Darth Hope
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Elle se réveilla en sursaut, le front perlé de sueur. Au creux de son lit, elle n’arrivait pas à calmer sa respiration saccadée.  Le visage de Damaya, figé dans la souffrance, parasitait son esprit. Sa main fébrile rampa vers le chevet et s’empara d’un paquet de cigarras…vide. Elle secoua la petite boîte, agacée.

-Merde…

Un mal de crâne succéda à son réveil et elle quitta difficilement sa couchette. Un léger courant d’air, charrié par les recycleurs d’oxygène du vaisseau, dressa une chair de poule sur son corps trop peu vêtu. L’eau froide de la douche n’arrangea pas cette sensation, mais fut nécessaire au rétablissement de ses pensées désordonnées. Elle se remémora sa mission prochaine avec une grimace capricieuse. Il lui semblait étrange, et très suspect, qu’elle fut convoquée afin de se voir attribuer un ordre de mission. Depuis son arrivée dans la Marine Impériale, les officiers supérieurs lui foutaient une paix relative. Ils appréhendaient l’idée que cette jeune Inquisitrice puisse remuer la fange du secret militaire.  Le « Lightbreaker » était un croiseur de classe Terminus, flambant neuf. Il n’avait pris part à aucune bataille notable. Il rutilait, tout droit sorti des chantiers navals impériaux. L’Etat-Major Sith avait mis à son commandement, de jeunes officiers. Aussi jeunes et inexpérimentés que ne l’était le vaisseau. A vrai dire, les stratèges expérimentés de la Marine tenaient à conserver leur propre bâtiment de guerre, aussi antiques étaient-ils.  et ne s’étaient pas résolus à une mutation sur un navire qu’ils jugeaient raide et peu rôdé à l’exercice d’un bon combat spatial. Le Collège de la Purification, tout comme Dana, souhaitait s’assurer que ces nouveaux commandants eussent l’esprit aussi loyal que neuf. Le Capitaine Iani Chaos avait la lourde charge d’une section composée du Lightbreaker et de deux autres frégates. Ses maîtres de l’académie martiale n’avaient jamais tari d’éloges sur son génie et son esprit de stratège bien que, comme son vaisseau, il ne connaissait pas l’expérience d’un combat naval. Sur le pont de navigation, ses galons semblaient peser et il luttait constamment pour conserver les épaules droites et hautes. Ses cheveux bruns étaient longs, mais impeccablement disciplinés vers l’arrière. Selon les normes humaines, il s’avérait agréable à regarder malgré cette cicatrice disgracieuse qui lui barrait la joue droite. Entouré des tonnes d’acier de son croiseur, il se croyait intouchable. Il pensait que c’était là, tout l’art de la guerre : posséder un vaisseau de guerre qui fendait majestueusement l’océan intersidéral, pour l’éternité. Aucun cri, aucun choc : juste l’ordre et le silence.

Dana boutonnait son chemisier sombre tout en progressant le long des coursives. Elle tenta bien de grapiller une cigarra ou deux à des soldats, sans succès. Le manque de toxine se ferait sentir plus tard. Elle aurait l’impression que ses nerfs se briseraient. Elle prit les escaliers menant au pont de navigation. Ses jambes avalèrent les marches deux à deux et elle se présenta au Capitaine Chaos, hâtée d’en terminer.

-Capitaine, salua-t-elle sans un regard pour lui, occupée à attacher ses cheveux.

-Capitaine Chaos, rectifia-t-il. Et comment dois-je vous appeler déjà ? Inquisitrice Shar ? Inquisitrice ?

-Aucune importance. J’aimerais connaître cet ordre de mission qui tombe à pic puisqu’il va m’éloigner un moment du Lightbreaker.

Il poussa un soupir discret, partagé entre la crainte que lui inspirait une « Sith » et l’agacement provoqué par son irrévérence.

-Cette mission émane du Clergé, de votre branche. Je n’ai aucune pouvoir décisionnaire là-dessus. Je ne suis que le messager.

-Je n’ai jamais vu de messager avec cette tronche-là dans le Clergé, tiqua-t-elle avant de prendre place dans l’un des sièges réservés aux officiers de communication.

-Je partage votre surprise. En tous les cas, voici.

Elle accepta de mauvaise foi le datapad qu’il lui tendit.

-C’est une mission d’infiltration sur Artorias. Visiblement les…

-Je sais, le coupa-t-elle après avoir levé les yeux au plafond. Nos renseignements soupçonnent depuis un moment la mise en place d’un réseau de résistance aux forces d’occupations impériales. Dire qu’on se casse le cul à reconstruire ce monde. Certains peuples sont vraiment ingrats.

-Rien n’est vraiment prouvé. Artorias est un des bastions de l’Empire désormais. Votre mission consiste à vérifier si ces soupçons sont fondés. Un de nos éléments dans la Marine, un…je veux dire, un homme comme vous..un Sith. (Il se racla plusieurs fois la gorge, incertain.) a visiblement pris contact avec des personnalités rebelles sur le terrain.

-Et il est toujours en vie ? s’étonna-t-elle. Et dans vos rangs ?

-C’est l’objectif, il joue double-jeu. Mais il semblerait que ces…personnalités demandent une preuve de bonne foi. Et c’est là que vous…ahm, intervenez.

Elle ne l’écoutait plus, l’attention rivée sur les informations que dégueulaient le datapad. Une mission d’infiltration où elle accepterait le rôle de prisonnière, d’appât…à la merci de cet informateur de la Marine ? Tous les éléments se réunissaient pour provoquer un immense refus. Cependant, la mission semblait commanditée par les autorités militaires et religieuses.  L’absurdité de la tâche, consistant à singer la capture d’une Inquisitrice Sith n’était pas le plus déroutant. Dana s’interrogeait sur le binôme éventuel. Elle n’excellait pas vraiment dans le travail d’équipe. De Korriban à Axxila, de l’apprentissage Sith aux Lames Rouges, elle n’avait jamais développé un grand sens de la solidarité.

-Qui est ce type exactement ?

-L’Officier Lloyd Hope.

Et son rire se propagea dans tout le pont de navigation. Les soldats et officiers présents osèrent un regard interloqué vers eux, pris de court par cette hilarité soudaine. Dana aimait rire quand elle était contrariée ; une réaction incompréhensible qui érigeait une barrière mentale entre elle et l’information impossible à digérer. Ce flot hilare ne tarissait pas car elle devait encaisser la surprise, l’incompréhension et le visage du hapien qui, soudain, éclorait dans son esprit las. Iani ne sut comment interpréter cette attitude.

-Il vous attend au pont inférieur. Il a sa propre navette.


L’attachement de Dana au culte Sith décida son sacrifice pour cette mission. Elle ne souhaitait pas rougir devant ses propres supérieurs, ni justifier d’un quelconque échec. Alors qu’elle entamait sa descente vers le pont inférieur, elle se demandait si Darth Rùna n’était pas responsable de cet impératif urgent. Une parenthèse à peine remarquable dans ses obligations à bord du Lightbreaker où elle n’avait pour le moment déniché aucun conspirateur contre l’Empire Sith. Les lumières du vaisseau se reflétaient sur le cuir noir de son pantalon qui lui seyait comme une seconde peau. Une énème tentative de racket pour une cigarra, un nouvel échec et elle pénétra le Hangar à chasseurs avec dépit, le manque brûlant dans ses veines échauffées. Une frustration bien vite chassée par une autre : elle devait se délester de son attirail habituel ; laisser sa pique-laser au bercail et ne compter que sur la Force pour se sortir d’un éventuel mauvais pas. Elle repassa en revue différents scénarios, alors qu’elle alignait les portes d’embarquement dans sa progression. Ses talents d’actrices seraient mis à rude épreuve. Le Clergé avait élu le pire élément pour ce genre de tactique ; à croire que, quelqu’un, là-haut, lui souhaitait du mal.

L’agitation routinière des lieux n’altéra pas sa concentration. Dana Shar n’était déjà plus là, mais aux côtés de son Maître, des mois plus tôt. Elle n’avait pas empêché sa curiosité de prendre le dessus et avait consulté les maigres données que l’Inquisition possédaient sur Lloyd Hope. Son passif de déserteur ne lui avait pas échappé. Qu’il fût un traitre à la cause impériale n’avait fait que raviver les braises de la haine et de l’incompréhension. Hope n’avait toujours été qu’un fantôme drapé de déceptions, tout comme l’était Damaya. Cette mission allait droit au désastre.

Elle reconnut l’appareil parce qu’il détonait au milieu des vaisseaux flambants neufs. Un dévaronien de taille modeste semblait affairé sur la carrosserie. Arrivée à sa hauteur, elle plaqua un pied autoritaire sur l’acier qui préoccupait le mécanicien, dans un choc assez bruyant et sourd pour qu’il lève le regard sur elle.

-Cette poubelle volante est celle de Hope ?

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- … de bien piètres résultats, pourtant. Ce qui s’est passé sur Vaynai ne joue pas en ta faveur… Lloyd.

Le hapan serra nerveusement ses mains gantées et ferma un instant les yeux. Il était face à un large hublot où l’espace, vide de toute substance, le toisait de son air morne. L’holocommunicateur, auquel il tournait le dos pour le moment, affichait la silhouette d’un twi’lek à la carrure imposante, assis dans un fauteuil. Le ton blafard de l’hologramme ne rendait pas justice à la peau flamboyante de Darth Laduim, mais dans l’esprit de Lloyd, la présence du maître était aussi vive qu’une brûlure intense.

- Ce qui s’est produit était contre-nature, rétorqua-il froidement. Le Seigneur Khorog lui-même ne s’est douté de rien jusqu’à ce que nous soyons pris au piège.

Un sourire s’élargit sur la face du twi’lek, que Lloyd sentit dans sa voix, même sans voir l’hologramme.

- Il n’empêche que j’ai ressenti ton trouble. Et que le Clergé t’a à l’œil désormais, à cause de cela. Ainsi que ta chère et tendre…

Le hapan balaya les propos du maître d’un geste agacé de la main. Mat’aenna. Et dire que c’était pour elle qu’il avait fait tout cela. Cela faisait déjà deux mois qu’il venait de passer sur Artorias pour une fichue mission du Clergé, sans accès à ses communications personnelles ordinaires. En venant sur le Lightbreaker, il avait pu établir un contact sécurisé à sa messagerie pour constater… Que Mat’ n’avait pas daigné lui écrire le moindre mot. Il ne savait plus guère quoi penser. Darth Laduim mettait de l’huile sur de vieilles braises et le savait fort bien. Lloyd n’était pas très bon pour dissimuler sa contrariété. Il se retourna, desserrant la mâchoire uniquement pour orienter la conversation vers sa fin.

- Je le sais fort bien, mon maître, dit-il docilement, en dépit de l’amertume qui lui emplissait la bouche. Ne vous inquiétez pas. Ils seront bientôt rassurés, et ils ne penseront plus à vous soupçonner à travers moi. Cela n’arrivera pas de nouveau, Seigneur Laduim.

Le twi’lek eut un mouvement de tête pour acquiescer, satisfait.

- Bien. Donne-moi de tes nouvelles lorsque tu auras regagné la confiance du Clergé, alors.


Le Seigneur Sith disparut de la petite plate-forme et la pièce fut de nouveau plongée dans l’obscurité. Seules de petites lampes discrètes, indiquant les portes de sortie, jetaient des reflets oranges dans les cheveux d’or du hapan. Lloyd laissa échapper un bref soupir, passant une main dans son cou trempé de sueur, desserrant le col de sa tunique de pilote qu’il portait à la place de son uniforme habituel. A bord du Lightbreaker, où il avait obtenu cette petite pièce sécurisée pour quelques instants, il avait dû utiliser son badge maintes fois pour prouver son identité, ce qui avait augmenté encore sa nervosité. Mais il aurait été imprudent qu’on l’eût reconnu avec son uniforme impérial alors même que sa couverture le désignait, pour quelques mois encore, comme un pilote assigné à la logistique impériale.
Il se laissa quelques minutes pour que son corps pût refroidir, songeant à ce qui allait se produire désormais. Retourner sur Artorias, ramener un prisonnier du Clergé. Quelqu’un qui pourrait fournir de vraies informations à la résistance artorienne. Au moins pouvait-il intellectuellement se mettre quelque chose sous la dent, au moins.
Il se leva brusquement, arrachant sa carte de communication de l’appareil pour filer vers la sortie d’un pas raide.

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---

- … pas l’droit de rentrer sans son autorisation, d’ailleurs !

La voix de Mumkin était parvenue aux oreilles du hapan avant même que Lloyd ait le vaisseau dans son champ de vision. Le hangar était rempli de chasseurs alignés que des individus en beaux treillis n’ayant jamais servi dans la moindre bataille bichonnaient comme s’ils s’étaient trouvés dans un salon de l’astronavigation. A leurs mines fières, on devinait que ces gamins-là n’avaient encore jamais volé que dans des exercices et des patrouilles de routine. Ils n’avaient pas encore vécu leurs premières batailles. Lloyd les plaignait.
Il hâta le pas, devinant que le dévaronien s’était encore attiré des ennuis. Or, Lloyd n’était pas d’humeur à perdre son temps et son énergie ; il embarquerait le prisonnier sans perdre de temps avec les histoires farfelues de son pilote – rétrogradé au rang de co-pilote depuis sa nouvelle couverture.
Quand il eut enfin la navette sous les yeux, il aperçut tout de suite la silhouette à qui Mumkin faisait le dos rond : c’était une petite femme à la chevelure noire qui lui tournait le dos. Lloyd imagina tout de suite que le dévaronien à l’allure atypique avait dû s’attirer la malveillance du poste de contrôle des quais. Il tira immédiatement sa carte d’identité impériale, où son appartenance à la chefferie de la Marine Impériale était bien visible et écartait d’ordinaire ce genre de problèmes.

- C’est mon vaisseau, déclara-t-il sèchement en montrant directement sa carte à la femme, s’interposant entre Mumkin et Dana. Nous attendons un colis et partirons dans quelques minutes.

Considérant que l’affaire était déjà réglée, il se tourna vers Mumkin.

- On est prêts à décoller ?

Le dévaronien affichait une moue farouche, comme s’il essayait de transmettre une information capitale à Lloyd par la pensée. Comme il n’était pas un utilisateur de la Force, il était juste beaucoup plus moche que d’habitude, sans impact télépathique. Le hapan comprit toutefois que quelque chose clochait. Fronçant les sourcils, il regarda de nouveau la jeune femme en remettant sa carte à l’intérieur de sa poche intérieure.

- Ah. C’est vous le col… La prisonnière ?

Merde, ce visage qui le fustigeait du regard, cette cicatrice sur la lèvre inférieure... ça lui disait un truc.
Ils s’étaient déjà vus quelque part. Mais où ?

- Je vous ai montré une preuve de mon identité, j’aimerais bien voir la vôtre, déclara-t-il sur un ton guindé.

Technique infaillible pour ne pas commettre d’impair.

- Question de sécurité. Je vous rappelle que nous sommes sous couverture et que la mission est dangereuse.

Il avait été en outre obligé de hausser la voix à cause du ronronnement sonore d’un appareil avoisinant le leur et dont on testait les réacteurs. La bête soufflait par ses orifices un air chaud qui créait dans le hangar un vent chargé d’une odeur d’hydrocarbures. Rien de plus familier pour Lloyd et son dévaronien de compagnon, mais incommodant lorsque l’on n’y était pas habitué.

- Le plein a été fait, dit Mumkin dans le dos de Lloyd, revenant dans la conversation comme sur la pointe des pieds, interrompant le silence gênant qui s’était installé. Autorisation de décollage déjà active. C’est quand vous voulez, hein.
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Lloyd avait changé. Quoique le terme changer ne soulignait pas assez l’énorme gouffre qui existait entre l’image passée et celle présente. On aurait pu dire que les épreuves de la vie l’avaient transformé. En réalité, il collait parfaitement à la représentation qu’elle se faisait d’un traître. Et cette manie de brandir l’espèce de « passe-droit » impérial, comme s’il devait se justifier en permanence. Le vrombissement assourdissant des réacteurs en essai accentuait la tension qui lui nouait salement les tripes. Le manque de cigarra fêlait déjà une partie de sa raison et la nervosité grandissait. Elle serra le poing, alternant son attention entre l’un et l’autre.

-Je vais devoir mettre certaines choses au clair. Nous partons quand je l’ai décidé. Je monte sur ce rafiot de la honte (et elle désigna la navette) sans autorisation de qui ce soit.

Elle les bouscula sans ménagement pour grimper sur la passerelle d’embarquement., tâchant de faire un peu de place pour son amour-propre. Il valait mieux être sans pitié avec le passé. Dana s’orienta dans l’espace restreint de l’appareil et fit son nid confortable dans le siège du co-pilote. A travers la baie de pilotage, elle observa les soldats s’affairer. Un chasseur en délogeait un autre dans un ballet incessant de va et vient. Elle se saoula du spectacle jusqu’à en avoir la nausée. Elle détestait l’espace, celui avec un grand E, qui emplissait les trois-quarts de cette Galaxie. Cette étendue vide, sans bruits, sans chaleur, ne lui inspirait aucune passion et laissait son cœur désespérément vide. Elle était fille de la terre, de la roche et des océans arides où rien ne poussait. Digne sith de Ch’Hodos, elle appréciait la morsure d’un soleil irradiant, le bleu étincelant du ciel bourré d’oxygène et surtout la gravité réconfortante.. Au sein d’un vaisseau spatial, l’air revenait comme on l’avait expiré, au point qu’on avait l’impression qu’il se raréfiait. Et à bord de la navette qui la mènerait à un sort encore incertain, elle étouffait : de haine et de manque.

Elle perçut faiblement l’aura de Lloyd dans la Force avant même de croiser son regard. Elle se mordit l’intérieure de la joue et lança vers le duo, sans une œillade pour eux :

-Je suis Inquisitrice pour le Clergé Sith, votre « colis ». C’est engageant de voir à quel point, vous prenez au sérieux les missions visant à rétablir l’ordre dans ce foutu Empire. Surtout lorsqu’elles sont SI dangereuses.

Elle étendit ses jambes et croisa les pieds sur le tableau de commandes, coulant un peu plus dans le confort du siège. Pour les mêmes raisons de sécurité absurdes qu’il avait invoquées, elle ne fournirait pas de nom. Son identité éclaterait bien au grand jour, à moment où l’autre.

-Ils ne me tueront certainement pas. Je pourrais servir de monnaie d’échange contre des prisonniers ou…soyons fous, de source d’informations stratégiques. Mais toi (et elle détourna à peine son faciès au maquillage impeccable pour s’adresser au blond), s’ils savent que tu es un traître, ils te tuent. Si moi je découvre que tu en es un, je te tue également. Je n’ai pas de temps à perdre à savoir qui joue double-jeu pour quel camp.

Dana ne s’encombrerait d’aucune pitié durant leur périple. Si elle avait le bonheur de tomber sur un nid rebelle, elle pratiquerait une extinction sommaire, sans ganter ses mains de dentelle. Ce qui aboutirait à une réprimande de sa hiérarchie, l’invitant à davantage de subtilité ou lui reprochant de ne pas avoir enquêté afin de connaître d’éventuels liens entre le réseau artorien et d’autres cellules de résistance. Elle jeta un nouveau coup d’œil vers Lloyd. Peut-être tempérerait-il sa course effrénée à l’exécution. L’idée qu’il put jouer un contre-poids dans l’extrême qu’elle représentait rendit son humeur maussade. Agacée de tourner en rond, elle finit par lever les mains au-dessus de sa tête, profitant d’avoir son attention. Ses poignets fins étaient bien mis en évidence. De son chignon débraillé s’échappaient quelques mèches frondeuses qui absorbaient de leur jais absolu toute la lumière alentours :

-J’ai une préférence pour les menottes étourdissantes, ironisa-t-elle. Au moins, cela m’empêchera de donner des claques au dévaronien qui te sert d’animal de compagnie. Et puisqu’on y est, j’attends également ton rapport sur les informations que tu aurais chiné auprès de ces artoriens. Le Capitaine Chaos m’a vendu du rêve à ce sujet. Une fois tout ceci réglé, nous pourrons décoller.

La voix de la Sith n’était pas toujours agréable à entendre. Dans ses mots résonnaient un sarcasme perpétuel qui venait éclater dans ses prunelles dorées. Elle se moquait du monde, incapable de soucier réellement du sentiment de ses interlocuteurs. Derrière la baie de navigation, le décor du hangar avait laissé place aux murs sombres d’un caveau secret, des années auparavant. Au-dessus de son faciès, ses mains tremblèrent légèrement. Elle n’avait jamais effacé de sa mémoire le nom du zeltron, ni celui du hapien.

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En silence, Lloyd suivit d’un regard médusé la jeune femme grimper dans l’appareil juste après l’avoir bousculé. Ses yeux croisèrent ensuite ceux de Mumkin, qui croisait les doigts sur sa poitrine, une moue de dépit sur le visage. Le hapan écarta les mains comme pour montrer qu’il n’y pouvait rien.

- On a tiré le gros lot, grommela le dévaronien qui se rapprocha pour lui parler à voix basse. Puis, pointant un doigt vers la poitrine de Lloyd : tu la gères, moi j’suis pas payé pour ça.
- Justement, j’allais proposer que tu la fermes pour un moment.
- Parfait,
fit Mumkin avant de s’engager à son tour sur la passerelle, le visage fermé.

Leur échange, à voix basse pour éviter que Madame l’Inquisitrice ne les entendît, avait pris un ton sec et hargneux, car tous deux étaient échauffés par les débuts catastrophiques de la suite de leur mission. Mais en réalité, Lloyd s’inquiétait réellement de ce qu’il pourrait arriver à Mumkin s’il se faisait remarquer. Les Sith avaient tendance à exécuter facilement les subalternes qui la ramenaient un peu trop. Une vraie maladie de l’autorité que les jeunes Sith tout fraîchement sortis de l’Académie gardaient souvent pendant plusieurs années avant de s’assagir. Lloyd avait déjà perdu un précédent pilote de cette manière, et même si son dévaronien de compagnon pouvait parfois être une plaie, il n’avait pas non plus envie de le voir se faire zigouiller pour un oui ou pour un non.

