Lloyd Hope
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Enfin, il allait pouvoir s’enfermer dans sa cabine, sur le Sans-visage. Et dormir.

Ou pas.

A l’entrée de l’astroport, Lloyd tapotait sa veste en roulant des yeux inquiets.

- Mes papiers !

Le hapien se retourna : le landspeeder de Dana était déjà reparti. Il n’avait pas de comlink, pas ses cartes magnétiques, même pas ses deux crédits.

- Fichue Inquisitrice.

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-------Après près de 3h assis dans un poste de sécurité de l’astroport, Lloyd avait enfin reçu de la Marine Impériale un laissez-passer qui remplacerait ses papiers le temps d’en obtenir d’autres. Trois. Précieuses. Heures.
Quand il arriva au Sans Visage, Mumkin était en train d’huiler les trains d’atterrissage à l’aide d’un pulvérisateur. Il arrêta la machine quand il comprit que le vagabond n’était autre que son supérieur qui revenait avec une mauvaise mine.

- Ça alors ! fit Mumkin. T’as croisé un dragon Krayt, ou quoi ?
- Pire, grommela Lloyd en passant devant lui. J’ai croisé Dana Shar.
- Noooon.
- Si.
- Elle t'fait un sacré effet à chaque fois, ricana-t-il en avisant la tenue déchiquetée du hapien. Elle t’a reparlé de, hum, des casquettes ?
- Ouais. Elle m’a dit qu’elle t’ouvrirait en deux si elle te croisait, j’ai répondu que je te tiendrai pour l’aider.
- C’est pas drôle.
- Tu veux m’ouvrir ? J’ai perdu mes clés.
- Ok. Je prépare les moteurs et on y va ?
- Nan, on reste. J’ai… Un rendez-vous, ce soir.

Le dévaronien passa sa carte magnétique devant une commande et la passerelle se déverrouilla. Les vérins glissèrent lentement. Avant même qu’elle eût tout à fait touché le sol, Lloyd s’était engouffré à l’intérieur.

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-------Lloyd était sagement assis sur un fauteuil, dans le hall d’entrée d’un manoir élégamment décoré. Une grande fenêtre ovale laissait apercevoir un ciel déjà assombri. De jolies arabesques étaient dessinées en feuilles d’or sur les murs, encadraient un miroir dans lequel le hapien jeta un coup d’œil : il ne ressemblait pas à grand-chose. Certes, il était propre ; il avait eu le temps de se laver et de dormir à peine quelques heures. Puis il avait enfilé des vêtements en bon état. Il n’avait plus ses gants, ni de veste de rechange, alors il avait enfilé une chemise noire boutonnée jusqu’au cou. En dehors de ces éléments d’élégance, il avait des cernes, des traces d’égratignures, des cheveux en bataille, ses mains étaient abîmées. Autant de petits signes qui à son sens criaient sa non-appartenance à ce milieu riche dans lequel il mettait les pieds ce soir.

- Mais qu’est-ce que j’fous ici…

Si Lloyd avait appris les bonnes manières, c’était grâce à l’Armée Impériale. En dehors de cela, il venait d’une famille d’une classe sociale moyenne d’Hapès, et n’avait foulé des lieux luxueux que lors de missions ou d’évènements où sa présence s’était faite discrète. En dehors de ces cas particuliers, il se trouvait tout à fait inadapté à pareil décor.

Une porte s’ouvrit soudain, laissant apparaître un jeune humain légèrement vêtu, que Lloyd devina être un esclave.

- Par ici, je vous prie.

Sans un mot, mais sentant l’appréhension lui tordre le ventre, il se leva et suivit le garçon, qui le fit passer dans un autre couloir. Ils traversèrent un salon, foulant silencieusement les tapis de velours qui couvraient le sol, avant d’arriver dans une salle dotée d’une cheminée où un feu crépitait, les flammes projetant des ombres dansantes sur une longue table où étaient dressés des assiettes et couverts pour deux personnes. Un chandelier soutenait encore quelques sources de lumières. En dehors de cela, des spots discrets étaient dissimulés derrière des meubles ou des rideaux, provoquant une luminosité indirecte, propre à donner à la pièce un sentiment d’intimité.
L’esclave s’éclipsa et Lloyd resta encore de longues minutes debout, à attendre. Il n’osait ni s’asseoir, ni toucher à quoi que ce soit. Son instinct lui soufflait de rester le plus neutre possible. Dans la Force, il sentait que quelque chose n’était pas très loin. Prenait son temps.

- Lloyd Hope, dit une voix dans son dos, et le hapien ne put empêcher un léger sursaut.

Il se retourna, pour voir apparaître la silhouette d’une femme élégante. Sa robe couleur crème se froissait légèrement tandis qu’elle passait devant le hapien, contournant la table sur ses talons qui poinçonnaient le sol à la manière d’une percussion réclamant le silence au début d’un spectacle. Quand elle lui fit face, plaçant entre eux deux la table et son chandelier, il put voir son visage rendu atypique par le voile qu’elle portait devant les yeux.
Une miraluka, identifia Lloyd, et d’un certain âge. Cela et son nom, c’était tout ce qu’il savait d’elle.

- Je vous en prie, prenez place.

Le hapien consentit à l'imiter en silence, s'asseyant devant un repas qui sentait bon la délicatesse gastronomique. D’une finesse qu’il n’avait pas l’habitude de goûter. Mais il n’avait pas faim. Il se sentait mal à l’aise. Il avait l’impression d’étouffer dans ses vêtements, que son visage avait rougi sous l’effet du feu à proximité. Il n’osait pas vraiment regarder en direction de la femme dont il ne pouvait croiser le regard.
Comme elle se saisissait de ses couverts, il resta immobile, indécis.

- J’ai accepté votre… convocation, j’aimerais bien savoir quel est le rapport avec ma mission, dit-il comme elle n’avait pas l’air disposée à lui fournir des explications.
- Convocation ? C’est une invitation, Hope.
- Ce n’est pas comme si vous m’aviez laissé le choix.

La miraluka sourit.

- C’est vrai. Goûtez-moi cette entrée.

Lloyd comprit qu’il n’aurait pas les réponses qu’il souhaitait. Il se décida à prendre ses couverts, mais il toucha à peine au contenu de son assiette. Pendant plusieurs minutes, il réfléchit aux raisons potentielles. Il n’en voyait aucune.

- Vous ne mangez pas grand-chose, dit la miraluka sur un ton léger.

Lloyd réfléchit avant de répondre, sur un ton apathique.

- C’est que je ne sais pas à quelle sauce je vais moi-même être mangé.
- Ah ! rit-elle. Ne soyez pas si pessimiste. Certains paieraient cher, pour être à votre place.

Le hapien se força à avaler une bouchée ou deux. Son souvenir de la nuit précédente – faite de vomissements et des formes d’une Dana reposant tranquillement sur une couchette – remonta un instant à la surface.

- Ce ne sera qu’une seule fois, déclara-t-il comme s’il cherchait une confirmation.
- Décidément, vous n’avez pas le sens de la conversation. Oui, une seule fois. Ne croyez pas que je n’ai pas de quoi subvenir à ce genre de besoins.
- Pourquoi faire, alors ?
- Disons… De la curiosité. Vous n'avez pas besoin d'en savoir plus.

La miraluka attrapa sur la table un datapad qui était resté à portée de main. Elle y glissa son doigt et l’écran s’alluma.

- Puisque ça a l’air si important pour vous, dit-elle en posant le datapad à côté du hapien.

Lloyd se pencha sur l’écran. Ses résultats sanguins y figuraient. Mais la mention de psychotropes avait disparu.

- Ce fichier remplacera le précédent dès cette nuit, si vous vous prêtez à l’exercice.

Le hapien prit une longue inspiration. C’était trop tard de toute façon. Et dans quelques heures quelle différence cela ferait-il, qu’il l’eût fait ou non ? Il aurait sauvé sa mise, voilà tout.

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---------Lorsqu’ils eurent terminé leur plat, auquel Lloyd avait à peine touché, la miraluka se leva. Elle passa derrière lui à pas lents. Il s'obstinait à observer les ustensiles sur la table. Il sentit une main glisser dans ses cheveux, dans son cou. Puis sur son visage. Il supposa que c'était une manière, pour une personne non dotée de vision, de prendre connaissance d'un corps. Cela ne le mettait pas plus à l'aise.

- Allons-y, Hope, je n'ai pas toute la nuit, dit-elle subitement. En tant que hapien, vous avez l'habitude, non ?

Son ton était devenu froid et autoritaire, et Lloyd se leva, obéissant malgré lui.

- Pas exactement dans ces conditions.
- Ne me faites pas regretter et venez vous exécuter. Par ici.

La miraluka le conduisit dans une pièce à proximité. La chaleur y était moins intense, mais la lumière presque inexistante, si bien qu’il dû ralentir.

- Ah, navrée, j’oublie souvent que vous autres avez besoin de lumière.

Sa main effleura un mur, et une faible lueur apparut, éclairant une chambre cossue. Un grand lit, un secrétaire dans un coin, des fauteuils. Sans attendre, la miraluka alla s’asseoir sur le bord du lit. Lloyd était particulièrement embarrassé. Il cherchait une excuse, quoique ce soit, mais il savait que cela ne servait à rien.
Il resta planté là, à regarder cette femme dont le corps était encore magnifique malgré son âge plus avancé que le sien. Son visage sans yeux était tourné vers lui et il se sentait déshabillé du regard même si c'était impossible. Il déglutit, essayant de faire abstraction de cette pression qui lui enserrait la poitrine.

La miraluka retira ses souliers et, encore toute vêtue, elle s'étendit sur le lit dans une posture d'aise.

- Je crois qu’il faut que vous commenciez par retirer votre chemise, dit-elle avec un soupir d'exaspération, au bout d’un moment.
- Est-ce vraiment nécessaire ?
- Mettez-y un peu du vôtre, Hope. Vous pourriez montrer un peu d’enthousiasme.
- Ce point n’était pas précisé dans le contrat, rétorqua-t-il sombrement.

Néanmoins, il déboutonnait sa chemise. Autant qu'il en finisse.

- Faites-moi donc ce qui plaît le plus à vos amantes, dit-elle sur le même ton que lorsqu'elle l'avait invité à goûter un plat, un peu plus tôt. C'est à dire, avec autorité.

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---------Il était encore essoufflé, son corps frémissant, quand la miraluka quitta le lit. Il regarda son corps blanc, qui par certains aspects lui rappelait la couleur de l'enfant Twi'lek de l'immeuble. Il avait envie de vomir de nouveau.

- Ce n’était pas mal, mais pas exceptionnel. Je ne vois pas vraiment ce qu’elle vous trouve.

Lloyd ne répondit rien. Il ne savait pas de qui elle parlait, mais il ne cherchait plus à comprendre, ce séjour sur Dromund Kaas n’avait pas de sens de toutes les façons. Il tira le drap sur lui, de manière à couvrir son intimité. Une drôle de pudeur au regard de ce qui venait de se passer entre eux, mais le hapien n’était pas à l’aise avec toutes les marques qui couvraient encore son corps à cause de la nuit précédente. Ses brûlures et sa hanche l’élançaient encore, et ignorer la douleur pendant l’acte n’avait pas été une mince affaire.
Mais le pire, c’était de se sentir sale. C’était la première fois qu’il exécutait pareille tâche. Oh, il avait couché en mission, ce n’était pas le problème, mais cela avait toujours été selon ses termes. Jamais n’avait-il eu auparavant à suivre ainsi des directives, et à faire ceci sans le moindre désir initial. Quelle leçon tirer d'une épreuve qui glisse sur vous pour vous laisser seulement un peu plus vide ?
Il se sentait minable.

Il y eut un bruit dans le salon jouxtant la chambre.

- Ah ! s’exclama la miraluka sur un ton jovial, tandis qu’elle se glissait de nouveau dans son élégante robe blanche. J’ai oublié de vous dire que j’attendais de la visite. Vous allez rencontrer mon apprentie… mais je crois que vous la connaissez déjà.

Une apprentie ? Fronçant les sourcils, Lloyd sortit du lit pour attraper ses vêtements. La sueur faisait luire son torse écorché de toutes les égratignures et brûlures récentes.

Quelque chose dans la Force lui disait que tout allait déraper d'un instant à l'autre.
Darth Hope
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-Dana Shar, debout.

Elle sursauta comme si cette voix sortait tout droit des Enfers. Une présence oppressante accueillit son réveil. L’eau du bain était gelée alors qu’elle y avait somnolé puis dormi pendant des heures, la figure pressée contre le bord de marbre. Derrière une vision légèrement embuée, elle reconnut vaguement les contours d’une armure sith et sombre. Elle referma les yeux.

Darth Orcus…

Avant de les rouvrir à la hâte.

Elle manqua de glisser au fond de la baignoire tant elle souhaita se relever avec précipitation. Le Sith l’observait derrière son masque de ténèbres. Peut-être avait-il un sourire moqueur, peut-être se contentait-il simplement d’admirer l’eau qui s’écoulait sur les courbes féminines. Elle le fustigea d’un regard noir et si la Force permettait de tuer d’une seule œillade, il serait déjà mort.

-Que fais-tu là ? Qui t’a permis d’entrer…
-Je suis là sur ordre de l’Inquisition, pour t’escorter à ton Maître, sale petite chose que tu es.

Il la haïssait, viscéralement. Dana lui remémorait le souvenir insipide de Damaya ; de cette épouse fantôme qui avait failli à tous ses devoirs, qui avait l’avait trompé avec un Jedi. La sœur cadette portait indéniablement les péchés de son aîné, il en était persuadé et n’avait pour elle que du mépris et de la haine. Il aurait aimé lui faire tout ce qu’il n’avait pas pu faire endurer à la défunte, la punir, cruellement, puis l’achever.

-Maître Runà ? Ca tombe parfaitement bien, j’ai deux mots à lui dire.

Une seule chose la différenciait pourtant de Dama’. Son insolence et le fait qu’elle parlait trop.


Elle comprit qu’il ne prendrait ni la peine, ni la politesse de se tourner ou de quitter la pièce tandis qu’elle se changeait. Ses habits d’Inquisitrice avaient été déposée sur son lit et elle les enfila doucement, consciente du regard impudique dont Orcus la bénissait. La silhouette dénudée de Shar se découpait à travers la grande baie vitrée et le panorama sur Kaas City. Elle fut heureuse de pouvoir glisser le galbe de ses jambes dans le fourreau d’un pantalon de cuir sombre et de retrouver un bustier sombre sans manche, ainsi qu’un étui, fermement attaché à sa cuisse…dans lequel manquait sa pique-laser. Elle se vêtit d’une veste courte, sans teinte et y glissa son paquet de cigarra ainsi que son briquet.

-Dépêche-toi.
-Désolée, répliqua-t-elle sèchement, Je pensais que le spectacle plaisait à sa Seigneurie.
-Tu es pathétique.

Elle dégagea sa chevelure dans son dos et ignorant l’insulte, prit la tangente vers la sortie.








Un manoir.

Pourquoi pas le Temple Sith ?

Dana pensait toujours que la Miraluka souhaitait adoucir son tempérament enragé après le fiasco de cette nuit. Elle lui avait sciemment menti avec ces conneries de contrôle d’identités. Et l’apprentie tombait toujours dans le piège du Maître. Elle se sentait comme un chien de chasse que l’on lâchait dans une forêt aux innombrables odeurs de gibier, qui en devenait fou, avant de découvrir que toutes ces senteurs n’étaient qu’artificielles…et que la véritable proie, c’était le chien lui-même. Orcus la talonnait. Un esclave se présenta prêt à les accueillir mais elle leva une main autoritaire pour le couper dans son élan. Pas la moindre envie d’entendre des politesses déclamées par l’habitude d’un dressage servile.

Les portes s’ouvrirent sur une salle où un repas semblait s’être terminé copieusement pour l’un, chichement pour l’autre. Elle n’eût le temps de s’attarder sur les détails car elle ne vit qu’elle. Runà. Et ses promesses débiles. Elle se précipita, dans un élan de colère vers la Miraluka. Dana puisa dans la Force, prête à envoyer une déflagration télékinétique droit sur sa maîtresse. Elle fut mise en échec avant et sentit son souffle se rétrécir dans sa gorge.

-Je sais, soupira Runà, Tu es en colère. Mais nous pouvons parler comme des êtres civilisés.

Shar coupa sa connexion avec la Force et grâce à ce signe de reddition, put retrouver le luxe de respirer. Elle se massa la gorge, inutilement. L’étranglement s’était passé à l’intérieur.

-C’était un putain de contrôle d’identité ! Vous m’y avez enfermée !

Runà étira un sourire. Dans cet élan passionnel porté par la rage, l’Inquisitrice n’avait pas remarqué l’ombre discrète de Lloyd qui avait émergé de la chambre adjacente dès son arrivée. Elle n’était focalisée que sur son Maître, oubliant jusqu’à la présence d’Orcus.

-Je ne puis contredire les ordres du Seigneur Varnak, personne ne l’aurait pu. Sois reconnaissante d’être en vie.

Silence. La brune prit le temps de se calmer, d’apaiser les battements frénétiques d’un cœur plein de ressentiments. Mais un nouveau reproche éclot dans son esprit et elle entrouvrit les lèvres prête à le décocher.

-Tu veux parler de Lloyd Hope ? De sa présence au 2331 ? Si j’étais au courant… ?

Runà se décala vers le concerné que Dana put découvrir avec une surprise particulièrement consistante. Elle recula d’un pas, frappée d’incompréhension. Que faisait-il là ? Son cerveau s’éveillait. Les petits détails s’enchaînaient, repassaient en boucle. L’esclave peu vêtu à l’entrée, cette table dressée pour deux, avec des chandelles. Non, il manquait quelque chose. Les prunelles dorées de l’Inquisitrice allèrent au-delà des silhouettes, vers les portes ouvertes d’une autre pièce, dont l’encadrement mettant en valeur les contours d’un lit défait. En une seconde, toute l’amertume du district 40-9 s’évapora. Un grand vide s’installa et elle ne sut par quoi le combler. Son attention figée se dirigea vers Runà qui prit la peine d’aller refermer les portes, comme on faisait tomber le rideau sur une scène ou un acte dramatique venait de s’achever.

-Que fait-il là ? réussit-elle à articuler.

Personne ne lui répondit. Ni Orcus, ni Runà, pas même Hope dont elle sentait le regard fuyant.

-Que fait-il là ? répéta-t-elle en haussant la voix.

Et puisque tout le monde s’écharnait à ne pas lui répondre, elle se tourna vers le hapan et reformula. Non. Sa voix tremblait, elle ne voulait pas qu’elle tremble. C’était trop pathétique. Trop humiliant.

-Que fais-tu là ?
-Avant toute chose, reprit la Miraluka avec calme, j’aimerais te parler du cas de Jonas.
-Vous vous foutez de ma gueule, c’est ça ? Qu’est-ce qu’on s’en fout de Jonas ! J’ai posé une question !
-Assieds-toi, réclama autoritairement la supérieure.

Et elle s’exécuta avec raideur. Ses prunelles allaient toujours de l’un à l’autre, en quête d’une réponse. Elle prit place sur la chaise qu’occupait Lloyd lors du repas ; endossant à son tour le rôle de la brebis prête à être immolée.

-On ne s’en fout pas, comme tu dis. Je t’ai soumis son cas. Et tu as clairement dit au prêtre Dahan qu’il fallait le libérer. Je suis déçue, Dana. Déçue par tant de compassion pour un déserteur. Mais tu sembles apprécier te soucier de la vie de ceux qui tournent le dos à l’Empire, n’est-ce pas ?

Le sous-entendu était beaucoup trop explicite.

-Aussi décevante que sa sœur, intervint Orcus en ricanant.
-Ne parle pas d’elle. La ferme.

Tout allait exploser. Cette pièce était bourrée d’explosifs et Dana n’était qu’un détonateur pressé de toute part.

-Je vous en prie, Seigneur Orcus, tempéra Runà. Pourriez-vous ne pas intervenir pour le moment ? Bien. Donc, Jonas. Il vient d’être exécuté. Je voulais que ce soit toi qui le fasses, mais on m’a dit que tu avais reçu un mauvais coup sur la tête. Je me disais que ce mauvais coup pouvait expliquer ta décision qui manquait de discernement.
-Je vous avais dit de ne pas le faire.
-Mais c’est moi qui donne les ordres. Monsieur Hope les suit mieux que toi.
-Pourquoi est-il là ?
-Tu le sais non ? Tu es insolente, bornée, mais pas idiote.
-Ca suffit.

Elle se releva et se dépêcha vers la sortie. Mais Orcus lui barrait le chemin. Elle souhaita le contourner, sans succès. Acculée. Elle prit une grande inspiration et osa faire face à Lloyd, ce qui lui fit l’effet d’un millier de lames plantées dans le ventre. N’avait-il donc aucun amour-propre ? Lui qui se souciait tant du message à passer à cette…Twi’lek des heures plus tôt, ne s’encombrait-il d’aucun honneur ? Elle avait eu tort sur toute la ligne. C’était lui, le véritable Sith. Elle se remit pauvrement à table, admira le repas froid dans l’assiette, les couverts défaits. Ses yeux remontèrent le fil d’un probable scénario jusqu’aux portes plus loin dont elle savait ce qu’elles cachaient. Un grand lit défait. Elle ne pouvait pas le sentir, mais c’était comme si. L’odeur de sueur et de stupre. Elle eût un brutal haut-le-cœur. Sa tête lui tournait. Tout ce temps, ils étaient amants ? En réalité, n’était-ce pas Hope que Runà envoyait à chaque fois pour surveiller son apprentie ? Ce n’était plus seulement le sol qui se dérobait sous ses pieds, mais les murs qui s’effondraient, le plafond qui se scindait pour lui tomber sur le crâne et l’achever.

-Je n’ai pas terminé. Après tout cela, je ferai venir un médecin. Tu es vraiment trop pâle.
-Qu’entendez-vous par « tout cela ».
-Mais ma chère, c’est une toute nouvelle nuit qui commence. Et j’espère que tu ne me décevras plus, répondit la Miraluka avec un sourire jovial, qui trancha franchement avec le ton froid qu’elle avait employé.



Lloyd Hope
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Lloyd se tenait dans l’ombre, mortifié. Il ne pouvait même pas soutenir le regard de Dana.

Elle était donc l’apprentie de cette Darth Runà. Il sentait que cette information aurait dû l’aider à comprendre ce qui s’était passé ce soir, peut-être même une partie de ce qui s’était passé la veille, mais il n’arrivait pourtant pas à comprendre. Il avait l’impression de détenir une pièce de puzzle dont les contours ne rentraient pas du tout avec celles dont il disposait jusque-là.

Sa première impulsion fut d’attendre la première opportunité pour s’éclipser. Mais vu ce qui se jouait dans ce huis-clos, et l’état de Dana, il ne pouvait pas prendre la parole et demander la permission de s’en aller. Il ne comprenait pas grand-chose de leurs échanges, sinon que la jeune femme subissait une mise à l’épreuve.

Lloyd contemplait le sol devant lui, et avait rangé ses mains derrière lui à la façon militaire. Il s’obstina ainsi même lorsque Dana s’adressa directement à lui. Il serrait les dents, en priant pour qu’elle ne s’approchât pas trop ; il lui semblait que les fluides de la miraluka avaient laissé sur lui des odeurs entêtantes. Le silence entre les mots de Dana bourdonnait à ses oreilles.

Il ne savait pas ce qui était le pire : d’avoir l’impression de s’être prostitué ou que Dana fût au courant.

- Dana, disait Darth Runà. Il est temps que tu corriges certaines de tes faiblesses. Je t’ai donné suffisamment d’avertissements. Cette nuit, j’ai bien l’intention que tes deux principaux problèmes soient réglés. Cette histoire de clandestin épargné, c’est pire que ton autre problème.

La miraluka avait fait un bref mouvement de tête vers le hapien qui baissait toujours les yeux, évitant soigneusement d’être impliqué dans la discussion. Il ne comprenait même pas l'allusion. Il ne comprenait rien à ce qui se passait ce soir, de toute façon. Les paroles échappaient à toute logique depuis qu'il avait signé ce contrat.

- Pour lui, j’ose espérer que tu auras compris la leçon ce soir. Pour ta deuxième faiblesse, je t’ai préparé une mission. Ou plutôt… Darth Orcus a eu l’élégance de trouver quelque chose qui fera l’affaire.

On aurait pu entendre Darth Orcus sourire sous son armure, tant il toisait Dana de triomphe, planté devant elle de toute sa hauteur. Lloyd osa relever discrètement les yeux, maintenant que le trio avait l’air de l’avoir oublié. Il lui semblait que Dana était minuscule devant Darth Orcus, assise sur sa chaise, acculée comme il l’avait été un peu plus tôt. La place du pion.

- En effet. Le tribunal de Kaas City est surchargé, il nous sera extrêmement reconnaissant que nous nous occupions nous-mêmes du Camp Piya, expliqua-t-il en croisant sur son torse de métal ses bras épais. Juste au sud de la ville. Des taudis. Des bidons-villes. Le maire de Kaas City a eu une tolérance, expliquant que certains de ces clandestins pourraient être récupérés pour en faire des soldats ou des citoyens de bas étage. Un échec total, bien entendu : la plupart d’entre eux sont des criminels. Ils ne sont encore là que parce qu’il existe des gens qui ont eu la même faiblesse que toi. Pathétique.
- Venons-en au fait, intervint Runà avec son ascendance naturelle.
- Puisque ton Maître n’est pas certaine de tes capacités à l’exécution, tu vas t’y rendre. Les autorités vont t’aider à boucler le périmètre, et tu exécuteras cette vermine. Aucun survivant. Je viendrai moi-même faire l’inspection demain matin. Le maire n’a accepté l’opération que si au petit matin, tout serait terminé, histoire qu’il n’y ait pas de contestation possible avant ou pendant les faits.

