Darth Hope
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Grand Temple de Dromund Kaas, Kaas City.

L’ombre du Grand Temple des Siths avala Dana comme un reptile gobait un insecte insignifiant. Elle plongea dans les entrailles de sa superstructure, goûta au froid de ses salles immenses et de ses corridors complexes et sans fin. Des adeptes de la religion sith bousculaient la tranquillité des lieux. Ils étaient l’essaim noir du Cardinal, ses ouvriers infatigables. Toute la puissance symbolique du Clergé émanait de cette superstructure dont le sommet flirtait avec l’intimité des nuages orageux. Elle fit une halte au milieu du grand Hall. Contrairement aux résidents de ce palais pontifical, elle ne portait pas la bure. Son pantalon treillis noir et son débardeur pourpre lui valurent de nombreux regards offusqués.

Au sein du turbolift, elle appuya avec indifférence sur la commande de l’étage qui concernait sa présence. Il était rare que Darth Runà la convoque sur Dromund Kaas. Trois jours de stand-by interminables dans un des dortoirs calamiteux d’un temple sith secondaire avaient éprouvé la patience et la frustration de la jeune humaine. Le bip caractéristique des portes qui s’ouvraient la tira de ces mauvais souvenirs. Sitôt sortie de la cabine du turbolift, elle dégagea une cigarra et un briquet de sa poche.

-Interdiction de fumer, asséna désagréablement un droïde de sécurité qui se rapprochait d’elle. Interdiction de fumer. Gloire à l’Empire.  

Clic. Une étincelle jaillit et embrasa l’extrémité de sa cigarette. Le droïde braqua immédiatement ses senseurs sur elle, dont l’un était équipé d’une arme de poing.

-Ca va, j’ai compris, fit-elle en éteignant le tout, prise d’agacement. On se détend.



Runà terminait d’allumer de l’encens sur son bureau massif. La coupelle arbitrait un bâtonnet à l’effluve mystique. L’éveil du sens de l’odorat pouvait aider à la méditation. Inhaler des composants chimiques divers permettait au corps de réagir différemment sans les effets néfastes d’une drogue dure. C’était un rituel qu’elle appréciait, d’autant plus qu’il avait l’habitude de donner la nausée à son apprentie. La décoration très sobre de la salle assombrissait son ambiance déjà peu éclairée.

-Tu es en retard, annonça-t-elle dès que les portes de son office s’ouvrirent.
-Encore cet horrible encens…s’apitoya la brune.
-On salue son Maître, et on s’excuse de son retard. Aurais-je la charge pathétique d’une adolescente tout le reste de ma vie ?
-Bonjour Maître, pardon Maître, lâcha-t-elle rapidement.
-Mieux. Comment trouves-tu Dromund Kaas depuis ta dernière visite ? J’espère que tu as pris le temps de visiter. Parce que tu n’auras plus beaucoup le temps de voir du pays à partir de ce soir.

La Miraluka s’installa derrière son bureau et effleura les commandes d’un terminal holographique personnel. Tout un brouhaha s’éleva des haut-parleurs présents aux quatre coins de la pièce sans fenêtre. Dana pencha la tête sur le côté, dérangée par les fréquences des sons de basse qualité. Elle captait des voix grossièrement amplifiées par les microphones de comlinks et crut reconnaître la qualité médiocre des enregistrements qu’on avait intercepté. L’amas de paroles, de sirènes et de bruits ne fut bientôt plus qu’un bourdonnement incompréhensible. Runà activa une autre commande et émergea le silence.

Puis un message :



Ici Unité centrale de Kaas City, pour la caserne Est. Dispatch d’un appel urgent de secours au 2331 district 40-9.




-2331 district 40-9. Banlieue Est et reculée de Kaas City. Que nous soupçonnons de servir de transit à des esclaves en fuite ou des clandestins de tout genre, reprit son Maître après avoir coupé la diffusion du message.
-Attendez, quand vous dîtes soupçonner. J’espère que ce n’est pas le même degré de soupçon que le petit réseau sur Artorias, parce que là on était plus du tout dans l’ordre du soupçon. Vous auriez pu aisément agir avant de m’y envoyer menottée !
-Tu y vas pour un simple contrôle d’identité. Tu vas rejoindre l’équipe de secours qui est déjà en route. Et me dire ce qu’il se passe là-bas et contrôler les identités de tous les habitants. Personne ne rentre, personne ne sort. Tu auras les mains libres, cela te rassure ? Parfaitement, libre.
-Que dois-je faire des clandestins ?
-Tu me poses la question, vraiment ?
s’amusa Runà.

Dana tourna les talons, visa la sortie mais un doute étrange la retint une seconde. Elle fronça les sourcils et cette expression en demi-teinte, partage de colère et d’incompréhension, seyant comme un masque à sa figure maquillée.

-Pose ta question.
-Comment faites-vous cela…pour savoir où ils sont, pour flairer leur piste..
-La Force est une toile féconde, chère enfant. Il faut de la patience. Une qualité qui te fait cruellement défaut, mais ce n’est rien. Tu fais tout de même un excellent chien de chasse.





[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]



Les habitants du 2331 district 40-9 étaient rassemblés dans le Hall de leur immeuble. Frigorifiés à cette heure avancée de la nuit, certains se blottissaient les uns contre les autres, comme ce couple de rodiens qui comprenaient à peine le langage galactique. Au froid et à la fatigue, se rajoutait la peur des autorités impériales. Un soldat qui patrouillait dans le quartier était intervenu le premier suite à l’appel de détresse. Et il voyait d’un mauvais œil cette population miséreuse qui s’inquiétait de savoir si elle pourrait remonter dans ses logements ce soir. Ferks était un humain dans la quarantaine, loyal partisan de l’Empire qu’il servait en qualité de Garde Impérial. Comme ses confrères, il était chargé de faire régner l’ordre et la loi dans les districts reculés de Kaas City, où se côtoyaient pauvreté, règlements de compte et clandestiné. Il recevait ses directives du Clergé de la Purification, mais ce soir il était seul devant une porte blindée du deuxième étage palier droit. Pour ne rien arranger, le turbolift obsolète ne fonctionnait plus. Il avait dû grimper les escaliers en fer rouillé jusqu’à l’étage concerné.

-Madame Yarne, ici l’officier Ferks de la Garde Impériale ouvrez-moi et je vous aiderai. Les secours sont en route.

Deux étages plus bas, Nuala serrait dans ses bras son bien le plus précieux : sa fille, Delith âgée de quatre ans.. Les deux Twi’Lek’semblaient avoir été surprises au saut du lit, comme le reste des habitants. La petite avait le teint trop pâle et le front perlant d’une sueur maladive. Elle geignait à peine contre le cœur battant de sa mère. Un vieil homme en peignoir faisait les cent pas, perdant le compte et recommençant. Il marmonnait des propos incompréhensibles. Enfin, un Mirialan d’une trentaine d’années avait le visage levé verd la cage d’escalier, tentant de comprendre comme le soldat s’en sortait. Tout le bâtiment résonnait d’un calme glacial, perturbé par les coups que portait Ferks à la porte de la dénommée Yarne.

L’entrée de la résidence grinça alors que ses portes à vérins hydraulique eurent tout le mal du monde à s’ouvrir. Le concierge n’avait jamais le temps de graisser leur mécanique. La silhouette de Shar émergea et elle avisa le petit attroupement ainsi que la configuration des lieux. C’étaient des logements sociaux rachetés par des marchands de sommeil peu scrupuleux. Ils étaient abrités dans un bâtiment vétuste dont ce grand hall témoignait de la modernité de jadis. La cage d’escalier située dans le fond était ouverte sur le hall et à sa gauche, un rideau de fer indiquait la présence d’un atelier. Elle leva les yeux vers les bruitS de pas qui cognaient le fer des escaliers. L’ombre de Ferks apparut.

-Inquisitrice Dana Shar, se présenta-t-elle sobrement.
-Dame Shar, salua-t-il presqu’au garde à vous car, comme le reste de l’assemblée, la pique-laser attachée à sa cuisse ne lui avait pas échappé.
-Les secours ne sont toujours pas là  ?
-Je pensais aussi qu’ils arriveraient plus vite, Maugrea-t-il. Je ne peux rien faire sans leur outillage pour forcer les portes.
-Que s’est-il passé ?

Et là, ce fut le déluge de mots paniqués. Chacun tentait d’expliquer sa version et on ne comprenait plus rien. Finalement, le vieil humain réussit à prendre l’ascendant sur le reste :

-Madame Yarn n’arrêtait pas de pousser des cris effroyables.
-C’est vous qui avez appelé les secours ?
-Non, c’est moi, repondit la Twi’Lek avec l’agressivité d’un animal nerveux et acculé. Le garde est arrivé et il nous a dit de nous rassembler ici. Quand est-ce qu’on pourra remonter chez nous ?
-Les directives de la centrale, se justifia Ferks.
-Ou une curiosité malvenue, ricana-t-elle.

Ils étaient tous descendus pour profiter du spectacle que pourrait donner Madame Yarne et les secours. D’ailleurs, en remarquant l’origine des habitants de l’immeuble, Dana se dit qu’elle avait tiré le gros lot. Deux Twi’Lek, deux rodiens, un Mirialan. Seul l’homme âgé lui inspirait un peu de pitié. Le reste était bon pour l’indifférence.

-Bon allez, ça suffit. Présentez vos identités, réclama-t-elle d’un ton autoritaire. Vous êtes en présence de l’Inquisition Sith.

Sa demande fut ponctuée par d’étranges et sinistrés échos en provenance des étages, comme des hurlements que l’on murmurait dans le lointain. Les habitants s’apprêtaient à paniquer parce que pour la moitié, leur preuve d’identité était restée dans leur appartement et que pour l’autre, ils n’en avaient pas. Ils furent sauvés par l’intervention inespérée des secours qui accapara rapidement l’attention de tous au grand désespoir de Shar. Deux militaires en uniforme impérial, chargés d’outillage venaient de faire leur apparition. Ferks s’adressa à eux de manière hâtive :

-C’est au deuxième étage. Vous avez tout ce qu’il faut ?
-Affirmatif.
-C’est par là.

Et alors qu’ils suivaient le garde dans la cage d’escalier, le troisième membre de l’équipe de secours s’avança sous la lumière blafarde du hall et elle crut que le sol se dérobait sous ses pieds. Elle ravala péniblement sa salive et l’amertume lui irradia littéralement la gorge. Ce fut un coup rude qui lui aspira son assurance.. Tu ne seras pas menottée, hein ? Parfaitement libre. Les rodiens échangeaient des mots gutturaux à voix basse. Nuala manquait de pleurer nerveusement et de grands BAM résonnaient, signe que l’équipe de secours tentait de forcer la porte de Madame Yarne. Tout cela avait-il ne l’importance alors qu’elle lui faisait face et que le temps avait cruellement suspendu sa course.

Non.

Elle n’était définitivement pas prête à une seconde coopération avec Lloyd Hope.





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La silhouette de la Twi’lek, minuscule entre les doigts de Lloyd qui tenait son holocommunicateur portable, était beaucoup plus nette que d’habitude. Pour une fois, ils se parlaient sans latence. La peau vert pâle de Mat’aenna était sillonnée par les lignes bleues du protocole de transmissions, mais les courbes graciles de sa nuque et ses lekkus étaient aussi doucement dessinées que dans la réalité.

- … je n’sais pas Lloyd, ça va être trop compliqué.


Le hapan était assis au bord de sa couchette, dans l’intimité de sa cabine du Sans Visage, penché au-dessus du petit dispositif. L’écoutille était fermée – il n’avait aucune envie de voir la face de Mumkin maintenant.

- T’es au courant que j’ai pris cette mission spécialement pour venir sur Dromund Kaas parce que tu ne répondais pas ?

Mat’aenna soupira. Elle avait l’air de regarder le sol à côté d’elle plutôt que son propre dispositif de communication.

- T’aurais pas dû, je t’aurais répondu, j’ai juste pas eu le temps.

- Je m’inquiétais.
- Tu t’inquiètes trop.

Lloyd serra sa main libre en un poing dont blanchissaient les jointures. Elle avait raison. Mais ce n’était pas cela qui l’agaçait. C’était son sous-entendu.

- J’ai de bonnes raisons, finit-il par rétorquer.
- Tu dis toujours ça.

La Twi’lek avait dit ça comme un simple constat contre lequel on ne pouvait rien faire. Lloyd retint les mots amers qui rampaient dans sa gorge. Ce n’était pas de sa faute. Ou peut-être que si ?

- Bon. Je suis là pour quelques jours, peut-être que tu peux te libérer après ma mission ?
- Je sais pas, on verra. Je suis dans une nouvelle famille depuis quelques semaines. C’est… Compliqué.
- Comment ça ?
- Beaucoup de travail et…

Mat’aenna ne termina pas sa phrase. Elle eut un geste de sa main, comme pour dire « passons à autre chose ». Mais Lloyd avait froncé les sourcils, les sens en alerte.

- Ils ne te traitent pas bien ?
- C’est pas ça.
- Dis-moi si ça ne se passe pas bien. S’ils touchent à un de tes lekkus…
- Lloyd. Ne t’en mêle pas, s’il te plaît.

Il y eut un moment de silence. Puis la twi’lek sursauta, jetant un coup d’œil de côté.

- Il faut que j’y aille.
- Mat’…
- On parlera une autre fois, le coupa-t-elle avec précipitation. J’y vais. Ne me cherche pas, ok ?

La silhouette disparut. Lloyd éteignit le communicateur avec un soupir et s’allongea, le regard fixé sur les tuyaux qui couraient au plafond de sa cabine. Il n’avait même pas eu le temps de répondre.
Toutes leurs conversations se terminaient comme ça, de toute façon.

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---------Dromund Kaas était une planète aux paysages très divers et Kaas City apparaissait comme un panaché de toutes les ambiances que l’on pouvait y trouver. La seule constante était un brouillard ténu, que fendait pour l’heure un airspeeder doté d’une signalétique lumineuse aux couleurs impériales. La banlieue rappelait vaguement à Lloyd les rues enfumées de Columex tandis qu’il toisait l’extérieur depuis le hublot du speeder. A ses côtés, un klatooinien du nom de Tuntan Zagtil, pilotait l’appareil tandis que sur la banquette arrière, l’humain du nom de Ral Balvi compulsait des données sur son datapad dans un morne silence.
Lloyd n’avait pas fait d’efforts pour rendre l’atmosphère plus conviviale. Il n’avait pas la tête à ça. Les deux gardes pensaient à juste titre qu’il ne valait mieux pas contrarier un guerrier Sith, même si le hapan n’avait pas montré d’animosité particulière. En son for intérieur, toutefois, Balvi ne pouvait s’empêcher de ruminer sur la bêtise de ses supérieurs hiérarchiques : la police impériale faisait très bien son travail dans la capitale et cette coopération avec l’armée et les Sith lui apparaissait comme une désagréable intrusion. Surtout qu’on ne lui donnait jamais clairement la raison de la présence de ces militaires. « Pour le Renseignement » était la seule mention.

- On va arriver sur le lieu de l’opération… grogna-t-il en relevant le nez de son datapad. Comment je dois vous appeler ? Messire ?
- Hope, ça ira.
- Bon, ok. Une opération de routine, on va dire, dit-il en grattant sa barbe rugueuse. Dans les quartiers chauds de la capitale, on n’envoie pas les secours classiques, en cas d’embuscade. Et aussi parce qu’on ne va pas dépenser de trop pour des aliens. Le taux d’humanité ici est de moins de 30%, c’est terrible. Je dis pas ça pour toi, Tuntan, les klatooiniens vous êtes corrects. Mais la vermine de ces quartiers : ces rodiens et ces twi’lek, c’est vraiment la lie de…
- La prochaine fois, je veux intervenir sur les manoirs du nord de la ville.
- Ah ! C’est-à-dire que ça appelle moins souvent, là-bas.
- Vous trouverez un prétexte.

En plus il en a rien à foutre de la mission, pensa le soldat qui levait les yeux au ciel dans le dos du hapan.

- Vous faites quoi, dans la Marine, si c’est pas indiscret ?
- C’est indiscret.
- Ah.

Ces Sith…

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---------Lloyd quitta le véhicule à la suite des deux gardes, ne se donnant pas la peine de les aider à porter leur matériel. Il n’était pas vraiment équipé pour se salir les mains : il était en uniforme noir de la marine, ses gants en cuir dissimulant ses mains qui portaient encore les traces de brûlures récoltées sur Vaynai, ses bottes propres et bien décidées à le rester.

Lloyd se figea après son premier pas dans le hall. La Force l’avait immédiatement alerté : l’aura de Dana lui avait glacé le sang et les souvenirs empoisonnés l’envahissaient déjà. Il la regarda un moment mais quand elle se tourna vers lui, il avait déjà décidé que leurs yeux ne se croiseraient pas et il regarda devant lui.

Ses yeux voyaient à peine les civils qui s’étaient massés là. A la place, il revoyait les lignes du rapport qu’il avait lu quelques jours plus tôt et qui avait détaillé la suite de l’infiltration d’Artorias. Une équipe était passée derrière eux pour faire le ménage.
Une saloperie de mission. Pourquoi l’avait-il sauvée si c’était pour une suite aussi dégueulasse ?

Il passa devant Dana sans la saluer, allant droit à Ferks. Ce dernier, reconnaissant l’uniforme, le gratifia d’un salut au garde-à-vous. Lloyd lui intima le repos d’un bref geste de la main.

- Qu’est-ce qui se passe, ici ?
- Un appel pour les secours, une situation un peu particulière, la porte est bloquée. Probablement rien de grave, mais on avait besoin de renforts…

Ferks avait perdu un peu de son assurance. Ou bien il était mal à l’aise à l’idée d’être encadré par une Inquisitrice et un Officier de la Marine simultanément.

- … mais il y a eu des cas de gryphalite, ces jours-ci, alors par précaution, on fait des tests chez les gens avant de les emmener, pour éviter que ça se propage. Vous… vous êtes là pour un contrôle ?
- Non, répondit le hapan, sans se donner la peine de fournir une explication. Que font tous ces gens ici ?
- Les directives de la centrale. La gryphalite. Au cas où.

Il y eut un silence. Lloyd consentit enfin à adresser à Dana un regard glacial.

- Et qu’est-ce que le Clergé a à voir là-dedans, cette fois ?

Ferks fit les gros yeux. On ne parlait pas comme ça du Clergé.
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Il aurait dû s’en tenir au regard.
Parce que les mots furent de trop.

-Tu le sauras dès que je me serai occupé de ton petit cas de traître déserteur qui deale de la marchandise illégale et anti-impériale depuis la République, compris ?

Et le ton était aussi glacial que ne l’avait été l’œillade du hapan. Ainsi, malgré les jours, les semaines, les mois, elle n’avait pas oublié Aarona Klova.

-Bon, vous l’ouvrez cette porte ?? se détourna-t-elle.

Ferks fit soudainement mine de s’intéresser à autre chose qu’à leur conversation envenimée. Le bruit d’une serrure électrique qui cédait annonça la victoire de Tuntan. A l’aide de son coéquipier, ils forcèrent manuellement l’ouverture des deux panneaux métalliques qui grincèrent désagréablement aux oreilles de tous. Un courant d’air désagréable leur charia l’odeur de renfermé et de naphtaline qui baignait l’atmosphère de l’appartement du deuxième étage, palier droit. L’appartement débutait par un long vestibule, chargé de meubles et de babioles que seules les personnes ayant vécu une vie tranquille et longue pouvaient se permettre d’amasser. L’officier de la Garde Impériale pénétra le premier. Lampe torche dans une main, il avait posé l’autre sur le holster de son blaster – pour se donner du courage car l’ambiance était franchement sinistre. Suivaient l’équipe de secours, Dana puis Hope qui fermait la marche. Il faisait si sombre, presque noir, que Shar se cogna la hanche contre une petite commode. Une coupe d’acier tangua puis se fracassa au sol dans un son assourdissant qui résonna longtemps. Ral Balvi se détourna immédiatement :

-Faîtes moins de bruit !

Il avait eu la frousse de sa vie. Ils l’avaient tous eu à être ainsi surpris par le fracas. Une peur si instinctive que l’humain avait oubliée à qui il s’adressait. Dana elle-même n’aurait pas osé avouer qu’elle était mal à l’aise depuis qu’elle avait pénétré le logement aux ombres invisibles. Ce n’est qu’une petite intervention de rien du tout, se donna-t-elle du courage, tu vas en profiter pour contrôler l’identité de la Yarne et ensuite, tu te casses. Loin.

Ils atteignirent enfin la grande pièce de vie, elle aussi plongée dans l’obscurité. Seules brillaient le faisceau lumineux que Ferks tenait en main et les prunelles dorées de l’Inquisitrice. Ils avisèrent la silhouette de l’habitante. Madame Yarn était une askajienne d’un âge vénérable. Déportée sur Dromund Kaas dans sa jeunesse sous les griffes d’un réseau esclavagiste, elle avait gagné sa liberté voilà une vingtaine d’années. Elle s’était installée ici, avec ses revenus modestes et tissait matin et soir. D’ailleurs, son grand appareil à tisser trônait dans le salon – tout près de l’holoprojecteur éteint. Son corps était flasque, lassé par la vieillesse et couvert d’une chemise de nuit que les premiers coups de lampe de torche révélèrent rouge de sang.

-Elle est blessée, constata Tuntan. Il faut appeler une unité médicale.

Au son de la voix, Madame Yarne eut un mouvement de recul. Elle regardait partout et nulle part à la fois, et ses cheveux blancs lui couvraient une partie du visage. Elle grognait quelques onomatopées. Ferks décocha son comlink.

-Centrale, ici l’officier Ferks. Besoin urgent d’un véhicule hospitalier au 2331 district 40-9.

Bien reçu, officier Ferks. Une ambulance est en route.

-Madame Yarne, fit-il en s’approchant doucement. Ce sont les autorités, on est là pour vous aider.

Dana aurait ri très fort, si la situation tendue s’y était prêtée. A la place, elle sondait la Force et ses marées obscures, sans succès. Une tâche s’était répandue dans sa perception de la Force et elle n’aurait su dire pourquoi. Une sensation qui ne lui disait rien qui vaille, si ce n’était qu’elle perdait un atout précieux.

-L’ambulance va arriver, détendez-vous, répéta-t-il après avoir posé sa main sur le bras ridé de Yarne.

Le cri que poussa la vieille askajienne leur glaça les sangs. L’instant suivant, elle avait refermé sa mâchoire sur le visage de Ferks qui hurlait au supplice.

-Que…

Tuntan et Ral se précipitèrent. Dana recula, figée d’incompréhension.

-Bordel, elle est en train de le morde ! s’essouffla le klatooinien qui se démenait pour la maîtriser. Aidé par son collègue, au son des exclamations de douleur pour le garde, de rage pour l’habitante, il parvint à dégager la victime.

-Venez m’aider Hope, putain de merde ! Il pisse le sang, s’écria Balvi en traînant le corps de Ferks. Il faut le sortir de là, le descendre…tenez bon Ferks.

Tout n’était que confusion. Et Shar ne commença à paniquer qu’en voyant la figure ensanglantée de l’officier.














Dana les suivait dans l’escalier. Hope et son équipier portaient Ferks comme ils le pouvaient et dévalaient les étages comme ils le pouvaient aussi. Cette histoire était insensée. Comment une vieille dame avait-elle pu infliger un coup aussi rude, même par surprise ? La puissance déployée pour une telle morsure devait être conséquente.

-Il se passe quoi ? s’exclama-t-elle, tremblante.
-Vous pensez que je le sais ?! Putain, elle lui a arraché la moitié du visage. Il perd trop de sang.

Pour leur venir en aide, le timeur des lumières qui éclairaient la cage d’escalier se désactiva. Ils furent plongés dans le noir. Seuls persistaient les râles d’agonie de l’impérial. Ils se figèrent.

-La lumière, hurla Ral, au bord de la crise de nerfs. Que quelqu’un rallume cette foutue lumière !



Il fut exaucé par l’un des habitants du hall. Ces derniers s’écartèrent avaient des visages paniqués, non pas à cause de la vision d’horreur qu’était Ferks. Au-delà de l’entrée principale de l’immeuble, là où fonçait Balvi pour évacuer le blessé, des gyrophares rouges perçaient lentement les vitres à travers lesquelles on ne voyait plus rien.

-On ne peut plus sortir, fit Nuala en serrant sa fille contre elle. C’est…ils ne veulent pas.

Dana lui décocha un regard noir et se précipita sur les vitres de l’entrée, frappant dessus avec colère. Elle tenta de forcer l’ouverture des portes. Commande mécanique, commande manuelle. Rien ne fonctionnait. Derrière elle, le brouhaha des habitants inquiets et du secouriste s’éleva désagréablement. Au milieu de tout ça, elle croisa les prunelles claires de Lloyd, à l’expression neutre. Sérieusement ? Il n’y avait rien à dire ?!. C’était insensé. Plus rien n’avait de sens. La présence du hapan, ce bâtiment vétuste, cette mission de contrôle d’identité. Rien ne collait ensemble. Tout n’était qu’un énorme patchwork au dessin incompréhensible.

-Ouvrez ! ordonna Shar. Nous avons besoin de renforts ici !
-Un officier se vide de son sang, bordel ! fit en écho Ral. Laissez-nous l’évacuer

---------Votre attention s’il vous plaît. ---------

L’injonction provenait de l’extérieur, de la rue. La voix désincarnée sortait des hauts-parleurs d’un droïde, assez puissante pour percer les murs et saisir les attentions concernées.

-------Les autorités ; sous ordre du Seigneur Varnak ont verrouillé cet immeuble.

Pour des raisons de sécurité.

Nous faisons notre possible pour vous évacuer au plus tôt.

Veuillez coopérer.

Les Agents Impériaux présents à l’intérieur vous tiendront informer de la procédure à suivre.

Suivez scrupuleusement leurs instructions et restez calmes.

Merci. -------



-Mais put…commença le secouriste avant de déposer Ferks près de la cage d’escalier.

Dana se précipita vers ce dernier et lui prit son comlink. Dans la manoeuvre, elle eut rapidement les mains souillées de sang et évita de regarder la bouilli de chair et de tissu qui se déversait d'une partie du visage du blessé. Cela lui aurait remémoré les souvenirs traumatisants des champs de bataille et des blessures de guerre. Non, elle ne voulait pas voir.

