étaient successivement posés sur eux. Bien sûr, une telle foule ne pouvait s'empêcher de divaguer, l'alcool et les plats aidant, sur ce qui avait pu se passer entre ces deux figures durant la dizaine de minutes qui venaient de s'écouler.


Le rishii avait calqué son pas sur celui de la demoiselle, qu'il laissait à dessein le précéder d'un pas. Elle entra donc dans la pièce en premier, attirant de nouveau tous les regards à elle, telle un formidable champ magnétique. Il eut à subir les m^, mais d'un genre différent... et avec un maigre temps de décalage.

Antarxarxès tenta vainement de faire abstraction des dizaines de conversations que ses oreilles pointues captaient les unes sur les autres. Son acuité auditive était ici un obstacle majeur : impossible de capter quoi que ce soit tant les bruits lui sautaient à la tête. Mais pour l'heure, il se concentrait sur son propre jeu, tachant de ne surtout pas chercher du regard l'objet réel de sa surveillance.

Un peu partout, on commentait leur retour autant que l'on avait commenter leur départ. Et, bien évidemment, leur précédente valse leurrait aisément sur tout ce qui avait bien pu se dérouler à l'abri des regards durant le quart d'heure qu'avait duré leur absence. De telles idioties l'auraient volontiers fait sourire s'il en avait eu le cœur. Mais son air grave dissuada les quelques personnes qui se trouvaient sur leur chemin de tenter leur chance avec un bon mot, pour lesquels il était en général assez bon public. L'heure, étrangement, ne semblait plus tant à la fête...

Lorsqu'ils parvinrent à nouveau au milieu de la salle, Horakk avisa le dos de Lloyd Hope près du carré sanitaire, courbé sur un tabouret. Excellent.

Shar se retourna alors vers lui, et leur court échange de regard lui confirma qu'elle avait compris. Leurs chemins se séparaient ici.

Il se déplaça, lentement, sans la lâcher du regard, et la contourna. En passant, les longues pennes blanches de sa queue effleurèrent furtivement la soie de sa jambe, en un fantôme de caresse. Le temps d'un souffle, il lui glissa un dernier mot, ultime encouragement avant qu'il ne la laissât à nouveau dans le grand bain, seule :

" Tout repose sur votre jeu d'actrice. Je place toute ma confiance en votre talent... Bonne chance. "

Il la laissa aller, prenant la direction opposée à la sienne, disparaissant à son tour dans la foule disparate des uniformes gris.

-- Orbite de Dromund Kaas -- Pont inférieur de l’Égide de Krayiss -- Mess des officiers --

" Moi, à sa place, je me serais pas gêné !

-C'est bien pour ça que vous n'y êtes pas. A sa place. "

Le commentaire acide de sa collègue féminine dissuada le capitaine Vaarguant de continuer sur son hasardeuse lancée. Il n'aurait sans doute pas du reprendre trois fois de cet alcool parfumé à la menthe... Sa tête tourbillonnait à présent bien trop fort pour qu'il osât bouger du siège qu'il s'était improvisé avec l'un des coins de table.

Vaarguant lança un regard vaguement contrarié en direction du couple mal assorti, qui venait de faire sa réapparition parmi les danseurs du soir. La danseuse, elle, n'avait rien : pas un cheveu de déplacé... Alors qu'elle venait de balancer le souflon de la décennie à un Sith. Vaarguant préférait ne pas imaginer ce qui se serait passé si lui, avait tenté pareille aventure ! C'était sans doute la raison de sa grogne. Ou peut-être, muni de son sarcasme habituel, n'avait-il pas non plus digéré qu'une si jolie princesse lui préfère... Sérieusement. Un alien à plumes !

" Pff... Tu parles qu'elle a dû s'faire pardonner, tiens... Pff... " ponctua-t-il avant de terminer le quatrième verre qu'il avait entamé.

Sa dernière cuite remontait à plus d'un an en arrière. Le vieux capitaine avait presque fini par oublier la sensation désagréable qui précédait la croisée des chemins. Revenir sur Kaas avait des airs de nostalgie auxquels il ne s'était pas vraiment attendu.

Son œil vitreux accrocha alors quelque chose qui brillait à ses pieds. Un objet minuscule, qu'il eut toute les peines du monde à attraper. Il ramena le morceau métallique d'un brillant absolu jusque devant son regard mal ajusté d'homme déjà à moitié ivre.

" C'est quoi ça ?! Quel est l'incompétent qui a laissé trainer des... trucs par terre ?! Va y avoir des mises à pied, j'vou'l'dit moi ! Iiiintoléraaableuh ! " grogna l'homme grisonnant en brandissant son trophée vers le reste des officiers. Mais personne ne l'écoutait.

A quelques pas de là, Dana entamait sa discussion avec son ancien amant.

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Lloyd Hope
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Adossé contre le mur, ses mains gantées croisées sur la poitrine, Lloyd s’était mordu la lèvre et avait regardé ailleurs quand Aarian avait commencé à être intime avec Dana. Pourquoi le regardait-elle pendant ces instants qui auraient dû n’être qu’au mirialan et à la Sith ?
Ne pas regarder n’empêchait pas d’entendre les mots mielleux d’Aarian. Tu m’as manqué. Elle m’a pas manqué à moi, se força à penser Lloyd. Néanmoins, il fut obligé de les regarder de nouveau d’un œil sombre puisqu’on s’adressait directement à lui. Il ne répondit pas aux insultes, ni à cette excuse qui n’en était pas une. Il rendait à Dana son regard envenimé.

Le silence entre eux se prolongea. Face de Mynock. Embrasse-moi. King. Vox. Prax. Tu crois vraiment que je vais répondre à ton appel comme un gentil toutou, après cette humiliation ?

- Hum, capitaine Hope, je suis désolé, intervint Aarian, mal à l’aise devant ce silence empoisonné qui s’était installé. Elle n’est pas très bien ce soir visiblement…

Lloyd fit comme s’il n’avait rien entendu. Il consentit à quitter le mur qui le soutenait pour s’approcher à pas lents de Dana. Aarian eut un mouvement protecteur, enveloppant la Sith de ses bras comme s’il voulait empêcher le hapien de toucher à sa pierre précieuse. Lloyd ne s’arrêta que lorsqu’il fut à quelques dizaines de centimètres d’eux. Il sourit avec une mauvaise foi évidente.

- Ne vous inquiétez pas, sergent, je connais bien ce genre de créature moi aussi. C’est certainement sa manière de demander à être allumée correctement. Si elle a envie de s’excuser sincèrement, elle pourra toujours me rendre visite dans ma cabine après cette petite soirée. Numéro 2331, c’est facile à retenir, non ? Promis, je laisserai la lumière allumée, puisque vous n’aimez pas les coins sombres.

Voilà, si tu veux me parler en privé, tu t’humilieras d’abord en allant rejoindre ma cabine personnelle devant tout le monde, comme la catin que tu es ce soir.

Après encore un moment de silence envenimé, Lloyd recula en ignorant le regard offensé que lui réservait Aarian. Le sergent n’avait pas osé intervenir, certainement soulagé que le Sith ne s’en tînt qu’à une invitation indécente, mais il n’en était pas moins consterné que le hapien eût pu supposer que Dana fut en réalité attirée par lui.

Le commandant Granath arriva à leur hauteur d’un pas raide.

- Sur ordre de l’Amiral, nous avons déverrouillé momentanément la coursive 12F, sergent, annonça-t-il platement. Vous avez besoin d’aide pour déplacer le blessé ?

Le mirialan parut soulagé. Il sourit même.

- Merci infiniment, mon commandant, je savais que vous comprendriez. Ce ne sera pas nécessaire, il vaut mieux ne pas le déplacer sans une civière appropriée. Je vais chercher mon matériel et je reviens avec un droïde médical pour se charger du transfert vers le centre médical.
- Bien, faites vite.

Aarian acquiesça, sans lâcher la jeune femme que Lloyd avait décidé d’ignorer royalement.

- Viens, Dana, murmura le sergent, de son ton mielleux de protecteur chevaleresque. J’ai ce qu’il te faut, ne t’en fais pas.

Et le joli couple – à gerber – passa devant le Sith et le commandant qui les regardèrent s’éloigner. Les deux hommes restèrent côte à côte, silencieux, attendant que les tourtereaux fussent suffisamment loin. Seulement, alors, le hapien soupira.

- Désolé, ç’aurait été trop suspect de ma part de les suivre. Et je ne connais pas bien l’Egide, vous avez pas quelqu’un d’un peu passe-partout pour me remplacer ?
- Si, je vais trouver ça. Vous avez vu quelque chose d’anormal ?

Vous voulez dire, comme une pole-danceuse dans un croiseur impérial ?

- Non. Vous cherchez quoi ?
- On ne sait pas encore.
- Je voudrais parler à l’Amiral.
- Faites donc, mais je vous préviens, il est un peu préoccupé, là.

Tu m’étonnes. A tous les coups, elle lui a volé dans les plumes.

-------

-------

-------Le capitaine Fost avait regardé revenir Dana d’un œil circonspect. Contrairement à quelques ragots qu’il avait entendus ici et là, il ne croyait pas un instant, bien sûr, que l’Amiral eût goûté les plaisirs charnels avec la danseuse. En revanche, le mot lui était parvenu qu’Aarian, lui, l’avait bien connue, et toute cette opération soudaine au milieu de la fête s’accumulait à cela comme des contrariétés désagréables. Et dire qu’il avait espéré pouvoir passer une bonne soirée !
A côté de ces considérations, l’uniforme pas très réglementaire d’Anis passait pour une broutille. Même, il devait avouer, cela lui donnait un appréciable petit air rebelle. Quand il aurait un peu de temps, il l’inviterait peut-être à danser…

- Hep, toi !
- Sergent Hassin, mon capitaine, répondit un snivvien aux narines saillantes.
- Oui voilà, sergent Hassin, viens par ici. J’ai une petite mission pour toi.

Le sergent obéit, ses yeux noirs et globuleux légèrement fuyant. Fost se pencha vers lui pour lui murmurer quelque chose à l’oreille. Hassin acquiesça et se mit en route vers la coursive 12F. Le capitaine, lui, adressa au commandant Granath un bref signe de tête. Ce dernier songea qu’entre les caméras que surveillaient désormais deux de ses hommes et le sergent Hasssin qui se promenait à la suite du couple, ils auraient tôt faits de savoir si Aarian faisait bien ce qu’il avait promis, à savoir un simple aller-retour entre le centre médical et le mess.

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-------

-------- Amiral.

Lloyd s’était approché du rishii sans pouvoir tout à fait masquer une certaine humeur sombre. Mais son embarras venait surtout du fait qu’il ne souhaitait pas dévoiler la couverture de la peste. Malgré toute l’aigreur qu’elle provoquait à cet instant en lui, il n’était pas question de compromettre une mission impériale. Le hapien se positionna à côté de l’amiral, de manière à pouvoir jeter un œil sur la soirée. Des couples s’étaient reformés, pour entamer quelque nouvelle danse un peu moins formelle que les précédentes valses.

- Merci pour avoir hum… Abrégé ce moment plus que gênant, tout à l’heure.

Une enseigne passa entre eux – un garçon jeune et dont les yeux pétillaient, ce devait être sa première fête depuis son engagement dans la Marine Impériale – et leur proposa des verres pleins sur un plateau. Lloyd accepta une coupe d’une substance d’un bleu électrique, mais il fit une grimace en y trempant les lèvres. C’était immonde. Un truc d’alien ?

- Er… Le whisky était plus à mon goût. Vous ne buvez rien ?

Il fallait peut-être supposer que l’Amiral était continuellement en service. Le lot de tout commandant de navire, après tout. Mais Lloyd, lui, n’était pas en mission, pour une fois.

- Bon, je passais juste vous dire que, si vous ne l’aviez pas compris, la danseuse et moi nous connaissons. Et si j’étais vous, je la garderais à l’œil.

Lloyd s’interrompit, cherchant un instant ses mots. Il avait envie d’être de mauvaise foi, mais il ne servait à rien de tirer dans les pattes de l’Inquisitrice. Il aurait peut-être l’occasion de dire ses quatre vérités directement à la danseuse en question, ce qui le soulagerait plus efficacement. Il opta pour quelque chose de plus raisonnable. Peut-être plus réaliste aussi.

- Cette artiste a des antécédents auprès du milieu militaire ; du genre à s’être faite un peu trop remarquer. Et à manquer de subtilité. Et à divulguer des informations de manière saugrenue. Bref.

Il haussa les épaules, baissant les yeux sur la coupe qu’il agitait doucement entre ses doigts. Le liquide bleu balayait les parois de la coupe transparente avec une légère résistance : une liqueur, peut-être ?

- Mais bon, je ne suis pas vous, et je suis sûr que vous avez déjà remarqué le potentiel particulier de cette jeune femme. Quant à moi, mon seul job ce soir est de m’amuser, si j’ai bien compris ? A moins bien sûr que vous n’ayez besoin d’un coup de main concernant cela, ça va de soi.

Lloyd avait appuyé ces mots en désignant du menton la porte par laquelle, quelques minutes plus tôt, Aarian et Dana étaient sortis.
Il tenta une nouvelle petite gorgée. Le breuvage était toujours aussi dégueulasse.
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QUELQUES INSTANTS PLUS TÔT – OBRITE DE DROMUND KAAS – EGIDE DE KRAYISS - COURSIVE INTERNE




- Bien. Maintenant, réfléchissons au comment.

Son regard aux reflets précieux suivit le mouvement avien. Il s’était éloigné, préoccupé par la réflexion stratégique comme l’étaient tous les hommes qui n’avaient que connu que l’issue incertaine des grandes batailles. Pourtant, la situation n’avait rien d’une bataille spatiale, ni d’une guerre. C’était un simple assassinat. Soudain, elle eut envie de rire, parce que la contrariété était à son summum et qu’elle ressentait un besoin urgent de l’évacuer. Elle réussit à se retenir, manquant de s’étouffer.

-Connaissez-vous la chasse à la nasse, inquisitrice ? C’est un sport très prisé des familles régnantes, sur notre planète… Une technique cruelle et très décriée, mais d’une efficacité admirable. Tout l’art consiste à orienter la proie en la guidant, à l’aide d’un leurre et d’un effaroucheur. J’ai eu souvent l’occasion d’y participer, durant ma jeunesse. Je pense que cette technique est ma foi très adaptée à notre situation…

Notre situation. C’était terriblement humiliant pour l’Inquisitrice qu’elle était de devoir accepter de partager une part de sa chasse avec d’autres. Runà avait vraiment mal préparé cette intervention et Dana en payait les pots cassés. Mais devait-elle être étonnée, après le fiasco de toutes les missions précédentes ? Son Maître semblait la punir à chaque nouvelle affectation. Et elle subissait le châtiment, sans comprendre son crime.

-Le plan est simple, mais nécessite une temporisation exacte : vous êtes l’appât, je suis la main qui déclenchera la nasse. La nasse est le vaisseau lui-même, et ses équipements de sécurité, ainsi que nos équipes de veille. Toute la technique consiste à guider votre cible sans qu’elle ne comprenne qu’elle est guidée. Laissez Aarian penser qu’il mène la danse, que c’est lui qui vous guide, et non l’inverse. Ne lui laissez pas deviner que tout ceci est une mise en scène : plus longtemps il demeurera dans l’ignorance, plus certaine sera l’issue de votre mission.

Aarian est parfois idéaliste, mais pas naïf ni débile, songea-t-elle avec un peu d’amertume. En l’absence de contreproposition plus sensée, elle conserva un silence à la fois poli et détaché.

-Pour ce faire, vous et moi allons devoir collaborer… mais à distance. Nous ne pourrons agir qu’en léger décalé, pour que votre avance nous permette d’adapter notre piège sans qu’Aarian ne puisse l’anticiper. Comme tous nos officiers, il connaît l’Egide et ses systèmes de communication, même s’il n’en a pas la maîtrise. Il me faut donc agir en parallèle de votre cheminement jusqu’à la nasse, et pour cela, il vous faudra pouvoir gagner du temps s’il s’avère que votre cible change ses plans en cours de route. Tout votre art consistera donc à user des sentiments du sergent à votre égard et de vos charmes pour me gagner ce temps, et récolter toutes les informations possibles.

Lorsque vous aurez compris son but, envoyez un signal par tous les moyens à votre disposition : utilisez votre carte magnétique sur un équipement verrouillé. Vos accréditations n’étant pas suffisantes, le refus sera immédiatement reporté aux postes de contrôle. Nos yeux électroniques seront également en permanence braqués sur vous : faites signes aux caméras, et j’interviendrais.