Il y eut un silence. Visiblement, Darth Runà était satisfaite de la proposition d’Orcus. Elle avait croisé les bras et marchait doucement devant la cheminée. Sa robe claire l’illuminait devant les flammes. Comme Dana ne réagissait pas positivement, la miraluka la toisa avec autorité.

- Considère-toi chanceuse : nous ne t’imposons pas la méthode. Tu t’y prendras comme bon te semble, mais tu apprendras définitivement à faire le ménage.

Le hapien toisait de nouveau le sol devant lui. Il voulait plus que tout prendre une douche. Mais pas ici. Il sentit soudain sur lui le regard de la miraluka.

- Vous êtes encore là, Hope ? s’étonna-t-elle.
- Je…

Oui, elle avait raison, c’était absurde. Il aurait dû disparaître au début de ces échanges. Ne rien entendre de tout cela aurait été plus sain. Mais il avait une bonne excuse.

- Je voulais voir la preuve, pour mes résultats, votre Excellence.

Darth Runà leva les yeux au ciel.

- Vous ne perdez pas le Nord, au moins.

Elle récupéra le datapad, qui était encore sur la table, et y effectua une petite manipulation. Puis elle le présenta au hapien, qui eut un signe de tête affirmatif.

- Merci, dit-il d’une voix si basse qu’elle était à peine audible.
- Je vous en prie, Hope. J'ai passé un très agréable moment en votre compagnie. J'espère que le plaisir était partagé.

Lloyd ne répondit rien. Il salua avec une brève révérence, avant de prendre la sortie d'un pas raide.

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--------

--------Dehors la nuit était rouge, comme si le ciel s’était embrasé. Ce n’était rien d’autre que les lumières de la ville qui se reflétaient dans le brouillard, et qui donnait à la rue une impression surréaliste ; un éclairage artificiel aux couleurs de l’Empire.
Lloyd descendit les marches du manoir, et se faufila entre les grilles du portail pour rejoindre la route. Là, il essaya de respirer. La nausée lui était revenue. Il passa ses mains sur son visage. Elles sentaient la transpiration, et des parfums qui n’auraient pas dû s’y trouver. Il voulait s’enfuir.

Mais il attendit encore de longues minutes. Il s’était assis sur le trottoir, une bouche d’égout glougloutait à quelques pas et il avait l’impression d’appartenir plus à ce monde-là qu’à celui de la surface.

Au bout d’un moment, il faillit partir. Abandonner son idée. Peut-être que Dana avait réussi à les convaincre de laisser tomber le plan d’Orcus. Peut-être qu’elle était sortie par une autre porte, et qu’il attendait là comme un con.
Mais soudain il entendit enfin la porte du manoir. Il se leva pour se tourner vers le manoir, et reconnut la silhouette de Dana qui, vêtue de cuir, descendait lentement les marches. Elle s’arrêta au portail quand elle le vit. Lloyd leva vivement les mains en signe de reddition immédiate.

- Je sais que tu m’détestes, c’est bon.

Il baissa ses mains car elles tremblaient un peu et c’était minable. Il chercha quoi dire. Il aurait pu lui dire qu’il était désolé, qu’il ne savait pas que c’était sa maîtresse. Se justifier quant au contrat, lui dire qu’il n’avait pas eu le choix. Il aurait aussi pu dire qu’il couchait avec qui il voulait et quand il voulait, après tout. Mais rien ne sonnait juste.
Il n’y avait rien à dire.

- Je voulais te proposer… Hum. Il s'éclaircit la voix, détourna le regard vers le bout de la rue. Que je fasse une partie du taff. Tu n’es pas en état d’assumer tout ça toute seule.

Et il paraît qu’on fait une bonne équipe tous les deux… Mais je n'sais pas si ça tient toujours.
Darth Hope
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L’humiliation était totale.

Devant Orcus. Devant Hope.

Runà savait que son apprentie avait la peau dure comme du cuir de bantha, que les coups ne fonctionnaient pas sur elle ; car elle en avait encaissé assez pour apprendre à y être indifférente. La Maître Inquisitrice connaissait cette enfant comme si c’était le sien. Rien n’impactait plus Dana que d’être rabaissée et devant le hapan, aucun sous-sol de Kaas City n’était assez profond pour définir ce niveau-là de rabaissement.

Dès que Hope fut parti, Shar se prit la tête entre les mains, ravalant ses sanglots et ses mots improbables. Il ne fallait pas pleurer, pas cette fois.

-Elle chiale. Le contraire m’aurait étonné, déclara Orcus en s’ébrouant vers la sortie. Deux mètres avant, il se stoppa pour asséner le coup final. Je n’ai jamais vu ou entendu Damaya pleurer. Tu n’arrives même pas à la cheville de cette traitresse.

Runà lui fit une moue agacée et il disparut sans demander son reste. Elle s’approcha de son pion brisé et lui accorda une étreinte qui n’avait rien de tendre ou de maternelle. Elle singeait simplement un réconfort inexistant. L’Inquisitrice sentit le parfum familier de son Maître imprégner ses narines. Cette fragrance devait encore marquée la peau du blond. Elle n’aurait pas dû y penser. Un sanglot éclat. C’était ridicule. Toute cette situation était absurde. Depuis quand était-elle devenue aussi faible.

-Ne t’avais-je pas dit…de le tuer ? murmura-t-elle. Si je te l’avais dit, c’était pour éviter ces larmes pathétiques que tu fais couler aujourd’hui.

La Sith s’éloigna ensuite de sa protégée, retrouvant la chaleur de la cheminée, partagée entre l’amusement et la déception.

-Piya sera un bon entraînement.
-Je suis fatiguée, geignit-elle, s’arrachant les cheveux. Ma tête me fait souffrir, j’ai chaud, froid en même temps. Piya n’est pas un problème.

Elle avait envie de faire passer sa rage, de tuer du monde. Criminels ou traîtres, peu importait. Faire couler le sang comme coulaient ses larmes suffiraient à distraire son esprit de ce nouveau fiasco dans sa vie. Runà étira sur ses lèvres un sourire triomphant. Ses mains délicates prirent possession d’une boîte en acier qui traînait sur le linteau du foyer et l’apporta à son apprentie. Cette dernière hésita et accepta le « présent », le déposant sur ses cuisses pour l’ouvrir. Elle reconnut sa pique-laser, striée de traces de brûlure mais en parfait état de fonctionnement, ainsi qu’un petit paquet de kolto. Du vrai, pas du dérivé synthétique à l’effet douloureux. Runà possédait assez de ressources pour se permettre de payer du kolto.

-Et bien, te voilà équipée. Nous nous reverrons demain matin. J’aimerais être fière de toi cette fois-ci vraiment.

Il semblait qu’elles n’avaient plus rien à se dire, mais la voix de la Miraluka résonna de nouveau :

-Ah au fait. J’attends ton rapport sur les évènements du 2331. J’ai eu quelques échos, et je tenais à te remémorer une chose, Dana. Lorsque tu n’étais qu’un cadavre en devenir sur Gravlex Med, que tu fixais le ciel où le triomphe impérial retentissait. Ce jour-là. Ce n’est pas Lloyd Hope qui t’a sauvé, mais moi. J’espère que nous nous comprenons.
-C’est très clair, trancha Dana qui retrouvait un semblant de dignité. Mais par pitié, la prochaine fois. Epargnez-moi l’étalage de votre vie sexuelle.

Que ce fut avec ce connard de Hope, ou quelqu’un d’autre. Alors qu’elle poussait les portes avec une rage indescriptible, elle entendit Runà conclure dans son dos, d’une voix pleine d’amusement, aussi claire que celle d’une prophétesse :

-C’est de la passion, Dana ! Et tu en manques cruellement.




Le froid de ce début la cueillit comme un fruit mûr. Elle grelotta légèrement et descendit les marches. Du kolto reluisait encore sur son front suturé. Le brouillard dense l’enveloppa et sa fraîcheur fit rougir ses joues pâles. Quand elle capta la silhouette du militaire au-delà du portail, elle stoppa net sa progression. Le temps de contrôler tout un tas de choses, dont sa respiration. Elle chipa une cigarra dans sa poche, la pinça entre ses lèvres charnues et fit jaillir la flamme de son briquet. Elle ne devait rien lui montrer, ni la trace de ses pleurs précédents, ni le dégoût qui emplissait son âme.

- Je voulais te proposer… Hum. (…)Que je fasse une partie du taff. Tu n’es pas en état d’assumer tout ça toute seule.

De la pitié. Ou peut-être un arrangement avec Runà, pour la surveiller, encore. Il ferait son petit rapport à la Miraluka sur l’oreiller, entre deux coups de reins. L’envie de vomir lui revint et elle s’empressa de tirer une longue taffe sur sa cigarette, pour calmer sa nausée. Elle ne répondit pas tout de suite et leva ses yeux vers le ciel illuminé de pourpre. Elle tâchait de décrire le mouvement de chaque lumière dans l’épais smog. Elle recracha de la fumée, dans un souffle interminable et posa enfin son regard perçant sur Lloyd.

-Tu fais comme tu veux. Je ne cracherai pas sur un peu d’aide, même venant de toi.

Elle se rapprocha de lui et continua de fumer, observant les rares ombres qui bravaient cette nouvelle nuit, dont un couple, sur le trottoir d’en face, qui avait arrêté sa marche fébrile pour échanger un baiser passionné. Le rire de la dame perça le silence du quartier et son amant l’entraîna par le bras vers des promesses inavouées. Dana pensa au camp Piya, à ce qu’elle y trouverait. C’était compliqué.

-Laisse-moi te dire, que t’es quand même un sacré connard. Mais…

Elle se mordit l’intérieur de la joue, grappillant la toxine emprisonnée dans sa salive. Elle mordait fort, mais le kolto avait endormi quelques nerfs, alors c’était supportable.

-Mais t’aurais juste pu me dire que tu t’envoyais en l’air avec mon Maître. Je ne sais pas. T’aurais pu dire. « Eh Dana, ton Maître s’inquiète pour toi et vu que je suis son régulier et qu’elle me fait confiance, elle se débrouille pour que tu croises mon chemin à chaque putain de mission de merde. » T’aurais juste pu me dire ça, ok ? Pendant qu’on était l’un contre l’autre dans cette cellule infâme. Je demandais pas à ce que tu rentres dans les détails, mais franchement…si tu me l’avais dit…j’aurais pu éviter de me faire lessiver comme du linge plein de merde dans ce manoir. Mais je pense que quelque part, ça a bien dû te faire marrer que Madame l’Inquisitrice se fasse passer un savon. Ca fait au moins un de nous deux qui se fend la poire.

Et heureuse que ce soit toi, pensa-t-elle avec ironie. Sa voix n’avait pas vibré de haine, tout juste teintée d’un léger dégoût, amer et décevant. Maintenant, au moins, il devait savoir à quel point elle était une Inquisitrice incompétente. A ce propos, elle ressentit le besoin de se justifier.

-Jonas nous a sauvé la vie. Et on l’a crevé pour ça. Il a sauvé la vie de deux Siths, pour moi, cela pardonnait sa désertion. J’ai fait une erreur de jugement, d’accord ? Ca arrive à tout le monde. J’avais un coup de marteau dans la tête et on t’avait emmené je ne sais où. Je pensais qu’ils allaient t’éliminer parce que tu étais contaminé. Je pensais juste qu’il y avait eu assez de morts comme ça. Mais j’ai eu tort. Il n’y jamais assez de morts.

Elle se tut, pour savourer la chaleur relative de sa cigarra, pensive. Il n’y avait jamais assez de morts et personne n’était innocent.

Lloyd Hope
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Lloyd encaissa les premières insultes avec calme. Il les méritait. Mais l’interprétation qu’elle avait fait de la situation était inattendue. Le mot « régulier » le fit sortir de ses gonds, sans crier garde.

- J’suis pas son régulier, riposta-t-il en élevant la voix avec amertume. J’avais aucune idée qu’il s’agissait de ton Maître ! J’me fous pas en l’air avec elle. C’était la première fois que j’la voyais et –

Lloyd s’arrêta net. Et quoi ? « Et je me suis forcé par soumission, pour obtenir une faveur ? » C’aurait été trop humiliant. Il émit un sifflement dépité.

- Tu ne comprendrais pas de toute façon, lâcha-t-il.

Et il lui tourna le dos pour s’éloigner, bien décidé à la laisser se démerder toute seule. Si elle croyait qu’il avait fait tout ce qu’il avait fait par plaisir ou machination ! Mais Lloyd ne fit que trois pas plein de colère avant de revenir vers elle à la même allure. Il se planta devant elle en pointant un doigt vers la poitrine de Dana.

- Et j’suis d’accord, ok ? Ils n’ont pas été fair-play avec toi. C’est pour ça que j’te propose mon aide. Je suis peut-être un connard, sûrement même. Mais je suis passé par là aussi. Les épreuves les unes après les autres, toutes plus dégueulasses que les précédentes. Ça forge le caractère de certains Sith. Ceux qui deviennent des pointures. Puis après, il y a les gens comme toi et moi.

Les faibles.

- Ceux qui n’ont pas vraiment ce sang froid là mais qui doivent bien faire le job parce que de toute façon les seigneurs Sith ça fait longtemps qu’ils n’ont plus à se salir les mains ; c’est beaucoup plus facile d’envoyer de la chair à canon comme nous. Il faut bien quelqu’un pour faire le sale boulot. Et même si c’est dur, c’est comme ça qu’on est utiles à l’Empire. Le tout est de survivre.

Comme ce que tu as fait ce soir ? Jolie leçon, Lloyd.

Ta gueule, la p’tite voix.

-------

-------

-------Le trajet se déroula dans un silence morne. Le hapien avait pris le volant, et il conduisait sur les avenues à vive allure. Non pas qu’il était pressé d’exécuter la tâche. Mais plus vite ils arriveraient, moins ils auraient le temps de réfléchir à ce qu’ils allaient faire. C’était mieux ainsi.
Les bâtiments du centre-ville se perdirent dans le brouillard, comme des colonnes interminables. En allant vers le sud, les lumières des avenues se firent plus rares, et furent remplacées par les lueurs des fenêtres des quartiers moins bien dotés. Bientôt, ils atteignirent le sud de la ville. La route se fit plus étroite, plus sinueuse. Ils entrevoyaient parfois un amas de lumières en contre-bas devant eux et des fumées orange et rouges s’élever et se mélanger au brouillard naturel de Dromund Kaas. De loin, le camp avait l’air d’une fourmilière en train de s’embraser.

Ils durent ralentir bien avant d’arriver sur place : un barrage impérial contrôlait chaque véhicule et surtout, empêchait de sortir du camp. Lloyd s’arrêta à hauteur d’un sous-officier dévaronien de la police militaire de Dromund Kaas – bien plus imposant que Mumkin.

- Votre commandant attend certainement une certaine Dana Shar, Inquisitrice, annonça-t-il. Je l’y conduis.
- Papiers, grommela l’agent.

Lloyd ne put que montrer son laissez-passer, qui suscitait un regard suspect de la part du dévaronien. Mais les papiers de Dana lui parurent suffisants.

- Voulez-vous que je vous accompagne au poste de commandement pour rencontrer le commandant de l’opération et lui donner vos directives ?
- Ce ne sera pas la peine, nous trouverons seuls. L’Inquisitrice souhaite faire un tour d’horizon du lieu avant d’aller donner ses ordres.

Le dévaronien grogna son assentiment, et fit un signe à ses camarades de les laisser passer.

Quelques minutes plus tard, ils atteignaient le camp en question. Il s’agissait d’un amas de taules, de draps tendus entre des abris de fortune. Il devait y en avoir sur plus de deux kilomètres carrés. Vers le centre, on distinguait des éléments plus solides ; comme si quelques abris construits étaient mélangés à des constructions qui semblaient ne pas pouvoir résister au moindre vent. Les colonnes de fumées rouges et orange qu’ils avaient perçues depuis la route provenaient de fûts dans lesquels les habitants du camp brûlaient des morceaux de bois et d’autres choses. La couleur devait être due à un produit qui permettait de garder le feu allumé plus longtemps, songea Lloyd.

Il arrêta le landspeeder devant l’une des entrées du camp, sur un talus en hauteur qui leur donnait une vue plongeante sur ce drôle de quartier. Ils descendirent tous les deux pour observer quelques habitants se faufiler dans les ruelles artificielles, à la manière de petits rongeurs cherchant à disparaître à l’approche du prédateur. Ces clandestins n’étaient pas dupes : ils avaient vu les barrages qui s’étaient formés autour d’eux. Lloyd ne pensait pas qu’ils fussent réellement préparés à un assaut, c’est-à-dire qu’ils aient la moindre stratégie pour se défendre. Il se trompait peut-être. Ce qui était sûr en revanche, c’était qu’ils pressentaient que quelque chose clochait.

Ils restèrent un moment silencieux, à observer les allées et venues des habitants. Le froid s’était fait plus intense. Le hapien croisa les bras tandis que son acolyte avançait dans la nuit en montant sur le talus pour mieux y voir. Quelqu’un s’approcha de Lloyd et il se retourna : un policier. C’était un humain un peu plus âgé que lui, petit et carré comme un droïde de nettoyage. Ses cheveux grisonnaient déjà et ses sourcils broussailleux semblaient coincés dans une position de frustration.

- C’est elle ? On nous a dit qu’on envoyait une Inquisitrice pour faire le ménage, dit-il au hapien, qui visiblement sans sa veste n’était pas reconnu comme un gradé.
- Oui, c’est elle, répondit Lloyd.
- Mmh, fit l’homme.

Il sembla qu’il se méfiait. Il avait raison. Il fallait toujours se méfier du Clergé. Le petit homme tendit une main à Lloyd.

- Major Nelaan, se présenta-t-il en serrant sa paluche sur les doigts du hapien qu’il écrasa sympathiquement.
- Lloyd Hope, officier marinier.
- Oh, la Marine. Enseigne ?
- Non, capitaine de frégate. Sans frégate.
- Pas pratique. C’est pas ici que vous allez en trouver une.
- J’sais bien.
- Qu’est-ce que vous faites là, alors ?
- J’suis en mission spéciale.

Lloyd désigna Dana du menton, qui se tenait toujours devant le camp à quelques mètres de là.

- Oh, je vois. Ça sent une drôle d’odeur, non ?
- Hein ?

Le hapien manqua un battement de cœur, car il avait immédiatement pensé aux fluides dont les résidus devaient toujours se trouver sur son corps. Mais le policier ne parlait pas du tout de cela, visiblement.

- Ouais, leur machin, là, qui fume, reprit Nelaan en désignant les fûts embrasés. Ca fait quelques heures qu’ils brûlent ça. Ils font pas ça d’habitude, ou pas si fort. J’me demande ce que c’est.
- Ah.
- Bon, on a bouclé tout le périmètre. On nous a dit d’attendre qu’elle fasse le boulot, mais d’intervenir si jamais la situation devient incontrôlable. Autant vous dire que ce n’est pas clair du tout. J’aurais bien aimé qu’elle nous clarifie un peu tout ça.
- Elle réfléchit, répondit Lloyd. On vous donnera les infos, vous inquiétez pas.
- Bon, d’accord.

Le policier resta encore quelques instants, puis il repartit d’où il venait, vers un regroupement de véhicules, en claudiquant. Lloyd revint vers le talus, où se tenait toujours Dana. Il se cala derrière elle en s’asseyant sur le pare-chocs du landspeeder et croisa les bras. Il regarda un instant la silhouette de la jeune femme se découper dans les fumées rouges qui s’élevaient devant eux en volutes esthétiques. Les lumières se reflétaient sur son pantalon de cuir.

- Bon, dit-il doucement. Tu veux t’y prendre comment ?
Darth Hope
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Elle détourna sa figure vers lui. Dans le mouvement, ses cheveux flottèrent un court instant dans l’air et elle répondit, après avoir sorti un datapad de la poche de sa veste :

-Le cœur du camp est ancien abri anti-radiations. Je ne le sens vraiment pas. Il doit y avoir un réseaux de galerie sous terre.

Ses yeux s’agitaient doucement au fur et à mesure qu’elle faisait défiler les données et le halo bleuté de l’appareil se mêlait étrangement aux reflets des lumières pourpres, seul l’or de ses prunelles semblait épargné. Elle finit par ranger le datapad, les informations s’étaient imprégnées dans sa cornée jusqu’à provoquer un désagréable tourni. Ou peut-être était-ce toute cette fumée. Elle hésita puis se rapprocha de Lloyd afin de pouvoir lui parler d’une voix basse, portée par une confidentialité nécessaire.

-Ya aussi un tas d’animaux errants ici. J’espère qu’aucun n’a la saloperie qu’on a vu la nuit dernière. Alors, on reste le plus loin possible des clandestins. Pas de contact physique, compris ?

Elle avait articulé le contact physique sur un ton et une expression qui ne laissaient aucune place au doute. Elle devait vraiment le prendre pour le pire nymphomane de l’Empire.

-Je vais avoir besoin de toi pour rassembler les occupants de ce merdier dans l’ancien abri. Ils devraient tous pouvoir y tenir. On va leur expliquer que c’est pour des raisons sanitaires, qu’il y a une fuite que tout risque d’exploser un moment ou l’autre d’où le bouclage du périmètre. On reste vague. Celui qui proteste, on l’abat. On essaie même pas de débattre avec, ça devrait calmer les autres. Ah et on le fait à deux. Parce que seul, c’est facile d’être pris à revers. Je surveille tes arrières et toi les miennes, tu te souviens ?

La question était purement rhétorique. Elle haussa les épaules et quitta son point d’observation.





Ils commencèrent par les taudis situés à l’Est. Ils s’apprêtaient à rassembler le troupeau pour l’abattoir. Il fallait le voir comme ça. Ces ombres qui rasaient les murs et fuyaient leur présence, elles n’étaient qu’animales. Dana était la bergère, Lloyd le berger et le bétail devait rentrer à l’étable avant l’orage. A la surface, ils occupaient ce rôle, mais elle savait que sous leurs pieds, dans les galeries clandestines creusées à partir du Bunker, ils deviendraient des loups. Les plus forts s’y terraient, dans l’attente de riposter. Elle s’ouvrit à la Force. Le fil pourpre vibrait régulièrement, aérien et ferme à la fois.








BAM. BAM. BAM.

La taule qui servait de porte manqua d’imploser sous les coups répétés que Dana porta contre. Un grincement perça l’air, une mine affligée se présenta. Une humaine d’un certain âge, bardée d’un enfant suspendu à sa hanche autrefois fertile.

-Inquisition Sith, Vous devez évacuer vers l’abri. Pour des raisons de sécurité et quitter cette piaule.
-Comment ?

Une seconde plus tard, l’enfant braillait contre le cadavre fraîchement transpercé d’une pique-laser. Dans les alentours, les voisins avaient retenus leur souffle avec horreur. Les pleurs enfantins se turent abruptement. Et deux cadavres gisaient aux pieds de l’Inquisitricr au visage sans emoi. Derrière une tenture qui séparait le taudis en deux pièces, une gémissement de terreur résonna.

Shar recula d’un pas. Ses bottines s’enfoncèrent dans la boue de la ruelle et elle déclama à voix haute :

-Dirigez-vous vers l’abri au centre du camp. Ou vous mourrez !

Au diable le semblant de jutsification. Elle se demanda si elle serait obéi, si ces traîtres qui avaient déjà tant perdus tenaient encore à leur vie ? Un froissement se fit entendre et une silhouette émergea de derrière le voile. Un adolscent aux yeux brillants de larmes. Il se mordait si fort la lèvre, le regard fixé sur les corps sans vie de ce qui furent son petit frère et sa tante. Un filet de sang émerge sur sa peau pâle, ses dents avaient percé la peau de ses lippes. Avec un sang-froid glaçant, il enjamba les cadavres et prit la direction du centre. Bientôt, il fut suivi par une dizaine d’âmes incertaines et terrorisées. Elle avait sa réponse. On avait qu’une seule vie et aussi traumatisante et pourrie qu’elle était, on y tenait chèrement. La population qui se terrait ici se composaient de survivants. Ils auraient fait n’importe quoi pour épargner leur propre vie. Grimper dans une cage de turbolift jusqu’à un toit pluvieux, boire la tasse dans les eaux usées des égouts. N’importe quoi. Obéir aux injonctions des autorités impériales, c’était encore un moindre mal.



Après avoir vérifié minutieusement chaque cabane de la zone Est, le duo prit la direction du Sud. Une pluie drue s’était mise à tomber du ciel. Le sol se transforma, par endroit, en ruisseau boueux. Elle aurait pensé que l’averse aurait chassé cette odeur persistante qui s’évadait des taudis. Ce fut pire. L’eau pluvieuse cloua fumée et particules à terre, au plus proche d’eux. Bientôt ses cheveux furent plaqués à son visage assombri. Les gouttes torrentielles formaient des rivières brillantes le long de son menton et dévalait sa gorge pour disparaître dans son décolleté. Bientôt, ils seraient glacés par cette pluie polluée. Trois ombres leur barrèrent le chemin. Et dans leur dos, quatre autres coupèrent toute possibilité de retraite. Entre les piaules de fortune, ils furent deux à émerger sur leur flanc.

Un sifflement admiratif retentit. L’un d’entre eux se rinçait visiblement l’œil sur les courbes de l’Inquisitrice.

-Le dernier Inquisiteur que j’ai vu n’avait pas ce cul-là. Quoique, sous sa bure, il cachait peut-être une plus grosse poitrine.
-Je vais t’arracher la langue et te crever les yeux, répondit calmement Dana.
-On vous suivra pas !
-Vous êtes encerclés. (Son pouce actionna le commutateur de sa lame-laser et quelques-uns reculèrent) Rejoignez l’abri.
-Est-ce que ça à quelque chose avoir avec le petit Loru ? Vous avez des nouvelles ? Intervint une voix féminine, comme si la présence des autorités lui devait des nouvelles.
-Ouais ! Va falloir nous expliquer ce qu’il se passe ! Ya des impériaux en combinaison qui sont venus le prendre ya une semaine et depuis plus de nouvelles ! Puis ils ont abattu mon chien Aussi, qu’était doué pour ramener des rats !
-Lloyd.