-Centrale, souffla-t-elle énervée, Centrale.

Un grésillement blanc lui répondit.

-Cet homme va mourir, hurla-t-il. Ouvrez !


-------- Nous sommes au courant de la situation.

Nous ne pouvons rien faire pour le moment.

Nous vous tiendrons informés.---------


Ral se détourna vers Hope et Dana, ignorant le reste de l’assistance. Il se dirigea vers le hapan d’un pas décidé.

-On doit le faire sortir, il perd tout son sang.

Après le choc, l’incompréhension. La colère gagna les occupants du 2331. Ils s’écrièrent en même temps, s’apostrophèrent l’un l’autre. Pourquoi ne pouvaient-ils pas sortir ? Et que se passait-il ? Leurs plaintes rendaient l’Inquisitrice folle. Elle se redressa brusquement, comlink toujours en main.

-LA FERME ! Qu’y-a-til derrière ce rideau de fer ?
-Un atelier de réparation, souffla Nuala.
-C’est-à-dire ?
-Vous n’avez jamais vu un atelier de réparations pour droïdes ?! s’agaça Nuala.
-Baissez d’un ton. Tout le monde se calme, ou je me charge de vous calmer de manière radicale. Y’a-t-il une issue par l’atelier ?
-Oui, à l’arrière, intervint le vieil homme.
-Attendez, s’écria la Twi-Lek en brandissant son communicateur personnel. C’est la folie dehors.

Et elle était au bord des larmes.

-Mon mari est dehors. Il dit que….(sa voix se brisa)…ça grouille de gardes impériaux dehors. La rue est complètement bloquée. Il a les médicaments pour ma petite Delith. Ils ne veulent pas le laisser entrer.

Et la cacophonie repartit de plus belle. L’Inquisitrice soupira et se rapprocha de Lloyd, comme on naviguait vers un phare quand on avait peur de l’obscurité vorace de la mer et des dangers du récif.

-On doit pouvoir faire quelque chose. Ils ont dit qu’on doit leur donner des instructions. Je parie que t’es au courant de quelque chose, c’est pour ça que tu es ici ! Qu’est-ce que l’armée a foutu, bordel ?!

Dans la folie, personne n’avait songé à Tuntan qui était vaillamment resté auprès de Madame Yarne et dont on avait plus de nouvelles.


Lloyd Hope
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Lloyd était encore frappé d’incompréhension quand il déposa rudement à terre le corps de Ferks avec l’aide de Balvi dans le petit hall miteux, sous les yeux horrifiés des habitants de l’immeuble. Contrairement aux autres, il se fichait pas mal de ce que l’officier survît ou non. Autre chose l’inquiétait beaucoup plus. Sa mission allait peut-être trouver du succès beaucoup plus vite que prévu. Et ce n’était pas bon signe.
Visiblement, Dana était de son avis. Lloyd adressa à la jeune femme un regard dur.

- Les consignes sont de commencer par rester calme, lui répondit-il sèchement. Peut-être que tu pourrais m’aider à donner l’exemple ?!

Sans attendre sa réponse, Lloyd dépassa Dana et s’adressa d’une voix forte aux habitants.

- Ne vous inquiétez pas, l’Armée maîtrise la situation. Chacun d’entre vous va retourner dans ses appartements immédiatement et nous laisser leur carte de verrouillage. Je vais vous enfermer chez vous pour votre propre sécurité, c’est compris ?

Il y eut des regards interloqués, puis des murmures inquiets. Finalement le rodien fit un pas en direction de Lloyd.

- Pourquoi ne pas nous laisser nous enfermer nous-mêmes de l’intérieur ?
- Pour votre propre sécurité.
- C’est idiot. Vous nous retenez prisonniers ? On est des otages, c’est ça ?!
- Donnez-moi votre carte et allez chez vous.
- J’exige de comprendre ! Ma femme et moi…

Le rodien s’interrompit avec un mouvement de recul. Lloyd venait de sortir son blaster d’un geste sec. Mais il ne le pointa pas sur le rodien.

- Vous montez dans vos appartements, tous. Balvi, vous collectez les cartes puis vous les enfermez.

Les civils s’exécutèrent fébrilement, et l’humain bourru de l’équipe de secours jeta à Lloyd un regard inquiet. Le hapan l’ignora et, gardant son blaster en main, fit signe à Dana qu’il retournait à l’appartement de la vieille Yarne. Il doubla les civils dans l’escalier.

- AAAAAAAAH !

Le cri, qui venait des étages supérieurs, fut immédiatement suivi de plusieurs tirs de blaster. Les civils crièrent. Ceux qui étaient déjà parvenus à leur appartement fermèrent leur porte. D’autres restèrent paralysés dans les escaliers.

- Dans vos appartements ! Dépêchez-vous ! cria Lloyd en se hâtant vers le logement de la vieille Yarne.

Sur ses talons, Balvi haletait, des badges à la main.

- C’était Tuntan ! s’exclama-t-il d’une voix aiguë.

Lloyd se retourna vers lui un bref instant.

- Les civils, je vous avais dit d’aller les enfermer ! Je m’occupe de votre copain, dégagez !

Balvi hésita, mais s’exécuta en reculant tandis que le hapan pénétrait pour la deuxième fois dans l’appartement de Yarne, son blaster toujours en main.

--------

--------

--------Nuala serrait sa fille contre elle en montant les marches quatre à quatre. Elle, son mari et leur petite fille habitait au quatrième étage dans cet immeuble miteux. Les lampes des couloirs étaient défectueuses et une légère odeur d’urine flottait mais survivre ici était toujours mieux que d’être exécuté par les impérieux s’ils découvraient qu’ils n’avaient pas de papiers. Ils n’en avaient jamais eu : anciens esclaves d’une grande famille Sith, ils s’étaient enfuis voilà six ans, à l’époque où elle était enceinte. Ils avaient longtemps espéré pouvoir sortir de la planète pour fuir vers l’espace Hutt… Mais ils n’avaient jamais trouvé l’opportunité. Ou bien, ils n’avaient pas osé la saisir.
Ce soir-là, Nuala se disait qu’ils auraient dû tenter le tout pout le tout des années plus tôt : ils allaient être découverts si cela continuait. Et son mari qui était dehors, avait-il déjà été arrêté ? Les larmes aux yeux, elle activa la commande de sa porte qui se referma derrière elle et courut vers la chambre. Enfin… La pièce dans laquelle ils dormaient tous les trois n’avait pas de lit ; ils dormaient tous les trois sur des couvertures récupérées. Elle y déposa la petite Delith avec précaution. L’enfant gémissait. Sa peau d’habitude d’un rose vif était d’une pâleur anormale. S’agenouillant à ses côtés, Nuala épongea le front luisant de sueur de sa fille avec sa manche.

- Shhhh… Papa va bientôt rentrer, sois courag…

Nuala s’interrompit. Le corps de la petite fille avait été pris d’une étrange convulsion. Puis d’une autre. Paniquée, elle essaya de la maintenir calme contre les couvertures, mais ça ne servait à rien.
A quelques mètres de là, tonna trois coups sur sa porte.

- Oset !! C’est toi ?!

Nuala bondit sur ses jambes pour aller ouvrir. Mais à sa grande déception, c’était l’humain barbu.

- Madame, je vais vous enf…
- Monsieur, écoutez, ce n’est pas possible, nous n’allons pas pouvoir tenir, l’état de santé de ma fille se dégrade !
- Ne paniquez pas mad…
- Elle a des convulsions, il nous faut absolument de l’aide médicale ! Vous êtes de l’équipe de secours, non ? Vous devez connaître des gestes, quelque chose ? Je vous en prie, venez m’aider…

La Twi’lek sanglotait en le suppliant, les mains jointes devant sa poitrine en une prière. Ces aliens, ils faisaient toujours un cinéma, songea Balvi. Il baissa les yeux : il lui restait deux appartements à verrouiller ; celui-ci, et celui du mirialan. Il n’en aurait sûrement que pour une minute ou deux pour rassurer la mère puis terminer cette tâche. Et alors, il pourrait redescendre vérifier si Tuntan allait bien.

Il consentit à entrer. La porte se referma derrière lui, non verrouillée.


--------

--------

--------Lorsqu’il arriva dans le vieux salon, la vieille était étendue au sol et émettait de sinistres gargouillis. Le métier à tisser avait été renversé, en partie cassé, et contre le poêle se tenait le klatooïnien qui haletait. Il sursauta en voyant Lloyd.

- Elle… Elle… Je crois que j’l’ai tuée, elle a essayé de m’attaquer aussi !
- Elle vous a blessé ?
- Je n’ai rien, je n’ai rien, répéta-t-il.
- Très bien. Sortez d’ici, allez aider votre copain, là. Vérifiez que tous les habitants sont bien enfermés chez eux.

Zagtil longea le mur pour s’extraire de la pièce sans tourner le dos au corps usé dont le torse fumait encore. Dès que le son des pas du klatooinien s’estompa, Lloyd alla s’accroupir près de la vieille Yarne en rangeant son blaster, puis fouilla à l’intérieur de sa veste de ses mains gantées. Il sentait la présence de Dana derrière lui, mais essayait d’en faire abstraction. Bientôt, il le savait, elle allait poser des questions. Le problème était qu’il n’avait pas les réponses. Enfin, pas toutes. Et surtout, qu’il y avait plus urgent.
Lloyd sortit d’une poche intérieure une petite pochette en cuir qu’il déplia en la posant à même le sol, sur le tapis poussiéreux du sombre salon. Des lueurs rouges et violettes éclairaient parfois la pièce – certainement les gyrophares des airspeeders qui patrouillaient à leur niveau.
La pochette contenait de petites fioles vides et des aiguilles. Il se hâta de disposer une aiguille sur un contenant et à la hâte, planta l’aiguille dans le cou du cadavre. Le sang d’un rouge sombre fut aspiré dans la fiole en quelques secondes.

- Tu vas m’aider à détruire son corps. Il faut qu’on la brûle, dit-il tout en rebouchant le contenant.

Il rangea la fiole pleine dans la pochette. Il était en train de la ranger dans son uniforme en se tournant vers Dana quand soudain, il sentit une prise se refermer sur son bras. A peine eut-il le temps de tourner son visage vers le cadavre que la vieille Yarne, sifflant entre ses dents, une étincelle inhumaine dans le regard, se jetait sur lui.
Il tomba à la renverse, emportée par le poids de la vieille femme en essayant d’éviter la morsure. Les dents claquèrent à quelques centimètres de son visage, exhalant une haleine putride – ce corps avait l’air mort depuis plusieurs jours, comment se pouvait-il… ?
Pas le temps d’y réfléchir. Il donna un coup de pied, mais le cadavre s’était accroché fermement à lui. Déjà. Yarne essaya de nouveau de viser la gorge de Lloyd pour lui arracher la carotide. Le cœur battant à tout rompre, ce dernier tentait de la garder à distance en la serrant pas la gorge.

- Dana ! Aide-moi ! cria-t-il, le souffle court.

Elle n’allait quand même pas le laisser se faire dévorer juste pour des casquettes Aarona Klova, quand même ?!
Darth Hope
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Son cœur loupa un battement lorsque la vieille Yarne se jeta sur son nouveau repas. Son cerveau occulta les interrogations, l’armée, la fiole, la folie de cette nuit d’horreur. Toutes ses pensées ne furent qu’un voile de peur. Elle sursauta vivement et effleura la garde de sa pique-laser. Non. Ce serait risqué de blesser Lloyd, quoiqu’il l’eût mérité. Utiliser la Force ? Yarne était trop proche du hapan, elle risquait de les envoyer valser tous les deux.

- Dana ! Aide-moi !

-J’essaie ! S’exclama -t-elle, sur un ton mêlant panique et colère, avant de se jeter sur l’askajienne.






Le Mirialan se retourna sèchement vers Tuntan. Il pointa le hall en contrebas. Au niveau du deuxième étage, ils s’affrontaient d’un regard blanc et vide, comme si leur volonté venait d’être réduite en charpie.

-Cet homme en bas, il va mourir. On doit l’évacuer. Laissez-moi au moins stopper l’hémorragie.

Clic. Le klatooïnien releva le chien encore brûlant de son blaster vers le torse de son interlocuteur. Mais un doute le saisit. Il osa une œillade dans la direction de l’appartement de Yarne. Ce n’était pas humain. Ni alien d’ailleurs. Il passa sa main libre contre sa figure éprouvée et de son arme, fit signe au teint olivâtre de le précéder. Direction le hall.

-On devrait pouvoir passer par la fenêtre du premier étage. Ce sont des locaux d’une boîte de recouvrement, indiqua-t-il en se ruant dans les escaliers pour aller porter secours à Ferks, qui agonisait au sol.
-Ce ne sera pas trop haut ?
-Non, c’est faisable. Il perd énormément de sang, souffla-t-il en retirant sa veste à la hâte pour la compresser contre la blessure.
-Tu es médecin ?
-Seulement infirmier. Ce n’est vraiment pas beau à voir.

Il s’appelait Jonas et avait atterri dans cet immeuble du district 40-9 après avoir déserté les rangs de l’armée impériale. Dans l’incapacité de quitter le sol de Dromund Kaas, comme bon nombre de clandestin, il s’était résigné à se terrer dans la banlieue opaque de Kaas City. Il devait attendre qu’une connaissance lui apporte de faux documents d’identité. Cette soirée venait de tout faire foirer.






-Lâche-le, sale conne ! S’écria Dana. D’une main, elle délivra sa pique-laser de son étui et plaqua la garde contre la gorge de Yarne. Tenant fermement chaque extrémité, elle fit levier pour faire reculer la vieille dame, dont les cris sinistres finissaient en gargouillis étranglés. Dès que Hope fut libéré, elle repoussa l’askajienne et invoqua la Force pour la plaquer contre un mur proche. Yarne se débattait avec la force du possédé, insensible à la douleur provoquée par le don telekinetique de la Sith.

-Achève-la ! Elle va m’éch…

Trop tard. Shar abaissa son bras, essoufflée. Elle n’eut que le temps de presser sur le commutateur de sa lame et de laisser la veillarde s’empaler dessus, dans une charge animale et insensée. Dana vit de près le faciès ensanglanté de ce qui autrefois fut vivant et sain. Des yeux noirs comme les profondeurs d’un océan de ténèbres et un teint aussi blafard qu’une lune. A cela se rajoutaient la chair à vif, les traces de liquides biologiques en tout genre, l’odeur. Elle en eût la nausée et retira sa pique d’un coup sec, admirant le corps âgé heurter le sol dans un bruit sourd. L’endroit était mal éclairé mais entre deux rayons dune lueur nocturne et timide, elle aperçut l’autre Sith. Et il put l’apercevoir aussi. Il put saisir, un court instant, cette perle saline qui brilla contre les cils de l’Inquisitrice. Une larme ?

Des flashs assourdissants cognaient à sa tête, Lorrd. Gravlex Med. Elle les avaient tous enterrés. Avait scellé leurs cercueils du clou de l’oubli. Cependant, les morts se relevaient et voulaient revenir. La brune porta un regard terrifié sur le corps inerte et elle passa vivement son avant-bras souillé de sang contre ses yeux, pour sécher ses larmes silencieuses et les remplacer par le pourpre de hémoglobine.

-Brûle-la tout seul, dit-elle avant de quitter les lieux.






Alors qu’elle descendait les escaliers, entourée des échos morbides de l`immeuble condamné, son comlink grésilla. Elle prit la communication d’une main tremblante.

-Ici Dana Shar, vous avez intérêt à m’annoncer des bonnes nouvelles.
-Inquisitrice Shar, ici Centrale. Voici les instructions. Rassembler les habitants dans le Hall. Nous envoyons un spécialiste sur les lieux.
-Un quoi… ?
-Nous lançons un protocole BC sur la zone. Ordre du Seigneur Varnak.
-Attend…

Le silence succéda à ses interrogations. Varnak ? L’armée serait-elle de mèche avec le Maître des Forges ? En tous les cas, Lloyd avait bien merdé à faire remonter les habitants et elle n’était pas enthousiaste à l’idée de parcourir tout le bâtiment pour les rassembler comme un troupeau qu’on menait à l’abattoir. Parce qu’elle avait cette étrange impression de faire partie du troupeau. Sitôt qu’elle posa le pied dans le Hall, Jonas réclama son attention :

-Il faut sortir..
-Personne ne sort compris ?! Si on s’approche de la moindre issue, un sniper de l’armée se fera un plaisir d’abréger ta vie ?
-C’est insensé…

Elle apostropha Tuntan qui évitait de croiser le visage sale de la brune.

-C’est quoi un protocole BC ?
-Ahm, eh bien…(Il parut piocher dans ses souvenirs) une procédure normale quand il y a une menace biologique ou chimique. Pourquoi ?
-Vous allez faire redescendre tout le monde.
-Mais Hope a dit que…
-C’est moi qui donne les ordres, trancha-t-elle, le regard mauvais. Ils nous envoient un spécialiste, tout le monde doit être rassemblé.
-Un spécialiste de quoi ?




Un cri lointain dans les hauteurs.






Puis perçant, de plus en plus fort.





Un hurlement humain.





Le corps sombre de Balvi s’écrasa au sol, au centre du Hall. Il était tombé depuis le quatrième étage. Le silence reprit ses droits et Shar écarquilla les yeux de stupeur. Jonas se précipita vers Ral, dont la tête était désormais auréolée d’une marre de sang. Il avait la joue à moitié arrachée. Elle leva vivement son attention vers les étages qui renvoyaient des échos inquiétants.

Lloyd.

-Restez dans ce foutu Hall, s’exclama-t-elle en se précipitant dans les escaliers.

-Hope ! Cria-t-elle une fois arrivée sur le pallier du second étage, le cœur battant.



Lloyd Hope
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Lloyd haletait toujours au sol, le front perlé de sueur, quand Dana quitta la pièce. C’avait été moins une. Etait-ce une larme qu’il avait vu dans les yeux de Shar ? Il repoussa cette interrogation : pas le temps, et d’ailleurs Shar était du genre à tuer les enfants d’un coup de pistolet entre les deux yeux, pas à pleurer sur les morts. Il ne servait à rien de se poser ce genre de questions. Elle lui avait certainement dit ça pour qu’il se coltine le sale boulot.

Lloyd mit un temps avant de se relever. Avec des gestes précautionneux, il attrapa la vieille askajienne par les pieds et commença à la tirer hors du salon, puis hors de l’appartement. Une fois dans le couloir, il l’entraîna vers l’escalier qu’il commença à gravir. La tête du cadavre ne cessait de heurter contre les marches avec un bruit macabre. Les yeux grand ouverts de l’askajienne semblaient fustiger le monde. C'allait être long avant qu'il atteignît le toit pour pouvoir la brûler là-haut.

3ème étage.
La plupart des portes étaient fermées ici. Une seule était ouverte et donnait sur un couloir obscur, comme s’il s’agissait d’un appartement abandonné. Lloyd se hâta.

4ème étage.
Une porte était défoncée. Les autres fermées.

5ème étage.
Ce n’était pas un étage comme les autres : moins de portes, probablement des appartements plus grands.
Des bruits de lutte juste en dessous de ses pieds. Des pas précipités. Un long cri… Et le bruit sourd du choc d’un corps inerte tombé de haut. Cela rappela vaguement à Lloyd le corps des habitants qui, tentant de s’enfuir, sautaient parfois des immeubles sur Columex.

Le hapan lâcha le cadavre pour sortir son blaster. Il resta un moment immobile, à regarder l’escalier, s’attendant à voir surgir une deuxième Yarne depuis les marches. Mais rien ne se produisait tandis qu’il écoutait le sang battre à ses tempes follement sous l’effet de l’adrénaline. Au bout d’un moment, il entendit l’appel de Dana et se décida à redescendre, non sans garder braqué son blaster devant lui. Il veillait à ne faire aucun bruit malgré ses bottes qui crissaient parfois en écrasant doucement quelques débris. Il ne put s’empêcher de jeter un regard dans la cage d’escalier pour constater avec dégoût que le corps de Balvi, étendu dans une mare de sang, était celui qui avait trouvé la mort dans cette chute.

Lorsque Lloyd arriva au niveau du deuxième pallier, il n’avait pas croisé âme qui vive. Il rejoignit Dana à l’entrée de l’appartement de Yarne, elle aussi visiblement aux aguets.

- Ça venait du quatrième, déclara-t-il à voix basse.

Il lui fit signe de le suivre, et tous deux remontèrent à pas de loups dans les étages supérieurs.

Au quatrième, Lloyd s’immobilisa. Une porte était ouverte. Quand il était passé en montant un peu plus tôt, elles étaient toutes fermées, il en était certain. Il désigna l’appartement du menton, et Dana et lui s’approchèrent en tentant de garder un silence absolu.

Dans l’entrée éclairée par la lueur blafarde d'un néon bon marché, un meuble dont l’un des pieds étaient cassés soutenaient divers objets et vêtements. Des traces de sang étaient étalés au sol. Leurs armes sorties, Lloyd et Dana avancèrent dans un deux-pièces constitué d’un séjour où visiblement, l’on cuisinait aussi vu les casseroles qui étaient empilées non loin du canapé, et d’une chambre dont on apercevait les couvertures entassées au sol. Lloyd bondit dans la chambre, prêt à tirer sur qui s’y cacherait, mais il pointa son blaster sur un mur blanc. La pièce était vide. Un petit panneau dissimulait une douche sonique et des toilettes rudimentaires. Où étaient les habitants ?

Lloyd retourna au pas de course vers l’entrée, passant devant Dana avec précipitation, et il referma la porte pour qu’ils fussent en sécurité dans l’appartement. Il se retourna pour se plaquer dos contre la porte comme s’il avait peur que quelqu’un tenta de forcer le passage. Il planta ses yeux dans ceux de Dana. Pour une fois, pas d’animosité.

- Ecoute, il faut que je t’explique quelque chose. J’ai fait une mission il y a quelques temps…

Les mots suivants ne voulurent pas venir. Il déglutit et regarda le plafond. Il n’avait aucune envie de raconter cette histoire. Encore moins à Dana.

- L’armée m’a envoyé sur une barge destinée à des expériences scientifiques.

Le Stonx. ORIS. Les cadavres qui flottaient. Les tentacules qui avaient étranglés Ch’taïne. Il ferma les yeux et se força à réciter les informations utiles.

- Un virus avait été conçu là-bas. Un virus qui… transformaient les gens. Les rendaient… agressifs. Ils testaient… Je sais pas, ils essayaient de faire un genre de super-soldat je suppose. Bref. Une catastrophe. Tous les gens qui travaillaient sur la station sont morts exécutés par les droïdes de sécurité car ils étaient devenus fous. Il restait des… spécimens. Des sensibles à la Force. Le virus les avait…

Il ne pouvait pas expliquer. Elle ne comprendrait pas. Il revoyait les corps devenus difformes. Les choses qui avaient poussé sur leur tronc.

- Les avait fait muter. J’ai dû les supprimer. Malheureusement les archives faisaient état d’un scientifique ayant emporté hors du Stonx un échantillon pour le compte d’un seigneur de Dromund Kaas.

Lloyd cacha ses mains derrière lui pour ne pas montrer qu’elles tremblaient. Quand il avait rouvert les yeux, Dana était toujours là et il se demandait si une trêve entre eux allait être possible.

- C’est pour ça que je suis là. Pour trouver qui l’a récupéré et détruire le virus avant qu’il ne se propage. Je ne sais pas si c’est contagieux. Tout ce que je sais, c’est que si nous sommes contaminés… Je veux dire, si c’est à ça que nous faisons face… L’Empire va certainement chercher à supprimer toutes les personnes présentes ici. Nous y compris, sauf si on fait le ménage et qu’ils n’ont plus rien à faire. C’est pour ça que j’ai fait isoler les habitants. Pour ne pas qu’ils se contaminent entre eux… Et pour pouvoir les éliminer plus facilement, si besoin.

Lloyd sursauta quand un long cri d’effroi se fit entendre à l’extérieur de l’appartement. Mais il tenta de se maîtriser.

- Mais si ça se trouve, ça n'a rien à voir.

Il était peut-être tout simplement parano. Après tout, c'était ce que Mat' disait toujours.
Darth Hope
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Dana respirait mal. L’appartement était « vaste » si on le comparait à une cabine de turbolitf, mais elle ne pouvait oublier qu’ils se trouvaient dans un immeuble aux accès condamnés, et que dans ce même bâtiment clos, Lloyd venait de les enfermer dans un logement étouffant. Elle eut mal au ventre. Le genre de douleur qui appelait inévitablement un haut-le-cœur. Elle ravala péniblement ses nausées et se concentra sur le hapan, sur ce qu’il avait dire. Merde ; ça lui donnait encore plus envie de vomir.

T'es un con, Lloyd.

-Putain…souffla-t-elle, les jambes fébriles.

Elle ne trouva rien d’autre à dire dans l’immédiat. Ses prunelles nerveuses se dirigeaient vers les recoins sombres, le plafond, le sol. Ils renvoyaient les échos angoissants de ces choses. Elle se prit la tête entre les mains. Sous ses ongles, les sangs incrustés. de Yarne et de Ferks séchaient. Elle se laissa choir, avec raideur, sur un tabouret en acier qui grinça sous son poids et fouilla la poche de son treillis sombre. Dès qu’elle réussit à coller une cigarra entre ses lèvres tremblantes, la flamme de son briquet jaillit dans la pénombre, illuminant un bref instant son faciès marqué de rouge. Elle ignorait comment elle parvenait à garder son calme alors que l'hystérie s'était déjà emparée des contreforts de son esprit.

-Ils m’ont dit qu’ils envoyaient un spécialiste. Avec leur saleté de protocole BC. Menace biologique ou chimique, hein ? Je pense qu’ils ont un peu sous-estimé la merde dans laquelle cet immeuble est plongée. A mon avis, leur spécialiste, c’est plutôt un liquidateur du Seigneur Varnak. Quelqu’un qu’on envoie pour nettoyer les scènes de crimes. C’est pour ça qu’ils veulent qu’on se rassemble tous en bas.

Son dernier mot fut accompagné d’un soupir empli de toxine. La fumée se dégagea dans l’air ambiant, gracieuse et fantasmagorique.

-Ils vont nous liquider aussi. Parce que si c’est ce que tu dis est vrai, on est peut-être déjà infecté. Si j’avais su, j’aurais laissé la vieille conne te bouffer.