Rappelez-vous que : la coursive 12F est l’axe principal desservant toutes les salles de conférences, le mess et les cuisines. S’y trouvent successivement à droite et à gauche les embranchements pour les coursives 121F vers les chaufferies bâbord, 122F pour les locaux techniques de l’entretien, et ensuite les passerelles 123F à 130F, sur lesquelles vous trouverez les turbolift menant à l’infirmerie de bord.


Elle eût un sursaut, comme si on venait de la tirer d’un presque sommeil. Oh, elle avait écouté Horakk avec toute l’attention qu’un soldat portait aux instructions de son officier, mais cette partie-là affola son esprit. Elle avait un sens de l’orientation franchement nul. Et quand bien même aurait-elle disposé du luxe d’un plan, elle n’aurait pas su s’orienter avec efficacité. Si à tout hasard, vous vous retrouviez en plein course d’orientation avec Dana, vous n’auriez le choix que de la prendre par la main ou de la perdre à tout jamais. On en était à ce niveau-là de désespoir. Elle n’avait jamais su pourquoi l’orientation était un domaine qui lui faisait cruellement défaut. Mentalement, elle répétait, 122F locaux techniques, passerelles 123F à 130F…turbolift. Merde. C’était quoi déjà les locaux techniques. 121F, je crois.


-Vous n’aurez pas de plan, tâchez donc de retenir simplement ces seules informations-ci. Le sergent connaît cette partie du vaisseau comme sa poche, il n’a donc aucune raison de s’y égarer. Aucune.

Minute. Moi c’est sûr que je vais m’y égarer. Mais elle n’avait pas le choix. Il n’y avait rien à redire, elle était mortifiée. Elle aurait préféré remonter sur scène et repartir pour un tour de poledance, là tout de suite.

-Durant toute la phase d’approche, vous demeurez seule avec le sergent. Nous ne pourrons intervenir que lorsque le traître vous montrera son vrai visage, et, avec un peu de chance, vous révèlera ses intentions. Alors : souvenez-vous de la dernière note de votre pad. Toutes les coursives possèdent une console de communication de secours, disposées dans un mur. Elles sont toutes en liaison unilatérale avec le pont de commandement.
Le pad de données qu’elle n’avait pas lu et qu’elle avait rendu à Fost. L’envie de rire revenait.

Ce signal permet de verrouiller toutes les issues du secteur duquel votre signal aura été envoyé. Vous serez emmurée avec Aarian, le temps que nous intervenions. Il sera alors à votre merci. S’il vous mène effectivement jusqu’à l’infirmerie ? Suivez-le y. C’est un cul-de-sac. Une fois à l’intérieur, déclenchez le code et arrêtez-le. Mais cette configuration ne devrait intervenir qu’en cas d’impasse, car je ne vous cache pas que le matériel à sa disposition dans un tel lieu risque de rendre sa défense des plus redoutables. Si l’opportunité de le coincer entre les coursives 12 se présente, alors n’hésitez pas.

Si l’Inquisition vous envoie effectivement pour éliminer le sergent, je ne m’opposerais pas à sa mort. Je ne vous cache pas cependant qu’une telle extrémité nous privera d’un officier de valeur, et d’un médecin ayant rendu d’innombrables services à cet équipage durant plus de cinq ans. Une telle perte ne sera pas sans conséquence sur notre efficacité. J’espère vraiment que vos supérieurs savent ce qu’ils font.


Une telle extrémité vous privera surtout d’un traitre.

Le mieux, serait encore que nous puissions l’interroger sur ses motivations réelles, et avant tout sur ses éventuels complices. Nous priver de cette opportunité, ce serait nous priver d’une chance de remonter tout un réseau. Mais lorsque vous serez face à lui, vous serez seule juge de son sort. Nous n’interviendrons que pour nous assurer qu’il ne vous échappe pas. Le dernier mot vous revient.





AXE PRINCIPAL 12F





Le dernier mot vous revient.

Merde.

C’est certainement sa manière de demander à être allumée correctement.

Quel connard.

-Dana ?

L’effort qu’elle dut fournir pour sourire vers Aarian lui déchira les muscles de la mâchoire, ou presque. Elle plongea dans ses prunelles bleutées qui ressemblaient à deux océans de souvenirs. Comment avait-il pu en arriver là ? Il avait conservé un bras autour des épaules de la sith. Elle n’aurait su dire si c’était pour la soutenir ou pour l’étreindre. Il la guidait dans le silencieux couloir 12F, qu’arpentaient des droïdes.

-J’ai vraiment mal à la tête désolée…
-Ou tu pensais à lui ?

Elle voulut s’arrêter mais il l’invita à ne pas le faire. L’attention de l’Inquisitrice tâcha de se reporter sur le chemin qu’ils empruntaient. Elle crut déceler un panneau holographique qui indiquait les passerelles 122F à 130F…celles qui menaient à la chaufferie, non ? En tout cas, ils prenaient cette direction.

-Lui ?
-Oui, le capitaine Hope.

Au diable le plan d’Horakk, elle pourrait en finir maintenant, le projeter violemment contre une paroi et réitérer jusqu’à lui briser les os. Pas certaine, toutefois, que les droïdes de sécurité n’interviendraient pas. Et l’Amiral était plutôt du genre lourd quand il se mettait en colère. Aarian appela l’un des turbolifts.

-Pas spécialement non. T’as bien vu que c’était un connard, non ?
-C’est un sith, comme tu l’es ou l’as été, tu dois connaître son genre. Il avait l’air de sous-entendre que tu souhaitais ses faveurs.
-Il avait l’air de rêver, oui.(Un soupir sincèrement agacé échappa aux lèvres de Dana.) Merci d’avoir pris ma défense. Tu n’étais pas obligé.

Cling. Les portes de la cabine s’ouvrirent dans un écho lointain et il l’amena à prendre place dans le turbolfit. Il referma son autre bras autour d’elle. Son geste était tendre, mais ne lui procurait aucune chaleur, ni aucun réconfort. Elle avait l’impression que cette étreinte était un lien de coercition, comme des menottes qu’il lui passait autour des poignets. Mais elle ne devait pas laisser transparaître son inquiétude. C’était paranoïaque de sa part. Aarian, même fidèle à la cause Impérial, avait toujours possédé un bon fond. Son altruisme et sa dévotion avaient perpétuellement tranché avec le caractère égoïste de la sith, comme deux forces contraires s’attiraient.

-Je ne te laisserai pas tomber. Je suis désolé de pas avoir été à tes côtés à Gravlex Med. Je ne savais pas…tu étais déjà partie depuis si longtemps.

Si tu savais, à côté de tout ce que j’ai enduré ces temps-ci, Gravlex Med n’était pas si terrible.

-Nous n’avions aucun avenir.
-Je sais.

Ce constat décevant assombrit un moment le visage du mirialan. L’étage de l’infirmerie de bord était déjà passé, comme il l’avait prévu Shar n’avait pas remarqué qu’ils n’allaient pas dans la direction prévue. Le turbolift les arrêta enfin à destination et il la guida dans un couloir plus étroit, où des portes s’alignaient de manière régulière. Le quartier des officiers, qui était plongée dans la pénombre, s’illumina à leur arrivée. Les leds coururent le long des rampes, éclairèrent les numéros de cabine. Leur pas furent amortis par autre chose qu’un revêtement en acier.

-C’est ironique, dit Tibalde. Ma cabine c’est la 2330.
-Ta cabine ?!

Les talents d’actrice, Dana. Les talents d’actrice.

-Je me disais que tu reposerais mieux dans un lit, dans un environnement où il y a moins de va et vient..
-C’est…aimable d’avoir pensé à ça…

Faudrait que le jury lui décerne un prix pour le meilleur second rôle dans cette comédie affreuse.

-Après tout, c’est toi le médecin.

Elle aimerait les acclamations du public.

Il dévia sa main, qui quitta l’épaule de la brune pour glisser le long de son bras et prendre sa paume. Je fais quoi maintenant, tête de piaf ? C’est quoi ces histoires de cabines ?

Une impasse aussi, semblait lui répondre la voix perçante de l’Amiral.

Elle devait garder la tête froide, ne pas se sentir acculée. Le plan prévoyait qu’Aarian s’éloigne de sa trajectoire initiale. C’est lui qui était à sa merci et non l’inverse. Reprendre le contrôle était plus qu’impératif. Un bip annonça le déverrouillage d’une porte. Dana remarqua le numéro de celle d’à côté. 2331. Quel connard. La traîne de sa robe glissa sur le sol mou avant d’être avalée par les ténèbres de la chambre du sergent au milieu de laquelle, elle demeurait plantée. Tibalde s’était rapproché du panneau de commande et avait chipoté au variateur de lumière. Une pénombre tamisée s’installa, parfaitement inadéquate pour que Shar puisse observer son environnement avec précision. La poisse. A peine devinait-elle les positions du lit, des meubles, la silhouette familière du mirialan.

-Nous n’avions aucun avenir et pourtant, on se retrouve ce soir. Sur une cabine de l’Egide. Comme quatre années auparavant.
-J’ai vraiment mal à la tête.

Non, là vraiment, elle ne savait plus quoi dire. Parce que ce n’était pas le moment de ressasser le passé, qu’elle devait agir. Il revint vers elle et instaura une proximité dévoyée entre leurs corps frappés par la faible lueur des lieux. Elle sentit l’un des cordons de sa robe être sollicité par les doigts habiles d’Aarian.

-J’ai le remède parfait pour les maux de tête.
-Tibalde…ce n’est pas une bonne idée.
-Au contraire. Si tu dois rejoindre le capitaine Hope ce soir, j’aimerais passer avant lui, et peut-être avant d’autres. En souvenir du bon vieux temps.

Elle frappa sèchement la main du médecin pour l’éloigner de ses courbes.

-Tu m’as prise pour une prostituée ?
-Dana, fit-il et elle devina son sourire rôdé sur ces lèvres olivâtre, Il n’est pas nécessaire de se voiler la face. Toute artiste que tu es, tu devais te douter de la manière dont les choses finiraient.
-Vraiment…je ne me souvenais pas que tu étais si pragmatique.

En fait il l’était, il l’avait toujours été, ce qui faisait de lui un excellent médecin, comme un bon soldat.

-C’est ce que tu attends de moi, donc ?
-C’est ce que nous voulons tous les deux, non ?

La paume de l’officier avait déjà conquis la hanche de l’Inquisitrice et chutait toujours plus bas contre le galbe de son corps féminin, jusqu’à échouer contre son postérieur, là où la main de Hope s’était trouvée quelques instants plus tôt. Celle qu’il avait libre avait plongé dans sa poche. Elle avait l’impression d’être confrontée à un choix qui déterminerait l’issue de sa mission. Réagir aux doigts d’Aarian contre sa croupe, ou réagir à ceux qui avaient disparu dans sa poche. Qui devait prendre le dessus, Dana – l’artiste, ou Shar, la Purificatrice Sith ? Une seconde plus tard, elle avait empoigné la main qui avait disparu dans la main de l’uniforme.

-Oui.

Il souffla un rire qui n’avait rien de léger ou d’amusé.

-Alors tu es comme ça. Une prostituée. La Dana que j’ai connue aurait refusé. Je suis un peu déçu je dois bien l’avouer.
-On change tous, il faut croire, répondit-elle. Je suis peut-être devenue une prostituée, comme tu dis….mais toi…

Désolée, tête de piaf.

-Toi tu es un foutu traître de merde !

Leur regard plongea l’un dans l’autre. Une étincelle de lucidité naquit de cet échange. Elle comprit. Il comprit aussi. Il délogea de sa poche une seringue hypodermique, forçant la poigne de la sith. A la faveur de l’éclairage tamisé, elle vit l’aiguille se manifester. Elle mobilisa la Force, mais il fut plus rapide. Et au moment où elle réussissait à se connecter à elle, il avait déjà planté l’instrument sur le haut de son bras dénudé. Un liquide étranger se mêla à ses veines brûlantes, occasionnant une douleur des plus désagréables. Elle grimaça et Aarian accompagna sa chute au sol.

Etendue à terre, la Sith tentait de rassembler ses capacités cognitives. Au travers de sa vision trouble, elle essayait de repérer une console de communication de secours….Merde, c’était uniquement dans les coursives. Mais il devait bien y avoir quelque chose qu’elle pourrait faire. La lumière revint à son intensité maximale, perturbant davantage sa vision. Tibalde se pencha sur elle, caressa ses cheveux bruns pour découvrir son minois pâle.

-J’espère que tu iras t’excuser sincèrement auprès du Capitaine Hope ce soir. Et qu’il t’allumera. Ca arrangerait mes affaires. Quant à moi, tu m’excuseras, mais je ne te toucherai plus. Ce serait trop risqué.
-Tes affaires..

Il fallait gagner du temps.

-Shh, n’essaie pas de parler dans ton état. Tu te sentiras mieux après. Promis, ce n’était pas du kolto synthétique, que tu détestes tant.

Dans la chute, sa carte magnétique lui avait échappé. Elle gisait au sol, plus bas. Dana avisa les portes à trois mètres de leur position. Elle analysait péniblement les possibilités. Une diode rouge sur le panneau de commande d’ouverture des portes lui indiqua qu’il les avait verrouillé. Elle appela la Force à elle, s’accrocha aux sens opérationnels qu’il lui restait. Sa concentration allait à la Force. La carte magnétique eut un soubresaut. Elle fronça les sourcils. Ses muscles contractés la faisaient subitement souffrir le martyr mais elle insista. Elle poussa un gémissement contrit et la carte fut propulsée contre le verrou électronique. Ce fut un refus catégorique.. Elle espérait que ce signal suffirait, comme l’avait dit Horakk. Parce qu’elle n’avait plus d’énergie et qu’un voile sombre était tombé sur ses yeux. Tibalde se détourna vivement vers le bruit du badge qui chutait au sol.

-Tu es vraiment emmerdante, soupira-t-il, agacé. A qui d’autres as-tu dit que j’étais un traître ?

Il délogea un comlink sombre de sa ceinture et l’activa sur une fréquence qui grésilla un instant.

-Agent 73, cette fréquence est strictement interdite tant que vous êtes en mission.
-Ma couverture est compromise, je vais devoir quitter l’Egide.
-Répetez, Agent 73.
-Ma couverute est compromise. Je vais devoir quitter l’Egide.
-Négatif, Agent 73. Vous devez aller au bout de la mission. Terminé.

Aarian passa une main lasse contre sa figure tatouée. Il avisa le corps inerte de Dana au sol, qui frisonnait déjà d’une légère fièvre. Elle avait toujours été belle quand elle dormait. Le sommeil qui apaisait ses traits la rendait moins sauvage, moins fatale. Elle redevenait humaine dès qu’elle fermait les yeux. Il se mit à réfléchir à la suite. Les renforts ne tarderaient pas à venir le cueillir. Il pourrait prétendre un malaise, mais le croiraient-ils ? Qui était-elle vraiment et qu’avait-elle pu leur dire ? Si elle l’avait dénoncé quel crédit l’Amiral aurait accordé à ses dires ? Pour une fois, il se sentait pris en tenaille. Se rendant compte qu’il serrait son comlink trop fort, il tenta de se détendre. Ses bras glissèrent sous les courbes de l’Inquisitrice et il la souleva pour la déposer avec précaution au creux de sa couchette. Elle s’ébroua, gémit d’inconfort.

Quand elle ouvrit les yeux, il était à son chevet, toujours dans le secret de la cabine. La mine sérieuse, il mesurait son pouls, les doigts pressés contre le poignet de sa victime. Combien de temps s’était écoulé, pensa-t-elle, et les renforts n’étaient toujours pas là.

-Tu as un peu contrarié mes plans, lança-t-il. Qui es-tu ? Tu travailles pour l’Inquisition Sith ?
-On ne peut rien te cacher.
-C’est dommage. Je vais devoir t’éliminer.
-Moi aussi, je vais devoir t’éliminer, souffla-t-elle dans une légère toux.
-Le temps d’incubation de ce que je t'ai injecté est de quelques heures, mais l’incubation va te pomper pas mal d’énergie. Normalement, tu serais allée mieux après. Tu aurais regagné la salle où tu brillais. Tu aurais transmis à ton tour. Et de fil en aiguille. Mais ce n’est pas grave, je vais trouver un autre moyen. Un autre vecteur.

Elle eût un frisson. Sa tête était lourde. Elle aurait aimé solliciter la Force, mais trop faible, cette dernière refusait de venir à elle. Il extirpa son blaster de poing du holster qui pendait à sa ceinture et la pointa contre sa tempe. Le métal froid du canon contrasta douloureusement avec sa peau brûlante et malade. Elle leva les yeux verd lui, puis la main, dans un geste défensif. Elle voulait saisir l’arme, l’éloigner.