Le prénom avait claqué dans l’air. S’il y avait bien un moment pour sortir son blaster et abattre l’une de ces ombres, ils étaient en plein dedans. Pas le temps de débattre. Il lui semblait qu’ils étaient de plus en plus nombreux à se regrouper. Il fallait agir vite, avant d’être submergé. Elle sentait encore le plan foireux à la Runà. Une mise à l'épreuve, n'est-ce pas ? Je vais boucler un camp entier juste pour que tu apprennes à faire le ménage. Mon cul.







Lloyd Hope
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Pour une fois, la pluie était la bienvenue. Lloyd aurait voulu être rincé complètement. Malheureusement il n’avait guère le temps d’en profiter. Il tenait son blaster devant lui, pointé sur les hommes qui s’étaient amassés à proximité d’eux. Il aurait voulu avoir son sabre laser. Mais celui-ci devait être en piteux état, quelque part dans un immeuble encore fumant à l’est de Kaas City. L’un des clandestins sortit de sa cachette et s’avança vers eux dans une attitude provocatrice.

- Z’allez nous dire, oui ou merde, si…

Tioung.

Le trait d’énergie avait brutalement percé la gorge de l’homme qui s’effondra en se tenant le cou des deux mains. Il se mit à gigoter dans la boue en émettant des gargouillements, accompagné de cris d’effroi venant de ceux qui restaient tapies dans l’ombre.

- Nous sommes des Sith, vous n’avez aucune chance contre nous, tonna Lloyd. Préservez votre vie et obéissez aux ordres. Rassemblez-vous dans le bunker afin que nous puissions désinfecter la zone.

Plusieurs silhouettes disparurent en courant. D’autres semblèrent juste se dissimuler de nouveau dans les ombres. La pluie tintait sur les toits de taule et jetait sur le camp un voile humide qui ne leur permettait pas d’y voir clairement à plus de quelques mètres. Le hapien ne cessait de regarder autour de lui, à l’affût de la moindre menace. Il surveillait les arrières de Dana sans s’approcher d’elle.

Ils progressèrent encore de quelques mètres, marchant entre les abris de fortune, ouvrant des portes pour vérifier qu’il ne se trouvait plus personne à l’intérieur. Plusieurs fois, il leur sembla que des ombres se tapissaient autour d’eux mais quand le hapien pointait son blaster, il ne trouvait personne.

Au-dessus d’eux, un airspeeder s’était mis à patrouiller au-dessus du camp en projetant des lumières blanches sur les ruelles.

--- CECI N’EST PAS UN EXERCICE. IL S’AGIT D’UNE MISE EN SECURITE. RENDEZ-VOUS AU CENTRE DU CAMP, DANS LE BUNKER. CECI N’EST PAS UN EXERCICE… ---

Lloyd avait fait passer la consigne par l’intermédiaire du Major Nelaan pour que le message soit diffusé plus facilement. Les policiers avaient également resserré leur cordon de sécurité au plus près du camp. A l’intérieur du camp, cependant, c’étaient eux qui devaient s’occuper de la besogne. Darth Orcus n’aurait probablement pas permis que Dana se fût contentée d’envoyer les policiers à sa place. Il voulait voir du sang.

A un moment, une femme vêtue d’une robe informe sortit de l’un des taudis et tomba à genoux devant Lloyd, secouée de sanglots. Elle s’agrippa à son pantalon en le tâchant de boue et le hapien regarda son visage rincé par les larmes et la pluie.

- S’il-s’il vous plaît ! Mon fils ! Vous l’avez emmené ! Rendez-le-moi ! Je vous en p…


La femme s’interrompit quand Lloyd posa entre ses deux yeux le canon de son blaster. Il hésita un instant. Mais il ne fallait pas. Plus vite ce serait fait, moins grande serait leur souffrance et Dana et lui pourraient repartir chacun de leur côté pour retrouver une vie moins dégueulasse, au moins pour quelques temps.
Il tira.

-------

-------

-------Lloyd et Dana progressaient à quelques mètres l’un de l’autre, se tournant légèrement le dos tandis que chacun scrutait son côté de la ruelle. Ici le chemin de boue était en pente, et l’eau sombre ruisselait sur leurs pieds tandis qu’ils grimpaient à contre-courant. L’endroit paraissait trop désertique à Lloyd. Jusqu’ici ils avaient régulièrement délogé et abattu des petits groupes de civils ou des clandestins isolés ayant refusé de suivre les consignes et s’étant terrés dans leur piteux logement. Mais depuis près d’un quart d’heure, ils ne trouvaient plus personne et cela lui semblait suspect.

- Maintenant !

La voix leur était parvenue d’un peu plus haut. Brusquement, ils entendirent de petits détonations et des aboiements. L’instant suivant, ils virent une meute de chiens kaths se ruer vers eux, tandis qu’à quelques mètres des cris de guerre retentissaient.

- Raaah !

- Attaque ! Attaque !

Lloyd et Dana reculèrent instinctivement devant la meute. Il y avait au moins six bêtes. Leurs aboiements furieux emplissaient les oreilles du hapien. Elles s’entrechoquaient en courant si vite qu’ils ne servaient à rien d’essayer de les viser. Les deux Sith rebroussèrent brusquement chemin, courant follement dans la boue pour essayer de mettre de la distance entre eux et la meute. Mais par en dessous, d’autres chiens enragés venaient aussi. Lloyd glissa dans la boue en essayant de ralentir brusquement. Il se vautra au sol, mais sa hâta de se remettre debout en avisant les alentours.

- Par ici !

Il attrapa Dana par le poignet et l’attira vers l’entrée d’un abri qui paraissait à peu près solide. Il la jeta à l’intérieur avant de s’y engouffrer et de refermer la porte à la hâte. Le métal résonna sèchement contre la taule et l’instant suivant les chiens bondissaient sur la paroi de métal, faisant cliqueter leurs mâchoires. Leurs griffes lacéraient la mince protection qui séparait les Sith de la meute. Lloyd s’appuyait de tout son poids contre la porte. Entre les pans de taule mal assemblées, on voyait parfois une patte qui tentait de s’insérer dans l’interstice. Le hapien tâchait de reprendre son souffle en jetant des regards affolés à l’intérieur de l’abri. Il ne paraissait y avoir aucune issue : l’intérieur de l’abri était un amas de couverture et d’objets en tout genre. Seule un « meuble » paraissait suffisamment lourd : il s’agissait d’un fut rempli d’eau. Lloyd tendit le bras pour en attraper le rebord. A l’aide de la Force, il essaya de le déplacer vers lui pour le mettre contre la porte. Le fut faillit se renverser.

- Aide-moi ! cria-t-il à Dana.

A deux, ils réussirent à pousser le fut jusque devant la porte. Après quoi, le hapien pût enfin s’écarter. Un chien plus massif que les autres réussit d’une attaque contre la porte à la faire plier légèrement et par réflexe, Lloyd s’écarta en emmenant Dana avec lui vers le fond de la pièce.
Comme il la tenait encore par le bras, il la lâcha soudain avec un regard acéré. Pas de contact physique. Ca lui était un peu resté en travers de la gorge. Mais ce n’était pas le moment de faire des reproches.

Au-delà des chiens, on entendait des cris de victoire.

- … faits comme des rats ! entendirent-ils à proximité.

C’était vrai. Ils étaient pris au piège.
Darth Hope
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Lloyd avait l’art de les coincer dans des pièges à rats. Et elle avait la manière de le suivre docilement. Tu parles d’une sacrée bonne équipe. Les hurlements bestiaux qui cognaient à la plaque de taule la firent de nouveau sursauter. Le métal rouillé se déforma. Une fois, deux fois…et une troisième fois de trop où il chuta lourdement au sol. Les Kaths émergèrent et dans un réflexe inconscient, Dana se pressa contre Lloyd tout en brandissant sa pique-laser qu’elle tentait désespérément de rallumer – sans succès. Elle ne sut trop si c’était le stress intense ou les dégâts que l’arme avait dû subir dans le brasier du 2331.

-Il faut qu’on trouve une issue, ou qu’on en fasse une. Peu importe…mais…

Elle ne finit pas sa phrase. Une gueule béante se jeta sur elle. Deux pattes immenses la renversèrent en arrière, dans une charge douloureuse. Lorsque son dos heurta les matériaux plic-ploc qui créaient un revêtement de fortune au sol, elle perdit son souffle. Les crocs du molosse déchaînés claquèrent à quelques millimètres de son faciès. Elle sentait la bave chaude et enragée tombée sur ses joues, se mêler à l’eau de pluie. Elle occupa les dents du chien avec la garde de sa pique-laser, pour le tenir à distance. Le succès fut mitigé. Ses griffes acérées creusaient douloureusement la chair de son décolleté et son bustier fut bientôt plein de sang. Elle détourna difficilement son attention vers son acolyte, la mâchoire serrée, les muscles bandés. Hope était encerclé par le reste de la meute.

Bordel.


Clic.

Elle sentit le canon glacial d’un blaster presser sa tempe alors que le chien Kath s’éloignait en grognant. Il avait conservé sa pique-laser entre ses dents. Deux sifflements plus tard, les autres bêtes furent rappelées aux pieds de leurs maîtres. L’homme qui menaçait l’Inquisitrice s’adressa à Hope :

-Jette ton arme, ou je la descends.

Garde ta foutue arme, Lloyd et tire-lui dessus. Il va nous descendre, dans les tous cas.




Nelaan courait comme un dératé vers le périmètre de sécurité. Il était talonné par un droïde de sécurité dernière génération. D’un geste sec, il actionna les portes du container qui servait de centre des opérations aux gardes impériaux chargés de sécuriser le périmètre du camp Piya. Un salut raide et militaire plus tard et il fut autorisé à s’exprimer devant le Commandant Junoh. Ce dernier braqua son unique œil sur la figure décomposée de son subordonné. Junoh impressionnait toujours par sa carrure musclée qui paraissait vouloir s’échapper de son uniforme sombre. Il avait perdu l’usage d’un œil lors d’une campagne militaire et ne portait jamais de cache-œil, ce qui laissait toujours une impression de malaise à ses interlocuteurs – car il y avait cette orbite creuse et noire. Ses traits faciaux étaient naturellement déformés par sa génétique zabrak, ce qui n’arrangeait pas le bien-être de ses vis-à-vis.

-Commandant Junoh. Nous avons perdu le contact visuel avec L’Inquisitrice et son…et le capitaine Ho…je ne sais pas trop comment l’appeler.
-A quel niveau ? vibra la voix du supérieur.
-Zone Sud. Doit-on intervenir ? Ils sont peut-être en danger.
-Les ordres sont clairs. Aucune intervention. Nous devons juste soutenir les directives de l’Inquisitrice. Continuez d’envoyer les patrouilles d’airspeeders diffuser les messages de rassemblement.
-Et pour…
-Ce sont des Siths, le coupa froidement Junoh. Les gens qui vivent ici sont déjà morts.
-Mais est-ce qu’ils sont au courant de la vermine qui se terre là-dedans, je veux dire…

Le Commandant haussa les épaules, désintéressé par les états d’âme de Nelaan.

-Quelle importance.





Un crachat brûlant lui percuta le visage. Il se mêla à la bave du Kath et tous ces fluides reluirent à la lumière des néons qui bardaient les murs d’une piaule plus grande que les autres. Dans un coin, l’une des bêtes rognait la pique-laser comme si c’était un vulgaire os. Casse-toi les dents dessus, crevure. Le canon du blaster s’enfonçait entre ses deux omoplates et avait servi de laisse durant tout le trajet qui les conduisit à cet endroit que l’on pouvait presque qualifier de maison en dur. Ils ne devaient pas être loin du centre du camp. Dans cette salle, où Lloyd et elle comparaissaient misérablement, les criminels et clandestins s’agglutinaient pour assister au spectacle. Dehors, on assistait à la même cohue. Tout le monde avait envie de profiter du vent qui avait enfin tourné.

Qu’est-ce qu’on fout là.

Deux violents coup à l’arrière des jambes lui firent ployer les genoux et elle goûta à cette position humiliante. Hope fut logé à la même enseigne. Alors qu’il arrivait à son niveau, elle le fustigea d’un regard noir. Pourquoi t’as pas tiré ? Pourquoi t’as jeté ton arme ? Pourquoi t’as couché avec elle ? Pourquoi ? Tout s’emmêlait dans son esprit. De l’agitation émergea en provenance de l’entrée, comme des cris galvanisés et encourageants. Comme les cloches qui sonnaient leur exécution prochaine. Et à la lumière s’avança l’adolescent à la lèvre ensanglantée. Il fixait Dana comme s’il n’y avait qu’elle dans cette pièce. Il devait avoisiner les dix-sept-années et une tignasse blonde lui retombait sur le front.

-T’as le droit de te venger, Jaice. Mais ne la tue pas trop vite.

Les deux Siths étaient tenus en joue par des dizaines d’armes différentes dont les propriétaires aux yeux exorbités savouraient une victoire chèrement acquise.

-Ton petit frère méritait pas ça, ni la bonne Essma. Ils méritaient pas ça, pas vrai ?
-Ouais, ils méritaient pas ça, souffla Jaice entre ses dents serrés de rage.
-Prouve que t’es un homme, Jaice. Tu pourras nous rejoindre après, tu feras partie de la bande.
-C’est quoi votre bande à la con ? Les clochards de Piya ? intervint Shar, agacée.

Un violent coup de crosse contre sa joue fit office de réponse. Elle glapit un gémissement de souffrance et les yeux de l’adolescent s’illuminèrent d’une joie malsaine, de ce bonheur que procurait la vengeance.

-Encore.
-Ah, fais-le toi-même petit, ricana l’autre en lui tendant son blaster.

Jaice s’en empara et se figea devant la brune. N’anticipe pas le coup, c’est toujours plus douloureux quand on anticipe.
Ce fut vachement douloureux quand même. Elle eut droit au revers, puis à l’acharnement de celui qui avait tout perdu et à qui il ne restait plus que la violence comme parole. Elle goûta la poussière du sol avant son propre sang.

-C’est ça, des Siths ? Bordel, quel Empire de merde.
-On fait quoi de l’autre ? Il a pas l’air bien, haha.
-Il a buté Vana. Mais son fils reviendra pas pour la venger. Ils l’ont pris y’a une semaine.

Les voix bourdonnaient autour de sa tête en souffrance. Elle reprenait son souffle. Jaice avait arrêté de frapper. Il n’avait plus la force, ou peut-être se rendait-il compte que, peu importait le nombre de coups, les êtres chers ne revenaient pas à la vie. Que la vengeance ne laissait qu’un vide sans fond dans une âme déjà creuse. Shar voulut rire, mais elle ne siffla qu’une expiration rauque. Lui avait le luxe de pouvoir affronter le regard de celle qui avait achevé ses proches.

-De toute façon, ils ont bouclé le périmètre. Eh Jaice, pourquoi tu t’arrêtes ? T’es fatigué, quelqu’un veut prendre le relais ? Faut pas laisser cette garce souffler.
-Ouais, ils ont bouclé, mais on peut toujours passé par les galeries, suggéra une voix féminine quelque part dans la foule.

L’adolescent aux cheveux clairs tremblait. Il déposa lâchement le blaster à la crosse pleine de sang dans les mains d’un volontaire.

-Sauf que tout le monde s’amasse au Bunker, grâce à ces deux enfoirés. On peut pas ouvrir les tunnels, y’a trop de monde. On serait fait comme des rats.

Un Falleen a l’air peu commode s’agenouilla près du corps de Dana. Il planta ses doigts dans sa chevelure humide et la força à redresser le buste. Elle grogna une protestation enragée. Leurs prunelles se croisèrent et l’Inquisitrice leva sa main pour la plaquer contre la gorge du Falleen. Elle se connecta à la Force avec colère, jusqu’à se fondre dans la volonté du Falleen. Jusqu’à ce que cette même volonté devienne sienne. La brune se concentrait, parce que la sorcellerie Sith demandait tellement de ressource, tellement de maîtrise. Que plus la volonté en face était forte, plus il était difficile d’en faire tomber les contreforts.

-Eh, sale chienne, qu’est-ce que tu fais à Apo ?!
-Elle l’étrangle ! s’exclama-t-on avec consternation.

L’effet de surprise jouait en sa faveur. La Force résonna enfin en lui comme en elle.

-Tue tous ces cons, ordonna Dana avant de se détacher du Fallen qui tourna son arme vers Jaice.

Shar s’accroupit et se précipita vers Lloyd. Elle lui attrapa le bras au moment où la confusion se mit à éclater. Il fallait surveiller les prisonniers, mais maîtriser Apo qui venait d’abattre Jaice d’un tir à bout portant. Plus personne ne comprenait rien.

-On dégage. On ne s’arrête pas. On ne se retourne pas.


Les portes de taules s’ouvrirent avec fracas. La petite assemblée dehors écarquilla les yeux en apercevant le couple sortir en furie. Dana tenait fermement le poignet de Hope. Elle ne l’aurait lâché pour rien au monde. Si le contact se brisait, elle s’effondrerait. Sentir la chaleur du hapan sous sa paume fébrile lui permettait de garder son sang-froid. Des criminels furieux déboulèrent à leur tour.

-Arrêtez-les bordel !
-Ca y est, on a abattu Apo ! cria une autre voix depuis l’intérieur.

Ils sentirent des tirs de blaster fuser à leurs oreilles.

-Lâchez les chiens !

Pas encore.







La pluie était douce.
Elle balayait le visage ensanglanté de Dana, à l’arrière d’un taudis. Entre ses doigts tremblants, elle gardait le poignet de Lloyd. Ce dernier avait le dos plaqué à une de ces structures de fortune et l’Inquisitrice se pressait contre lui, pour qu’ils ne fassent plus qu’un et que cet « un » se fondent dans les ombres, car la rumeur s’élevait dans le camp. Et on les recherchait. Les chiens Kaths reniflaient le sol boueux. Les lèvres de Shar échouèrent contre l’oreille du hapien :

-On a de la chance. La pluie trompe l’odorat de ces crevures de chiens Kaths. Je vais pas te cacher que mon petit tour de passe-passe m’a réclamé beaucoup trop d’énergie. Et que les coups de crosse à répétition n’ont arrangé ni ma face, ni mon état. Je vais peut-être m’évanouir. Et j’en ai franchement pas envie.

Elle murmurait pour conserver leur discrétion.

-La prochaine fois que quelqu’un te dit de jeter ton arme. Tu n’obéis pas.

Son bustier était trop fin. Son cœur cognait contre le torse de Hope à travers sa poitrine féminine.

-On va tenter de rentrer dans cette piaule. (Elle parlait du taudis à l’ombre duquel, ils se cachaient.) On va se déshabiller…Eh Lloyd, tu m’écoutes ?

Elle avait eu l’impression d’avoir perdu son attention. Quand elle fut certaine de la gagner à nouveau, elle poursuivit :

-Et on va se vêtir comme eux. On va bien trouver des loques à se mettre sur le dos. L’odeur de ces mêmes loques nous éloignera des chiens et on se fondera dans la masse. Un peu de boue dans les cheveux, ou un foulard. De la suie sur le visage. Et on regagne le Bunker.



Lloyd Hope
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Lloyd était recroquevillé dans l’ombre. Il entendait le souffle de Dana à quelques centimètres de son oreille, et sentait sur son torse le tissu fin et humide qui lui couvrait la poitrine. Il se rendait compte que le cœur de Dana battait encore la chamade de tout ce qui venait de se produire, tout comme le sien d’ailleurs.
Le hapien la regarda bêtement. Se déshabiller ?! On lui demandait ça beaucoup trop souvent, en ce moment. Néanmoins, elle avait raison. Maintenant que le camp était en alerte et les recherchait sans les craindre suffisamment, se fondre dans la masse était encore le mieux qu’ils pouvaient faire.

Il acquiesça en silence et les deux silhouettes, encore nouées par une main, quittèrent l’abri relatif pour se faufiler par une porte entrouverte. Dana lâcha Lloyd et ce dernier tira la porte à lui pour la fermer le plus possible. Ils se trouvèrent plongés dans l’obscurité. Il fallut quelques minutes pour que leurs yeux s’habituent à la pénombre. Les deux Sith se mirent à chercher à tâtons et purent enfin rassembler quelques fripes qu’ils pourraient passer. Lloyd trouva de quoi remplacer sa chemise boueuse avec une espèce de poncho rapiécé et trouva aussi un pantalon trop grand pour lui, mais qui recouvrirait bien ses bottes.
Pour la deuxième fois de la soirée, donc, il se déshabilla. Dana en fit autant de son côté, et il fit mine de ne rien voir. Pourtant, il vit la fébrilité de ses gestes. La sorcellerie l’avait épuisée. Il fallait qu’il prenne la main.
Ils dissimulèrent leurs anciens vêtements sous des couvertures.

--------

--------

--------- Attends, ça va pas.

Ils avaient rouvert la porte pour avoir un peu de la lumière extérieure, qui provenait des tonneaux encore fumants ou des spots qui balayaient les ruelles depuis les airspeeders en patrouille. Lloyd avait récupéré un peu de boue pour la mettre dans ses cheveux, ainsi assombris et plaqués sur son front. Ça lui donnait un air de chien battu, mais au moins, son visage apparaissait ainsi un peu différent. Dana avait quant à elle passé un voile autour de ses cheveux, mais elle avait du sang qui avait coulé depuis son front jusque sur sa joue enflée par l’un des coups de crosse. C’était trop évident.
Le hapien se rinça les mains en les tendant sous la pluie, puis il revint vers Dana. Il essuya doucement avec ses doigts mouillés le sang séché sur le visage de la jeune femme, évitant soigneusement de croiser son regard au cours de ce geste un peu trop intime. Malheureusement, il ne pouvait pas effacer sa blessure. Il l’aida à disposer son voile de façon à ce qu’il recouvre son nez et sa bouche. On ne voyait plus de la Dana qu’il connaissait que des yeux farouches ; des perles dorées soulignés de cils noirs qui incitèrent Lloyd à détourner le regard.

- C’est bon, confirma-t-il.

Ainsi vêtus, ils quittèrent leur abri de fortune. Lloyd avait envie de courir et surveiller ses arrières plus activement mais une telle attitude aurait paru suspecte. Il se força à marcher à vive allure sans que cela ressemblât à une fuite. Il faillit réagir un peu trop brusquement quand ils croisèrent un couple qui comme eux, se dirigeaient vers le bunker. C’étaient deux humanoïdes qui se couvraient la tête de larges capuches. L’homme serrait la femme contre lui tandis qu’ils marchaient dans la boue.

Au bout de quelques minutes à marcher ainsi, sans rencontrer la moindre difficulté, la forme du bunker se découpa devant eux. C’était un bâtiment de béton dont une façade était couverte de peintures. Entre les habituels dessins grossiers, on distinguait quelques insultes anti-impériales. Une épaisse porte blindée était ouverte, devant laquelle plusieurs individus s’étaient massés. Ils avaient l’air d’avoir organisé un filtrage à l’entrée, qu’ils menaient d’une main de fer : ceux qui entraient se voûtaient, rentraient la tête dans leurs épaules et miaulant des justifications. Lloyd croisa les doigts pour qu’ils ne connussent pas toutes les familles du camp, auquel cas ils étaient fichus. Mais ça paraissait impossible : il y avait des centaines de familles qui vivaient ici.

Le couple qu’ils avaient suivi jusqu’ici se rendit directement jusqu’aux gardes. Il y eut une brève discussion, un échange entre les mains de l’homme et d’un grand mirialan bourru qui aboya son assentiment, et le couple s’engouffra à l’intérieur. Le mirialan nota quelque chose sur un calepin.

Sans une hésitation, Lloyd attira Dana contre lui, passa son bras autour d’elle, et l’emporta vers le mirialan. Il la soutenait presque pour marcher, comme si elle était trop fatiguée pour tenir debout toute seule. Le hapien avisa le clandestin à l’autorité naturelle et s’adressa à lui avec véhémence.

- Qu’est-ce que c’est que cette merde ?! râla-t-il en fronçant les sourcils. On a essayé d’aller vers la forêt mais les flics ont coincé toutes les sorties !
- Calme-toi, mec, on n’en sait pas plus que toi.
- Vous êtes sûrs qu’il faut qu’on aille dans ce bunker ? J’ai pas envie qu’ils nous gazent une fois massés à l’intérieur !
- Parle pas de malheur si fort, grogna le mirialan. On n’a pas le choix. Ecoute mec, si tu veux te battre avec nous, on peut t’recruter.
- Je veux d’abord mettre ma femme en sécurité. Elle est très faible.
- T’as l’argent ?

Bref silence.

- L’argent ?
- Ouais. Ceux qui payent, on les laisse rentrer. Les autres, ils affrontent les impériaux.

Lloyd se sentit désemparé. Il n’en montra rien.

- On n’a rien. Vous voyez bien qu’on peut pas vous verser quoique ce soit, non ?
- Même pas un bijou, un truc ?

Il avait bien un comlink, prêté par le major Nelaan pour rester en contact avec eux, mais hors de question de s’en séparer. C’était une voie de sortie trop précieuse.

- Nan, rien.
- Dans ce cas, soit tu taffes pour nous, soit vous restez dehors.

Nouveau silence. Lloyd prit une inspiration.

- Ça consiste en quoi ?
- On a besoin d’un peu d’aide pour organiser notre réponse aux impériaux, si jamais ils essaient de s’en prendre aux habitants du camp.
- Ah. Bon. Ok, ça va. Mais je veux d’abord rentrer et mettre ma femme en lieu sûr, après je reviens.
- Parfait. Vous vous appelez ?

Hum.

- Vance et Dana Hickpens.
- Ok Vance, moi c’est Jack. Reviens me voir dès que tu auras installé ta femme plus bas.
- Ok. Merci.

Il fit de son mieux pour paraître réellement reconnaissant. Les deux Sith s’engouffrèrent à l’intérieur du bunker, toujours liés l’un à l’autre comme un couple uni.