Un trait d’humour, une once de colère, beaucoup d’inquiétude. Shar était morte de peur et elle pensait sincèrement vivre ses derniers instants. Ce qu’il lui restait d’humain se manifesta. Elle songea à la vie première qu’elle avait toujours souhaité, faite de libertés, de danses, de petits soucis financiers. Puis la Sith en elle avala ces reliquats passés, comme un monstre se délectait d’une proie dodue. Un long silence s’installa entre Lloyd et elle. Plusieurs minutes, peut-être une heure où elle se contenta de fumer et lui, de garder la porte contre laquelle – parfois, on entendait des grattements de ceux qui – affamés, n’étaient plus vraiment vivants. Elle écoutait les grondements sinistres, les cris qui s’étaient élevés dans le lointain pour s’évanouir aussitôt dans une tranquillité morbide ; les bruits de pas précipités qui donnaient le tempo dans la cage d’escalier et dont on ne savait s’ils appartenaient à des victimes tentant de fuir ou à leur prédateur. Et surtout, elle entendait la respiration de Lloyd. Au départ saccade, puis désormais moins farouche, plus posée. Un rythme lent et régulier, malgré l’incertitude, malgré la peur. Elle s’ouvrit légèrement à la Force pour mieux profiter de ce souffle qu’il prenait et expirait. Elle se surprit à l’imaginer courir sur son derme dénudé. L’image fut parasitée par l’expression de Luis Raidun, puis par les yeux verts du gamin exécuté et enfin, par la gueule déformée de la vieille Yarne. La chaleur fantasmée du hapan avait laissé place au poison des souvenirs.

-On doit s’enfuir, brisa-t-elle en premier le long silence. On ne peut pas…juste attendre que leur spécialiste nous déniche ici ou que l’un de ces….(Elle hésita sur le choix des mots.) mutants nous croque avant.

Elle jeta son mégot au sol et l’écrasa sous son talon. La survie avait enfin pris le pas sur la résignation. D’un pas décidé, elle se planta devant Hope. Elle était plus petite que lui et se bornait à fixer sa gorge pour éviter de croiser son regard, parce qu’elle était trop proche, que cela lui remémorait le manoir de Brilak. Elle entrouvrit les lippes, lentement, pour articuler avec clarté.

-Si un de ses trucs me mord, il faudra que tu m’abattes. Pareil si le cas inverse se produit. De toute façon, on peut considérer que tout le monde est mort ici.





-Pssht, pssht, par ici, leur murmura Chesar dès qu’ils quittèrent l’appartement.

Tout était sinistrement calme et noir. La lumière des escaliers s’était définitivement éteinte et des diodes verdâtres indiquant vaguement des issues de secours inexistant faisaient office de veilleuse. Le vieil humain leur parlait depuis le cinquième étage où il avait trouvé refuge et penché à la balustrade, leur faisait signe de les rejoindre pour se mettre à l’abri. Un bruit sourd en contrebas, suivi de grognements inhumains les décidèrent à privilégier la sortie Chesar. Ce dernier les accueillit sur le palier du cinquième étage où gisait encore le corps inerte de Yarne. Il était nerveux, dans l’encadrement des portes du dernier appartement. Ils le rejoignirent à pas feutré et il verrouilla les portes. Dana se mit immédiatement à tousser tant l’air de l’endroit était vicié.

-Tout cela, je suis sûr que c’est de la faute de ces rodiens, délira le vieillard, pâle comme un linge et le visage déformé par le dégoût. Ils…ils mangent de la viande crue et laissent la porte ouverte quand ils cuisinent.

Chesar était un vieil homme fidèle au régime impérial et particulièrement spéciste. Malgré son peignoir, sa calvitie et ses rides, il demeurait d'une élégance rare - même en pareilles circonstances

-Où..sommes-nous ?

Le vestibule était éclairé par une ampoule nue et jaunâtre qui n’illuminait pas plus loin que le bout de leur nez.

-Sous les toits, ma chère dame. L’occupant était un homme…qui a déserté l’endroit depuis quelques temps pour aller vivre sur Ziost. On ne le voit pratiquement jamais. Mais…il y a une issue, au niveau de l’atelier de réparation des droïdes, existe un entrepôt, derrière la porte de ce dernier…on peut accéder à un passage qui mène aux égouts. Les autorités ne le savent sans doute pas, c’est par là que tous ces clandestins aliens arrivent.
-Et on fait quoi si la porte de l’entrepôt est verrouillée hein ?
-Mais il y a sûrement une clé magnétique quelque part ! Le gars qui vivait ici avait un double de tous les accès, s’exclama l’humain, dépassé. Il suffit de f…

Il ne termina jamais sa phrase, car quelque chose avait jailli de l’obscurité alentour pour le happer dans l’inconnu. Ds gargouillis d’agonie puis le silence.

Et le noir, car dans le mouvement subite, l’ampoule avait brisé.

-Que…Hope ? appela-t-elle, figée de peur. Elle tendit les mains, le stress soudain l’empêcha de se connecter tout de suite au réseau de la Force. Hope…souffla-t-elle de nouveau, d’une voix plus faible. Bordel…qu’est-ce qu’il se passe.




Lloyd Hope
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Lloyd sentit un bref courant d’air avant que brusquement ne s’éteignent simultanément la voix du vieillard et la lumière. Le sentiment d’hypervigilance et d’horreur, qu’il avait réussi à maîtriser à peu près quelques minutes plus tôt grâce au temps que tous les deux avaient pris pour réfléchir, était revenu en force. Sans réfléchir, il attrapa Dana par le bras de sa main gantée pour la faire reculer vers les portes auprès de lui, et dans le même temps il dégaina son sabre laser de sa main libre. Aussitôt la lame rouge en jaillit et illumina le vestibule, comme une barrière de feu entre eux et le reste du monde.
Pourtant, au-delà, nulle silhouette ne se découpait. Le vieillard s’était comme volatilisé.

- Il y a au moins un infecté ici, arriva-t-il à articuler. Dana, on ne va pas pouvoir se contenter de s’enfuir.

Se rendant compte qu’il la tenait toujours et qu’il serrait un peu fort, il la lâcha. Il fit un mouvement de côté avec son sabre pour vérifier que personne ne pouvait les atteindre par le côté, mais à leur droite une grande armoire constituait une impasse. C’était soit continuer devant, soit sortir de l’appartement sans savoir ce qui les poursuivrait.

- Si c’est le virus dont je t’ai parlé, on peut pas le laisser se propager à l’extérieur, chuchota-t-il avec consternation. Il va falloir supprimer tout le monde dans l’immeuble.

Méthodiquement. Et s’enfuir ensuite, et se surveiller l’un l’autre au cas où ils seraient infectés. Là-dessus, elle avait raison. Où iraient-ils ? Ils verraient bien. Il prit une inspiration et se décida à avancer dans l’appartement. La lueur tremblotante de son sabre trahissait légèrement sa difficulté à rester parfaitement calme. Pourtant, au bout de quelques pas, l’adrénaline lui prêta le courage suffisant pour éclairer ce qui avait dû être un salon qui aujourd’hui paraissait empli de fantômes : des draps blancs recouvraient les meubles et les objets. Un lustre tanguait lentement au-dessus de leur tête, comme s’il avait été percuté récemment. Lloyd progressait lentement, tâchant de garder le silence, ne se retournant pas pour vérifier si Dana surveillait ses arrières.

Le hall se prolongeait jusqu’à une nouvelle double porte, entrouverte. Il y avait une autre porte close à sa droite, mais le hapan préférait poursuivre la trace la plus probable pour retrouver le vieillard et son assaillant. Lloyd s’approcha avec lenteur de la porte entrouverte, puis repoussa doucement le battant avec le pied. Celui-ci grinça légèrement. Au-delà, un autre salon assez spacieux, doté d’un large canapé et de grands placards, probablement destinés à recevoir des tenues coûteuses, avaient été vidés de leur contenu, leurs portes restées ouvertes béaient. L’endroit paraissait trop luxueux pour un immeuble de si mauvaise apparence, mais le hapan n’avait guère le temps de songer à de tels détails. A droite, encore une porte ; devant lui aussi. Lloyd pénétra dans la pièce, suivi de Dana qui ne s’était donc pas enfuie. Il ne l’aurait jamais admis, mais c’était rassurant de l’avoir à ses côtés, au cas où ils étaient attaqués.

Lloyd voulut faire signe à Dana de prendre la porte de droite pendant qu’il poursuivait en face, mais il n’eut pas le temps d’exécuter son plan : une créature surgit de derrière le canapé et bondit sur lui avec un cri inhumain, ressemblant à un sifflement sauvage. La Force aida Lloyd à percevoir l’attaque avant que la main décharnée ne le heurtât : il recula d’un pas, et sa lame fendit l’air devant lui pour faire reculer la créature. Sans succès : la silhouette ne tenta même pas de l’éviter et l’un de ses membres fut sectionné net. Un bras sanguinolent tomba au sol alors que la créature se remit à hurler de plus belle. A cause de la proximité avec le sabre-laser, Lloyd et Dana purent entrevoir le visage de l’assaillant : c’était un humain d’une quarantaine d’années dont les yeux sombres avaient l’air de vouloir sortir de leur orbite. Ses joues étaient anormalement creusées et pâles, et sa gorge était marquée d’une plaie sombre et ouverte. Il n’en fallut pas davantage à Lloyd. La créature attaqua de nouveau en fonçant vers lui sans subtilité, aussi lui passa-t-il sa lame au travers du corps. Lorsqu’il l’en arracha, la créature s’effondra en tombant sur une petite table recouverte d’un drap blanc. Visiblement, le drap devait protéger un bibelot car il y eut un fracas de porcelaine brisée qui tinta aux oreilles de Lloyd comme un signal d’alarme. Haletant, il agita son sabre autour de lui pour éclairer les alentours. Dana était là, sa propre arme en main, et il y avait un deuxième corps par terre : Chesar.
Lloyd tâcha de reprendre son souffle. Les yeux écarquillés, il lui semblait qu’une nouvelle créature pouvait surgir de n’importe quel coin sombre et il ne pouvait s’empêcher d’éclairer ici et là autour de lui sans pouvoir retrouver son calme.

Pour ajouter à la panique ambiante, des pas précipités se mirent à se faire entendre de concert, ainsi que des sifflements. Ils venaient de l’appartement, d’autres de l’extérieur, dans la cage d’escalier.

Le bibelot, le bruit les a alertés, songea Lloyd dont le regard rencontra celui de Dana. Dans un instant, ils seront dans cette pièce et ils seront beaucoup trop nombreux.

Alors, sans réfléchir une seconde de plus, il éteignit son sabre laser et se jeta sur Dana pour la repousser sans ménagement contre le mur. Dans le noir total, il chercha à tâtons l’un des placards, et s’y fourra en y attirant violemment Dana. Comme elle protestait, dès qu’ils furent accroupis, il apposa son gant sur sa bouche tandis que de l’autre main, il refermait à la hâte les portes du placard sur eux, du mieux qu’il pût.

A peine celles-ci se furent refermées que surgissaient dans le salon une nuée de créatures sifflantes. Figé dans cette posture accroupie, la main toujours sur le visage de Dana, Lloyd s'efforça de maîtriser sa respiration.

Ils ne devaient pas faire de bruit.
Pas. Le. Moindre. Bruit.
Darth Hope
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Les doigts gantés de Lloyd étaient encore imprégnés dans la peau du bras de Dana. Ils y figeaient une légère empreinte rouge qui s’estomperait rapidement. Elle-même céda à la panique dès que la créature surgit des ombres et l’incandescence de sa lame-laser vint rejoindre celle de son homologue. C’était le rougeoiement de leur arme contre les ténèbres et cette lueur brûlante éclaira à peine le rideau noir qui les entourait. Shar se précipitait dans la Force, tâchant de maîtriser ses perceptions et ses yeux fixaient le sabre du hapan avec la détermination du désespoir, elle ne devait pas le perdre de vue et…

Elle percuta un mur, éprouva le poids du blond contre elle. Dans la manœuvre, elle avait désactivé sa pique-laser et comptait protester au moment où il la saisit pour s’engouffrer dans un abri de fortune, contorsionnée comme elle le fut dans cette caisse ignoble pour être offerte à Raidun. Le souvenir brisa sa rage en milles éclats qui souhaitèrent voler hors de sa bouche furieuse mais elle sentit le cuir du gant presser ses lèvres moites et sentit le sang et la sueur.

Les murs semblèrent prendre vie tant les créatures grattaient sommairement à la recherche de chair fraîche. Contre sa paume couverte, Lloyd pouvait sentir les gémissements désespérés de Dana qui finissaient étouffés. Elle s’agrippa au poignet qui la bâillonnait pour le dégager, mais Hope tint bon car il comprit qu’elle ne saurait maîtriser les sons de panique qui franchissaient ses lippes. Ses ongles griffèrent la manche du sith, s’enfoncèrent dans la chair en-dessous. Elle allait mourir. Elle discernait les parois du placard se presser autour d’elle, elle…manquait d’air, elle ne respirait plus. Elle crut perdre connaissance dans cet apnée irrationnelle. Elle préférait crever dévorée par ces choses plutôt que de passer une seule seconde. Ses geignements s’étaient tus, car désormais, elle mordait ce qu’elle pouvait de la main gantée pour exorciser sa terreur.

Une seconde qui devint plusieurs minutes dont la longueur les tortura jusqu’au silence complet de l’appartement. Le dernier grognement inhumain s’était évanoui. Le fracas des jambes et des mains qui percutaient indifféremment meubles et objets s’était tu. Les pas hantés des créatures s’éloignaient dans la cage d’escalier, comme si elles avaient été attirées par d’autres bruits, d’autres odeurs. Lentement, il dégagea sa main du museau de l’Inquisitrice et elle inspira bruyamment un peu d’air vicié. Ce ne fut pas suffisant. Elle s’ébroua dans le même temps, cognant la porte du placard qui s’ouvrit dans un léger grincement. A peine eût-elle le temps de reprendre ses esprits, de lâcher son hystérie sur Hope qu’elle disparaissait, aspirée hors de leur cachette.

Un instant, elle était là, toute proche de lui, à écraser son souffle en détresse contre sa figure hapienne. Celui d’après ; elle n’avait plus laissé qu’un vide obscur.


A plat ventre, son abdomen et sa poitrine raclaient le sol et ses débris alors qu’elle était tirée par une poigne brutale. Ca s’était refermée sur sa cheville. Elle se contorsionna, gigota pour réussir à attraper sa pique-laser et déclencha cette dernière dans un grésillement sec. La lueur rouge lui dévoila une ombre décharnée qui n’avait rien à voir avec les autres.


Lloyd put entendre son hurlement dans les ténèbres. Et les contaminés de l’immeuble l’entendirent aussi.


Elle se débattit, mais l’immonde chose était trop proche. Son arme-laser ne convenait pas au combat rapproché et dans la terreur, elle perdait en précision et ses capacités cognitives ne fonctionnaient plus totalement. Dana fut traînée ainsi jusque dans une arrière-pièce . L’horreur la lâcha enfin et se dressa de toute sa hauteur. Dans la pénombre permise par des écrans holographiques sur lesquelles défilaient des rapports scientifiques, Shar aperçut une silhouette squelettique et nue, à la poitrine tombante et au faciès décharné. Ce qui fut jadis une chevelure féminine pendait pauvrement le long de son crâne défoncé. La Sith recula vivement sur son postérieur, jusqu’à heurter un mur. Elle tenait fébrilement sa pique devant elle et remarqua, avec effroi, que la créature tenait dans sa main aux ongles longs et sales, un marteau en acier couvert de sang et de chair.

-N’approche pas…réussit-elle à articuler en rampant le long du mur, dans l’espoir d’atteindre la porte. N’approche pas…

Et c’étaient dans les situations les plus complexes et les plus terrifiantes que la lucidité frappait. Alors que le monstre silencieux la fixait de ses yeux si noirs qu’ils en brillaient, Dana eut un soubresaut de d’acuité. Sa paume qui tâtonnait contre le mur trouva enfin l’encadrement de la porte et elle cria vers le noir de l’appartement :

-HOPE ! Si tu m’entends…Hope…cherche les clés magnétiques de l’entrepôt et de l’atelier. CHERCHE-LES et dégage !

Elle resserra plus fermement sa prise autour de sa pique-laser et se releva, prenant appui sur la paroi. Elle allait barrer la route à ce…cette…ce monstre, le temps que Lloyd trouve une issue pour lui-même. Elle n’était pas sûre de pouvoir faire quelque chose, mais se sentait en capacité de ralentir la progression de la décharnée dans sa marche vers plus de morts.

-Je paie ma dette…murmura l’Inquisitrice tandis que son adversaire inhumain avançait vers elle. Je paie ma dette, Lloyd alors…tu as intérêt à dégager d’ici.

Elle pleurait. Ni de peur, ni de tristesse, ni d’impuissance. C’était un autre sentiment. Et il nettoyait son visage souillé par de longs sillons de larmes. D’une rapidité surprenante, le monstre attaqua en premier et se heurta à une violente déflagration télékinétique que Dana avait mobilisé via la Force. Elle avait puisé dans ses ultimes réserves et alors qu’il se redressait lentement et poussait un hurlement enragé. Shar le vit fondre sur elle.

Croc.

Le marteau percuta son crâne et elle s’effondra au sol, assommée sur le coup. La chose se pencha sur le corps inerte de l’impériale, renifla de son nez inexistant sa peau.


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Dans le placard s’était produit une lutte silencieuse qui avait laissé un Lloyd dégoulinant de sueur. Ecroulé au fond du placard, laissé seul par une Dana sauvage enfuie, il sentait encore la morsure sur sa main et les griffures laissées sur son avant-bras. Il était incapable de dire ce qui était arrivé à la Sith – la panique ? – mais il avait d’instinct lutté fermement pour ne pas révéler leur cachette. Il en était encore essoufflé quand il entendit à l’extérieur un drôle de raclement, puis un cri.

Il bondit à l’extérieur en ressortant son sabre, avec la ferme intention de reprendre le combat, mais dès qu’il vit la lueur de la pique laser de sa partenaire il changea d’avis : en restant dans l’obscurité, il avait peut-être un coup d’avance quant à l’ennemi. La lueur de la pique laser provenait d’une pièce latérale. Les cris de Dana le laissaient de marbre, car il voyait la silhouette au marteau s’avancer vers elle et il n’osait plus bouger.

Croc.

Le sang de Lloyd se glaça. Quand il vit la créature se pencher vers la silhouette de Dana, les créatures mutantes se rappelèrent à son bon souvenir et il ne réfléchit plus : il bondit en avant. La créature eut à peine le temps de lever son regard morne vers lui que sa lame lui transperçait la gorge. La femme aux longs cheveux poisseux glissa le long du sabre et s’effondra sur la Sith. Lloyd la repoussa du pied et s’accroupit auprès de Dana.

- Dana ?

Pas de réponse. Mais elle respirait : il voyait une faible vapeur sortir de sa bouche.

Des grattements. Des bruits de pas. Les autres créatures revenaient. Lloyd bondit pour refermer la porte de la pièce, puis se mit à fouiller frénétiquement le bureau. Si des clés étaient cachées là, ce devait être dans une telle pièce : il y avait ces moniteurs qui diffusaient cette lumière tremblotante, un bureau, des rapports empilés sur les tables, des graphiques épinglés au mur. Le hapan ouvrit chaque tiroir. Il en vidait le contenu sur le sol, recommençait avec le suivant.

Rien.

- Merde !

Au-dehors, les pas se rapprochaient. Lloyd activa son sabre-laser, prêt à défendre chèrement sa vie avec l’énergie du désespoir.

--------

--------

--------- Ch… Chérie ? Delith, c’est maman… C’est-c’est… Delith ? Où es-tu ?

Nuala avait repoussé la caisse qui avait dissimulé le renfoncement dans lequel elle s’était cachée depuis près d’une demi-heure. C’était une cachette faite spécialement en cas de descente des autorités pour y déloger les clandestins de l’immeuble. Ce n’était pas rare, dans le quartier, mais Nuala n’aurait jamais cru s’en servir pour cela. Elle avait entendu la conversation étrange des deux Sith. Un virus ? Sa petite Delith avait fait un peu d’épilepsie, voilà tout. Ce qui était arrivé au garde n’était qu’un pur accident, Delith n’aurait jamais pu le faire basculer si facilement dans la cage d’escalier…

- Delith ? appela-t-elle encore en sortant de son appartement.

Dans les étages, elle entendait du mouvement, mais elle descendit vers le hall dans des gestes tremblants. Le premier étage était vide. Mais de la lumière provenait du hall au rez-de-chaussée. Elle s’y rendit, le teint blême. Il y avait cet infirmier, probablement pourrait-il les aider…

Enfin, en bas, elle trouva Delith. Dans la lueur des néons clignotants, la petite fille était penchée sur le corps du klatooinien, allongé au sol.

- Delith ?

La petite fille se redressa et se retourna vers elle. Un instant, Nuala fut soulagée de voir qu’elle était en vie. Mais le visage de l’enfant était couvert de sang.

- Delith ! Qu’est-ce qui t’es arrivé ?! Viens dans mes bras !

La petite Twi’lek hésita, mais consentit à relâcher le boyau qu’elle avait extrait de la gorge de Tuntan pour courir vers sa mère.

--------

--------

--------Lloyd réassurait sa prise sur le manche de son sabre quand un long cri d’horreur lui parvint. Aigu. Visiblement, il n’était pas le seul à l’avoir entendu : les pas qui se précipitaient vers la pièce s’étaient interrompus. L’instant suivant, ils repartaient dans l’autre sens et s’éloignaient, sans avoir poussé la porte de la pièce où il se terrait.
Un bref instant, Lloyd ne crut pas sa chance. Il resta bêtement là, prêt à voir surgir des ombres un ennemi à transpercer, mais rien ne se produisait. Il n’y avait qu’un cadavre et… Ses yeux tombèrent sur le corps inerte de son acolyte Sith. Il voyait des reflets lumineux dans le sang qui dégoulinait sur le visage de Dana.

- T’as raison, j’suis vraiment con, souffla-t-il soudain en éteignant son sabre.

L’habitant de l’appartement, il venait de le tuer. Il avait probablement encore les clés sur lui.

Précautionneusement, Lloyd rouvrit la porte, retenant son souffle. Rien ne se jeta sur lui. Quelqu’un avait tristement fait diversion, et il avait le champ libre. A tâtons, s’aidant de sa mémoire, il se mit à revenir sur leur pas pour chercheur l’endroit où il avait abattu l’homme en question. Il finit par marcher sur le membre sectionné, puis il s’accroupit pour palper, les mains tremblantes, le corps du cadavre.

Bingo.

Lloyd se redressa. Il tenait dans ses mains un jeu de clés magnétiques dont il fallait espérer qu’il s’agissait de celles de l’entrepôt et de l’atelier. Il n’avait plus qu’à descendre et s’enfuir… Le hapan se mordit la lèvre.

- Quitte à être con, autant l’être jusqu’au bout, marmonna-t-il pour lui-même, et au lieu de partir, il revint sur ses pas pour se pencher sur Dana.

Il approcha son oreille de sa poitrine. Son cœur battait. Que faire maintenant ? C’allait être compliqué de se défendre avec un corps dans les bras. Et pourtant, il allait falloir descendre…

--------

--------

--------Au cinquième étage, il n’y avait plus un bruit. Une forme étrange se déplaçait dans l’obscurité : deux jambes surmontées d’une grande bulle blanche informe. Lloyd s’était servi de l’un des draps recouvrant un meuble pour faire une besace où il avait tant bien que mal enveloppé une Dana dont le crâne dégoulinait encore de sang. D’ailleurs, le drap était déjà tout tâché. Néanmoins, noué sur son épaule, il lui permettait d’évoluer les mains libres, au cas où il devait se servir de nouveau de son sabre, qu’il tenait d’ailleurs désactivé.

Lloyd parvint ainsi jusqu’à l’entrée de l’appartement, dont les portes avaient été laissé ouvertes. L’étage semblait vide, aussi se dirigea-t-il vers l’escalier. Du bruit venait de l’étage en dessous. Il se pencha au-dessus de la rambarde, pour apercevoir brièvement plusieurs individus qui chancelaient en montant les marches.

Merde, merde, merde.

Ils remontaient le cueillir, ils ne l’avaient pas oublié. Pris de panique, il retourna vers l’appartement, avant de se dire que ce n’était qu’une impasse. Mais où pouvait-il aller ? Ses yeux se posèrent sur les portes du turbolift en panne. Où était la cabine ? Il n’y avait qu’un seul moyen de le savoir.

L’instant suivant, Lloyd essayait d’écarter les panneaux à la force de ses mains, mais ils résistaient. Les pas se rapprochaient dans l’escalier. Il chercha autour de lui quelque chose pour faire levier, mais il n’y avait rien. Il n’y avait plus qu’une solution.

Il activa son sabre laser. Sans surprise, le crépitement eut un effet immédiat sur les contaminés : des sifflements retentirent, les pas s’accélèrent. Sans regarder derrière lui, Lloyd transperça les deux portes qui cédèrent enfin.
Balvi, la joue arrachée pendant sous son menton arriva le premier en haut de l’escalier, les yeux vides d’humanité, bientôt suivi par Ferks. Le hapan leur jeta un regard effrayé avant de regarder dans le tunnel du turbolift, qu’il espérait pouvoir emprunter pour descendre rapidement tout en bas et se rapprocher de l’atelier : échec cuisant. La cabine était arrêtée à l’étage juste en dessous. Ça n’avait servi à rien ; il pouvait juste monter sur le toit de la cabine. Par acquis de conscience – ou plutôt par désespoir, les deux impériaux étant en train de courir vers lui – il regarda en haut dans la conduite du turbolift : à moins de cinq mètres, un système de poulie soutenait le poids de la cabine ; au-dessus une vitre en dôme protégeait le conduit d’une pluie drue qui tambourinait sur le toit de l’immeuble.

- AAAARRRH !

Pas le choix.