-Puisque ma couverture est compromise. Autant effacer toutes mes erreurs de ce soir.




HRP a écrit:Une partie du mérite va à notre petit partenaire plumeux pour la rédaction du plan.
Horakk Antarxarxès
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-- Orbite de Dromund Kaas -- Pont inférieur de l’Égide de Krayiss -- Mess des officiers --


Tandis que les silhouettes disparaissaient dans l'ombre de la coursive 12F, l'amiral repassait lentement les dernières minutes qui venaient de s'écouler, indifférent aux nouvelles sollicitations. Le décalage entre la rapidité de l'action et la soudaine lenteur de ses pensées s'agrandissait de secondes en secondes. Au beau milieu des notes de musiques égrenées par les hauts-parleurs, un vieil allié sortit des ombres, alors qu'autour de lui, le temps semblait se déliter comme une vieille porcelaine mal cuite.


Tu sais qu'elle n'en a rien à faire. Et pourtant... tu continues à faire comme si ! Comme si quoi ? Comme si les Sith allaient subitement se mettre à devenir consciencieux ?! Sans déconner, petiot ! J'vais finir par croire que tu es un peu maso sur les bords...!


Horakk soupira. La voix désincarnée se fondit dans le silence alors que les discours bien vivants l'entouraient de nouveau. Il n'avait pas la moindre idée de la portée de ses mots auprès de l'inquisitrice.
Il devait vivre avec la désagréable certitude qu'elle n'avait gardé le silence devant lui que par pure politesse. Il devait lui concéder un sang-froid bien plus important que celui des rares Sith à avoir foulé les planchers de l’Égide ces dernières années. Mais quant à déterminer l'origine exacte d'une telle impassibilité... C'était une autre affaire.

Qu'allait-il en être de leur capacité à coincer définitivement Aarian sans alerter la totalité du navire ? Sans qu'il ne porte atteinte à leur sécurité en se découvrant pourchassé ? "Tout repose sur votre talent."

C'était vrai. Et faux tout à la fois : il ne pouvait plus se permettre de jouer aux dés avec la volonté aléatoire d'une jeune femme dont, au final, il ne savait strictement rien. Pas maintenant que leur flotte était stationnée autour de Dromund Kaas, pas maintenant que le pouvoir les avait rappelé à lui pour célébrer, d'une manière certes courte mais hautement symbolique, le fait qu'aucun traité de paix ne pourrait mettre un terme à la volonté de grandeur d'un Empire encore en devenir. C'eut été, d'une manière bien trop ironique, prêter le flanc à tous leurs détracteurs.

Horakk estimait donc ne plus avoir le choix. Alors que sa partenaire de circonstance avait disparu au bras de leur cible, il devait, lui, s'activer de son côté, pour parer à toutes les éventualités et décorer cette phrase hasardeuse d'un point final un tant soit peu honorable. S'il devait laver l'affront qui avait été fait à la Ve flotte en laissant un traître nicher dans leurs rangs... Ce serait ce soir, ou jamais.

" Amiral. "

Antarxarxès tourna la tête au son d'une voix vaguement connue. Il posa un long regard interrogatif sur la silhouette vêtue de sombre qui venait vers lui d'un pas légèrement chaloupé. Lloyd Hope s'arrêta à un bon pas, la mine contrariée. Horakk le gratifia d'un mouvement de tête, surpris que le Sith ait si soudainement traversé la salle pour aller à sa rencontre. Mais le mystère ne demeura pas longtemps entier : l'homme prit conscience de son air fermé et, avec un bref sourire, tenta d'amorcer davantage la discussion :

" Merci pour avoir hum… Abrégé ce moment plus que gênant, tout à l’heure.

-Me remercier n'est nullement nécessaire, capitaine. Je n'ai fait que mon devoir, rien de plus. "

C'était peut-être faux, en fin de compte. D'autres que lui auraient sans doute laissé le Sith qu'il était prendre l'initiative, trop pleutres... Ou trop conscient des risques. Mais, avec un énergumène comme Antarxarxès, on était souvent en droit d'attendre une réaction toute prévisible face à ce genre de situation. Fidèle à un code moral qui en aurait fait ricaner une paire, le serennien ne dérogeait pas à ses propres règles. Un mouvement sur sa gauche attrapa son attention, et le rishii se tourna vers le jeune homme qui venait leur présenter quelques verres en échantillon de ce que proposait les larges tables un peu plus loin.

Il contempla le choix de Hope avec un certain étonnement.

" Er… Le whisky était plus à mon goût. Vous ne buvez rien ? "

Un pli malicieux apparut aux coins des yeux oranges. Non, visiblement, c'était le hasard - ou la teinte chatoyante ? - qui avait guidé la main du hapien... Et le résultat était relativement drôle. La couleur était souvent trompeuse, en terme d'aliment : de la myriade d'alcool et de boissons, parfois douteuses, que recelait la Bordure Extérieure, les liquides bleus étaient légion. Leurs teintes cependant variaient suffisamment pour permettre à un œil exercé de les différencier. Horakk appréciait l'alcool, mais sa nature d'avien ne lui donnait pas une résistance suffisante à ses effets pour en faire un pilier de bar. En revanche, sa vie lui avait donné l'occasion de bourlinguer sur de nombreuses planètes aux coutumes variées.

Sur Serenno, les amateurs d'alcool trouvaient volontiers leur bonheur au milieu des innombrables étals du célèbre Marché de Carannia. C'était à l'occasion d'une telle sortie que le jeune rishii qu'il avait été avait fait la malencontreuse découverte que venait bien malgré lui de faire Lloyd Hope à son tour. Le Sith semblait regarder la boisson qu'il avait choisi avec une grande perplexité. Horakk en devinait parfaitement l'origine, et la réaction dégoutée du blond l'amusa beaucoup. Son oeil s'alluma d'une lueur vive.

" Du Cognac d'Axal, expliqua-t-il en désignant le verre d'un discret mouvement du bec, je doute en effet qu'un tel breuvage puisse seoir à votre palais. A ma connaissance, seuls les rattataki et les zeltrons supportent son parfum âcre et puissant sans sourciller. "

Un rire malicieux perçait à chacune de ses consonnes. Gratifiant son officier de circonstances d'un regard entendu, il retrouva tout son sérieux la seconde suivante :

" Pour répondre à votre question, sachez que s'il ne devait rester qu'un seul esprit vigilant ici ce soir, ce devrait être le mien. M'octroyer le luxe d'une ivresse inconvenante à bord de mon propre vaisseau ferait de moi un bien piètre officier... N'êtes-vous pas de cet avis ? "

C'était là tout le poids d'un grade comme le sien. Il n'était plus un jeune bleu fêtant sa première permission... même si, dans le creux d'un aveu coupable, il aurait donné cher pour que ce soit le cas, encore, l'espace d'une soirée. Mais plus aujourd'hui, et certainement pas avec le couperet d'un traitre en liberté à son bord. Hélas, les loisirs devraient attendre !

" Mais, soyez sans crainte. J'ai déjà pris par aux festivités, fit-il en repensant à la flûte qu'il avait vidée un peu plus tôt dans la soirée, j'ai simplement trop conscience de mes propres limites en la matière pour m'aventurer sur un terrain dangereux. "

Ils se dévisagèrent une longue minute en silence, Horakk goûtant secrètement le plaisir nouveau de cotoyer un individu Sith ayant un si grand contrôle de lui-même. Ils étaient rares, aujourd'hui. Le rishii en vint à penser qu'il regrettait de n'avoir guère profiter de la courte période durant laquelle l'humain avait été à son bord pour le découvrir davantage. Un mal pour un bien : cette soirée mouvementé serait peut-être un erzatz à cette occasion manquée.

Voyant qu'il ne relançait pas la conversation, Hope dut juger que les sujets précédents étaient éclusés.

" Bon, je passais juste vous dire que, si vous ne l’aviez pas compris, la danseuse et moi nous connaissons. Et si j’étais vous, je la garderais à l’œil. "

Antarxarxès jaugea toute l’aigreur qui transpirait des mots de Hope en silence. Un sentiment aussi puissant et mal refoulé prenait un tout autre sens dans l'esprit du rishii, maintenant qu'il connaissait le lien entre le capitaine et Shar. Un lien dont la nature exacte restait obscure, mais dont l'amiral pressentait vaguement la teneur. Shar avait donc eut une liaison avec Tibalde Aarian. Peut-être, à présent, avec Lloyd Hope. Avec qui d'autre, à présent ? Allait-il découvrir que la moitié de son équipage connaissait Dana Shar ? Pourquoi, au vu des images mentales qu'il lui restait de la jeune femme, cela ne parvenait-il toujours pas à l'étonner ? Les préjugés pouvaient allègrement avoir la vue dure avec un tel exemple...

" Cette artiste a des antécédents auprès du milieu militaire ; du genre à s’être faite un peu trop remarquer. Et à manquer de subtilité. Et à divulguer des informations de manière saugrenue. Bref. "

La langue lui brûlait de demander davantage de précision sur ces menus détails - sans doute laissés à ses oreilles fort à propos. Le but du hapien n'apparaissait pas bien clair, même pour lui. Voulait-il réellement tenter sa curiosité ? Ou souhaitait-il le mettre en garde contre quelque chose de précis ? Peut-être, après tout, avait-il l'un de ces talents dans la manipulation subtile des foules qu'Horakk connaissait à certains Sith...

" Mais bon, je ne suis pas vous, et je suis sûr que vous avez déjà remarqué le potentiel particulier de cette jeune femme. Quant à moi, mon seul job ce soir est de m’amuser, si j’ai bien compris ? A moins bien sûr que vous n’ayez besoin d’un coup de main concernant cela, ça va de soi. "

Horakk nota l'étrange expectative, un ton soudain presque plaisantin. Mais derrière le rire faux de Hope, il décelait une forme de tristesse qu'il n'avait que rarement côtoyée. L'air fermé de Hope n'en laissait rien paraître, mais son regard, lui, ne trompait pas le rishii. Sans doute le Sith n'en avait pas réellement conscience... Tout portait à croire qu'il se défendait par réflexe en se tournant de la sorte en dérision, et l'alcool semblait l'y aider.

Lorsqu'il se décida à parler, Antarxarxès le fit sans chercher à dissimuler une certaine irritation à l'encontre du commentaire. Une telle décision de sa part avait d'ores et déjà été suffisamment commentée par ses propres lieutenants, il n'appréciait que moyennement que le Sith se joignit au cortège. Du moins, c'était le sens qu'il donnait alors aux mots de Hope.

" Ce "job"... peut sans doute vous paraître d'une futilité risible, capitaine. Pour les hommes et les femmes que vous observez ce soir, il est une porte ouverte sur une évasion mentale qui ne leur avait plus été offerte, pour certains, depuis plus de deux années standard. Malgré toute la rigueur de leur entrainement... Ce sont des êtres vivants. Et non des droïdes. Ils ne peuvent pas se contenter éternellement de recevoir des lignes de code et d'une recharge sur une base inductive, de temps à autre... Ce n'est pas si simple."

Des êtres soumis au feu continu d'une guerre qui les avait largement éprouvés. Des individus qui, malgré tout l'esprit de corps qui pouvait être le leur, avaient leurs propres besoins, leurs propres desseins, imperméables aux volontés supérieures des grands maîtres de l'Empire, et qu'il n'était jamais bon d'ignorer lorsque l'on entendait les diriger comme il le faisait, jour après jour, les jetant parfois dans des situations périlleuses ou bien d'autres auraient simplement tourné les talons, ou pissé de trouille sur place. Faire aller de l'avant toute cette masse hétéroclite était un labeur de chaque instant, et exigeait davantage de sens politique qu'on ne pouvait l'imaginer.

" Mais, si cet amusement n'est point de votre goût, sachez que j'en ai un d'un tout autre acabit à vous proposer... Suivez-moi. "

Il avait dit cela d'un ton équivoque, laissant planer un parfum de mystère sur cette invitation soudaine. D'un geste courtois, l'alien invita l'homme à le suivre dans la coursive par laquelle il avait précédemment disparu en compagnie de Dana. Il garda le silence, jusqu'à ce qu'ils aient passé le barage de droïdes, jusqu'à ce que les dernières oreilles trainantes ne puissent plus capter leur future conversation.

" Il m'est inutile de faire durer davantage le suspens, capitaine. Oui, je sais qui est Dana Shar. J'aurais cependant aimé le savoir bien avant ce soir. Ainsi que les raisons de sa venue."

Il ralentit quelque peu la cadence, laissant leur rythme respectif s'ajuster jusqu'à ne faire qu'un.

" Si vous avez des choses à me dire, n'hésitez pas : à la guerre, le renseignement est primordial... Et je ne vous cache pas que ce soir, d'une façon curieuse, nous en manquons cruellement... La fête est loin d'être le seul de mes soucis. "

Leurs pas se mirent en phase, et Horakk accéléra de nouveau, pointa l'un des turbolifts sur la passerelle plus loin. Ils prenaient la direction du pont de commandement. Antarxarxès ne tenait pas à perdre de temps plus que nécessaire, conscient que s'il avait volontairement laissé de l'avance à Shar et Aarian, ce n'était pas pour l

" Je vais tenter d'être concis et synthétique - mais cela risque d'être complexe. Et si je ne suis sans doute pas aussi bien renseigné que vous à son sujet, ce que je sais me suffit à penser que votre concours dans l'affaire qui nous occupe ce soir ne sera pas de trop. "

Il darda sur l'officier Sith un regard interrogatif. Quel âge pouvait-il avoir, avec ce visage exempt de rides, de celles qu'il voyait régulièrement sur les faces burinées des humains plus âgés ? Le rishii n'aurait trop su le dire. Il dégageait simplement une sorte de candeur sans origine.

" Tout d'abord, je dois contacter le commandant Dremilcol sur le Sibyllin : je dois m'assurer que l'objet de notre quête ne puisse s'échapper de l’Égide. "

Et sur cette phrase pleine de révélations sans précisions, il entra dans la cabine, invitant Hope à en faire de même.


--

Hassin mâchouillait les restes du sandwich qu'il avait réussi à embarquer avant de sortir de la salle. Sur les talons du couple, à bonne distance afin de ne pas entrer dans leur champ de vision, le snivvien repensait rêveusement à la soirée qui venait de s'écouler. Lui qui avait rarement un sou en poche pour s'offrir ces affriolantes tournées de cantina, venait sans aucun doute d'assister à l'une des rares représentations de sensualité débridée que sa morne existence ne lui avait jusque-là offerte. Il ne savait que trop en penser, tout philosophe et détaché de ces choses qu'il était... Mais l'expérience n'avait pas été désagréable : elle le rendait d'humeur poète.

Une idée en entrainant une autre, la voix du capitaine Fost fit écho dans sa large tête, alors que ses yeux noirs détaillaient les deux silhouettes presque confondue au fond de la coursive 12F.

Tout en marchant d'un pas égal, le militaire placide réfléchissait au bien fondé de la demande de son capitaine. Il n'en avait guère l’habitude : d'une part parce qu'un impérial ne discutait jamais un ordre... D'autre part, parce qu'on ne lui demandait jamais rien qui ne le sortait de son quotidien de superviseur. C'était une première, et Hassin ne comprenait pas vraiment pourquoi le commandant voulut qu'il suive les deux tourtereaux - il aurait été aveugle de ne pas le penser - jusqu'à

Vous allez suivre discrètement ces deux personnes... Le sergent Aarian et la danseuse, d'accord ? Normalement, il l'emmène à l'infirmerie. Si jamais vous constatez qu'il se passe quelque chose... disons, d'anormal ? Contactez-moi, ou le commandant Granath.

La trace sombre de la dame en noir disparut dans le coude de la coursive, et il hâta discrètement l'allure pour ne pas se faire distancer.

Dans l'esprit placide du snivvien, l'idée que sa cible puisse fomenter un mauvais coup débarquait avec la soudaineté et la violence d'un coup de blaster. L'alien mit une longue minute à réaliser qu'il venait de les perdre.

" Commandant ? Ils... Ils ont dépassé l'infirmerie. Je fais quoi ? "

Un bref grésillement plus tard, la voix tonitruante du cathar beugla au travers du haut-parleur :

" SUIVEZ-LES, PAUVRE CLOCHE ! NE LES LAISSEZ PAS SANS SURVEILLANCE ! "

Hassin sursauta.