L’intérieur du bunker était humide, sombre, et bondé. Ils étaient descendus par une échelle, l’un après l’autre, pour s’enfoncer dans des coursives de béton étroites. Des pièces s’alignaient sur leur droite et leur gauche et les clandestins s’y étaient tant massés qu’on ne trouvait nulle part pour pouvoir s’asseoir. Ils s’enfoncèrent, passant en revue ces individus de toutes sortes et de tous âges. Les conversations inquiètes résonnaient dans un brouhaha désordonné. Plus ils avançaient, plus le froid était mordant. Parfois, les coursives se séparaient en deux ou en trois, et Lloyd prenait toujours à gauche, afin d’être sûr de ne pas se perdre de chemin en remontant. Les couloirs étaient éclairés par des lampes tempêtes suspendues tous les dix mètres. Des gens étaient assis par terre et parfois, ils devaient enjamber une personne à demi-couchée en travers de leur chemin.

Enfin, ils trouvèrent une pièce qu’une seule famille occupait : c’était une nautolan et ses six enfants. Les deux grandes sœurs s’occupaient des plus jeunes, et tout ce petit monde piaillait dans l’inconscience la plus totale. La mère, dont la peau bleue accusait quelque maigreur, jetait des regards suspects vers les deux Sith.

- Tu seras bien là, dit Lloyd en emmenant Dana à l’intérieur, avant de se tourner vers la Nautolan. C’est ma femme. Je ne veux pas qu’elle soit toute seule, lui expliqua-t-il comme s’il était inquiet.

Il n’avait pas trop besoin de se forcer pour ça. En réalité, il aurait bien aimé trouver un endroit pour qu’ils fussent seuls, justement. Mais toutes les pièces étaient déjà occupées.
La nautolan eut un geste d’assentiment las, avant de s’intéresser de nouveau à ses enfants. Elle prit la plus jeune, une petite fille en bas âge, pour la prendre dans ses bras car elle grelottait de froid. Lloyd eut un bref regard pensif pour cette famille. Dans sa tête, il essaya d’élaborer quelque chose qui ressemblât à un plan. Dana devait se reposer après l’effort qu’elle avait fait. Comme ils restaient là, debout, la nautolan les regarda de nouveau. Lloyd détourna le regard pour s’intéresser à Dana.

- Je vais revenir vite, lui dit-il à haute voix.

Il la prit soudain dans ses bras. Ce n’était pas un geste très naturel pour lui, mais il fallait qu’il lui parle au creux de l’oreille. Il espéra que la nautolane ne remarquerait pas ses manières gauches.

- Je m’occupe du gang en haut et je reviens, souffla-t-il dans le voile de Dana, collant sa tempe contre la sienne et fermant les yeux. On avisera après pour tout ce petit peuple.

Et il s’écarta.

- Repose-toi, exigea-t-il à haute voix.

Et cette fois, il la regardait dans les yeux. C’était Lloyd qui s’adressait à Dana, pas Vance à sa femme. Il s’arracha à leur étreinte et, sans un regard en arrière, s’enfuit d’un pas empressé dans la coursive.
Darth Hope
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Le tout est de survivre.

Elle suspendit son souffle ténu quand il la prit dans ses bras, figée. Elle ne sut que faire des siens, tenta de les remonter dans le dos du hapan, pour sauver les apparences. Si seulement, elle ne se sentait pas aussi faible. Si seulement, le monde arrêtait de tourner juste un instant pour qu’elle puisse se poser et évaluer sainement la situation. Elle écoutait ce que Lloyd disait, mais retenait sa respiration, car elle était terrifiée à l’idée de sentir le parfum de Darth Runà. Il fallait vraiment qu’elle arrête les coups sur la tête. Qu’elle arrête les conneries tout court. Laisser Lloyd Hope la toucher en était une, par exemple.

Contre lui, elle repensa à ses doigts qui essuyaient le sang sur son visage et à son bras qui enserrait ses épaules à l’ombre de l’abri. A ce couple dans la rue, en face du manoir, qui riait et s’embrassait dans le brouillard sombre de Kaas City. Au dégoût qu’elle ressentait envers le Sith et à ces milliers de lames dans le ventre quand elle avait compris ce qu’il s’était passé dans ce grand lit défait.

-Repose-toi.

Attends.

Il s’éclipsait à la hâte et elle se sentit complètement désemparée. Elle embrassa la pièce d’une œillade fatiguée. Ce tour de Force, que Runà lui avait enseigné. Elle n’était pas prête. Elle n’aurait pas dû l’utiliser. Elle tordit le tissu de sa robe informe entre ses mains angoissées. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était se reposer, n’est-ce pas ? Un vertige l’obligea à s’appuyer d’une main contre un mur proche.

-La Madame elle est pas bien Maman
-Ssshh, intima la Nautolan en observant Dana, le regard cerné d’épuisement. Ne parle pas si fort, c’est impoli.

Comme si la politesse avait encore son importance dans de pareilles circonstances. Lentement, Shar se dirigea vers le sol, s’agenouillant avec la précaution de ceux dont les os se brisaient au moindre mouvement. Elle était encore pétrifiée et leva ses yeux vers le plafond bétonné. Apprends à faire le ménage. Règle tes problèmes. Elle se prit la tête entre les mains. Son voile glissa sur son visage durant le mouvement et la mère capta la blessure.

-C’est lui ?
-Quoi ? Souffla-t-elle, déphasée.
-Qui te frappe ? Ya un paquet de femmes qui se font cogner par leurs mecs ici. Ils s’acoquinent avec ce gang et boivent trop.
-Je crois que tu devrais la fermer.

La clandestine la prit au mot et rassembla ses enfants autour de sa silhouette amaigrie pour leur intimer, au creux de l’oreille, de ne pas approcher l’humaine. La joue douloureuse de Dana rencontra le sol frais alors qu’elle tentait de trouver une position confortable pour soulager sa fatigue. Sa tunique grossière ne la protégeait pas assez du froid. La pièce lui avait semblé plus chaude, lorsque les bras du hapan l’étreignaient. Je t’avais dit de le tuer. Elle ne supportait plus les espaces clos depuis Korriban et elle n’arrivait plus à composer avec les atmosphères fraîches depuis le traumatisme de Lorrd. Elle étira un sourire ironique. Elle était la bergère. Elle n’était pas sensée se retrouver au milieu des moutons, en plein abattoir. C’était stupide de sa part.




-Quoi ? Mais j’ai six enfants !

La voix brisée de la Nautolan sortit Shar de sa somnolence. Elle se redressa sur un coude, en alerte et remarqua qu’ils étaient désormais des dizaines à s’amasser dans cette minuscule salle. La Température avait augmenté grâce à toute cette production de chaleur humaine et vivante. A l’entrée, deux membres du gang brandissaient des blasters.

-On décide ici. On doit libérer des places, d’accord ? Donc vous allez tous vous dirigez à l’arrière, dans les niveaux inférieurs ! Pour que tout le reste du camp puisse rentrer !
-J’ai payé ma place, c’est une HONTE ! Cria une cathare à l’allure furieuse.
-En haut ou en bas c’est le même putain de tarif. Celui qui veut pas, on lui fout le cul dehors et il se débrouille avec les Impériaux !

Des grognements, quelques pleurs d’enfants épuisés que le froid et l’agitation avaient empêché de dormir, puis la masse de clandestins s’ébroua dans la coursive sous l’autorité des criminels. Ils gonflèrent une autre foule bruyante dont les éclats se répercutaient contre les murs. Dana fut la dernière à emprunter le chemin de la sortie. Elle prit une grande inspiration et ramena son voile contre sa figure abîmée. Un bras tendu dans l’encadrement lui barra la route et elle se borna à garder les yeux bas. L’avaient-ils reconnu ?

-T’es toute seule ma belle ? Souffla le clandestin, le blaster toujours en main. Tu ne veux pas me montrer ton minois ? On serait pas contre un peu de chaleur. On peut même payer, si tu veux ? Ou te garder une place ici.

Il avança sa main vers le tissu qui voilait une partie de cette figure intrigante et elle frappa sèchement dessus pour l’en éloigner autoritairement.

-T’es pas mon genre.
-Farouche en plus de ça. Détends-toi un peu.
-C’est quoi ton problème, lacha-t-elle d’une voix glaciale. Tu comprends pas quel mot dans « t’es pas mon genre »
-Allez Frey, c’est bon. Tu perds ton temps. On ira voir Taba après stu veux, intervint l’autre homme.
-Nan, attends. Tu sais bien que j’aime pas qu’on me parle sur ce ton. Eh, t’es nouvelle ici ? Tu sais pas qui dirige dans ce camp ou quoi ? Retire ton voile. Et ta robe, pendant que t’y es.

Aucune réaction. Le dénommé Frey plaqua une paume possessive contre le postérieur de l’Inquisitrice, la ramenant contre lui. La réponse fut immédiate. Elle lui empoigna le bras et le tordit dans une clé douloureuse avant de le mener à terre dans une prise sèche. Ses réflexes au close-combat, appris chez les Lames Rouges, avaient un peu rouillé. Elle plaqua son genou dans contre la nuque du jeune homme, les dents serrées de colère. Il cria de rage et de douleur. Son acolyte pointa son arme sur Dana.

-Lâche-le ! Il te faisait juste un compliment, bordel !
-Je suis mariée, connard, cracha-t-elle avec ironie vers Frey avant de le relâcher.
-Allez, dégage , dégage avec les autres ou je te bute.

Elle enjamba Frey et se fondit dans la masse qui se pressait vers le niveau inférieur.




Jack tendit son calepin et son crayon de fortune à celui qui venait prendre la relève. Une main à la peau carminé s’empara des objets en poussant un juron.

-Calme-toi, Alop’…t’es là depuis pas longtemps mais tout va bien se passer.
-J’ai juste la poisse. D’abord ce transporteur de vin artorien qui me debarque sur Kaas City sans prévenir…puis je perds mes faux papiers d’identité ! Et maintenant que je suis là, les Impériaux sont là !
-Bah, c’est la routine, tu sais. Le chef a un plan.
-Ouais j’ai déjà connu un chef qui avait un plan et ça a monumentalement merdé si tu veux mon avis, les chefs c’est pas une bonne idée.
-Bon, tu dois noter les noms. Celui qui paie pas rentre pas.
-Ouais, fit le Twi’lek en consultant les noms du calepin, agacé.
-Il en reste plus beaucoup de toute façon. Après faudra fermer les portes. Mais on viendra t’aider. Je vais voir Taba, j’espère qu’elle est encore dispo, je me gèle les miches.
-Attends…c’est qui ?!
-Ben, Taba, tu sais ta super congénère Twi’lek qui fait les meilleurs p….
-Non ! Vance et Dana Hickpens ?! C’est quoi ce bordel !

Son camarade posa une minute de réflexion. Il avait vu des dizaines et des dizaines de visages défiler depuis une heure. Mais à bien y réfléchir, il se souvint de ce couple qui ne pouvait pas payer.

-Je sais pas, des paumés. D’ailleurs tu me fais penser que le gars devait revenir me voir. Il en met du temps ! J’espère qu’il m’a pas doublé.
-Alors là, tu peux être sûr qu’il t’a doublé ! Et la femme, Elle est où ?
-Avec les autres, en bas.
-Elle portait quoi ?!
-Je sais pas moi bordel. Un voile sur le visage. T’es bizarre Alop’ ! T’as pas pris ta dose ou quoi ?!

Le Twi’lek rendit le matériel à son acolyte et se dépêcha de s’engouffrer dans le bunker, la rage au ventre.



-C’est PLEIN !

Troisième salle qu’elle faisait. Elle dut se résoudre, elle et d’autres à descendre au dernier niveau. Ses bottines plongèrent dans un amas de boue à l’odeur insupportable qui lui remémora les égouts du district 40-9. Les lampes se faisaient rares et l’électricité parvenait difficilement à les maintenir en vie. Tous le réseau était obsolète. La structure semblait avoir un millier d’années et pourtant elle tenait toujours debout et remplissait encore ses fonctions. Soudain, des hurlements retentirent au fond de la galerie à des centaines de mètres. Ce fut un brouhaha inconsistant qui se rapprocha dangereusement en se répercutant sur les murs sombres. Un mouvement de foule gagna bientôt les lieux et Dana fut pressée par les flots de cette marée vivante.

-RECULEZ ! Ya un problème devant putain ! On remonte !

Ce fut un désastre. Shar fut plaquée contre la paroi proche de l’échelle tandis que d’autres, moins chanceux, tombaient et se faisaient piétiner. Ils étouffaient des gargouillis d’agonie et d’appels au secours qui résonnèrent longtemps dans l’esprit de la Sith. Elle se souvint brusquement de Lorrd City et ses souterrains maudits. Elle aurait voulu vomir sa terreur. En haut de l’issue, des criminels apparurent et tirèrent sur ceux qui tentaient de remonter. Bientôt les cadavres fumant écrasèrent les vivants. Le ménage se faisait seul. Runà serait déçue, une fois de plus.

-Ne montez pas ou on vous tue !
-On va crever ici de toute façon ! Hurla de manière hystérique ce qu’elle reconnut comme la Nautolan. Elle tenait l’un de ses enfants dans ses bras. Il avait une position bizarre. Il semblait dormir, mais Dana savait pertinemment que c’était le genre de sommeil dont ne se réveillerait pas.

L’Inquisitrice prit une grande inspiration et alors que tout le monde tentait de se rapprocher de la sortie, piétinant les morts et ceux qui l’étaient presque, elle prit le courant inverse pour s’enfoncer dans les ténèbres. C’était le meilleur moyen de ne pas recevoir un tir de plasma perdu ou de ne pas être renversée et écrasée par des clandestins trop nombreux et incontrôlables.

J’espère que tu ne vas pas revenir, Lloyd. Parce qu’il n’y a rien d’autre que l’Obscurité et la fin ici.

Mais elle n’était pas la seule qui remontait désespérément le courant. Alopseno fendait la foule de clandestins. Il arrachait frénétiquement les voiles de celles qui en portaient sous des exclamations offusquées. Il arrivait enfin à la limite du dernier niveau. Ses collègues l’empêchèrent bien de descendre. Sans succès.

Shar s’enfonçait un peu plus dans l’odeur rance de la galerie. La luminosité du départ avait laissé place à une pénombre handicapante. Tant mieux. Que l’odeur putride efface celles de la sueur et du stupre. Que l’obscurité couvre l’image de ce lit défait. La Force l’aiderait à voir, à comprendre. Il y avait de moins en moins de clandestins au fur et à mesure de sa progression. Elle entendit des grognements. Tant mieux. Qu’ils étouffent les reproches pathétiques que Runà et Lloyd lui avaient adressé. Une masse informe bougeait à la lueur d’une lampe paresseuse. Ce qui fut autrefois une Togruta était penché sur le cadavre d’une humaine et le dévorait avec des bruits de mastication familiers. Alors qu’elle comprenait que le virus avait définitivement atteint le camp Piya, l’écho d’une voix fendit le silence effroyable

-DANA SHAR JE SAIS QUE TU ES LA !

La créature se figea au-dessus de son plat, mise en alerte par ce cri et braqua ses yeux vitreux sur Dana. L’Inquisitrice se mit en garde et leva ses mains pâles. La Force vibra autour d’elle. C’était comme un séisme qui menaçait de l’emporter aussi. Elle prit une grande inspiration et projeta une déflagration télékinétique droit devant elle, balayant la créature et ses victimes au loin.

Il faut bien quelqu’un pour faire le sale boulot.




Lloyd Hope
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- T’en as mis un temps.
- Désolé, j’ai eu du mal à remonter le flot de gens qui descendaient.
- Bon, j’en ai encore pour cinq minutes, Alop’ a fichu le camp. Il te cherchait, apparemment.
- Quoi ?

Lloyd eut un mouvement de recul. Alop ?

- Alopseno, vous vous connaissez, non ?
- Alop est là ?
- Ben non, du coup, il est descendu dans le bunker…

… Il ne reconnaîtra pas Dana avec son voile. Et vu le monde… Enfin, il fallait espérer.

- Bref, on a presque terminé de faire rentrer les habitants. Tu vois le groupe, là-bas ?

A quelques mètres d’eux, entre deux taudis, un groupe d’une quinzaine d’individus en contrebas étaient rassemblés autour d’un fût embrasé. Ils réchauffaient leurs mains et discutaient.

- Va avec eux. Le chef va expliquer le plan. Tu fais ce qu’on te dit et tout se pass’ra bien, ok ?
- Ok.

Le hapien descendit, ses bottes s’enfonçant dans la boue, pour se réchauffer lui aussi près du fût. Il regarda furtivement les visages. Heureusement, il ne reconnaissait pas ceux qui les avaient attrapés un peu plus tôt. Un vieux rodien avait déjà commencé à donner des directives. Il était courbé, le visage luisant de pluie et de la saleté sur le crâne.

- … tout autour de l’entrée ! Je veux que vous me fassiez des binômes pour faire les patrouilles. Ksiksi et sa bande sont avec les chiens, ils vont continuer à chasser les Inquisiteurs pour les rabattre vers le bunker. Quand ça c’est fait, vous n’aurez plus qu’à leur tirer dessus. Mais pensez à donner l’alerte en criant !
- A quoi ils ressemblent ? demanda une voix dans l’attroupement.
- Une femme et un homme, tous les deux habillés en noir. La femme, un joli p’tit cul, le type, une tête de con.

Il y eut des rires.

- Et ils cavalent vite. Vous les auriez vus tout à l’heure ! De vrais rats en fuite. Mais ne vous fiez pas à leur apparence, ils ont des … des pouvoirs. Je vais vous donner de quoi vous défendre.

Le rodien se tourna vers une caisse derrière lui et en tira des armes à feu. Lloyd reconnut son blaster qui fut distribué à un grand homme dégingandé qui portait un grand pull à capuche sombre. Lorsque le rodien arriva à sa hauteur, il lui donna un vieux modèle de pistolet à cartouche, et le hapien pesta intérieurement. Ces trucs-là étaient beaucoup trop lents, pas fiables pour un son et bruyants, par-dessus le marché. Mais il ne mettrait pas longtemps à récupérer son blaster. D’ailleurs, il se dirigea tout de suite vers le grand homme à capuche.

- Hé, salut. Moi c’est Vance. T’as un binôme.
- Non, pas encore.
- On fait équipe alors.
- T’es du camp, toi ?
- Ouais.
- Quelle zone ?
- Ouest.

Pifomètre.

- Ouh la, c’est la loose, par là.
- J’te le fais pas dire. T’as compris ce qu’on d’vait faire ?
- Ouais, on patrouille autour du bunker, c’est pas compliqué.
- En route, alors.

-------

-------

-------Le chemin de ronde risquait d’être long : chacun faisait bien son travail, mais les Inquisiteurs ne se montraient pas. Lloyd avait imaginé plusieurs manières de récupérer son blaster. Le plus simple était d’attirer son binôme, du nom d’Hébir, dans un coin sombre afin de le tuer et de récupérer son bien. Mais ensuite, patrouiller seul ne fonctionnerait pas, il était censé avoir son binôme.
Heureusement, Hébir n’était pas du genre très honnête. Au cours de leur patrouille, il s’arrêtait fouiller les taudis pour récupérer des biens, de la nourriture. Il n’y avait pas grand-chose à prendre. Lloyd en profita pour fouiller lui aussi, à la recherche d’une lame. Il finit par tomber sur un pic qui ferait bien l’affaire et qu’il dissimula sous sa tunique.

Au bout d’un moment, ils entendirent les chiens aboyer à proximité et tous deux se crispèrent : l’un parce qu’il avait peur de voir arriver les Inquisiteurs, l’autre parce qu’il craignait que les chiens ne le reconnussent. Heureusement, ce furent des hommes qui les rencontrèrent : trois silhouettes parvinrent devant eux, mal éclairés. Lloyd chercha immédiatement à rester dans l’ombre : il avait reconnu le gamin. Comment s’appelait-il déjà ? Jaice ?

- Hé ! Vous les avez trouvés ?
- Nan, toujours pas, dit l’un des hommes. On s’demande s’ils se sont pas enfuis. Les chiens auraient dû retrouver leurs traces, mais ils tournent en rond. On vient chercher la relève. Vous savez où est Tom ?
- Mmh, non, vous devriez voir au bunker.
- Ils l’ont fermé.
- Déjà ?
- Ouais, y’a eu un mouvement de foule à l’intérieur, ça fichait les j’tons.
- Je voulais quand même essayer de rentrer, intervint Jaice. Ma cousine doit y être.
- On peut t’accompagner, intervint Lloyd comme si de rien n’était. Hein Hébir ?
- Ouais, pourquoi pas.

Et ainsi l’accord fut conclu. Jaice ne se douta de rien. Les deux autres hommes continuèrent leur chemin, et Lloyd, Hébir et Jaice prirent la direction du bunker. C’était maintenant qu’il fallait agir.
Dès qu’il aperçut un taudis qui faisait l’affaire, Lloyd prétexta vouloir fouiller l’abri. Hébir le suivit immédiatement, attiré par l’appât du gain. Les deux hommes disparurent ainsi un moment, tandis que Jaice resta dehors, l’air sombre. Au bout d’un moment cependant, la voix du hapien émergea de l’abri :

- Hé ! Jaice ! Viens voir par ici, y’a quelque chose qui pourrait t’intéresser !
- Comment tu connais mon nom ? bougonna l’adolescent, mais il vint tout de même.

Dès qu’il passa le seuil de la porte, Lloyd l’attrapa, posant une main sur sa bouche et lui planta sa pique dans la poitrine, au niveau du cœur. Il accompagna le corps du garçon dans sa chute, pour le déposer doucement auprès de celui d’Hébir, dont la gorge dégoulinait de sang. Lloyd croisa le regard effrayé de Jaice.

- Désolé petit, t’aurais pas survécu de toute façon.

T’es quand même un sacré connard, semblait dire Jaice.

-------

-------

-------Quand Lloyd atteignit le bunker, son blaster revenu à sa hanche sous le grand pull noir à capuche qu’il avait chipé à Hébir, il découvrit un attroupement bruyant massé devant les portes. Les gens criaient leur insatisfaction. Certains voulaient entrer, d’autres exigeaient qu’on fasse sortir leur famille. Quelques individus plus agressifs que les autres s’étaient massés devant Jack, non sans le menacer. Le hapien se fraya un chemin dans la cohue, non sans user de quelque brutalité pour parvenir jusqu’à la hauteur du mirialan, qui se tenait devant les portes blindées refermées sur le bunker.

- Qu’est-ce qu’y s’passe ?! cria Lloyd pour couvrir le brouhaha ambiant.
- Du bordel à l’intérieur ! répondit Jack. Un peu d’aide serait pas d’refus ! Tu veux pas nous aider à en calmer un ou deux ?
- C’est quoi le bordel à l’intérieur ?
- On a entendu des coups de feu. Probablement une mutinerie. Les gars vont calmer ça vite fait bien fait, t’inquiète !
- Je veux rentrer.
- Hé, t’étais censé payer ta place, j’te rappelle, donc tu nous aides ! On veut tous rentrer, mais faut que ça s’calme ici !
- Il faut qu’je rentre ! Vous avez pas b’soin d’aide à l’intérieur ?
- Aide-nous à dissiper la foule d’abord !

Lloyd se sentait perdre son sang-froid. Quelque chose se passait là-dessous d’anormal. La Force l’en alertait. Il se retourna brusquement vers les individus qui se massaient, et colla son poing dans la figure du premier venu. La victime se renversa parmi le groupe qui le reçut avec des cris étonnés. Il y eut des bousculades, et quelqu’un tenta de rendre son coup à Lloyd. Mais il était trop habitué aux rixes pour ça. Il évita facilement l’attaque et riposta d’un nouveau coup de poing. Cette fois, des cris plus aigus surgirent et plusieurs individus essayèrent de se jeter sur Lloyd. Il prit des coups à son tour. Les rendait. Il enfonça sa pique dans le ventre d’un homme qui s’effondra par terre, donna un coup de tête qui lui fendit le front. Il prit un poing dans le ventre qui le fit se tordre en deux, puis un autre sur le crâne. Il tomba par terre, reçut un coup de pied dans le ventre. Il planta sa pique dans un mollet. Il y eut un cri de surprise qui lui donna le temps de se relever et de foncer dans le tas. Au bout d’un moment, la bagarre avait dissipé l’attroupement en majeure partie ; il ne restait plus que le petit groupe d’excités qui se battait avec Lloyd, qui se battait furieusement. Comme un chien acculé au milieu d’une meute rivale. Il se refusait à utiliser la Force. Pour l’instant.

Après quelques nouveaux reçus, notamment un qui lui fit claquer la mâchoire, le hapien réussit à planter sa pique dans un œil. Il y eut des hurlements, et deux individus fuyèrent. Les deux restants se jetèrent sur Lloyd et le désarmèrent avec quelques coups bien sentis. Il trébucha et chuta. L’instant suivant, un colosse s’était plaqué sur lui, le forçant à rester au sol, tandis que son acolyte, la pique en main, s’agenouillait près de lui.

- VAS-Y ! FINIS-LE !
gueula celui qui tenait Lloyd, et ce dernier vit la pique fondre vers sa gorge.

Au dernier instant, le petit objet dévia sa course. Emporté par son élan et sa force, l’assaillant la planta dans le bras de son acolyte. Le colosse hurla de douleur. Lloyd en profita pour se dégager d’un coup de genou. Il roula par terre avant de se relever dans celui qui n’avait toujours pas compris quelle force avait pu ainsi dévié son geste. Lloyd envoya fuser son poing contre la mâchoire de l’homme, qui se renversa, puis courut récupérer sa pique. L’instant d’après, le colosse au bras ensanglanté se ruait sur lui tandis que l’autre fuyait. Lloyd tenta une attaque, il prit à son tour un coup de genou. Il attrapa le colosse à la taille et tous deux se renversèrent. Ils luttèrent en roulant par terre une brève seconde quand enfin, la pique traversa l’estomac de l’énorme individu. Lequel se débattit en gémissant. Le hapien arracha sa pique.