Lloyd mit le manche de son sabre éteint entre ses dents et se jeta dans le conduit, s’agrippant au cordage pour grimper en hauteur, son fardeau pesant lourdement sur son épaule. Il grimpa de deux mètres avant de sentir quelque chose retenir sa botte. Affolé, il donna des coups de pied au hasard et se hâta de monter plus haut encore. Il atteignit la vitre, s’agrippa à la petite corniche sur laquelle elle reposait. Il réussit à caler un pied contre la poulie pour tenir en équilibre et regarder plus bas. Malheureusement, ses poursuivants aussi savaient escalader. Ferks – ou ce qu’il en restait, avait réussi à presque l’atteindre tandis que Balvi venait de glisser un plus bas sur la cabine. Ferks attaqua et parvint à s’agripper à sa botte une nouvelle fois.

- Gnnh ! gémit Lloyd sans desserrer les dents pour ne pas perdre son sabre.

Il essaya de frapper Ferks de sa main libre – sans succès. L’homme évitait ses coups et continuait à siffler, ameutant les autres contaminés de l’immeuble qui s’amassaient au cinquième étage. Lloyd reconnut le vieil homme qu’il avait enjambé un peu plus tôt. Derrière lui, apparut la petite Twi’lek au visage ensanglanté qui leva vers lui se regard mort.

La tête lui tourna. Il se vit en train d’étrangler la petite fille. Un bref instant, il lâcha sa prise et Ferks parvint à tirer sur son pied. Il descendit d’un mètre en râpant contre le mur. L’horreur qui l’avait tétanisé se mua en terreur et il ne sut par quelle énergie il parvint à se hisser de nouveau. Sans réfléchir, il brisa la vitre d’un coup de poing aidé de la Force puis il passa une main pour s’accrocher à l’extérieur, hissant Ferks avec lui ainsi que son fardeau noué dans un drap blanc tâché de sang.

Nouveau coup d’œil en bas : la petite Twi’lek était toujours là à le fixer comme si elle savait qu’il était coupable. La terreur le fit hurler et il faillit perdre son sabre. Il le rattrapa d’une main fébrile et, comme par un réflexe alluma sa lame pour taillader tout ce qu’il pouvait en dessous de lui.

Le bras de Ferks fut sectionné, lâchant enfin prise. Le cordage retenant la cabine aussi. Il y eut des étincelles dans la poulie, la cabine émit un crissement aigu et s’enfonça brusquement, emportant avec elle Balvi, ce qui restait de Ferks et le vieux Chesar vers le bas de l’immeuble.

La Twi’lek était toujours là. Lloyd était suspendu au-dessus du vide. Il ne pouvait pas redescendre. Plutôt mourir que d’affronter une gamine qu’il avait étranglé. Il jeta son sabre à l’extérieur par le trou qu’il avait fait dans la vitre, puis il frappa celle-ci à coup de poings pour l’agrandir. Quand le trou fut assez grand, l’adrénaline, la terreur et la Force l’aidèrent à se hisser à l’extérieur. Le verre lacéra ses gants, son uniforme, sa peau, le drap aussi, mais la panique lui fit ignorer la douleur.

Lloyd émergea sur le toit de l’immeuble. C’était une plate-forme plane avec de petits rebords recouverte d’eau. Il roula à terre, haletant sous la pluie, tirant vers lui le sac pour l’éloigner le plus possible de l’issue, s’attendant à tout instant à voir la Twi’lek s’extraire du trou. Il entendait des gémissements réguliers insupportables et il s’éloigna en rampant, traînant en même temps son fardeau sous la pluie pendant plus d’une vingtaine de mètres avant de réaliser que c’était lui qui gémissait comme cela.

Il osa enfin lâcher le drap et bascula sur le dos. Le ciel était une nappe sombre qui crachait sur lui une pluie glacée et drue.

Plusieurs minutes s’écoulèrent ainsi avant qu’il n’arrivât à se remettre sur le côté. Il chercha une ouverture dans le drap, parvint à dégager le buste de Dana qui était couverte de sang. Elle avait pris quelques égratignures supplémentaires. Il retira son gant gauche, fit courir sa main vers la gorge de Dana. La pensée inconrgrue qu'elle n’avait plus les marques laissées par Raidun surgit dans son esprit. Puis, la vision de sa main étranglant la Twi’lek revint dans l’esprit de Lloyd et il arrêta immédiatement son geste. A la place, il chercha le poignet de Dana pour sentir son pouls.

Vivante. Lloyd laissa retomber sa tête contre le béton mouillé, tourné vers elle. Il haletait. Il fallait qu'il vérifie qu'elle ne s'était pas faite mordre. D'une main tremblante, il réussit enfin à remonter vers la gorge de Dana. Il palpa son cou, repoussa ses cheveux. Le choc qu'elle avait reçu au coin de front n'était pas beau à voir, mais il n'y avait pas de morsure ici.

Il redescendait vers son décolleté, tirant doucement sur le tissu qui dissimulait sa poitrine pour vérifier sa gorge quand il la vit ouvrir les yeux.

J'ai vraiment pas d'bol, quand même.

Darth Hope
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Dana ?






Dana.







Dana…







Dana !





Damaya l’accueillait, penchée au-dessus d’elle. Ses yeux clairs étaient soulignés d’un trait de khôl ravageur. Ses cheveux aubrun flottaient autour de sa figure parfaite et se ramifiaient dans un ciel d’obscurité. Même morte, elle demeurait d’une beauté surréaliste.

-Damaya…Que…

Son aînée fit courir ses doigts pâles le long de ses traits faciaux, essuyant les larmes, le sang et prolongea sa caresse sur sa gorge contre laquelle Dana ressentit une vive brûlure.

-Luis Raidun, dit la défunte dans un sourire froid.
-Il..il est mort.

Pourquoi parlaient-elles de Raidun ? Ou était Hope ? L’mmeuble…le contrôle d’identité. Elle avait magistralement foiré. Et la véritable héritière des Shar était à ses côtés pour le lui rappeler. Tout cela n’avait désormais plus d’importance. Elle pouvait se reposer ici. Rien ne comptait plus que cette paix noire et silencieuse. Terminé l’enseignement Sith, les vastes champs de bataille et leurs morts, l’Inquisition, les missions insensés. Tout était…achevé. Et elle était tellement fatiguée.

-Toi aussi, fit Dama.
-Ouais, moi aussi. Je suis morte. Le pire coup de ma vie.
-Non, rectifia autoritairement sa sœur, Toi aussi.

Elle aurait voulu comprendre, mais la silhouette de Damaya Shar fondit dans le noir.






Sa poitrine se souleva vivement et elle ouvrit grands les yeux. La douleur la pétrifia. Péniblement son cerveau se remit en marche et sa vision se précisa. Le ciel nocturne de Kaas City, la figure de Lloyd au-dessus d’elle, la morsure du brouillard humide et cette main figée à la naissance de ses seins, tirant le tissu de son débardeur. Cette main.. ?! Elle se redressa vivement sur un coude et chasse les doigts de Hope dans un réflexe qui lui coûta le peu d’énergie restant. Sa tête fut prise d’un affreux vertige et elle de détourna du hapan, pour régurgiter un peu de sang et de bile.

L’effet Lloyd Hope.

-Bordel…jura—telle, essoufflée par sa propre souffrance qui cognait son front avec véhémence. Tu étais en train de me tripoter ?!

Elle plissa les yeux pour mieux l’accuser. Son minois était aussi pâle qu’une lune et des cernes violacées avaient fleuri sous ses yeux dorés. Elles s’accordaient parfaitement au sang qui lui ruinait la moitié du visage. Elle se dépêcha de rajuster le tissu de son décolleté, puis balaya les environs d’un regard épuisé. Le vent des hauteurs frappa soudainement ses mèches frondeurs et poisseuses de sang. Le toit, songea-t-elle péniblement. Qu’il était difficile de penser après avoir pris un coup de marteau en pleine tête. Elle avisa le drap autour de ses jambes, de sa taille. Les milliers de pièces du puzzle se consolidèrent avant d’affluer les unes contre les autres…s’emboîtant avec incertitude. Puis elle se mit à rire et l’hilarité se mua en énième crise de larmes qui finit de ponctionner ses dernières forces. Elle s’écroula contre le torse du hapan et laissa couler ses sanglots silencieux, portés par une nervosité évidente. Heureusement, la pluie battante camouflait ses pleurs muets et la nettoyait de toute cette souillure.

-Tu es un…foutu…con. Tu vas te faire tuer si tu continues et ç’aurait servi à quoi ? Sale traître….

Tout y passait, visiblement, la reconnaissance voilée par sa haine, par son incompréhension, par tout ce qui s’était bousculé et qu’elle refusait de comprendre. Elle salit l’uniforme du sith en continuant de se déchaîner contre lui.


Bang.


Un immense projecteur se braqua sur leurs silhouettes lovées. L’ombre d’un immense airspeeder les recouvrit de moitié. La voix désincarnée du droïde d’intervention grinça douloureusement à leurs oreilles. Il réveilla la commotion de Dana qui grogna d’inconfort en se séparant du hapan, se tenant le front.

-----Ecoutez attentivement

N’essayez pas de quitter l’mmeuble.

Toutes les issues ont été verrouillées.

Un protocole BC est en cours.

Bientôt un inspecteur viendra évaluer la situation.------------------


-C’est LA MERDE ! Hurla-t-elle vers le véhicule volant, aveuglée par la pluie et le phare éblouissant. Tout le monde est MORT !


------ Merci pour votre coopération. ---------


-Allez vous faire foutre, souffla-t-elle en chancelant vers le bord du toit, déterminée à quitter cet Enfer. Un tir de sniper échoua a quelques centimètres de ses pieds et elle perdit l’équilibre, tombant à la renverse, haletante.

------------Reculez immédiatement.

C’est pour votre propre sécurité.

Je répète, n’essayez pas de quitter le bâtiment. ------------


Le projecteur s’éteignit aussitôt et l’airspeeder vira de bord pour disparaître dans les cieux pluvieux de la ville. Shar se redressa avec difficulté, manqua de tomber encore, chancela, trébucha mais réussit à revenir près du drap ensanglanté. Elle y ramassa sa pique-laser et croisa le regard de Lloyd.

-J’ai compris, se résigna-t-elle. On doit s’en occuper nous-mêmes, c’est ça ? Leur inspecteur, c’est franchement du pipeau.

Soudain, une leur d’espoir éclata dans son esprit, tançant sa plaie.

-Les clés ? Tu as les clés ? Il reste cette sortie dont le vieux a parlé. Il faut redescendre. Par l’intérieur.

Silence. Ses prunelles agitées fixaient Lloyd tout entier, l’évaluait. Il les avait sorti s d’ici et maintenant il faudrait y tourner. En deux pas, elle fut proche de lui. Elle passa une main contre la nuque blonde et plaqua son front au sien. Ce n’était pas un geste de tendresse, mais un mouvement animal instinctif. Ils devaient survivre et ils n’étaient plus que deux. La douleur devenait insupportable. Cependant, elle maintenait le contact, pour se donner du courage, pour se remémorer qu’elle était vivante malgré tout. L’averse les frappait de plein fouet et ils étaient trempés’ gelés jusqu’à l’os. D’ailleurs, elle tremblait. Une trêve s’imposait. Ils reprendraient leur querelle plus tard, quand ils seraient sûrs que leur vie tiendrait à autre chose qu’à un fil ténu.

-Je te couvrirai, d’accord ? Je vais surveiller tes arrières. Tu surveilleras les miennes, compris ? Seulement…

Sa poigne se raffermit contre la nuque. A chaque syllabe, ses lèvres rejetaient des gouttes de pluie qui échouaient inévitablement sur le faciès du sith.

-Ne touche plus à ma poitrine.

Et merci, réussit-elle enfin à exprimer en silence. Puis seulement, elle s’éloigna. Elle n’était pas dupe sur ses chances de survie. Elle avait perdu pas mal de sang et ne tenait que grâce à l’adrénaline de la survie. Mais le moindre coup pourrait lui être mortel. Lloyd aurait des raisons de douter de sa possibilité à le couvrir. Elle n’avait plus la force nécessaire à un nouveau combat, mais elle ne démordrait pas. Parce que pour rien au monde, elle ne louperait la discussion avec Runà à propos de ce simple contrôle d’identité.








Lloyd Hope
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- Mais nan, je voulais… Pfff.

Ça ne servait à rien d’essayer de s’expliquer de toute façon. Il avait laissé tomber quand le rire de Dana avait révélé l’absurdité de leur situation. Il repensait à la Twi’lek. Il roula de nouveau sur le dos. La pluie avait traversé ses vêtements et collé ses mèches contre son front. Bien qu’il eût un léger mouvement de recul quand Dana s’écroula sur lui – vu le tempérament de la bête et la situation, il n’aurait pas été étonné d’un assaut – Lloyd ne répondit rien à ses accusations. Il sentait juste l’humidité glacée qui avait traversé ses vêtements, les gouttes qui s’écrasaient sur son visage, les cheveux de Dana qui lui balayait le torse. Que dire de toute façon ? Il songeait que ce qu’elle disait était beaucoup plus juste qu’elle ne l’imaginait. Et il pensait à la Twi’lek.

Le projecteur se braqua sur eux et il sursauta beaucoup plus violemment qu’il ne l’aurait voulu. Il protégea ses yeux tandis que Dana répondait, en vain, à l’airspeeder qui les condamnait, ni plus ni moins. Il vit sa silhouette chanceler dans l’éclairage brutal de l’appareil et se força à se relever malgré tout son corps qui lui criait de rester là, de disparaître dans le toit pour ne pas avoir à faire face à la réalité qui les attendait sous leurs pieds.

L’airspeeder partit, et Lloyd sortit de sa poche les clés magnétiques pour les montrer à Dana. Il s’adossa un instant contre la paroi en béton d’une cheminée et s’essuya son visage humide. Il repensa à la Twi’lek. Il avait envie d’abandonner. Dana l’avait-elle senti ? Était-ce pour ça qu’elle revenait à la charge ? Encore une fois son corps eut un bref sursaut, mais encore une fois ce n’était pas un assaut. Il se laissa faire, en silence. Dana lui faisait l’effet d’une chatte furieuse et il ne se sentait guère plus qu’un chaton épuisé et trempé par la pluie. Il suivrait. Et il ne toucherait plus à sa poitrine, certes.

En s’activant, il lui sembla que le brouillard de Dromund Kaas s’éclaircissait un peu. Il retrouva son sabre, et tous deux se mirent à chercher une autre entrée que le conduit de l’ascenseur, trop dangereux pour être pratiqué dans ce sens.

----------

----------

----------Sccrritch, scritch, sccrrriitch. Cloc.

La grille du conduit d’aération venait de céder après que Lloyd eût réussi à faire doucement levier avec un petit morceau de métal. Il repoussa la grille en prenant garde à ne pas la faire tomber, et sa tête émergea tant bien que mal dans une cuisine chargée d’une odeur rance, mais vide. Il s’extirpa du conduit, atterrit sans grande élégance sur le bord d’un élément de cuisine avant de se retourner pour inciter Dana à emprunter le même chemin que lui. Il voyait ses cheveux penchés au-dessus du court tunnel à emprunter, qu’elle l’avait laissé explorer en premier.

Quand ils furent tous deux passés à l’intérieur, souillant les lieux d’une eau charriée par leurs vêtements et cheveux dégoulinants, ils s’avancèrent prudemment, sans allumer leurs sabres histoire de tenter de nouveau la discrétion. Avec la blessure de Dana et l’échec de Lloyd pour redescendre, il n’était plus question d’affronter les occupants de l’immeuble de façon directe. Leur plan était de réussir à déjouer leur vigilance pour rejoindre le rez-de-chaussée, puis de s’enfuir ; et ils aviseraient par la suite quoi faire.

Le début de la progression fut encourageant. L’appartement était silencieux, mais aussi vaste et labyrinthique. Lorsqu’enfin ils aperçurent la porte d’entrée, qui béait toujours sur le couloir que les néons toujours allumés baignait de sa lumière macabre, ils jetèrent un œil à l’extérieur. Des traînées de sang marquaient le sol. On apercevait l’endroit où s’était tenu le turbolift ; un cordage sectionné pendait encore au-dessus du vide. Au-delà, la cage d’escalier émettait des sons de pas et des gargouillis qui donnaient des frissons à Lloyd. Il recula de quelques pas, emmenant doucement Dana avec lui par le bras.

- On ne va pas pouvoir passer aussi facilement, chuchota-t-il, il faut qu’on réussisse à faire une div…

CLAC.

Lloyd bondit en faisant volte-face, mais ce n’était rien d’autre que la porte de l’appartement qui venait d’être claquée à cause d’un courant d’air. Merde, ils avaient laissé la conduite d’aération grande ouverte. Evidemment, ils n’étaient pas les seuls à avoir été alertés : les pas s’agitaient dans le couloir. Les deux Sith rebroussèrent chemin en tâchant d’être le plus silencieux possible ; ils entendaient des bruits dans l’appartement qui leur signalaient qu’ils n’étaient pas seuls ici non plus.

Ils se retrouvèrent de nouveau dans la cuisine, près à remonter par le conduit s’il le fallait. Mais les yeux de Lloyd tombèrent sur une autre grille d’aération. Sans réfléchir, il attrapa un couteau de cuisine sur l’établi et s’employa à la dévisser de ses mains tremblantes. Au-delà de la porte de la cuisine, ils entendaient l’agitation des morts à la recherche de l’origine du bruit.
Quand il eût fini, il déposa précautionneusement la grille par terre et tendit le cou à l’intérieur. Il en ressortit presque aussitôt pour faire signe à Dana de le suivre.

- Ça communique avec l’appart’ en dessous, murmura-t-il.

Et il prit les devants pour s’y introduire.

----------

----------

----------Au troisième étage, Zhi et Huazo étaient retranchés dans leur chambre. Ils avaient rassemblé autour d’eux des valises et de maigres ustensiles. Ils s’étaient serrés l’un contre l’autre derrière leur contrefort de fortune. Ils avaient entendu tant de cris et de sons étranges que Zhi ne pouvait empêcher des larmes de couler continuellement. Il ne fallait pas être si intelligent pour avoir compris qu’il y avait eu des décès, et probablement pire.

- T’inquiète pas ma puce, disait Huazo en la serrant contre lui. On est enfermés, personne ne peut venir jusqu’à nous. Tout va bien. Au bout d’un moment, tu vas voir, on va venir nous ouvrir et on va nous dire que c’est terminé et voilà…
- On devrait appeler ma mère, sanglotait Zhi. Pour lui dire au revoir.
- Mais non ! Tu vas l’inquiéter pour rien. Elle…

Tous les deux furent brusquement saisis d’horreur. Ils se regardèrent en écarquillant les yeux : du bruit venait de la cuisine. Il y eut un nouveau bruit, et Huazo se leva. Zhi essaya de le retenir, les yeux remplis de larmes, mais son époux la repoussa fermement, en silence, avant de se munir de la sphère qu’il avait posée sur le lit pour ce genre de cas. Un tel objet avait coûté une bonne partie de ses économies, à l’époque. Il allait savoir si ça en avait valu la peine. Quand des pas se firent entendre, il s’avança doucement vers la porte de la chambre, à pas de loups.

A quelques mètres de là, Lloyd se retournait dans la cuisine sombre pour aider Dana à descendre à son tour. Il ne savait pas si c’était le coup de marteau sur la tête, mais la Sith avait du mal avec l’exercice de s’introduire dans ce genre d’étroit conduit et par deux fois, il avait dû l’aider en assurant ses prises et la tirant vers lui. Mais au moins, ils étaient passés comme cela du cinquième étage au quatrième et maintenant, du quatrième au troisième. Il avait retrouvé un vague espoir de s’en sortir vivant.

Bip. Cling cling cling…

Lloyd lâcha Dana en se retournant : il connaissait très bien ce bruit. C’était le bruit d’un détonateur thermique qui tombait et roulait à terre. La Force vint à lui comme un réflexe. Il la propulsa vers la petite sphère qui avait roulé dans la cuisine pour la renvoyer vers sa direction de provenance.
L’instant suivant, il y eut une déflagration de tous les diables. Lloyd fut propulsé en arrière et heurta si brutalement le mur qu’il en eût le souffle coupé. Ses oreilles s’étaient mises à siffler et ses yeux étaient encore aveuglés par la lumière blanche qui avait illuminé la pièce dont les murs avaient tremblé sous l’impact. Toutes les vitres de l’appartement venaient d’être brisées net, et un courant d’air dissipa rapidement la fumée ambiante, mais Lloyd était encore sous le choc quand un terrible cri s’ajouta à la cohue :

- HHUUUAAAAZOOOOOOO !

La voix de Zhi était suraiguë. Retranchée dans la chambre, elle venait de voir le corps de son mari déchiqueté. Des projections de sang avaient atterri jusque sur elle.
Darth Hope
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Dana grimaça. Ce n’était plus que sa tête. Elle avait mal partout et la progression dans les conduits d’aération n’avait pas amélioré son état. Cependant, elle puisait au fond de ses tripes, de quoi rester consciente et avancer. Sans l’aide de Hope, elle n’aurait jamais pu franchir la première grille. Pour une fois, elle ne le repoussait pas et se laissait pauvrement guider par lui. Elle avait l’impression d’assister à tout ce désastre depuis un autre monde. Ses réflexes se noyaient sous la douleur et tout lui parvenait au ralenti.

Elle n’entendit même pas le détonateur, ni l’explosion, ni rien. Ce fut à peine si elle se sentit projetée en arrière. Son dos percuta durement la cuisinière. Son crâne fut, heureusement, épargné. Elle s’effondra à genou, le souffle court et les yeux voilés par des tâches sombres qui n’auguraient rien de bon. Sa chevelure brune scintillait là où des minuscules brisures de verres s’étaient logées.

- HHUUUAAAAZOOOOOOO !

Tout n’était que chaos autour d’elle, le vent et la pluie s’engouffraient par les fenêtres béantes et l’extérieur était illuminé par les gyrophares incessants des véhicules de secours et d’autorité. Inutile d’espérer s’enfuir par là. Elle chercha Lloyd du regard, s’assura en silence qu’il allait bien et prit une grande inspiration.

Debout ma vieille.

Le vinsha de Hope et le kolto de Runà ne lui avaient jamais autant manqué.






Delith fixait les portes de l’appartement du couple rodien d’un regard aussi profond que vide. Contre l’acier de l’entrée verrouillée, ce qui fut jadis sa mère grattait désespérément, à s’en casser les ongles. Elle n’était plus qu’un gouffre sans vie, alimentée par des réflexes inhumains. Son visage, auparavant radieux, était couvert de sang. Elle grognait sa faim et frappa plus fort, dans l’espoir de forcer les portes. Sa fille se détourna doucement et se mit à courir vers les étages inférieurs.





Lloyd avait maîtrisé une Zhi hystérique, tandis que Dana avait cherché de quoi l’attacher. La rodienne aux cheveux violacés sanglotait de toutes ses forces, les yeux rivés sur la dépouille encore chaude de son compagnon. L’Inquisitrice grelotait, encore trempée. Pourtant, elle n’avait jamais eu aussi chaud. Il lui semblait que la température de l’appartement avait grimpé d’une dizaine de degrés. Insupportable. Au sang et à l’eau de pluie se mêla une sueur froide et maladive. Elle n’avait jamais été aussi pâle. Pourtant, elle faisait son possible pour demeurer aux aguets.

-La ferme…souffla-t-elle en claquant des dents vers Zhi. La ferme..tu vas les attirer…
-Huazo…je…
-Tuons-la, rajouta la sith. De toute façon, elle n’a aucune chance de survivre.

Moi non plus, d’ailleurs. J’ai au moins quarante de fièvre et une sale envie de vomir.

-Non ! supplia-t-elle alors qu’elle se débattait, essayant de se soustraire à ses liens. L’atelier droïde… sortie par-là. (Et elle tentait de mimer ce qu’elle voulait dire.)

Shar trouva sa maîtrise du galactique standard pathétique.

-Tu es sur le sol impérial depuis combien d’années ? Sans doute trop. Tu pourrais au moins mettre un déterminant devant les noms ! Sale clandestine de merde…

La femelle se détourna vers Lloyd, espérant trouver un interlocuteur moins borné.

-Atelier droïde, c’est à moi et mon Huazo…(Nouveaux sanglots.) On peut sortir…Je peux vous montrer.

-Hors de question, tu vas rester ici…tu…vas rester là. On s’occupera de toi plus…plus tard.

Les mots franchissaient péniblement ses lèvres et elle se prit la tête entre ses deux mains pour gérer sa douleur. Elle voyait trouble. Elle parlait trop. Formuler des phrases cohérentes, les penser avant, lui réclamait tellement d’énergie. Ses jambes se dérobèrent sous elle et elle se laissa tomber dans un fauteuil miteux. Sa paume fébrile chercha une cigarra dans sa poche et à peine l’eût-elle coincée entre ses lippes qu’une violente nausée l’assaillit. Pas une bonne idée. Elle rangea le tout.

-Inquisitrice pas bien ! Plutôt elle qu’il faut laisser ici ! s’écria Zhi vers le hapan, entre deux sanglots.
-Ca va, j’ai compris…soupira Dana dans une grimace, On la prend avec nous.






Ils étaient désormais trois dans les conduits d’aération. Lloyd ouvrait toujours la marche, suivi de Zhi, puis de Shar qui tenait à surveiller la rodienne. Une pellicule crasseuse s’était formée sur le derme de la sith, à force de racler la poussière des boyaux qui recyclaient l’air dans un bruit sourd et régulier. Les courants d’air charriaient une odeur de mort et de pourriture. Elle ne pouvait s’empêcher de penser à ce qu’il avait dû faire pour la hisser sur ce toit, alors qu’elle était pratiquement morte. Il ne lui avait plus rien dit à ce sujet. Mais qu’importe. Quoiqu’elle fasse. Il finissait par lui sauver la mise. A croire qu’une malédiction la liait à Lloyd Hope. Certains pointaient tous les jours au boulot, et elle se contentait de pointer à chaque fois qu’il lui portait secours.

Elle trébucha au premier étage. Hope la rattrapa comme il put et elle croisa son regard teinté d’épuisement. Lui aussi.

Cet appartement n’était pas comme les autres. C’était, en réalité, deux logements reliés en un et transformé en bureaux pour une société douteuse de recouvrement. D’aucun dirait une société fantôme ou génératrice d’activité illégale comme la confection de faux documents ou blanchissement de crédit. Contrairement aux étages précédents, y régnait une propreté impeccable. Les terminaux holographiques luisaient avec discrétion, en mode veille et les grandes fenêtres avaient été barricadées de l’extérieur, par les autorités sanitaires.