" A-A vos ordres, commandant ! "

Ses énormes narines frémirent de contrariété, et il fonça en direction du turbolift. Il guetta nerveusement les numéros qui défilaient sur le panneau d'affichage. Dès qu'il eut l'information qu'il lui fallait, il s’engouffra précipitamment dans la cabine qui se présentait. Les rails magnétiques le propulsèrent sur les traces des deux suspects.


-- Orbite de Dromund Kaas -- Pont supérieur de l’Égide de Krayiss --

Dans la salle de contrôle sous leur passerelle, quelques uns des techniciens de bord avaient relayés leurs collègues à la barre. Horakk les invectiva sitôt arrivé, ordonnant la mise en place du plan de surveillance qu'il avait donné à Dana. Sur le pont de commandement, une fois ralié l'holoprojecteur principal, Horakk ouvrit un canal vers le pont du Sibyllin, où le commandant Dremilcol, visiblement étonné que son supérieur le contacte à une heure si peu avancée. Le reste de la flotte était resté en alerte, tandis que l'équipage de l’Égide prenait du bon temps.

" La soirée se termine déjà, amiral ? demandait le vieil humain avec un léger sourire narquois,

- Dans une certaine mesure, commandant. Je vais devoir faire appel à vos équipes de surveillance et à l'un de vos escadrons.

-Diantre ! C'est donc si sérieux. Très bien, je vous écoute. "

Il avait à peine jeté un coup d’œil à la silhouette en noir qui accompagnait Antarxarxès, n'y prêtant guère attention. A peine étonné de ne pas connaître la tête blonde qui dépassait de l'uniforme à moitié dans l'ombre. Horakk répéta donc avec autant de célérité les explications qu'il avait administrées à Hope, mais dans leur version courte. Un traître avait été identifié et isolé, mais l'on ignorait encore quel danger il représentait. Dremilcol, habitué au mutisme de l'armée impériale, se garda de quelque commentaire, acquiesçant sombrement à la conclusion de l'amiral.

"Voilà le tout du problème. Je préfère parer à toute éventualité : si notre tentative d'attraper le traitre à bord échoue, je veux que vous l'abattiez sur-le-champ sans égard pour l'appareil qu'il aura tenter de dérober. Il est hors de question qu'il en réchappe.

-Qu'il essaye seulement, ricana Dremilcol avec un hochement de tête entendu, et il finira de la plus sotte des façons. Je vais de ce pas mettre sur le pied de guerre un escadron. "

Antarxarxès espérait bien qu'une telle option ne soit pas nécessaire. Si cela s'avérait être le cas, ce ne serait guère qu'un aveu d'échec de sa part. Douloureusement honteux. Mais cela valait toujours mieux que de savoir Aarian encore capable de nuire.

" Capitaine Hope ? C'est ici que le véritable jeu commence. Je vais avoir besoin de toute votre attention. "

Tout comme il l'avait fait pour Shar avant lui, l'amiral souhaitait donner tous les éléments nécessaires à son allié de circonstance pour qu'il puisse s'intégrer à la traque du traître. Peut-être le jeune blond serait-il plus réceptif à ses indications que ne l'avait été la brune...

L'avien prit une seconde pour organiser ses pensées, avant de se retourner vers le jeune Sith. Il constituait en réalité un atout inespéré, inattendu. En clair, donc : l'as dans sa manche, alors qu'Aarian lui-même, tout aussi suspicieux aurait-il pu être, ne s'attendait sans doute pas à voir débarquer un second Sith à ses trousses.

Par la passion, j'ai la puissance.
Par la puissance, j'ai le pouvoir.

Par le pouvoir, j'ai la victoire.


Lentement, le piège s'était bel et bien mis en place, réduisant les mouvements d'Aarian au strict minimum. Il ne restait plus qu'à surveiller de près leur chemin... et attendre le signal de Shar.

Mais la dizaines de minutes qui venaient de s'écouler avait vu Lloyd Hope accuser un contre-coup grandissant pour son verre de cognac. Horakk l'observa avec une inquiétude nouvelle.

Le temps s'écoulait à la fois terriblement lentement, et à une vitesse folle. Sur les moniteurs des caméras de l’Égide, Horakk regardait avec une déception grandissante les deux silhouettes parcourir les coursives vidées de leurs occupants habituels. Ces images, il les connaissait : Aarian venait de faire descendre Shar dans les couloirs étroits de l'étage des cabines personnelles des officiers.

Sa cabine. Pourquoi n'y avais-je pas pensé ? constata-t-il avec une fatalité consternée.

Il ne se souvenait pas d'avoir connu un jour le numéro de cette fameuse cabine. Mais, en réalité, pour Antarxarxès, cela n'avait plus d'importance : la portion de vaisseau était désormais identifiée. Shar avait finalement réussi sa part du plan, qu'elle l'ait fait à dessein... ou fortuitement. L'amiral pouvait dès lors les emmurer tous les deux dans leur cage étroite, et attendre qu'elle l'ait massacré, comme sans doute, elle ne manquerait pas de le faire.

L'hologramme de Granath apparut à leur côté :

" Le sergent Hassin les suit, amiral. Il est prêt à faire intervenir nos unités dès que nécessaire... Mais ce que vous craignez est advenu : Aarian ne se dirige pas à l'infirmerie. Ils ont dépassé l'étage, ils continuent vers les quartiers des officiers.

-Bien. C'est parfait ! Je vais m'assurer que l'on envoie des unités médicales au mess pour les victimes inconscientes. Je doute que notre... docteur... n'ait jamais eu la moindre intention de s'en occuper. Dites à Hassin de rester hors de vue jusqu'à ce qu'il puisse identifier leur destination exacte. Nous les avons en visuel sur l'holosurveillance.

-A vos ordres, bien reçu. "

De nouveau seuls, au-dessus du travail silencieux des quelques techniciens de veille, les deux silhouettes de l'amiral et du capitaine se détachaient sur le fond noir de l'espace.

" J'imagine bien que cela ne faisait pas partie de vos plans pour cette fin de soirée, capitaine. Mais maintenant que vous comprenez pleinement la raison pour laquelle l’inquisitrice Shar a été dépêchée ici sous couverture, vous comprenez également pourquoi votre concours ne peut que m'être bénéfique. Régler ce problème rapidement et efficacement ne pourra qu'être une bonne chose, pour vous comme pour moi. Sans compter la réputation de ce bâtiment.

Je vais donc humblement vous demander de prendre part à cette chasse, capitaine ! Pour le bien de l'Empire, et de mon équipage. Je pense qu'il est trop tard pour imaginer une fin favorable à la capture du sergent Aarian, mais j'escompte que si l'occasion se présente, nous devrons tenter d'en apprendre plus sur la réalité des plans du traître à notre bord. Il en va de notre sécurité.
"

Le comprenait-il en effet ? Etait-il encore sous l'emprise de l'alcool ? Horakk n'avait pas les connaissances suffisantes pour jauger de l'état du hapien qui lui faisait face.

Soudain, sur l'écran de surveillance des installations de l’Égide, une ligne rouge apparut.

Rapport à l'unité centrale / Criticité Faible / Tentative de déverrouillage refusée / Accréditation de niveau 0 insuffisante / Matériel : porte étanche niveau 2 / Carte temporaire n°4568 - 14 identifiant valide

" Amiral ! Signal détecté ! glapit le technicien, ravi, il a été émis... "

Avec un air concentré, il pianota fébrilement sur ses claviers, avant de redresser fièrement la tête :

"... depuis la cabine n°2330 ! Quartier des officiers ! "

Le cœur d'Horakk fit un bond, l'adrénaline le précipitant soudain dans les bras de l'expectance vorace qui précède toujours une action brutale, décisive. Ce n'était qu'une vulgaire embuscade de fond de couloir, destiné à un individu isolé... Mais le sergent Aarian n'était pas un simple péon. C'était un officier de valeur, d'une compétence remarquable et doté d'un instinct puissant. L'appréhender ne serait sans doute pas aussi aisé que n'avait pas manqué de le croire l'inquisitrice en robe noire.

" Nous y sommes, elle le tient ! Déployez toutes les unités du secteur sur-le-champ ! Capitaine Hope, commandant Granath, avec moi ! Le sergent Aarian est désormais en état d'arrestation ! "

D'un geste énergique, il dégaina son vieil estramaçon aux reflets fuligineux, et se dirigea d'un pas martial vers le turbolift sans un regard en arrière. L'heure de vérité approchait : si Aarian était bel et bien le traitre recherché par l'Inquisition, il venait de se faire un ennemi mortel.

Alors qu'Aarian et Shar avaient disparu dans l'ombre de leur intimité depuis une bonne dizaine de minutes, comme une docile mécanique huilée, la nasse se referma sur la petite porte de la cabine n°2330.

" Avez-vous déjà emprunté une capsule à propulsion supraconductrice, capitaine ? Un peu daté mais très efficace ! Elles servent à rallier les extrémités d'un vaisseau en cas d'extrême urgence. J'espère que vous appréciez être secoué : ce n'est pas le moyen de transport le plus agréable. "


-- Orbite de Dromund Kaas -- Pont inférieur de l’Égide de Krayiss -- Cabine n°2330 --

Rien n'était sensé se passer comme ça... T'es vraiment une plaie, Shar.

Le temps s'était figé. Devant le regard assassin de Dana qu'il voyait sans le voir, Tibalde visionna soudain les souvenirs de cette soirée délirante à l'accélérer, frappé d'une illumination glaçante.

L'annonce de la soirée. Inattendue, étonnante... Mais pourquoi pas ?

La salle, les rangées de siège, et les commentaires...
Elle. Sur scène. Nouvelle surprise ! Que fait-elle là ?
Indécente danse, bouleversante de nostalgie... Foutue Dana Shar !
L'ouverture du bal. Dana qui danse.
Elle, encore. Toujours, elle !
La gifle. Inattendue, encore, encore... Mais drôle. Innocente dans le déroulé des évènements ! Ou peut-être pas ?
L'amiral qui l'emmène... Hors de ma vue. Oui, voilà !
C'est à ce moment là que tout est parti en vrille !



" Des coïncidences, sergent ? Les Sith appelleraient cela la Force. "


Les voix, les images, les sensations s'entrechoquèrent à toute allure dans son crâne alors que les mots de la Sith le poignardaient :

" Toi tu es un foutu traître de merde ! "

Une sensation d'urgence le saisit : comment le savait-elle ? Qui ? Pourquoi ? Depuis quand ? Il n'a plus le temps de se poser toutes ces questions. Il doit la neutraliser. Alors, ses dents mordent brutalement sa lèvre, et il force sur son bras, faisant saillir l'objet effilé tenu dans sa main.

" Tu es vraiment emmerdante... A qui d’autres as-tu dit que j’étais un traître ? "

Il s'était fait avoir. Ce simple fait le mettait hors de lui... Ce qu'il avait entendu au travers du comlink avait achevé de le persuader de ce qu'il savait déjà : personne ne se compromettrait pour lui. Personne ne viendrait à son aide pour le sortir de ce merdier. Il était seul. Définitivement. Il ne lui restait plus qu'à trouver le moyen de quitter ce foutu vaisseau... Avant qu'il ne se transforme en tombeau.

Son regard tomba sur Dana. Jugulant la colère sous-jacente qui menaçait d'altérer ses capacités d'analyse, il se força à respirer.

" ...Autant effacer toutes mes erreurs de ce soir. "

Avec un geste délicat et mesuré, il visa la tempe. La gâchette du blaster froide contre son pouce brûlant d'un stress fiévreux.

" Non. "

Le mot lui avait échappé, en même temps qu'un sourire narquois.

" Tuer une Sith, ça me vaudrait bien plus d'ennuis dont je n'en ai besoin... Pas vrai, Shar ? Au fond, c'est ce que tu souhaites. Me voir au bout d'une corde ? Me voir déchiré en morceaux au fond de l'une de vos geôles sordides ? Je n'ai pas vraiment envie de te faire ce plaisir... Je pense que tu vas sans doute encore m'être utile quelques heures... Le temps que j'arrange ma sortie, veux-tu ? "

Il doutait qu'elle puisse désormais l'entendre, mais parler lui avait soudain fait un bien fou. Il se mettait lui-même une pression dantesque. Au risque de rendre sa situation encore plus intenable qu'elle ne l'était déjà.

" Je suppose que je vais devoir te laisser seule un petit moment... Soit sage. Hm ? "

Ses mots avaient la douceur du velours et l'acidité du venin. Si la Sith avait, comme il l'avait pensé, profité de son tête à tête avec l'amiral pour lui révéler il ne savait trop quoi, laisser un cadavre derrière lui serait encore le meilleur moyen de donner une légitimité en duracier à sa version des faits. Arranger une scène et tisser une histoire à sa sauce était encore le seul moyen qu'il lui restait s'il devait être confronté à ses supérieurs. Aarian sourit malgré lui. Seule véritable ombre au tableau : dans sa lutte contre le bras de l'inquisitrice, il avait donné trop de force à sa piqure, et lui avait administré la totalité de la dose... La seule qui lui avait été confiée. Cet imprévu ne lui simplifiait pas la tâche : il ne pouvait plus compter que sur Shar, à présent. Un pari risqué.

Dana était toujours si sûre d'elle... Mais qui Antarxarxès croirait-il ? Une pauvre fille venue se trémousser sur une scène ? Ou le médecin de guerre qui avait officié ici depuis cinq ans ? Médecin... qui lui avait déjà sauvé la mise, trois ans auparavant ? Fort de ses arguments déjà rodés, Tibalde analysa sa propre situation. Aucun bruit n'était venu troubler le silence des lieux. Malgré l'atténuation des pas par le revêtement du sol, pas d'agitation suspecte derrière sa porte.

Maintenant, il lui fallait trouver le moyen de rendre cette fille utile. Il repensa à l'infirmerie, aux officiers en état catatonique sur le sol du mess... S'absenter trop longtemps finirait fatalement par paraître suspect. Ne pas tenter de ramener un brancard, également.

Un détour par l'infirmerie s'imposait donc... dans le cas où Shar bluffait. Si elle disait vrai, alors, aussitôt aurait-il mis le pied en dehors de cette cabine, qu'il serait pris entre deux feux. Mais avait-il vraiment le choix ? Rester ici en présence d'une contaminée était sans doute la promesse d'une mort bien pire... Il ne pouvait espérer s'en sortir en restant calfeutré dans cette cabine. Ironique, quand il se souvenait combien elle lui avait servi de calme retraite, toutes ces années : là voilà qui se muait en tombeau sordide.

Tibalde observa une dernière fois le profil inconscient de Shar, puis se détourna.

La porte s'ouvrit dans un chuintement feutré. Plaqué contre le mur, blaster à la main, Aarian s'attendait à capter les bruits annonciateurs d'une escouade quelconque, déjà en position pour intercepter.

Rien.

Il attendit, le cœur battant, que quelque chose se manifeste, qu'un son métallique, un cliquetis menaçant lui confirme qu'il était bel et bien pris au piège...

Rien !

Un soupir franchit la barrière de ses lèvres, et rangeant son blaster dans le holster, il sortit de sa chambre comme si de rien n'était, offrant aux caméras de l’Égide le spectacle innocent d'une figure neutre et décontractée. Il prit soin de verrouiller la porte derrière lui, avant de prendre de nouveau la direction des turbolift.

Devant lui, l'immense porte de la coursive était verrouillée. Il contempla un instant le cul-de-sac devant lui, ses neurones accélérant leur cadence déjà élevée dans l'espoir de lui dégoter un nouvel itinéraire.

Le sang d'Aarian se glace dans ses veines.

Eh merde.

Il avait eu bel et bien raison de se méfier de Shar : elle avait cafté, comme il s'en était douté. Le piège s'était refermé sur lui avec une efficacité toute impériale. Il hurla mentalement, l'insulta dans son dialecte natal autant qu'il le put. Si seulement il ne s'était pas laissé allé... Deux minutes de sentiments en plusieurs années de guerre, et tout son travail se délitait. Espèce de sale petite...

Soudain, Aarian sentit, ténue, discrète, une présence. Un pas sur le côté, il se retourna... et fut stoppé net dans son élan par le fil acéré d'une lame qui lui glissa sous le menton.

" J'ignorais que votre cabine faisait également infirmerie, sergent. "

La voix, si grave qu'elle en était devenue caverneuse, résonna dans l'enclos métallique des murs et de la porte blindée autour d'eux. Sortant de l'ombre où il s'était placé, Horakk fit reculer le mirialan d'un pas, pressant sans merci le tranchant de la Vorpale contre la jugulaire du proche-humain.