Lloyd regarda pensivement disparaître Mumkin dans la créature de métal et en profita pour y jeter un œil. Il était pourtant pas si mal, son vaisseau. Enfin, il ne payait pas de mine, mais il en avait dans le ventre, et il passait un temps fou, avec Mumkin, à en bichonner les entrailles. Il haussa les épaules, avant de monter à son tour, activant la fermeture derrière lui. La passerelle se referma avec un grondement sourd, puis ils furent isolés des bruits extérieurs.

Sentant que l’Inquisitrice se trouvait dans la baie de pilotage, Lloyd prit son temps pour aller dans sa cabine y déposer quelques affaires, notamment son datapad et quelques documents qu’il se hâta de faire disparaître dans une caisse munie d’un verrou : on ne laissait rien traîner en présence de l’Inquisition Sith. Maintenant qu’il avait vu le colis, il avait une folle envie de contrôler l’ensemble du vaisseau pour vérifier que rien ne pouvait être un signe de trahison ; il fallait dire que Mumkin et lui vivaient là la plupart du temps et qu’ils prenaient un peu leurs aises. Il se fustigea intérieurement de n’avoir pas fait un tel ménage avant de recevoir le colis.
Au bout d’un moment, cependant, il fallut bien se décider à aller rejoindre le cockpit pour le briefing de la mission. Il s’y rendit avec un pas sec et, avant de s’asseoir dans le fauteuil de pilote, en profita au passage pour déloger les deux pieds qui s’étaient étalés sur le panneau de commande.

- Excusez-moi, Madame l’Inquisitrice, mais je vais avoir besoin de ça pour travailler et vous briefer, justement.

Son ton était acide. Il n’avait pas relevé sa remarque désobligeante à propos de son sérieux. Visiblement, elle n’avait pas enquêté sur son profil, car le manque de sérieux n’était pas vraiment ce dont on pouvait l’accuser. Ou alors, elle faisait exprès de l’enquiquiner là où c’était vexant parce qu’il l’avait contrariée, ce qui était tout aussi plausible.

Il se laissa choir sur son fauteuil en jetant sur le panneau de commande une pile de dossiers. Il eut du mal à ignorer les nouveaux propos de la jeune femme. Mais il fit un effort pour garder en lui-même ce qu’il pensait. Tu attends mon rapport, hein ? Attends un peu d’être ma prisonnière, petite peste.
Sans un regard pour elle, il se mit à ouvrir les dossiers et à lui mettre sous les yeux une série de visages.

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- J’opère dans le secteur Myto depuis près de deux mois sous la couverture d’un pilote impérial en charge du transport de cartes matricules pour le fret, débita-t-il sans se soucier de vérifier si elle le suivait. Je suis censé faire des aller-retours réguliers entre la zone et Telos pour équiper tout nouveau vaisseau d’une identité impériale. Je dessers aussi Sernpidal, Plooma et Gravlex Med. Parfois Gree, plus rarement. Ces personnes-là constituent la bande que j’ai intégrée.

Il pointa le doigt sur l’humain pâle au large col.

- Lui c’est Luis Raidun, un genre de sous-chef de la bande. Je l'ai rencontré grâce à Jax Nortell – il pointa du doigt le gamin blond – qui est un ami de Cassandra M’bari – il pointa l’humaine brune aux cheveux bouclés – que j’ai rencontrée dans un bar dont on m’avait informé qu’il était un peu un QG de la bande. J’ai pris le temps de faire ami-ami avec les deux derniers pour gagner leur confiance. Quand ils ont su mon activité de couverture, Raidun s’est intéressé à moi car il n’a pas de papiers impériaux ; il lui est donc difficile de circuler de planète en planète. Néanmoins, il m’a payé pour que je l’emmène illégalement sur Sernpidal récemment, où nous avons récupéré Kot’gudu et sa fille, Aor’gudu – il désigna les deux femmes twi’leks. Elles étaient en danger sur Sernpidal suite à un sabotage, j’ai donc aidé Raidun à les rapatrier tout aussi illégalement il y a environ trois semaines. Depuis, elles vivent cachées dans le QG pas loin du bar en question. Je ne sais pas trop ce qu’elles y font ; mais je crois qu’elles fabriquent de faux papiers d’identité impériaux. Quant à Kallbus, le gungan, Haddal, l’humain aux rastas, et Alopseno, le twi’lek à la peau rouge, ils sont des espèces de vermines à tout faire que Raidun utilise pour faire de petites actions ; menaces, coursiers… Ce genre de conneries. Au fond le travail principal de la bande est de susciter une défiance envers les discours religieux venant de l’Empire, ce qui agace beaucoup le Clergé.

Lloyd fouilla dans le dossier, pour en extirper une énième fiche d’identité.

[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]

- Mais celui qui nous intéresse, en réalité, c’est lui : Stanilas Brilak. Il donne ses ordres à Raidun. Brilak est un aristocrate. Du genre qui était très favorable à la famille royale, de l’époque pré-impériale. C’est lui qu’on soupçonne d’organiser toutes ces petites cellules de sabotage comme celle que j’ai intégrée. Pour ça, il aurait graissé la patte de quelques impérieux locaux, mais nous ne savons pas lesquels, et c’est ça que nous devons découvrir. L’idée est de réussir à faire tomber tout le réseau d’un coup : Brilak, ses alliés dans l’aristocratie, mais aussi les impériaux qu’il a corrompu. Raidun et sa bande, en réalité, sont bien trop insignifiants. Les exécuter eux, ce serait griller toutes nos chances d’aller rencontrer des gens un peu plus hauts dans leur hiérarchie.

Le hapan s’enfonça dans son fauteuil, laissant les documents sous le nez de la jeune femme, le temps qu’elle s’habitue à ces visages. Lui détaillait le sien. Cette cicatrice sur la lèvre, cette cicatrice, il était tellement sûr de l’avoir vue quelque part…

- Voilà, votre Magnificence, reprit-il avec une ironie évidente. Maintenant, il faut que Raidun me fasse davantage confiance. Après avoir été un bon moment un collègue de galère, je lui ai dit que ma rancœur pour l’Empire - à cause d’une carrière ratée, j’ai fait croire que je me destinais à être un grand pilote dans la Marine impériale mais que j’ai été rétrogradé suite à la connerie de l’un de mes supérieurs – bref, je lui ai dit que ma rancœur pour l’Empire et leur fréquentation m’avaient amené à vouloir prendre des actions plus grandes. Il m’a d’abord fait patienter, puis il m’a fait comprendre qu’il fallait que je prouve un peu ma bonne foi en utilisant les privilèges de mon job pour leur ramener quelque chose qui aurait une grande valeur. D’où ma demande d’obtenir un prisonnier ayant de vraies infos.

Une belle connerie, visiblement. Il haussa les épaules et écarta les mains, comme pour signifier que c’était tout. Mais soudain, il eut un sursaut pour se pencher vers elle pour lui parler d’un peu plus près, comme s’il voulait être sûr qu’ils échangeraient bien yeux dans les yeux une minute. Des yeux qui lui disaient toujours quelque chose, d’ailleurs. Il avait baissé la voix de façon à ce que les oreilles de Mumkin ne récupèrent rien de là où il se trouvait.

- On m’a donc confié votre excellence pour que je la donne à ce joli réseau. Pour moi, ça signifie deux choses : d’une part, qu’on vous a mis sous ma responsabilité, pas l’inverse. D’autre part, que la hiérarchie de son Altesse l’Inquisitrice est prête à la sacrifier pour le bien de cette mission. Alors si votre Magnificence ne veut pas donner de nom et passe par le fil de son sabre tout le petit monde qu’elle rencontre, parfait. Elle ne pourra juste pas compter sur moi pour la défendre quand le Clergé demandera des nouvelles de la fameuse mission sur le mouvement rebelle. Maintenant si vous le voulez bien, on va y aller. Je vais vous faire l’honneur de vous laisser libre de vos mouvements jusqu’à ce que nous atterrissions sur Artorias, après quoi je vous promets que je vous trouverai des menottes à votre goût.

Et même un bâillon, tiens.

- En attendant, il y a des cabines libres à l'arrière.

Spoiler:
Darth Hope
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Le visage fermé, Dana avait bu les informations qui coulaient des lèvres de Lloyd. Cet ersatz de rapport avait ravivé le feu de son intérêt et ses iris dardaient les faciès de ceux qui défiaient l’Empire sith ; parmi lesquels un enfant. Un enfant. Elle n’avait aucune compassion, que ce fut pour un nourrisson ou un vieillard, un mâle ou une femelle, mais la présence d’un très jeune humain dans cette cellule de résistance prouvait que les rebelles avaient le cran de mettre en danger la génération future, qu’ils étaient sûrement au stade de l’amateurisme et des actions de sabotages désespérées. Shar s’étira, profitant de sa position, à l’instar d’une lionne qui sortait paresseusement de sa sieste pour envisager la chasse. Le support du tableau de commandes lui ayant été injustement retiré, elle avait croisé ses jambes.

Son attention avisait particulièrement Luis Radun. Elle le trouva à son goût, plutôt bel homme. De tous, il paraissait peut-être le plus redoutable ou le plus sacrifié à la cause anti-Impériale. Brilak devait être l’un de ces aristocrates-politiciens au tempérament pleutre comme ils en pullulaient tant sur les mondes dits « libres ». Les Siths avaient offert à Artorias un gouvernement fort, puissant et stable. Et des types comme Stanilas Brilak souhaitaient cracher sur cette bénédiction. Intolérable aux yeux de Dana. Elle finit par se pencher afin de récupérer avec précaution les dossiers. Ses ongles polis étaient élégamment vernis d’un pourpre mat, mais ses doigts présentaient de petites traces de vieilles brûlures.

- En attendant, il y a des cabines libres à l'arrière.
-Un impérial dévoué m’aurait légué la sienne, fit-elle, étonnée par la déception qui teintait sa propre voix. Mais, puisque tu sembles porter peu de respect au Clergé Sith, que je représente, je me contenterai de mettre le bordel dans les cabines libres à l’arrière.

Elle bondit sur ses pieds, faisant claquer le talon de ses bottines contre le revêtement du sol. Elle toisa Hope derrière ses cils interminables étirés par un mascara sombre.

-Magnificence, Votre Excellence, Madame l’Inquisitrice, répéta-t-elle avec moins d’ironie. Ces sobriquets me donnent des rides. Tu peux te contenter de Dana, si ces deux syllabes n’écorchent pas ta précieuse bouche. Cas contraire, ne m’appelle simplement pas. Et je n’ai jamais eu besoin que tu prennes ma défense.

D’aucun dirait qu’elle avait une dette envers lui, et pas des moindres. Pour qu’elle accepte le poids de cette créance, encore aurait-il fallu qu’elle accorde du crédit à sa propre vie, ce qui n’était pas le cas. Elle refusait de porter le fardeau de toutes les demoiselles en détresse et si elle se repassait inlassablement le fil de cette journée-là, ce n’était pas pour supputer de ce qu’il serait advenu d’elle.



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Son premier réflexe, une fois à l’abri dans l’intimité de la cabine, fut de détacher ses cheveux qui retombèrent autour de sa figure avec soulagement. Elle jeta un coup d’œil circulaire à la pièce, aussi spartiate que le reste de la navette. Elle se délesta des dossiers qui rebondirent sur le matelas de la couchette et avisa le terminal de communication. Deux manipulations plus tard, elle avait ouvert un faisceau de comm droit sur Dromund Kaas, à des parsecs de là. Elle devait se douter que Mumkin ou Lloyd pourraient intercepter sa conversation, mais la nervosité la poussait à moins de précaution. Sur le socle holographique du terminal se dessina progressivement une silhouette bien trop familière, aussi pâle qu’une étoile et dans la pièce résonna la voix douce de Rùna :

-Chère enfant.
-Courir après des petits saboteurs sur Artorias, vraiment ?
-Je me disais que tu avais besoin de prendre l’air. Pêcher le petit poisson est une activité qui détend. Vraiment. Tâche de réussir cette mission aussi simple.
-Ma mission sur le Lightbreaker est…
-Un échec pour le moment. Dana. Tu es la seule ici à ignorer qu’une propagande anti-impériale commence à faire son nid dans l’armée ? Si c’étaient des vieux croûtons de la Marine qui en étaient les instigateurs, penses-tu que l’on t’aurait envoyé sur le jeune Lightbreaker ?

Shar étira un sourire contrit et serra le poing, cherchant désespérément une issue, une réplique ingrate, mais rien ne franchit ses lippes dont le pincement contrarié mettait sa cicatrice en valeur.

-Mets-toi au travail, poursuivit la Maître Sith, le ton tranchant.
-Vous connaissiez l’identité de mon foutu binôme. Je ne travaille pas en équipe et surtout pas avec lui.
-Des caprices ? Sa présence a été exigée par des personnages haut-placés, qu’y puis-je ? S’il te gêne, tu n’as qu’à l’éliminer.
-Vous me mettez dans la merde. Fin de la communication.

Et elle frappa d’un geste sec la commande pour couper la liaison, enragée.



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Ils seraient à portée d’Artorias dans quarante-huit heures standardisées. Coincée entre les quatre murs d’une boîte de conserve qui flottait dans l’espace, le temps ne devenait plus qu’une donnée relative. Le ballet de l’astre diurne et de son pendant nocturne n’existait pas et on vivait à bord, le teint pâli par les lueurs blafardes des néons qui illuminaient l’environnement. Allongée sur le lit inconfortable, elle passait en revue les identités des membres du réseau. Luis Raidun attirait son attention davantage que le reste. Il ne prendrait sûrement pas le risque de la livrer directement à la tête pensante de leur pauvre organisation. Sans doute voudrait-il gérer « le colis » lui-même afin d’être certain d’avoir toutes les cartes en main. Elle devinait, dans les profondeurs de son regard figé, un peu d’intelligence. Agacée, elle rejeta les documents au sol et fixa le plafond jusqu’à en connaître la moindre nuance de texture et de couleurs.

Une durée indéterminée plus tard, la faim avait chassé la louve des bois. Elle errait dans les coursives étroites de l’appareil, à la recherche de la coquerie où elle espérait trouver de quoi nourrir son estomac. Les grondements sourds et lointain des moteurs lui indiquaient qu’ils avaient déjà décollé et pris le large depuis un moment. Elle ressentait légèrement la poussée gravitationnelle du vaisseau. Elle émergea dans la « cuisine » avec une moue dubitative. L’endroit ressemblait davantage à un entrepôt de matériaux qu’à une véritable salle de restauration. Dana fouilla les placards à la hâte, sans s’encombrer de gêne. Puisque Lloyd appréciait se penser responsable, il n’avait qu’à nourrir ceux dont il avait la charge. Elle ne fit le compte de son maigre butin qu’après une dizaine de minutes : deux barres protéinées. Les premières bouchées déposèrent un goût de carton et de graisse contre son palais et elle manqua de recracher le tout. Si c’était un aperçu de son futur régime de prisonnière, elle n’était définitivement pas prête.



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-Tu vas me laisser traiter avec Raidun, annonça-t-elle en rejoignant Hope dans le cockpit. Aucune trace de Mumkin, et c’était tant mieux pour sa tronche de dévaronien. Comme tout bon sith impérial, Shar n’était pas très portée sur l’égalitarisme entre les espèces. Tout ce qui sortait un peu de l’humanoïde était considéré comme « alien », donc inférieur, par définition. On n’allait pas se priver de quelques clichés. Elle prit place sur le siège libre, imposant sa présence. Un léger parfum, plus agréable que son attitude, émanait d’elle.

-Ta couverture est visiblement bien rôdée. Avec moi en preuve de bonne foi tu atteindras Brilak plus vite. Je sais exactement quoi faire de Luis Raidun. Il nous faut impérativement les noms des impériaux qui se laissent dilater l’arrière-train aussi facilement pour quelques crédits. Et seul l’aristo pourra nous les fournir. Enfin, ce que ma hiérarchie est prête à faire de ma vie, m’importe peu. Quant à passer tout le monde au fil de mon sabre, ce serait compliqué puisque je ne l’ai pas.

Elle esquissa un rictus amusé et dévia ses yeux vers la baie vitrée irradiée par le bleu de l’hyperespace. Le phénomène dessinait des ombres dansantes sur son faciès aux traits habituellement plus candides.



Lloyd Hope
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Dana.

Lloyd se retourna sur son fauteuil, mais déjà la jeune femme s’éloignait du cockpit. Il resta un moment là, silencieux, les sourcils froncés, à regarder la coursive vide.
Voilà donc d’où lui venait cette impression familière. Dana Shar… Les souvenirs se remirent en place dans sa tête comme un puzzle assemblé révèle soudain une image.

Lloyd fut distrait de ses pensées quand Mumkin finit par se faufiler dans le cockpit en surveillant ses arrières comme s’il pouvait être suivi par Darth Ynnitach en personne. Ils décollèrent.

------

------L’ambiance à bord était morne. Lloyd avait passé le plus clair de son temps dans le cockpit, à relire des documents, à contrôler des radars. Il évitait soigneusement de se laisser aller dans la Force, histoire qu’un autre sensible ne vinsse pas perturber ses réflexions. A la place, il avait sombrement mastiqué des boules de Brightgum, dont les propriétés stimulantes l’aidaient à ne pas s’assoupir. D’ordinaire, le tapage que faisait naturellement Mumkin suffisait à le garder en alerte mais cette fois, après le passage en hyperespace, effectué dans un silence uniquement troublé par des commentaires techniques de Lloyd et Mumkin, le dévaronien s’était éclipsé, prétextant des contrôles de fluides à effectuer dans la salle technique à l’arrière. Il s’était fait si discret depuis – pas de chanson grivoise beuglée dans les coursives, pas de rot sonore, pas même les bruits de ses déplacements et de ses « entretiens » sur les machines – que Lloyd soupçonnait le pilote d’avoir tout simplement la trouille pour sa vie. Ce qui, pour une fois, le faisait se comporter à carreau. C'était presque suspect. Ce n’était pas désagréable, mais il avait gagné la paix d’un côté pour avoir des emmerdements de l’autre, pensa-t-il au souvenir de sa conversation avec Dana.

Lorsque celle-ci réapparut, Lloyd se redressa brusquement – il n’aimait pas qu’on le surprît affalé de fatigue dans son siège – et darda sur Dana un regard méfiant. Mais il parut se détendre au bout de quelques secondes.

- Je rêve ou c’est un compliment ?

En tout cas, elle avait l’air d’avoir décidé de coopérer, ce qui allait très bien arranger ses petites affaires. Lloyd haussa les épaules et écarta les mains en signe d’accord.

- Très bien, je te le laisse. Ou plutôt, je t’apporte à lui, et tu en fais ce que tu veux. Mais si tu décroches une entrevue avec Brilak, je veux être là, ajouta-t-il en pointant un doigt contre sa propre poitrine. Je veux qu’il me perçoive comme quelqu’un qui pourra effectivement faire un intermédiaire entre lui et les traîtres impériaux. Ce qui nous amène à quelques questions cruciales : quelle version on lui donne de ta capture, et comment est-ce qu’on va communiquer quand on sera séparés.

Il y eut un moment de silence, durant lequel le ronronnement de la navette filant à travers l’espace emplit le cockpit, propice à la réflexion. Pour Lloyd en tout cas, dont l’hypervigilance était calmée dans des espaces aussi clos et familiers que celui-ci.

- Il va falloir la jouer finement, fit-il, pensivement. Pour eux, je ne suis pas un Sith, je suis un simple pilote. Au fait, ils me connaissent sous le nom de Vance Hickpens. Si tu vérifies les fichiers de l’Empire, tu verras que cette identité existe, avec un matricule et des données d’identification calquées sur les miennes. Mais elle a été créée de toutes pièces pour la mission. Je suis un fils d’immigrés hapiens ayant grandi sur Dromund Kaas, engagé dans la Marine dès ma majorité et à la carrière pas très fulgurante depuis. Je ne suis pas censé aimer les Sith, forcément. Pour capturer quelqu’un de ton rang, je t’aurais certainement droguée. Je suggère qu’en tant qu’Inquisitrice, tu as pu être envoyée pour contrôler des cartes matricules, précisément sur le Lightbreaker, et me poser des questions sur un process d’identification navale un peu douteux. J’aurais pu gagner ta confiance et avoir réussi à t’offrir un verre de vin artorien comprenant de fortes doses de racine vincha. J’en ai une bonne cargaison dans la soute.

La vincha était une plante dont les racines étaient utilisées dans la médecine grâce à ses propriétés anesthésiantes. Mais utilisée en quantité importante, elle pouvait facilement rendre quelqu’un totalement engourdi, jusqu’à être incapable de se défendre. L’avantage était que les effets se dissipaient au bout de quelques heures sans laisser de séquelles graves.

- Si on part sur ce scénario, je vais jouer les types stressés de se faire soupçonner, ce qui me permettra de leur demander de rester avec eux quelques temps, comme si je craignais d’être poursuivi. Comme ça, je reste à proximité, au cas où ça ne tournerait pas comme on veut.

Même si elle n’avait besoin d’aucune défense, bien sûr. Ce n’était pas comme s’il y avait déjà eu besoin de la défendre par le passé… Mais puisque Dana essayait pour le moment de se montrer coopérante, il évita ce genre de remarque désagréable.

- Il nous reste à savoir comment communiquer. Il ne faut laisser aucune trace ; c’est-à-dire pas de dispositif électronique qui peuvent nous trahir. Je suggère que nous établissions quelques phrases codes.

Lloyd se mit à égrener le compte avec ses doigts.

- Une pour me signaler que tu veux que l’on parle en privé, une autre pour signaler qu’il y a urgence vitale et qu’il faut nous extraire de là au plus vite. Une troisième pour signaler que la couverture est en danger. De mon côté, j’envoie des rapports réguliers, cryptés, à l’intérieur de certaines fiches matricules censées être utiles à mon travail. Je transmets les infos à l’Empire au fur et à mesure, au cas où on disparaîtrait subitement.