Une silhouette passa soudainement dans l’openspace, entre les bureaux. Dana sursauta.

-Vous avez vu ?

A leurs têtes, elle comprit qu’ils n’avaient rien vu. Elle crut percevoir un souffle froid contre sa nuque brûlante et se détourna vivement. L’ombre était là, dans une alcôve.

-Non…

C’était Luis Raidun et il leva la main, tenant au bout de son index le collier de prisonnière qui avait martyrisé sa gorge. Elle recula brusquement et se précipita sur Hope, lui enserrant les bras de ses paumes tremblantes.

-C’est Raidun, il est là…Je…

Elle jetait des regards paniqués derrière elle. Du point de vue de Zhi et de Lloyd, il n’y avait personne. Le front de l’Inquisitrice irradiait d’une fièvre délirante, liée à sa commotion non-soignée. Et si le Sith tentait de la repousser, elle s’agrippait plus fort à lui, complètement déconnectée de la réalité.

-Ne le laisse pas…

La rodienne avait disparu et ça, c’était plus effrayant qu’un hypothétique et improbable retour de Raidun d’entre les morts. Shar se pressa contre Hope, comme une petite fille terrifiée. D’autres silhouettes avaient émergé de son esprit fiévreux pour se matérialiser. Les enfants qu’elle avait froidement exécutés, leurs parents, même Jax était là alors…que bordel, elle n’avait pas pressé sur la détente.

Schproutch.

Ils furent soudainement percutés par une flotte froide, lui comme elle. Zhi se tenait derrière Dana, un saut fraîchement vidé en main. Elle était parti dans les locaux d’entretien de la société pour faire couler cette eau et la transporter jusqu’ici. Elle détestait l’Inquisitrice, mais il fallait bien faire quelque chose ou ils y passeraient tous.

-Inquisitrice fièvre, pas bon du tout.

Cette douche froide lui fit recouvrir ses esprits. Les fantômes du remord s’évanouirent brusquement et elle cligna des yeux, les lèvres encore entrouvertes de terreur. Se rendant compte de sa proximité avec le hapan, elle recula à la hâte. Elle se frictionna les bras, tâchant de remonter le fil cohérent de ses derniers souvenirs. L’atelier, l’entrepôt…la sortie vers les égouts. Elle était tant essoufflée que sa poitrine se soulevait de manière chaotique à chaque inspiration.

-Je…désolée…

C’était la première fois que Dana Shar s’excusait sincèrement. Elle avait envie de se rouler en boule sous l’un des bureaux et d’attendre. Soit la mort, soit les secours.

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- C’est… C’est pas grave.

Lloyd était perturbé. Il n’avait aucune envie de se souvenir de Raidun, ni de croire que des ombres qu’il n’avait pas vues se cachaient derrière ce moniteur. Ni de voir le désespoir dans les yeux de Zhi dont il venait de tuer le mari par inadvertance. Et encore moins de penser à la perspective de croiser l’enfant Twi’lek.
Finalement, dans tous ce fatras d’angoisses entremêlées, Dana qui alternait des phases de contact avec lui avec des insultes n’était qu’un paramètre de plus avec lequel composer. Elle est sous le choc, et fiévreuse. Ce dernier point l’inquiétait. On pouvait être fiévreux à cause d’un traumatisme physique ou psychologique. Ce devait être ça. Il n’était pas sûr de pouvoir la tuer si elle avait contracté le virus. Il la voyait déjà le lui reprocher vertement.

Par acquis de conscience, il vérifia une nouvelle fois autour d’eux si rien ne se tapissait dans l’ombre. Mais visiblement cet « appartement » -là était le plus sécurisé de tous : la porte en était verrouillée et il n’y avait pas de conduit d’aération qui conduisait dans une pièce inférieure. Ils allaient devoir sortir.
Lloyd se dirigea vers la porte d’entrée des bureaux, qui donnait sur le premier étage. Il colla son oreille contre le métal, mais il n’entendait rien. Combien de cadavres ambulants les attendaient de l’autre côté ? Avec un peu de chance, les contaminés s’étaient tous ameutés au troisième étage, où avait eu lieu la détonation ?

- Cachez-vous, ordonna-t-il à Zhi et Dana. Je vais ouvrir.

Par précaution, il prit son sabre laser en main, qu’il garda éteint. Quand les deux femmes furent hors de sa vue, il actionna la commande manuelle de la porte, une manivelle rotative. Tout. Doucement.

Il y eut un léger grincement. La porte coulissa sur ses vérins, et se souleva pour laisser apparaître quelques centimètres lumineux : les néons du couloir. Sans ouvrir davantage, Lloyd se mit à quatre pattes pour regarder en-dessous : pas de pieds en vue. Précautionneusement, il se releva et poursuivit donc la rotation de la manivelle. Toujours. Tout. Doucement.
Lorsque la porte fut suffisamment soulevée pour laisser passer quelqu’un qui s’accroupirait, il retourna chercher Dana et Zhi, et leur fit signe de le suivre. Et les voilà repartis pour marcher à pas de loups, à découvert.

--------

--------

--------Ils s’approchèrent de la balustrade de l’escalier, Lloyd en tête. Il jeta un œil vers le rez-de-chaussée. Une grande flaque de sang recouvrait en une tâche sombre l’endroit où Balvi s’était écrasé un peu plus tôt. On entendait des pas qui marchait dans l’eau – ou le sang ? – et d’horribles bruits de mastication. Il y avait quelques bruits dans les étages, mais rien de trop proche pour le moment. En regardant autour de lui, le hapien constata que les autres portes de l’étage étaient fermées. Seules les vitres des portes du turbolift étaient brisées, probablement à cause de l’impact de la chute de la cabine un peu plus tôt. Il songeait qu’ils pourraient peut-être s’y faufiler quand un son le fit sursauter.

- Mmmh !

Lloyd se retourna vers Zhi, qui avait émis ce gémissement, et la fustigea du regard. La rodienne pointait le haut de la cage d’escalier d’un doigt tremblant. Dana et le hapien suivirent son regard… Un lekku pendait d’un escalier. Lloyd fut pris d’un haut-le-cœur. Il était trop grand pour que ce fût la fille. C’était donc la mère qui était allongée dans les escaliers. Au repos, où en train de dévorer quelque chose à même le sol ? Aux légers mouvements du lekku gris qui dépassait, il pencha plutôt vers la seconde solution.
Les trois reculèrent à pas de velours vers les bureaux d’où ils venaient.

Clic.

Le lekku s’immobilisa et les trois acolytes encore vivants aussi. Zhi avait marché sur un morceau de verre qui s’était cassé sous son poids. Il y eut un grognement provenant des escaliers, puis la tête entière de Nuala apparut : l’un de ses yeux manquait, et le reste de son visage était couvert de bleus et de sang. Son œil restant les fixa de sa pupille sans vie.

- AAAAAAAH !!!!!!!!

Zhi n’avait pas supporté la vue de l’horreur. Epouvanté, Lloyd attrapa le poignet de Dana pour l’écarter vivement de la rodienne. Juste à temps pour éviter Nuala qui fonçait sur sa proie avec une rapidité inhumaine. L’adrénaline était remontée en flèche. Le hapien se mit à courir follement dans les escaliers, manquant de renverser Dana qu’il tirait derrière lui. Sa main libre avait activé son sabre laser, dont le ronronnement couvrit avec générosité les sons gutturaux et suintants qui émanaient de la twi’lek dévorant la rodienne.

Tant pis pour la discrétion, c’était fichu de toute façon.

Ils dévalèrent les escaliers comme deux furieux félins en fuite. Arrivés en bas, ils se retrouvèrent nez à nez avec le balosar. Lloyd ne regarda même pas son visage qu’il ne voulait pas voir : il trancha rapidement l’assaillant au niveau du cou avant de poursuivre sa course.

Son pied glissa sur le sang qui recouvrait le sol. Le hapien faillit chuter mais retrouva l’équilibre au dernier moment. Leur course folle finit contre le rideau de fer de l’atelier fermé. D’une main, il tâtonna sa poche et réussit à en extraire les clés magnétiques qu’il fourra dans les mains sales de Dana.

- OUVRE LE RIDEAU, JE NOUS COUVRE ! cria-t-il pour couvrir le vacarme qui provenait des escaliers.

Et il se retourna, sabre en garde devant lui, pour les défendre face aux ennemis qui accouraient. Nuala fut la première à arriver en bas des escaliers. Après un cri suraigu, elle se mit à courir vers Lloyd en glissant à demi, elle aussi, sur le sol ensanglanté. Le hapien utilisa la Force pour retrouver de l’énergie : dès qu’elle fut à portée, il abattit son sabre : manqué. La twi’lek évita de peu l’assaut suivant et se jeta sur lui. Elle manqua de réussir à planter ses dents dans son bras mais il avait réussi à la saisir à la gorge pour l’en empêcher. Il transperçait son torse de son sabre avant de la rejeter à terre quand Tuntan, le klatooinien, apparaissait à son tour pour se jeter sur lui. Avec l’énergie du désespoir, Lloyd se battit aussi contre lui. Il gagna un peu de terrain pour ne pas risquer que Dana reçut des coups collatéraux. Le klatooinien réussit à le frapper au visage, et le hapien ignora la douleur cuisante qui s’ajoutait aux cent précédentes petites blessures qu’il avait accumulé ces dernières heures. Il cria de rage en réussissant à porter un coup fatal au klatooinien au visage à l’aide de son sabre.

Lorsque l’assaillant suivant arriva, il se figea.

La petite Twi’lek.

Elle le regardait de ses yeux vides.

Elle était couverte de sang.

Ne voyait-il pas les traces bleues laissées par ses mains sauvages dans le cou de l’enfant ?

Il était paralysé.

Elle avançait vers lui tranquillement.

Elle allait se venger du meurtre.

Elle allait l’étrangler et il ne pourrait rien faire.

- Je n’t’pas tuée, s’entendit-il glapir, et il lâcha son sabre laser, qui tinta en tombant à ses pieds.

La petite fille se rapprochait.

Il tremblait si fort que la sueur, le sang et les restes de pluie se mirent à goutter de son menton, ses cheveux et ses membres.

La Twi’lek s’arrêta devant lui.

Il allait mourir là.

Au moment où Delith lui sautait au visage pour le mordre, un bref éclair lumineux traversa son champ de vision. L’instant d’après, la Twi’lek avait rejoint sa mère au sol. Une pique laser lui avait transpercé le cœur. Incapable de comprendre ce qui était en train de se produire, Lloyd entendit vaguement la voix de Dana, puis se sentit tiré brutalement en arrière.

--------

--------

--------Quand il retrouva à peu près ses esprits, Lloyd était prostré dans un coin de l’atelier, genoux repliés dans ses bras, tête posée sur une caisse en plastacier. Le rideau de fer devant eux avait été refermé. On entendait les grattements de contaminés sur le métal, qui faisaient crisser leurs ongles dans l’espoir de réussir à ouvrir le rideau de sécurité, mais ce n’était pas possible à mains nues.

Le hapien chercha Dana du regard. Elle aussi était assise par terre, sa poitrine interdite se soulevant rapidement, régulièrement. Encore essoufflée. Il ne s’était donc pas produit beaucoup de temps. Autour d’eux, l’atelier avait l’air d’un labyrinthe de trophées mécaniques : des machines, des établis où des outils s’alignaient. Il y régnait une odeur d’huile qui avait sur Lloyd un effet tranquillisant. Les diodes de moniteurs en veille projetait de petites lumières discrètes, faisant s’étirer les ombres dans les allées de matériels empilés de façon désordonnée.

Bouge-toi, c’est pas terminé, pauv’con.

Il serra la mâchoire. Un goût aigre lui emplissait la bouche et le cœur. Il s’en voulait. Ce n’était qu’une putain d’enfant alien, qu’est-ce qui lui avait pris ?

La frustration l’empêcha de rester en place. Il se leva brutalement, se mit à faire les cent pas dans l’atelier. Il renversa une caisse, en poussa une autre, cherchant l’issue. Il ne trouvait pas. Cela l’exaspérait plus encore.

Dans un brusque accès de colère, il envoya valser tous les outils de l’un des établis d’un mouvement brutal, puis renversa une table d’un coup de pied rageur. Ça ne servait à rien, mais ça le soulageait. Il envoya encore une clé à laine au fond de la salle, de toutes ses forces. Puis un marteau. Il faisait un boucan de tous les diables. Il s’en foutait. La colère s’évapora aussi vide qu’elle était venue.

Puis il se laissa choir sur une caisse et fixa longuement le désastre qu’il avait causé. Il se sentait vide. Plusieurs minutes s’écoulèrent dans le silence.

Comme il n’entendait pas Dana réagir, il finit par revenir lentement sur ses pas et s’assit en face d’elle. Il était redevenu aussi calme que d’ordinaire, mais son visage était morne et fatigué. Il posa sur elle un regard éteint.

Dana tremblait. Elle était trempée de sueur. L’atelier n’était pas chauffé, et l’atmosphère était suffisamment froide pour qu’un mince filet de vapeur s’échappât des lèvres de Dana à chacune de ses respirations. Elle n’allait pas bien du tout. Son pauvre débardeur ne la protégeait de rien du tout.

Lloyd déboutonna lentement sa veste, et d’un geste crispé – dans son combat, il avait réveillé la douleur à la hanche qu’il avait depuis Artorias, et son corps à froid lui rappelait qu’un peu de repos n’était plus une option mais une nécessité – il retira son vêtement. Il passa sa veste autour des épaules de Dana.

Comme elle jetait un regard effaré sur son torse, les yeux ronds comme des soucoupes, il comprit que quelque chose n’allait pas. Le hapien baissa les yeux sur le tshirt clair mais trempé qu’il portait encore. Une longue tâche d’un rouge sang s’était étendue de sa poitrine jusqu’à sa ceinture. Par réflexe, les sourcils froncés, il se mit à tâtonner son torse pour savoir quelle blessure avait pu causer pareille hémorragie.

- Non, je n’ai rien, souffla-t-il, et un nuage de vapeur se forma brièvement devant ses lèvres tremblantes. C’est…

La fiole. Son échantillon de sang de la vieille Yarne. Il avait été écrasé contre lui au cours de leurs péripéties. Le sang avait coulé le long de sa peau.

Il blêmit. Cela signifiait-il qu’il était condamné ?

Qu’elle allait devoir le tuer ?
Darth Hope
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Le rideau métallique frémit. Victoire. Dana glapit une exclamation de joie qui fut avalée par le cri de rage de son acolyte. Elle écarquilla les yeux et se détourna vers lui, paniquée. Derrière eux, le rideau remontait lentement. Elle le vit abattre les restes de Tuntan et faire face à la gamine alien. Elle ne comprit pas tout de suite car son cerveau n’était plus qu’une gelée instable. Poc. Le rideau avait atteint son seuil d’ouverture maximal et dans le même temps, Delith se précipitait sur Hope. Elle ne sut comment elle réussit, dans son état, à réagir aussi vite.

Et le store se rabattit deux minutes plus tard, les coupant de l’horreur insensée qui se jouait à huis-clos au 2331 District 40-9. Sa poigne relâcha l’uniforme de Lloyd et elle recula jusqu’à être acculée par une table de réparation qu’elle heurta. Quelques composants tanguèrent mais rien ne tomba. L’instant suivant, ce fut comme si elle n’avait plus de jambes. Elle pressa une main tremblante contre son sternum, reprenant un souffle que son corps refusait. Elle haletait bruyamment, péniblement, fixant le sol sombre pour se concentrer. La chaleur céda au froid et elle fit l’amère expérience d’un début d’hypothermie. Sa fièvre l’élançait, bouillait dans ses veines jusqu’à remonter sur son derme sale et s’y figer comme une glace brûlante. Sa plaie, au niveau de son front, n’était plus qu’un amas brun de cheveux et de sang. Sa vision se troubla et elle fut aveugle un instant, comme si le destin souhaitait lui épargner le spectacle d’un hapan déchaînée. Mais elle entendait tout. Le fracas des outils que l’on jetait avec haine, la respiration pleine de rage du blond. Tout. Autant de frustration, d’impuissance, de colère. Elle puisa dedans pour s’ouvrir à la Force une dernière fois, puiser un peu d’énergie. Dana était à l’image de ces miséreux qui vivaient dans le déni et au-dessus de leur moyen, qui enchaînaient les prêts à la banque pour se maintenir dans une illusion maladive, mais qui coulaient sûrement. C’était elle. Encore un crédit. Encore un peu temps. Encore une inspiration. Même si elle était à peu près certaine de ne pouvoir rembourser cette hypothèque-là, celle de sa vie.

Le calme régnait à nouveau. Et elle sentit l’odeur de Lloyd, il était proche. Elle fit un effort douloureux pour préciser sa vision tandis qu’elle sentait le poids d’une veste humide alourdir ses épaules gelées. Derrière ses cils, dont le mascara avait coulé, elle contempla l’autre sith. Et d’un coup, les tremblements s’arrêtèrent. Un nouveau traumatisme faisait taire l’autre. Il avait été mordu.

Sa lèvre inférieure se remit à trembloter, comme si elle allait se mettre à pleurer. Et elle laissa choir l’une de ses mains au sol. Ses doigts rampèrent jusqu’à la garde de sa pique-laser. Et après deux pathétiques tentatives réussit à se relever. Hope recula. Elle avança. Et cet étrange ballet perdura jusqu’à ce qu’un mur mit fin à la retraite du hapan.

Un grésillement familier. Dana ne ressemblait plus qu’à un fantôme. On aurait déjà pu la croire morte si ses yeux ne brillaient pas autant. Elle leva son bras armé. Après ça, elle n’aurait plus de force du tout, songea-t-elle. Après ça, elle pourrait s’effondrer au sol et le rejoindre. Enfin du repos. Tout ce qu’elle devait faire…de toute manière, il était condamné ? Et elle aussi. Qu’il la tue en la mordant ou qu’elle le tue en l’embrochant. Le résultat serait finalement similaire.

La lame-laser s’enfonça dans la paroi, à quelques centimètres de la tête du militaire. Le rougeoiement irradia leurs visages si proches. Ils pouvaient en sentir la chaleur, signe qu’ils étaient tous les deux biens vivants, que leurs nerfs fonctionnaient toujours. En un autre contexte, dans le silence de cet atelier clandestin, ils auraient ressemblé à deux adolescents en quête d’intimité. Dans la réalité, ils n’étaient que deux esprits opposés dont les corps avaient été irrémédiablement rapprochés par la mort prochaine. La vapeur qu’expirait Dana se mêlait au souffle de Lloyd. Elle sentait le cœur de ce dernier battre contre sa poitrine qu’elle avait pressé contre lui dans l’élan qui avait visé à le tuer.

-Lloyd…J’ai…

Elle marqua une pause et ses prunelles brillantes observaient le moindre pli, la moindre ride, le moindre trait du faciès masculin.

-J’ai payé…

J’ai payé ma dette.
Alors ne m’emmène pas avec toi, cette fois-ci.


Les lèvres de l’Inquisitrice effleurèrent à peine celles du Sith et elle s’effondra.

Elle n’avait pu se résoudre à le tuer.











Un peu d’eau coula dans sa gorge. Elle voulut respirer en même temps et elle se mit à tousser. L’eau coula à nouveau. Le noir céda le pas à des ombres colorées et floues qui s’agitaient doucement autour d’elle. Elle tourna un peu la tête et sa vision se clarifia progressivement. Un bourdonnement blanc encombrait son ouïe. Elle vit les silhouettes de Lloyd et de Jonas avant d’entendre leur voix. Les diodes de l’atelier continuaient de clignoter mollement et les néons blafards les frappaient d’une lumière peu flatteuse. Elle se rendit compte, alors que ses pensées lui revenaient, qu’elle était allongée sur un des établis de réparation. La veste de Lloyd la recouvrait.

-Elle se réveille, constata le Mirialan.

Elle sentit une compresse grasse contre la blessure de son front.

-Elle a toujours de la fièvre, dit-il vers le hapan. C’est une commotion sévère. Je ne sais pas, normalement, on meurt de ce genre de chose. Je n’ai rien d’autre que des compresses et de l’eau.






Jonas tentait de soigner Balvi et Ferks comme il le pouvait, alors que Lloyd et Dana avaient disparu dans les étages. Il avait recommandé à Tuntan de rester près des blessées, faisant le pari de retourner à son appartement du second étage pour prendre des médicaments et de quoi poursuivre les soins. Cependant, Ferks s’était réveillé brutalement de sa stase pour se jeter sur le secouriste et lui arracher la joue. S’en était ensuivi un chaos incommensurable pour le Mirialan. Ses réflexes de militaire avaient repris le dessus. Il s’était précipité vers la loge du concierge, recluse dans le hall, avait brisé la vitre alors que le garde impérial s’était mis sur sa piste. A la hâte, il s’était emparé d’un jeu de clé magnétique, celui de l’atelier et s’y était réfugié.

Il avait tourné en rond, parcourut les nombreuses pièces de l’atelier et s’était abrité dans le bureau de ce dernier. Jusqu’à ce que des bruits lui parviennent, des instants plus tard. Il avait longuement hésité, partagé entre la peur et l’espoir. Peut-être étaient-ce les secours, peut-être était-ce ces fichus monstres. Et quand il s’était décidé à émerger dans la salle principale, c’était pour voir le hapan penché au-dessus du corps inerte de l’humaine.






-C’est quand même dingue ce qu’il se passe.

La voix de Jonas était posée, contrastant sévèrement avec l’horreur de cette nuit. Il avait le regard vide de ceux qui avaient vu mieux, mais qui avaient aussi vu pire, sur les champs de bataille ou il était infirmier de terrain. Jusqu’à sa désertion. Jusqu’à la perte de sa compagne.

-Leur inspecteur n’est toujours pas là.
-L’entrepôt….
-N’essayez pas de parler, lui intima-t-il avec l’autorité typique du soignant. Vous avez perdu beaucoup de sang. Si on ne vous transfuse pas…

Elle fronça les sourcils, ignorant ce son de cloche particulièrement alarmant et se redressa sur un coude. La veste du hapien glissa sur ses courbes éprouvées. Elle se mit à fixer Lloyd. Ils avaient déjà eu cet échange de regard sur Artorias. Il n’avait pas été mordu. Il n’y avait rien d’autre à dire.

-L’entrepôt est dans…cet appartement.
-Atelier, corrigea Jonas avant de secouer la tête pour s’adresser à Lloyd. Discours confus, hallucinations, et j’en passe. Typique de la commotion. L’entrepôt est à l’arrière, dans le bureau, on y accède par une entrée dérobée qu’il faut connaître. Mais la porte est verrouillée. De là, on sait accéder au réseau des égouts du quartier. Je doute que les autorités aient eu l’idée de verrouiller cet accès « secret », dont elles doivent ignorer l’existence. Est-ce que….est-ce que la petite fille est…

-Oublie la gamine…soupira-t-elle en passant difficilement ses bras dans les larges manches de la veste, avant de la boutonner, les mains tremblantes.

Et Jonas baissa le regard au sol, franchement désolé pour Delith et Nuala.








Lloyd Hope
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Lloyd retint Dana dans ses bras du mieux qu’il le pût. Le corps chaud et humide de la jeune femme glissait et il l’accompagna vers le sol.
L’esprit du hapan n’arrivait plus à faire sens de tout ce qui se passait. Était-il contaminé ou non ? Pourquoi Dana avait-elle essayé de l’embrasser ? Est-ce que ça avait été une ruse pour l’approcher et glisser une lame pour percer son ventre ?
Mais elle n’avait pas pu le tuer. Était-elle aussi faible que lui ? Non, ce devait être la commotion. Un bref moment de délire.

--------

--------

--------Une transfusion ? Ils n’allaient jamais pouvoir trouver ça pour Dana rapidement. Lloyd s’était relevé pour s’éloigner de Dana et Jonas. Au fond de l’atelier, où il pût trouver un peu de solitude, il se prit la tête dans les mains. Les urgences s’agglutinaient les unes aux autres et il ne savait plus très bien quelle priorité donner : il fallait supprimer tous les habitants contaminés de l’immeuble pour empêcher la propagation, il fallait apporter de vrais soins à Dana, il fallait qu’il trouvât le moyen de vérifier qu’il n’était pas contaminé lui-même. S’il l’était, Dana ne pourrait pas le tuer. Ils avaient été stupides de croire qu’ils auraient été capables de s’exécuter l’un l’autre. Pas avec ce qu’ils avaient vécu ensemble sur Artorias.
Il resta seul dans un recoin de l’atelier pour quelques minutes. Il fixait des bidons alignés contre le mur.

Lorsqu’il revint, Lloyd avait sorti son blaster qu’il tenait par le canon. Il le tendit au mirialan.

- Tiens, fit-il en lui tendant l’arme. Tu t’appelles comment ?
- Jonas, répondit platement le jeune homme à la peau verte.
- Jonas, si tu aperçois qui que ce soit avec le comportement de… - il eut un geste vague vers le rideau de fer – ces choses, tu l’exécutes immédiatement.
- Que… Vous… Ok.

Jonas rangea l’arme dans sa ceinture. Il ne tremblait pas. Il savait s’en servir. Quant à Lloyd, il n’était donc plus armé. Son sabre était de l’autre côté du rideau. Il n’avait plus que ses mains pour les tirer de là. Il pointa du doigt les clés magnétiques qui étaient restées au sol.

- Récupère aussi les clés, elles devraient ouvrir l’entrepôt. Prends Dana avec toi, et fuyez par les égouts.
- Vous ne venez pas ?
- Je vous rejoindrai… si j’y arrive.

Lloyd regarda Jonas se pencher doucement pour aider Dana à se relever. Quand elle fut debout, le hapien fit un pas vers Dana. Il était si proche d'elle qu’il sentait l’odeur de sang et de sueur qui émanait de son corps transi par le froid. Il glissa une main vers la hanche de la Sith en écoutant sa respiration saccadée, effleurant ses vêtements, puis glissa deux doigts à l’intérieur de sa poche. Il en extirpa doucement un petit objet cylindrique. Puis il recula d’un pas soudainement, comme si ce rapprochement lui avait brûlé la main. Il montra juste à Dana l’objet qu’il avait subtilisé : son briquet.

- Je te confisque ça, tu fumes trop, dit-il calmement.