" A-amiral...? Vous ici ?! Qu'est-ce que...? C'est une effroyable méprise. "

Je ne crois pas, non, ricanait le regard orange en face de lui. A l'autre extrémité de la coursive, Hassin apparaissait, blaster à la main, flanqué de Hope, Granath et trois unités Mark. Derrière eux, la seconde porte venait de se verrouiller.

Comme un rat.

Debout, immobile au milieu de la coursive, Aarian dépensait toute son énergie à maîtriser ses nerfs et à paraître le plus décontracté possible. Il avait toujours été plutôt bon acteur, après tout... Insolent, manipulateur, grande gueule... Son regard croisa celui du rishii, et il sut que ses craintes étaient fondées. Shar avait parlé. Qu'avait-elle bien pu raconter ? Elle ne savait rien, la sotte !

...Ou peut-être que si. Rien n'était plus certain, désormais.

Cependant, rien n'était perdu tant qu'il respirait encore : le rishii avait arrêté son geste pour lui donner - peut-être malgré lui - une chance fugace, et Tibalde Aarian allait saisir à pleines mains l'opportunité ténue qui lui était incidemment offerte.

La partie n'est pas terminée. Je dois sortir de là !

--

" Pfffou... "

Anis n'en revenait pas. Trop de choses venaient de se produire, en trop peu de temps, pour que son esprit en fasse une comptabilité exacte. C'était un fouillis grésillant de sensations disparates, quelque chose de tout à fait nouveau. Elle lui avait parlé. Il lui avait parlé. Ils...

" OoOoooouiiii ! " fit-elle à voix basse en contournant les paravents du carré sanitaire avec un petit air de voleuse.

" Ne t'emballe pas, Anis, s'ordonna-t-elle à elle-même, c'était juste quelques mots d'échangés, rien d'autre ! Ne te mets pas à croire des choses... "

Mais rien ne semblait pour l'empêcher de danser d'un pied sur l'autre devant le buffet. Elle trépignait, littéralement.

" VOUS LÀ ! L'ENSEIGNE ! "

Anis sursauta, lâchant un verre pour la deuxième fois en dix minutes. Figée de peur, elle se retourna, raide comme un piquet, pour faire face au capitaine Vaarguant, rouge de colère... et sans doute d'alcool.

" C-capitaine ?!

-C'est vous qui avez laissé trainer CETTE CHOSE ?! " lui hurla-t-il à la figure, avec une haleine parfumée au whisky.

Il brandit sous son nez un objet si petit que Hadana ne put que cligner des yeux sans le voir. Elle tenta d'ajuster sa vue à plusieurs reprises alors que la main de Vaaarguant bougeait, et finit par apercevoir ce qui ressemblait à une fine aiguille. Le genre de matériel qu'elle se souvenait d'avoir vu sur les Medipacs. La jeune femme froissa le nez, mais ne quitta pas son garde-à-vous, les yeux écarquillés de perplexité :

" N-non capitaine !

-Petite meeEEENTEUSE !!

-Mais non ! Je n'ai pas ce genre d'objet sur moi, enfin ! C'est... c'est du matériel médical, mon capitaine ! J-je n'aurais en aucun cas pu posséder ce genre d'aiguille ! "

Vaarguant ouvrit des yeux carrés, et se mit à loucher sur sa trouvaille :

" Médical ? "

Il sembla se dégonfler d'un coup, hébété. Dans son cerveau embué d'alcool, l'impérial tentait d'aligner une pensée cohérente. Du matériel médical... Dans un mess...

" EeEeeEEEh ! L'toubib de mes deux ! Sergent de carnaval ! On laisse trainer son matériel au sol ?! Vous vous croyez chez les républicains, ici ?! Nom d'un Tuk'ata ! Où il est passé, le vert-sans-soif ?! AU RAPPORT !! "

L'officier s'était détournée d'elle aussi rapidement qu'il ne l'avait prise en grippe. D'une démarche mal assurée, il se rua vers le carré sanitaire et y disparut. Anis s'aperçut alors qu'elle retenait sa respiration depuis deux bonnes minutes, et expira lourdement. Elle n'avait jamais croisé Vaarguant que de loin... Et l'expérience venait de lui prouver que ce n'était pas un mal.

" Tout ce cirque pour une malheureuse aiguille..." commenta-t-elle en revenant au buffet, pensive.

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Lloyd Hope
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Lloyd avait suivi l’Amiral jusque sur le pont de commandement d’un pas raide. Il avait encore sur le palais le goût de ce breuvage ignoble qu’il avait ingurgité et qui brûlait désormais son estomac comme un acide abrasif. Mais il fit abstraction de ce désagréable ressenti, ses yeux parcourant les rangées de techniciens sous la passerelle, puis les séries de moniteurs lumineux pour s’échoir sur l’immense baie vitrée qui trônait au bout du pont de commandement comme un écran implacable, permettant à l’espace de les écraser tous de son infinité. Le hapien essaya de rejeter Dana et l’alcool au fond de son esprit soucieux, pour mieux ressentir l’exaltation qu’il éprouvait à découvrir tel endroit : il n’avait guère souvent foulé des ponts de commandement si prestigieux que celui de l’Egide et il y avait une émotion particulière à se dire qu’ici étaient prises les décisions des grandes batailles, qu’ici étaient évaluées leurs conséquences, qu’ici des vies et des morts se jouaient sur la simple concertation de quelques officiers et Sith dont l’expérience et l’intelligence produisaient le meilleur et le pire des manœuvres spatiales.

L’Amiral, que Lloyd avait suivi avec docilité et peu de bavardages, se mit immédiatement en communication avec le commandant Dremilcol. Lorsque leur communication fut terminée, ainsi que celle avec le commandant Granath, le hapien se désintéressa à regret – l’alcool ne l’aidait pas beaucoup à rester proprement concentré – d’un écran tactique affichant les positions des appareils qui entouraient l’Egide sur un plan tridimensionnel pour assurer à l’Amiral la meilleure attention qu’il pouvait lui fournir.

Un traître, donc. Qu’il convenait de coincer. C’était de cela dont Dana Shar était chargée ? Et il les avait laissés partir tous les deux en amoureux ? Merde. Il porta une main à son visage pour se masser les tempes.

- Ecoutez… hésita-t-il un bref instant, tout à sa réflexion – à moins que ce ne fut l’alcool qui l’empêchait de rassembler clairement ses idées ? Dana Shar est compétente mais… Elle est très… imprévisible. Et impulsive. A l’heure qu’il est, le sergent en question a peut-être déjà été exécuté et nous irons seulement ramasser un cadavre.

Il écarta les mains en signe non pas d’impuissance, mais pour montrer que toutes les éventualités devaient être prises en compte, ce en quoi conviendrait certainement l’Amiral.

- … A moins qu’elle n’ait besoin de récupérer des informations avant, auquel cas elle le fera mijoter. Et pendant ce temps-là, il n’est pas impossible que le médecin reprenne l’avantage sur elle.

Soit par la ruse, soit par la force… soit par les sentiments. Peut-être était-ce l’alcool qui le faisait délirer, mais il lui semblait qu’il avait une intuition forte à propos de cette Inquisitrice : elle avait une faille similaire à la sienne.

J’savais pas que t’étais un sentimental.

- Voilà ce que je vous propose : quitte à nous rendre sur place, jouons-là finement. Que Miss Shar ait ou non révélé son véritable dessein au sergent, celui-ci est secret et je ne suis pas censé être au courant. Aarian n’aura aucun mal à me croire contre elle. Si vous me le permettez, je peux d’abord essayer de l’interroger avec un peu de finesse… Avant d’être moins délicat, si ça ne suffit pas à révéler ce qu’il est train de faire.

Le hapien adressa à l’Amiral un regard interrogateur, mais celui-ci n’eut guère le temps de lui donner son avis : un technicien donnait l’alarme, le sergent avait emmené Dana dans… Une cabine voisine de la sienne. Qu’est-ce qu’elle foutait donc ?!
Lloyd et Antarxarxès se hatêrent, laissant derrière eux la grande salle que le hapien aurait tant aimé arpenter plus longuement.

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-------Lloyd avait titubé plus qu’il n’avait suivi la petite équipe que l’Amiral avait constitué pour appréhender le mirialan. Merci la capsule à propulsion supraconductrice, merci le cognac d’Axal : la combinaison des deux venait de mettre ses tripes sens dessus dessous et il se demandait encore comme son système digestif ne lui était pas encore sorti par le gosier lorsqu’ils firent irruption dans la petite coursive qui conduisait, ironiquement… A sa cabine. Il réfréna l’envie d’aller s’y jeter pour pouvoir vomir en paix dans la cuvette de ses toilettes privées. Il tâcha de concentrer son attention sur le mirialan, que l’Amiral avait décidé de ne pas ménager. Décidément, un homme d’action cet Antarxarxès. Ou plutôt, un rishii d’action.

- Que… Que se passe-t-il ? tenta Aarian malgré la pression qu’il supportait à peine, sa peau perlant de sueur. Je dois retourner au plus vite à l’infirmerie, chercher une civière et…
- L’Amiral vous a fait une remarque, sergent, le coupa sèchement Granath.

Le mirialan eut l’air offusqué mais il se reprit bientôt.

- Miss Shar était sur le point de faire un malaise, s’expliqua-t-il. J’ai préféré la déposer ici car elle et moi sommes… Ah, j’aurais dû vous le dire, Amiral, mais je n’avais aucune idée que vous l’aviez invitée ! Nous sommes ensemble, elle et moi. Qu’avez-vous pensé, que je la kidnappais ?!

Il y eut un moment de flottement, pendant lequel le hapien et le rishii échangèrent un regard. Lloyd fit un bref signe négatif à l’Amiral, indiquant qu’il ne savait rien de ce genre de détails intimes. C’était plausible, cela dit : ils avaient eu l’air sincèrement proches, dans la salle de bal improvisée. Comme le silence se prolongeait, indiquant à Aarian que son explication n’était pas suffisante, celui-ci eut un soupir exaspéré.

- Ecoutez, Dana m’en veut pour… Des choses personnelles. C’est une Sith, en réalité. Je la soupçonne même d’avoir réussi à décrocher le premier rôle de cette représentation uniquement pour pouvoir me faire payer sa vengeance.

Aarian leva les yeux au ciel. Il eut un bref rire nerveux.

- Je sais à quoi ça doit ressembler. Mais… Je suis désolé, elle est un peu… Impulsive. Vraiment pas raisonnable.

Nouvel échange de regards entre Lloyd et Horakk. Ca, c’était vrai, par contre.

- On va discuter quand elle ira mieux et ça va lui passer, j’en suis sûr ! argua encore le mirialan, mais le hapien venait d’avaler la distance qui le séparait du sergent.
- Votre pass. Je veux vérifier comment elle va.

Le sergent acquiesça nerveusement, toujours menacé par la lame de l’Amiral, mais il s’exécuta en remettant dans la main de Lloyd le petit objet rectangulaire.

- Je lui ai donné un calmant, elle est sûrement dans un état second, commenta-t-il.

Lloyd ne répondit pas. D’un pas rapide, il alla jusqu’à la porte de la coursive et actionna le panneau de commande avec le pass. L’écoutille s’ouvrit avec une friction métallique et il la referma aussitôt derrière lui, laissant Aarian aux bons soins temporaires de l’Amiral.

La pièce était plongée dans la pénombre. Il distingua la couchette, la forme sombre qui y reposait… Et passa devant au pas de course.

L’instant suivant, il rendait sans élégance l’intégralité du contenu de son estomac dans les toilettes d’Aarian. Tâchant artistiquement la céramique du bleu électrique dont le cognac d’Axal avait tapissé ses entrailles. Tiens, c’est cadeau, docteur Lover.

Lloyd prit une longue inspiration en s’accrochant misérablement au lavabo. AH. Qu’on se sentait mieux après avoir dégobillé, quand même ! Il avait les idées plus claires. Il actionna le robinet pour se rincer la bouche et le visage, avant de se remettre debout et refaire irruption dans la pièce principale de la cabine en chancelant. Dana était-elle conscience ? La cabine était toujours plongée dans l’obscurité relative, des écrans laissés en veille et autres voyants lumineux jetant sur la pièce des lueurs bleus grésillantes. Mais malgré l’obscurité, il aperçut les deux étincelles que jetaient les prunelles de Dana Shar, dont la poitrine sous sa robe provocatrice se soulevait et s’abaissait au rythme d’une respiration laborieuse. Ainsi, elle était vivante et consciente.

Alors le hapien s’approcha d’un pas lent et se pencha sur elle. Une main appuyée sur le bord de la couchette, une autre sur la paroi de la cabine, Lloyd se pencha sur elle, dardant sur le visage de l’Inquisitrice le même regard cynique qu’il avait eu un peu plus tôt, lorsqu’il l’avait laissée aux mains du sergent. Il était si proche qu’elle pouvait sentir son souffle agiter légèrement la mèche de cheveux qui barrait lascivement son visage.

- Tiens tiens, nous voilà enfin tous les deux dans un coin sombre, Madame l’Inquisitrice, murmura-t-il avec une menace non dissimulée. Alors, prête à s’excuser ?

Ils échangèrent un regard envenimé, mais visiblement la jeune femme était fiévreuse. Son front perlait de sueur, ses iris dorés était trop dilatés. Elle paraissait trop épuisée pour lui répondre. Il lâcha la paroi qui le soutenait, pour amener deux doigts près de la bouche de Dana, mais il ne la toucha pas tout de suite. Ses yeux remarquèrent que l’un des lacets de sa robe avait été défait, et il suspendit son geste. Finalement, il soupira et donna une tape sur le bout du nez de l’Inquisitrice.

- T’as de la chance, y’a ton traître qui court toujours alors il faut bien que quelqu’un aille s’en occuper. Vu que ton numéro d’inoffensive petite danseuse a pas marché, visiblement.

Œil pour œil, dent pour dent. Enfin, au moins dans les reproches. Il était bourré et rancunier. Oui messieurs dames. Et cette cabine, elle tanguait un peu. Ah, non, peut-être pas. Peut-être qu’il allait vérifier que son estomac était bien vide avant de ressortir. Par précaution. Ça ne se faisait pas de vomir sur les danseuses.

-------

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-------- Vivante. Mais fiévreuse, et effectivement dans les vappes, déclara-t-il en sortant de la cabine à l’attention de l’Amiral.

Lloyd avait laissé la porte de la cabine ouverte, cette fois-ci, allumant la lumière en sortant. Le hapien avait l’air plus frais qu’un peu plus tôt et adressa à Antarxarxès un signe de tête entendu.

- Ma cabine est juste à côté. Je vais y emmener le sergent pour discuter un peu. N’est-ce pas ?

Le mirialan n’eut d’autre choix que d’accepter fébrilement, et sur un geste de l’Amiral, le commandant Granath suivit Lloyd à l’intérieur de la cabine 2331.
C’était un miroir de celle d’Aarian, à l’exception du fait qu’elle paraissait inhabitée. Lloyd n’était là que pour quelques jours et n’avait pas pris la peine d’y installer ses affaires, toutes rassemblées dans une valise sous sa couchette. Granath avait sorti son blaster, ses yeux suivant suspicieusement le mirialan qui s’assit là où l’indiquait Lloyd : sur un tabouret fixé au sol près d’un bloc de métal qui faisait office à la fois de table basse et d’espace de rangement. Le hapien traversa la cabine, et tira d’un placard et un verre ainsi qu’une bouteille. Il posa brutalement le verre sur la table et servit un demi-verre d’alcool fort au mirialan.

- Allons, buvez, vous me faites peine, grogna-t-il à l’attention d’Aarian, qui visiblement était mal à l’aise.

Le médecin prit le verre et y trempa les lèvres par pure politesse avant de le reposer presque intact devant lui. Pendant ce temps Lloyd avait contourné la table pour s’asseoir en face. Il toisa le mirialan d’un regard morne, estimant que le sergent devait avoir à peu près son âge.

- Elle vous en veut pour quoi, alors ? Parce que vous en vouloir au point d’inventer tout ça… Lloyd fit tourner son doigt vers le plafond pour désigner leur environnement. Ça va paraître un peu gros, pour l’amiral.

Aarian soupira.

- Mais je sais ! fit-il, excédé. C’est ça qui est fou. Je vous jure, elle est pas tranquille. A une époque, elle et moi, on était ensemble, pour de vrai. Et pendant des mois, j’ai cru qu’elle allait revenir, m’envoyer un petit message et… Rien. Mais il y a quelques temps…

Le mirialan suspendit ses mots. Il parut s’affaler un peu plus sur le tabouret, ses yeux toisant tristement le verre dans lequel le liquide épais de la liqueur exhalait un parfum sucré.