Non pas qu’on enverrait quelqu’un à leur secours ; Lloyd ne se faisait aucune illusion là-dessus. Il s’agissait seulement de sauvegarder les informations qu’ils obtenaient pour quelqu’un qui pût reprendre la mission au cas où.

- Bref, je te laisse choisir nos codes, si tout ça te convient.

Ils entendirent un froissement derrière eux, et Lloyd se retourna pour voir Mumkin qui s’était glissé en silence dans les coursives. Son visage affublé d’une moue indignée s’était introduit dans la petite pièce, où il toisa le hapien.

- Ahem, s’éclaircit-il la gorge avec gêne. Désolé pour l’dérangement, mais c’est l’heure d’la rotation. Mais peut-être que…
- Non, tu as raison, répondit Lloyd en se levant de son siège. Prend ton quart. Madame… Shar… et moi allons nous installer à l’arrière. Par ici.

Lloyd fit un geste d’invitation à l’égard de Dana pour qu’elle se rendît à la salle commune, où ils pourraient terminer leur briefing pendant que Mumkin prenait son tour de pilotage pour ce qui s’apparenterait à une longue nuit de voyage. Mais quand le hapan s’apprêtait à suivre Dana, il fut retenu par le dévaronien qui s’agrippa à son bras. Tous deux attendirent que l’inquisitrice fut suffisamment loin pour parler à voix basse. Lloyd interrogea Mumkin du regard.

- C’t’une spéciste, elle va m’buter.
- Quoi ? Mais non, c’est une Sith, c’est son fond de commerce. Pas la peine de faire dans ton froc, Mumkin, j’t’ai dit que je m’en occupais.
- C’est pas ça…
- Quoi alors ?


Le dévaronien vérifia nerveusement que Dana ne se trouvait pas à proximité dans la coursive en se penchant rapidement.

- Moi j’croyais qu’on allait mettre quelqu’un dans une cellule au fond de la soute et qu’on livrerait ça.
- Et alors, quelle différence, qu’elle dorme dans une cabine ?
- Elle va passer le vaisseau au peigne fin, Lloyd !
- Mais non, elle a autre chose à foutre, qu’est-ce qui te prend à la fin ?
- C’est que… J’ai… Enfin, c’était juste pour me faire un peu d’argent de poche, donc vraiment pas grand-chose, mais…


Lloyd eut un geste de recul. A son tour, il vérifia que la coursive était bien vide. Qu’est-ce que cet imbécile avait encore fait ?!

- Dis-moi ce que t’as embarqué, et vite.
- Des caisses de goodies à l’effigie d’Aarona Klova.
- Hein ? C’est quoi ça ?
- Une chanteuse connue du Noyau. Tu sais la zabrak, là…
- Attends, qui chante des trucs contre l’Empire, là ?
- Ouais.


Le hapan passa une main sur ses yeux et prit une grande respiration pour s’empêcher d’étrangler Mumkin. Quand il les rouvrit, le dévaronien le regardait avec une désolation évidente.

- Ca se vend super bien sur Artorias et…
- Tu veux nous faire tuer ou quoi ?? Si l’Inquisitrice trouve ça, t’as plus qu’à te jeter dans le vide tout seul, p’tit con.
- Mais je me disais, on pourrait p’tet dire que ça fait partie de ta mission…
- Mumkin ! Ca n’a aucun rapport avec ma mission et je te rappelle que pour tout ce qui concerne la mission, tu es censé RIEN savoir. Tu fermes tes oreilles, tes yeux et ton nez dès que ça parle de la mission, c’est clair ? Si l’Inquisitrice découvre que tu en sais plus que tu ne le devrais, c’est pire que tes caisses de goodies sur Klova ! Ca veut dire qu’on peut m’accuser de diffuser de l’info secrète et ça, ça peut nous mettre tout le Clergé aux trousses en moins de deux.


Mumkin regarda ses pieds. Lloyd sentait une vague de chaleur investir son corps, de cette moiteur désagréable qui accompagne le stress. Abruti de pilote.

- Combien de caisses ?


Mumkin hésita un instant, contrit, puis :

- Huit.

Lloyd fit les gros yeux. Une caisse encore, il aurait pu essayer de l’éjecter dans l’espace discrètement, mais une telle cargaison… Il souffla par le nez avec exaspération, puis tapa l’épaule du dévaronien pour lui indiquer de rejoindre le siège de pilote.

- On avisera plus tard. Tu te fais discret, c’est clair ?


Et sans s’occuper plus avant du dévaronien qui acquiesçait à grand mouvement de tête, Lloyd se hâta de rejoindre la petite pièce commune à l’arrière de la navette. Elle était composée d’une petite cuisine désordonnée, d’une table centrale dont le plateau aimanté permettait de conserver les ustensiles pas trop mal fixés et entourée de caisses de provisions qui servaient de sièges de fortune. Ça n’avait rien à voir avec le luxe des navettes de service des officiers impériaux, et la lumière des néons défaillants jetaient des lueurs blanches tremblotantes peu agréables. Mais Lloyd s’était habitué au lieu qui détonait avec son attitude raide et propre-sur-lui des moments où il portait son uniforme. Ici, il était un pilote de seconde zone, avec le train de vie basique que cela impliquait.
Lorsqu’il y retrouva Dana, il s’efforça de grimacer un sourire, mais dont il était absent à cause des scénarios catastrophes s’alignaient déjà en son for intérieur. Tous finissaient avec Mumkin exécuté par le Clergé Sith. Il tournait et retournait dans sa tête toutes les possibilités pour éviter que Dana ne tombât sur les caisses en question.

- Hum… Sinon, tu prendras bien un verre de vin artorien ?
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- Je rêve ou c’est un compliment ?


Tu rêves.
En tous les cas, Dana devait reconnaître une certaine intelligence au Hapien. Comme elle s’y attendait, il était plus subtil qu’elle ne le serait jamais. Mais aucun compliment derrière ce constat, bien au contraire. A l’instar de Luis Raidun, ce genre de vermine savait user de tous les subterfuges pour défier les lois impériales et échapper à leurs couperets. Lloyd ne faisait pas exception à la règle. Elle n’oublierait pas si facilement son petit passé de déserteur, son statut de fugitif qui lui collait encore à la peau dans les petits papiers du Clergé. Elle sentait qu’il avait roulé sa bosse depuis l’Académie Sith et elle l’enviait presque d’avoir cette expérience de terrain qu’il lui manquait cruellement. Elle le détestait parce qu’elle ne comprenait pas pourquoi sa hiérarchie avait décidé de mettre le démantèlement d’un réseau de résistance entre les mains d’un traître avéré tel que lui. Cette incompréhension brassait la frustration qui courrait dans ses veines et elle aurait donné son âme pour une cigarette.

- Ahem. Désolé pour l’dérangement, mais c’est l’heure d’la rotation. Mais peut-être que…

L’intrusion du dévaronien la fit tiquer. Elle aurait souhaité pouvoir lui arracher la langue, mais se contenta d’une œillade particulièrement désagréable à son encontre et disposa selon les indications de son binôme hapan avant de commettre un massacre inutile.



En naviguant dans les entrailles du vaisseau, elle eut une espèce de pressentiment et s’arrêta en plein milieu d’une coursive. L’appareil paraissait vieux et il était impeccablement entretenu si elle en croyait la brillance des tuyaux de maintenance. Elle repensa à la coquerie encombrée de caisses de matériaux. Elle-même s’était étonné qu’un endroit aussi stratégique soit en proie à un bordel monstre. Distraite par la faim, elle n’avait pas davantage relevé l’étrangeté. Maintenant qu’elle était seule, à réfléchir, l’esprit bercé par les légers soubresauts de la navette, son instinct d’enquêtrice se réveillait péniblement. Elle fronça les traits de son faciès, avisant une nouvelle fois son environnement avant de poursuivre vers l’arrière-salle dont elle inspecta l’aspect avec attention. Il semblerait que tout aille de travers sur rafiot. La coquerie servait d’entrepôt et l’entrepôt servait de coquerie. Une moue circonspecte alourdit les traits de son minois quand elle observa les couverts aimantés au plateau métallique de la table. Son attention avisa ensuite les caisses dont la présence ne se justifiait que pour les arrière-trains des occupants du vaisseau. Si elle n’était pas autant accaparée par les affres de cette foutue mission, elle aurait volontiers retourné le moindre objet présent à bord.

-Si j’avais l’occasion de le boire dans ton crâne avec plaisir. Je vais donc me contenter de décliner cette offre. La partie où tu me drogues est factice, je te rappelle. Même si je sais que tu meurs d’envie que je ferme mon clapet, il va falloir ouvrir grand tes oreilles encore un peu.

L’éclat mordoré de son regard embrassaient les traits de Lloyd sans subtilité aucune. Elle voulait s’imprégner du moindre tic facial, de la moindre expression afin de percer ce qu’il pensait. La Force n’était pas toujours utile pour percer les pensées intiles d’un interlocuteur. Décrypter un sourire forcé, suffisait. Et en présence de l’Inquisition, ces sourires fleurissaient sur les lèvres de ceux qui avaient des choses à cacher. Perchée sur une des caisses de provision, elle avait élégamment croisé ses jambes et déclama avec clarté :

-« Ta tête ferait gerber un rancor » ce sera…

Personne n’avait dit que les codes devaient être courts.

-Si notre couverture est compromise, mais je doute sur cette probabilité. Pas besoin d’être bonne actrice pour te détester et te considérer comme un traître et je suis persuadée que c’est réciproque. (Elle marqua une légère pause.) « Face de Mynock »..Pour ces moments où il faudra qu’on se parle en privé.. Et j’espère qu’ils seront rares. Enfin, « Embrasse-moi » je trouve que ça convient parfaitement à l’urgence d’une situation où on doit se tailler très vite. J’ai peur qu’à force de s’insulter, on ne distingue plus bien le code d’un dialogue lambda, alors je préfère un truc bien gerbant pour que ça fait tilt. Je n’ai pas pour habitude de travailler en équipe, alors essaie de ne pas être sur mon chemin. De nous deux, je cours le plus de risques. Ils seraient cons de me tuer, mais rien ne les empêcherait de m’amputer d’un membre.

Elle poussa un profond soupir à cette pensée des plus engageantes. Une petite bande de rebelles à qui l’on livrait une Inquisitrice sith. Combien d’entre eux voudraient régler leurs comptes avec l’Empire via une vindicte contre Dana ? Elle n’écartait aucune possibilité : de la torture à toutes sortes de petites humiliations. Elle avait bien une idée pour éviter ces risques, mais comme tout plan de bataille, elle comprenait des failles. A propos de faille, elle avait une consigne à mettre au clair avec son équipier. Elle quitta son perchoir et s’approcha du hapien, assez proche pour lui imposer sa présence et son aura. Elle pointa un index déterminé contre son torse.

-La mission passe avant tout. Pas de geste héroïque. Pas de pitié. Ni envers moi, ni envers ces enfoirés. Je me fiche de savoir qui ils sont, pourquoi ils font ça. Luis m’amènera à Brilak et tu seras là. J’accepte de suivre ton plan, parce qu’il me paraît sensé, mais je doute fort…qu’on n’aura pas à improviser, Vance.

Elle aurait voulu poursuivre, en rajouter une couche mais ses lèvres se pincèrent et elle prit sur elle pour arrêter les frais à ce stade. Peut-être aurait-il l’impression désagréable que l’Inquisitrice soufflait le chaud et le froid. Tantôt coopérante, tantôt cassante. C’était l’éternel problème avec Dana. Consciente d’avoir été un peu trop loin, elle cligna des yeux et recula lentement. Un mal de crâne menaçait de poindre et elle se massa la tempe. Ce manque de toxine devenait insupportable et mettait ses nerfs à rude épreuve. A défaut de fumer, il lui fallait manger quelque chose, occuper sa mâchoire, casser son stress en broyant un aliment.

-Si tu as de quoi me concocter le dernier repas du condamné, je suis partante. Sans racine de vincha, évidemment. Je suis allergique, ironisa-t-elle.

Lloyd Hope
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Lloyd leva les yeux au ciel. Lui qui avait cru qu’ils avaient trouvé un terrain d’entente, la jeune femme semblait décidée à lui faire passer un mauvais voyage. Entre Mumkin et elle, il aurait presque parié qu’ils étaient de mèche pour l’emmerder.

- « Ta tête ferait gerber un rancor » ce sera…

Lloyd sentit un instant son estomac se tordre, avant de comprendre qu’elle parlait des codes, et pas de son visage qui trahirait une culpabilité quelconque. Quel con je fais, à croire qu’elle a déjà deviné des trucs. Avec un soupir exaspéré, il se dirigea droit vers un panneau qui s’ouvrit latéralement à son approche. Il en extirpa une bouteille et un verre – un seul, donc – pour se servir avant d’aller se laisser choir, boisson à la main, sur la caisse en face de Dana.

- A la tienne, fit-il avant de boire, tout en écoutant d’une oreille les propositions de sa comparse.

A l’annonce du troisième code, il avala de travers, toussa, en levant des sourcils atterrés.

- Ça c’est sûr, ça va faire tilt, commenta-t-il amèrement quand il eut repris son souffle.

Plutôt que de la regarder, il s’intéressait assidûment au fond de son verre déjà presque vide.
Ah oui, un membre en moins, ce serait ballot. Ils pourraient te couper la langue, par exemple, songea Lloyd qui se promit de ne surtout pas intervenir en ce cas. L’ennui, c’était qu’elle ne pourrait plus donner les codes. Il changea d’avis, annula sa promesse et se dit qu’il interviendrait. Mais déjà Dana se relevait pour lui intimer de faire passer la mission avant ses états d’âme, comme si elle avait lu dans ses pensées. Lloyd prit une mine outrée devant ce doigt presque accusateur pointé sur lui.

- Un geste héroïque, moi ? C’est mal me connaître. En même temps, s’ils t’abiment trop, tu ne leur serviras plus à rien. Je suppose donc qu’ils vont se contenter de te ficher la trouille et de t’humilier, remarqua platement Lloyd avant de finir son verre puis, le déposant vide sur la table où il s’aimanta bruyamment, il leva devant Dana ses paumes vides. Promis, je les laisserai faire, je serai sage comme une image.

Bon, au début, en tout cas.

Aussi étrange que cela pût paraître, ils avaient donc réussi à s’entendre suffisamment pour avoir un plan qui tînt la route. Il ne leur restait plus qu’à tuer le temps jusqu’à l’atterrissage. Le vaisseau parut soudain très petit à Lloyd pour abriter les trois personnes et les huit caisses au contenu désastreux, mais il faudrait faire avec. Il se leva pour se resservir – le dernier verre, sinon tu vas dire des conneries – et entreprit dans la foulée d’extraire des coffres latéraux une série de petites barquettes sous vide qu’il ouvrit les unes après les autres. Il rassembla le tout dans une grande assiette et la fit réchauffer à l’aide d’un mini-grill incrusté dans la paroi. Ils restèrent silencieux jusqu’à ce que le plat soit prêt, puis Lloyd le déposa devant Dana avec une délicatesse un peu forcée.

- Je sais ce que tu vas dire, c’est pas du luxe. Mais comme tu dis, tu vas prendre beaucoup de risques. Je te suggère donc de bien manger et de bien te reposer ensuite.

Si tu peux rester sagement dans ta couchette pendant tout le trajet, par exemple…

--------

--------

--------Lloyd se pencha sur la console et activa le micro.

- Matricule FZ145-44, Marine Impériale, classe C, énonça-t-il. Demande d’atterrissage.

Il échangea un regard avec Mumkin, qui lui confirma d’un bref mouvement de tête que les constantes de vol étaient stables. Car oui, le dévaronien était encore vivant. A sa propre surprise, il avait survécu au voyage avec l’Inquisitrice, en s’arrangeant pour la croiser le moins possible. Lloyd avait finalement décidé de laisser les caisses là où elles étaient ; s’ils avaient commencé à faire un grand ménage en présence de Dana, ça n’aurait pu qu’éveiller les soupçons. Mumkin avait donc consigne d’écouler son stock le plus vite possible dès que les deux Sith auraient quitté l’appareil, histoire de ne pas garder de preuves. Quant à savoir si l’inquisitrice avait fouillé le vaisseau, ils n’en savaient rien. En tout cas elle n’en avait rien dit jusqu’ici si elle était tombée sur quelque chose à retenir contre eux.

- FZ145-44, demande bien reçue. Veuillez préciser le motif de votre présence,
répondit sobrement une voix grésillante dans le haut-parleur de la console.
- En mission pour la Marine Impériale, nous devons accéder au quadrant Sud-B4 de la planète.
- Compris. Transportez-vous des biens à signaler ?

Lloyd coula un regard noir vers le dévaronien, qui fit semblant de ne rien remarquer.

- Rien à signaler, grogna Lloyd.
- Très bien. Le quai N4 du terminal 8 vous a été affecté. Les coordonnées exactes vous sont envoyées sur votre ordinateur de bord. Veuillez respecter les consignes de vol et ne pas dépasser les vitesses de sécurité dans les couloirs de navigation. Bon vol, FZ145-44.

Mumkin enclencha immédiatement les manettes pour leur faire perdre de l’altitude, et ils plongèrent dans l’atmosphère qui illumina le cockpit de sa lumière blanche, direction la capitale d’Artorias. Lloyd décrocha sa ceinture et réussit à s’extraire de son siège malgré les secousses. Il remonta la coursive qui conduisait vers les cabines, pour prévenir Dana de leur atterrissage imminent.

- On est presque arrivés, éleva-t-il la voix à son intention, suffisamment fort pour couvrir le grondement des frottements de l’air sur la carlingue. A partir de maintenant, on peut être observés à tout moment. J’ai envoyé un message à Raidun pour lui dire que j’avais besoin d’aide en urgence. Il va m’envoyer de quoi t’accompagner discrètement. Attends-toi donc à un comité d’accueil spécialement destiné à ce qu’on ne te voit pas parader dans les rues avec des menottes.

La mission allait commencer de façon très directe. Il ne restait plus qu’à mettre Dana en conditions, et il ne savait pas vraiment s’il devait s’attendre à de la résistance.

- Tu es sûre que tu ne veux pas que je t’administre un peu de vinsha ? Ce serait plus r…

Il y eut soudain une secousse, et Lloyd tomba dans la coursive. Un juron lui échappa.

- MUMKIN ! Qu’est-ce que tu fous ??!
- Désolé ! lui parvint la voix de Mumkin du cockpit. Y’a un peu de monde mais je vole assez bien pour éviter les collisions !

Encore heureux.

- J’appelle pas ça voler, j’appelle ça tomber avec panache, grommela Lloyd.

Le hapan se releva en maugréant. Quand Dana apparut, il se massait l’épaule avec une grimace. Mumkin cherchait vraiment à les faire tuer.

- Bon, je disais : un peu de vinsha ferait plus réaliste. Et puis, vois le bon côté des choses : s’ils t’en collent une ou deux, comme ça, tu seras suffisamment ensuquée pour pas trop sentir la douleur. A part ça, je suggère des menottes et un bâillon. Ils vont sûrement vouloir te mettre en vitesse dans une caisse ou autre. Ils risquent même de monter à bord pour le faire, on ne va pas laisser de trace d’occupation dans ta cabine, du coup.

Nouvelle secousse, un peu moins violente. Lloyd s’accrocha de sa main libre à une barre latérale.

- S’il y a des affaires auxquelles tu tiens… C’est le moment de les mettre de côté. Garde tes papiers d’identité. Ce serait louche que tu n’en aies pas.

Lloyd leva son autre main : il s’y trouvait une paire de menottes électroniques, qu'il était prêt à lui passer, ainsi qu'un linge qu'il lui nouerait autour de la bouche.
Dernière secousse, puis une stabilisation parfaite. Ils avaient touché le sol.

- Bon... C’est quand tu veux.
Darth Hope
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Elle faisait un rêve étrange. Immergée dans une piscine d’eau glacée jusqu’à la taille, l’obscurité enveloppait tout son environnement. Dana cherchait désespérément une issue, tremblante comme une feuille d’automne prête à chuter. Elle s’exclamait en vain, dans l’espoir qu’on lui dise où elle se trouvait et ce qu’on attendait d’elle. Au-dessus de sa tête, une vague lumière indiquait qu’une issue était possible. Si on savait voler.

- Tu es sûre que tu ne veux pas que je t’administre un peu de vinsha ?

Elle se retourna vivement, à la recherche de l’origine de cette voix familière. L’eau montait dangereusement. Sa froideur insupportable avait atteint son buste. La voix continuait de parler, mais son timbre était ténu et la Sith ne comprenait pas. Elle tendait l’oreille, souhaitant saisir ce qu’on lui disait d’un côté, sombrant de l’autre. Bientôt, elle se noierait car elle ne flottait pas et perdait pieds.

Le réveil fut fracassant. Elle crut se casser le nez en heurtant le sol de plein fouet. Il lui fallut du temps pour émerger, saisir où elle était. Quelques soubresauts, plus légers que celui qui venait de l’éjecter de sa couchette, lui remémorèrent qu’elle était à bord du vaisseau de Hope, en route pour Artorias. Artorias. Etaient-ils déjà arrivés ? Elle n’avait pas trouvé le sommeil et s’était endormie voilà peu. Encore débraillée, elle se dépêcha de nouer ses cheveux et ramassa à la hâte les documents traînants pour les jeter dans la cuvette des W.C. Elle ouvrit les portes de sa cabine à la hâte pour confronter le visage hapien et leva les yeux au ciel. Le véritable cauchemar était lui et elle le vivait éveillée. Son nez saignait, mais il n’était heureusement pas brisé.

- Bon, je disais : un peu de vinsha ferait plus réaliste. Et puis, vois le bon côté des choses : s’ils t’en collent une ou deux, comme ça, tu seras suffisamment ensuquée pour pas trop sentir la douleur. A part ça, je suggère des menottes et un bâillon. Ils vont sûrement vouloir te mettre en vitesse dans une caisse ou autre. Ils risquent même de monter à bord pour le faire, on ne va pas laisser de trace d’occupation dans ta cabine, du coup.

-Fous-moi la paix avec le vinsha, marmonna-t-elle en se massant l’arête douloureuse, les sourcils froncés.