Il y eut un moment de silence gêné. La pénombre du lieu dissimulait leurs visages. Au-delà du rideau, on n’entendait plus les grattements des contaminés.
Le mirialan tenait la jeune femme par les épaules, la serra dans la veste du hapien pour la rassurer, comme si Lloyd venait juste de la menacer, puis il s’éloigna ensuite vers le bureau. Lloyd rangea le briquet dans sa poche.

--------

--------

--------Le hapien fit sauter le bouchon du bidon suivant. C’était de l’essence. Il avait vidé les deux premiers sur le fond de l’atelier, aspergeant les machines et les matériaux, jusque dans le bureau. Le troisième bidon, il le versa au pied du rideau de fer. L’essence forma une longue flaque. La tête de Lloyd lui tournait un peu – les effluves d’essence emplissaient l’atelier d’un gaz qui agressait ses voies respiratoires et ses yeux s’étaient mis à produire des larmes sans émotion qu’il essuyait de ses mains sales.

Quatrième bidon. Lloyd trouva une petite bouteille et la remplit précautionneusement à moitié. Puis il retira son tshirt et l’inséra en partie dans le petit contenant, pour ne faire dépasser qu’un petit morceau de tissu qui servirait de mèche. Puis il regarda le rideau de fer. Il aurait voulu prendre une grande inspiration pour se donner du courage, mais l’atmosphère était viciée par les effluves d’essence, et il se contenta de déglutir péniblement. Nerveusement, il vérifia que le briquet qu’il avait subtilisé à Dana était bien dans sa poche. Après quoi, il posa la main sur le panneau électronique du rideau de fer, qui permettait de le déverrouiller de l’intérieur, sans clé. Il y eut un petit cliquetis quand les attaches cédèrent. Le son n’eut l’air de provoquer aucune réaction à l’extérieur.

Encourageant.

Désormais torse nu, il s’accroupit pour soulever le rideau de fer à deux mains. Tout doucement.
Il jeta un œil en-dessous : il voyait les corps ensanglantés étendus sur le sol – ceux qu’il avait étendu un peu plus tôt. Celui de la petite Twi’lek était là. Il se sentit trembler.

Pas maintenant, putain. Reprends-toi.

Lloyd détourna le regard et se remit à soulever le rideau de fer. Il le souleva jusqu’à hauteur de sa taille, puis coinça tant bien que mal une tige de métal pour la tenir ouverte. Puis il attrapa le bidon ouvert, et passa dans le couloir.

Comme dans un cauchemar qui se déroulerait au ralenti, Lloyd avançait avec le pressentiment de pouvoir être attaqué à tout instant. Du bruit dans les étages. Une porte enfoncée au rez-de-chaussée d’où lui parvenait un étrange cliquetis. Une fuite d’eau dans la cage d’escalier produisait de grosses gouttes qui émettait des « plic, ploc » sinistres en tombant dans la mare de sang qu’était le sol.

Lloyd renversa doucement l’essence sur les corps. Le klatooinien. Nuala. Un balosar – d’où était-il sorti, celui-là ? Y avait-il d’autres clandestins cachés ? Autant d’ennemis contaminés potentiels.

L’enfant twi’lek.

Il crut qu’il allait vomir. Il réprima un haut le cœur, versa de l’essence aussi sur le corps de l’enfant.

Il vida ensuite le reste du bidon sur tout ce qu’il pût trouver qui lui semblait pouvoir s’embraser durablement : un tas d’ordures, une plante défraîchie, des cartons. Quand il eût terminé, Lloyd laissa le bidon sur place, et se positionna au centre du hall. Un bref regard vers le sas d’entrée, qui s’illuminait de faisceaux rouges et violets réguliers, lui apprit que les autorités étaient bien là. Mais c'était lui qui faisait leur sale boulot.

Lloyd tremblait. S’il réfléchissait une minute de plus, il n’aurait plus jamais le courage de passer à l’action. Alors il ramassa une barre de métal, vestige de la cabine du turbolift écrasé contre des portes éventrées, et se mit à assener un grand coup sur une canalisation.

Dooong.

Puis un autre.

Dooong.

Il entendit les contaminés s’activer au-dessus. Il recommença. La terreur s’emparant de lui, il se mit à leur hurler dessus.

- LAAAA ! hurla-t-il en tapant encore et encore. JE… SUIS… LAAAAA !

Les escaliers s’étaient remplis d’un vacarme de pieds pressés et de sifflements. Ils étaient proches. Lloyd recula d’un pas en lâchant la barre de fer, et sortit le briquet de sa poche. Il devait attendre le dernier moment. Qu’il y ait le plus de contaminés possible dans le hall avant que tout ne s’embrase.

Un mouvement en périphérie de son champ de vision le fit sursauter.

L’enfant twi’lek avait bougé.

Pris de panique, il recula de nouveau, trébucha sur le corps de Nuala. Il chuta en arrière, s’effondra durement contre le sol mouillé.
L’instant suivant, plusieurs corps décharnés faisaient une apparition tonitruante dans la cage d’escalier. Il n’eut que le temps de se retourner sur lui-même pour les voir fondre sur lui. Et au coin de son œil, il vit aussi l’enfant se relever, alors même qu’un trou béait dans sa poitrine.

NON.

Un cri de terreur s’échappa de ses lèvres. Il tenait fermement le briquet, mais dans la panique, il n’arrivait pas à l’allumer. Il se releva, retomba. Quelqu’un attrapa sa jambe. Il se débattit en espérant éviter la morsure. Les corps décharnés s’entrechoquèrent. Ils se battaient presque pour être celui qui le mordrait. Lloyd rampa follement vers l’atelier, écorchant au passage son torse de toute façon déjà couvert de cicatrices, de sueur et de sang séché. Il passa sous le rideau en même temps qu’un Ferks dont un bras dégoulinait, la main manquante, se jetait sur lui. Il le repoussa. Il sentit des ongles le griffer dans son dos, il se retourna pour frapper à l’aveugle le nouvel assaillant. Il hurla encore, utilisa la Force pour projeter sur eux toutes sortes d’objets de l’atelier pour les ralentir. Enfin, il réussit à mettre la main sur le cocktail molotov qu'il avait fabriqué et qu'il serra contre lui avant de se remettre à ramper vers le fond de l'atelier.

A un moment, dans un geste désespéré, il réussit à attraper le bord d’un établi et le renverser vers ses assaillants. Il roula par terre. Les contaminés s’étaient engouffrés avec lui dans l’atelier et il n’avait toujours pas allumé le feu.

Il réussit à se relever et à courir vers le bureau, ses cris lui brûlant la gorge à chacune de ses expirations paniquées.

Dans le bureau, il sauta par-dessus la table et se retrouva devant le petit conduit que Jonas avait laissé dégagé. Avant de s’y engouffrer, Lloyd se retourna pour faire face aux assaillants. La petite Twi'lek était là et il réprima un sanglot qui lui noua la gorge. Il ramena le briquet devant ses yeux.

Ksit.

Raté.

Ksit.

Raté.

Ksit.

Merde !

Ksit.

Une flamme !


Il s’accroupit et approcha vivement la flamme du tissu qui dépassait de la bouteille. Sans attendre une seconde de plus, il lança le projectile vers le corps d'une Delith dont un lekku était presque arraché.

La twi'lek puis l’atelier s’embrasèrent à la vitesse du réacteur du Sans Visage quand Mumkin mettait les plein gaz. Une bouffée de chaleur et de lumière accabla Lloyd. Les silhouettes des condamnés disparurent dans un tourbillon de flammes aveuglantes. Le hapien recula dans le conduit en chancelant, percutant les murs dans sa course désordonnée et brûlante.

L’entrepôt juste derrière n’était pas très grand. Le toit fuyait en de multiples endroits, si bien que des grandes flaques d’eau recouvrait le sol et reflétait la lumière des flammes. Des flammes ? Il aurait dû être plongé dans l’obscurité mais il voyait de la lumière. Quelque chose n’allait pas. Il avait trop chaud. Et mal. Ses jambes. Sa peau. Soudain il compris : il était tombé dans le couloir. L’essence ! Il en avait aussi ! Il s’embrasait ! Il aurait voulu crier mais des fumées épaisses obstruaient sa gorge.

Lloyd se jeta par terre dans l’entrepôt et roula sur lui-même là où l’eau lui semblait la plus abondante. Haletant, aveuglé par la fumée et la douleur, il glapissait de souffrance. Il parvint tant bien que mal à éteindre les flammes. La douleur ne s’apaisa pas pour autant.

C’était trop tard. L’incendie avait gagné l’entrepôt avec une rapidité qu’il n’avait pas prévue. Il aurait voulu crier pour sa peau brûlée mais c’était impossible. La fumée remplissait la pièce, il y voyait à peine. Où était la sortie ? Il chercha à tâtons.
En vain.

A quatre pattes, il atteignit un coin de l’entrepôt. Il se laissa choir sur le dos. Il n’y voyait plus rien. Il gémissait de souffrance, encore. Il n’arriverait pas à trouver la sortie, c’était trop tard. De toute façon, n’était-il pas condamné par le virus ? C’était peut-être mieux qu’il mourût ici.

--------

--------

--------Quand on travaillait pour la Marine Impériale, on était souvent confronté à la mort. Celle de l’ennemi, celle des alliés, celle de camarades, de subalternes souvent. La sienne, aussi, à laquelle on ne pouvait s’empêcher de penser. A laquelle parfois on pensait par devoir, en se demandant ce qu’il adviendrait après soi.
Lloyd avait souvent imaginé ses hypothétiques derniers instants sur un champ de bataille. Parfois avec terreur, parfois avec douceur, comme la mort pouvait être une délivrance. Mais la mort n’était jamais tout à fait réconfortante. On n’était jamais sûr que l’on serait capable, le jour venu, d’affronter sa propre mort. Pour conjurer ces sinistres présages, Lloyd avait plusieurs fois songé à ce qu’il ferait alors, si la mort venait, surtout quelques années auparavant, quand la redécouverte de l’Empire avait mis sa psyché à rude épreuve. Avec le temps, ces angoisses s’étaient un peu banalisées, remplacées par d’autres. Mais quelques années auparavant, pour empêcher cette terrible pensée rampante, il avait pris une mesure simple : comme il était revenu dans l'Empire pour protéger Mat’aenna, il avait décidé qu’il la contemplerait pour se rappeler qu’il avait fait le bon choix avant de mourir.

Etendu au sol, les jambes meurtries par la brûlure, la respiration haletante et les yeux brouillés de larmes, il eut le geste bête de chercher sa poche contre sa poitrine, dans laquelle devait se trouver la petite photo pliée d’une twi’lek à la peau verte, qui lui souriait.

Mais il n’avait pas sa veste. Ses doigts ne rencontrèrent que sa poitrine poisseuse. Il n’allait pas pouvoir regarder le visage de Mat’. Il allait mourir comme ça. Il ne savait pas très bien si cela avait beaucoup d’importance ou non.

Il pensa à Dana. A ses lèvres qu’elle avait essayé de poser de nouveau sur les siennes quelques minutes plus tôt. C’était l’une des rares choses réconfortantes qu’il avait vécu ces temps-ci, et il n’avait que cela pour affronter la mort.
Darth Hope
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Dana était emportée par Jonas vers les égouts. Ils pataugeaient jusqu’à la taille dans les eaux usées et glaciales des égouts. Les échos sinistres du dernier baroud d’honneur de Lloyd leur parvenaient au ralenti, comme étouffés. Le long des murs en béton incurvés couraient des LED crasseuses qui balisaient un semblant de chemin pour les équipes techniques. Ils avaient à peine progressé de dix mètres que l’Inquisitrice s’effondra. Jonas jura. Il dût se résigner à la porter et son corps inconscient pesait incroyablement lourd. En plus de ce poids mort, il fallait affronter le courant glacé des eaux boueuses de l’immense boyau. Il trébucha et comprenant qu’il n’y arriverait jamais, déposa la blessée sur l’une des berges techniques. Et il poursuivit son chemin, se promettant de chercher de l’aide et de revenir. Il irait plus vite seul et elle était condamnée. Il ne se retournerait probablement jamais.







Ils étaient réunis. Assis au bord de ce qui semblait être tantôt le lit de Raidun, tantôt celui où Cassandre partagea sa dernière nuit avec Vance. Epaules contre épaules, ils étaient vivants. La pièce était plongée dans la pénombre, mais ils distinguaient les contours du peu d’éléments qui la meublaient.

- Cependant, j’aimerais savoir qui est Lloyd ? Tu n’arrêtais pas de dire son nom durant ton sommeil.
- Ça me fout la frousse, Vance.
-Dana. Je ne veux plus te voir avec Vance dans cette pièce, c’est clair ?
- Je… Vance ? Je ne me sens pas bien.

Les voix de Luis et Cassie s’entremêlaient dans un écho passé, portées par la Force. Dana eût un frisson et dirigea ses doigts pâles contre la main du hapien, espérant trouver un peu de réconfort. Mais il avait disparu. A sa place, Raidun était là, le sourire ensanglanté ; un tisonnier planté grossièrement dans la gorge. Il attrapa brusquement son poignet et se pencha vers elle.

-Qu’est-ce que tu as dans la poche ?!









Flop, flop.

Les eaux souillées s’échouaient pauvrement contre la joue creusée de la sith. Elle eût une légère grimace d’inconfort et grogna. Elle ouvrit péniblement les yeux et vit clair du premier coup. Elle s’appuya sur ses mains pour redresser son torse, groggy par la douleur et la fièvre. Elle tâta la veste qu’elle portait, sans savoir pourquoi. Il lui semblait que quelque chose d’important s’y trouvait. Quelqu’un le lui avait dit, mais elle avait oublié son visage. Et n’était pas sûre de vouloir s’en rappeler. Ses doigts finirent par glisser le long de l’arête d’un papier plié quand une explosion secoua faiblement les égouts. Un peu de poussière retomba sur elle. Elle élança ses jambes au-delà de la berge et plongea dans l’eau noire. Elle trébucha après quatre mètres, se retrouva complètement immergée et fit un effort considérable pour lutter et revenir sur ses pieds. De là, elle poursuivit son chemin vers l’entrée de l’entrepôt qui communiquait avec les canalisations du quartier. Elle dût marquer une pause à deux pas de son objectif, pour reprendre son souffle et cracher un peu de sang alors que les flammes se déchaînaient dans l’atelier, grignotant chaque mètre carré de l’entrepôt, aussi voraces que des ventres affamés.





Plouf.

Le corps de Lloyd tomba lourdement dans les eaux usées. Au-dessus de lui, une fumée noire s’échappait de l’entrée secrète. Le minois pâle de Dana apparut. Elle s’apprêtait à sauter également et chuta davantage qu’elle ne plongea. Ses ultimes forces servirent à tracter le hapan hors des courants gelés pour le mettre à l’abri sur la berge. Il glissa trois fois, car elle manqua d’assurance dans sa prise. Finalement, elle opta pour la stratégie suivante : monter d’abord, et se pencher ensuite pour hisser l'inconscient. Elle déposa la tête blonde sur ses cuisses et s’adossa au mur incurvé, sous une diode à l’éclairage peu efficace. Elle n’avait même pas vérifié s’il respirait encore.

-J’espère que tu as mon…briquet…murmura-t-elle de manière saccadée.

Aucune réponse.

-Lloyd…qu’est-ce que tu as dans ta poche, poursuivit-elle d’une voix teintée de démence. Et elle extirpa le petit papier avant de souffler un rire, comme si elle venait de faire un tour de magie dont elle était particulièrement fière. En réalité, son organisme se préparait à rendre les armes. Plus rien ne semblait fonctionner correctement et aller chercher Hope avait définitivement engagé son pronostic vital. D’une main sale, elle caressait le front du sith, dégageant des mèches humides et grasses. Le geste était délicat, tendre et régulier. De l’autre, elle déplia ce qui ressemblait à une photographie dont l’âge avait strié la brillance. Elle plissa les yeux, parce qu’elle voyait mal. Au bout de quelques secondes, sa vision réussit à faire le focus sur l’objet de l’image. Une Twi’Lek au teint verdâtre dont les yeux immenses fixaient l’objectif en pétillant. Elle avait un sourire. Un sourire…pensa Dana, dans les méandres de sa fièvre délirante. Je n’ai jamais souri comme ça. C’était étrange, de sentir son cœur battre avec autant d’intensité alors qu’on était si proche de la mort, que cette dernière reposait sur nos genoux. Tout comme il était étrange que les ultimes sentiments que l’on puisse éprouver avant que tout ne s’arrête définitivement, soient de la jalousie et du regret. Elle aurait aimé déchirer cette photographie, ou la jeter en pâture au courant boueux. Mais il ne lui restait plus beaucoup de forces et elle les concentrait dans la main qui flattait la chevelure de Lloyd.

-Je suis une foutue conne aussi.

Et ses doigts se figèrent, entremêlés dans les mèches du militaire. Encore un souffle, peut-être deux et elle arrêterait de respirer pour toujours.





Des lumières balayèrent leur figure éteintes et blafardes. Les grésillements des comlink percutèrent la voûte des égouts. « Unité 113, ici Unité mobile. Nous avons trouvé les agents impériaux. -Sont-ils contaminés ?-Impossible à dire. » Le chef d’escouade, armuré de la tête aux pieds fit signe à ses gars et ils se précipitèrent sur le couple. L’un d’eux sortit du matériel de premier secours, dont un respirateur artificiel. Il avait un visage à la couleur olivâtre familière. C’était Jonas qui avait pris le risque de revenir, au risque d’être compromis et arrêté. Il avait alerté les secours et les avaient guidé jusque-là.






Les gyrophares traçaient des ombres moqueuses sur son faciès fatigué. Elle était allongée au sol, à même le pavement de la rue, où on lui prodiguait des soins d’urgence. Lloyd était à deux mètres d’elle et les secouristes, en combinaison antivirale complètement s’affairaient autour de lui. Dana cligna des yeux et elle vit d’abord le ciel embrasé par les flammes qui s’échappait du 2331. Un droïde d’assistance médicale lui transfusait du sang, émettant des bips réguliers. Sa tête lui paraissait lourde et elle la laissa retomber sur le côté. Ses prunelles dorées croisèrent l’émeraude de celles du hapan et elle crut sourire, mais ses lèvres demeurèrent sans expression. Dans l’une de ses mains, précieusement gardée, la photographie de la Twi’Lek et sentir la moiteur du papier glace lui remémora cette découverte. Elle tendit l’image vers lui, étirant le bras, ignorant les secouristes trop occupés à courir ci et là dans ce contexte de protocole BC.

-Je ne savais pas que t’étais un sentimental…railla-t-elle avant de refixer le ciel.

La pluie se mit de nouveau à tomber. Elle percuta l’acier des droïdes et des véhicules, le sol, leurs corps crasseux qu’elle lava grossièrement. Elle s’apprêtait à rire quand un garde impérial lui passa une menotte autour du poignet. Un de ses collèges exécutait le même geste avec l’autre sith.

-Mesures de précaution.

Ils les considéraient donc comme des contaminés. Sitôt la transfusion terminée, elle fut remise sur pied manu militari. Sa tête tourna et Elle faillit s’effondrer mais l’un des secouristes la rattrapa fermement avant de la guider vers un landspeeder de l’armée impériale. Il la porta comme si elle n’était qu’un vulgaire fetu de paille et l’installa sur l’une des banquettes avant de verrouiller l’autre partie des menottes à une barre d’acier. Le propriétaire du Sans Visage connut le même traitement, l’aspect fétu de paille en moins.

Clac. CLAC. Les portes se refermèrent sèchement. Le véhicule était à l’arrêt et sans fenêtre vers l’extérieur. Dana et Lloyd se faisaient face.

-Si on est contaminé…ces menottes ne nous arrêteront pas bien longtemps.

Qui est-elle ? avait-elle eu envie de dire. La question lui brûlait douloureusement les lèvres et mettait sa curiosité en charpie.

-C’est une Sith ?

Elle se mordit violemment la lèvre inférieure avant de se maudire. Elle renversa sa tête en arrière pour l’acculer contre l’acier du landspeeder, éreintée. La transfusion et les médicaments injectés avaient fait disparaître la fièvre et le spectre de la mort, mais pas la fatigue, pas la douleur. De toute manière, aucun traitement n’aurait pu faire passer la souffrance qu’elle ressentait et qui…paradoxalement, lui donnait l’impression d’être plus vivante que jamais.







Lloyd Hope
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Lloyd rêva de Dana, étendue à ses côtés. Il essayait de se tourner pour mieux la voir quand elle parlait, mais elle avait la voix de Cassandra. Il sentait son corps près du sien. Il voulut lui dire de ne pas s’approcher davantage, mais quand il ouvrait la bouche, il alignait des mots qui n’avaient aucun sens. Il ne voulait pas la tuer aussi comme Cassandra. Il essaya de lui dire encore, mais leur lit fut englouti dans l’eau et ils se noyèrent tous les deux.

Quand il émergea de nouveau, Dana s’était rapprochée encore de lui. Elle avait posé sa tête contre ses cuisses et il levait les yeux vers ses cheveux qui tombaient sur lui comme un rideau humide. Il essaya encore de parler, mais c’était compliqué d’expliquer que la tombe qu’il avait creusée pour Cassandra était trop petite pour qu’elle y entre aussi.

--------

--------

--------Lloyd sentit la morsure du feu sur ses jambes et la fraîcheur de la nuit avant d’ouvrir les yeux. On s’activait autour de lui. Quand les formes et les lumières firent sens, il réalisa qu’il était dans la rue. Il ne savait pas comment il était arrivé là. Quelqu’un lui aspergeait sur le corps un produit qui apaisa un instant la brûlure. Il sentit une aiguille percer la peau de son bras, et il essaya de protester ; mais sa bouche était remplie de poussière et de sang et il ne réussit qu’à tousser lamentablement. Il se tourna sur la civière et se pencha pour cracher. Un filet rouge coula de sa bouche et il le regarda tomber dans une flaque où son reflet apparaissait entre les gouttes. Décidément, avec Dana, il terminait toujours ses missions comme ça : les cheveux plein de poussière, le visage plein de sang, le corps plein de bleus.
Ce ne fut que lorsqu’il entendit la voix de Dana qu’il se rendit compte qu’elle était juste à côté de lui. Il releva vers elle un visage éreinté, sans comprendre ce qu’elle disait. Les mots ne prirent sens que lorsque ses yeux firent la mise au point sur la photo de Mat’. Qu’est-ce qu’elle foutait entre les doigts de Dana ?!

Ah oui, sa veste. Le hapien émit un grognement.

- Rends-moi ça, râla-t-il d’une voix enrouée.

Il tendit le bras pour arracher le papier glacé des mains de Dana et le replia à la hâte pour le fourrer dans la poche de son pantalon. Non sans un bref halètement de douleur. Son corps protestait à chaque mouvement. Il ne répondit pas à sa question. Il toussait. Probablement à cause de la fumée.

Il ne fallut pas longtemps pour qu’on le relevât brusquement de sa civière, lui aussi. Il tenait debout mais le monde se mit à tourner autour de lui. Les menottes n’aidaient pas à retrouver l’équilibre. Un homme à la large carrure le remit dans le droit chemin et quelques secondes plus tard, on le poussait dans cette camionnette, en face de Dana. Lloyd se laissa tomber sur le banc de son côté. Leur face à face lui rappela un souvenir d’Artorias : Dana en robe de Cassandra dans la camionnette d’Alop. Il regarda ailleurs.

- Si on est contaminé…ces menottes ne nous arrêteront pas bien longtemps.
- C’est vrai que tu préfères les colliers de détention, commenta-t-il sombrement.

Il souffla. C’était une blague. Elle n’était pas drôle. Il y eut un moment de silence, puis :

- C’est une Sith ?
- Hein ? Qui ?

Lloyd soutint son regard. Il savait parfaitement de qui elle parlait. Mais d’une part il avait pour règle de ne pas parler de Mat’aenna pour la protéger, d’autre part cela lui faisait de la peine de songer qu’elle était quelque part, pas très loin d’ici, sur la même planète, et qu’elle se fichait probablement pas mal des souffrances qu’il avait enduré aujourd’hui.

Un moment, le hapien continua de regarder Dana. La camionnette démarra, et ils furent tous les deux ballottés dans le mouvement du véhicule. Mais à aucun moment il ne détourna le regard. Dana avait les yeux dorés et il évaluait intérieurement ce qu’elle ferait d’informations sur Mat. C’était une inquisitrice, il ne devait pas l’oublier. Elle avait certainement l’art de profiter des moments de faiblesse. Après avoir craint pour Mumkin, craindrait-il pour Mat’ parce que Dana s’était approchée du sujet ?
D’un autre côté, songeait-il en se retenant au bord du banc au cours d’un virage, il n’avait jamais pu parler de Mat’ à personne. De l’autre twi’lek non plus. De toutes les conséquences. De ce qu’il était peut-être trop sentimental. Ou trop paranoïaque. De ce que c’était d’être un Sith, quand on n’avait pas choisi d’être sanguinaire et sans remords. Quand on ne le pouvait pas. Quand, quelque soit l’angle par lequel on regardait la situation, on tenait plus du traître que de l’officier émérite.
Oui, il aurait peut-être pu parler de toutes ces choses, si seulement il avait été encore capable de faire confiance.

- Ça va mieux, ta tête ?

Il n’avait pas envie de lui mentir. Il baissa enfin les yeux, déglutissant. Sa gorge piquait encore des fumées qu’il avait inhalées. En regardant son propre corps, il se fit la remarque qu’il n’avait plus qu’à commander un nouvel uniforme. Il s’éclaircit la voix. Fronça les sourcils : les mots lui échappaient désagréablement ; il avait la sensation de leur courir après dans les méandres de son esprit, et aucune des phrases qu’il formulait dans sa tête ne voulait bien transmettre ce qu’il voulait dire au fond. Mais il se força.

- Dana, j’ai… Quelque chose à te demander.

Il avala de nouveau sa salive. Sa bouche lui paraissait tellement pâteuse. Sa requête était minable, il en avait bien conscience. Il avait l'impression que chaque mot était une lame qu'il enfonçait dans son propre corps.

- Ce qu’a dit Cassandra sur mon compte. Sur… des délires. Et aussi… Ma crise de tout à l’heure.

Il repensa à sa paralysie devant la twi’lek plus qu’à son accès de colère. Des Sith qui cassaient tout ce qu’il y avait sur leur passage, c’était monnaie courante. Des militaires avec une instabilité mentale, par contre, c’était l’inaptitude et la porte de sortie de sa carrière. Et probablement, du coup, de sa survie dans l’Empire.