- Il y a quelques temps, quoi ? le pressa Lloyd.
- J’ai décidé de passer à autre chose. Je me suis mis en couple avec… Une autre. Peu importe. Je peux vous le dire, à vous qui êtes Sith : c’est une Inquisitrice. Elle a accès aux dossiers privés de beaucoup d’entre nous.

Sans blague, quelle surprise.

- En fait, elle surveille mon dossier. Elle a été au courant de ma relation, j’en suis sûr. Je le sais parce qu’Alice… Je veux dire, ma nouvelle petite amie m’a dit que récemment elle avait été surveillée. Suivie.

Le mirialan se prit la tête dans les mains.

- Rah, le pire, c’est que je me fiche d’Alice, si vous saviez… Dana Shar, je l’ai dans la peau. Je sais que c’est pareil pour elle. Le destin nous a séparé mais… Elle n’a pas supporté. Je n’aurais peut-être pas supporté à sa place non plus, la savoir avec quelqu’un d’autre…

Le hapien écoutait calmement. Ses haut-le-cœur lui étaient définitivement passés, mais un autre genre de nausée galopait dans ses entrailles. Il échangea avec Granath un regard blasé.
Lloyd devait toutefois concéder que le médecin gardait un certain sang-froid : se soupçonner déjà démasqué et tenir ainsi le cap de son histoire… Mais il verrait bientôt jusqu’où allait la maîtrise de soi du mirialan.

- Bon, admettons, maugréa-t-il à contrecœur. Là tu viens de l’emmener dans ta cabine. Elle t'a dit quoi ? Elle s’excuse, elle laisse tomber sa vengeance ?

Aarian eut une demi-seconde d’hésitation mais il se reprit tout de suite.

- Ah, ce n’est jamais si simple avec Dana Shar. Mais nous n’avons pas eu le temps d’en parler, elle s’est évanouie dès que nous sommes entrés dans ma cabine.
- Ah bon ?
- Oui, oui. Je lui ai vite injecté une bonne dose d’antalgique avant de ressortir et… Vous voilà.

Le hapien laissa échapper un soupir.

- Et vous aviez besoin de délacer sa robe pour ça ?

Aarian fut secoué d’un rire nerveux. Il jeta à Granath une œillade gênée, mais le commandant resta de marbre.

- Non, non, bien sûr, hum. C’était pour qu’elle puisse respirer.
- Et le rouge à lèvres sur ta bouche, c’était pour l'aider à respirer aussi ? rétorqua Lloyd, acide.

Le mirialan parut un bref instant affolé. Puis il transforma cet affolement en posture de gêne. Granath jeta un coup d’œil au visage du mirialan, juste pour vérifier : il n’y voyait pas la moindre trace de rouge à lèvres. Le Sith avait bluffé. Avec succès : que le mirialan ne sût plus précisément s’il avait embrassé l’Inquisitrice ou qu’il l’eût vraiment fait, il se hâta de sourire avec embarras.

- Haha, non, hem, c’est juste que j’ai, bon. Quand je l’ai allongée, elle était tellement belle. J’ai pas pu m’empêcher, un baiser, voilà. Vous avez vu comme elle est… Elle est...

Il ne termina pas sa phrase. Lloyd dardait sur lui un regard malaisant, utilisant le silence pour jouer avec les nerfs du mirialan.

- Quoi ? Bandante ?
- Haha, oui, c’est un peu ça, hem, vous me comprenez hein…
- Bien sûr… Il y a dix minutes vous deviez rejoindre l’infirmerie pour une question de vie ou de mort et là, vous aviez le temps de tirer votre coup avec une ex assommée ?
- Non mais… Rah !

Le mirialan essuya la sueur qui perlait sur son front.

- J’suis pas raisonnable quand j’la vois, j’vous jure, elle me rend fou c’est vrai, c’était con, mais…
- Il va falloir faire mieux si vous voulez convaincre l’Amiral, le coupa sèchement Lloyd. Alors je recommence : c’est quoi, votre manège avec cette Inquisitrice ? Et laissez tomber votre sentimentalisme, ça pue.

Aarian écarquilla les yeux.

- Mais, je vous assure que c’est la vérité…
- L’Amiral sera plus clément si vous jouez franc jeu avec lui.
- Mais je vous ai dit toute la vérité !
- Ça tient pas, votre histoire : elle va bien, soudain elle a mal au poignet et elle finit fiévreuse dans votre plumard ?
- Non, ça n’s’est pas passé comme ça ! cria presque le mirialan, au bord de la crise de nerfs. Son poignet, c’était juste une excuse pour que je l’emmène et ensuite, elle m’allume comme une pétasse ! Regardez comme elle les a tous allumés ce soir, elle attendait que ça, vous allez quand même pas me reprocher de lui avoir collé un petit baiser quand même ?
- C’est dur, pour quelqu’un que vous avez dans la peau.
- Bon, vous savez quoi ? Vous vouliez vous la taper, non ? J’ai un deal, pour vous.

Lloyd releva le nez, surpris.

- Un deal ?
- Oui.

Aarian se pencha vers Lloyd, non sans jeter vers Granath un regard agacé. Le hapien hésita une minute, puis il se pencha à son tour vers le mirialan, pour que celui-ci pût murmurer à son oreille. Granath retint sa respiration pour essayer d’entendre. Sans succès. Il y avait eu un chuchotement à peine audible. L’instant suivant, les deux hommes se séparaient, le mirialan déglutissant et regardant Lloyd avec attente tandis que le hapien se levait. Ce dernier retira soigneusement l’un de ses gants noirs, puis l’autre, et il les plia proprement avant de les déposer sur sa couchette. Puis il revient vers Aarian avec un sourire entendu.

Le mirialan prit une bouffée chargée d’espoir quand le hapien posa sur son épaule une main amicale. De l’autre, Lloyd attrapa le verre toujours à demi-plein – ou à demi-vide, comme le hapien l’aurait plutôt perçu – et en avala tout le contenu d’un trait rapide avant de le reposer d’un geste sec sur la caisse. La liqueur lui réchauffa les entrailles. Bien meilleur que le cognac d’Axal.

L’instant suivant, Lloyd attrapait Aarian à l’arrière du crâne, se servant de ses cheveux pour assurer sa prise, et il propulsa avec brutalité le visage du mirialan contre la caisse.

Crac.

Ça, c’était le doux son du nez du beau sergent qui venait de céder.

Le mirialan émit un gémissement en se redressant. Il porta ses mains à son visage inondé de sang, les yeux écarquillés vers Lloyd.

- Mais qu’est-ce que… glapit le sergent, mais il ne termina pas sa phrase.
- Alors alors alors, dit le hapien sur un ton badin. Tu recommences le récit depuis le début, et cette fois-ci sans les petits mensonges.
- Mais je vous jure que… AH !

La tête du mirialan avait percuté la caisse une deuxième fois. Cette fois, le verre avait été brisé sous l’impact et des petits morceaux restèrent incrustés dans le front du médecin.
Granath restait interdit, son blaster toujours sorti, regardant le Sith avec un léger malaise. Oh, se dit Lloyd, il aurait pu utiliser ses pouvoirs, ça aurait été plus classe. Mais ça le soulageait davantage de lui défoncer la gueule à mains nues, en fait.

Darth Hope
Darth Hope
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Sois sage.

Les derniers mots de Tibalde cognaient douloureusement à ses tempes alors qu’elle tentait vainement de trouver une solution. Ses yeux fiévreux acculaient chaque angle de la pièce qui lui était disponible, mais se concentrer devenait pénible. Sa vision se troublait, se clarifiait, puis se troublait à nouveau. C’était une autre fièvre que celle liée à sa commotion de l’immeuble 2331. Cette chaleur-ci était pire, elle dévorait ses veines, la laissait sans défense, sans oxygène. Elle perdait le contrôle, aussi sûrement qu’un vaisseau dérivait dans l’espace, frappé d’avarie. Un sourire étira ses lèvres charnues et colorées. Elle dérivait. De longues mèches brunes coulèrent sur les traits de son minois pâle, barrant un court instant sa vue, caressant lascivement ses joues rougies par le virus inoculé. Et quel virus ? songea-t-elle avec une certaine amertume. Les rebelles avaient-ils réussi à mettre la main sur ce qu’elle avait combattu aux côtés de Lloyd Hope. Était-ce encore autre chose ? Allait-elle mourir ? La dernière personne qu’elle verrait serait-elle Tibalde Aarian ? Elle ferma les yeux pour masquer son désespoir. Elle tenta de faire venir à son esprit l’image du sith blond. De se remémorer avec exactitude la teinte exacte du vert éclatant de ses prunelles. De la manière dont il la regardait, contrit, en colère, exaspéré. Elle se souvint du ronronnement désagréable des réacteurs d’un landspeeder alors qu’il se penchait à la fenêtre, côté conducteur ; le visage sale, mais le regard intact. Et elle entendit le fracas de la gifle qu’elle lui avait expédié plus tôt dans la soirée. Et ce bruit brisa en plusieurs éclats tout le reste.

Dana rouvrit les yeux parce que la Force qui se diffusait lentement d’elle venait de faire tinter ce fil rouge qu’elle avait dévolu à Lloyd. Il était là. Elle voulut se redresser, mais ce fut impossible. Elle souhaita parler, mais aucun mot n’accepta de franchir ses lèvres. Elle eut envie de bouger, mais son corps était aussi lourd qu’une chape de plomb. Cependant, elle le vit, elle le sentit, elle l’entendit. Elle fut le témoin silencieux de son ombre menaçante qui l’enveloppait, comme on jetait un drap de soie noire sur un joyau dont on s’apprêtait à étouffer la brillance.

Le souffle de Lloyd courut sur sa figure féminine, s’engouffra dans ses narines, titillant le peu de ses sens qui étaient encore en alerte. De l’alcool. Elle eût peur. Son cœur, qui battait si lentement, si irrégulièrement, à cause de la maladie, fut saisi par la terreur. Elle s’imaginait déjà à sa merci, s’excusant dans cet état pathétique, contre son gré.

T’es le pire connard, pensa-t-elle et dans son esprit, sa voix était encore claire. Le pire connard de la Galaxie.

Ses rétines épuisées suivirent le mouvement des doigts de Hope et elle retint sa respiration alors qu’il suspendait son geste. Un silence étrange avait enveloppé la cabine. Même le bruit de leurs souffles semblait avoir disparu, ne laissant place qu’au vide. Ou peut-être était-ce elle qui sombrait définitivement. Elle se vit lever la main, frapper sèchement celle du hapien pour l’éloigner, pour ne pas qu’il la touche, pour ne pas qu’il se fasse contaminer comme le souhaitait Aarian. En réalité, rien ne bougea, sauf les doigts du sith qui heurtèrent le bout de son nez et le son de sa voix.

Si je m’en sors vivante, Lloyd. T’auras pas fini de regretter et le geste et les paroles. C’est une foutue promesse. L’alcool ne fonctionnera pas comme excuse. T’es vraiment minable.






Une minute de flottement.










Et elle réussit à rouler hors de sa couchette, mobilisant le peu d’énergie qui animait son corps. Elle avisa les portes que Lloyd avaient laissé ouvertes. Quel con. Qu’il invite tout le monde dans, à se faire contaminer, tant qu’il y était. Qu’il n’eût aucune considération pour elle, pour son état alarmant, qu’il ne cherche même pas à savoir si elle allait claquer, soit. Mais qu’il soit débile à ce point, ça la mettait hors d’elle. Dana utilisa cette rage soudaine pour se traîner jusqu’à la petite cabine de douche. Les officiers avaient le luxe d’échapper aux sanitaires communs. Elle leva une main tremblante pour activer le jet d’eau. Froid. Parfait. Elle se fichait pas mal que sa robe fut trempée. Le froid lui fit un bien fou. Il débrida ses muscles paralysés par la fièvre, remis en ordre ses pensées fragilisées. Elle plaqua une paume ferme contre la paroi de verre et se traîna dans la chambre. Ses cheveux dégorgeaient d’une eau glacée et elle se recroquevilla quelque part près du lit, prenant gardant à avoir la porte en ligne de mire. Et elle se concentra, appela la Force, la convoqua de manière impérieuse, pour refermer ses maudites portes. Elle tremblait, son maquillage n’était plus que des traînées sombres et colorées sur la peau humide de son visage. Mais la Force ne répondait pas, ou pas suffisamment. Elle réussit à peine à faire vibrer les portes de l’écoutille. Des larmes d’impuissance affluèrent à ses yeux. Elle était épuisée.

Un bref sursaut agita son corps meurtri quand elle remarqua une silhouette avienne se détacher dans l’encadrement. Elle ramena ses genoux contre sa poitrine, les enserra entre ses bras fins.

-Ne rentrez pas, réussit-elle à échapper, mais sa voix était trop basse.

Trop basse pour une oreille humaine, mais peut-être pas pour une ouïe rishii.

Il y avait un peu de beauté dans toute cette détresse, dans cette eau qui ruisselait encore sur elle, dans la brillance de son regard encore accablé par les larmes, dans la peinture abstraite que formait son maquillage abstrait. De la beauté, et énormément de vulnérabilité. En d’autres circonstances, la Sith qu’elle était aurait eu honte de se présenter autant défaite à l’Amiral. Mais ce soir, elle n’était pas une Sith, ni une Inquisitrice. Juste une danseuse qui avait ébloui des regards. Elle aurait dû se douter que cette mission était une mauvaise pioche.










Aarian sentait son sang chauffer à ses tempes, dégouliner sur son visage. Il connaissait cette sensation pour l’avoir vécu sur le front. Bien que les médecins militaires évitaient les premières lignes, car trop précieux, il lui était arrivé de briser cette règle absolue. Comme sur Lorrd, quand il avait couru au secours de Dana. Alors qu’il entendait avant de sentir une nouvelle fois son visage craquer contre la caisse, il se demanda s’il regrettait.

Il ne regrettait rien.

Il était peut-être mauvais acteur, mais il assumait ses erreurs. Il songea un court instant à Shar et il vit une autre porte de sortie.

-D’accord ! s’exclama-t-il dans un râle de douleur. OK.

Tout d’abord, il lui fallait du répit. Sa voix lui semblait désagréable au possible, avalée par son nez cassé. Il se sentait obligé de respirer par la bouche et ne remerciait pas le capitaine Hope pour cette petite séance de torture improvisée. Comme le scientifique qu’il était, il analysa brièvement sa situation. Le Sith avait été indifférent à son petit deal. Pire même, ce dernier l’avait sans doute fait enrager. Il s’en étonnait. Quel Sith n’aurait pas sauté sur l’occasion ? Mais il avait peut-être mal jugé le hapien. C’était courant, les erreurs de jugement dans l’urgence.

-Elle est contaminée, d’accord ?! souffla-t-il d’un air mauvais, mais sincère. Je suis dans la recherche médicale militaire, je travaille sur des avancées médicales classées secret défense.

Il parlait vite, mais clairement. Ca, ce n’était pas un mensonge. Il se remémora avec quelle verve, Dana lui avait reproché son kolto synthétique, sa volonté de prendre les soldats pour de simples cobayes. C’était vrai.

-Peut-être que ceux qui n’étaient pas bien, sont contaminés aussi ! Elle a cru que j’étais un traître, mais c’est faux. Quelqu’un les a contaminés, sans doute quand il y avait toutes ces foules de males en rut autour d'elle. J’ai voulu la soigner, la mettre en quarantaine mais je ne voulais faire paniquer personne. Vous avez vu nan ?

Il eut un petit rire où se mêlaient nervosité et mépris.

-Ah ben non. Vous avez pas dû voir qu’elle était fiévreuse et mal en point. Elle va crever. Ou peut-être devenir autre chose, mais la finalité sera la même. C’est une expérience qui nous a échappé. Mais j’ai de quoi la soigner. Continuez de me fracasser et vous risquez tous d’y passer.

Tibalde se sentait mieux, il avait l’impression d’avoir repris le dessus, malgré sa chevelure défaite, le sang qui coagulait lentement sur sa figure. La douleur le rendait encore groggy.

-Et c’est pas la peine de faire passer votre colère sur moi. C’est pas moi qui vous ai giflé en pleine foule. D’ailleurs…

Nouveau rire, soufflé sur le bout des lèvres comme on expulsait une moquerie dédaigneuse.

-Quel genre d’influence Dana Shar a sur vous pour que vous la croyiez sur parole mh ? Est-ce parce qu’elle est Inquisitrice ? Ou bien, parce que vous espérez qu’elle vous allume ? Si vous espérez qu’elle vous offre ses faveurs en jouant son petit chien de garde, c’est raté. C’est pas le genre.