Progressivement ses capacités cognitives se rétablirent et elle devint autre chose qu’une louve arrachée à sa tanière dès l’aube naissante. Ses iris à l’éclat d’or avisèrent la paire de menottes et le bâillon. Elle espérait que ses confrères et son consœurs de l’Inquisition n’auraient vent de l’humiliation qu’elle s’apprêtait à subir en se laissant enchaîner par Hope. Elle lui tourna lentement le dos et y croisa ses mains à la manucure impeccable dont les doigts fins et les poignets graciles rendaient difficilement envisageable qu’elles appartinssent à une guerrière. Elle sentit le métal froid des liens épouser sa peau et déclara platement :

-Si tu pouvais éviter de trop ser..

Trop tard. Elle voulut protester mais le linge embrassa rapidement ses lèvres et elle se retrouva bâillonnée. Juste à temps pour l’atterrissage. Elle ferma les yeux et puisa au plus profond d’elle-même quelque chose qui ressemblait vaguement à du courage, mais qui relevait plus de l’inconscience. Le bâillon jetait contre ses narines une odeur de graisse et de liquides d’entretiens en tout genre. Elle finirait intoxiquée avant d’avoir pu croiser le regard d’un seul rebelle, ironisa-t-elle en silence. Lloyd la conduisit jusqu’à l’arrière-salle.


Haddal avait montré patte blanche lors des contrôles qui précédaient l’accès au terminal 8. Lui et un balosar portaient une combinaison de docker, estampillée d’une société de chargement et déchargement factices. Leur petit réseau avait réussi à créer cette fausse entreprise afin d’accéder plus facilement au spatioport principal d’Artorias et de pouvoir réceptionner diverses livraisons, dont celle d’aujourd’hui. L’humain à la peau sombre était nerveux parce que le « colis » du jour pouvait leur exploser entre les mains, d’après Raidun. Il n’avait été fait mention d’aucun détail concernant la nature de la marchandise. Il baissa la tête et pressa le pas lorsqu’il fallut traverser la zone pour accéder au quai N4. Un dévaronien les accueillit près d’un vaisseau lambda. Il les salua à peine, la gorge nouée d’appréhension et les guida dans un silence pesant jusqu’à l’arrière de l’appareil. Haddal fut pris de court en reconnaissant Vance et quand il aperçut la femme menottée près de lui, sa surprise monta d’un cran.

-Bah ça alors, siffla le balosar.
-Putain, tu déconnes, dit sèchement l’homme. C’est quoi ça ? Luis m’a pas prévenu, ni rien. Bordel…Diogo, trouve-moi une caisse, on va la fourrer dedans.



Dana s’impatientait. Parce que trouver une caisse sur ce foutu rafiot semblait prendre un temps fou. Elle n’était déjà pas spécialement enjouée à l’idée d’être enfermée dans une boîte, alors devoir attendre pour ce privilège. Hope était restée près d’elle et Haddal lui faisait face, la transperçant d’un regard onyx et plein de jugement. Enfin, Mumkin et Diogo revinrent avec une caisse en métal sécurisée au volume métrique si modeste qu’elle s’imagina déjà à quel point elle devrait se contorsionner pour tenir à l’intérieur. Vraiment, de toute beauté cette mission. Cependant, un autre détail attira son attention. Le dévaronien était si pâle qu’on aurait dit qu’il allait s’évanouir dans la seconde. A ses côtés, alors qu’il ouvrait la caisse, le petit artorien à antennes s’exclama vers Haddal :

-Eh devine quoi, y’avait la blinde de goodies d’Aarona Klova dans cette caisse. Regarde.

Et il extirpa de sa poche une casquette à l’effigie de la chanteuse qu’il vissa au sommet de son crâne avec fierté. Derrière son bâillon de fortune, Dana se pinça douloureusement les lèvres et fustigea Hope d’une œillade aussi glaciale que l’atmosphère de Ziost.

-Vraiment, j’suis un grand fan. Ca se trouve pas facilement ce genre d’objet collector chez nous.

Tu m’étonnes. Son acolyte ignora ces remarques et attrapa brusquement le bras de l’Inquisitrice pour la pousser vers le contenant dans lequel elle tomba sans délicatesse. Elle oublia bien vite Aarona Klova. Bientôt vint le noir et les sons extérieurs furent étouffés par le doublage renforcé de l’acier qui composait le container. Elle ne l’avait pas avoué au Hapien, ni à personne d’ailleurs, mais elle était claustrophobe depuis son excursion dans les caveaux de Korriban. Elle détestait avoir l’impression de manquer d’air et par-dessus tout, les endroits clos et étroits lui fichaient une terreur pas possible. Son rythme cardiaque s’accéléra et elle étouffa plusieurs gémissements incertains contre le linge qui muselait sa bouche.


Raidun fumait en silence, entouré de quelques-uns de ses plus proches compagnons « d’armes. », une douzaine au total. Ils avaient élu domicile pour la journée sur un chantier abandonné à la périphérie de la ville, loin des contrôles de l’armée impériale. Ce chantier appartenait à Brilak et ils étaient officiellement là en tant que forces de sécurité. Il pleuvait et il était à l’abri dans un immense bâtiment de fortune, montée à la va-vite pour les besoins des ouvriers et des bâtisseurs désormais absents du site. Il lui sembla que Jax s’exclama le premier au retour d’Haddal. Ce dernier portait une caisse à bout de bras, avec l’aide de Diogo et à observer leur visage crispé par l’effort, le colis devait être particulièrement lourd.

-Salut Vance, souffla Luis une fois que le contenant fut lâché à ses pieds, comme on se débarrassait d’un poids avec soulagement. T’as assuré. Je suis curieux de savoir ce que tu nous amènes.

Et il posa son pied contre le couvercle avant de le faire sauter d’une pression, amusé. Ses yeux tombèrent sur le « trésor » qu’il renfermait et il fut agréablement surpris de découvrir un minois aux joues rougies par la chaleur et à l’expression farouche. Dana eut une autre vision, en contre-plongée, la silhouette de Raidun lui apparut et elle se mit déjà à détester son petit sourire triomphant.

-Tu connais mes goûts en matière de femmes, plaisanta-t-il. Sors-la de là, Haddal. Je veux découvrir moi-même son identité.

La Sith fut extirpée manu militari de son sarcophage de fortune. Elle avait chaud et se sentait nauséeuse. L’air frais de l’entrepôt lui parut être une véritable bénédiction. Ses cheveux pleins de sueurs collaient à son visage éprouvé et un peu de sang séchait encore sous son nez. Raidun jeta son mégot au sol et s’approcha. En premier lieu et avec une infinie délicatesse, il essuya d’un geste du pouce les traces d’hémoglobines qui traînaient sur le derme de Dana. Elle souhaita lui soustraire sa figure mais il fut plus rapide.

-Sans doute dans ta poche arrière, devina-t-il et il plongea sa main contre la croupe de la prisonnière pour extirper de sa poche, une carte d’identité holographique qu’il présenta au reste de l’assemblée à l’image d’un magicien qui venait de réussir un tour prodigieux. Quelques ricanements percèrent. Il prit le temps de lire les informations à haute-voix :

-Inquisitrice Dana Shar, Clergé Sith. Fonctionnaire impériale.

Des murmures horrifiés succédèrent aux moqueries. L’attention du caïd rebelle dévia immédiatement vers Lloyd.

-Wow. Je m’attendais à…un petit soldat de première classe ou..soyons fou un officier d’occupation, mais une Inquisitrice. Dale !
- Ouais ?!
-Ce n’est pas toi dont le père a été exécuté par l’Inquisition ?
-Si, bordel, tu peux me la laisser cette chienne, je vais lui faire la même chose !
-Moi aussi ! Mon frère, ils l’ont exécuté sur Dromund Kaas !

D’autres éclats de voix encolérés bourdonnèrent désagréablement aux oreilles de Dana. Luis réclama le silence d’un geste sec et une fois le calme revenu poursuivit :

-Qui ici, n’a jamais eu de déboires avec le Clergé Sith ?

Quelques-uns levèrent la main et il les désigna :

-Vous vous occuperez de sa surveillance. Bon, Vance. Il faut qu’on parle maintenant. J’ai hâte, enfin nous avons hâte de savoir, comment tu as fait pour capturer une personnalité de ce genre. Et si jolie, en plus. C’est un strike.

Dana détourna ses prunelles brûlantes de rage vers Hope. Ses yeux le fusillaient et semblaient lui dire avec ironie et colère : « -Vas-y explique-leur comment tu as fait. Et quand tout ça sera terminé, on va s’expliquer aussi sur deux ou trois choses. »


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Une fois attaché, bâillonné et verrouillé dans une caisse, voilà que le sac à problèmes de Lloyd était devenu beaucoup plus gérable. A l’instant même où ils avaient refermé le couvercle, ils échangèrent avec Mumkin un regard soulagé. Aussitôt, il sembla que Lloyd changea d’attitude. Vance était un type plus sympathique et nonchalant que lui.

- T’inquiète, Haddal, c’est un beau cadeau. Raidun va être ra-vi. Et Djibbi, la casquette, elle s’appelle revient ! Je refourgue ça 52 crédits pièce sur le marché noir.
- 52 ! T’abuses Hickpens, c’est qu’une casquette !
- Ouais, mais les faire passer dans un Espace Impérial blindé d’Inquisiteurs, c’est pas de la tarte, figure-toi.
- Si j’ramène ça à ma fille, ça lui ferait tellement plaisir… Allez steuh plaît, juste une !

Lloyd parut réfléchir un bref instant, tandis que Haddal essayait de soupeser la caisse, pour voir si ce serait difficile à soulever.

- Bon ok, garde-la, mais tu m’en devras une, ok ?
- Ouais !!
- Aide-moi Djibbi, il faut pas qu’on traîne !

Et c’est ainsi que le convoi – les deux humains, le balosar chapeauté et le colis – quitta la navette, dont Mumkin aurait la garde pour les jours à venir.

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---------Le trajet avait dû durer une vingtaine de minutes, tout au plus. Haddal avait conduit leur cargo-speeder en zigzaguant avec habileté dans les rues bondées de la capitale pluvieuse. Au bout d’un moment, ils quittèrent les grandes rues pour se retrouver à traverser une zone d’activités où ne circulaient que quelques gros engins. A la fin d’une allée, ils empruntèrent un chemin boueux qui les fit cahoter. Lloyd rassura ses comparses sur l’inutilité de ménager le colis, qui avait dû rouler une fois ou deux à l’arrière du speeder, n’étant pas attaché.

Ils parvinrent enfin devant une série d’entrepôts qui paraissaient anciens. Certains étaient ouverts et l’on pouvait apercevoir d’énormes conteneurs de marchandises. D’autres étaient fermés, cadenassés. Ils s’arrêtèrent au troisième. Tandis que Djibbi et Haddal déchargeaient la caisse, Lloyd alla saluer Luis Raidun d’une ferme poignée de mains. Après quoi, il en découvrit le contenu. Visiblement, Raidun était satisfait. Son visage pâle s’était animé. Lloyd affichait un sourire fier.

- C’t’une longue histoire, on en parlera tout à l’heure, décréta-t-il en ignorant totalement le regard assassin de Dana. Avant, il y a quelques précautions à prendre.

Il fouilla dans sa poche, pour en sortir un sachet rempli de poudre blanche.

- C’est du vinsha. J’en ai plein le vaisseau, si besoin. Je s’rais vous, je prendrais quelques autres précautions, comme la mettre dans une vraie cellule, et gardée. Les membres du Clergé Sith sont… entraînés à ce genre de situation. Elle pourrait plus facilement que vous le croyez s’enfuir, et ce serait pas bon pour nous.
- Je vois, fit Raidun. Mais j’ai mieux, je crois.

Luis était quelqu’un d’assez arrogant. Lloyd l’interrogea du regard.

- Une jolie cage, pour exposer ce joli trophée. Je veux savourer ce genre de victoire. Alop’ ! La cage ! Tayenne, les boissons !

Alopseno, le twi’lek à la peau rouge qui s’était fait discret jusqu’ici, venait de déverrouiller une jolie cage électronique, de la taille d’une petite pièce. Ainsi, elle resterai à proximité avant, probablement, d’être emmenée dans une cellule plus isolée. Il s’agissait visiblement de l’exposer un peu. Luis aimait rappeler à tous que c’était sous son ère qu’on ramenait ce genre de petit triomphe. Dana y fut poussée sans ménagement. Alopseno verrouilla derrière elle : il s’agissait de barreaux métalliques qui étaient reliés entre eux par un faisceau de plasma électrisé.
Pendant ce temps, tout le groupe s’était retrouvé autour de tables faites de bric et de broc, de vieilles taules et de planches de bois récupérés ici et là. On y avait sorti des verres et de l’alcool fort. Raidun servit un verre à Lloyd et trinqua avec lui. Un bon nombre des hommes de main s’était rassemblés autour d’eux, à quelques pas à peine de Dana. Le hapan s’était assis dans un vieux fauteuil en tissu moisi.

- Alors, raconte, tu t’y es pris comment ? demanda Luis après quelques échanges de formalités.
- Vous allez pas le croire, fit Lloyd avec un sourire goguenard aux lèvres.

Jax s’était perché à côté de lui, accroupi en équilibre sur un fût vide. Penché vers le hapan, son air de gamin tout excité témoignait que ce ne devait pas être la première fois que « Vance » lui racontait des aventures.

- Tu l’as séduite ? demanda-t-il naïvement.
- Pire.
- Accouche, Hickpens, t’es lourd !

Lloyd prit le temps de faire tourner le liquide dans son verre, puis en avala le contenu d’une traite. Il se pencha en avant pour poser d’un geste sec – et triomphal - son verre sur ce qui leur servait de table.

- Je lui ai fait croire que j’étais un officier supérieur de la Marine Impériale sous couverture, et que j’étais en mission spéciale hyper dangereuse.

Il y eut un bref silence, puis ils s’esclaffèrent bruyamment. Lloyd lui-même ne pût s’empêcher de rire en continuant. Luis le fixait avec un petit sourire en coin.

- Quel baratineur ! Comment elle a pu te croire, avec un vaisseau pareil !
- Tu parles, elle a pas été facile, c’est moi qui vous le dit. Même pas avalé une goutte du vin artorien que j’voulais lui offrir, cette pisseuse.
- Quelle chienne !
- A la base, je voulais l’empoisonner, vite fait bien fait…
- T’as fait comment alors, Vance ? interrogea encore Jax, la bouille impressionnée depuis son perchoir. J’veux dire, pour l’attraper, l’attacher et tout ?
- C’est là qu’c’est le plus drôle… Elle a fini par me croire, et je l’ai embobinée en lui disant que j’avais besoin d’une prisonnière.
- Nooooooon !

Nouveaux éclats de rire et cris d’effarement. Lloyd en avait les larmes aux yeux, secoué par sa propre hilarité.

- Et alors… Elle m’a laissé lui passer des menottes et un bâillon !!!
- C’est pas vrai !!
- Mais si ! Je lui ai même dit un truc du genre « garde tes papiers d’identité, ça sera plus réaliste » !

Le groupe du hangar était si écroulé de rire qu’il fallut plusieurs minutes à tout ce petit monde pour réussir à reprendre une conversation normale. On lançait à la prisonnière des regards méchamment narquois.

- Ils sont tellement cons dans ce Clergé Sith, finit par commenter Luis, qui probablement réussissait le mieux à se maîtriser, mais il gardait un sourire aux lèvres, car il songeait probablement à ce qu’une telle prise allait lui permettre comme évolution interne. C’est une bande d’imbéciles avec beaucoup trop de pouvoir dans les mains. Des enfants avec des jouets d’adultes.

Il y eut quelques confirmations sonores. Dehors, des crissements se firent entendre et les conversations restèrent en suspens, le temps que l’on sût qui rejoignait l’attroupement. On entendit un moteur s’éteindre, puis quelques secondes plus tard, trois femmes, deux twi’lek et une humaine, s’introduisirent dans le hangar. Elles furent accueillies avec des cris sympathiques, d’autant plus qu’elles portaient dans leurs bras de grands sacs, dont on entendait à leur tintement qu’au moins une partie était des provisions de boissons.

La soirée s’écoula tranquillement, Vance s’étant totalement intégré dans le groupe, comme un camarade de boisson que l’on appréciait pas mal, même s’il n’était pas natif et pas très prudent non plus. On n’aurait presque pu croire que Dana avait été oubliée dans sa petite cellule d’exposition, mais Raidun souvent lui jetait de longs regards contemplatifs, comme s’il imaginait ce qu’il allait pouvoir faire d’elle cette nuit. Quelqu’un avait allumé, dans un fût métallique vide, un feu alimenté de toutes sortes de combustibles. Il s’en dégageait une fumée épaisse et nauséabonde, qui épaississait l’atmosphère et jetait comme un voile d’intimité sur les conversations.

Quand la nuit fut assez avancée, Cassandra finit par attraper Jax par le col et le faire descendre de son perchoir.

- Laisse Vance tranquille un peu, tu vois bien qu’il en a marre de répondre à tes questions.
- T’es juste jalouse, Cass ! répondit le gamin avant de filer sans demander son reste.

Il était vrai que Jax n’avait pu s’empêcher de poser tout un tas de questions, sur les casquettes d’Aarona Klova, sur les procédures impériales, et aussi sur le genre de boisson qu’on buvait sur Dromund Kaas et si les filles de la noblesse impériale étaient aussi prudes qu’on le disait. Lloyd n’avait pas manqué de lui raconter tout un tas d’histoires, prodiguant ça et là un conseil pour échapper à la surveillance impériale si besoin.
Après avoir fait déguerpir le gamin, Cassandra se pencha vers le hapan pour lui murmurer quelque chose à l’oreille. Il lui répondit par un mouvement de tête entendu, et Cassandra passa sa main sur la nuque de Lloyd. Ce dernier se contenta de se laisser aller sur le fauteuil, détendu. Ses yeux allèrent jusqu’à Dana, mais ils n’exprimaient rien.

- C’est l’heure de la ronde ! décréta Raidun aussi soudainement que si un insecte l’avait piqué. Tout le monde à son poste !

Son ton était un peu agressif, et les hommes de main disparurent aux quatre coins du hangar. Tout le monde savait que quand Luis avait bu, mieux valait ne pas discuter ses ordres. Il ne resta donc plus que, autour du feu de fortune, une poignée de personnes dont les trois twi’lek, les gardes de Dana, mais aussi Cassandra qui s’était assise sur un bras du fauteuil de Vance et le hapan, en plus de Raidun. Tout le monde se mit à regarder Dana avec une espèce de curiosité distante.

- Alop’, dit Raidun après un temps de réflexion. Je veux la voir en privé. Emmenez-la dans la cellule du fond. Et préparez-lui une petite boisson, j’arrive.

Il fit craquer ses doigts, et regarda ses hommes s’affairer pour libérer Dana. Ils s’engagèrent vers le fond du hangar. Lloyd les suivit des yeux.

- Nous voilà enfin seuls, souffla Cassandra, le ton légèrement aguicheur.
- Mmh, émit seulement le hapan, pensif.

Mais il ne quittait pas des yeux la porte de la cellule qui venait de se refermer, à une vingtaine de mètres de là, sur Dana et Luis.
Darth Hope
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Un doute effrayant l’avait paralysé. Les rires gras des résistants du dimanche, la cage électrique, même le récit humiliant de Lloyd dont elle n’avait pas perdu une miette baignaient dans une impression surréaliste. Debout, les mains fermement liées dans son dos au point que ses épaules la faisaient souffrir, elle se questionnait. Son regard n’avait pas quitté le profil du hapan. Elle se demandait s’il était simplement bon acteur, carrément suicidaire ou le pire traître que cet Empire n’ait jamais connu. Il serait aisé pour lui de la faire tuer et de fuir à nouveau, déserter les rangs. Les autorités Siths considèreraient que la mission avait simplement échoué et que le duo était mort. Afin de ne pas remuer la plaie de l’humiliation, ils ne lanceraient aucune recherche. Lloyd Hope disparaîtrait et pourrait se créer une nouvelle identité, un autre Vance. Il serait libre de voguer sur l’océan galactique dans son rafiot hideux, flanqué de ce crétin de devaronien. Dana eut le tournis et serra les dents. Elle prit le temps d’inspecter son environnement et de profiter de l’envers du décors. De passer de prédateur à proie piégée. L’hilarité générale lui paraissait insupportable. Son crâne allait imploser. Ses yeux se concentrèrent avec difficulté sur les personnes présentes et elle tenta de faire le rapprochement concernant les dossiers. Elle reconnut l’enfant dénommé Jax, le Twi’Lek à la peau carmine que tout le monde surnommait Alop et enfin, cette humaine à la chevelure bouclée, perchée comme une dinde aux côtes de Lloyd. Cassandra. Elle n’ignora pas les gestes délicats que cette femme eût envers le blond et elle crut vomir. La réalité de son bâillon lui donna assez de forces pour contenir son haut-le-cœur. Ce n’était plus une mission mais une mauvaise holocomédie.

La confiance était un concept problématique chez Dana. Elle n’avait jamais accordé la sienne à quique ce soit. Chez les Siths, faire confiance s’avérait le moyen le plus sûr de se ramasser des couteaux dans le dos. Avait-elle seulement le choix ? Sa haine devenait conquérante.. Elle tranchait avec son manque de cigarette et elle faillit perdre le contrôle. Elle en devenait folle. Il y avait assez d’objets contendants pour en écharper quelques-uns à l’aide de la Force. Et elle jubila pauvrement à l’idée de planter la barre de fer qui traînait non loin dans la carotide de Cassandra. Ce desir sanglant assaillait son esprit de flashs qui electrisaient sa nuque endolorie par le trajet en caisse. Ses instincts de Sith lui intimaient de débuter un carnage et ce fut en croisant le regard sans expression de Lloyd qu’elle y renonça. La mission passait avant tout, avait-elle insisté. La mission devait passer avant tout, répéta-t-elle plusieurs fois jusqu’à s’en convaincre absolument. Peu importe les sacrifices qu’elle demanderait, peu importe combien de fois son amour-propre serait écorché.