Quand il revint devint Jack, dont le vert vif de sa peau avait pâli, Lloyd avait les mains couvertes de sang, un bleu sur la mâchoire et les lèvres enflées.

- C’est bon maintenant ? Tu m’laisses passer ?! demanda-t-il furieusement.

A dessein, il avait gardé à la main sa pique encore dégoulinante.

-------

-------

-------Lloyd devait se frayer un chemin à travers la foule dans le bunker. L’inquiétude qu’il avait vue tout à l’heure s’était muée en cohue angoissée.

Tourne à gauche.

- Ils les ont descendus ! entendit-il à gauche.
- Y’a eu un grand bruit en bas ! Tu crois que les galeries se sont effondrées ?!
- DU CALME ! gueula un membre du clan.

Tourne à gauche.

Lloyd ignora les commentaires. Quoiqu’il se fût produit, d’une part Dana savait se défendre, d’autre part elle était sûrement dans son coin en sécurité. Tout ce qu’il espérait, cependant, c’était que leur cauchemar de la nuit précédente ne reprît pas. Mais il n’entendait rien à ce sujet pour l’instant.

Tourne à gauche.

On laissait passer Lloyd sans grande difficulté. Il avait rabattu sa capuche sur son crâne que la pluie avait un peu lavé de la boue et il ne souhaitait pas qu’on le reconnût. Mais il avait du sang sur les mains, sa lèvre enflée et son regard furieux dissuadait de s’opposer à lui.

Enfin, la salle dans laquelle il avait déposé Dana. Il l’avait reconnu immédiatement au plafond vouté et à la lampe bleue différente des autres qui était suspendue au-dessus de l’entrée. Mais à l’intérieur, des gens s’étaient amassés, debout. Les discussions allaient bon train. Une femme criait, demandait qu’on la lâchait. Lloyd accéléra le pas et fit irruption dans le groupe en jouant des coudes.

- Dana ? Dana !

Pas de réponse. Les gens l’ignorèrent. Il chercha vers le sol. Aucune trace du voile de Dana.
Darth Hope
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Sa connexion à la Force était puissante et elle se sentait invincible, parce qu’elle était seule. Et que cette solitude nourrissait sa haine. Elle était si seule depuis le départ abrupt de Damaya. Si seule depuis qu’elle avait quitté ce manoir, du kolto plein le front. Son voile et ses cheveux flottaient lentement autour de son visage, portés par une brise qu’elle seule pouvait sentir. La créature rugit depuis les tréfonds de la galerie, enragé. Et sa rage répondait à celle de Shar.

-Toi et moi, on a besoin d’un sacré régime, souffla-t-elle froidement. Faut qu’on arrête les conneries.

Et si elle s’était vue dans un miroir, elle aurait remarqué que ses prunelles précieuses s’étaient assombries. La peur figeait son cœur, mais ce dernier n’avait pas besoin de battre Elle ferait le ménage sans cette organe inutile. Dana serra le poing et un choc invisible percuta vivement la gorge de la togruta, à des mètres de là. L’Inquisitrice avait cette sensation galvanisante que la Force était le prolongement de ses membres, sa volonté. Confondue dans sa transe, la Sith en oublia la voix qui avait hurlé sa présence.

Le visage d’Alopseno se découvrit à la lumière étouffée d’une lanterne à moitié mourante. Il désengagea lentement la sécurité de son blaster, le souffle suspendu. Pour Aora. Pour Kota. Pour Cassandra. Pour Haddal. Pour…Jax. Ils ne les avaient pas éteints dans sa mémoire vivace. Ils vivaient toujours en lui et lui rappelaient la douceur des sentiments. De l’amour, de la joie, du rire. Le Twi’lek avait tout perdu, sauf la vie. Il tendit le bras et mit en joue Dana, fébrile. Il aurait aimé ne pas fermer les yeux, mais il le fit au moment d’actionner la gâchette.

Elle écarquilla les yeux. Son voile dansa avec grâce dans les airs alors qu’il libérait sa chevelure sombre. Elle tomba à genou, le souffle fendu par la douleur intense qui irradiait son omoplate droite. Elle tenta de se redresser et un deuxième tir de plasma la heurta, en plein dans l’épaule gauche. Elle s’effondra de tout son long, le visage marqué d’incompréhension. A trois mètres d’elle, dans la pénombre angoissante, la créature s’ébroua. Dana fixa son attention sur ce mouvement menaçant et s’arrogea une pathétique tentative d’utiliser la Force à nouveau. Ce fut un échec. Tout le haut de son dos brûlait, en proie à la morsure impitoyable du plasma. Le tissu de sa robe s’effritait dans un rougeoiement pâle pour dévoiler sa chair à vif. Elle avait encore la force de ramper, mais un poids la cloua au sol.

Alop’ venait de plaquer la semelle de sa botte contre les reins de l’Inquisitrice. Il était tel un chasseur qui posait avec son trophée.

-Sale chienne. T’es pas encore morte ?

Il se pencha lentement et plaqua le chien de son arme à l’arrière du crâne de Shar. Cette dernière gémissait de terreur. Elle tentait désespérément de se soustraire à la mort prochaine qui arrivait, encore. Elle tendait sa main tremblante vers le fond de la galerie. Le mouvement lui donna l’impression que son omoplate se disloquait et elle cria de douleur, réveillant les instincts encore groggy de la créature qui répondit à son cri.

-C’était quoi ça ? fit-il en suspendant son doigt sur la détente.
-Tu…ferais mieux….de pointer ton putain de blaster sur ça, lâcha-t-elle sur un ton saccadé.
-Qu’est-ce que tu racontes ?! Crève !

Il allait presser cette foutue détente, mais une masse informe se jeta sur lui. Dana fut libérée du poids d’Alop' et elle roula sur le côté. Son dos brûlé entra en contact avec la boue qui couvrait le sol et elle geignit de souffrance. Le Twi’lek hurlait et elle ferma les yeux, se nourrissant de ses hurlements. La main de la Sith agrippa le blaster qui avait chuté à terre et traîna son corps endolori vers le mur sur lequel elle prit appui pour se redresser avec difficulté. Elle le longea, pas par pas, mètre après mètre jusqu’à laisser les cris gutturaux se noyer derrière elle, dans l’obscurité et le sang. Elle devait mettre encore plus de distance, marcher encore plus vite. Sa tunique n’était plus qu’un lambeau de tissu qui ne tenait qu’à un fil de la dénuder entièrement, mais c’était le cadet de ses soucis. Les lanternes devinrent plus nombreuses et régulières malgré leur faible lueur. Et elle atteignit les premiers réfugiés qui attendaient dans la boue, recroquevillés et sanglotant. Certains étaient blessés, mais elle n’aurait su dire si c’était des morsures ou des tirs de blasters. Elle ne souhaita pas y penser.


La foule angoissée s’était tue. Les yeux grands ouverts de ceux qui étaient morts piétinés parlaient assez, de toute façon. Ils fixaient le plafond, comme s’ils demandaient encore de l’aide. Plus personne n’essayait de monter vers le niveau supérieur. La résignation avait gagné leur âme. L’Inquisitrice passait, de sa démarche bancale, au milieu d’eux, glacée d’indifférence. Elle reconnut la nautolan qui éructait des pleurs angoissés contre le cadavre de son plus jeune enfant. Où étaient passés les cinq autres ? Sans doute perdus dans la foule précédente, dans la fusillade, dans le néant. Dana n’avait pas l’instinct maternel, pas assez pour comprendre la douleur de cette mère privée de fruit de ses entrailles. Tiamat n’aurait jamais pleuré sa mort ; elle n’avait déjà pas pleuré celle de Damaya qu’elle estimait plus que tout. Elle éprouva un peu de jalousie pour ce bébé sans vie qui profitait, même décédé, de l’amour brisé d’une génitrice aimante.

Sa main libre empoigna fermement le barreau rouillé de l’échelle. Elle grimpa. Deux barres, trois barres. Son pied glissa, sa poigne faiblit et elle tomba à la renverse. Le choc avec le sol l’assomma quelques secondes. Elle rampa encore vers l’échelle sous les regards consternés des clandestins. Elle s’amarra encore à ses barreaux et les muscles irradiés de son dos et son épaule refusèrent l’effort. Ils refusèrent l’effort mais elle ignora leurs protestations et débuta son ascension. Elle allait tomber de nouveau mais fut étrangement soutenue. Elle abaissa son visage figé de souffrance vers le bas. Deux hommes s’étaient relevés pour l’aider. Pourquoi ?

-Y’a des gars qui te tueront sûrement là-haut, s’ils te voient sortir de là.

Elle avisa le monticule de cadavres dans la grande coursive, tout près d’eux. Ils se mêlaient aux vivants sans s’en distinguer.

-Ce n’est pas grave, souffla-t-elle péniblement.

Ils haussèrent les épaules et l’aidèrent d’une impulsion à se hisser plus haut. Ils le firent jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus la porter à bout de bras. Elle dressa sa figure vers l’ouverture du niveau supérieur à des mètres plus haut. Elle mordit sa joue pour contrôler sa douleur et poursuivit avec acharnement. Ce n’était plus le moment de tomber. Si elle chutait, la hauteur ne pardonnerait pas son erreur et ses os se fracasseraient contre le béton. L’agonie serait longue au sol, à sentir son propre squelette déchirer ses chairs, mais la mort serait certaine.






-Ca fait un paquet de temps qu’ils essaient plus de remonter.
-Ca tombe bien, j’ai vidé ma cellule d’énergie.
-Il s’est passé quoi tu penses ?
-Aucune putain d’idée, Frey. Tu crois que j’en sais quelque chose ! s’indigna son compagnon en jetant des coups d’œil angoissé vers l’échelle.

A leur niveau, d’autres clandestins remplissaient les salles et le couloir. Tout était noir de monde. Les discussions allaient bon train, tout le monde supputait, tout le monde étouffait. L’impatience gagnait les esprits déjà gangrénés par la peur.

-Taba aura intérêt à être gentille. N’empêche, l’autre garce, t’aurais dû la descendre.
-Je te l’ai déjà dit, Frey, tu ne sais pas t’y prendre avec les femmes. T’es trop brusque. Elles aiment les trucs romantiques et tout ça.
-Moi je pense qu’elles craquent plutôt toutes pour les mauvais garçons dans mon genre, ricana Frey.
-Shh, shh, quelqu’un arrive.

Ils virent avec stupéfaction une main tenant un blaster échouer lourdement au sol, depuis le sommet de l’échelle. Suivi un minois pâle aux yeux dorés et brillants de larmes de douleur. La deuxième main rejoignit l’autre et Dana se hissa avec difficulté, demeurant un moment à genou pour reprendre son souffle. Les deux criminels n’en croyaient pas leurs yeux, leur mâchoire s’était décrochée d’un même mouvement. L’acolyte reprit ses esprits le premier et pointa son arme, déchargée, vers l’Inquisitrice :

-Hey toi, redescends !
-T’as entendu ? Redescends avec les autres, y’a plus de place ici !

L’agitation attira le regard de quelques curieux.

-Il faut condamner le niveau inférieur, dit-elle d’un ton bourru. Vous avez pas une plaque de taule ? Ou même…plusieurs.
-Hein ? T’es sourde ou quoi ? explosa Frey en se rapprochant.

Il était prêt à lui balancer un coup de pied pour la renvoyer dans l’Enfer qu’elle venait de quitter. Mais il croisa son regard doré qu’il reconnut sur-le-champ. Il s’attarda sur la figure féminine, colorée par un bleu violacé sur la joue et une lèvre ensanglantée. Il l’attrapa vivement par les cheveux et et la jeta aux pieds de son camarade en ricanant.

-Regarde qui revoilà, Miles. La petite garce.
-C’est pas vrai…
-Je t’avais dit qu’elle m’aimait bien finalement, railla-t-il.

Allongée sur le ventre, éreintée par l’effort que lui avait demandé l’escalade de l’échelle, elle respirait fort., Elle resserra sa prise sur le blaster d’Alopseno, mais Miles lui écrasa le poignet et elle fut obligée de lâcher l’arme, grinçant des dents.

-Je t’emprunte ça, le mien est vide haha, se moqua-t-il en lui subtilisant le blaster.
-On butera ton mari avec, s’il est pas déjà cané quelque part. Après tu seras célibataire nan ? (Il regarda son acolyte.) Je t’avais dit, Miles. La roue tourne. Faut toujours écouter ton pote Frey.

Il attrapa la Sith par le bras et la força à se relever, avant de passer un bras autour de sa taille pour la presser contre lui. Shar grimaça de douleur. Les blessures de blaster contre son omoplate et son épaule lui faisaient horriblement mal et handicapaient ses mouvements.

-Miles m’a conseillé d’être un peu plus romantique. J’ai pas de fleurs à portée, là tout de suite. Mais j’aurais bien autre chose.

Miles se détourna vers la petite foule de spectateurs qui mêlaient voyeurs et commères.

-Vous vous êtes cru au holociné ou quoi ?! Dégagez de là, y’a rien à voir, menaça-t-il en braquant son arme vers eux.

Tout le monde baissa les yeux ou détourna le regard.

-Bordel, ce que les gens sont cons. Eh Frey…(apostropha-t-il alors que le concerné remontait déjà la robe difforme de Dana) Fais pas ça ici. Attends d’être dans ta piaule bordel. Un peu de romantisme.
-Ouais, ouais. Trouve-moi de quoi l’attacher en attendant.

L’Inquisitrice fixait les traits humains de Frey. Elle avait senti sa main courir le long du galbe de sa cuisse, emportant le tissu de sa tunique avec, mais elle n’avait su réagir, trop sonnée par la souffrance, le corps raidi de faiblesse. Elle souhaita se débattre, mais l’énergie lui manquait. Elle pensait à cette entrée encore ouverte vers le niveau inférieur. Ce n’était qu’une question de temps avant que les clandestins encore vivants, qui s’y entassaient en bas, soient contaminés par Alopseno et la togruta. Il fallait condamner cette foutue entrée…mais comment ?


Lloyd Hope
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- Mais j’ai rien pour l’attacher moi ! T’as vu l’état dans lequel elle est ? Emporte-la comme ça. Un peu plus loin sur la droite, t’as des genres de cabines de douche, là. Vire les gens qu’il y a là-bas.
- Ouais t’as raison, répondit Frey, et il empoigna Dana pour la soulever, non sans palper ses cuisses en se mordant la lèvre inférieure. Oh qu’elle est bonne, regarde ces muscles.
- Tu m’la laisseras un peu après ?
- On verra, si j’l’ai pas trop démolie, haha !

Et Frey s’éloigna, chargé de son trophée.

--------

--------

--------- Vous n’avez pas vu une femme avec un voile bariolé ? Elle était ici, dans cette pièce !

Plusieurs individus firent non de la tête. Il ne trouvait pas non plus la nautolan. Agacé, Lloyd ressortit de la pièce et se mit à continuer dans les couloirs vers le fond du bunker – s’il y avait un fond véritablement. Les gens s’agglutinaient dans les coursives, piaillaient, tapaient contre les conduites en métal qui couraient sur les côtés, glougloutant une eau vive probablement liée à l’évacuation des eaux de pluie.

Plus ils s’enfonçaient, moins l’atmosphère lui paraissait saine : des odeurs d’urine et d’alcool montaient aux narines et les discussions paraissaient moins censées. On s’échangeait des insultes, on priait à voix haute pour obtenir la bienveillance de dieux obscurs, on se battait pour un morceau de pain humide. Lloyd vérifiait chaque humaine, espérant croiser ces yeux dorés cernés d’un maquillage noir qui avait un peu coulé à cause de la pluie. Mais il ne tombait jamais dessus.

Au bout d’un moment, il arriva à un endroit où la coursive était complètement encombrée par un groupe d’hommes massés à l’entrée d’une salle qui avait dû servir de dortoir, vu les armatures contre les murs en hauteur.

- Hé ! Poussez-vous, j’ai payé !
- Nan, je devais passer avant, si j’dois crever ce soir, autant finir en beauté et m’enfiler son p’tit cul, j’me contrefous du tarif !

Lloyd fut obligé de ralentir sa progression. Il ne pouvait pas voir ce qu’il se passait à l’intérieur. Mais son cœur s’était à mis à battre la chamade. Il joua des coudes pour se frayer un chemin. On le bouscula en retour.

- Attends ton tour comme les autres ! gueula un grand umbaran dont les lunettes sombres rappelaient vaguement la mafia des bas-fonds de Coruscant.
- J’veux juste voir, répondit Lloyd sur le même ton.
- Chacun son truc… Mais c’est vrai que Taba est belle à voir, quand elle bosse.

Il parvint à se tordre le cou au-dessus d’une épaule, à la recherche du voile coloré que portait Dana : enfin, il put voir ce qui se passait à l’intérieur. Une twi’lek couleur émeraude était penchée sur un dévaronien au froc baissé, toute à sa besogne. Lloyd lâcha un râle de dépit – fallait-il vraiment que la vie le poursuivît ainsi avec ces twi’lek ? – et rebroussa chemin pour ressortir de la pièce.

Après cet épisode, les coursives s’éclaircirent un peu. Lloyd continuait à marcher. Il perdait petit à petit espoir. Il se demandait si elle n’était pas remontée.

Lorsqu’il arriva devant une conduite qui plongeait soudain en contrebas à l’aide d’une échelle, Lloyd s’immobilisa. La coursive continuait. Dana était-elle descendue ? Il se pencha vers le conduit obscur.

- Tu vas où comme ça, toi ? claqua une voix qui émergea du fond du couloir. J’te préviens, si tu descends, tu remontes pas.
- Pourquoi pas ?
- Il s’est passé un truc en bas.
- Un truc ?

Avoir les mains pleines de sang, le front fendu et la lèvre enflée avait cela de bon qu’on acquerrait une autorité inhabituelle.

- Des clandestins, ils sont devenus fous. Ils sont dev’nus fous, ils se sont bouffés entre eux, un truc dégueulasse. Descends pas j’te dis, y’a rien à voir.

Lloyd sentit son cœur se remettre à battre à tout rompre. Il serra les poings. C’était donc le virus. Dana avait dû descendre pour faire le sale boulot. Elle allait crever là-dedans et se transformer en monstre à son tour. Il ne pouvait pas faire ça.

- Je descends.
- Comme tu voudras, mais tu remont’ras pas.

Le hapien ne répondit pas. Il se hâta vers l’échelle et s’accroupit, fébrile. Il posa un pied sur le premier barreau, puis le suivant sur le barreau du dessous. Ses mains poisseuses de sang manquèrent de glisser quand il attrapa le métal froid.

--------

--------

--------- AAAH ! La salope ! Miles vient m’aider ! Elle m’a tailladé l’oreille !

Dana.

Lloyd se figea. Il était descendu de trois mètres et la voix lui était parvenue d’en haut. Il se mit à remonter l’échelle à la hâte. En haut, le dénommé Miles avait couru vers le fond de la coursive. Lloyd se lança à sa suite dès qu’il eut posé le pied sur le béton. Tous deux déboulèrent devant une série de minuscules cabines parcourues à l’horizontale des mêmes tuyaux énormes où glougloutaient les eaux de pluie. De l’une de ces cabines, Frey empoignait des cheveux noirs au-dessus d’un voile bariolé.

Dana.

Le clandestin l’avait assise sur les canalisations en lui écartant les jambes. Fort heureusement, il n’avait visiblement pas eu le temps de sortir sa tuyauterie. Il n’en fallait de toute façon pas plus à Lloyd.

Il sortit sa pique et, sans que Miles ait eu le temps de crier, il la lui avait enfoncée dans la nuque. Il arracha le petit outil sous les yeux écarquillés de Frey. Ce dernier lâcha Dana après une seconde d’effroi, et se rua sur Lloyd avec la ferme intention d’en finir. Le hapien recula, Frey lui attrapa le poignet alors qu’il le levait pour attaquer de nouveau. Lloyd percuta le mur en reculant sous le poids du clandestin. Le bougre avait une sacrée force, ou bien il était fatigué. Probablement un peu des deux. Frey lui donna un coup de tête sur la tempe et Lloyd se sentit défaillir.

Il lâcha son pic. L’homme l’attrapa par le cou et le replaqua contre le mur, et le hapien se mit à suffoquer. Il y eut quelques instants de flottement. Sa vision s’obscurcit. Lloyd ramena la Force à lui. Sans succès. Trop épuisé. Il s’était juste passé trop de choses ces dernières quarante-huit heures. Il se revoyait, l’avant-veille, arriver dans son uniforme impeccable. Il pensait n’en avoir que pour quelques jours de visite et de paperasse, après quoi il pourrait essayer de voir Mat’. Vérifier qu’elle allait bien. Il s’était produit tellement de choses depuis. Que lui dirait-il ? Saurait-elle qu’il était mort [i]en allant aider une autre Sith à qui il ne devait rien, juste parce qu’il ne savait jamais prendre les bonnes décisions ?[i] Quel Sith raté. Raté, mais pas mort. Pas encore.

Il trouva la force d’assener un violent coup de genou dans l’entrejambe de son agresseur. Frey eut un sursaut de douleur. Il relâcha brièvement son étreinte. Suffisamment pour que Lloyd prit une bouffée d’air. L’instant suivant, il parvenait à tirer son blaster. Il y eut une brève détonation, et le corps de Frey s’effondra au sol en geignant. Le hapien s’effondra à genoux, le nez ensanglanté en plus de ce qu’il avait accumulé jusqu’ici. Il releva encore son canon et le posa sur la tempe de Frey. Sa cervelle grilla avec en jaillissant par ses yeux.

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-------- Désolé, j’aurais pas dû remonter. C’était une mauvaise id… Dana ?

Lloyd s’était relevé après avoir repris son souffle pour s’acheminer jusqu’à elle. Elle était restée inerte, singeant la position obscène dans laquelle Frey l’avait mise, la tête reposant sur l’une des canalisations. Ce n’était pas normal. Pris de panique, Lloyd arracha une partie du voile pour vérifier son visage, son cou. Ses bras, ses jambes même. Des coups. Des griffures. Du sang. De la boue. Il croisa ses yeux. Elle était consciente.

- Me regarde pas comme ça, je vérifie juste que t’as pas été mordue, rétorqua-t-il vivement à ce qu’il crût être des reproches silencieux dans ce regard sombre. Tu me prends vraiment pour…

Il ne termina pas sa phrase. Des cris d’effroi avait retenti, des tirs de blaster aussi. Lloyd reprit son blaster et fit quelques pas en direction de la coursive où se trouvait l’échelle qui plongeait dans les profondeurs. C’était de là que venaient les hurlements. De nouveaux membres du gang étaient arrivés. Lloyd songea qu’il devait empêcher que ces deux-là aillent plus loin, sinon ils découvriraient les corps de Frey et Miles. Mais les membres étaient trop occupés par leur besogne : ils tiraient vers le bas de l’échelle. On entendit un tir, une chute, de nouveaux cris.

- Qu’est-ce qu’y s’passe ?

Il en avait marre d’arriver toujours après les faits et de devoir se renseigner.

- Les canalisations ! On sait pas ce qu’il s’est passé en bas, mais ils les ont pété, ces enflures ! Ca se remplit d’eau ! Ils vont finir noyés, hors de question qu’ils remontent jusqu’ici ! On bute tout ce qui grimpe à l’échelle !

Lloyd jeta un œil dans les profondeurs. On voyait luire un torrent d’eau, dont le niveau montait à une vitesse beaucoup trop impressionnante.

- Le bunker va être inondé.

Sa remarque fut entendue par les quelques clandestins autour des membres du gang. En quelques secondes, l’annonce fut relayée. Soudain, la panique prit les gens comme une traînée de poudre ce serait enflammée : on se hâta de retourner vers l’entrée du bunker. Il y eut un mouvement de foule. Des cris. Lloyd songea à ce qu’il se passerait en haut : au mieux, les gens ressortaient dans le camp, et ils avaient foiré leur mission. Au pire, personne ne pourrait sortir, soit à cause du gang, soit à cause de la police impériale, et ce bunker était un tombeau.

Mieux valait tabler sur le pire.

Lloyd laissa les membres du gang pour retrouver Dana. Il l’aida à se relever.

- Mauvaise nouvelle. L’eau monte. Le chemin par lequel on est venu est complètement encombré, et plus bas y’a nos amis enragés qui sont en train de remonter à la nage. On se tire. On verra plus tard pour la mission.

Il l’emmena plus loin, pour poursuivre dans ce couloir dont il ne savait où il conduisait.

-------

-------

-------Au bout d’un quart d’heure, l’eau leur était monté aux genoux. Lloyd sentait Dana fatiguée. Mais il ne voulait pas s’arrêter. Il fallait mettre le plus de distance possible entre eux et les contaminés.

-------

-------

-------Ils étaient seuls depuis probablement plus d’une heure. Lloyd fendait l’eau glacée qui lui montait jusqu’à la taille. Il tenait Dana en travers de ses bras, cela faisait près d’une demi-heure qu’elle avait arrêté de marcher. Le poids de la jeune femme était négligeable, principalement à cause de la peur de mourir.

Enfin, ils parvinrent à une échelle. Qui montait. S’étaient-ils éloignés du camp ? Allaient-ils ressortir au beau milieu de celui-ci ? Ressortiraient-ils, même ?

- Allez, Dana. Va falloir grimper. Allez, glapit-il, à bout de force.

Il essaya de monter à l’échelle quand ils entendirent des grognements derrière eux. Lloyd attrapa son blaster et le pointa derrière lui. Certaines des lampes s’étaient éteintes.

Ils attendirent, retenant leur souffle.

Puis…

- Alop ! C’est toi ?

Sifflement enragé. Alop n’était plus de ce monde. Lloyd eut une moue de désespoir.