- Tu veux bien éviter de le mettre dans mon dossier ?

Il supposait en tout cas qu’elle en tenait un sur lui. C’était ce que faisait le Clergé, non ? Et puis, ses rapprochements ; il avait peine à croire qu’elle eût réellement une tendresse pour lui. Ça n’existait pas vraiment dans son nouveau monde.

Le hapien releva les yeux, croisa le regard silencieux de Dana. Soudain une sensation désagréable l’envahit. Celle de l’absurdité de sa situation le frappa en plein visage. Il eût honte d’avoir laissé transparaître une faiblesse aussi béante. Il passa ses mains menottées sur son visage avec un rire nerveux.

- Nan rien, oublie, je dis n’importe quoi, c’est la fatigue.
Darth Hope
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Elle tira un peu sur les menottes, rien n’y fit. Alors, elle s’installa le plus confortablement possible, croisant ses jambes de manière élégante. Le mouvement féminin, presque sensuel, contrasta franchement avec ses habits sales, son débardeur trempé qu’il en était presque transparent, ses cheveux emmêlés dans une bouillie incertaine. Elle retrouvait un semblant de dignité tandis qu’elle l’écoutait. Et elle faisait fi des cahots incessants de la route.

-Est-ce que ma tête va mieux ? Tu es aveugle ou ?

Les urgentistes avaient nettoyé la plaie à la hâte, suturé à la va-vite. C’était juste moins moche, mais toujours aussi douloureux. Leur priorité avait été d’éviter la septicémie, non pas de lui offrir un nouveau visage. Cette pensée l’arracha un instant à la camionnette pour la mener sur les contreforts du souvenir de Korriban. Elle grimaça son dégoût. Concernant la Twi’Lek, elle crut bon de ne pas insister pour le moment. Une information cruciale et précieuse s’obtenait avec le temps. Mais, son flair d’enquêtrice, pointait d’ores et déjà vers la piste de l’amante. Il n’était pas du genre à adopter, ou à avoir été adopté, en tous les cas, rien n’avait figuré dans son dossier au sujet d’une adoption.

-Au risque de te décevoir. Ce n’est pas moi qui gère ton dossier.

Elle n’allait pas lui mentir non plus en prétextant qu’il n’avait pas de dossier, qu’il était blanc comme la neige qui couvrait Ziost. Ils n’en étaient plus à se voiler la face.

-J’ai dû mal à croire qu’on t’accorde le titre de Sith. Tu n’es qu’un hapien…déloyal et….(Elle marqua une pause saccadée, se retenant de poursuivre crescendo.) Moi j’en suis une. Je suis une vraie Sith. Tu peux comprendre ça ? Je n’ai pas le luxe de pouvoir cracher sur mon héritage, contrairement à toi.

Elle brisa leur contact visuel pour détourna son faciès vers le fond du véhicule. Elle se mordait l’intérieur de la joue si fort que le goût ferreux de son propre sang inonda bientôt son palais. Elle tirait une sincère fierté de son appartenance à l'ethnie des Siths, et même à la race si on n’en croyait sa génétique diluée dans des siècles de métissage.

- Tu penses vraiment que si j’avais accès au dossier d’un officier de ton genre, on m’enverrait contrôler l’identité de trois aliens miteux au fin fond de Kaas City. Qu’on me ferait tuer sur Artorias pour une poignée de saboteurs ?

Elle savait ce que Damaya lui aurait dit face à ce constat amer. Les grandes choses et les petites choses ne sont pas soumises aux mêmes règles, Dana. Il est impossible de changer la course indifférente des grandes choses de ce monde, mais les détails. Il suffisait de changer un grain de sable. On change un grain de sable et avec ça, on change le monde entier. A ce sujet, elle éprouva une grande colère et envoya son pied cogner contre le banc de Hope, à quelques centimètres de ses jambes. Le coup fut si brutal qu’il fit trembler la structure. La haine était le plus efficace des remèdes. Pas de doute, elle reprenait du poil de la bête. Le hapan put percevoir un subtil soubresaut dans les prunelles de l’Inquisitrice, comme un doute ou un regret. Celui d’avoir laissé la colère prendre le dessus.

Silence.

De sa main libre, elle tâta son treillis noir, aux traces laissées par les eaux usées et le sang. Elle préféra ignorer l’odeur que le geste charia jusqu’à ses narines. Elle devait puer la mort et la putréfaction. Elle extirpa son paquet de cigarra, fit son choix parmi les moins humides et colla le tout entre ses lèvres à moitié recouverte de sang et de rouge à lèvres. Par réflexe, elle fouilla de nouveau sa poche et n’y trouva aucun briquet. Soupir. Ses yeux se plantèrent immédiatement dans ceux du hapan.

-Tu peux m’allumer ? dit-elle sur un ton neutre.

Elle se pencha vers lui pour qu’il s’exécute, lui offrant la vue imprenable de son décolleté qu’il avait presque loupé sur le toit. Les mots et la gestuelle parurent moins neutre que sa voix calme. Sa mémoire flanchait, mais les souvenirs se rétablissaient dans un ordre de priorité qu’elle aurait souhaité différent. Tous ces moments où ils avaient été proches physiquement, réunis par une mort prochaine ou par la folie d'un bourbier dégueulasse Elle s’épuisait inutilement à chercher une issue à chaque fois qu’elle se rapprochait de Lloyd Hope. Elle cherchait une issue alors qu’il n’y avait qu’une seule route possible et qu’elle menait toujours plus profond.


Lloyd Hope
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La trêve était terminée.

Lloyd soupira, laissa retomber son crâne en arrière contre la paroi du véhicule qui résonna dans un clong à peine audible.

- Je pensais justement que si on t’envoyait sur des missions si nazes, ça devait être pour me surveiller, se justifia-t-il avec exaspération, les yeux fixés vers le ciel qu’il ne voyait pas.

Qu’il était con. Qu’avait-il cru au juste ? Qu’ils allaient discuter comme deux êtres humains normaux ? Qu’elle allait lui sourire et lui dire que tout était oublié ? Non seulement il avait un dossier, mais en plus elle ne lui avait pas dit qu’elle n’y ajouterait rien : ce n’était pas parce que ce n’était pas elle qui détenait le dossier qu’elle ne pouvait pas y verser des éléments, il était même certain du contraire. Ce dont il n’était pas sûr en revanche, c’était qu’elle ne fût pas vraiment là pour le surveiller.
Bref, il n’obtiendrait aucune information de plus comme ça et il laissa tomber le sujet. Sa tête retomba en avant après un cahot et il contempla ses bottes. Le cuir avait à peu près résisté au feu. Il serra les dents. Si leur rivalité reprenait, c’était parce qu’il avait eu la bêtise de révéler une faiblesse, se dit-il : il venait de lui donner des éléments contre lui, et elle en profitait pour reprendre l’autorité. Il n’avait pas envie de se battre pour ça.

- Tu peux m’allumer ?
- Pardon ?!

Lloyd avait relevé la tête, ahuri. Vu la posture qu’elle tenait, il se demanda ce qu’elle exigeait exactement, avant de comprendre. Il lui jeta un regard noir.
C’est toi qui m’allumes. Et tu le fais exprès, hein ? Et dire qu'il avait failli se faire avoir.
Il la contempla d’une mine sombre tout en extirpant de sa poche le petit cylindre. Il était trop épuisé pour réellement concevoir du désir. Il se pencha en avant et fut obligé de rapprocher ses deux mains menottées pour l’allumer. La cigarra humide eut du mal à prendre et il fallut s’y reprendre à deux fois.

Pendant qu’elle fumait, et que le silence avait repris ses droits, il repensa à ce qu’elle lui avait dit. Un hapien déloyal ? Que savait-elle au juste ? Une chaleur désagréable l’avait envahi, qui n’avait rien à voir avec un quelconque désir.

Le véhicule s’arrêta et Dana et Lloyd tournèrent tous deux leur visage vers les portières. Elles s’ouvrirent un instant plus tard. Des individus en uniforme leur firent signe de sortir.

--------

--------

--------Lloyd fut poussé à la suite de Dana dans une cellule aussi grande que sa cabine sur le Sans Visage. Il n’eut pas l’énergie de résister et ça n’aurait pas été envisageable de toute façon : on ne se rebellait pas contre les autorités impériales. Ils étaient dans un poste de sécurité de toute façon très bien gardé. Néanmoins, le hapien se retourna pour faire face à l’armoire à glace en uniforme qui l’avait conduit jusqu’ici.

- Qu’est-ce que vous faites ?
- On vous enferme. Pour observation.
- Pour combien de temps ?
- Toute la nuit, au moins.
- Quoi ?!
- C’est les ordres.

Le garda allait activer le champ magnétique pour les isoler dans la cellule mais Lloyd s’interposa.

- Non, attendez. On ne peut pas. Cette femme, là, il pointa son pouce derrière lui pour désigner Dana, elle ne va pas bien du tout. Il lui faut des soins intensifs et vite. Vous comprenez ?
- Bof, elle tient debout.
- Certes. Mais c’est une Sith, une vraie, avec un héritage, grande famille et tout. Si on apprend que vous…

Le garde n’écouta pas jusqu’au bout et activa le champ magnétique. La voix de Lloyd s’éteignit en même temps que la pénombre envahissait leur minuscule cellule. Il se retourna et écarta les mains en signe d’impuissance.

Au moins, leurs mains avaient été libérées. Lloyd passa ses doigts dans ses cheveux en regardant ce qui leur tiendrait lieu d’abri pour la nuit : six mètres carrés avec une seule couchette, un siège de toilette sans la moindre intimité et un robinet. Le tout éclairé par la seule luminosité du champ magnétique bleu qui les coupait du reste du monde. Le hapien soupira de dépit et désigna la couchette du menton.

- Prends-la, c’est une couchette pour les vraies Sith, lui indiqua-t-il non sans une certaine amertume dans la voix.

Ce qui l’agaçait en réalité, c’était qu’il avait réellement besoin de sommeil, mais qu’il ne pourrait jamais dormir ici.

N’ayant rien de plus productif à faire, il alla se servir du lavabo pour se rincer abondamment le visage et les cheveux. Il aurait fait n’importe quoi pour pouvoir se laver réellement de toutes les horreurs du jour correctement. A la place, il ne pouvait que se frotter vigoureusement le visage avec l’espoir voué à l’échec de faire disparaître l’image persistante de la petite twi’lek.

Comme il ne pouvait pas s’essuyer, il alla s’asseoir, dégoulinant, à même le sol, et fit reposer sa tête contre le mur. Il se préparait mentalement à une longue veillée. Au bout d’un moment de silence, ces sourcils se soulevèrent comme s’il avait eu une pensée intelligente.

- J’ai toujours deux points d’avance, dit-il.

Il ne put s’empêcher d’offrir à Dana un sourire indocile.
Darth Hope
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-J’ai toujours deux points d’avance

Elle avisa son sourire indocile et dévia ses yeux, comme si un insecte l’avait soudainement piqué. Derrière sa mine faussement renfrognée et la pellicule de sang et de poussière qui couvraient son visage, ses joues avaient rougi – prenant une teinte qui – en d’autres circonstances, l’aurait rendu jolie. Elle préféra faire abstraction de cette légère chaleur qui avait envahi ses pommettes pour se concentrer sur la cellule, la couchette désormais souillée des sarcasmes de Lloyd.

-Cela signifie que..j’ai deux points de retard quelque part…soupira-t-elle en arrangeant sa chevelure brune qu’elle finit par essorer au-dessus de l’évier. Dans la pénombre, il ne put qu’entendre l’eau sale s’écouler dans l’évier. Elle aurait vendu son âme pour plonger dans les thermes tièdes de la Citadelle. Elle se pinça la lèvre avec force pour réprimer un rire. Elle venait de se rendre compte qu’elle avait déjà vendu son âme tant de fois. Pour une dernière cigarra. Pour rester en vie. Elle se figea soudainement devant le mur qui soutenait l’évier. Pour revoir Lloyd Hope. Elle n’avait plus envie de rire.

Les pas de l’Inquisitrice se rapprochèrent de lui, s’éloignant de facto du lit de camp. Il put d’abord voir ses jambes lui faire face et en remontant son regard, décrire la silhouette familière qui le toisait. Elle ploya doucement et s’installa à côté de lui, collant son épaule à la sienne, pour lui transmettre un peu de sa chaleur humaine. Elle avait remarqué qu’il était encore torse nu, qu’il avait en réalité sacrifié presque tout ses vêtements pour qu’elle puisse s’en sortir. La cellule n’était pas glaciale, mais elle présentait une température fraîche et les radiations silencieuses des barreaux magnétiques n’y changeaient rien. Puis, elle repensa qu’ils étaient peut-être contaminés, donc pas tant tirés d’affaires, qu’à deux dans le noir relatif….ils étaient seuls contre le reste du monde. Sa paume glissa le long du bras de Hope, jusqu’à sa main qu’elle entremêla à la sienne. Elle avait la peau chaude, pas brûlante, mais chaude. Reliquat d’une fièvre qui était descendue mais qui menaçait toujours.

Et il sentit un poids échouer contre son épaule avant que les cheveux humides de Dana ne caressent sa gorge pour couler en partie sur son torse. Elle ressentait la même fatigue, la même lassitude, soudainement et cette position lui semblait plus confortable que tous les lits du monde.

-Quand tu m’as hissé sur ce toit…dit-elle en fixant les ténèbres devant elle, d’où auraient pu surgir un millier de démons. Le faible halo des barreaux ne les atteignait presque pas. On n’avait jamais fait ça pour moi. Chez les Lames Rouges, se préoccuper du sort d’une autre Lame Rouge ou d’un soldat est un vu comme un crime. Chez les Siths, seule la loi du plus fort compte…

Elle sentit sa gorge se nouer.

-S’ils savaient…comment j’avais foutu en l’air notre couverture sur Artorias, ou…ma décision de….s’ils savaient. Je ne serai sans doute plus une Sith à leurs yeux. Je ne veux pas qu’ils sachent, non plus.

Comment lui dire qu’elle était la pire Inquisitrice du Clergé ? Que depuis son arrivée dans les cercles fermés de l’Inquisition, elle n’avait eu le loisir de ne dénicher aucun véritable traître, qu’elle était perpétuellement sur la touche. Qu’elle aimerait être plus forte, comme Damaya le fût. Qu’elle aimerait être plus forte, comme lui l’était. Qu’elle le détestait de lui sauver tant de fois la vie, de s’acharner à la ramener à ce monde, alors qu’en tant qu’être faible, elle aurait dû le quitter ; que c’était l’ordre naturel des choses. Pourquoi tu ne me laisses pas mourir, Lloyd ? Irrémédiablement, à chaque fois qu’il la secourait, le lien se renforçait ce qui la terrifiait.

-Tu es peut-être un hapien déloyal, répéta-t-elle, mais tu es surtout un con.

Elle se remémora les égouts, le visage figé de la Twi’Lek souriante à la lueur de la diode.

-Toi, moi…on est une sacrée paire de cons, en fait. Mais…on forme plutôt une bonne équipe. Je trouve. Si on considère que…l’objectif est…de rester en vie, en se salissant le plus possible.

Une pause. Un long silence où gêne et incertitude se mêlaient. Ses paupières s’alourdissaient, mais le sommeil refusait de venir à elle. Elle entendait le sang de Lloyd courir dans ses veines alors que son oreille était pressée contre lui.

Sa main libre se leva lentement en direction de la couchette. Elle dut se concentrer et trembla légèrement au moment d’invoquer la Force pour soulever cette si maigre et miteuse couverture qui gisait sur le lit de camp. Elle devait grouiller de puces, mais étaient-ils à ça près. Elle la vit venir jusqu’à eux et la fit retomber sur l’épaule libre de Lloyd. Vu son état, l’utilisation de la télékinésie l’avait légèrement essoufflée.






La grille électro-magnétique se désactiva dans un bruit aïgu. Dana sursauta. S’était-elle endormie ? Au goût pâteux dans sa bouche et à ses yeux qui s’ouvraient difficilement, elle en déduit que oui. Combien de temps ? L’épaule du hapan était toujours sous sa joue et elle espérait qu’elle n’avait pas trop bavé dessus pendant cette sieste improvisée. Le garde émergea à l’encadrement. La nuit était-elle passée ? Déjà, plutôt qu'enfin ?

-Une heure du matin, c’est l’heure du repas et de la visite. Alors tenez-vous tranquille.

Deux plateaux repas glissèrent à leurs pieds. La moitié du contenu fut renversée durant la manœuvre. Une autre silhouette se présenta ensuite, vêtue d’une combinaison antivirale bardée des sigles de l’Empire Sith. Sans doute l’un des hommes du Seigneur Varnak. Derrière la visière de son casque, il était impossible de déterminer son visage, ou sa race. Seule sa voix, qui émergea d’un des comlink de sa combinaison leur indiqua que c’était une femme.

-Je suis le docteur Vega. J’ai quelques questions à vous poser. Sachez d’abord que tout cela fait partie du protocole BC. Nous ne savons pas encore comment le virus réagit, en fonction de l’hôte, son temps d’incubation peut grandement varier.

Elle restait à une bonne distance d’eux, prévoyant une probable attaque. Dans ses mains gantées reposaient un datapad allumé.

-Avez-vous été mordus ?
-Non…mais j’ai reçu un coup de marteau sur la tête, ça compte pour réponse juste ? railla-t-elle.
-Etes-vous entrés en contact avec du sang de contaminés, que ce fut par voie orale, ou superficielle ?

Lloyd s’apprêtait à répondre, mais elle lui coupa l’herbe sous le pied, serrant davantage sa main pour lui indiquer de se taire.

-Non. Nous sommes restés ensemble tout le long, et non.

Vega parut douter mais inscrivit la réponse sur son formulaire.

-Avez-vous eu des rapports intimes de quelques natures que ce fut ?













Silence.










-Avez-vous eu des ra…recommença-t-elle.
-Bien sûr que non ! Je vous signale qu’on avait autre chose à foutre.
-Ni dans cette cellule, depuis votre arrivée ?

Derrière son casque, elle accusait leur proximité.

-Pour que l’autre (et elle pointa le geôlier en retrait) se rince l’œil ? Certainement pas.

L’humour et le sarcasme ne semblaient pas fonctionner sur le docteur qui se contenta de noter une nouvelle fois, la réponse.

-Je reviendrai dans deux heures, pour une prise de sang, fit-elle de manière très laconique, comme tout bon fonctionnaire impérial.

La grille se reforma, la lumière s’éteint. Ils retrouvèrent le noir et la solitude à deux. Le ventre de Shar fit un bruit peu délicat, indiquant que son corps réclamait désespérément cette pitance qu’on leur avait servi. Mais son cerveau refusait de tenter l’expérience. Pourtant, il fallut s’y résoudre pour reprendre des forces, pour ne plus se battre sans énergie. Elle demeura assise, mais quitta le confort et la chaleur établie avec Hope pour se pencher vers son plateau sur lequel une nourriture gluante brillait.

Lloyd Hope
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Sans refuser le contact, Lloyd s’était tendu. Il accueillit dans sa main celle de Dana, puis sa tête sur son épaule, dans l’attente du piège. Ou du revirement de situation, de la prochaine pique. Mais rien de ce genre ne venait, et au bout d’un moment ses muscles se détendirent et il ferma les yeux. Il sentait la paume chaude de sa main, ses cheveux humides sur son torse, le léger frottement de sa peau contre la sienne sur son épaule au rythme de leur respiration qui cherchait le repos. Il écoutait le son de sa voix.

C’était une trêve de nouveau.
Au début, il ne répondit rien. Avec Dana, tout ce que vous disiez pouvait être retenu contre vous, il avait bien appris la leçon et il savait que la trêve pouvait se terminer d’un instant à l’autre. Mais au bout d’un moment, il ne put s’empêcher de laisser échapper un rire. La nervosité sans doute ; cela faisait deux fois qu’il souriait en quelques minutes. Pour quelqu’un qui habituellement ne respirait pas la joie de vivre, c’était anormal.

- On est les pires Sith, conclut-il.

Et il retomba dans le silence. Il rouvrit les yeux, et contempla le plafond dont il ne distinguait que les vagues tâches de moisissure. Il devait se concentrer pour ne pas s’endormir.
Ne pas s’endormir.

Au bout d’un moment, la respiration de Dana se fit plus lente. La fatigue avait eu raison d’elle.

- Si c’est la loi du plus fort qui compte, alors on est plus forts à deux, remarqua-t-il à voix basse.

Il avait rarement pu dire ça de quiconque avec qui il avait travaillé.

- Mais ça suppose que tu ne me trahisses pas.

Faire confiance. C’était un risque qu’il ne prenait plus depuis longtemps. C’était pour cela qu’il ne pouvait pas dormir cette nuit.

-------

-------

-------Dana se réveilla quand on leur apporta des plateaux. La docteure leur posa des questions, et Lloyd était trop fatigué pour être très réactif. Dana répondit à leur place. Quand ils furent de nouveau seuls, Lloyd attrapa la nourriture insipide qui lui était réservée. Quand on était habitué aux rations de l’Armée, il n’y avait pas vraiment de quoi faire le difficile, et son estomac n’avait rien avalé depuis trop longtemps de toute façon. Il dévora.

Pourquoi l’avait-elle protégé ? Lloyd ne posa pas la question à Dana. Probablement parce qu’elle aurait été aussi soupçonnée d’être contaminé.

Soudain, le hapien retira la couverture et se leva d’un bond. Il n’eut le temps que de faire deux pas avant de se pencher sur le toilette et d’y déverser bruyamment tout le contenu de son estomac. Un autre haut-le-cœur le firent se tordre en deux.

Merci pour les bruitages élégants, Lloyd, songea-t-il en chancelant vers la lavabo, où il se rinça. Deux fois, il sembla perdre l’équilibre, se rattrapa de justesse. Quand il regarda ses mains, malgré l’obscurité, il devina qu’elles étaient plus blanches qu’elles ne l’auraient dû. Surtout, il tremblait anormalement. Et sa tête qui s’était mis à l’élancer dès qu’il s’était levé.
Dépité, il se tourna vers Dana et rencontra son regard. Y avait-il quelque chose à dire ?

- Prends la couchette. Tiens-toi le plus loin possible de moi.

Il aurait voulu être sec. Donner un ordre comme il le faisait lorsqu’il commandait une équipe. Mais sa tête bourdonnait et sa bouche avait encore un arrière-goût dégueulasse de bile et de soupe à demi digérée. Du coup, sa voix avait plus été un chevrotement vaguement autoritaire.
Il alla s’adosser contre le mur le plus éloigné de la couchette et se laissa glisser au sol.

- Prends la couchette, répéta-t-il plus sèchement, comme Dana n’avait pas bougé.

De longues minutes s’égrenèrent, les unes après les autres. Lui qui ne voulait pas dormir, la nausée le tenait fermement éveillé, cela tombait bien. Si Dana avait pu trouver le sommeil, il ne savait pas si ses vomissements réguliers – son estomac ne rejetait plus que de la bile de façon régulière – la réveillaient ou non. Il tremblait. Il ne savait pas très bien si c’était la fièvre ou l’inquiétude. Il guettait la moindre chaleur sur sa peau annonciatrice de la transformation, mais il n’y avait rien pour l’instant.

D’amères pensées se mirent à empoisonner son esprit. Il ne voyait pas le visage de Dana, qui de l’autre côté de la cellule, n’était pas suffisamment éclairée. A peine devinait-il ses courbes offrant un horizon vallonné. Quand il aurait disparu, se dit-il, combien de temps lui manquerait-il ? Qui s’inquièterait d’ailleurs de son absence ? Mumkin s’inquièterait probablement davantage que Mat’, songea-t-il amèrement. D’un autre côté, il savait que cette pensée était ingrate. C’était lui qui les avait mis tous les deux dans cette impasse. Leur relation avait été belle, autrefois, avant qu’il développe cette paranoïa. Il les avait empoisonnés tous les deux. Il la libèrerait peut-être en disparaissant. Il se sentait minable. Il avait envie de pleurer, mais il n’avait pas de larmes. Il enviait Dana dont il avait deviné qu’elle était capable de pleurer. Pas comme lui. Lui était un corps froid depuis longtemps.

- Elle…

Il s’éclaircit un peu la voix. Dana dormait peut-être. Mais il ne pouvait pas faire cette requête à quelqu’un d’autre qu’elle.

- Ce n’est pas une Sith, c’est une innocente.

C’était lui qui l’avait ramenée dans l’Empire, où on l’avait asservie, plus ou moins. On ne pouvait pas vraiment dire que son salaire correspondait à de l’indépendance. On ne la violait juste parce qu’on avait eu la bienséance de marquer dans son dossier qu’elle appartenait à un officier de la Marine. Cela aussi, c’était minable. Mais n’auraient-ils pas eu encore moins d’avenir dans la République ?

- Elle s’appelle Mat’aenna. Elle a sûrement un dossier, elle aussi. Si je…

Silence. Il déglutit, réprimant un haut-le-cœur.

- Tu pourras lui envoyer un message. Lui dire que je suis mort en mission. Elle n’a pas besoin de connaître les détails.

-------

-------

-------- Voilà vos résultats, annonça le docteur Vega en tendant à Dana un papier. Test négatif, tout va bien. On vous garde ici jusqu’au petit matin, par précaution. Un deuxième test aura lieu à ce moment-là. Quant à vous, enfilez ces menottes et suivez-moi, ajouta-t-elle en se tournant vers le hapien.

Lloyd sentit comme une pierre tomber au fond de son estomac. Au fond, malgré le discours qu’il avait tenu à Dana, il avait quand même eu un petit espoir. Qu’on ne lui donnât pas ses résultats ne pouvait rien signifier de bon. En tremblant, il se passa lui-même les menottes, que le garde qui accompagnait le docteur Vega verrouilla sur lui. L’armoire à glace le leva brutalement du sol et ils sortirent, enfermant Dana seule dans la cellule. Le hapien se retourna une seconde pour croiser son regard. Il comptait sur elle.

-------

-------

-------Il fut conduit dans une petite salle vide à l’arrière du bâtiment, puis assis devant une petite table. De l’autre côté, le docteur Vega s’assit en jetant devant elle une petite pile de papiers, qu’elle commença à feuilleter tranquillement. Lloyd avait encore la nausée. L’attente lui paraissait insupportable.