Il lança enfin un regard brillant vers Granath qui tentait, lui, de comprendre l’enchaînement des dialogues et ce qu’ils impliquaient. Le commandant n’osait pas s’interposer entre un Sith et sa proie, c’était une question de bon sens et de survie. Et sans les ordres clairs de l’Amiral, il n’osait intervenir. Aarian cracha un mollard plein de sang sur la caisse, agacé et darda ses prunelles bleutées vers Lloyd.

-Allez, fracassez-moi encore. Et bon courage pour trouver quelqu’un d’autre pour vous sortir de ce pétrin. Ah et vous l’avez touché dans la cabine ? Mh ? Parce que si c’est le cas, vous êtes peut-être aussi contaminé.

Il bluffait. Le virus se transmettait par la salive et non le contact, mais ça, Lloyd Hope ne le savait pas.

Horakk Antarxarxès
Horakk Antarxarxès
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C'est votre vaisseau, ce sont vos règles.

Mon vaisseau. Mes règles.


La sentence aux accents d'infantile orgueil résonnait à ses oreilles en échos infinis, alors que tout s'était définitivement figé, suspendu, dans un balais d'éternité.

Le visage interdit d'Aarian, chacun de ses traits gravé de stupeur et d'incertitude, le pers de son teint plus pâle qu'à l'ordinaire. Son corps cambré, les épaules légèrement rejetées en arrière pour sauver sa carotide d'une morsure fatale. Ses mains gantées amorçant leur mouvement vers le haut, les plis de son vêtement, les cheveux bruns statufiés dans l'air devenu trop rare. Sa propre main, immense en comparaison, en un nœud solide sur la garde millénaire de la vieille Vorpale, dont la limbe ombreuse léchait la peau olivâtre en prémices d'une mort encore purement potentielle.

Tout, chaque détail avait pris une importance démesurée au travers du regard perçant d'Antarxarxès. Tout, de cette scène à la fois tragique et stupide, devait rester à jamais gravé dans sa mémoire. Le trajet qui les avait mené là n'avait guère assoupli ses pensées déjà tranchantes sur le sort à réserver aux traîtres ayant un culot de cet acabit. Chaque pas qui l'avait approché de ce but inattendu en cette soirée si décousue avait apporté une brique supplémentaire pour la lapidation définitive d'un présumé coupable.

Mon vaisseau, mes règles : il serait juge, procureur, greffier et bourreau tout à la fois. Il n'était pas officier de tempérament sanguin. On ne lui reprochait guère des décisions sanglantes sur quelque coup de nerfs. Cependant, et le mirialan qui le dévisageait le savait - si peu de choses pouvaient provoquer dans les veines du rishii cette explosion dévastatrice, la trahison était de celles-ci.




Mais l'éclat qui brillait ce soir dans le regard farouche de l'alien, ne s’apparentait ni à la haine, ni à la colère. En un sens, pour Tibalde Aarian, l'une ou l'autre aurait eu sa préférence face à ce que lui révélait désormais ces yeux pourtant d'ordinaire si difficile à déchiffrer. Ce qu'il voyait, ce qu'il sentait, même au travers de la détermination calme et silencieuse qui plaquait à présent le fil acéré contre sa peau, faisait si violemment écho à tant de choses de ce passé turbulent qui était le sien, qu'il aurait voulu hurler, lâcher cette prise intenable sur ses propres nerfs, pour échapper à ce jugement qu'il ne supportait pas.




La déception.






" Que… Que se passe-t-il ? Je dois retourner au plus vite à l’infirmerie, chercher une civière et… "

Tibale déglutit par simple réflexe, conscient qu'à cinq millimètres près, par la moindre maladresse, sa gorge que rien ne protégeait aurait eu tôt fait de prendre l'air. Le contact avec le métal lui avait fait l'effet d'un électrochoc. La surprise, d'abord, mais aussi la singularité de ce contact : la matière lui avait paru anormalement froide. Un instant, le médecin eut l'effroyable vision d'une langue vipérine humide sur une plaie béante. Il soupçonna une seconde que l'amiral n'avait pas activé le module ultrason de l'arme - car si tel avait été le cas, ce simple effleurement lui aurait entaillé l'épiderme. Un détail qui cependant n'entamait en rien l'inextricabilité de sa situation. Cette lame, le sergent la connaissait de vue, pour l'avoir connue comme compagne immuable du côté de durant toutes ces années. Et il savait que ce tranchant, loin d'être celui d'une simple vibrolame bon marché, avait déjà bien des fois trempé dans le sang.

" L’Amiral vous a fait une remarque, sergent. "

Une lampée d'air. La voix glaciale de Granath lui avait permis de se désolidariser un instant du regard d'Antarxarxès, et de retrouver le cours désordonné de ses pensées. Sortir de là, trouver une issue, s'échapper. La concentration nécessaire à ses mensonges devenait presque impossible à trouver, mais il le fallait. Il cligna des paupières pour se donner contenance, comme tiré d'un ébahissement qui n'avait pas manqué d'être à moitié réel :

" Miss Shar était sur le point de faire un malaise. J’ai préféré la déposer ici car elle et moi sommes… Ah, j’aurais dû vous le dire, Amiral, mais je n’avais aucune idée que vous l’aviez invitée ! Nous sommes ensemble, elle et moi. Qu’avez-vous pensé, que je la kidnappais ?! "

Les arcades d'Horakk réagirent à peine à cette annonce. Quelque chose dans son attitude indiquait à qui comprenait qu'un cap avait été franchi ce soir. L'attitude bienveillante et ouverte dont il savait faire preuve venait de retomber lourdement sur le sol autour d'eux, à l'instar d'un manteau que l'on quitte. Ce qui sommeillait en dessous n'avait rien de semblable : aucun des mots, même habile, de la part du finaud, ne semblait plus avoir la moindre prise. Antarxarxès s'était mué en monolithe.

" Ecoutez, Dana m’en veut pour… Des choses personnelles. C’est une Sith, en réalité. Je la soupçonne même d’avoir réussi à décrocher le premier rôle de cette représentation uniquement pour pouvoir me faire payer sa vengeance. "

Comme une onde froide se propageant à la surface d'un lac, les pupilles noires du rapace glissèrent, sa nuque pivotant sur un angle infime pour accrocher, plus loin, le regard émeraude de Hope.





" Il n'y a parmi nous nulle place pour la couardise, la médiocrité, la traitrise ! Notre Empire ne redeviendra lui-même que lorsqu'il aura été purgé des vices et des faiblesses qui l'ont peu à peu gangréné à force de manque. On ne bâtit pas un palais sur des fondations pourries et mangées par les vers ! De même, l'Ordre Sith ne rebâtira pas l'Empire Sith avec des armées d'inconstants, de lâches et de scélérats ! Nous devrons donner l'exemple, nous serons à l'image des diamants les plus beaux : purs, durs, et capables de découper même le transparacier le plus robuste avec la netteté d'un sabre laser ! Alors, seulement, la galaxie s'offrira à nous ! Tant que nous ne serons pas solide à cœur, tant qu'il restera encore dans nos rangs des pierres friables, nous n'irons nulle part.

Et pour cela, mes amis, je vous le dis : la Force nous passera tous par le Feu ! Les épreuves seront celles de l'acier que l'on forge, elles auront la même teneur, la même violence, et les mêmes résultats : plus vous serez soumis à la pression et à l'action, plus votre être deviendra résilient et pur. Plus votre structure interne se rapprochera de la perfection ! Bénissez les conflits à venir, car ils sont ce Feu que vous cherchez tant et qui feront de cette nation ce qu'elle est amenée à devenir !
"


Ainsi avait jadis parlé Adonay Antarxarxès, sur la tribune dressée au milieu du camp Résurrection.

J'ignore bien ce qui a fait de vous une pierre friable, songea Horakk, mais je ne saurais garder une telle scorie dans mes rangs. Il en va de la sécurité de l'Empire.



" Ma cabine est juste à côté. Je vais y emmener le sergent pour discuter un peu. N’est-ce pas ? "




N'est-ce pas ?




Avec une lenteur telle que le mouvement leur sembla durer toujours, Antarxarxès abaissa sa lame.


Il leur sembla que le sergent se remettait à respirer. Qu'il jouât la comédie à merveille ou que l'éloignement de la sentence définitive lui fit réellement cet effet, il parvint à se remettre en mouvement, et suivit le capitaine de bonne grâce. Mais cela signifiait-il que le sort allait lui être favorable ? N'aurait-il peut-être pas mieux valu que sa tête roulât prestement au sol, sans autre forme de procès ? Les impériaux seuls savaient ce qu'il advenait des ères emmenés par l'Inquisition. Une exécution sommaire, à bien des égards, demeurait une fin clémente en comparaison.


Enfin, le rishii quitta sa station immobile, comme épargné par la pétrification. Ses pas se déployaient l'un après l'autre comme si la course du temps avait eu bien du mal à recouvrir son rythme ordinaire après cet arrêt subit. Un instant, le destin de Tibalde Aarian avait manqué de basculer - ou plutôt de tourner très court.

Tandis que son médecin de bord disparaissait avec le reste de l'équipe dans la cabine n°2331, son regard se détachait d'eux, se reportait avec tranquillité sur le décors redevenu silencieux. L'immense porte de sécurité qui s'était verrouillée sous le nez d'Aarian lui obstruait la vue de ce côté, et de l'autre, Hassin et les droïdes faisaient office de second mur. Il n'y avait pas d'autre issue ici : c'était tout l'avantage de cette portion du vaisseau. Plus loin, la cabine où devait se trouver Dana Shar était restée ouverte, béant sur une ombre opaque d'où rien ne filtrait.

Sous l'éclairage dur des néons, la silhouette d'Horakk se découpa au travers de l'encadrement. Au-delà du seuil, le monde s'affadissait avec langueur dans le noir, et ses yeux de diurne n'y distinguaient qu'un théâtre d'ombres enchevêtrées dans les illusions du manque de contraste. Une scène d'où pourtant se dégageait une puissante impression. Mu par une étrange inquiétude, Antarxarxès s'avança, plongeant sa tête d'albâtre dans les ténèbres, brisant le mur invisible de l'interdit.

" Ne rentrez pas. "

La voix avait l'accent de l'agonie. C'était un murmure, un souffle quelque part au sol, qui distillait dans l'air une angoisse saisissante. Son regard mit une éternité à s’accoutumer à tant de noir. La respiration lourde et difficile de la Sith résonnait dans le silence. Il semblait à Horakk que sa souffrance fiévreuse se matérialisait autour d'eux : c'était un spectacle lourd d'un profond malaise. Quelque chose n'allait pas... Dana Shar gisait, en position fœtale, au pied de la couchette, vêtue seulement par les ombres. Le dessin de son corps sur le sol plus clair évoquait la défense, vaine, contre ce qui l'avait frappé. Un mariage fragile entre la puissance obscure qui pulsait dans l'invisible et la faiblesse réelle de la matière qui la soutenait encore. Le profil d'un visage termina d’apparaître, furtivement sous les mèches dispersées, et le reflet fortuit d'une larme indiqua à Horakk que sa volonté avait cédé face à la rage de l'impuissance. Il marqua un temps, incertain quant à la conduite à tenir, partager entre sentiments contraires, tenus en respect par sa demande de ne pas s'approcher. La faiblesse avait toujours été l'horreur des Sith, et pire, se montrer faible face aux êtres inférieurs qu'étaient les non-sensitifs n'était pas envisageable. Pour la première fois de sa vie, le rishii eut un aperçu saisissant d'une chose qu'il avait ignoré sur les Sith : ce que la Force donnait, elle le prenait aussi, ailleurs. Il ne pouvait désormais plus se départir de cette vision, cette sensation indescriptible de verre brisé, de poussières éparses mêlées de sang, de dépérissement intérieur que la petite silhouette recroquevillée de Dana lui avait donné.

Quel sort avait-on réservé à la Sith pour qu'elle se retrouvât en pareille posture ? L'esprit d'Horakk s'en inquiéta : les agissements du traître avaient désormais mis une inquisitrice en danger. Il n'était plus question de s'amuser à courser un médecin dans les coursives, il fallait identifier la menace sur-le-champ, et le moyen de la neutraliser.

" Si vous pouvez parler : dites-moi. Que vous a-t-il fait ? Que s'est-il passé ici ? "

La douceur étonnante avec laquelle il venait de parler contrastait avec la scène qui venait de se dérouler à dix pas de là. Antarxarxès doutait d'obtenir les réponses. Mais Dana seule pouvait être la carte à abattre sous le nez d'Aarian pour le faire parler. Cela, Shar pouvait aisément le concevoir, même affaiblie comme elle l'était à présent.




Bien des minutes plus tard, on s'invectivait dans la cabine n°2331. Lorsque Granath aperçut la petite silhouette massive d'Horakk dans le dos de Hope, le mirialan se tenait le nez à deux main, le sang répandu sur la table devant lui.

" Et c’est pas la peine de faire passer votre colère sur moi. C’est pas moi qui vous ai giflé en pleine foule. D’ailleurs… "

Le ton avait nettement changé. Nous y voilà, pensa le rishii en entrant à son tour dans la pièce. Il avait fait le plus doucement qu'il eut pu, alors que le sergent lui tournait le dos, toute l'attention du capitaine Hope sur lui.

" Allez, fracassez-moi encore. Et bon courage pour trouver quelqu’un d’autre pour vous sortir de ce pétrin. Ah et vous l’avez touché dans la cabine ? Mh ? Parce que si c’est le cas, vous êtes peut-être aussi contaminé. "

Une onde de colère avait traversé la cabine.

Alors, une large paume gantée munies de crochets en guise de doigts se posa sur l'épaule sombre de Lloyd. Pas un mot, pas un ordre : une simple main sur l'épaule, une pression ferme et unique. Le rayon laser de son attention se divisa un instant, le temps de comprendre. Tibalde, le nez dans la main, leva à son tour les yeux vers le nouvel acteur venu compléter leur étrange scène, et compris son erreur deux seconde et demi trop tard. Virdis, l'arme toujours à la main, interrogeait aussi du regard son supérieur : que devait-on faire, maintenant ? Il devenait évident que le proche-humain plaidait coupable...

" Contaminé. "

Le mot tomba dans le silence, comme un écho. La moue dédaigneuse du sergent avait subi une distorsion curieuse.

" Intéressant. Ainsi, vous avez intoduit une arme bactériologique à mon bord. "

Il ouvrit la bouche pour protester, mais Horakk fut plus rapide à enchaîner, fielleux à souhait :

" Mais je vous en prie, docteur : peut-être avez-vous d'autres précisions à nous donner sur votre mode opératoire que vos commanditaires ont cru bon d'employer ? "

Une lueur de perplexité anima le regard noir d'Aarian.

" Mes com...? Non. Non, attendez... 'ou n'y êtes pas du tout.

-Que ne suis donc pas assez vif d'esprit pour ne l'avoir compris plus tôt. N'est-ce pas ?

-Non, amiral, s'il vous plaît, j'ai... Ok, j'ai complètement merdé, et c'est pas avec un nez en moins que je vais faire mieux !

Il décocha un regard meurtrier à Hope au passage.

" Mais jamais je n'ai eu l'intention de...! Vous faites fausse route, je ne suis pas un... "

Un traitre, lui répondit le regard implacable d'Horakk.

" C'est pourtant ce que vous avez fait. Vous vous êtes attaqué au mauvais vaisseau, sergent. Ou quelque soit en réalité le grade auquel vous répondez.

-Non ! Attendez, je peux vous expliquer, je n'ai pris aucune initiative, je suis...

-Fermez-la. Et écoutez très attentivement ce que je vais vous dire, sergent. "

La violence du propos contrastait avec le calme froid qui émanait du plumage blanc, rendu brillant par l'éclairage de la cabine. Horakk inspira, comme pour mieux peser ce qu'il s'apprêtait à dire, et, sur le ton feutré de la confidence, glissa, venimeux :

" Prenez-vous en à moi, à ma qualité d'officier d'opérette, à mes décisions bancales, à ma sale tronche d'alien. Je n'en ai cure. Je m'en moque, et m'en moquerai toujours. "

Le fil tendu entre leurs regards menaçait de s'embraser à tout instant. Peut-être toutes leurs expériences communes à bord de ce vaisseau défilaient-elles désormais, jetées au feu.

" Mais prenez-vous-en à mon navire... A mon équipage... A vos propres frères d'armes... "

Tout le monde avait senti la vague venir, à la façon si particulière dont le volume avait décru.