Elle eut un léger soubresaut quand la cage s’ouvrit. Elle en fut extraite sans aucune forme de ménagement et se dégagea de la poigne ferme d’Alop. Quelques secondes plus tard, la porte de la cellule se refermait brutalement dans son dos et Luis lui faisait face. A la lueur jaunâtre de la seule ampoule qui éclairait la pièce, il paraissait plus séduisant, mais plus dangereux également. Les dix mètres carrés royaux de la salle contenaient une table qui avait fait son temps et deux chaises en acier ; une couchette bancale et un évier en inox au-dessus duquel trônait un miroir fissuré. Les coins de la cellule demeuraient dans l’obscurité, faute de luminosité assez force. Dana avisa les deux verres d’alcools sur la table et la bouteille. Elle sursauta quand Raidun frôla sa joue et le tança d’un regard encoléré qui ne fit qu’agrandir son sourire. D’un geste sec, il lui retira son bâillon et elle crut renaître, inspirant une profonde bouffée d’air. Un coup de clé électromagnétique plus tard et ses menottes tombaient sourdement au sol, elle se massa les poignets striés d’une marque rouge, sanglante à certains endroits.

-Assieds-toi, après tout tu es mon invitée, ordonna froidement l’homme.

Sans le quitter des yeux, elle s’exécuta lentement et il la rejoignit pour un face à face étrange. Il poussa l’un des verres en sa direction.

-Je ne cracherai pas sur une cigarette, souffla-t-elle, la bouche encore pâteuse.

Il lui fit signe de patienter tandis qu’il fouillait dans sa poche pectorale pour en extraire un paquet de cigarra. Il en sélectionna une avec soin pour la tendre à sa prisonnière qui s’empressa de la coincer entre ses lèvres sèches. Le bâillon avait étalé son rouge à lèvres partout autour de sa bouche. Elle se trouvait pathétique, mais Luis ne pouvait s’empêcher de la contempler. Elle avait la beauté de l’interdit et de l’inaccessible et lui, ce soir, se sentait tout-puissant. Il fit cliqueter son briquet et elle se pencha vers lui pour qu’il embrase sa cigarette. Il espérait allumer autre chose ce soir, néanmoins. Lier l’utile à l’agréable n’était jamais de refus.

La première bouffée de toxine manqua de lui arracher un orgasme et elle soupira d’aise.

-Alors. Dana, tu permets que je t’appelle Dana ? De toute façon tu n’es pas vraiment en position de faire des caprices. C’est vrai ce que Vance a dit ?

Elle tira quelques taffes de plus, s’imprégnant du bienfait de l’addiction apaisée et ne perdait absolument pas son interlocuteur du regard, amusée soudainement. Doutait-il de l’histoire abracadabrante du petit Vance ?

-Oui. Faut dire qu’il est très fort quand il s’agit d’embrouiller les gens et de jouer double-jeu.

Ce petit con. Il ne perdrait rien pour attendre.

-Je ne te crois pas. Tu sais, je pense que tu te doutais que c’était un traître et que c’est toi qui as joué la débile pour qu’il te mène jusqu’à nous.
-Peut-être.

Elle haussa les épaules et d’un mouvement féminin détacha sa chevelure sombre qui cascada le long de ses épaules avec grâce. Raidun apprécia le spectacle, demeurant un instant silencieux pour contempler sa captive. Il lui trouva une beauté que la colère rehaussait. Même cette petite cicatrice qui barrait insolemment sa lèvre inférieure était charmante.

-Pourquoi l’Inquisition ?
- Sors ton attirail de torture qu’on en finisse.

Elle consommait sa cigarette avec lenteur, légèrement agacée. Luis savait d’instinct que les clercs Siths devaient particulièrement être entraînés aux exercices de torture. Il se doutait que tenter d’obtenir des informations par la brutalité mènerait à une impasse et contrairement à ses camarades, il n’avait pas envie de descendre aussi bas que les pratiques des impériaux. C’était un idéaliste,un parvenu mais certainement pas un bourreau. Il existait tellement d’autres moyens de faire parler une personne. Certains plus longs que d’autres mais l’essentiel était le point d’arrivée. Et puis, abîmée une femme aussi belle. Il ne pouvait s’y résoudre, aussi cruelle ou obscure pouvait-elle être. Il était déjà désolé que Vance n’ait pas davantage pris soin d’elle.

Il se redressa, contourna la table et se pencha sur Dana. Son ombre la recouvrit. Il profita de cette proximité pour humer son parfum. Elle sentait la sueur et l’huile moteur mais ses cheveux diffusaient un reliquat de shampoing au goût délicieux. Elle fit son possible pour ne pas s’émouvoir de cette proximité bien que son cœur loupa un battement.

-Pourquoi te torturais-je ? Plus tu mettras du temps à parler, plus de temps je te garderai à mes côtés. C’est plutôt moi le gagnant.

Il marquait un point. Rester auprès de lui ralentirait la mission. La vraie cible était Brilak. Elle finit par étirer un sourire et releva sa figure vers lui.

-Je ne couche pas avec l’ennemi.

Raidun rapprocha ses lèvres de l’oreille de sa prisonnière, amusé.

-Mais je ne suis pas ton ennemi, je suis celui qui décide si tu vis ou si tu meurs, si tu as besoin de tes deux yeux ou si un seul te suffit. Je suis sûr que tu es plus intelligente que ce Vance dit et que tu sauras faire le bon choix.

Elle aurait besoin de plus qu’un verre d’alcool et une cigarette pour avaler ce choix, comme une bonne dose de vinsha. Lloyd n’était jamais là pour lui en proposer quand c’était vraiment nécessaire. Quel monde pourri. Il déposa près d’elle le briquet et son paquet de cigarras.

-Repose-toi et prends le temps de réfléchir, je reviendrai demain. Si tu as besoin de quelque chose, fais-le savoir à Alop. Mais mets-y les formes. Il est facilement irritable.
-Je risque de te briser le cœur, prévint-elle, le ton plein d’ironie.

Et la nuque, mais ce sera pour la fin.

-Qui te dit que j’en possède un ?

Dès qu’il quitta la cellule, elle envoya un des deux verres se fracasser contre un mur pour trouver un exutoire à sa rage. Séduire Raidun était dans ses plans. Elle l’aurait pensé plus manipulable que cela, mais il s’avérait être un partenaire d’échecs coriace. Mais elle savait exactement où le mener.



Des heures plus tard, le soleil bénissait l’atmosphère d’Artoria de quelques rayons timides. Une étrange rosée recouvrait les bâtiments en ruine que le chantier devait reconstruire. Tout scintillait comme à la surface d’une eau limpide. Alopseno pénétrait la cellule de la prisonnière, les mains chargées d’un présent de la part de Raidun.

-T’as droit à une douche mais tu dois enfiler ça avant.

Il fit quelques pas en sa direction et sans prévenir passa sèchement un collier magnétique autour du cou de la captive.

-Trop aimable. Je vois que ton connard de chef aime offrir des bijoux aux femmes, ricana-t-elle.
-Eh oh, un peu de respect. Tu feras moins la maline quand tu t’en prendras une.
-Vas-y, donne-moi une occasion de te fracasser le crâne, sale alien.

Il grogna et la poussa dans le couloir. Elle manqua de trébucher. Du bout des doigts, elle tâtait le collier à la recherche d’une faille. Elle connaissait ce modèle pour en avoir déjà vu autour des gorges de prisonniers du Clergé. Les geôliers avaient accès à une fréquence qui permettait d’envoyer des ondes paralysantes. Le collier pouvait également être réglé pour déclencher des impulsions dangereuses si son porteur dépassait une certaine limite territoriale. Les douches étaient crasseuses, laissées à l’abandon depuis des mois. Le revêtement du sol abîmé écorcha ses pieds nus et l’eau qui jaillit du pommeau rouillé fut si glaciale qu’elle lui brûlait désagréablement la peau. Cependant, elle ne rechigna pas à se débarrasser de la sueur récoltée la veille et de regagner un semblant de dignité. Son maquilla coula en traînées sombres et colorées jusqu’à dévoiler son vidage naturel, aux cils longs et clairs, à la peau irisée. Ses lèvres devinrent plus fines et elle sembla rajeunir de trois années.

Ses vêtements avaient disparu. Elle dût se vêtir d’une tenue civilequi s’avéra aussi horrible à porter que son collier magnétique. Alop la conduisit jusqu’à l’entrepôt de la veille. Raidun était en compagnie de Lloyd et de Jax.

-Parfait. Nous allons pouvoir déménager. Je ne voudrais pas que notre captive attrape un rhume. Direction le QG. Je dois d’abord régler des affaires. Vance, Alop, vous vous sentez de l’escorter jusqu’au bar ? J’ai balisé le chemin, si elle en sort, et bien cela risque de sentir la chaire grillée.

Luis se rapprocha de Dana et murmura à son oreille.

-Cette robe te va beaucoup mieux. Tu remercieras Cassandra pour le prêt.

Et il emporta Jax avec lui. Shar conserva ses épaules droites et n’accorda pas un regard à Lloyd. D’aucun dirait qu’elle lui en voulait. Alop l’incita brutalement à monter dans le cargo speeder. Le meilleur moyen de ne pas se faire prendre était de déménager souvent. Le groupe de Raidun allait d’une planque à l’autre afin de mieux brouiller les pistes. Alop monta â l’avant pour prendre le volant et laissa le soin à Vance de de surveiller la prisonnière à l’arrière. Les deux parties du véhicule étaient séparées de manière distincte.








Lloyd Hope
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-------Quelques heures plus tôt…

- Tu voulais me voir, Vance ?
- Ouais.

Le jour se levait à peine autour du hangar. Lloyd avait rejoint Raidun dehors, qui fumait sa cigarra du matin en regardant l’horizon comme s’il y cherchait une inspiration. Lloyd alla s’adosser contre le mur, l’air morne et les traits fatigués.

- T’as l’air nerveux. Cass’ s’est pas bien occupé de toi cette nuit ou quoi ?

Lloyd ne répondit pas. Il avait certes passé une mauvaise nuit, et se coltinait ce matin un mal de crâne à s’en taper la tête contre les murs. Il se passa une main sur son visage comme pour chasser des pensées désagréables.

- J’ai repensé à la mission sur laquelle tu m’envoies ce soir, dit le hapan d’un ton contrarié. C’est pas comme ça que je voyais les choses. Tu m’avais dit qu’on irait voir Brilak si je rapportais quelque chose d’intéressant. Je trouve que j’ai plutôt atteint l’objectif.
- Oui, oui, je t’emmènerai. Sois patient, Vance… Regarde le jour se lever sur les champs d’Artorias. Notre belle planète…

Mais Lloyd se décolla du mur pour faire les cent pas, agacé. La veille, après avoir fait sa visite à Dana, Raidun était revenu le voir pour lui parler de quelques tâches à accomplir avec Alopseno à plusieurs dizaines de kilomètres d’ici.

- Ecoute, c’est pas si simple. J’ai enlevé une Inquisitrice, tu comprends ?? Je sais même pas si je peux retourner à mon vaisseau ou si mon collègue y a déjà été exécuté.

Raidun paraissait amusé de la situation. Il expira de la fumée en souriant, les yeux fermés, appréciant les premiers rayons de lumière.

- Je me disais aussi que tu avais pêché un trop gros poisson pour toi, Vance. Tu n’es pas assez réfléchi. Si tu veux prendre un peu des responsabilités dans le réseau, il faut que tu sois plus prudent.
- J’ai fait ce que tu m’as demandé pour voir Brilak ! s’énerva Lloyd, serrant les poings. J’étais déjà dans une situation compliquée avant et tu l’sais ! Je me suis mis dans la merde jusqu’au cou juste pour ça ! J’ai besoin de la protection de ses copains impériaux et vite, tu comprends ?!

Luis leva une main en signe d’apaisement. Il avait effacé le sourire amusé de son visage, pour darder sur le hapan un regard sérieux. Compréhensif mais sévère.

- Pas si fort, Vance. Ecoute, tu as fait du bon travail, c’est vrai, et on va aller voir Brilak dans quelques jours, c’est promis. Mais je veux d’abord tirer d’elle tout ce que je peux.
- C’est-à-dire ?

Raidun haussa les épaules et tira une nouvelle bouffée sur sa cigarette, comme s’il prenait le temps de réfléchir avant de répondre.

- Les informations qu’elle détient, et d’autres choses si possible. Une fois que Brilak l’aura entre les mains, tu peux être sûr qu’on ne la reverra pas. J’ai aussi ma carte à jouer dans le réseau, moi. J’ai pas l’intention de rester un lieutenant de seconde zone toute ma vie. Elle a sûrement des choses qui peuvent me servir. Et me faire plaisir, aussi.

Le hapan laissa échapper un soupir, puis alla s’asseoir à même l’herbe humide, contre le mur. Il prit sa tête dans ses mains.

- Fais vite alors, maugréa-t-il.
- Ecoute… Alop et toi, vous faites la petite mission. Ça va vous prendre quoi, trois, quatre jours peut-être ? Quand tu reviens, on décolle d’ici, direction le manoir Brilak. Ça te va ?

Lloyd resta silencieux quelques minutes, l’air de réfléchir. Laisser Dana seule sans qu’il pût agir en cas de pépin était un problème. Mais avait-il vraiment le choix ?

- Qu’est-ce qui me dit que tu vas pas l’emmener voir Brilak pendant mon absence en la faisant passer pour ta prise ?
- Allons allons, sourit Raidun. Vance… Tu ne me fais plus confiance, ou quoi ?
- Si, mais…

Le hapan passa ses mains dans ses cheveux en fermant les yeux.

- Bon, ok, je te fais confiance. Tu m’attends.
- Bien sûr.

Luis se tourna de nouveau vers le paysage, un sourire satisfait aux lèvres. Il venait de s’assurer quelques jours de plus avec la prisonnière, et il pensait à comment s’y prendre pour obtenir d’elle ce qu’il voulait sur cet intervalle.

----------

----------

-------Le début du trajet s’était déroulé dans un silence absolu, seulement troublé par les échos lointains de la radio d’Alopseno à l’avant et les grondements du moteur. La pluie avait cessé pour laisser place à un soleil timide qui s’infiltrait dans l’habitacle en faisant courir sur la robe de Dana des lueurs chaleureuses. Un vêtement que Lloyd connaissait déjà par ailleurs. Il n’appréciait que moyennement de la voir affublée d’une parure de Cassandra, pour des raisons qui n’étaient pas très claires pour lui, mais ce n’était qu’un détail qu’il écarta de son esprit.

Comme Dana était plongée dans un mutisme buté, Lloyd ne s’était pas formalisé et s’était contenté de s’absorber dans son datapad. N’écoutant que son courage qui ne lui disait rien qui vaille, il évitait soigneusement de croiser le regard de Dana.

Au bout d’une vingtaine de minutes, cependant, la radio d’Alopseno s’arrêta, et il coupa aussi le moteur, immobilisant le véhicule. C’était beaucoup trop tôt pour qu’ils soient déjà arrivés. Lloyd se leva, ouvrit la porte du compartiment pour sauter à l’extérieur, refermant soigneusement derrière lui.

Ils s’étaient arrêtés en bordure de la ville, au bord d’un champ qui surplombait le paysage. Devant eux, la route plongeait vers l’agglomération comme un long ruban. Lloyd remonta jusqu’à la hauteur du siège conducteur, où le twi’lek était figé, un rictus ennuyé sur le visage.

- Qu’est-ce qui s’passe, Alop ?
- Ben regarde !

Alopseno pointa un doigt vers le bas de la route. A quelques centaines de mètres, on apercevait des véhicules en travers de la voie et un fourmillement d’individus. On devinait des uniformes impériaux.

- Un barrage ? fit Lloyd.
- Ouais. Tu crois qu’ils la recherchent ?

Impossible.

- Possible.

Alopseno grimaça en le regardant, et fit un geste vers le compartiment de cargaison.

- Tous les détours auxquels je pense vont trop loin, on va la griller et le chef va nous passer un savon.
- Ah.

Fichu collier.
Il se passa plusieurs minutes. Alopseno et Lloyd conversèrent pour trouver une solution, mais il s’avéra bien vite qu’ils n’avaient aucune chance de faire passer la prisonnière sereinement à travers le barrage impérial avec leur véhicule, et qu’un détour véhiculé n’était pas envisageable.

Quelques minutes plus tard, Lloyd rouvrait en grand le compartiment de cargaison. Il fit signe à Dana de descendre.

- On continue à pied. Allez grouille, un peu d’exercice te fera pas de mal.

Dès qu’elle fut descendue, Alopseno redémarra le véhicule, tandis que Lloyd attrapa Dana par le bras pour lui intimer sèchement de sortir de la route. Tous deux s’enfoncèrent dans les plantations, suffisamment hautes pour les dissimuler. Le sol était boueux, et le bas de la robe de Dana fut rapidement sali, mais Lloyd n’en avait cure. Ils entendirent le cargo-speeder descendre la route vers le barrage, puis le son du moteur disparut complètement, remplacé par le récital discret des insectes de la plantation et de quelques oiseaux solistes.

Ils marchèrent pendant près d’une heure, sillonnant les champs en silence pour atteindre et dépasser le barrage à couvert. L’astre qui baignait Artorias de lumière réchauffa la terre sans la sécher. Lloyd attendait tranquillement que pleuvent les reproches et les insultes, mais ils ne vinrent pas. Alors, quand ils atteignirent un rocher flanqué d’un grand arbre feuillu, l’endroit idéal pour jeter un œil en hauteur sur leur progression et leur direction sans se faire remarquer, le hapan décida qu’une halte ne leur ferait pas de mal. Dana n’était pas vraiment chaussée pour la marche et il y avait des chances que, comme lui, elle n’ait pas passé une nuit particulièrement reposante.

Tandis qu’il grimpait sur le rocher, prenant garde à se mettre à rester accroupi pour ne pas qu’on le remarquât trop facilement de loin, il fit signe à Dana de l’attendre en bas. Il jeta un œil sur le chemin parcouru, puis celui à parcourir ; le soleil était déjà haut dans le ciel. Le barrage était toujours visible, à quelques centaines de mètres vers l’ouest.

- Il nous reste à peu près la même distance à parcourir par-là, dit-il en indiquant le sud-ouest. Alop nous récupèrera ensuite. Je ne vois pas le cargo-speeder au barrage, ce qui veut dire qu’il a dû pouvoir le franchir sans problème.

Il soupira et baissa les yeux vers Dana, comprenant qu’il n’aurait pas de réponse. Dans d’autres circonstances, il se serait moqué, mais il était préoccupé. Il darda de nouveau son regard vers l’horizon en passant une main dans ses cheveux, dans lesquels le soleil jetait des reflets d’or.

- J’me casse ce soir, lui annonça-t-il subitement. Raidun m’envoie sur une mission à la con avec Alop. On va s’occuper de quelques… potentiels traîtres. Ça va nous prendre quelques jours. Raidun a dit trois ou quatre, mais je soupçonne que ça nous prenne plus de temps. Il m’a promis de m’attendre pour t’emmener voir Brilak, mais tu as peut-être compris que je ne lui fais pas tout à fait confiance. Ça veut dire qu’à partir de ce soir, potentiellement, tu te débrouilles toute seule pour une durée indéterminée.

Non pas qu’il eût le moindre doute sur ses capacités. C’était plutôt qu’il se demandait s’il pourrait la retrouver si jamais l’affaire dégénérait.

- Je sais que j’vais pas t’manquer, mais je vais essayer de faire vite quand même, Madame l’Inquisitrice.

Bon, ok, cette pique-là, c’était surtout parce qu’il aurait aimé avoir au moins une réaction avant de repartir et qu’il perdît la main sur elle pendant quelques temps. Histoire de vérifier qu’elle était toujours d’attaque. Et mesurer à quel point elle lui en voulait pour la petite mise en pâture de la veille au soir, accessoirement.
Darth Hope
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- On continue à pied. Allez grouille, un peu d’exercice te fera pas de mal.

Ah ouais. Directement dans ses kilos, comme ça. Mais la remarque désagréable fut relégué au second plan, parce que « continuer à pied » pouvait vouloir dire marcher cinq minutes comme des heures et à voir la tête de Lloyd, la seconde option s’annonçait. Inutile de lui expliquer, elle comprit clairement que ce détour pédestre consistait à éviter un barrage impérial. Les forces de l’Empire ne chômaient pas, mine de rien.

L’exercice physique n’était pas un problème. Son endurance avait été mainte fois éprouvée sur Axxila et lors de ses missions avec les Lames Rouges. Des souvenirs qui faisaient passer cette mission pour du pipi de chat, mais. Il y avait un mais et il possédait le visage sévère de Luis Raidun. C’était comme une épine dans le pied. On savait comment la déloger, si elle ne s’enfonçait pas trop loin sous le derme. Le soleil à semi-clément irradiait les paysages sereins d’Artorias et elle préféra se concentrer sur la marche plutôt que de risquer des échanges verbaux aussi stériles qu’éprouvants, car elle n’avait pour le hapien que des insultes à fournir. L’heure passée à battre les sentiers sauvages épuisa ses ressources et sa colère se tassa au profit d’une fatigue nerveuse qui n’était que le prolongement d’une nuit blanche.

Elle n’aurait jamais avoué que cette « pause » lui fit un bien fou et elle prit ce qu’elle put de l’ombre modeste du richer. Profitant qu’il soit occupé à analyser la routr au loin, Dana observa son acolyte avec incertitude. Les reliquats de sa beauté hapienne soutenaient les épreuves passées et présentes ainsi que les afres du temps. Sitôt qu’il commenta la situation, elle gonfla ses joues rougies par l’effort de la marche et se contenta de sonder l’autre horizon.

- Je sais que j’vais pas t’manquer, mais je vais essayer de faire vite quand même, Madame l’Inquisitrice.
-C’est vraiment le dernier Madame l’Inquisitrice que je veux entendre sortir de ta bouche, vraiment. Je ne plaisante pas et c’est pas ce collier qui m’empêchera de te casser la gueule, prévint-elle sur un ton qui ne souffrait d’aucune protestation. Visiblement Raidun souhaite t’éloigner de moi. Peut-être qu’il se doute de quelque chose.