- Dana, monte. Monte vite.
Darth Hope
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Les paumes de Hope caressaient le derme de ses cuisses, remontant progressivement sa robe sur ses hanches féminines et éloignant ses jambes l’une de l’autre. Elle n’avait pas la force de résister. Elle aurait voulu utiliser ce qui lui restait d’énergie pour protester. Mais ses mots moururent contre lèvres du hapan qui avaient conquis les siennes. Elle n’avait plus l’envie de résister. Elle avait l’impression d’être engourdie dans un rêve insipide et empoisonné.

J'ai passé un très agréable moment en votre compagnie.

La voix de Runà éclata dans son esprit endolori et elle ouvrit brusquement les yeux pour découvrir la silhouette de Frey. Elle fut prise de panique car elle ne reconnaissait pas les lieux et que sa tête lui tournait au point qu’elle faillit vomir. Sous sa croupe, elle sentait le métal froid de la canalisation sur laquelle on l’avait installée. Le criminel revint à la charge, plaquant ses lippes fébriles de désir dans son cou. Nouvelle envie de vomir. Elle tâta désespérément son environnement poche et ses doigts heurtèrent un morceau de verre qui provenait d’une lanterne brisée à deux mètres plus haut. Elle élança son arme de fortune contre le visage de l’humain, coupa son oreille maladroitement et il beugla de douleur et de colère.

- AAAH ! La salope ! Miles vient m’aider ! Elle m’a tailladé l’oreille !

La ferme….j’ai mal à la tête.

Une claque. Ou plutôt un coup de poing, parce qu’elle se mit à voir trouble et que c’était très douloureux, là, juste au niveau de sa joue déjà sollicitée par les coups de crosse précédents. Elle allait s’effondrer mais Frey lui saisit fermement les cheveux pour la maintenir en place.

Un bruit de détonation la tira de nouveau vers la conscience. Au travers de sa vision paresseuse, elle aperçut les cadavres gisant au sol et reconnut Lloyd. Et le noir revint.






Les mains de Hope…parcouraient son corps. Il fallait vraiment arrêter les conneries. Elle releva péniblement ses paupières et fustigea le sith du regard. Enfin, elle sembla le fustiger, en réalité ses yeux s’étaient à peine assombris, lourds de reproches silencieux. Fallait pas se gêner, pensa-t-elle avec amertume.

- Me regarde pas comme ça, je vérifie juste que t’as pas été mordue (…) Tu me prends vraiment pour…

Elle renversa la tête en arrière et son crâne fit un léger poc en heurtant doucement le mur. Bordel. Le dernier niveau, la togruta, ce connard de Twi’lek. C’était sûr. Certain même. Elle eut un rire qui ne résonna que dans son esprit. Ses lèvres demeurèrent pincées d’amertume. Dire que si elle avait été un homme ou un de ces aliens, elle aurait pu convaincre les deux salopards qui gisaient par terre de condamner cette foutue entrée.

- Mauvaise nouvelle. L’eau monte. Le chemin par lequel on est venu est complètement encombré, et plus bas y’a nos amis enragés qui sont en train de remonter à la nage. On se tire. On verra plus tard pour la mission.

On avait un code pour ce genre de situation, tu te souviens ?

Mieux valait ne pas se souvenir.






Il lui sembla qu’elle se noyait désormais. Elle avait un vague souvenir de progresser dans l’eau torrentielle qui montait depuis le niveau inférieur, de Hope qui avait fini par la porter. Et elle était maintenant acculée à une échelle, grelotante et pétrifiée par la douleur qui pulsait dans son omoplate droite.

- Allez, Dana. Va falloir grimper. Allez,

Elle attrapa le barreau suivant et commença à se hisser. C’était pénible. C’était impossible. Elle songea à ces deux inconnus qui dans la pénombre de la mort l’avaient aidé à grimper, persuadés qu’elle allait mourir, mais convaincus qu’elle avait peut-être une chance de s’en sortir. Ils devaient être morts. C’était tout le bien qu’elle leur souhaitait, parce que s’ils n’étaient pas morts, cela signifiait qu’ils étaient devenus des créatures à leur tour. Son pied glissa, elle serra les dents et dans une exclamation de rage fit l’effort de monter encore. Elle n’avait parcouru qu’un seul petit mètre et il lui semblait qu’elle en avait déjà escaladé dix. Le sommet devenait inaccessible et elle allait se décourager quand un grognement familier les pétrifia tous les deux. Elle osa un regard vers le bas.

- Dana, monte. Monte vite.










BANG








BANG







BANG

Elle était à bout de force, mais frappait encore. Les sons résonnaient dans les ténèbres absolues, excitants les hurlements inhumains à dix mètres plus bas. Elle ne savait pas si ces créatures savaient monter une échelle, mais tôt ou tard, l’eau les porterait jusqu’à eux. Elle sentit Lloyd se presser dans son dos, entendit son souffle rauque et saccadé tout près de son oreille et il se mit à l’aider, frappant aussi contre ce qui ressemblait à une trappe métallique ou une écoutille. Ils cognèrent dessus à deux, jusqu’à ce que leurs phalanges deviennent rouge de sang. Jusqu’à ce qu’enfin l’obstacle céda et qu’ils puissent émerger à la surface. L’air, même pollué, fut salvateur. La terre, même froide et dur, fut à l’image d’un lit dans lequel elle eut envie de s’étendre pour se laisser aller au sommeil, mais il ne fallait pas. Toujours à deux, pris du même réflexe, partageant la même peur, ils refermèrent la lourde écoutille pour que rien d’autre ne sorte après eux.

Elle recula ensuite, rampant sur sa croupe, les cheveux humides plaqués à son visage. Frey, la cabine, les canalisations. Elle roula sur le côté et régurgita un maigre repas prit en journée, dans sa chambre d’hôtel.

-Pourquoi il était encore en vie ? souffla-t-elle vers Lloyd, d’un ton bas.

-POURQUOI IL ÉTAIT ENCORE EN VIE ? hurla-t-elle la seconde suivante.

Elle parlait d’Alopseno. La mission sur Artorias. Le ménage aurait dû être fait. Ce n’était pas le genre de l’Inquisition de rater un gibier qu’on lui avait expressément désigné. A moins qu’on ne l’eût pas désigné, justement. Elle se jeta sur le hapien. Elle ne sut comment ses forces lui revinrent pour ça. Elle s’était précipitée sur lui, la rage au ventre, les yeux inondés de larmes brûlantes. Elle s’était mise à califourchon sur lui et l’avait attrapé fermement par le collet.

-Il a failli me tuer !

Mais tu es encore en vie.

-Il a failli me tuer à cause de tes conneries ! T’es qu’un con Lloyd !

Mais il n’a pas réussi, et à cause de tes conneries, je suis encore là. Elle ne vociférait plus que dans sa tête. Dans la réalité, sa poigne autour du col de Lloyd avait faibli et elle le secouait mollement, à bout de forces. Elle avait sans doute tort de lui reprocher ça. Après tout, n’avait-elle pas décidé d’épargner Jonas également ? Mais voilà où menait la compassion. Runà avait raison. Elle avait manqué de discernement. Ca ne devait plus arriver. Elle avait presque atteint son objectif, si seulement cette saleté de traître artorien n’était pas intervenu. Elle aurait éliminé cette misérable togruta et elle se serait occupé des clandestins du camp.


Lloyd Hope
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- Dana… Arrête.

Le froid mordait leurs corps entremêlés, dégoulinant de pluie. Lloyd revoyait encore la poitrine d’Alopseno percée par ses propres tirs de blasters. Le twi’lek s’était effondré dans l’eau avant de se relever, comme ses échecs poursuivaient le hapien malgré sa fuite perpétuelle.
Il y aurait bien un jour où il faudrait faire face à ses fautes.

- Dana, arrête.

Elle le secouait par le col et il se laissait faire, protestant mollement. Il contemplait, frappé de consternation, le visage abimé de l’humaine, comme s’il ne l’avait pas vue dans le bunker. L’impact du marteau au coin de son front. Ses yeux furieux. Sa joue enflée. Ses cheveux dégoulinants. Ses vêtements à demi arrachés. Comment en étaient-ils arrivés là ? Pouvaient-ils autant répéter leurs échecs ? Il avait l’impression que c’était lui qui leur avait infligé tout ça. Les blessures de Dana lui parurent brusquement insupportables à regarder.

Lloyd attrapa les poignets de Dana pour la faire lâcher. Elle n’avait pas la force de résister. Il la repoussa sur le côté sans ménagement et se dégagea pour se relever, la laissant choir dans la boue. Le hapien tituba sous la pluie, son regard se relevant sur les fumées du camp à quelques dizaines de mètres d’eux. Ils étaient en lisière de forêt. Il retomba à genoux, épuisé. Il contemplait l’eau qui ruisselait devant lui. Il entendait au loin quelques cris. On se battait probablement encore autour du bunker.

Ils vont tous mourir de toute façon. Il avait été envoyé pour empêcher la propagation du virus découvert sur le Stonx, et qu’était-il en train de se passer ? Le virus se propageait par un camp de clandestins qu’ils avaient été incapables de détruire. Par pure faiblesse. Quel échec. Après le résultat pitoyable de ses tests sanguins, après s’être presque prostitué pour sauver la face, après avoir défailli devant une putain de gamine twi’lek, après avoir menti dans un rapport impérial.
Tout ça pour quoi ? Pour condamner peut-être une ville entière à un virus ? Par simple faiblesse ? Il savait pourtant que ses missions nécessitaient des sacrifices. Il avait été tellement stupide.

Il y aurait bien un jour où il faudrait faire face à ses fautes.
S’il ne faisait pas face aujourd’hui, non seulement la ville entière risquait la contamination, mais en plus Orcus et Runà en feraient porter le chapeau à Dana. Quant à lui, sa survie dans l’Empire ne tiendrait plus à grand-chose non plus après un fiasco pareil.

Il ne pouvait pas abandonner. Il faudrait faire le sale boulot.

Quand Lloyd revint vers Dana, le froid l’avait quitté. Il sortit en marchant vers la Sith son blaster, et son pic vaguement rincé du sang accumulé un peu plus tôt. Il s’arrêta près d’elle, debout et armé. Il la toisait d’en haut comme on s’apprête à achever un ennemi déjà abattu.

- Ton maître avait raison.

Ces mots lui avaient brûlé les lèvres. Il entendait dans sa tête les gémissements lascifs de la miraluka. Ses ordres pendant l’acte. Auxquels il s’était soumis. Il voulait gerber. A la place, il vomissait son amertume par les mots, scrutant Dana d’un air sombre.

- Tu aurais dû dénoncer Jonas. J’aurais dû dénoncer Alopseno. On aurait dû buter tout le monde dans ce camp, sans même prendre de précautions pour les regrouper ni rien. Juste les exécuter. Qu’est-ce qui va se passer maintenant ? Ils vont devenir des contaminés. Ils étaient condamnés depuis le début. La meilleure chose qu’on aurait pu faire, c’était leur épargner ça.

Son regard se reporta vers le camp. Il resta un moment, là, silencieux, à regarder les volutes de fumées monter vers le ciel, persistant à travers les rideaux de pluie. Il déglutit.

- Maintenant qu’on sait que c’est le virus, c’est redevenu ma mission. Tu m’excuseras, j’vais finir mon taff.

Sous-entendu : t’es pas obligée de m’accompagner. Mais il avait mieux pour s’assurer qu’elle ne le suivît pas dans le processus glauque dans lequel il allait se lancer.

- J’ai épargné Alopseno et c’est à cause de moi que tu as failli mourir. Et je nous ai mis en danger plusieurs fois pendant cette mission et la précédente. Et dans le tombeau sur Korriban, je t’ai sauvée parce que j’avais pitié. Et j’ai couché avec ton maître rien que pour t’faire chier.

Si avec ça, elle avait encore envie de le suivre... ce serait pour le tuer.

---------

---------

---------Il tirait entre les deux yeux dès qu’il trouvait quelqu’un. Si c’était un groupe, il projetait la Force pour les affaiblir, le temps de viser avec le chien de son arme. Les corps tombaient. Il vérifiait qu’ils étaient bien morts en posant ses doigts sur la gorge des clandestins, les uns après les autres. Les survivants, il leur enfonçait rapidement sa pique dans le cœur ou sous le menton, l’orientant vers le cerveau.
Il ne savait où il trouvait cette énergie glaciale, qu’il n’avait pas eue au début de la mission. La haine, le dégoût de soi aidaient. Quand il se sentait sur le point de renoncer, il repensait à Alop. A Jax. A Cassandra. Cela nourrissait l’exécration qu’il avait de lui : il les avait tous tués, plus ou moins directement. Ou alors, il repensait à Darth Runà. A ce qu’en aurait pensé Mat’. A la honte de sentir encore la sueur de la miraluka sur sa peau quand Dana avait compris ce qui s’était passé.
Aux jambes écartées de Dana, qu’il avait laissée en proie aux ennemis au fond du bunker.

Les chiens allaient venir, et le dévorer. Qu’ils fassent donc.

Ils ne vinrent pas. Où étaient-ils ?

Quand Lloyd arriva à l’entrée du bunker, il avait laissé sur son chemin une vingtaine de cadavres. Tous des civils sans défense qui n’avaient pas pu entrer au bunker. Y compris quelques enfants.
Les portes blindées du bunker avaient été fermées, barricadées par des grands tonneaux remplis d’eau et d’autres caisses. Jack n’était plus là. A la place, il y avait plusieurs des types qui les avaient cueillis dans leur abri de fortune au début de la nuit.

- Hé ! Ho ! T’es qui toi ! l’interpela une voix.
- Un survivant ! leur cria-t-il. Les impériaux entrent dans le camp. Je me suis battu avec eux. Ils sont en train de buter tout le monde.

Les membres du gang échangèrent des regards inquiets.

- Lâchez les chiens sur les flics avant qu’il ne soit trop tard !
- Trop tard pour les chiens. Le chef et les chiens sont à l’intérieur.
- Dans le bunker ?
- Oui, c’est encore l’endroit le plus sécurisé, même si le niveau inférieur est fichu, une inondation…
- Et vous alors ?
- On est censé rouvrir quand ce sera terminé.
- Vous vous êtes fait baiser.
- Quoi ?
- Le chef vous a condamné : il pense s’enfuir, vous êtes juste un obstacle sur le chemin des impériaux.
- Ta gueule.
- Comment tu l’sais ?
- Vous verrez bien.

Deux des membres du clan se réunirent en conciliabule. Lloyd en profita pour se rapprocher et les compter. Ils n’étaient que quatre. Visiblement, ils ne l’avaient pas reconnu. Probablement que son visage devait être tout aussi mal en point que celui de Dana.

- On va s’armer, déclara soudain celui qui semblait détenir l’autorité. Nebb, Koari, allez chercher des grenades et des fusils à la planque !

Lloyd regarda les deux individus se détacher du groupe et partir vers l’un des taudis. Il grimpa le chemin restant jusqu’au bunker, puis rechargea son blaster.

---------

---------

---------Après avoir nettoyé cette zone, Lloyd avait suivi les deux autres clandestins dans la planque. Morts aussi. Il avait mis la main sur les détonateurs thermiques, les avait rassemblés dans une couverture humide, et les avait ramenés devant le bunker. Il passa la couverture sur son dos, nouée autour de son cou, et escalada le bâtiment.

Le toit du bâtiment était très étroit. Il n’en dépassait que quelques mètres carrés, le bâtiment étant principalement une structure souterraine. Il trouva néanmoins ce qu’il cherchait : deux petites colonnes dépassaient de chaque côté de la structure de béton, comme de petites cheminées. Ca n’en était pas : c’était le système d’aération.

Il délogea le petit chapeau du conduit à coup de pieds, et regarda à l’intérieur : il n’y avait même pas de filtre. Le bâtiment était ancien. C’était parfait.

Il alla décapiter l’autre conduit de la même manière. Il retira le pull d’Hébir qu’il portait toujours, boucha l’une des entrées à l’aide de ce vêtement mis en boule. Puis il revint vers le premier conduit.

Un détonateur dans une main, la couverture dans l’autre.

Bip.

Il lâcha le détonateur dans le conduit et enfonça la couverture du mieux qu’il le put.

Le détonateur dégringola un long moment avant qu’enfin, il perçut la détonation. Le sol vibra étrangement sous ses pieds. Il attrapa un autre détonateur et retourna au second conduit. Retira le pull, activa le détonateur, le lâcha dans le conduit, le reboucha.

Et il recommença jusqu’à n’avoir plus de détonateur thermique.

Et voilà comment on asphyxiait les habitants d’un bunker.

---------

---------

---------Quand Lloyd redescendit du toit, sa tête bourdonnait désagréablement.

Il glissa dans la boue au pied du bunker, atterrit en éclaboussant ce qui lui restait de vêtements. Il se retrouva assis ainsi. Il ne voyait pas l'intérêt de faire des efforts pour se relever. Ses bras nus étaient encore marqués des blessures de l’immeuble. Ici le verre qui avait éraflé son avant-bras quand il avait grimpé dans la cage de l’ascenseur, là la brûlure de l’atelier qui s’embrasait. Ailleurs, la griffure des ongles de Maître Runà.

Quelle importance ? Il était assis sur un tombeau. Il regardait dans le vide. Il était le vide.
Darth Hope
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L’ombre de Lloyd la recouvrit, alors qu’elle était défaite à terre et gisait dans un lit de boue. Elle s’appuyait fébrilement sur ses mains pour résister à l’envie de s’étendre de tout son long afin de ne faire plus qu’un avec le sol. Elle était épuisée.

- Ton maître avait raison.

Elle ne le regardait pas, mais elle l’entendait parfaitement. Elle aurait aimé qu’il l’achève réellement, qu’il lui ôte la vie comme il la lui avait sauvée. Non. Elle aurait aimé ne pas survivre à Korriban. Elle se sentait tellement misérable.

- Tu aurais dû dénoncer Jonas. J’aurais dû dénoncer Alopseno. On aurait dû buter tout le monde dans ce camp, sans même prendre de précautions pour les regrouper, ni rien. Juste les exécuter. Qu’est-ce qui va se passer maintenant ? Ils vont devenir des contaminés. Ils étaient condamnés depuis le début. La meilleure chose qu’on aurait pu faire, c’était leur épargner ça.

La ferme…s’entendit-elle penser. Ne me dis ce que j’aurais dû faire. Parce que j’aurais dû te tuer, depuis longtemps. J’aurais dû t’empêcher….

De te développer comme une tumeur maligne au sein de mon existence. Elle aurait dû l’empêcher de devenir ce fardeau qu’elle subissait constamment et qui la ballotait perpétuellement vers les pires décisions de sa vie de Sith. Pour une fois, elle avait vraiment envie de pleurer, mais les larmes ne coulaient pas. Par elle ne savait quel miracle, ses yeux demeurèrent désespérément secs. C’est parce que tu manques de passion, Dana.

- J’ai épargné Alopseno et c’est à cause de moi que tu as failli mourir. Et je nous ai mis en danger plusieurs fois pendant cette mission et la précédente. Et dans le tombeau sur Korriban, je t’ai sauvée parce que j’avais pitié. Et j’ai couché avec ton maître rien que pour t’faire chier.

C’était comme si la pique qu’il tenait en main venait de lui transpercer la gorge. Il y eut un picotement dans sa trachée alors qu’il s’éloignait. Une volonté de parler, peut-être, ou de pleurer. Mais ce fut autre chose qui franchit ses lèvres. Un cri vibrant de rage remplaça la présence de Hope.






Sais-tu combien de personnes clignerait de l’œil si tu mourrais ?
Aucune. La réponse est : aucune.

Etendue à terre, les lèvres entrouvertes, la gorge brûlante, elle fixait l’horizon enfumé de pourpre. Elle entendait les bruits lointains, rumeurs de morts et d’incertitudes. Ses yeux brillaient tellement dans la pénombre de l’aube prochaine qu’ils paraissaient vous voir depuis un autre monde.

C’était visiblement le chat de la domesticité et il s’était rendu compte de l’intrusion d’un inconnu sur son précieux territoire. Il leva sa petite gueule poilue vers Hope, lui dévoilant ses yeux aussi ronds que des billes dont la couleur jaune éclatait comme depuis un autre monde.

Elle ferma les yeux et la bouche, crispa ses muscles douloureux et fit l’effort pénible de se relever. Il était temps d’accepter que la vie n’avait plus vraiment de cadeaux à offrir. Un vent à l’odeur immonde se leva et percuta les lambeaux de sa robe. Il mit à vif les plaies récentes, raviva celles du passé et elle scruta l’horizon du camp Piya.





Darth Runà croisa ses jambes sous sa robe élégante. Elle sirotait du vin artorien qui possédait la saveur délicate de l’ironie. Sa main libre se promenait le long de sa propre gorge alors qu’elle était pensive. Le manoir était silencieux à cette heure avancée de la nuit, à la croisée des chemins entre l’astre solaire et les nombreuses lunes. Elle s’interrogeait sur Dana. Avait-elle fait le bon choix ce jour-là, en la tirant des ruines de Gravlex Med ? Était-elle vraiment la fillette qu’elle avait aperçu en vision ? Ne s’était-elle pas trop précipitée en la prenant sous son aile ? Elle se demandait encore si Dana Shar avait ce qu’il faut pour les ambitions de la miraluka.

-J’ai peut-être été trop sévère…soupira-t-elle avec lassitude. Mais cette enfant ne comprendra donc jamais.
-Vous n’avez qu’un mot à dire, et j’en m’occupe. Dana Shar est une plaie. Et elle n’est pas digne de votre enseignement, ni de l’enseignement de ces aïeuls. Son lignage est corrompu. Dame Tiamat l’a compris avant vous.

La voix glaciale d’Orcus avait vibré dans l’air réchauffé par le foyer.

-Votre amertume occulte votre jugement Seigneur Orcus, sourit-elle.
-Un jour elle échappera à votre contrôle. Comme Damaya a échappé au mien.C'est ce que font tous les chiens dont on ne raccourcit pas la laisse
-Vous vous étiez épris de Damaya Shar n’est-ce pas ?

Silence. Runà apporta le verre de vin devant ses orbites bandées, comme si elle pouvait admirer la danse du breuvage au creux de la coupe.

-Il y a des choses que je vois grâce à la Force. Peu importe, l’effort que les gens mettent à cacher ces choses, en pensant qu’elles sont invisibles aux yeux de ceux qui voient.
-Quelle importance. Laissez-moi vous débarrasser de Dana Shar.

La miraluka se releva doucement et déposa avec précaution sa boisson sur la table. Elle fit face à la montagne de glace noire qu’était Orcus.

-Le temps où elle n’était qu’une élève terrorisée à Korriban est révolu, Seigneur Orcus. Elle est devenue mon apprentie sith. Qui vous dit, que vous pourrez vous en débarrasser si facilement. C’est m’insulter.
-Ce n’est pas ce que je sous-entendais.
-Ce que vous sous-entendiez était un fantasme de vengeance grotesque. Dana est différente de son aînée.

-Vous vous trompez. C’est exactement le même genre de petite traînée. De traîtresse à la cause Sith. Cette mission sera un échec. Dont vous prendrez seule la responsabilité devant les autorités de Kaas City.

Elle poussa un nouveau soupir avant de sourire. Lui ne manquait pas de passion. Elle la sentait encore vive et brûlante, toute acquise à l’image passée de Damaya.







J’emmerde Maître Runà.

Elle marchait vite. La souffrance n’avait plus d’importance. Les taudis s’enchaînaient alors que la colère montait toujours davantage en elle. Des ombres se terraient derrière les taules. Plongée dans l’Obscurité de la Force, Dana les sentait - terrorisées et faibles. Mais elle n’était pas venue pour elles. Elle suivait un fil cramoisi qui vibrait faiblement dans les ténèbres. Elle s’y accrochait avec rage pour le remonter.

J’emmerde Lloyd Hope.

Elle émergea devant l’abri, auréolée des fumées que la pluie rabattait dans son dos. La haine déformait ses traits faciaux habituellement prétentieux. Et ses prunelles intactes fixaient la silhouette du hapan, assis devant les portes. Derrière elle, de rares survivants formaient des masses informes et sombres, à l’image de fantômes. Ils avaient encore espoir de rentrer dans le bunker. Peut-être avaient-ils simplement l’envie de se rassembler non loin de ce qui représentait la plus grande chance de survivre aux Impériaux. La garde impériale avait resserré son cordon de fer autour du camp et ils préféraient le gang de criminels à la cruauté des autorités siths.

Le silence était total mais si l’on tendait bien l’oreille, on pouvait les entendre. Ceux qui mourraient dans l’abri. Ceux qui étaient déjà morts mais qui se relevaient peut-être. On pouvait ouïr leurs échos sinistres et sourds. Dana, elle, n’écoutait qu’eux et ils la galvanisaient dans sa volonté de détruire. Elle tendit le bras vers Lloyd et invoqua la Force.

-Tu es sur mon chemin.

Tu l’as toujours été, répéta-t-elle en silence.

Et elle usa de son don pour la télékinésie afin de le pousser loin des portes du bunker.

Elle leva alors son autre bras et concentra son énergie sur l’entrée scellée. Nul besoin d’être prophète pour comprendre ce qu’elle voulait accomplir. Et si elle réussissait qui sait ce qui se déverserait dans ce camp maudit. Elle avait l’impression que quelque chose était irrémédiablement brisé en elle, mais elle n’arrivait pas à comprendre quoi. Cette incompréhension amenait plus de souffrance, éclatait la brisure en milliers d’éclats. Elle s’abandonna à la Force, sachant que le tribut à payer serait lourd. Mais c’était ce qu’elle voulait. Les portes se mirent à trembler sous sa volonté, mais elles résistaient. Elle n’était pas encore assez forte. Elle se mit à crier. Et son cri sembla invoquer l’image de Luis Raidun, le visage marqué de surprise et de rage après qu’il l’eut entendu soupirer le nom de Lloyd au creux de ses bras. Elle se remémora le coup qui avait suivi, et les nombreux autres. Elle tendit davantage ses bras, banda ses muscles, comme si elle poussait physiquement ces foutuesportes. Ces dernières tremblèrent plus fort. Et elle hurla davantage parce qu’elles refusaient toujours de s’ouvrir. Et son hurlement vibrait d’une multitude d’états d’âme : l’immense tristesse, la colère incontrôlée, la souffrance indicible, la déception amère, le dégoût insupportable. Tous ces sentiments se confondirent avec leurs souvenirs respectifs : Son front désespéré contre celui de Hope, sur le toit du 2331 district 40-9, la photographie de la Twi’lek, sa main qui tenait celle du hapan au fond de la cellule de quarantaine…la vision du grand lit défait.