- Mon test est… Positif ?

Le docteur Vega releva les yeux et à travers sa visière, il lut la surprise.

- Ah, non. Négatif.
- Quoi ? Mais qu’est-ce que… Je ne me sens pas bien.
- Oh ça, ce n’est rien. Intoxication au CO. Monoxyde de carbone, fit-elle en reprenant sa lecture.

La fumée qu’il avait inhalée. Ce qu’il pouvait être con. Si c’était un concours de connerie que Dana et lui faisaient, il venait de gagner en beauté.
Il y eut un long moment de silence, pendant lequel Lloyd se maudissait de s’être ouvert. Pourquoi avait-il donné le nom de Mat’ ?! Il ne fallait plus jamais qu’il s’ouvre à Dana. Qu’il s’ouvre tout court.

- Pourquoi je suis là, alors ? finit-il par demander.
- Pour ça, dit-elle, et elle lui mit un papier sous les yeux.

C’étaient les résultats de sa prise de sang. Résidus de psychotropes était surligné en jaune.

- Vous vous droguez.
- Non.
- Les tests sanguins ne mentent pas, monsieur…
- Hope, Lloyd Hope. Je suis militaire. Mes missions d’infiltration m’amènent parfois à consommer…
- Les taux sont très élevés, trancha-t-elle sèchement, faisant savoir qu’elle n’était pas dupe.

Lloyd sollicita son cerveau. Il était en compote. Il n’avait aucune réponse intelligente à faire. Il resta silencieux.

- Je vais être obligée de déclarer cela à votre hiérarchie.

Le hapien prit une inspiration.

- Vous n’allez pas le déclarer, dit-il.
- Si.
- Vous n’allez pas le déclarer, répéta-t-il posément.
- …. Si.

Connard de cerveau en compote et salope de Force qui fait ce qu’elle veut quand elle veut. Pire qu’une certaine Inquisitrice de sa connaissance.

- Je viens de sauver la mise des autorités de Dromund Kaas en brûlant cet immeuble. J’ai failli laisser ma peau dans cette mission. Et en échange, vous allez ruiner ma carrière ?
- Ça dépend, répondit Vega avec un sourire.
- Ça dépend de … Quoi ?
- De si vous êtes prêt à signer ça.

Elle poussa vers lui une autre feuille. Lloyd lut. Il fronça les sourcils.

- C’est une drôle de requête.

Le docteur Vega haussa les épaules. Il signa.

- Merci, monsieur Hope. Cet accord est bien sûr hautement confidentiel. Dans le cas où divulgueriez cet accord, nous nous verriez obligés de transmettre les résultats de votre prise de sang.
- ... J'avais compris.

Il était vraiment dans la merde.

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-------

-------Quand le garde ramena Lloyd dans la cellule, ce dernier ne regarda pas Dana. Il reprit sa place le long du mur.

- C’est négatif aussi, annonça-t-il froidement.

Elle n’y était pourtant pour rien. Mais c’était compliqué.
Darth Hope
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Idiot.

Etendue sur le flanc, imprégnant le poids de sa silhouette dans le fin matelas du lit de camp, elle lui tournait le dos pour fixer le mur. Pourquoi lui parler de cette alien alors qu’ils étaient condamnés. S’il était contaminé, alors elle l’était également, ou le deviendrait. Ce n’était pas les deux mètres qui les séparaient dans cet espace clos qui l’empêcherait de se jeter sur elle pour la dévorer. Encore une fois, ils se précipitaient vers la fin. Leurs fins. Et il ne trouvait rien d’autre à dire que…ça.

Son visage était strié par des mèches frondeuses qui épargnaient son regard grand ouvert. Elle ne dormait pas. Comment trouver le sommeil entre les bruits des haut-le-cœur et l’angoisse si communicative de Lloyd ? Elle aurait peut-être dû. Elle aurait peut-être dû s’endormir ; mais son instinct de survie, désormais en alerte, s’y était catégoriquement refusé.

- Ce n’est pas une Sith, c’est une innocente.

Personne n’est innocent, souhaita-t-elle répondre, mais ses lèvres demeurèrent soudées l’un contre l’autre, aussi pâles et gercées qu’une terre gelée.

- Elle s’appelle Mat’aenna. Elle a sûrement un dossier, elle aussi. Si je…

Elle ne voulait rien écouter, rien entendre. Sa curiosité s’était tue désormais, alors pourquoi continuait-il à parler ? Pensait-il qu’elle avait également envie que sa dernière pensée soit tournée vers cette Twi’Lek ? Elle le détestait. Elle le détestait si fort. Les traits de Mat’aenna, figés, revinrent à la vie dans la mémoire de la Sith. Elle s’imagina ce sourire s’agrandir ou disparaître, ses lèvres se mouvoir, ses lekkus frémir. Elle imaginait sa voix, sans doute douce, ou rieuse ; son parfum, peut-être réconfortant ; loin des odeurs de morts et d’égout qu’elle-même macérait au creux de cette couchette. Et son imagination glissa vers le probable couple qu’elle formait avec Hope. Devant ses prunelles éveillées, elle assistait à leur étreinte, entendait le souffle rauque du hapan courir sur la peau verdâtre et les gémissements dociles de Mat’. Son estomac se tordit. Ce n’était ni une envie de vomir, ni un symptôme dû à sa récente commotion. C’était une remontée de colère sourde et de déception amère. Elle aurait aimé être autre chose qu’une Sith ratée, pour ne pas ressentir ces sentiments-là qui n’étaient que deux faces d’un même émoi.

- Tu pourras lui envoyer un message. Lui dire que je suis mort en mission. Elle n’a pas besoin de connaître les détails.

Les choses ne fonctionnent pas ainsi, Lloyd, songea-t-elle en fermant finalement les yeux, comme si cela allait l’aider à se réveiller ailleurs. On a jamais besoin de connaitre les détails. Ils nous sont inconnus et pourtant, on les construits nous-même parce qu’au fond. On a tous besoin de savoir. Dans sa tête endommagée, résonnait le rire de Darth Runà, un rire simple et élégant, mais terriblement railleur. Une hilarité qui seyait parfaitement au pathétique dans lequel pataugeait Dana en ce moment. Même le poids de la veste du hapien sur ses épaules, autrefois réconfortant, lui brûlait la peau. Elle se mit à ravaler un sanglot. Elle n’avait jamais autant pleuré qu’en l’espace de ces dernières heures. Et elle repensa. Elle allait peut-être mourir aussi. A qui envoyer un message ? Qui prévenir ? Sa propre mère se réjouirait de son départ définitif. Akusha ? Il ne faisait même pas le simple effort de se souvenir de son nom, alors pleurer sa mort ? Qui aurait besoin de connaître les détails de sa disparition ? Damaya, sans doute. Mais voilà, Damaya l’avait précédée dans le trépas. Et aujourd’hui, il n’y avait pas de message à transmettre pour elle. Juste un silence, qui résonnerait éternellement.

Le sommeil ou la mort, peu importait. Tant qu’il arrivait vite.






Elle crut sincèrement que c’était l’ultime fois qu’elle croisait les prunelles du hapan alors qu’il était emmené hors de la cellule. Elle mit deux secondes à réagir. Deux de trop. Elle se précipitait vers l’entrée de la cellule et les barreaux se reformèrent, lui envoyant un court-jus bref mais douloureux. Elle recula en chancelant se massant les mains.

-Où l’emmenez-vous ?! s’écria-t-elle vers le couloir. Il doit y avoir une erreur dans vos tests !

L’indifférence générale lui répondit. Elle déglutit et retomba sur sa couchette, où elle s’adossa au mur. Ramenant ses genoux sous son menton, les entourant de ses bras tremblants comme si elle cherchait à s’étreindre elle-même, Dana poussa un long et profond soupir. Puis elle fut prise d’un rire, qui secoua ses épaules et emplit le vide de la minuscule pièce. Il résonna, cognant les parois, heurtant le plafond. Elle n’était pas contaminée. Le soulagement aurait dû primer, mais le poids envolé fut aussitôt remplacé par un autre. Celui d’avoir échoué quelque part. Et elle rit tant qu’elle finit par avoir trop chaud. Elle commença à se débarrasser de la veste impériale avant de se raviser. Ses paumes glissèrent dans les poches. Elle les vida entièrement pour aligner leur contenu sur le matelas, comme on faisait un inventaire scrupuleux. Des cartes d’accès magnétiques, mais elle ne savait pas à quoi elles correspondaient. Un logement ? A leurs côtés, un document d’identité qui avait aussi mal vécu sa nuit que son propriétaire. L’écran holographique était fissuré et il coupait l’image sans expression du hapan en deux. A travers la fissure, elle réussit à déchiffrer les données habituelles ; l’âge, le sexe, la taille….Elle le voyait plus grand que ce qui était indiqué. Ses doigts sales effleurèrent le résumé d’une vie dont elle ignorait finalement tout. Enfin, ses yeux dévièrent sur le dernier objet. Deux petits crédits. Elle s’humecta les lèvres et rangea une mèche de cheveux derrière son oreille droite. Son front était plissé tandis qu’elle réfléchissait. Devrait-elle récupérer tout ça et le transmettre à Mat’aenna en même temps. Comme une sorte…d’héritage, de dernier souvenir ?

Un bruit devant la cellule. A la hâte, elle ramassa tout et le cacha dans les poches de son treillis noir. La grille se désactiva, la lumière irradia brusquement l’endroit et elle dut plisser les yeux, incommodée par cet éclairage soudain.

-Ah vous voilà…souffla péniblement une voix essoufflée.

C’était un homme d’une cinquantaine d’année, à la calvitie désastreuse et en uniforme impériale. Elle en reconnut les insignes. Collège de la Pureté. Runà n’avait même pas eu l’envie de se déplacer elle-même ?

-Oh, je suis Bred. Bred Dahan. Je suis fonctionnaire impérial mais je vais vous épargner mes fonctions exactes. Inquisitrice Shar, je suis tellement navré. Le protocole BC et les ordres du Seigneur Varnak ont été très clairs et…

De quoi parlait-il ? Elle le fustigea d’un regard noir qu’il accusa en baissant le sien.

-On m’a expressément dit d’attendre les premiers résultats avant de vous voir. Je suis accrédité. Voilà, je venais vous expliquer la situation, afin que vous puissiez établir un rapport clair pour l’Inquisition.

Elle effleura les contours de son paquet de cigarra, en extirpa une et la coinça entre ses lèvres jusqu’à se rappeler que c’était Lloyd qui détenait son briquet. Où était-il ? L’avaient-ils abattu ? Ou le conservaient-ils pour des expériences ? La voix de Dahan se superposa à ces angoisses :

-Il y a une semaine, une clinique vétérinaire de Kaas City a contacté les Forges. Ils avaient reçu un chat malade, la veille. Comateux. A son réveil, il avait attaqué tous les autres animaux du chenil. Même un chien Kat ! Les services ont pu remonter la piste, laborieusement, la piste jusqu’au 2331 district 40-9. Le chat appartenait à une certaine Nuala. Et d’après les données scientifiques récoltées, le virus se transmettrait uniquement par la salive.

D’où la demande sur l’existence de probables rapports intimes.

-Vous avez fait un travail remarquable là-bas et…c’est un miracle que vous vous en soyez réchappée saine et sauve.

Ai-je l’air saine et sauve ? Vraiment ? Et ton foutu miracle s’appelle Lloyd Hope. Cela n’a rien de miraculeux. C’est juste de la connerie.

-Vos supérieurs sont impatients d’avoir votre rapport sur les événements exacts de cette nuit-là. Ah…à ce propos. Un dénommé Jonas a été arrêté également. Maître Runà m’a demandé expressément de voir avec vous, pour ce cas. C’est un déserteur (et il avait pris un ton plus bas, comme s’il était offusqué) de la pire espèce ; un lâche. Il se cachait depuis des mois. Il a été déclaré négatif, donc il pourrait subir un jugement digne de l’Inquisition et…
-C’est une erreur, trancha-t-elle sèchement.
-Pardon ?
-Ce n’est pas ce Jonas-là. Il doit y avoir une erreur. Dis-le à Maître Runà, dis-lui bien que ce Mirialan n’a rien à voir avec les clandestins et qu’il doit être libéré. Ce sont les conclusions de mon contrôle d’identité.
-Vraiment…je…vous m’en voyez confus…je. Bien. Je lui transmettrai.
-As-tu des nouvelles de Hope ?
-Qui donc ?
-Ll…
-Non désolé, je ne connais pas, se dépêcha-t-il d’abréger en ajustant son uniforme plein de sueur. Garde ! J’ai terminé. Et par pitié, traiter l’Inquisitrice correctement. Vous n’aviez pas d’autres cellules ? pesta-t-il.

Et elle entendait sa voix s’éloigner.

Dana retourna à sa couchette. Elle s’y assit en tailleur et reboutonna la veste. Fermant les yeux, elle laissa courir son esprit dans la Force. On a tous besoin de savoir. Et elle avait besoin de savoir s’il était toujours en vie. Il lui aurait suffit d’une corde qui vibrait dans la Force, d’une seule corde rouge. La couleur qu’elle avait donné à Hope lorsqu’elle visualisait la toile de la Force. Une seule petite…vibration. Mais tout demeurait immobile, figé dans l’incertitude.


Elle avait alterné les phases de somnolence et d’éveil, étendue à nouveau sur le lit étroit, glacée par la solitude. Quand le hapan réapparut, elle crut d’abord à un songe ; elle devait sûrement dormir. Mais son ton froid la percuta avec tant de lucidité qu’elle comprit que c’était bien réel.

-Quoi ? souffla-t-elle en se redressant pour s’asseoir sur le bord de la couchette. Négatif aussi ? Alors pourquoi t’ont-ils emmené ? T’avais l’air mort ! Et pourquoi t’ont-ils ramené ici ?

Elle se rendait compte qu’elle montait dans une hystérie étrange et se calma. Son cœur continuait à battre frénétiquement, mais elle avait réussi à caler sa respiration sur un rythme régulier avant de poursuivre :

-Le virus se transmettait par la salive, d’où les morsures, expliqua-t-elle sans émotion. Il…visiblement, cela venait du chat de la Twi’Lek.

Et prononcer ce mot raviva le souvenir de la photographie pliée. Elle tenta de ne pas y penser. Ses prunelles s’attardaient sur le torse dénudé du sith, couraient sur les lignes de ses muscles fins, que le sang, l’essence et les traces de brûlures mettaient en évidence. Elle n’arrivait pas à se soustraire à cette observation.

-Il était malade, je ne sais pas.

Un froissement de tissu accompagna le silence qui suivit. Elle défaisait la veste sombre. De nouveau en débardeur, les bras nus et marqués – il restait encore la légère empreinte des doigts gantés de Lloyd quelque part, une de ses bretelles était retombée lâchement sur son épaule. Elle se redressa et tendit l’habit à son propriétaire légitime.

-Alors, ils t’ont dit quoi, si t’es pas malade ?

La question était posée sur le ton du : « Si tu ne me réponds pas, alors que je suis sur les nerfs, si tu ne me réponds pas, je ferai en sorte que tu ne fasses plus qu’un avec ce mur. »

Lloyd Hope
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Lloyd eut un soupir. Il manquait cruellement de sommeil.

- Un chat, répéta-t-il.

Il se sentait vide. Il avait du mal à intégrer l’information. Cela signifiait pourtant quelque chose : notamment que le virus avait été inoculé à l’extérieur de l’immeuble, et que donc ils n’en avaient pas éliminé la source. Sa mission n’était donc pas terminée. Mais il refusait de réfléchir aux détails de ce que cette information impliquait. Il était trop fatigué. Et ce qu’il venait de signer lui paraissait tellement absurde, tellement hors contexte qu’il n’était même pas sûr d’avoir bien lu.

Comme Dana répétait sa question, il releva vers elle des yeux hagards.

- Heu…

Il y eut un silence. Lloyd récupéra sa veste, qu’il garda dans ses bras. Ses yeux se posèrent sur Dana, dont la tenue rappelait qu’elle aussi avait enduré ces dernières heures un peu trop de surprises et d’expériences douloureuses. Maintenant qu’elle ne portait plus sa veste, elle paraissait être redevenue l’Inquisitrice indomptable.
Lloyd se rendait compte qu’il avait mis fin à la trêve sans le vouloir. Ce n’était plus l’heure des confidences, il avait raté sa fenêtre de tir. Ou peut-être que c’était mieux ainsi, vu les conséquences systématiquement désagréables – voire franchement catastrophiques – à chaque fois qu’il essayait de parler à quelqu’un.

- Rien de grave, éluda-t-il. Une intoxication au CO.

Ce n’était pas un mensonge, au moins. Mais il savait bien que ça ne suffirait pas.

- Ils ont voulu faire quelques petites vérifications supplémentaires pour voir si j’allais m’en remettre, du coup.

Ça, par contre, oui, c’était totalement faux. Le docteur Vega n’avait pas exactement cette déontologie au travail.

- Et tout va bien.

Il affronta le regard de Dana. Il savait très bien que vu son allure et son air morne, tout n’allait pas vraiment pour le mieux. Mais il la défiait du regard de le contredire. Il aurait voulu s’adoucir, le lui demander gentiment, mais ses mâchoires étaient serrées et son cerveau avait verrouillé cette partie-là de lui-même qui exposait trop ses faiblesses.
Comme elle ne disait rien et qu’il semblait que c’était l’heure où chacun devait reprendre ses affaires, il extirpa le briquet de sa poche.

- J’ai l’impression que ça te ferait du bien d’en griller une, dit-il en lui tendant le petit objet.

Après quoi, il la regarda fumer. Les volutes émises par la cigarra, les lèvres de Dana qui pinçait le petit cylindre, les brèves inspirations qui émettaient un grésillement… Tout cela lui rappelait leur conversation dans l’arrière-salle d’un pub miteux sur Artorias. Il ne voyait pas si son cou avait guéri du collier. Il préféra ne pas le lui demander.

-------

-------

-------Il y eut un bruit sec, et le champ électromagnétique entre les barreaux fut désactivé. Le docteur Vega ne se montra pas de nouveau. Seul apparut le garde qui les avait conduit ici.

- Vous êtes libres, annonça-t-il avec une pointe de regret dans la voix.

Lloyd et Dana se levèrent lentement. Le hapien sentait toujours sa peau brûlée le tirailler, et sa nuit passée en partie à vomir l’avait encore affaibli. La délivrance n’était plus loin, cependant.

Ils furent accompagnés jusqu’à l’entrée du poste de police, où le garde indiqua à Dana un airspeeder stationné sur une plate-forme à quelques mètres.

- Le Collège de la Purification a mis à disposition un véhicule qui va vous ramener à un hôtel, où une suite vous a été réservée.

Visiblement, le garde se forçait un peu à être cordial. Il avait dû se faire remonter les bretelles sur le traitement qu’avait reçu Dana. Puis il se tourna vers Lloyd.

- Hum…
- Laissez-moi deviner : la Marine me laisse me démerder, comme d’habitude ?
- C’est-à-dire que je n’ai rien reçu…
- C’est bon, j’ai compris. Je vais me débrouiller et rentrer sur mon vaisseau.

Le hapien se tourna vers la jeune femme tandis que le garde retournait à l’intérieur du poste. Au-dessus d’eux, l’aube déversait une faible lumière qui traversait le brouillard pour éclairer des bâtiments gris. Ils étaient minuscules dans ce quartier de la capitale, aux hautes tours d’affaires. Lloyd aurait souhaité avoir un horizon clair pour voir si de la fumée provenait toujours du bâtiment qu’il avait brûlé, mais l’atmosphère chargée de Dromund Kaas ne permettait pas une telle visibilité. A la place, ils se voyaient enfin l’un l’autre. Ils avaient l’air de deux clochards tout juste sortis d’une bagarre. C’était enfin l’heure de se séparer après une nouvelle mission qui puait l’échec et les « petits écarts pas très Siths ». La routine, pour Lloyd.

- Si Madame l’Inquisitrice veut bien me déposer ? Sinon je marche à pied dans mon pantalon troué jusqu’à l’astroport.
Darth Hope
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En plus d’être un con, t’es un menteur.









Elle jeta un regard vers le landspeeder garé à une centaine de mètres. Une suite réservée à l’hôtel, n’est-ce pas ? Elle faillit rire. Où étaient passés les dortoirs du Temple Sith ? Ils pensaient qu’elle allait facilement passer l’éponge sur leur abandon pathétique alors qu’elle souffrait le martyr, verrouillée dans cet immeuble cauchemardesque ? Qu’elle oublierait si vite, le tir de sommation ? Ferks, qui se vidait de son sang, sans la moindre réaction de ceux pour qui il avait dédié sa vie ? Après tout, elle avait bien exécuté de loyaux partisans du régime sith. Un tir de plasma à bout touchant comme ça. Elle crut rire pour de bon, mais ce n’était que dans sa tête. On disait souvent que le chien ressemblait à son maître.

-Si cet humble landspeeder du Clergé sied à Monsieur l’Amiral en chef, alors, je pense que c’est possible, rétorqua-t-elle sur le même ton.

Toute cette nuit, qui s’évaporait dans une aube incertaine, elle semblait l’avoir rêvé. Elle se demanda si la trêve aussi, elle ne l’avait pas fantasmée, au cours de sa fièvre. Le monde demeurait inchangé, à l’extérieur.

Dana grimpa dans le véhicule. Un soldat de l’Inquisition barra l’élan de Hope lorsqu’il souhaita la suivre. Il toisait le militaire aux habits écharpés de toute sa stature autoritaire. Il était armuré de noir, de la tête au pied et tenait entre ses mains un fusil blaster bel et bien chargé.

-Faîtes demi-tour.

Au ton employé, un second rappel ne s’envisageait pas. La brune se pencha, agacée.

-C’est un Sith, tu as intérêt à le laisser monter et à fermer ta gueule, ordonna-t-elle avec impatience. En d’autres circonstances, elle aurait été moins vulgaire, moins directe, mais l’épuisement se prêtait bien à ce genre d’attitude. Ce soldat prenait un peu pour tout le reste.

-Bien, Inquisitrice, dit-il froidement en se décalant d’un pas.

Dès que le second passager fut à bord, le soldat ferma la portière et questionna, par-dessus la vitre ouverte :

-Il prend la même destination ?
-Oui bien sûr, railla-t-elle, Direction l’hôtel, du vin artorien nous y attend et on va s’envoyer en l’air toute la nuit.

Silence. Le soldat enregistra sérieusement l’information et s’apprêta à la communiquer au chauffeur :

-Eh, oh. Tu es débile ? Reviens là. (Il s’exécuta mécaniquement. Elle en oubliait presque que les soldats inquisitoriaux étaient dressés pour obéir au doigt et à l’œil.) Nous prenons la route de l’astroport de Kaas City. Puis ensuite, de l’hôtel prévu.


Dana resta éloignée de Lloyd. L’espace de la cabine permettait cette distance. Ils n’étaient pas contaminés, n’avaient par conséquence pas besoin de poursuivre les gestes barrières et pourtant. Elle demeurait lointaine et silencieuse, admirant l’horizon urbain filer au rythme de la circulation dense de Kaas City. Dans le reflet de la vitre, elle apercevait l’image du hapan, qui se fondait dans les décors de la cité impériale. Elle le voyait, mais elle n’aurait su dire, si lui la voyait également.

Une demi-heure plus tard, elle se retrouvait seule dans le landspeeder. Au moment où il avait débarqué, des milliers de mots s’étaient bousculés à la bouche de Dana. Ils souhaitaient former un semblant de remerciement, mais d’insultes également, une espèce de gargouillis contradictoires qui mourut pathétiquement dans sa gorge, sans émettre le moindre son. Une deuxième tentative souleva sa poitrine d’une inspiration brève, mais n’aboutit jamais. Qu’y avait-il à dire de toute façon ? Sans doute trop de choses. Le fil rouge vibrait dans la Force, et au fur et à mesure que Lloyd Hope s’éloignait, avalé par l’immense structure du spatioport, les vibrations s’atténuaient, jusqu’à disparaître pour laisser place à l’immobilité la plus complète. Elle réfugia sa tête entre ses mains et souffla un bon coup.


Tout lui paraissait ralenti. Ses doigts qui saisissaient la carte magnétique de sa chambre, le sourire commercial de la réceptionniste (qui cachait en réalité de l’effroi), le va et vient des grooms et des clients. C’était donc ça, le monde normal. Une suite d’actions sans conséquence directe sur sa vie. Elle entendit vaguement le numéro et l’étage de sa chambre, son cerveau encore perturbé accepta l’information en maugréant. Dans le turbolift, les occupants se pinçaient le nez et les lèvres, grandement incommodée par la présence malodorante de l’Inquisitrice. Elle ne comprit leur dégoût qu’une fois qu’elle croisa son reflet dans le grand miroir de sa suite ridiculement immense dont le confort et les dimensions tranchèrent radicalement de la petite cellule qu’elle venait de quitter. Au-delà du lit, un panorama imprenable sur ce que la cité offrait de meilleur. Elle reconnut le dôme de l’astroport à quelques kilomètres de là. Ses prunelles suivirent chaque objet lumineux quittant ce lieu et elle se demandait si Lloyd se terrait dans l’un d’eux. S’il allait rejoindre la Twi’lek du nom de Mat’aenna. Elle se défit de son débardeur, dégrafa son soutien-gorge, tout en se dirigeant vers la salle de bain. De temps à autre, elle voyait encore trouble. Une eau furieuse et brûlante jaillit du robinet pour se déverser dans la baignoire de marbre sombre. Elle se retint de vomir au souvenir des égouts, du bruit que le marteau avait fait sur sa tête, de Zhi qui se faisait dévorer vivante, de Lloyd terrifié par une gamine à laquelle il manquait presque un lekku. Tout lui revint comme un tourbillon fracassant et tout s’arrêta, la seconde suivante. Elle reprit son souffle. C’était comme dégobillé du poison. A la fin, on se sentait fébrile, mais soulagé.


Mais à l’image d’un séisme dont l’épicentre était ses propres tripes, il y avait toujours des répliques. Et elle se manifestèrent sous la forme d’images moins brutales, la main du hapan contre son décolleté, leurs lèvres se touchant presque, leurs paumes pressées l’une contre l’autre dans le noir d’une cellule.







HRP a écrit:Fin du RP
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