C’était un risque à prendre en compte. Il avait rapidement compris que Dana s’était volontairement offerte en pâture à son petit réseau. Peut-être qu’il ne soupçonnait pas Lloyd d’être dans le coup. Pas encore. Cette mission soudaine pouvait revêtir un millier de justifications, mais Shar envisageait toujours le pire. Question d’experience. Elle conserva le silence un moment et Hope s’apprêtait à reprendre la marche quand elle sortit dans son dos, les stoppant net.

-Il veut coucher avec moi. J’ai fait beaucoup de choses dégueulasses pour l’Empire Sith. J’ai tué, beaucoup tué. Je ne le regrette pas, mais faire ça. Je ne comprends pas les motivations qui le poussent à souhaiter ce genre de rapport avec moi. Je ne sais pas vraiment comment les choses vont tourner, mais…essaie de ne pas te faire trucider dans les jours à venir. J’ai besoin de toi vivant pour me venger de ton petit coup d’éclat théâtral d’hier sur ma capture.

Elle le dépassa en le bousculant un peu. Jamais elle n’assumerait être en insécurité totale à l’idée que Lloyd ne soit plus dans les parages. C’était son garde-fou dans toute cette misère, un espèce de filet de sécurité dont on ne sait s’il tiendrait le choc de la chute sans casser, mais qui rendait le saut possible par sa seule présence. Le seul véritable rayon de soleil de sa journée ? Avoir bousillé la robe de Cassandra qui, de toute façon, ne pouvait pas être plus laide.

Officiellement, c’était un bar de faubourg pauvre comme il en existait des centaines dans la capitale artorienne. Il n’avait pas pignon sur rue mais tout le monde savait qu’on y servait le pire whiskey de la planète. Les gens du quartier se contentaient de l’appeler le Bar. Tu cherches ton chemin ? Tourne à droite après « le bar ». C’était tout. En revanche, officieusement, les résistants le nommaient le Belladonne. Il était la propriété directe de Luis Raidun. Grâce aux petits côtacts impériaux de Brilak, l’armée impériale ne faisait aucune descente dans l’établissement dont l’aspect extérieur hurlait pourtant à l’illégalité et des choses illégales, il s’en passait au Belladonne. La Résistance devait bien se financer.

Alop ouvrit sèchement les portes du bar, talonné par Vance et sa prisonnière. Aucune fenêtre dans la salle principale dont l’éclairage mettait en valeur le comptoir et une scènette minuscule. A cette heure, les consommateurs n’étaient pas légions. Casssandra avait pris place derrière le bar et admira le blond entrer avec un petit sourire aux coins des lèvres. D’une pression brutale sur l’épaule, le Twi’Lek força Dana à s’asseoir sur une chaise.

-Ferme l’établissement, Cass’. Jusqu’au retour de Luis.
-Ma robe te plaît ? S’esclaffa la rebelle alors qu’elle verrouillait l’entrée. Je pense que je pourrais la brûler après ça.

C’en était trop. La rage qui veillait au cœur de Dana explosa dans ses yeux et elle se releva brusquement.

-Assieds-toi ! S’écria Alop’.
-Sale garce.

Et d’un mouvement du bras, puisant dans la Force, la Sith projeta violemment l’humaine contre le comptoir. Cass’ poussa une plainte douloureuse. La seconde suivante, la brune réitérait. Elle décolla sa cible du bar et la projeta de nouveau contre, puis recommença une troisieme fois. Le Twi’lek au départ surpris et complètement effrayé se décida à agir avant que sa compatriote n’ait le dos brisé. Il se précipita sur la captive et la renversa. Heurtant le sol, Dana perdit le contact avec la Force et détourna son visage vers Alopseno qui, à califourchon sur elle, levait déjà son poing. La première droite sonna l’Inquisitrice, mais la deuxième manqua de lui faire perdre connaissance. Et il continua de frapper, jusqu’à ce que son bras soit fermement retenu par une poigne encolérée. Raidun était là et fustigeait son acolyte d’un regard plein de sévérité. Ce dernier se redressa et elle roula sur le côté, crachant un peu de sang.

-Bordel. Quelqu’un peut m’expliquer ce qu’il se passe ici ?!
-Elle a attaqué Cass’, putain ! Se dédoua Alop.
-Ah les femmes…soupira Luis. Cass’ va bien ? Demanda-t-il ensuite vers Vance.

Vance et Alopseno avaient pris le large pour la mission commanditée par Raidun. Cassandra s’en tirait avec une épaule luxée et Dana était enfermée dans la chambre de ce dernier et soignait sa joue blessée au sang par les coups du Twi’Lek. La douleur lui lancinait toute la partie inférieure du visage et elle n’avait pas décoléré. Depuis sa mâchoire brisée à Korriban, elle détestait que l’on touche à sa précieuse figure. Alop’ avait pris la place du résistant à abattre en premier. Elle se mit à faire les cents pas dans la pièce située à l’étage du bar. Une fenêtre, sur laquelle, on avait grossièrement collé toute sorte de tissus laissait entrer une lumière tamisée. Elle apercevait pour la énième fois le grand lit, la commode, l’holoprojecteur qui datait d’une génération, le coin avec l’évier. Toutes les affaires du rebelle s’éparpillaient au sol dans un bordel infernal. Emportée par un énième excès de ragé Dana avait ouvert les armoires et les meubles, retournant le moindre effet personnel dans l’espoir d’obtenir des informations pertinentes.

-Je commence à perdre patience Dana.

La porte se referma sans un bruit ou presque. Raidun retira sa veste et la déposa avev soin sur un fauteuil abîmé.

-Cassandra est une fille sympa, ce n’était pas très malin de ta part. Mais au moins, tu nous as révélé qui tu étais vraiment.
-Tu voulais des renseignements sur moi, je t’en ai donné.

Il avait un verre d’alcool à la main et se rapprocha afin de cueillir avec fermeté le visage de la prisonnière. Elle grimaça de douleur tandis qu’il inspectait les dégâts avec un air désolé. Après une caresse fugace contre ses traits endoloris, il finit par s’éloigner.

-Fascinant. Brilak va être hautement intéressé.
-Qui est Brilak ? Feignit-elle, dans l’espoir qu’il lui livre de nouvelles données sur l’individu.
-Secret professionnel.

Contrariée par cette réponse, elle agita sa main, déployant sa maîtrise de la Force de nouveau, se concentrant sur le verre qu’il tenait. Elle réussit à le lui arracher des mains et le tout se fracassa au sol dans un bruit aïgu. Elle fut surprise par sa propre initiative, sa propre colère qui risquaient de mettre la mission en péril. Luis délogea de sa poche une télécommande. Il frôla l’une des roulettes. Le collier bipa et elle crut que sa tête allait se désolidariser du reste de son corps tant l’impulsion lui broya le cou de souffrance.

-Pas de ça avec moi, Dana. Tu te penses encore à l’Inquisition, mais laisse-moi te rappeler que c’est moi ton Inquisiteur désormais. Je suis prêt à passer l’éponge pour Cassandra, mais ne pousse pas ta chance trop loin.

Elle porta désespérément les mains au collier, s’agitant inutilement et rendant de ce fait, la douleur encore plus insupportable. Sa gorge brûlait et elle serra les dents pour taire une plainte. Enfin, Luis mit fin à la punition et elle reprit son souffle avev difficulté, s’appuyant sur la commode proche pour se remettre de ce traumatisme.

-La robe ne te plait pas ? Retire-la.

La Sith demeura un instant interdit. Comprenant qu’un second rappel serait suivi d’une impulsion, elle commença à se déshabiller, lentement. Elle réfléchissait au meilleur moyen d’aborder une ouverture concernant la Résistance sur Artorias.

-Qui que soit ce Brilak, je doute que tu souhaites me mener à lui, en étant dévêtue, souffla-t-elle alors que le vêtement tombait le long de ses courbes pour choir à terre. Sa lingerie noire occultait encore ce qui devait l’être et elle se pencha pour récupérer dans la poche de la robe, le paquet de cigarettes et le briquet offert la veille. Elle pinça une cigarra entre ses lèvres et l’alluma. Luis n’avait pas perdu une miette du spectacle. Les cicatrices anciennes qui clairsemaient le derme nu de la captive attisaient sa curiosité. Dana évita scrupuleusement de regarder au creux du miroir sur pied non loin. Elle refusait de voir ces difformités sur son corps. Elle détestait la moindre de ces marques. Elle inspira une profonde bouffée de toxines.

-Brilak est un peu trop coincé pour ce genre de spectacle, je te l’accorde. Tu peux te servir dans ma garde-robe.
-Trop aimable, grogna-t-elle car les nerfs se ramifiant dans son cou pulsaient encore. Je peux avoir un verre d’alcool ? C’est pour faire passer la douleur.



Le verre se transforma en bouteille d’une liqueur locale colorée et bon marché. La bouteille se dédoubla et ainsi de suite. Elle se remémorait vaguement avoir bu et fumé en compagnie de Luis toute la nuit. Le matin la cueillit sans ménagement et enroulée dans les draps du lit de Raidun, elle avait émergé avec un mal de crâne pas possible. Elle cligna péniblement ses yeux malmenés par une forte luminosité avant de se redresser brusquement, rabattant ce qu’elle pouvait de tissu sur son corps entièrement dénudé. Le rebelle était déjà debout, le torse dénudé, il inspectait son visage dans le miroir en fredonnant un chant résistant. Il avisa la prisonnière qui s’ébrouait dans le lit. Et cette dernière contempla les marques de griffures écarlates qui dévalaient le long du dos de son geôlier. Merde.

-Ce n’est pas toi, la rassura-t-il face à son air ahuri. Tu t’es endormie après la première bouteille. Cependant, j’aimerais savoir qui est Lloyd ? Tu n’arrêtais pas de dire son nom durant ton sommeil.

Et elle leva les yeux au plafond. Quelle conne.

-Mon père, répondit-elle sans ciller.
-Tu lui demandais de t’embrasser.

Elle sauta du lit et ramassa un pantlon appartenant à Luis, une ceinture et l’un de ses tshirts. Contrairement à la veille, elle digérait mieux sa colère. L’envie de tuer demeurait tapis au plus profond de son âme, mais elle réussissait à l’étouffer sous les braises de la survie et de la nécessité.

-Il faut croire que j’aime beaucoup mon père, éluda-t-elle avec indifférence alors que son cœur manquait de bondir hors de sa poitrine. Elle espérait que le sommeil et l’alcool ne lui avaient pas fait dire d’autres conneries du genre. Il lui fit face, un éclat déterminé brûlait au creux de son regard.

-Tu es une Sith, je doute que la famille compte réellement à tes yeux.

Il avala le peu de distance qu’il restait entre eux, d’un simple pas.

-Dis-moi qui est Lloyd, Dana. Dis-le moi. Ne m’oblige pas à me comporter comme un tortionnaire, souffla-t-il sur un ton bas en effleurant le collier à impulsions électriques. Elle recula et il avança encore. A chaque fois qu’il la frôlait, elle perdait du terrain, jusqu’à être acculée contre un mur, le corps raidi par une tension aussi désagréable qu’inavouable.

-Amène-moi à Brilak et je te dirais qui il est.
-Tu es pressée de mourir ? Tu n’as même pas idée du sort que Brilak te réserverait. Pour sa propre gloire auprès des siens, il te jetterait en pâture à tous ceux qui dans ses rangs ont un compte personnel à régler avec l’Empire. Alors que tu pourrais demeurer notre prisonnière. Périr à genoux dans l’humiliation quotidienne ou coopérer et rejoindre nos rangs. Nous donner toutes les informations utiles sur le Clergé Sith et ses failles.

Elle rit intérieurement, à en pleurer. Comme si le Clergé avait des failles. Aux yeux de Dana, l’entité sith était moulée dans la perfection. Raidun et ses pairs portaient des coups d’épée dans le vent. Cependant, elle devait prendre sur elle et savourer cette maigre victoire. Il était exactement au croisement où elle voulait le mener.

-Tu me protégerais de Brilak ? murmura-t-elle. Comme tu le dis je suis une Sith, ce qui signifie que je suis également opportuniste. Je ne peux rien faire contre ton foutu collier. Je suis coincée ici. Les miens ne savent même pas que j’ai disparu, sinon, ils seraient déjà ici. Après tout, qu’en auraient-ils à faire ? Mène-moi à Brilak, protège-moi de lui, tu n’es pas qu’un simple sous-fifre n’est-ce pas ? et je serai des vôtres.

L’hilarité interne grandit au point qu’elle eut un sourire fugace que Luis interpréta à sa manière. Elle déposa une main tiède contre le torse du résistant.

-Peut-être que je serai même à toi.
-Au retour de Vance, nous irons donc tous voir Brilak.





Lloyd Hope
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Bien sûr, qu’il veut coucher avec toi. Tu t’attendais à quoi ? Estime-toi heureuse qu’il ne t’ait pas déjà prise de force.

Voilà, c’était un truc comme ça qu’il aurait dû lui répondre.

- … réglo, tu vois, je lui ai offert des fleurs. C’est pas romantique, ça, Vance ? Puis, je veux dire, je suis pas pressé, hein. C’est juste que bon, je veux bien que Kota soit vieux jeu, et tout, mais je suis respectueux, je gagne bien ma vie, et Aora n’attend que ça d’avoir un peu plus de liberté. Je pourrais nous acheter un petit pied-à-terre dans le Crédor, c’est pas très loin d’ici et on pourrait rendre visite souvent à la vieille cruche, je veux dire, à belle-maman…

Alopseno était intarissable quand il s’agissait de raconter sa vie sentimentale, mais Lloyd ne l’écoutait que d’une oreille, les yeux dérivant sur le paysage qui défilait à l’extérieur du cargo speeder. Il avait la tête à tout ce qui s’était passé hier. D’abord leur conversation dans les champs, puis la folie de Dana contre Cassandra – quel diable avait pris possession d’elle à ce moment-là ? Et pourquoi Cassandra ? Cette fille était folle. Comment était-il censé réaliser sereinement sa mission quand il fallait faire équipe avec des gens si instables ? Ces histoires lui avaient valu une nouvelle nuit tourmentée et franchement, il n’allait pas dormir mieux les prochaines. Sérieusement, elle avait failli foutre toute leur mission en l’air ! Alors même qu’elle avait promis de ne pas agir sous le coup de l’émotion ! Madame l’Inquisitrice…

- Hé ! Vance ! Tu m'écoutes ou quoi ?

Lloyd tourna la tête vers Alopseno qui lui jetait des œillades curieuses tout en conduisant. Ils coupaient à travers la campagne d’Artorias, direction le sud-est, pour y accomplir leur tournée des petits commerçants débiteurs. Une longue série de récupérations de sac de crédits à blanchir les attendait.

- Quoi ?
- Ben j’t’ai posé une question. Tu dors ou quoi ?
- Nan. C’était quoi ta question ?
- Ben j’disais, comment vous vous projetez, vous ?
- Hein ? Qui ?
- Mais Cass’ et toi, pardi !
- Ah…

Putain, Alop était un type sympa, mais lourd quand il s’y mettait. Mais bon, ce n’était pas le moment d’éveiller les soupçons.

- Oh tu sais, moi, je suis pas trop le genre à m’engager sérieusement, essaya-t-il d’éluder.
- Ah, je disais ça avant aussi. Puis après, tu vois, j’ai réfléchi. Je me dis que ce serait peut-être temps de se poser. Le temps passe vite et…
- On arrive quand ?
- … Heu. Dans pas très longtemps. T’es pressé ou quoi ?
- Ouais.
- Qu’est-ce qui se passe ?

Lloyd jeta un œil hésitant sur l’horloge incrustée dans le tableau de bord.

- Ça m’ennuie de laisser Cassie à proximité de cette prisonnière, ça m’inspire pas confiance.
- Ah ouais, j’comprends. Moi c’est pareil maintenant je m’inquiète pour Aora. Quelle ordure tu nous as ramené… !

Leur premier rendez-vous se déroula sans encombre, ainsi que les quatre suivants. Ils arrivaient, réclamaient l’argent, on leur apportait des caisses ou des sacs. Ils allaient dans le cargo-speeder, recomptaient minutieusement les crédits, puis repartaient pour le rendez-vous suivant. Ce qui était long, c’étaient les trajets d’une part entre chaque établissement – il fallait faire le tour de tous les villages de la zone, où se trouvaient des établissements qui achetaient des services plus ou moins importants à la bande de Raidun – et d’autre part les nuits à veiller, alternant les tours de garde, dans l’habitacle du cargo-speeder qu’ils ne pouvaient se permettre de quitter un seul instant.

Le sixième rendez-vous les confronta à une situation problématique. Ils se rendirent dans un bar, où le patron, incapable de payer, les renvoya auprès de son fils, qui soit-disant pourrait payer. En réalité, le fils en question les attendait avec une bande de copains dans l'arrière-cour et s’étaient attaqués à eux avec des armes faites maison – battes, barres de métal. Heureusement Alopseno était un dur à cuire et lui savait bien sûr se battre. Ils prirent quelques coups bien sentis, mais Alopseno finit par réussir à causer une fracture à un tibia en retournant l’arme de l’un d’entre eux contre lui, et Lloyd défonça une clavicule avant de pouvoir sortir son blaster pour mettre en joue le fils du débiteur. Il tira entre les deux yeux sans l’ombre d’une hésitation, et les autres assaillants prirent la fuite. Alopseno extrait une lame de sa poche et exécuta celui qui, une jambe cassée, ne pouvait pas s’enfuir, en lui enfonçant son arme dans la gorge pour l’empêcher de crier.

Ils retournèrent tremblants et couverts de sang au cargo-speeder, et prirent la fuite à toute allure. Dans l’habitacle, aucun des deux ne put dire un mot pendant plusieurs minutes. Quand Alopseno se remit à parler, ce ne fut que pour répéter :

- Les bâtards, les bâtards.

Lloyd n’était pas si choqué. Ce n’était ni son premier meurtre ni le dernier. Mais pour Vance, ce devait être un évènement. Il se terra donc dans un mutisme interdit.

------

------

------Lorsqu’ils franchirent la porte du Belladonne, trois jours plus tard, il ne restait plus de leur aventure que quelques bleus et, pour Lloyd, une tâche violacée à l’arcade sourcilière. Ils avaient trouvé de quoi se changer et se débarbouiller avant de poursuivre leur mission comme si de rien n’était, et ils revenaient de leur dernière destination : l’un des hangars de Brilak où ils avaient déposé leur précieuse cargaison.

Ce soir-là, il y avait un peu de fréquentation dans le bar. Deux groupes de jeunes jouaient aux cartes et buvaient bruyamment, et d’autres clients étaient au comptoir, si bien qu’on les remarqua à peine. Alopseno disparut dans les étages immédiatement, tandis que le hapan alla dans l’arrière-salle et plutôt que de s’asseoir, il alla s’adosser contre un mur loin des regards et ferma les yeux pour se plonger dans la Force.

Il en fut immédiatement tiré par Cassandra, qui accourrait. Ce n’était pas grave, il avait déjà senti ce qu’il voulait : Dana était là, et vivante.

- Vance ! Vance, qu’est-ce qui s’est passé ?

La mine affligée, elle passa deux doigts sur le front de Lloyd. Il se laissa faire, mais son visage resta de marbre.

- C’est rien. On s’est battus. Rien de grave, dit-il à voix basse.
- Quand même, ce n’est pas beau… Tu as mal ?
- Non.
- Je peux aller te chercher une compresse.
- Non.
- Vance. Tu ne veux pas me raconter ?
- Quoi ?
- Ce qui s’est passé, avec Alop. Il avait l’air très…
- Ce n’est pas important.

Cassandra s’assombrit. Elle avait un visage rond et doux, mais une moue d’irritation barrait à ce moment son visage. Elle soupira bruyamment.

- J’ai bien réfléchi, tu sais, à…

Lloyd ferma les yeux. Cassandra avait l’air sérieuse. Il n’avait vraiment pas besoin de ce genre de conversation maintenant. Dormir dans son putain de vaisseau, voilà ce dont il avait besoin. Cette fatigue lancinante-là n’était pas bonne, il le savait. Il risquait de faire une de ses putains de crise à tout moment. Il resta pourtant la mâchoire crispée, à écouter.

- Nous deux. Et il faut que je te dise…

Vlan !

Une porte venait de s’ouvrir à la volée dans le fond de la pièce, faisant sursauter Lloyd et Cassandra. Raidun déboulait dans la salle avec l’allure d’un chien enragé. Derrière lui, Haddal suivait, ainsi que… Dana. Dès qu’elle la vit, Cassandra eut un mouvement de recul. Elle allait s’enfuir mais Lloyd l’attrapa par le bras pour la retenir un instant : il écrasa un baiser froid sur ses lèvres, avant que celle-ci retournât à son poste, dans la salle principale où des clients l’attendaient déjà.

L’instant d’après, Lloyd se tourna vers Raidun pour lui faire face, incertain. Luis s’arrêta à sa hauteur et l’attrapa par l’épaule.

- Ça va, Vance ?
- Tout va bien.
- Alop vient de me raconter. Ce connard de Lowland ne va pas s’en tirer comme ça !
- On lui a pris un fils à la place de l’argent, signala Lloyd, soulagé de voir que la colère de Luis n’était pas tournée vers lui.
- Je sais. Alop m’a dit que tu avais… Bien réagi. Tu as de bons réflexes, Vance.

Lloyd haussa les épaules.

- J’ai fait l’armée impériale, dit-il humblement, mais sa fatigue, qui n’était pas due au meurtre en question, racontait à sa place le récit d’une mise à l’épreuve.
- C’est vrai, j’avais oublié. Mais il faut qu’on réagisse vite. On va aller voir Brilak.
- Maintenant ?
- Oui. Tu es trop fatigué ?
- Nan, je viens.
- Bien.