Autour des gonds, le métal se déforma, pressé par la Force, tordu par une volonté noire. Les portes ne cédaient pas encore ce qui énerva davantage l’Inquisitrice. Elle insista, contre l’avis de son corps, de son mental et de son épuisement général. De ses narines coulaient du sang. Elle souhaitait que ce soit la fin de tout. Que la Force la brise s’il le fallait.

Et dans le tombeau sur Korriban, je t’ai sauvée parce que j’avais pitié.

Les portes s’entrouvrirent dans un grincement sordide, juste de quoi laisser passer une fumée blanche et chaude provoquée par les nombreuses détonations internes. Dana tomba à genou, comme un automate que l’on coupait de sa source d’alimentation, et tout s’arrêta. L’entrée du bunker était déformée, légèrement entrouverte. Il n’en fallut guère plus pour que tous ces gens tapis à l’ombre des taudis, ne se précipitent dessus, rongés par l’espoir de s’abriter. Ils n’eurent même pas la délicatesse d’enjamber les carcasses qui gisaient au sol, mais les piétinaient. Il y avait désormais une quinzaine de personnes qui poursuivaient l’œuvre de la Force en tentant d’ouvrir plus grand les portes.

Et j’ai couché avec ton maître rien que pour t’faire chier.

En plus d’être un con, t’es un menteur.





-Elle a fait quoi ? s’étonna Runà alors que l’hologramme du Commandant Junoh flottait paresseusement au-dessus du socle d’un communicateur.
-Elle s’est attaquée au Capitaine Hope, et a forcé l’ouverture de l’abri, répéta-t-il d’une voix neutre.

Si la miraluka avait eu des yeux, elle les aurait clignés plusieurs fois de surprise.

-Doit-on intervenir ?
-Non. L’Inquisitrice Shar a encore quelques heures pour mener à bien sa mission.
-C’est un peu l’anarchie dans le camp. Et tout le monde n’est pas encore mort.
-Ne bougez pas avant la fin des opérations.
-Bien.

La communication fut interrompue et elle éructa de triomphe. Le problème Lloyd Hope semblait enfin réglé Ce verrou que Dana portait comme un obstacle autour de son potentiel avait peut-être sauté. Son petit plan avait visiblement fonctionné. Elle les avait divisés, comme un on divise un peuple, pour mieux le conquérir.




Lloyd Hope
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Lloyd sentit la taule percuter son corps avant de comprendre ce qui venait de se produire. Quand Dana avait levé les mains vers lui, il avait pensé qu’elle allait s’attaquer à lui plus directement : des éclairs ? ou bien allait-elle l’étrangler ? Mais non, elle l’avait envoyé dans le décor comme une vulgaire poupée de chiffon.
Il roula dans la boue en suffoquant après l’impact. Il essaya de se relever maladroitement, mais il glissait. Quand il parvint à tenir debout et se retourner, persuadée que Dana allait l’attaquer encore, il entendit son hurlement de rage.

Les portes cédèrent. Il resta planté là, à regarder la fumée blanche et le métal épais déformé par la Force. Ses yeux allèrent jusqu’à la silhouette à genoux et il se laissa choir de nouveau, dans la lumière d’un airspeeder dont le projecteur balayait les taudis.

Dana était en effet devenue une vraie Sith.

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--------Des clandestins, survivants du passage de Lloyd, se précipitèrent vers le bunker. Ils ouvrirent davantage les portes, qui crachèrent davantage de la fumée blanche. Ils renoncèrent bientôt à entrer : l’air du bunker était complètement vicié.
Les cris des clandestins tirèrent Lloyd de sa stupeur : probablement se retrouvaient-ils face à des cadavres et des mourants, ce qui provoquait leur désarroi.
Qu’il y ait encore des silhouettes errantes signifiait qu’il n’avait pas terminé le travail. Il se releva comme un automate, puis il tira son blaster. Lloyd tituba vers le bunker et dès qu’il fut à portée, s’arrêta pour viser.

Il tira dans le dos d’un clandestin. Celui-ci s’effondra, les autres s’affolèrent. Il essaya de les viser mais ils gigotaient dans tous les sens. Ils ne lui facilitaient pas la tâche. Les ombres disparurent, se cachèrent dans les taudis. Lloyd allait tenter de les suivre, lorsque des grognements émergèrent subitement du bunker.
Le hapien se tourna vers l’ouverture, sourcils froncés. Etait-ce un contaminé ? Il leva son blaster vers l’entrée. Un chien en émergea. Au moment où il vit le regard de la créature, il comprit : ce n’était pas juste un chien survivant.
C’était le virus.

Clac. Clac. Clac.

Le canon de son blaster émettait un son sec sans réagir.

Plus de cellule d’énergie.

Lloyd fit un pas en arrière. La bête s’intéressait au cadavre du clandestin encore agonisant sur les débris. Quand la gueule croqua la gorge de celui-ci, Lloyd se retourna pour fuir. Ses jambes lui paraissaient molles et sans vie.

Derrière lui, Dana était toujours à genoux. Son nez avait saigné. Ses yeux étaient si vides qu’on aurait pu la croire contaminée elle aussi. Le hapien resta interdit, à la regarder bêtement, quand d’autres grognements et aboiements surgirent.

La meute. La meute entière. Contaminée ?

- Faut pas rester là. Relève-toi.

Il n’attendit pas qu’elle réagisse. Il passa ses mains sous les épaules de Dana et la força à se relever. Elle ne tenait pas debout. Il la ramassa pour la porter comme il l’avait fait dans l’inondation. Il était épuisé et titubait sous son poids. Il ne pourrait pas aller loin.
Ses yeux cherchèrent une solution. La planque.

Il les enferma tous les deux dans l’abri où se trouvaient les armes au moment où les chiens commençaient à faire exactement son travail : à savoir déloger les clandestins encore vivants pour les détruire. Mais ils leur transmettraient aussi le virus. Parfois, on entendait un cri de souffrance, puis plus rien.

En fouillant la planque, il mit la main sur quelques armes. Il n’y avait plus de détonateur thermique. Mais il trouva un fusil blaster en bon état, chargé, et il le tira des couvertures. Il sursauta quand au-dehors, des chiens contaminés se jetèrent sur la porte qu’il avait barricadée à la hâte.

Lloyd recula en positionnant son arme vers la porte, prêt à tirer si celle-ci cédait.

- Pourquoi t’as fait ça ? Pourquoi t’as rouvert ! gémit-il.

Et dire qu’il avait presque terminé la mission. Maintenant, si les chiens attaquaient les policiers… La situation deviendrait incontrôlable. Il imaginait déjà la planète entière décimée, comme le Stonx.

Lloyd se laissa choir à côté d’elle, son arme contre lui. Epaule contre épaule, comme dans la cellule du poste de police, la veille. Les doigts tremblants du hapien, plein de sang et de boue, fouillèrent son pantalon. Il en extirpa un petit cylindre. Pas un briquet. Il enclencha le petit bouton du comlink, sur la fréquence des policiers et le porta à ses lèvres.

- Ici le capitaine Hope et l’Inquisitrice Shar. Il faut condamner le camp. Je répète, il faut condamner le camp. Ce bunker et le camp dans son intégralité doivent être détruits. Je demande une frappe aérienne. Cramez-moi tout ça.

Voilà, ils allaient mourir. Il ne pensa pas à la photo de Mat'.

Ils restèrent longuement silencieux.

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- C’était pas vrai, Dana, putain. J’y ai pris aucun plaisir.

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Mais c'était certainement trop tard pour le dire. Elle était devenue une vraie Sith entre temps.
Darth Hope
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Les tentacules capillaires de la nautolan flottaient dans l’eau gelée. Ses yeux étaient fermés comme si elle avait trouvé un long sommeil. Ses bras maternels serraient fermement son enfant ; la rigidité cadavérique le permettait. L’eau était sombre et était partout autour d’eux. Quelque part, l’étage au-dessus, l’une de ses aînées reposait, étendue au sol – sans vie. Son visage portait les traces de celles et ceux qui l’avaient piétinée en tentant d’échapper à l’asphyxie. Des larmes étaient encore figées sur ses joues. Dans une pièce adjacente, la belle Taba reposait, dénudée, contre le torse d’un client. A quelques mètres plus haut, la grille d’aération par laquelle était tombée le feu du détonateur thermique. Et à ses pieds, les corps tordus de souffrance de ceux qui attendaient après ses faveurs.








- C’était pas vrai, Dana, putain. J’y ai pris aucun plaisir.

Un autre long silence plus tard et la voix de Dana perça enfin, basse.

-Je sais.

Je l’ai toujours su. Mais elle ne l’avait pas assumé par peur de ressentir l’amer goût de la culpabilité lui envahir la bouche comme il le faisait actuellement. Elle l’avait compris dès qu’il était sorti de ses gonds sur le perron du manoir, quand sa voix grondante avait percé le brouillard pour lui rétorquer qu’il n’était pas son régulier. Que c’était la première fois.

Pour lui, j’ose espérer que tu auras compris la leçon ce soir.

Encore une leçon de Runà, encore une mise à l’épreuve, encore un test. Lloyd Hope n’y était pour rien, il était temps de l’accepter.

-C’est de ma faute ce grand lit défait dans le Manoir de Runà. Mon unique faute.

Et elle avait cédé cet aveu sur le même ton qu’elle avait confié la véracité des derniers dires de Luis Raidun.

-Et il avait raison.

Elle fixait la porte contre laquelle le chien Kath grattait avec impatience, donnant de temps à autre une charge plus affamée. Heureusement, cet endroit cachait des armes, les portes étaient autre chose qu’une fine plaque de taule. Puis, elle leva ses yeux vers le ciel qui transparaissait entre les matériaux qui composaient un toit à la va-vite. Il s’illuminerait bientôt du déluge de feu que Hope avait réclamé aux gardes impériaux. C’était parfait.

-La première fois, j’ai soufflé ton nom pendant que je dormais, raconta-t-elle, le regard toujours aussi vide. Je lui ai dit que c’était mon père.

La note. Le papier. « Rechercher un Lloyd dans la famille de Dana Shar. Son père ? »

Un nouveau silence. Il aurait pu considérer qu’elle avait tout dit, mais il entendit encore sa voix.

-Quel genre de fille minaude le nom de son père quand un autre homme est en train de la posséder, hein ? Luis a compris à ce moment-là, que Lloyd n’était pas mon père.


Et j’ai ouvert ces portes par passion, répondit-elle en silence, avant de se prendre la tête entre les mains. L’épuisement la rendait fébrile. Je les ouvert parce que je voulais tout. C’était terrifiant. Elle eut un soubresaut qu’il put sentir contre son épaule. Dans les égouts, le choc, le traumatisme, la commotion, l’avaient empêché de parler. Elle avait conservé ses dernières forces pour le geste de tendresse visant à caresser la crinière blonde et poisseuse qui reposait sur ses cuisses.

Le camp Piya paraissait silencieux, mais il ne l’était pas. Quelques ombres murmuraient leur présence au travers ; depuis le bunker jusqu’aux ruelles boueuses. Lesquelles étaient vivantes ? Lesquelles étaient mortes ?

-Sur Korriban, dans le tombeau du Seigneur Dresh. Tu as eu pitié ? Tu n’es qu’un menteur.

Elle se mordit la lèvre pour ravaler la colère qui revenait.

-Si tu avais eu pitié de moi ce jour-là, tu m’aurais tué. Parce que j’étais faible et que les faibles ne survivent pas. Le seul acte de pitié que tu aurais pu m’accorder, était de m’achever. A la place, tu t’es occupé du plus fort, et tu as laissé le plus faible survivre.


Régler ses comptes avant de mourir, ce n’était finalement pas si mal. Mettre un peu d’ordre dans ce qu’il lui restait de vie. Payer sa dette aux démons du passé. Il aurait dû la tuer, elle l’avait toujours compris. Un autre sith l’aurait fait et tout se serait arrêté. Mais il a laissé la faible Dana en vie et par cet acte insipide, il lui avait permis de se lier à lui. Et plus le lien se renforçait, plus Runà la mettait à l’épreuve pour le briser.

-Maintenant, tu es faible à ton tour, souffla-t-elle. D'ailleurs, cela n'a jamais été ta mission.

Mais notre.

Lloyd Hope
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Il s’était attendu à devoir encaisser d’autres insultes. Mais ils étaient de nouveau en trêve.

- Je sais.

Comment ça, tu sais ?! Il ne comprenait pas. Lloyd tourna son visage pour regarder Dana, les sourcils froncés. Il fallait qu’il en comprenne quoi ? Qu’elle était à l’origine de ce petit manège ? Mais il resta silencieux pour écouter la suite. En l’entendant, il baissa les yeux, embarrassé.

Quelle idée saugrenue de donner son nom à Luis pendant que celui-ci la soumettait. Il ne savait guère quoi en penser. Si ce n’était qu’il avait l’impression d’être pris dans une toile d’araignée. Quand il était tombé dans celle de Darth Laduim, il avait appris à survivre. A prendre garde à chacun de ses gestes. A sauver ce qui pouvait l’être encore.
Mais en se rapprochant de Dana lors de sa mission d’Artorias, il était tombé dans une deuxième toile : celle de Darth Runà. Ils étaient tous deux pris au piège. Le mélange des deux toiles, pour lui, n’était pas bon du tout. Jamais il n’aurait dû sauver Dana dans le tombeau de Dresh. De quoi s'était-il mêlé ?
Il prit une inspiration, cherchant une explication. Pourquoi l’avait-il fait ?

- Non, ce n’était pas de la pitié. Je sais pas. J’ai fait ça parce que…

Il haussa les épaules. De l'eau s'infiltrait entre les matériaux du toit et gouttait en grosses gouttes sur sa nuque et ses épaules. Il tenait toujours contre lui le fusil blaster, leur dernier rempart si les chiens kath parvenaient à les atteindre avant la frappe aérienne.

- Je t’avais déjà croisée plusieurs fois. Tu travaillais dur. Tu trimais comme j’avais trimé. Il me semblait que tu avais plus de valeur que ce pauvre type. J’me souviens plus de son nom.

Lloyd regarda de nouveau la jeune femme. Faible à son tour ? Elle se trompait.

- Je n’ai jamais été spécialement fort, dit-il dans un souffle.

C’est bien pour ça qu’il était surveillé de près par son maître et probablement par le Clergé. Mais est-ce que cela avait encore la moindre importance ?
Il voyait le profil de Dana à travers ses cheveux humides. Il voyait le sang dans son cou, la boue sur ses vêtements. Ils faisaient peine à voir, tous les deux. Et mourir comme ça, comme deux bêtes acculées, c’était moche. Il méritait ce sort-là, avec tous les morts qu’il avait exécuté sans la moindre dignité, aujourd’hui et pendant tant d’années. Mais elle ?
Il tenta maladroitement de ramener un peu de gaieté dans leur conversation. Ils allaient mourir, mais elle pouvait peut-être ne pas mourir si triste ?

- Je suis peut-être un menteur. Mais toi tu es une voleuse, la taquina-t-il avec un petit sourire entendu.

Dana tourna aussi son regard vers lui et il tomba soudain dans ses yeux dorés.


Avec la même surprise que lorsqu’on manque une marche.


Leurs visages étaient si proches qu’il sentait le souffle de Dana effleurer le coin de ses lèvres.















- Négatif, Hope. Autorisation de frappe refusée par l’autorité locale.

Lloyd sursauta, rompant cet étrange contact visuel. Il fouilla sur lui pour retrouver le comlink qui venait de grésiller. Lorsqu’il le trouva enfin, il le ramena rapidement à ses lèvres.

- Quoi ? Comment ça, autorisation refusée ?!
- On n’a pas le droit d’intervenir avant le matin. Il vous reste deux heures.

Le hapien bondit sur ses pieds, fusil en main. Il fit deux pas vers la porte avant de se retourner pour jeter sur Dana un regard consterné.

- Mais alors ton Maître, c’est vraiment une salope !

Son exclamation trouva un écho au-dehors, deux chiens kath se précipitant de nouveau sur les portes de métal. Leurs griffes crissaient et leurs grognements n’avaient plus rien d’animal. Comment allaient-ils se débarrasser de tout ça sans une frappe aérienne ? Et ce qui venait de se produire, c’était tellement embarrassant. A quoi pensait-il ? Il fallait vraiment qu’il arrête de croire qu’il allait mourir à tout instant.

Lloyd se mit à faire les cent pas. Au passage, il donna un coup de pied dans l’un des murs, de frustration. La taule tomba, révélant un passage vers l’abri voisin. Le hapien regarda avec des yeux ronds cette petite trappe qui changeait un peu la donne par rapport à leur situation.

Il eut un instant d’hésitation, puis :

- Tu vas prendre de quoi te défendre, toi aussi. Regarde dans ces caisses.

Lloyd avait soulevé l’une des couvertures qui dissimulait la cache d’armes. Il sortit une arme de poing, la manipula quelques instants pour vérifier qu’elle fonctionnait bien, puis l’envoya dans les airs en direction de Dana pour qu’elle l’attrapât. Il réussit ensuite à dégoter un deuxième fusil, dotée d’une lanière qu’il se passa en bandoulière. Enfin, il mit la main sur un couteau, qu’il alla apporter à Dana. Après qu’elle eût récupéré l’arme, il lui tendit la main, pour l’aider à se relever, si toutefois elle l’acceptait.

- Allez, ta mission est pas finie, on se tire de ce mauvais coin.

Avant qu'on repense à la scène poisseuse de bons sentiments qu'on vient de se faire, toi et moi.





N’empêche, avoir couché avec Darth Runà pesait désormais moins lourd.
Darth Hope
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- Je suis peut-être un menteur. Mais toi tu es une voleuse/

La surprise figea son regard dans celui du hapan et il lui sembla qu’elle n’avait jamais remarqué que ses yeux étaient aussi verts. Leur proximité venait de le lui révéler et elle repensa à ce petit inventaire qu’elle avait chichement aligné comme un butin de guerre. Elle aurait aimé se justifier bêtement, lui répondre qu’elle avait fait pour sa Twi’lek, mais Mat’aenna avait soudainement disparu de ses préoccupations, tout comme les deux crédits, les cartes magnétiques, l’holographie fissurée du visage de Hope.

Elle étira un sourire également et il frôla celui de Lloyd, dans leurs souffles presque mêlés.

Ce n’était pas un rêve, mais le déclenchement soudain du comlink l’en tira aussi brusquement que lorsqu’on tombait du lit.




Dana avait accepté la main tendue, y glissant la sienne avec une fermeté résolue. Le mouvement réveilla son omoplate écorchée et elle serra les dents pour étouffer un geignement de douleur. Elle n’avait pas de grand espoir sur sa capacité à utiliser le blaster de poing. Elle ne savait qu’appuyer sur la détente, lorsque son canon était pointé sur un front immobile. Le visage des enfants d’Artorias parasitèrent brièvement son esprit. Mais le couteau, elle pouvait sans doute en faire quelque chose. Car après sa transe devant l’abri, il n’était plus question de puiser dans la Force.

Avant qu’il ne franchisse la trappe, elle lui empoigna le bras pour l’arrêter.

-Ce n’est ni ta mission, ni la mienne. Nous sommes là pour faire le sale boulot. Je peux encore me battre mais…

Elle baissa les yeux pour cacher un peu de la culpabilité qui y jaillissait. Elle avait ouvert ces portes pour se venger de Darth Runà, de Hope, du monde entier. L’Obscurité avait pris le dessus et comme tout bon sith, elle l’avait accueilli aussi chaleureusement qu’une amante.

-L’un de nous deux doit pouvoir continuer à utiliser la Force, c’est notre dernière carte à jouer. Certains siths peuvent…absorber l’énergie vitale. Je ne sais pas si tu en fais partie mais si c’est le cas et que tu n’as pas d’autres choix, va falloir te servir dans ce qu’il me reste de la mienne.

Elle s’interrompit, donnant l’impression qu’elle avait terminée, mais elle resserra sa poigne autour du bras hapien.

-Cette chose qu’ils font brûler. Il faut trouver la réserve et mettre le feu nous-mêmes à tous ça. Je te couvre toujours, Lloyd.

Ses doigts desserrèrent leur emprise. Elle en avait fini avec les mots. Place aux actes.




Ils connaissaient ces choses, maintenant. Elles les avaient surprises au 2331 district 40-9, mais ils savaient désormais se dont elles étaient incapables. La peur ne prenait plus. Le virus se transmettait par la salive, il suffisait de ne pas se faire mordre. L’immeuble avait laissé place au camp ouvert, ce qui arrangea grandement les affaires de Dana, dont la claustrophobie était une faiblesse en théâtre d’opérations clos. Elle avait noué ses longs cheveux humides en un chignon et s’était servi de la garde du couteau pour en faire tenir la structure lâche. En l’absence de poches dans cette robe miteuse, elle avait improvisé ce fourreau.


Elle marchait moins vite qu’elle ne l’aurait voulu. Son corps payait ses tours de Force passé, mais elle n’avait pas l’intention de se rouler en boule et d’attendre de nouveau la mort. De la lame d’Orzak sur Korriban, aux tirs de blasters d’Alopsno, en passant par ce coup de plasma quasi-mortel sur Gravlex Med. Elle ne savait plus combien de fois elle avait dû se préparer à rendre son dernier souffle. Elle ne comprenait pas comme elle avait pu survivre tant de fois alors qu’une seule lame Jedi avait réussi à abattre Damaya. C’était un sentiment d’injustice, un syndrome d’imposture qu’elle avait dû mal à digérer. Si sa sœur était encore en vie, ce camp serait déjà de l’histoire ancienne. Elle ne pouvait pas décemment foirer cette mission et prétendre partager son sang ensuite.

Un rugissement à moitié humain surgit de l’obscurité d’un taudis. Shar leva le pied et repoussa le contaminé d’un violent coup dans le thorax. Il recula de quelques pas, contrarié. Sa mâchoire pendait comme un collier à son cou, libérant un trou béant en bas de sa figure. Elle tendit son bras armé attendant une nouvelle charge. La créature se précipita sur elle, fut maintenue à distance par le canon qui pressait son sternum. Elle appuya sur la détente et il s’effondra. Ils ne se relèverait pas avant quelques minutes, il fallait avancer. Elle poussa un léger cri de douleur et plaqua une main contre son omoplate blessée. Cette dernière envoyait une décharge irradiante tout le long de son bras, jusqu’à la main qui tenait son blaster. Ses nerfs lui donnaient l’impression de se déchirer. Elle aurait bien fumé. Mais tout ce qu’elle avait était cette tunique horrible qui lui arrivait grossièrement à mi-cuisse et dont les manches s’étaient tirés depuis un bon moment.

Au loin, les aboiements des chiens Kaths retentissaient, mais ils semblaient résonner depuis l’opposé de leur position. Bonne nouvelle. Le duo sith se dirigeait plein Ouest. Lloyd s’était chargé, la plupart du temps, d’abattre ou de repousser les quelques créatures qui avaient pisté leur présence. Mais les affronter faisait du bruit et risquait d'attirer davantage de leur pair.

-Regarde ! dit-elle en pointant un taudis plus grand que les autres. Devant ses portes éventrées gisaient des fûts desquels se déversait un liquide de la même couleur que les fumées du camp. Mais le plus gros était à venir, il faudrait tracter les contenants pour en répandre le contenu à travers le camp, tout en se protégeant des survivants contaminés. Alors qu’elle l’aidait à redresser plusieurs fûts, le visage suant de souffrance, elle déclara :

-Les chiens !

Il eut un sursaut et regarda autour d’eux, prêt à les voir débarquer.

-Non, non, répéta-t-elle les yeux brillants d’excitation. Les chiens, et les contaminés, on peut leur attacher ces trucs au cul et les faire courir partout après nous…

Elle parlait vite parce qu’elle était essoufflée par la douleur.

-Il devrait bien avoir des câbles dans le coin, il suffira juste de les attirer.

Il suffira juste de les approcher et de leur attacher ça sans se faire mordre.

-Après tu auras juste à les allumer. Et j’espère que tu le feras mieux que quand tu dois m’allumer

Et parce qu’elle avait abaissé son visage pour relever un nouveau tonneau, il ne put voir le sourire amusé qui avait fleuri à ses lèvres blessées. Elle s’était remémoré l’arrière du landspeeder militaire, quand il avait dû s’y prendre à deux fois avant de réussir à embraser sa cigarra humide. Elle avait l’impression qu’ «Allume-moi » aurait pu être un très bon nom de code pour cette mission. Et elle se mit à rire, hoquetant légèrement de douleur entre deux souffles hilares. C’était aussi inattendu qu’étrange. Voir l'Inquisitrice Shar se mettre à rire dans des situations qui ne se prêtaient absolument pas était toujours déroutant.

Lloyd Hope
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- C’est sûr que j’suis pas un spécialiste de l’allumage comme toi, hein ?

Lloyd répondit au rire de Dana par un regard levé au ciel. Cette fille était folle. Ou bien elle avait pris un coup de marteau sur la tête, entre autres. Il était hors de question qu’il puisât dans son énergie vitale : il la tuerait peut-être.

Cela dit, l’idée de Dana était loin d’être aisée en pratique, mais il n’avait pas mieux. Il leur restait un peu moins de deux heures.