" ...de cette manière lâche et détestable... pour quelque raison que ce soit... au beau milieu de la seule soirée organisée ici en plus de dix ans de guerre... "

Tout le monde avait eu cette intime impression, semblable à celle de la marée lorsque la mer se retire. Pourtant, peu d'oreilles étaient capables d'anticiper l'attaque frontale que représentait la voix d'un rishii portée à pleine puissance à moins d'un mètre de distance.








ET PAR TOUTES LES ÉTOILES DE CETTE GALAXIE, AARIAN, JE VOUS LE JURE SUR MON NOM, JE FERAI DE VOS DERNIÈRES HEURES DANS CE CORPS UN PANÉGYRIQUE DE LA CREATIVITE EN MATIÈRE DE SOUFFRANCES, DONT ON PARLERA DURANT DES SIÈCLES ! JE VOUS REGARDERAI CREVER DROIT DANS LES YEUX, DU DÉBUT A LA FIN, ET J'EFFACERAI MOI-MÊME TOUTE TRACE DE VOTRE EXISTENCE, ICI ET AILLEURS !











Le son avait porté bien au-delà de la cabine. Chaque syllabe avait été détachée de manière inhumaine, articulée à s'en décrocher la mâchoire, amplifiée à en crisser des dents. Le silence qui suivit l'explosion fut d'autant plus soudain, d'autant plus lourd, et il fallut de nouveau relancer la ligne temporelle laissée figée par les participants. Les acouphènes avaient empli l'horizon sonore du mirialan. Il respirait mal, et le masque de sarcasme qu'il s'était appliqué à maintenir se fendit. Une grimace de rage, de peur et de détresse se peignit sur son visage ensanglanté, alors qu'il lâchait quelques notes d'un rire désespéré.

" J-je... Vous...Vous ne le ferez pas...! Vous n'êtes pas comme ça. "

La fête était loin, désormais. Dans le cœur d'Horakk, la tempête s'était déclarée et ne cesserait pas de si tôt. Loin, en filigrane, son passé lui revenait. Ses commissures grises remontèrent , son visage aquilin prenant brusquement une allure effrayante. Sa main se saisit du poignet du sous-officier avec vivacité, et les quatre rasoirs de ses ongles lui meurtrirent cruellement la peau. Le cri fut bref et intense :

" Osez seulement me le parier. "

Non, il ne le pouvait pas. Pour une raison simple : malgré leur affectation commune sur l’Égide, l'un comme l'autre ignoraient tout de leur passé respectif. Tibalde savait Antarxarxès être un officier assez éloigné de la caricature qu'on se plaisait à lui coller. Seulement, il le savait aussi bien trop impérial pour ne pas soupçonner que sa vie ne fut pas jalonnée, elle aussi, de cadavres ayant été trop présomptueux, ou trop sot. La main verte du médecin se mit à trembler de rage. Tout indiquait qu'il allait exploser en vol, submerger par on ne savait quelle résurgence violente, mêlée à tout ce qui venait de se produire, comme une accumulation insupportable de stress :

" Alors c'est ça ? Elle vous a raconté ce qu'elle a voulu et vous l'avez cru, vous aussi ?! Vous faites davantage confiance à une inquisitrice à poil et à... à... à un capitaine en carton qu'au type qui vous a sauvé la mise à deux reprises ?! Je ne suis pas Sith, c'est ça ?! Qui a assuré un service impeccable ici pendant cinq putain d'années ?! Mais bordel ! Qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour qu'on écoute ce que j'ai à dire ?!

-Je vais vous le dire. "

Son index se déplia au-dessus de la table, jusqu'à frôler la main encore plaquée sur ce qu'il restait du nez du proche-humain. D'instinct, Aarian eut un vague mouvement de recul, alors que la serre du rishii s'approchait dangereusement de son œil droit.

" Que vous nous disiez tout ce que vous savez sur ce virus. Que vous nous donniez les noms de ceux qui vous ont envoyé ici. Que vous me révéliez enfin la raison si précieuse pour laquelle vous étiez prêt à tuer mes hommes, à salir ma confiance et celle de toute une flotte pour je ne sais quelle pitoyable rémunération...

-NON ! Mais non, je...!

-Assez. Vous aviez le choix. Nous avons tous le choix - toujours. "

Une larme, unique, perla inopinément au coin de l’œil ravagé de fureur du mirialan. Un indice qui traduisait à qui savait le lire que le rishii n'avait pas frappé au hasard.

" Vous avez choisi de prendre l’Égide de Krayiss pour votre terrain de jeu : vous en paierez les conséquences. Et le loyer est très cher. J'espère pour vous que votre saloperie possède d'ores et déjà un antidote, sinon je vous priverai moi-même de sommeil des années durant pour que vous le trouviez. "

Horakk se retourna brièvement vers l'immense silhouette de Granath, toujours droit contre le mur un peu plus loin :

" Commandant : déclenchez un protocole de mise en sécurité code 56 pour les cabines n°2331 et 2332. Assurez-vous que Dana Shar soit encore en vie et mettez toute cette aile à l'isolement. Nous-même y compris.

- Tout de suite, amiral... "

Le commandant dégaina son comlink d'un geste presque machinal. Il sortit, alors que la voix étouffée du mirialan s'élevait de nouveau :

" Vous ne pouvez pas me tuer - la voix faiblissait mais ne tremblait pas - vous avez besoin de moi. Je suis le seul ici à pouvoir gérer cette situation... Je l'aurais déjà fait ... Si... Et maintenant, vous allez tous vous contaminer les uns les autres parce que personne ici n'écoute ce que je raconte ! "

Une nouvelle larme parvint à franchir le blocus qu'il tentait vainement de maintenir. Quelque chose faisait mal, et Hope pouvait soupçonner que cela avait à voir avec Antarxarxès lui-même.

" Donnez-nous la solution à cette énigme sur-le-champ, Aarian, s'il reste encore une once de jugeote dans ce qui vous tient lieu de tête. Ou prouvez-moi que Shar avait raison depuis le début et je me fais un devoir de tenir ma promesse concernant le sort singulier de votre misérable personne. Quant à trouver un autre moyen, vous êtes infiniment présomptueux si vous imaginez être le seul médecin capable dans tout cet Empire : nous avons des sections de recherche sur tout notre territoire. "

Toute les manigances trouvaient leur écueil un jour ou l'autre. Celle de Tibalde Aarian avait buté sur la seule chose qu'il y eut à redouter chez Antarxarxès en matière de décision : le serment. Le sergent se tut. Le visage dissimulé par les mèches poisseuses de sueur, le front contre le bord de la table, il n'était désormais plus qu'un dos courbé.

" Personne ne sortira plus d'ici tant qu'un contre efficace à ce que vous avez utilisé contre Shar n'aura pas été déployé. Vous êtes coincé ici, avec nous, jusqu'à la fin. "

Les larmes finirent par avoir raison de sa résistance. Jouait-il encore une tragicomédie dont il était tout à la fois l'auteur et l'acteur ? Ou venait-il d'estimer le fardeau trop lourd pour ses seules épaules ?

" Ce n'est pas ce qui était sensé se passer !! "

Mais cela se passait précisément de cette façon, et la nuit promettait d'être... longue.

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Lloyd Hope
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Lloyd avait tressailli au cri de l’Amiral, avant d’échanger avec Granath un regard circonspect qui semblait vouloir dire « il ne plaisante pas, votre chef ». Il avait reculé derrière le rishii pour lui laisser place quelques secondes plus tôt, quand il avait senti la serre du militaire étreindre son épaule. A cet ordre silencieux, il s’était soumis sans y réfléchir, parce que l’information qui venait le percuter de plein fouet l’avait éloigné brutalement de la cabine dans laquelle il se trouvait pour se revoir, dans le hall d’un immeuble de Kaas City, face à une enfant twi’lek devenue…

Mais l’explosion de rage de l’Amiral, par chance l’avait ramené à l’instant présent. A écouter les demi-aveux auxquels était passé le sergent, cependant, il réalisait en outre qu’il lui manquait des informations : l’Amiral saisissait quelque chose, lui semblait-il, qui lui était invisible, inaudible. Le hapien dut respirer profondément, passant le revers de sa main sur son front pour en essuyer la sueur.

La sueur.

Il se sentait légèrement fébrile, transpirant, la bouche pâteuse. Était-ce le virus ou seulement l’alcool ?

Le hapien haleta. Il s’avança subitement vers Aarian, qui s’était courbé pour cacher son visage plein de larmes et de sang dans ses mains. Lloyd l’attrapa par son uniforme au niveau de l’épaule pour le forcer à se redresser et lui faire face. Aarian glapit.

- C’était pas ce qui était censé… répéta-t-il dans un sanglot.
- C’est quoi ce virus ? aboya Lloyd.
- Pas un virus exactement, c’est plutôt une bactérie qui porte le nom de xaphyloca-754 et…
- J’te demande pas les détails techniques ! s’écria Lloyd en lui administrant une secousse brutale. Est-ce que c’est le virus du Stonx ?
- Qu… Quoi ?
- Le Stonx, la barge scientifique appelée le Stonx, l’échantillonnage rapporté sur Dromund Kaas, ça te dit rien ? T’as pas des copains qui ont travaillé là-dessus ?

Le médecin avait froncé les sourcils et secoua la tête sans comprendre.

- Je sais pas de quoi vous parlez…

Lloyd hésita un instant, mais finalement il soupira en relâchant sa victime pour mieux se redresser. Il échangea un regard avec le rishii. Visiblement, l’Amiral aussi devait avoir cette sensation de manquer d’informations. Lloyd se passa une main sur le visage, nerveux.

- Ecoutez. Il y a un virus qui circule, que Dana Shar et moi avons affronté durant une précédente mission et… Si jamais c'est le même...

Le Sith traversa soudain sa cabine, tira une caisse dans laquelle il avait mis son sac de voyage. Il en renversa une partie du contenu sur la couchette. Ses vêtements pliés se froissèrent en un tas informe et il réussit à en extirper une ceinture, puis une seconde.

- Bref, très dangereux, poursuivit-il. S’échange par la salive et le sang. Si l’Inquisitrice…

Il se redressa pour se tourner vers l’Amiral sans terminer sa phrase, confrontant un instant le regard acéré du rishi. L’alcool et les souvenirs du virus du Stonx troublaient subitement son élocution.

- Ça peut devenir très compliqué. Faites respecter la quarantaine à tout prix, dit-il avant de pincer les lèvres. Je veux dire, Amiral. Je vous prie.

Il n’avait pas voulu donner d’ordre à un Amiral. Bon, de toutes façons, faire bonne impression, c’était déjà un peu fichu.

- Enfin bref. Je vais voir l’Inquisitrice, je prends ça juste au cas où.









Le juste au cas où devint pourtant une précaution qui lui parut incontournable. Dès qu’il entra dans la cabine où était prostrée l’Inquisitrice, il referma derrière lui en se tenant à l’affût, prêt à dégainer son sabre laser. Mais à la place d’un monstre prêt à lui sauter à la gorge, il finit par découvrir en s’avançant dans la pénombre la silhouette recroquevillée de Dana Shar. Elle avait rassemblé ses genoux contre elle, caché son minois encadré de cheveux trempés entre ses bras refermés. L’eau scintillait sur sa peau et il comprit qu’elle s’était douchée – entièrement vêtue. C’était très Dana et très peu créature assoiffée comme comportement et le hapien fut rassuré un bref moment. Si c’était le même virus, il n’avait pas encore eu l’effet pour lequel il avait été créé sur l’Inquisitrice.

- C’est moi, dit-il en s’avançant vers elle. Ton pervers préféré.

L’adrénaline faisait battre son sang à ses tempes quand il laissa tomber l’une des deux ceintures pour mieux nouer entre elles les deux chevilles de Dana avec celle qui lui restait dans les mains. Il s’était accroupi pour s’y prendre rapidement, et quand il serra le cuir autour de la peau de l’Inquisitrice, il la vit relever un regard interloqué. Il préféra détourner les yeux pour attraper l’autre ceinture.

- C’est juste une précaution, me regarde pas comme ça. T’as un virus. Il t’a inolec… ino… Il t’a foutu un virus, grommela-t-il et il dut déglutir en fronçant les sourcils avant de profiter de l’effet de surprise pour passer rapidement la ceinture autour des poignets de Dana et de serrer. Voilà.

Il y eut un moment de silence. Seuls les éclairs que lançaient les yeux dorés de Dana électrisaient l’atmosphère, mais le hapien sourit. Il se laissa tomber sur son séant avant de reculer sur le sol, pour mieux se mettre en face d’elle, mais séparé de deux bons mètres, au cas où. Après tout, quand elle le regardait comme ça, il n’était pas sûr qu’elle n’allait pas essayer de le mordre, même attachée, même sans virus. Il croisa les bras en s’adossant contre la paroi.

- C’est juste une précaution, t’aurais fait pareil à ma place.

Il regarda ailleurs. Il valait mieux ne pas repenser à ce moment où ils s’étaient crus contaminés. Et aux moments qui avaient suivis. Il déglutit. Le verre qu’il avait bu dans sa cabine avec Aarian n’avait pas supprimé l’arrière-goût de cet alcool bleu qu’il avait ingurgité plus tôt, et qui semblait toujours lui ravager les entrailles. Il eut une moue déconfite, soupira, avant de soudain regarder Dana de nouveau comme s’il avait momentanément oublié qu’elle était là, et qu’il la redécouvrait soudain.

- Tu t’es douchée tout habillée, constata-t-il platement. T’es aussi fraîche que moi, toi. Bon. Raconte.

Ils se toisèrent un moment, et le hapien se demanda ce qui arrivait en ce moment à Aarian. Si le sergent accepterait de fournir un antidote. Il ne pouvait rien faire d’autre à part leur faire gagner du temps, pour le moment, et surveiller l’Inquisitrice.

- Je veux dire, ta mission : t’es là pour lui, on l’a coincé. On est potentiellement tous contaminés, mais avec un peu de chance, y’a que toi qui l’est. Antarxra… Anta… L’Amiral le travaille pour lui faire cracher le morceau sur un éventuel antidote. Si y’a des informations que tu veux me transmettre avant de te transformer en harpie, c’est maintenant.

Il y eut un silence et le hapien eût le réflexe saugrenu de lever un bras pour chercher quelque chose sur le meuble à côté de lui – un verre. Il n’y avait rien bien sûr. Il grommela quelque chose d’incompréhensible en laissant retomber sa main sur sa jambe. Merde. Quand t’en es à chercher ton verre alors que t’en as pas, c’est pas très bon signe. Et dire qu’il était censé n’en prendre qu’un seul. Mais il n’en aurait pris qu’un seul s’il n’y avait pas eu cette fichue Inquisitrice et sa gifle ! C’était de sa faute, aussi !
Bon.

Il fallait revenir aux préoccupations plus urgentes. Il se frotta les mains contre son visage avant de lâcher un gros soupir agacé. Il darda sur Dana un regard amer.

- Tu sais ce qu’il m’a dit ? questionna-t-il et un sourire moqueur se dessina sur ses lèvres pincées. Que vous vous aviez dans la peau, tous les deux. Pff.

Il pouffa, étonné lui-même de trouver cette information, et surtout dite de cette manière, si drôle.

- Et que t’étais tellement jalouse qu’il fréquente quelqu’un d’autre que t’as monté toute cette mission juste pour pouvoir te venger. Que t’as pas supporté la séparation, tout ça, tout ça. Ha, ha.

Ce n’était pas un vrai rire, juste une caricature forcée, goguenarde.

- Remarque si t’as besoin d’aide pour la rupture, t’inquiète, je viens de lui refaire le nez il est beaucoup moins sexy.

Il continua de soutenir son regard avec un petit air mutin, qui semblait dire « bien fait pour toi », ou quelque chose dans ce goût-là. Mais soudain il eut un haut-le-cœur et il plaqua une main contre sa bouche.

- Oh, owf… Pardon.

Il s’efforça de se relever, non sans difficulté, et tituba jusqu’à la salle d’eau, renversant un tas de vêtements sur une étagère au passage. Les blouses proprement repassées d’Aarian s’étalèrent au sol sans que le hapien parût particulièrement gêné par sa maladresse – il se rattrapa au montant de l’écoutille qui donnait sur les toilettes pour mieux aller se pencher au-dessus de la cuvette de nouveau. Mais malgré sa nausée, cette fois-ci rien n’accepta de remonter le long de son gosier et il se contenta de tanguer pitoyablement au-dessus des toilettes en grognant, les yeux fermés.

- C’truc bleu, là… Salop’rie…
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