------

------

------Le manoir de Brilak était une grosse demeure installée dans les quartiers chics de la capitale. C’était Haddal qui avait conduit un speeder à la carrosserie rutilante – un véhicule que Raidun ne sortait que pour les occasions spéciales – et il laissa Lloyd, Dana et Vance dans une cour impeccablement entretenue. Seule des marques sur les murs indiquaient que le lieu avait été, autrefois, à proximité de la guerre. Les fissures n’avaient pas été réparées, comme si le bâtiment exhibait fièrement des cicatrices et montrer qu’il avait survécu à la Bataille d’Artorias.
Une grande porte cochère s’ouvrit lorsqu’ils gravirent les marches, et ils furent introduits dans une luxueuse demeure. Des tableaux et statues d’une grande valeur, tout un service de domestiques tirés à quatre épingles… Lloyd se demanda quelle part des crédits qu’il avait récolté les derniers jours servait à financer un tel train de vie. On fustigeait l’Empire pour son système de domination et de castes, mais ces résistants-là valaient-ils mieux ?

Brilak les reçut dans un grand salon doté d’une cheminée et de sofas de velours. Des chandeliers allumés rendaient l’atmosphère cosy et mystérieuse à la fois. Quant à l’aristocrate lui-même, il était vêtu tout de noir, boutonné jusqu’au cou, et ses cheveux grisonnants encadraient un visage dur. Il les accueillit sans sourire, leur indiquant de prendre place autour de la table basse devant la cheminée. Ils s’exécutèrent, et un majordome apporta à pas vifs une bouteille de whiskey onéreuse ainsi que des verres et des glaçons. Brilak chassa le majordome d’un geste sec, et se mit à les servir lui-même.

- Luis, qui donc me ramènes-tu ce soir ? demanda-t-il sans préambule.

Sa voix était froide et usée comme la pierre. Visiblement, il n’appréciait pas spécialement que des étrangers entrassent dans sa demeure. Lloyd se tenait plus droit que d’ordinaire. Il avait pris une allure qui ressemblait plus à l’officier qu’il était qu’au petit pilote à la carrière ratée, mais c’était nécessaire pour que Brilak le considérât comme quelqu’un d’un rang plus proche du sien afin qu’il l’écoutât.

- Voici Vance Hickpens, le présenta Raidun, celui dont je t’ai déjà parlé. Et voilà le cadeau qu’il m’a ramené : Dana Shar, membre du Clergé Sith.

Brilak les regarda l’un après l’autre, les jaugeant, mais son visage restait neutre.

- Belle prise. Félicitations, monsieur Hickpens.
- Je vous remercie.
- Vance est venu avec moi parce qu’il a besoin de vous parler, je le lui ai promis.

Le regard de Brilak, indéchiffrable, passa de Raidun à Lloyd. Ce dernier n’avait pas touché une goutte du whiskey ; il se tenait mains sur les genoux, roide. Ses yeux où dansaient le reflet des flammes fixaient Brilak à la manière d’un adversaire à défier. Mais il s’exprima sans animosité, avec la même déférence qu’il aurait utilisé pour un seigneur Sith.

- Merci de me recevoir, monsieur Brilak. Ce geste compte beaucoup pour moi.

L’aristocrate acquiesça, et lui fit signe de poursuivre, son verre à la main.

- Cela fait plusieurs mois que je vous rends des services par l’intermédiaire de Luis. Mais je pense qu’à force, je me suis attiré l’attention des renseignements impériaux, expliqua Lloyd qui s’était mis à se triturer les mains, nerveux. Je fais face à beaucoup plus de contrôles qu’avant et… J’en ai l’intuition, disons. Je ne vais pas pouvoir continuer sans davantage de sécurité. Mais Luis m’a dit que vous aviez des contacts chez les Impériaux. J’avais espéré… J’avais espéré que vous pourriez m’en faire rencontrer quelques-uns.

Lloyd arrêta de se tordre les mains et serra les poings sur ses genoux. Qu’il jouât la nervosité ou qu’il fût réellement anxieux, le rendu était dans tous les cas réaliste.

- Je veux dire, si je les rencontrais par exemple sous prétexte d’entretiens pour être potentiellement muté dans leur service, ils pourraient faire des rapports positifs sur moi. Sur ma loyauté supposée envers l’Empire. Pour me couvrir, vous comprenez ? Je suis sûr que vos amis sont suffisamment haut placés pour que leur voix compte beaucoup.

Brilak resta silencieux un long moment, le jaugeant du regard.

- Je ne peux pas donner mes contacts à n’importe qui, monsieur Hickpens, mais… Je vais y réfléchir.

Lloyd ne masqua pas sa déception, mais il ne dit rien. Evidemment, Brilak s’achetait du temps. Mais la partie n’était peut-être pas perdue. S’il faisait bonne impression, et que Luis parlait à Brilak en sa faveur, ce qu’il espérait vu la mission qu’il venait d’accomplir, l’aristocrate finirait bien par accepter de lui accorder une entrevue avec l'un de ses amis. S’il l’obtenait, à partir de là, il n’aurait plus qu’à tirer sur le fil suivant : l’impérial qu’il rencontrerait, jusqu’à obtenir chacun des noms. L’opération risquait d’être un peu longue, mais il n’avait pas mieux pour le moment. Dana leur ferait peut-être gagner du temps.

Le silence se prolongea quelques instants, troublé uniquement par les tintements des verres que l’on sirotait tranquillement. Lloyd n’avait toujours pas touché au sien quand Raidun intervint :

- Vance, merci d’être venu. Monsieur Brilak et moi, on doit discuter de choses un peu sérieuses à propos de notre invitée, dit Raidun en faisant un sourire à Dana avant de revenir à Lloyd. Tu veux bien rejoindre Haddal au speeder ? On ne sera pas longs.

Lloyd resta interdit une seconde, puis :

- Bien sûr, Luis. Merci de m’avoir reçu, Monsieur Brilak.
- C’était avec plaisir.

Lloyd se leva, raide, et quitta la pièce les poings serrés. La sensation était cuisante : Dana allait déjà être dans les petits papiers de ces messieurs quand il lui avait fallu plus de deux mois pour voir Brilak en vrai et on lui demandait déjà de ficher le camp. Mais il tâcha de se persuader qu’il n'avait fait que se mettre au service de la mission.

------Dès qu’il fût certain que Vance était trop loin pour les entendre, Luis se pencha vers Brilak au-dessus de la table basse comme pour lui faire une confidence pressante. Ce dernier le toisa froidement.

- Il faut que vous m’aidiez à me débarrasser de lui, père.

Brilak haussa les sourcils.

- Et pourquoi donc ? C’est un élément précieux. Et ne m’appelle pas comme ça devant des étrangers, ajouta-t-il en désignant Dana du menton.

Raidun eut une grimace.

- Il est doué mais trop problématique. Il va trop vite. Il a déjà plus de contacts dans le réseau en deux mois que j’en ai eu en deux ans.
- Tu es jaloux, Luis ?
- Non ! Ça n’a rien à voir. Je pense qu’il est… dangereux. Et instable. Sa régulière, elle a confié à l’un des nôtres qu’il a un problème là-dedans.

Luis désigna sa propre tempe.

- Il lui arriverait de faire des… genres de crises de paranoïa, la nuit. Elle dit qu’il délire dangereusement. Je veux pas qu’il dérape. Instable, je vous dis. Je veux qu’on le supprime, c'est plus sûr.
- Et pourquoi ne t’en es-tu pas déjà chargé, alors, Luis ?
- L’équipe l’aime bien. Ça bousillerait mon leadership.

Brilak resta de marbre face à ces informations. Il fit teinter les glaçons dans son whisky.

- Il nous rend pourtant bien service pour nous obtenir des laisser-passer vers Sernpidal et Gravlex.

Raidun se renfonça dans son siège et décocha vers Dana un regard qui pétillait.

- Là-dessus, aucun problème. Elle va pouvoir nous aider à sa place, j’en suis sûr. Hickpens ne le sait pas encore, mais il nous a ramené le moyen de nous débarrasser de lui en toute sérénité : il nous apporte une remplaçante. Bien plus haut gradée.

Brilak se tourna vers la prisonnière, et la jaugea du regard.

- Vraiment ?
Darth Hope
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Le retour de Lloyd l’avait quelque part soulagé. Durant son absence, elle avait fait son maximum pour observer les manières d’agir du petit réseau. Cassandra au bar semblait récolter des informations et des messages. Elle l’avait souvent vu sortir un datapad au comptoir et le lier discrètement à l’appareil d’un client. En l’absence d’Alopseno, Haddal avait pris en charge la sécurité de l’endroit et il demeurait positionné devant la porte de l’arriere-salle dans laquelle toute sorte de paris illégaux et de jeux d’argents avaient lieu. Sans grande surprise, le Belladonne vivait surtout la nuit. En journée il ne servait qu’à hydrater les gosiers des habitués du coin. Quand Luis acceptait de la faire sortir de la chambre, elle faisait de son mieux pour retenir les visages de ceux qui, l’heure du crime passée, se rendaient à l’arrière. Elle se demandait si ce n’était pas là que des connexions se faisaient avec d’autres réseaux de résistance. En parlant de Raidun, il se montrait plus familier avec elle, surtout lorsqu’ils étaient seuls. Il avait pour elle de petites attentions et elle faisait de son mieux pour ne pas s’en agacer et conserver un jeu d’actrice impeccable.

Le faste du manoir de Brilak ne l’émut pas davantage et lui donna l’envie de vomir, la renvoyant à sa propre enfance passée dans les palais luxueux de la Citadelle de Shar Dakhan. Les endroits dégueulants  de luxe n’étaient la plupart du temps que des prisons dorées où des drames se jouaient en toute impunité. Elle détestait l’aristocratie parce qu’en ayant fait partie de cette caste, elle en avait vu le pire que ce fut sur Ch’Hodos ou d’autres mondes semblables à Artorias. Elle fut presque heureuse de n’avoir pour tenue qu’une large chemise pourpre et un pantalon trop large pour elle. Le tout empestait l’odeur masculine de Luis. Elle avait la désagréable impression que son parfum se déposait sur le moindre pore de sa peau et la marquait comme on prenait possession d’un territoire.

Afin de limiter les dégâts, des menottes vinrent compléter le collier. Les mains attachées devant elle, Dana se contenta de suivre la discussion. Elle extirpa une cigarette sans demander si cela était autorisé et se mit à profiter des brasses immenses et désespérés de Vance pour avoir accès aux Impériaux corrompus. Un grand moment de solitude qui se solda par un échec en demi-teinte. A ce moment-là, elle envisagea que le noble pouvait avoir des liaisons plus graves que ce qu’elle imaginait avec des fonctionnaires de l’Empire. On ne parlait pas peut-être pas d’une simple corruption pécuniaire dans l’objectif de s’arroger une tranquillité sur des affaires illégales.

- Bien sûr, Luis. Merci de m’avoir reçu, Monsieur Brilak.

T’as vraiment pas assuré, pensa-t-elle amèrement.

- Il faut que vous m’aidiez à me débarrasser de lui, père.

Son visage demeura de marbre, mais la main tenant sa cigarra trembla légèrement. Ses yeux passèrent de l’un à l’autre et elle se rendit compte que Brilak était le reflet de ce que serait Luis dans des dizaines d’années. Des points de ressemblances subtiles existaient entres les deux, assez subtiles pour dire que Raidun devait avoir pris davantage de sa génitrice. La surprise céda bientôt le pas à l’intérêt. Éliminer Vance, mais quelle bonne idée ! La meilleure pour qu’elle soit prise au piège de ces idiots à tout jamais. Comment tempérer l’ardeur de Luis sans prendre le risque de compromettre leur couverture ? Si elle prenait la défense de Hipckens, la jalousie du petit caïd ne s’apaiserait pas et elle ne ferait que jeter de l’huile sur un feu qui avait déjà bien pris. Elle fut arrachée à ses pensées critiques par la question de Brilak. Elle se conforta dans son siège et répliqua :

-Je vais vous dire un truc.

Elle se pencha et écrasa son mégot sous sa semelle avant de saisir son verre de whiskey. Une gorgée plus tard, elle trouva le courage de poursuivre ce qui serait le plus gros bluff de sa vie.

-Le Clergé avait Vance Hipckens dans le collimateur depuis un moment. J’ai été chargée de son cas. Alors quand il s’est présenté à moi, tout fier, comme étant un officier de la Marine, je suis entrée dans son jeu. C’était mieux de l’éliminer loin des yeux impériaux. Ca fait moins de paperasse, moins de justification.je n’avais pas prévu qu’il me mène jusqu’ici. Et j’ai un peu la rage d’avoir été abandonnée par ma hiérarchie. C’est normal chez les Siths. Il n’y a pas de place pour les faibles, mais c’est pas pour ça que j’ai envie de crever ici. J’aimerais bien me venger de toute cette situation. Il me suffirait d’apporter aux autorités une preuve de la mort et de la culpabilité de Vance, puis..de me venger de ces mêmes autorités en vous fournissant ce qu’il vous faut. On soupçonne rarement une Inquisitrice. Alors que vos contacts impériaux,  peu importe qui ils sont, seront toujours à la merci du Clergé.

Les yeux de Luis étaient brillants de satisfaction, parce qu’il avait vu juste dès le départ. Bien sûr, il s’était épris de Dana et cela pouvait altérer son jugement, mais l’opportunisme et le désir de vengeance étaient les moteurs principaux du train de la trahison et chez Shar, ils paraissaient tourner à plein régime.

-Je vous débarrasse de Vance et je vous accorde des laissez-passer de première catégorie. Vous pourrez être sûrs qu’on ne fouillera jamais vos vaisseaux et qu’on ne contrôlera jamais vos identités.
-Quelles garanties aurais-je qu’une fois de retour dans ta faction…débuta Brilak.
-Dîtes avos contacts impériaux de m’apporter un officier, soldat, fonctionnaire…peu importe de loyal à l’Empire. Je le tuerai sous vos yeux, j’en tuerai autant qu’il le faudrait pour vous prouvez que l’Empire m’importe désormais peu. Seule ma liberté m’intéresse.

Et elle secoua avec agacement le collier qui lui oppressait le cou. Raidun échangea une œillade entendue avec son géniteur. Ce dernier n’avait pas totalement confiance en l’Inquisitrice, mais il devait avouer qu’une protection plus haut-placée encore, qui ne demandait pas de dépenses financières importantes avait de quoi séduire.

-Très bien Luis, je te laisse gérer ça. Après tout, c’est l’occasion de me prouver que ta force et ton discernement sont à la hauteur du successeur que j’attends. Si Vance est déjà soupçonné chez le Clergé, je ne vois pas ce que nos amis d’ici pourraient faire pour lui et il risque de nous attirer des ennuis.

Dana et Luis réapparurent dans l’antichambre où Lloyd attendait. Le visage de la Sith ne souffrait d’aucune émotion bien que son esprit bouillonnait. Elle n’était plus sûre d’avoir le contrôle de la situation, mais c’était la seule carte qu’il leur restait à jouer. Raidun la plaqua soudainement au mur le plus proche et l’embrassa avec une passion débordante, sans doute trop longtemps contenue. Prise de court, elle retint son souffle et résista à l’envie de le repousser. Ce serait tout gâcher. Sitôt le contact rompu, il murmura contre les lèvres charnues de la captive :

-Tu as été parfaite. Bon, Vance (dit-il plus fort en se detournant vers le concerné). Tu as vu Brilak, on peut rentrer maintenant ? J’ai d’autres missions pour toi.

-Ce Brilak avait vraiment une face de Mynock, commenta-t-elle sans une œillade pour Lloyd.


De retour dans sa chambre-prison, elle fixait la porte avec intensité, comme si elle s’apprêtait à voir l’Enfer débarquer. La poignée s’actionna dans un bruit sec et Vance apparut. Elle poussa un discret soupir de soulagement. Luis s’était absenté offrant l’occasion inespérée d’un entretien privé entre Siths. Assise au bord du lit, elle tapota le matelas pour qu’il vienne prendre place près d’elle. Ils devaient être à distance de murmures au cas où les murs aient des oreilles. Elle débuta les hostilités :

-Luis est le foutu rejeton de Brilak. T’es vraiment un incapable d’avoir loupé une information aussi importante. En tous les cas, tu es foutu. J’ai dit que le Clergé te soupçonnait. Luis veut t’éliminer et tu te doutes bien que je me suis empressée de me porter volontaire. Essaie de choper le datapad de cette garce qui te sert de prostituée. Il doit y avoir des noms ou des coordonnées dessus.

Elle marqua une pause pour allumer une cigarette, la dernière de son paquet :

-J’avais des scrupules à coucher avec l’ennemi, mais je vois que t’as pas hésité un instant. Et au passage. Raidun t’as bien enfoncé auprès de son père. La garce a laissé échapper que t’étais fou, ou un truc du genre. Pas stable, quoi. Je ne vois vraiment pas ce que ta relation intime avec elle t’a apporté mise à part des emmerdes et à ta place, je ferai des tests de dépistage. Écoute, j’ai une dernière carte à jouer sur Brilak. Mais j’ai besoin de toi.

Des éclats de voix succédèrent à la réponse de Hope. La porte s’ouvrit à la volée sur Haddal et Jax qui demeurèrent un moment interdits devant le couple si proche, installé au bord du lit.

-Putain. Vance, tu fous quoi, on te cherche partout ?! Lowland a rassemblé des gars ils sont en train d’attaquer le bar. Grouille et fais descendre cette chienne aussi. On sait pas comment les choses vont tourner.

En bas, la situation se dégradait. Lowland avait réussi à regrouper toutes les personnes qui avaient un différent à régler avec le groupe du Belladonne. Haddal poussa Dana à l’abri du comptoir, sans ménagement et délogea un blaster de sa veste pour tirer sur un des adversaires. L’Inquisitrice se redressa un peu pour mieux profiter de l’anarchie ambiante.

-Ca va nous attirer l’armée impériale tout ce grabuge, grogna l’humain aux dreadlocks.

Le camp opposé possédait peu de moyens mais était en sureffectif. Le chaos ravagea bientôt le bar. Tous entendirent la voix de Cassandra hurler de terreur tandis qu’elle se précipitait sur Vance qui se tenait douloureusement le flanc, percuté de plein fouet par un tir ennemi.

-Je viens venger mon fils !

Lowland en personne était apparu, un fusil blaster dernière génération à la main. Il profita d’avoir touché sa cible et de la confusion qui s’ensuivit pour remettre en joue l’hapien. Des flashs insupportables assaillaient la mémoire de Dana. Elle revoyait les Anksalis qui déchaînaient un feu nourri sur Gravlex Med. Elle se souvint de la douleur irradiante du plasma qui brûlait ses chairs. Elle se remémora la mort si proche et elle vit rouge. Haddal n’eut pas le temps de la retenir quand elle s’élança hors de son abri pour foncer sur Lowland qu’elle désarma d’une prise simple, profitant de l’effet de surprise. Afin de venir en aide à son chef, le reste de la troupe la prit pour cible.

-Qu’est-ce que t’attend pour sortir Vance de là, sale garce ? s’écria Dana.
-Je…

Elle leva les mains, connectant ses capacités cognitives à la Force pour déployer une onde de choc qui repoussa ses assaillants. Haddal en élimina quelques-uns et Alop’ vint lui prêter main forte. Après de longues minutes de combats acharnés, il ne resta plus que Lowland, agenouillé au sol. Les rares survivants de son camp avaient pris la fuite. Jax commentait les dégâts matériels impressionnants, tandis que Cass’ avait aidé Lloyd à se traîner dans l’arrière-salle où elle inspectait sa blessure. Had’ se rapprocha de Dana qui toisait l’homme désormais vaincu.

-Alop’, apporte-moi de quoi l’attacher.
-Vous feriez mieux de le tuer, cracha-t-elle avec mépris.
-Toi la ferme. C’est Luis qui décidera de son sort. (Puis il pointa son arme contre la tempe de la prisonnière, méfiant.) Puisque tu es si bien partie pour nous aider, jette tous ces cadavres à la cave.

Il y en avait cinq qui jonchaient le plancher. Et quand elle réussit à tracter le dernier pour le balancer dans les escaliers menant au sous-sol, essoufflée par l’effort intense que demandait de transporter le corps d’un homme mort, Haddal la poussa à son tour et referma la porte derrière elle, verrouillant le tout. Elle se retrouva dans l’obscurité la plus totale et reprit son souffle en s’asseyant sur les dernières marches. Elle passa deux mains tremblantes contre sa figure blême. L’adrénaline qui pulsait dans ses veines lors de chaque bataille retombait désagréablement et elle subissait les contrecoups de son intervention. User de la Force n’était jamais gratuit et son corps lui rappelait le prix à payer à chaque fois qu’elle en faisait trop. L’épuisement la gagna de manière insipide.



-Tu aurais dû laisser Lowland l’achever ! Cela aurait réglé notre problème.

Raidun était hors de lui. Il faisait les cent pas dans la chambre, tandis qu’elle demeurait silencieuse. Il finit par se calmer et se rapprocha d’elle.

-Jax m’a dit que Vance était avec toi avant l’attaque, sur ce lit. Mon lit, au passage. Tu l’as protégé sciemment ?
-J’ai voulu te rendre service, des sauvages étaient en train de ravager ton « charmant » bar, répliqua-t-elle en se massant le dos endolori par le transport de cadavres. J’ai dit que je m’occupais de Vance, ce n’est pas pour qu’un pauvre type s’en charge à ma place.  
-Le seul service que tu me rendras sera d’éliminer Hickpens une bonne fois pour toute. Une fois que ce sera fait, je te retirerai ton collier.

Il glissa une main possessive à la taille de l’Inquisitrice, plongeant son regard brûlant de colère et de désir dans ses yeux à l’éclat d’or.

-N’oublie pas que j’ai tenu parole, je t’ai protégé de Brilak. Tu es à mes côtés désormais.
-Alors dis ça à tes hommes, qu’ils arrêtent de me traiter comme un animal.
-Pas tant que Vance est encore en vie. Tu prendras sa place une fois qu’il sera mort, c’est l’idée du mot « remplaçante », non ?
-Que vas-tu faire de Lowland ?
-Les Impériaux ont besoin d’un coupable pour notre propagande anti-impériale de la dernière fois. Brilak va le leur fournir en la personne de Lowland On a fait en sorte que les preuves l’accablent jusqu’au cou.