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--------Il avait fallu un long moment pour que Lloyd mît en place les pièges. Pendant ce temps, Dana avait monté la garde. Ils s’étaient interrompus trois fois pour régler leur compte à des contaminés et un clandestin encore sain d’esprit. En dehors de cela, tout était prêt : les fûts étaient disposés à différents endroits, orientés vers les ruelles que formait la disposition des taudis. A chaque fut, Lloyd avait attaché un filet, qu’il suffirait juste de faire passer dans l’encolure des chiens. Un pour chaque. Un jeu d’enfants. Lloyd avait commencé à accrocher les filets en hauteur grâce aux angles des taudis qui offraient souvent des matériaux plein d’anfractuosités. Lorsque les chiens passeraient à travers, ils les décrocheraient et emmèneraient les tonneaux avec eux. Le hapien termina son installation en perçant les fûts avec son pic. Un liquide épais et orange s’en échappait, d’une odeur persistante. Il veilla à ne pas s’en mettre sur lui, histoire de ne pas reproduire sa bêtise de l’embrasement de l’immeuble.
Bref, le piège était presque prêt.

Mais avant de commencer : mise en sécurité. Lloyd et Dana s’entraidèrent pour grimper sur le toit de l’un des taudis. D’abord le hapien, qui déposa leurs armes au centre du toit, puis Dana lui tendit les extrémités de cordes encore libre – ou plutôt les lambeaux de couverture – pour surélever au maximum les filets proches d’eux, puis il lui tendit la main pour l’aider à grimper à son tour. Tous deux se retrouvèrent en hauteur, avec une vue étrange sur un camp d’où s’échappaient des filets de fumées orange. Au sol, on apercevait des tâches d’ombre – les cadavres laissés au cours de leur aventure. Certains d’entre eux remuaient, dérangeant toujours profondément leur conception de la vie et de la mort.

Lloyd vérifia l’installation à vue d’œil, puis décida que vu le temps imparti, il ne pouvait guère faire mieux.

- Prête ?

Après avoir eu son assentiment, Lloyd porta deux doigts à sa bouche et se mit à siffler.

Fuuuuuuiiiit !


Encore.

Fuuuuuuuuuiiiit !


Les aboiements lui répondirent, ainsi que des grognements plus proches. Accroupis sur le toit pour ne pas trop se faire repérer, Lloyd et Dana regardèrent les ombres arriver de différentes directions vers eux. Des chiens, des créatures qui autrefois étaient humaines ou aliens. Le vacarme des aboiements et des cris d’un autre monde se rapprocha en moins d’une minute. L’instant d’après, un premier chien se prit dans un filet. Il l’arracha violemment de l’un des taudis, faisant même tomber une paroi en l’emportant avec lui. Très vite, il fut de nouveau obnubilé par son attaque et fonça vers le taudis sur lequel Lloyd et Dana étaient perchés, genoux fléchis, prêts à bondir et à fuir. Le chien kath ne parvint pas à les atteindre. Il bondissait en faisant claquer ses dents impressionnantes à moins d’un mètre d’eux, mais il retombait toujours en glissant le long de la paroi de métal.

Un deuxième chien accourut. Le filet céda. Raté.

Un troisième. Le filet se décrocha parfaitement et il emporta le fût avec lui, vers eux.

- Dana ! On se rejoint ici, tu pars au sud, moi au nord, et on fait le tour du camp par les toits, compris ? On se retrouve exactement ici !

Il attendit qu’elle se mît à courir et que plusieurs chiens la suivissent. Il retint son souffle lorsqu’il la vit légèrement déraper, mais Dana trottinait de toit en toit. Les trois chiens la suivaient. Le liquide orange se répandaient en s’éclaboussant follement.
Allez, c’est la dernière épreuve, songea-t-il.

Fuuuuuuuuuiiiit !


D’autres chiens arrivèrent. Certains activèrent les pièges, d’autres non. Un humanoïde se prit dans un filet et tomba mollement sur un fût. Lloyd attendit que suffisamment de fûts fussent accrochés pour se mettre à courir lui aussi.

L’exercice était périlleux : les toits étaient glissants à cause de la pluie. Il courait, sautait, sans trop presser pour ne pas que les chiens perdissent sa trace.

A un moment, son pied traversa l’un des toitures. Il s’effondra à demi dans l’un des taudis, aussitôt pris d’assaut par les chiens. Il sentit quelque chose tenter d’attraper sa botte et aussitôt, les images du conduit du turbolift lui revinrent en mémoire. Ferks qui essayait de l’attraper. La petite Twi’lek qui le toisait de ses yeux vides.

Non, bordel, pas maintenant.

Lloyd s’arracha à la noirceur du taudis pour émerger de nouveau sur le toit en catastrophe, s’égratignant au passage les jambes sur les aspérités des morceaux de métal tranchant ; mais c’était bien le cadet de ses soucis.

Il reprit sa course folle, ne s’arrêtant que pour jeter un œil de temps à autre au bon déroulé du plan. La répartition du liquide était inégale mais ça ferait bien l’affaire.

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--------Lloyd dérapa, manquant de tomber une nouvelle fois en revenant au premier plateau, à quelques pas du bunker, où Dana et lui s’étaient quittés. Il n’y avait plus qu’un chien kath qui l’avait suivi : les autres avaient été semés, soient parce que le fût les gênaient trop, soit parce qu’ils s’étaient intéressés à une autre proie en chemin. Celui qui restait se trimballaient vaillamment un tonneau vide qui tintait étrangement à chaque fois que l’animal enragé tentait un nouveau sain vain pour l’atteindre.

Lloyd reprenait son souffle quand il vit enfin Dana arriver aussi le rejoignant par le côté où il était lui-même parti un bon bout de temps plus tôt.

- Viens là, ce plateau est plus solide, indiqua-t-il à bout de souffle.

Elle était encore plus épuisée que lui. Son exploit de rouvrir les portes à l’aide unique de la Force l’avait vidée, et il se rendait bien compte qu’elle n’allait plus tenir. Il la réceptionna en la tenant pour lui éviter une chute due à la fatigue.

- Allez, c’est l’heure du feu d’artifice.

Ils n’avaient plus le temps. Lloyd s’empara du fusil blaster laissé sur le toit, et visa une traînée orange. Le trait d’énergie percuta le sol et projeta une gerbe d’étincelles. Le liquide s’enflamma aussitôt.


--------Le camp s’illumina progressivement. Les flammes réchauffèrent l’atmosphère, et les fumées orange s’intensifièrent. Les volutes se reflétaient dans leurs yeux. Dans d’autres circonstances, le spectacle aurait pu être magnifique. Mais c’était sans compter les centaines de cadavres qu’ils avaient autour d’eux et dans les parties souterraines du bunker.

Des abris s’effondrèrent. Des hurlements, des gémissements. Ils virent un chien kath rôtir vif et échouer sa course douloureuse jusqu’au pied du taudis qui leur servait de promontoire.

Au bout d’un moment, le spectacle fut entièrement recouvert d’un épais voile de fumée, et les flammes les encerclèrent. Lloyd se rapprocha de Dana pour éviter un nuage de cendres encore rouges qui passa près d’eux.
A quelques mètres de là, un tonneau dont le contenu n’avait pas été tout à fait vidé s’embrasa avec une déflagration sonore. Le hapien prit Dana contre lui comme ils étaient obligés de reculer au bord du plateau de métal sur lequel ils se trouvaient. Lloyd prit une brève inspiration satisfaite. Puis :

- On aurait p’t-être dû fuir avant d’allumer, non ?

-------

-------

-------- Mumkin ! Mumkin, tu m’reçois ??

Silence. Il attendit quelques instants, son comlink serré entre ses doigts sales. Les flammes léchaient les parois du taudis sur lequel ils étaient logés. La structure commençait à grincer. Combien de temps avant qu’elle ne cédât ?

- Mumkin, ici Lloyd, j’ai besoin de toi de toute urgence !

Silence prolongé. Certains matériaux s’étaient mis à crépiter à l’intérieur du taudis. Des interstices entre les matériaux laissaient échapper des jets de fumée rouge.

- Quel enfoiré, il est censé surveiller la radio. Il doit encore être en train de…

Non Lloyd, pas devant une Inquisitrice.

- MUMKIN !! Réponds ou j’te vire !

Nouveau silence, puis :

- Oh Lloyd, c’est toi ?
- Nan, c’est l’Impératrice. Tu foutais quoi au juste, ça fait cinq minutes que j’essaie d’te joindre !
- Non mais c’est marrant parce que justement j’pensais à toi. J’ai fait un rêve, où tu étais là dans le cockpit et…
- Mumkin, tu m’raconteras plus tard ! Le Camp Piya juste au sud de Kaas City, tu peux pas le louper c'est en train de brûler ! Grouille-toi de venir nous récupérer ! On est sur le toit d’un taudis, j’te f’rais signe !
- Oh la la, j’arrive j’arrive, le temps de démarrer et je m’envole…
- Merci Mumkin.
- Mais quand tu dis « nous », c’est qui ?

Ahem.

- L’Inquisitrice Shar et moi, ce sera pas très lourd, tu pourras lancer le grappin ça devrait suffire.

Silence.

- On est obligés de la prendre ? Si tu la laisses, on dit que c'est un malheureux accident...
- Mumkin. Elle t’entend, là.
- Oh, pardon.
- Bouge ton cul.
- Oui patron.

Le grésillement du comlink s’éteignit. Lloyd glissa un regard interdit en direction de Dana.

- Il est con mais il est utile, j’te jure.

Darth Hope
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-Je reste persuadée qu’il serait plus utile mort que vivant.

Mumkin et Dana étaient donc définitivement incompatibles. Sans doute une sombre histoire de signe astrologique. Cependant, l’esprit de l’Inquisitrice se préoccupa rapidement de leur situation. Il lui avait semblé que la structure tanguait ou alors c’était sa tête qui tournait, prise de vertige. Les flammes embrassaient avec avidité le taudis de taule et de béton qui les soutenait vaguement. Elles dansaient dans les prunelles dorées de Shar, comme des fées moqueuses. Contre Lloyd, elle poussa un soupir de dépit. Elle se serait bien servie de tout ce feu pour s’en griller une.

Le Sans-Visage portait son ombre massive au-dessus du camp et donnait l’impression d’avaler l’incendie de sa masse sombre. Bien plus imposant que n’importe quel airspeeder, il fendait les cieux de Dromund Kaas à l’altitude la plus basse que Mumkin pouvait envisager avec un tel engin. Les moteurs ronronnaient avec indifférence et offraient une poussée tout juste suffisante pour ce vol en presque rase-motte. Sur la coque externe, impeccablement lustrée par le dévaronien entre deux missions de son patron, les flammes se reflétaient et s’admiraient avec une vanité étrange, comme dans un miroir qui leur étaient soudainement offert. L’un des puissants projecteurs perça la fumée et alerta les deux siths de la présence tant espérée de leur issue de secours. A travers le comlink, Lloyd guida son pilote jusqu’à leur position. La passerelle s’ouvrit dans un grondement lointain et le grapin fut déroulé avec un bruit sifflant tant le câble métallique auquel il était relié se déliait vite.

Sous ses pieds, Dana n’eût plus d’appui. Elle se sentit aspirée par un vide brûlant, prêt à la dévorer avec appétit. Elle glapit son étonnement avant de sentir le bras de Hope s’enrouler in extremis autour de sa taille pour la presser contre lui. Elle leva son minois vers lui. Il avait réussi à s’agripper au grapin de son autre bras et grimaçait légèrement sous l’effort. Tentant d’ignorer ses courbes féminines pressées contre les muscles du hapien, elle l’aida en se hissant du mieux qu’elle put pour à son tour s’accrocher. Mais elle était épuisée et ils étaient balancés au-dessus du vide, elle n’avait pas la force nécessaire à cette nouvelle épreuve physique. Aussi, il garda son bras autour d’elle, à l’image d’un filet de sécurité. Le câble remonta en sens inverse et ils furent tirés jusque dans les entrailles du Sans-Visage.


Mumkin referma la passerelle à la hâte et se précipita vers eux, davantage mu par la curiosité que par l’inquiétude. Les deux siths étaient à terre, reprenant un souffle qu’ils avaient perdu trop de fois au cours de leur périple. Allongée mollement contre Lloyd, Dana peinait à maintenir ses yeux ouverts. L’alien remarqua sa robe à moitié déchiquetée, ses jambes dénudées, son chignon lâche maintenue d’un rien par ce qui semblait être un…couteau !? Cette femme était définitivement flippante.

Ils avaient réussi, pensa-t-elle.

-Faudra que tu m’allumes comme ça, la prochaine fois, souffla-t-elle, à demi-consciente.

Et elle sombra dans l’inconscience, le corps rompu.

-Eh ben, je vois que tu lui fais un sacré effet aussi, commenta-t-il avec ironie.

Un silence puis.

-Il est encore temps de la jeter par-dessus bord, t’sais.








Les talons de Darth Runà claquaient sombrement contre la route de béton qui menait au camp enflammé avant de se transformer chemin boueux. Les leds et gyrophares des véhicules militaires brillaient moins au regard du spectacle qui ravageait Piya, mais formaient un cordon régulier autour de la zone. Le commandant zabrak vint immédiatement à sa rencontre et s’inclina bien pas devant elle et l’ombre d’Orcus.

-Beau travail, commandant Junoh, dit-elle sur un ton sobre. Où sont l’Inquisitrice Shar et le capitaine Hope ?
-D’après les rapports de nos droïdes de surveillance et des patrouilleurs aériens. Ils ont été exfiltrés par un vaisseau spatial.
-Spatial ? s’étonna-t-elle.
-Nous avons analysé la signature du transpondeur. Impérial, il avait toutes les autorisations de se trouver dans l’espace aérien de Kaas City, aussi, nous ne sommes pas intervenus pensant que c’était votre…
-J’ai compris, le coupa-t-elle sommairement.
-Quelles sont les instructions, Dame Runà ?
-Vous gardez la zone jusqu’à l’arrivée des hommes du Seigneurs Varnak. Si quelque chose tente de forcer le périmètre de sécurité, vous l’abattez sans réfléchir.
-Vu le barbecue que c’est, ce serait étonnant, songea-t-il.
-Contente-toi d’obéir, ponctua Orcus avant de se détourner vers la Maître Inquisitrice.

Junoh s’inclina de nouveau et s’empressa de rejoindre son poste, relayant les ordres à ses sous-officiers.

-Il semblerait que Dana Shar, en dépit de tous vos doutes, a réussi sa mission.
-Qui a réussi cette mission ? Dana Shar ou ce petit capitain sith ?
-Allons, évitons la mauvaise foi pour ce matin, annonça-t-elle, la mine sombre. Ce nid à clandestins anti-Impériaux vient d’être éliminé et avec lui, une menace autrement plus importante.
-Et qui vous dit qu’elle n’a pas fui ?
-Seigneur Orcus. L’animal retrouve toujours son chemin vers la main qui le nourrit, conditionné par la peur de mourir de faim. Je lui ai appris beaucoup, mais je ne lui ai pas encore appris à chasser sa propre nourriture. Vous voyez, une laisse n’est pas toujours nécessaire. Raccourcie ou non, elle peut toujours se briser. Mais le besoin ne peut être brisé, ni remplacé. C’est ce qui a fait de vous le chien de Damaya Shar et non l’inverse.

Elle étira un sourire froid et ignorant la colère qui submergeait cette armure de ténèbres, fit demi-tour, escortée par ses soldats Inquisitoriaux jusqu’à un landspeeder proche.










Dana grogna faiblement depuis un état comateux. Elle grimaça, encore figée dans ses songes. Alors qu’elle s’ébrouait, le drap qui la recouvrait glissa sur ses formes vallonnées. Progressivement, elle ouvrit un œil, puis l’autre, émergeant de ce monde transitoire où l’on était vivant d’un côté, mort de l’autre. Un néon paresseux illuminait une petite cabine propre. Elle fronça les sourcils, prise d’incompréhension avant que son cerveau se reconnecte à la réalité, puise dans ses souvenirs récents. Le camp Piya. Le vaisseau de Hope. Un silence absolu régnait. Elle n’entendait ni ne sentait le grondement des moteurs. Depuis le coin douche, des gouttes tombaient régulière depuis une canalisation mal jointée. Poc, poc. Aussi régulière qu’un métronome. Poc. Poc. Le sang de Dana et Raidun se mêlaient et plongeaient dans le syphon pour rejoindre celui de Lloyd Hope dans le circuits d’épuration des eaux usées. Poc. Poc. Le visage du hapien était penché au-dessus d’elle et elle disait n’importe quoi, partagée entre des crises de consciences et de coma. Elle avait hurlé de douleur parce qu’il avait touché à sa plaie dans le dos. Elle avait crié puis était retombée dans l’inconscience pour ne se réveiller que maintenant. Elle plaqua une main vive contre son omoplate, puis son épaule. Des pansements recouvraient la chair mise à vif des heures plus tôt. Ses yeux retombèrent sur son corps. Elle était en sous-vêtement. Son soutien-gorge n’avait plus de bretelles, arrachées par les tirs de plasma. A travers le rideau de mèches sombres qui lui tombait devant le regard, elle remarqua, sur la commode toute proche, ses bottines mais également un t-shirt plié ainsi qu’un treillis. Elle avait l’impression qu’on les avait rassemblés là pour qu’elle les enfile vite et quitte les lieux tout aussi rapidement.







-J’aurais jamais pensé qu’elle serait aussi vachement bien foutue, t’as vu son cul ? Mais ca n’empêche qu’elle fout la trouille.

Il se racla la gorge après avoir croisé le regard noir de Lloyd. Mumkin ne pouvait donc jamais fermer sa boîte à clapet. On pensait toujours qu’on s’y habituerait mais non. Si Dana savait que le dévaronien l’avait vu en sous-vêtements et s’était à demi rincé l’œil, il aurait peut-être droit à la torture avant l’exécution. Ils étaient réunis dans l’arrière-salle servant de coquerie. Le Sans-Visage étant posé dans un champ, dissimulé par le brouillard épais de Dromund Kaas, tout réacteur éteint, ils n’avaient pas besoin de se retrouver dans le cockpit.

La silhouette de Dana émergea à la lumière de la pièce. Elle portait ce t-shirt sombre de la marine impérial, un peu trop grand pour elle, mais qui laissait deviner qu’elle avait définitivement mis son soutien-gorge à la poubelle. Ses jambes flottaient dans le treillis et ses cheveux humides étaient plaqués en arrière, mettant en évidence son visage féminin, encore marqué ci et là, mais propre. Elle sentait bon la douche. Ses yeux se posèrent sur le dévaronien.

-Casse-toi.
-Le contraire m’aurait étonné. Bon, j’ai un peu de ménage à faire, fit-il en roulant des yeux vers son patron.

Dès qu’il fut éclipsé, elle s’installa – ou plutôt se laissa choir, sur l’une des caisses servant de siège, devant la table au plateau magnétique, en face de Lloyd dont elle croisa le regard avant de le détourner aussitôt.

-Je suppose que tu n’as pas de cigarra.

Silence. Qui fut interrompu par un inélégant gargouillis en provenance du ventre de Dana.

-Mais…ton plat de la dernière fois était pas mal alors, je prendrai ça. Sans vinsha, comme d’habitude.

Nouveau silence.

-Et un peu de vin artorien, s’il en reste.

Elle était décidée à siphonner toute leur réserve de nourriture et de boissons ?


Lloyd Hope
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Lloyd s’était laissé tomber près de la passerelle dès que celle-ci fut refermée, aux côtés d’une Dana qui avait sombré dans l’inconscience. D’un grognement, le hapien envoya Mumkin reprendre le contrôle de l’appareil et le dévaronien les conduisit tout droit vers un espace dégagé à quelques kilomètres. Sur le chemin, Lloyd resta allongé sur le métal ronronnant de l’appareil, à reprendre son souffle et se masser celui de ses poignets qui avait supporté leur poids à tous les deux pendant l’ascension.

--------

--------

--------Les doigts de Lloyd tamponnait délicatement la plaie avec une éponge stérilisée. Le sang et la saleté s’écoulaient en petits ruisseaux sur la peau pâle d’un dos lacéré par les épreuves.

- Tu fais ça à tous les inquisiteurs avec qui tu bosses ?

Assis sur le bord de la couchette, Lloyd se retourna. Dans l’encadrement de la porte, Mumkin était nonchalamment appuyé, épaule contre le chambranle. Il se curait les dents à l’aide d’un petit morceau de métal, non sans toiser le hapien d’un regard sceptique.

- Ou seulement celles qui sont plaisantes à déshabiller ?
- On peut dire ça comme ça.
- J’peux t’aider un peu ? Elle a de la saleté en haut des cuisses. J’ai fini de nettoyer l’hyperdrive, je peux frotter ça aussi.
- Dégage.

Mumkin obéit mais son ricanement se poursuivit dans la coursive.

--------

--------

--------Lloyd était adossé au mur, assis sur l’une des caisses qui servait de chaise dans la coquerie, bras croisés sur les genoux. Lui aussi était redevenu propre ; ses cheveux étaient encore mouillés. Des bleus noircissaient sa peau par endroit et sa lèvre fendue le faisait un peu souffrir, mais ce n’était rien comparé au soulagement de se trouver en sécurité dans le seul espace au monde dans lequel il pouvait réellement se détendre : son navire.

- Ça a l’air d’aller mieux, constata-t-il avant de se lever.

Le hapien sortit de l’un des compartiments une barquette du même genre qu’il lui avait servi la dernière fois, et la réchauffa. Certes, ce n’était pas du luxe. Mais après ce qu’ils avaient traversé, c’était tout comme. Il sortit également deux verres à pied et une bouteille, qu’il déboucha. Il remplit les deux verres en regardant pensivement le fluide rouge comme du sang tourbillonner dans les contenants translucides.

Il attrapa son verre après lui avoir servi sa barquette fumante, mais ne se rassit pas. Il préféra s’adosser au bord de la cuisine. Cela lui faisait un drôle d’effet de voir le tshirt sur le dos de l’inquisitrice, mais il ne dit rien. Un bip-bip provenant du cockpit brisa le silence. Lloyd posa son verre disparut dans la coursive, laissant seule l’Inquisitrice.

Dans le cockpit, son datapad connecté au tableau de bord bipait. Lloyd attrapa l’appareil et lut le contenu du message, non sans un soupir.

Deux minutes plus tard, il rejoignait Mumkin dans le niveau inférieur, à la salle des machines. Le dévaronien était à genoux devant un bloc ouvert rempli de fils entremêlés.

- Mum’, notre matricule sur Dromund, il est bon jusqu’à quand ?

Le dévaronien releva la tête. Il avait de l’huile noire sur le visage.

- Encore au moins dix jours, pourquoi ?
- Il va falloir le renouveler pour une version longue. Je suis appelé sur un croiseur, là, dans les jours qui viennent. J’pense que je vais prendre une navette et qu'tu resteras stationné ici.

Mumkin émit un sifflement.

- Comme tu voudras, mais bon, y’a plus fun que Dromund Kaas, pour t’attendre. Les cantinas sont glauques, les aliens y sont exécutés comme des chiens kath. J’pourrais pas aller dans un système voisin, et revenir te chercher après ?
- Nan, ça devrait pas être long. Une histoire de défilé militaire, j’sais pas trop quoi. Je vais parader en uniforme et je reviens. Quelques jours, tout au plus.
- Bon, ok. Et après on retournera sur Vaynai ? Y’avait de sacrés plages…
- On verra. Au fait, t’aurais quelques cigarras et un briquet ?
- Tu t’es mis à fumer ?
- Nan, c’est pour Shar.

Mumkin le regarda avec un air suspicieux puis il abandonna sa tâche pour se relever et se rapprocher de Lloyd.

- Alors c’est deux mais pas plus, dit-il en fouillant son vêtement aux multiples poches de mécano. Parce que là je vois qu’elle tape dans notre réserve d’alcool, et la dernière fois, j’te jure, elle a utilisé beaucoup trop d’eau chaude, j’étais obligé de me laver les dents à l’eau froide et j’déteste ça, tu sais qu’j’ai les dents sensibles. C’est pas parce qu’elle est inquisitrice qu’elle peut…
- Mumkin, tu veux qu’elle fouille le vaisseau ? Non, alors tu la fermes.

Le dévaronien émit un sifflement consterné. Il posa dans la main de Lloyd un paquet de cigarra et un briquet. Le briquet était à l’effigie d’Aarona Klova. La chanteuse était dans une position lascive, fort peu vêtue.

- Tu déconnes ?
- Bah… J’ai rien d’autre. Avoue qu’elle fait rêver, là, avec son bikini et ses tatouages elle…

Lloyd soupira et disparut de la coursive sans écouter le reste.

Lorsqu’il revint devant Dana dans la coquerie, celle-ci avait largement commencé son plat. Il s’installa en face d’elle, son butin dans la poche, et reprit son propre verre pour l’accompagner en buvant.

- On va te ramener à l’astroport, ensuite il faut que je reparte, dit-il sans croiser son regard, absorbé par le contenu de son verre.

Il était légèrement embarrassé et pour le dissimuler, avait adopté l’attitude flegmatique de celui qui n’a pas l’air d’y toucher. Quand elle fut à la fin de son assiette, il s’éclaircit la gorge.

- Il valait mieux de toute façon que je ne t’accompagne pas, dit-il avec retenue. Pas que j’apprécie pas ton maître mais… J’préfère autant qu’elle m’oublie un peu. Un peu longtemps, si possible.

Ce qui signifiait qu’il ne souhaitait pas qu’ils se revoient de sitôt. Pas seulement pour éviter une deuxième convocation : les missions sur lesquelles Darth Runà envoyait Dana devenaient une catastrophe pour lui. Certes, ce n’était pas de la faute de l’Inquisitrice. Mais il avait réfléchi après avoir parcouru ses plaies, sa nuque, la cambrure de son dos de ses doigts écorchés. Ces collines-là étaient beaucoup trop périlleuses.

Il sortit les deux cigarras et les fit rouler sur la table jusqu’à elle. Il garda dans sa main le briquet, dont les doigts dissimulaient l’image de la zabrak républicaine dans sa position lascive. Néanmoins, il fit jaillir entre eux deux la petite flamme, à hauteur de leurs yeux.

- Allez approche, que j’t’allume.
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