Elle ne dit rien et il fit courir ses doigts le long de sa chevelure brune, flattant au passage son faciès féminin encore marqué des hématomes produits par les poings d’Alopseno.

-Dana. Je ne veux plus te voir avec Vance dans cette pièce, c’est clair ? En attendant, les contacts de Brilak ont accepté de nous livrer deux impériaux loyalistes qui les gênaient un peu, tu t’en occuperas comme tu nous l’as promis. Et mon…père sera là pour le voir.

Tout en parlant, il commença à déboutonner nonchalamment le chemisier qu’elle portait.


Lloyd Hope
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- Alors c’est vrai ? Il y avait une rumeur comme quoi ce serait le fils illégitime de Brilak, mais je croyais que c’étaient des conneries.

Lloyd était assis aux côtés de Dana, mais il fixait le sol devant lui, sourcils froncés. Il n’avait rien aimé de ce qui s’était passé la veille au soir, mais il essayait de se maîtriser face aux reproches de cette fichue inquisitrice, Madame Je-sais-mieux-que-tout-le-monde. A la remarque suivante, cependant, il ne put s’empêcher de jeter à Dana un regard offensé.

- Tu m’avais pris pour quoi au juste, un de ces Jedi vierges ? Ça fait partie de ma couverture. Au moins je me laisse pas allumer par des ordures comme une docile putain, moi.

Leur conversation envenimée n’alla pas plus loin. Ils furent interrompus et tout s’enchaîna très vite. A peine se retrouvèrent-ils en bas que l’attaque fit rage et, comme une cerise sur son gâteau merdique qui pourrissait depuis plus de vingt-quatre heures, Lloyd fut la première cible de Lowland. Il plongea derrière le comptoir pour se mettre à couvert, prêt à répondre avec la Force mais heureusement, Dana prit le relais protégeant sa couverture. Juste au-dessus de sa hanche, sa chemise s’était tâchée de sang et il appuya comme il le pouvait sur la plaie, en attendant que le grabuge prît fin, gémissant de douleur.

Quand la bataille fut finie, Alop l’aida à monter les étages, et Cassie prit soin de lui faire un bandage pas très professionnel. Il fut obligé de l’aider, car elle ne savait pas vraiment s’y prendre. Dans la soirée, il n’eut que le temps de voir Dana emmenée brutalement vers la chambre de Raidun avant que quelqu’un referme la porte de sa chambre. Ils ne se reverraient pas avant un long moment.

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-------Lloyd était entré dans la chambre de Cassie en fin d’après-midi le lendemain, un peu avant l’heure où elle aurait dû prendre son service au Belladonne. Il essaya de grimacer un sourire, et dût s’appuyer sur un meuble pour soulager son flanc douloureux. Cassandra était allongée dans un canapé qui devait être plus vieille qu’elle vu son allure, son datapad en main.

- Fais-toi une petite valise, on part en week-end, et tu ne reviendras pas tout de suite. Prend aussi ton datapad et ce genre de trucs, du coup.
- Quoi ?

Cassandra le regarda, éberluée.

- J’ai obtenu un genre de permission, à cause de ma blessure. Et pour toi, j’ai obtenu une protection. Je t’expliquerai un peu plus tard le détail mais… Disons que je suis recherché, et qu’il va falloir que je me cache quelques semaines. Je voudrais que tu viennes avec moi.
- Oh, c’est… Ok.
- J’ai déjà tout arrangé avec Raidun, il sait que tu ne travailleras pas ce soir.

La jeune femme avait l’air heureuse. Jamais Vance ne lui avait intimé vouloir passer autant de temps avec elle. Les premières semaines où ils s’étaient fréquentés, elle avait même cru que quand il partait, elle ne le reverrait pas. Et pourtant il revenait. Mais il était toujours… Froid, distant. Comme s’il n’était pas lui-même. Elle avait désespéré de le voir un jour lui faire une proposition comme celle-ci. Elle fit sa valise avec enthousiasme, et Lloyd l’emmena immédiatement dans un speeder, sans qu’elle eût le temps de parler à qui que ce fût.
Il avait demandé à Raidun sa soirée, en réalité, rien de plus, ainsi que l’emprunt du véhicule. Il roula longuement vers le sud, puis trouva un petit hôtel en bordure d’une voie rapide. Il dit à Cassandra qu’il y avait encore beaucoup de route et que ce serait aussi bien de faire une halte pour la nuit, puisqu’il faisait déjà sombre.

A peine eurent-ils fermé la porte de la chambre derrière eux que Lloyd attrapa la jeune femme pour l’embrasser. La bouche, le cou. Plus bas. Cassandra riait et son rire tintait aux oreilles du hapan comme les cloches d’un Temple Sith annonçaient l’heure du sacrifice. Il s’abandonna contre elle, s’agenouillant en lui ôtant ses vêtements, puis ils basculèrent sur le lit.

Pour la première fois, Lloyd lui fit l’amour. Auparavant, elle avait eu Vance, qui l’avait baisée comme un petit trophée de temps à autre, comme le petit pilote raté qu’il était. Lloyd, lui, n’était que rarement capable d’une telle intimité. Mais cette fois-là, il la prit tendrement malgré sa blessure, longuement, les yeux fermés comme il voyait peut-être un autre visage que celui de l’artorienne dans ses baisers assoiffés de chaleur humaine. Il s’abandonna totalement, pour la première fois depuis des lustres. Comme il n’en était pas normalement capable.
Il savait pourquoi. Il n’y avait qu’une raison pour laquelle il pouvait prendre un tel risque, s’autoriser un tel luxe.

Quelques heures plus tard, pendant la nuit, il était toujours allongé à regarder les ombres dansantes que projetaient les phares des speeders qui passaient sur la voie à quelques pas de leur hôtel. Cassandra était toujours nue, son corps à demi recouvert par un drap, sa tête reposant sur la poitrine de celui qu’elle croyait être son prince charmant venu la tirer de ce monde terrible. Comme il ne s’était jamais montré si expressif dans leurs ébats auparavant, si intensément brûlant, elle avait cru y voir un engagement nouveau, un renouvellement plus profond de leur relation dans laquelle jusque-là, Vance ne s’était jamais vraiment impliqué émotionnellement.
Lloyd lui caressait tendrement les cheveux, les yeux grand ouverts, le visage grave. Il sentait une lassitude rampante s’insinuer en lui, le rattraper inévitablement comme il avait rendu la fin de cette nuit inéluctable. La graine du dépit avait germé et enserrait son cœur dans des griffes macabres.

- Tu ne dors pas, murmura Cassandra. Qu’est-ce qui se passe ?

Lloyd prit une inspiration, sans cesser son geste doux, mais la grimace d’une douleur ancienne s’était formée sur ses traits. Ses doigts couraient dans la chevelure de la jeune femme et s’y emmêlaient parfois.

- Je suis triste, dit-il simplement.
- Pourquoi ?
- Tu as raconté à quelqu’un… Mes épisodes nocturnes. Pourquoi as-tu fait ça, Cassie ? Je t’avais dit de ne rien dire.

Cassandra consentit à relever la tête pour le regarder dans les yeux. Lloyd distinguait à peine ses pupilles brillantes. Elle avait l’air d’avoir compris qu’il ne servait à rien de nier, même s’il avait parlé calmement. Elle soupira et reposa sa tête sur son torse.

- Ça me fout la frousse, Vance.
- C’est surtout dommage, Cassie. Du gâchis, en fait.
- Qu’est-ce que tu racontes ?
- Rien. Serre-moi fort.
- Si tu m’expliquais, aussi…
- Serre-moi fort, s’il te plaît.

Elle accepta, et lui aussi l’enlaça, tout en continuant à lui caresser les cheveux.

- Je… Vance ? Je ne me sens pas bien.
- C’est normal. Shhh… fit-il pour l’apaiser, en déposant un baiser sur son front.

Il absorbait doucement son énergie vitale. Avait-il le choix ? Il était épuisé, et elle avait commis une faute. Non qu’il lui eût fait réellement confiance, de toute façon. Il s’était bien douté de comment cela finirait, dès le début. C’était d’ailleurs pour cela qu’il ne s’était pas impliqué émotionnellement dans leur relation.
Cassandra se mit à suffoquer. Elle essaya de se débattre sans comprendre ce qui lui arrivait, mais ses forces l’avaient déjà complètement quittée. Lloyd la serrait fort en regardant toujours les ombres au plafond, et il garda son étreinte jusqu’à ce que toute vie s’enfuie de sa chair pour rejoindre la sienne.
Il la garda dans ses bras ainsi, à lui caresser les cheveux et le visage, bien après qu’elle fut morte. Tant que son corps était chaud, elle lui apportait un drôle de réconfort, inexplicable.

-------

-------

-------A son retour au Belladonne, Vance expliqua qu’il avait rompu avec Cassandra et que, la pauvre, très contrariée, avait déclaré partir prendre quelques vacances en retournant dans sa famille. D’où son départ avec une valise et ses principaux effets personnels. Tout le monde fut surpris, mais on ne remit pas en doute la version du hapan. Tout le monde savait qu’ils n’étaient pas faits pour rester ensemble ; Vance ne s’était jamais comporté comme un jeune homme transi d’amour. Comme Kota et sa fille Aora avaient accepté de prendre le relais au Belladonne, Raidun décréta simplement qu’elle avait intérêt à ne pas trop traîner dans sa « convalescence ». Raidun avait d’ailleurs été le moins compréhensif. La journée entière, et la suivante, il lui avait sèchement donné des ordres. Même Alop était surpris de l’attitude de son chef. Mais les uns et les autres s’étaient passé le mot que Vance avait été trouvé en compagnie de la prisonnière, et que Raidun avait un faible pour elle, ce qui avait certainement déclenché des hostilités. Tout le monde fut certain que ces histoires de cœur seraient bientôt de l’histoire ancienne.

En attendant, les deux jours qui suivirent, Lloyd ne croisa plus du tout Dana. Il faisait de basses besognes en ville, et quand il rentrait, elle n’était jamais là.

Lorsqu’ils se revirent, ce fut au hangar même où Dana avait été livrée la première fois. C’était un début de soirée. Le ciel était empli de grisaille et ne tarderait pas à s’assombrir complètement. Lloyd montait la garde à l’extérieur avec Alopseno, remuant de sombres pensées. Il revoyait le moment où Raidun avait si fougueusement embrassé Dana et s'indignait de ce qu'elle eût pu lui faire de tels reproches ensuite, alors qu'elle-même n'avait pas semblé avoir envie de repousser Luis. Le souvenir de cette image et celle du corps de Cassandra, froid et blême, tournaient inlassablement dans son esprit pour l'empoisonner lentement.
Quand le cargo-speeder pointa le bout de son pare-choc défoncé dans la propriété industrielle, Lloyd en était toujours là de ces réflexions moroses. Haddal se gara devant eux à la hâte, et fit signe à Vance et Alopseno de le rejoindre lorsqu’il descendit.
Quand Haddal ouvrit en grand les portes arrière, Lloyd vit un groupe de personnes entassées à l’intérieur. Tous des humains. Deux couples et trois enfants. Ils se serraient les uns les autres, transis de froid. Les enfants étaient encore en pyjama.

Ils n’eurent guère besoin de les menacer pour les faire descendre et les conduire au hangar. C’étaient des civils effrayés, et ils obéissaient à la moindre demande des résistants. On les fit entrer dans le hangar et s’aligner le long d’un mur. L’un des gosses chialait bruyamment. Les adultes étaient livides.
Comme Alopseno, Lloyd se posta, armé de son blaster, devant eux, pour les surveiller. Il n’était plus fatigué. L’énergie de Cassandra l’avait revigoré, mais il était désormais animé d’une amertume violente. Il était devenu encore plus taciturne. Les autres mettaient ça sur le compte de la rupture avec Cassandra.

- Le patron devrait pas tarder à arriver, commenta Alopseno au bout d’un moment.
- Qu’est-ce qu’ils ont prévu, au juste ?
- Faire venir l’aristo, pour une petite démonstration, apparemment.

L’aristo ? Brilak, sans nul doute. Lloyd songea que ce serait un bon moment pour se rappeler à lui, mais il n’aurait probablement pas l’occasion de lui parler en privé.

- Et ils avaient besoin de sept personnes pour ça ?

Alopseno haussa les épaules.

- Tu sais moi, les trucs politiques…

Quand même, des enfants. Et qu’on ne vienne pas lui dire que les Sith étaient d’horribles combattants. Il y avait tout aussi vicieux qu’eux partout dans la galaxie.

Le son des portes du hangar les fit se retourner comme un seul homme. Plusieurs silhouettes se découpèrent dans la lumière déclinante du jour, et Lloyd vit Dana accompagnée de Raidun et de Brilak. Plusieurs des subalternes de Raidun les suivaient pour les protéger. L’aristocrate était affublé de gants et de bottes de cavalier, comme s’il était parti faire une chasse à courre. Ce qui finalement n’était pas si loin de la réalité, songea Lloyd.

Dans le hangar, tout le monde s’était tu. On avait refermé les portes. L’un des otages se mit à supplier, mais Alopseno alla lui coller une gifle qui le réduisit au silence de nouveau. Brilak et Raidun s’était approchés, demandant aux autres subalternes de reculer. Seuls eux deux, ainsi qu’Alopseno, Lloyd et Dana, faisaient face aux sept otages tandis que les autres s’étaient écartés, comme pour assister à un macabre spectacle.

- Voilà deux impériaux fort loyaux, expliqua Brilak en se tournant vers Dana, et leur petite famille.

Il n’avait pas eu un regard pour Vance, qu’il avait l’air d’avoir déjà oublié.

- Ces messieurs font des descentes pour le compte du gouvernement impérial d’Artorias pour trouver des objets compromettants. Ils mettent le nez là où on ne le souhaite pas, et ils seront donc punis pour cela.
- Non ! cria une femme en s’agenouillant. S’il vous plaît ! Pas les enfants, laissez-les partir.

Lloyd s’approcha et la frappa d’un geste sec avec la crosse de son blaster pour la faire taire. Elle glapit puis se mit à sangloter en silence. Brilak put reprendre, en se tournant toujours vers Dana.

- J’aimerais que vous nous prouviez votre bonne foi, maintenant, Madame Shar. Et que vous les exécutiez tous les sept, immédiatement.

Raidun dansa d’un pied sur l’autre, nerveux.

- J’aimerais autant qu’elle en finisse avec les huit ce soir, si c’est possible.

Brilak eut un regard dédaigneux pour Raidun.

- Chaque chose en son temps. Un peu de patience, Luis.

Lloyd était retourné à sa place. Une sueur froide s’écoulait dans sa nuque, et il resserra sa main sur son blaster, parfaitement conscient de ce que Raidun signifiait à demi-mot. Les yeux du hapan étaient écarquillés, injectés de sang. Pour une fois qu’il était bien réveillé… Et avec l’amertume terrible qui courait dans ses veines depuis quelques jours, Lloyd n’avait que l’envie de décrocher la tête de Luis de son tronc prétentieux. Mais il se contenta de serrer les dents et de poser son regard assombri sur l’un des gosses qui le suppliait du regard.
Darth Hope
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Dana regrettait son maquillage. Elle détestait son visage aux traits délicats. Les assombrir par des cosmétiques divers lui permettait de garder la face devant ses semblables et de paraître autre chose qu’une jeune femme fragile. Aujourd’hui, les traces d’un œil au beurre noir remplaçaient le khôl ténébreux et un hématome violacé s’étendait là où elle avait l’habitude d’étaler son fard à joues. Ses doigts nouèrent ses cheveux en une tresse déstructurée et elle poussa un vilain soupir. Elle releva son menton pour découvrir des marques plongeant le long de sa gorge et d’autres, du même acabit, sur ses bras pâles. Toutes correspondaient aux empreintes de Raidun.

De temps à autre, quand elle sondait l’immense océan que représentait la Force, elle percutait la présence lointaine de Lloyd. Et ce soubresaut lui indiquait qu’il était toujours en vie et que la mission se poursuivait. Ses lèvres avaient brûlé d’envie de questionner Luis à son sujet, mais elle s’était mordue la langue. Aujourd’hui, elle se demandait ce que Damaya aurait fait. Se serait-elle prostituer pour l’Empire ? Le Côté Obscur lui dictait que la fin justifiait tous les moyens, qu’elle n’était que le vecteur de ses propres ambitions. Un court instant, la magnifique figure de son aînée se superposa à son propre reflet. Hope serait le seul à connaître les sacrifices nécessaires à la réussite de leur objectif, et c’était déjà trop.

La fin justifiait les moyens. Et ces derniers revêtaient l’habit de sept otages dont cinq « innocents ». Le souvenir flottant de Damaya lui remémora néanmoins que personne n’était innocent ici. Les deux cibles principales étaient loyaux aux Siths et à l’Empire que ces derniers avaient fondé. Shar aurait dû les récompenser ou les protéger. Leur mort servirait les intérêts impériaux. Ils n’auraient droit à aucune plaque commémorative, aucun hommage posthume. Leur nom sombrerait dans l’anonymat et l’oubli jusqu’au sein même de leur hiérarchie. Les sanglots étouffés soutenaient l’odeur de la peur et le tout se dissipait dans l’atmosphère du hangar. Ils ne trouvèrent aucun écho dans le cœur de l’Inquisitrice. Elle se contenta de détacher le blaster qui pendait à la hanche de Raidun. Et ce fut une série macabre qui débuta. La mère hurla quand son jeune fils s’effondra, exécuté à bout touchant. La brune passa au suivant. Elle n’éprouvait aucun remord, mais ne ressentait pas de plaisir non plus. Au fur et à mesure que les corps heurtaient sourdement le sol, quittés par la vie, les habits de Dana se souillaient de projections vermeilles. Sa dernière victime planta ses prunelles vertes dans les siennes avant de sentir le canon brûlant se poser contre son front. Dans son dos, l’assistance de fortune était plongée dans un sinistre silence. Aucun de ces résistants, défenseurs autoproclamés de la liberté n’avait esquissé le moindre geste pour sauver les enfants. Elle actionna la gâchette une ultime fois.

Lorsqu’elle se retourna, elle croisa le regard de Lloyd. Il n’y avait rien à dire.

-Impressionnant ton sang-froid.
-Je suis Inquisitrice, souffla-t-elle en allumant une cigarette à l’extérieur du hangar. Ses prunelles visèrent le ciel magnifiquement bleu d’Artorias alors qu’Alopseno et Lloyd creusaient des tombes à la va-vite, à des dizaines de mètres de là.
-Mes contacts seront ravis d’avoir cette épine de moins dans le pied, Madame Shar, conclut Brilak après avoir ajusté ses gants. Ils seront remplacés par des fonctionnaires moins zélés. Et, escortés d’hommes de main, il monta dans un landspeeder flambant neuf. Le bilan ne reluisait pas : elle avait tué inutilement sept personnes, coucher trois fois avec Raidun et elle n’avait toujours pas l’ombre d’un nom.

-Comment comptes-tu procéder pour Vance ? La questionna-t-il d’un ton bas.
-J’ai une condition.
-Quoi ? Eructa-t-il avant de redescendre d’un ton. Ce n’était pas ce qui était prévu.
-C’est ça ou tu trouves quelqu’un d’autre pour te charger de lui. Je doute qu’un de tes gars comprenne une telle demande. Surtout après avoir entendu mes petits gémissements lascifs en provenance de ta chambre deux soirs de suite.
-Quelle est ta condition ? Abdicta-t-il dans un soupir agacé.
-Je veux rencontrer les « amis » de Brilak. Une fois cela fait, je t’apporterai la tête de Vance.
-Qu’est-ce que ca peut te faire ?
-Tu ne les as jamais vus, n’est-ce pas ? Sourit-elle, un air dédaigneux au visage. Ton propre père ne te fait pas assez confiance pour ça ? Il était prêt à les introduire à Vance, mais pas à toi.
-Tu as tout faux, je suis dans toutes les confidences de Brilak, il dîne ce soir avec eux, au Manoir. Mais je suis navré, tu n’es pas invitée. Apporte-moi la tête de Hickpens, et tu recevras un carton d’invitation.

Elle commençait à perdre patience. L’idée de tuer cette cellule de résistance et de prendre les informations par la force lui traversa l’esprit. Mais une confrontation brutale risquerait de mettre en alerte les gros poissons. Elle serra les dents, encaissant la frustration de ce nouvel échec avec difficulté. L’étau se resserrait autour de leur marge de manœuvre. Bientôt ce serait soit la fin de leur couverture, soit l’épuisement de toutes leurs tentatives.



-Si tu veux fuir, il est encore temps.

Elle fumait dans l’arrière-salle du bar. Lloyd était adossé à un mur. L’établissement était étrangement calme. De cette sérénité qui annonçait la tempête à laquelle personne ne pourrait échapper. Elle s’abattrait sur eux avec fracas, mais d’ici là, ils avaient droit à une tranquillité si absolue qu’elle paraissait irréelle. Luis devait réceptionner des marchandises importantes à l’autre bout de la capitale. Il avait réquisitionné tous ces hommes disponibles,, laissant le soin à Vance de veiller sur le Belladone et sa captive. Il ne reviendrait qu’à l’aube et espérait que l’équation Hickpens serait résolue une bonne fois pour toute.

-Je poursuivrai la mission seule, tu te contenteras de faire un rapport. La mission est sacrément compromise. Il veut ta mort. Il veut que ce soit moi qui te la donne. Je pourrais le faire évidemment, quoique…tu serais plutôt du genre coriace. Pas le genre à accepter qu’on pointe un blaster entre ses deux yeux.

Elle s’interrogeait sur les justifications qu’elle sortirait à Runà pour cette mission « si simple », foirée en beauté. Elle imaginait le ton cinglant de son maître lui répéter : « Je t’avais dit de l’éliminer s’il te gênait ».

-Je ne compte pas m’éterniser dans le lit de Raidun, ni sur cette planète.

Ses doigts libres frôlèrent son collier électromagnétique. Il enserrait son cou depuis des jours, traumatisant la chair de sa gorge. Une cicatrise de plus serait à prévoir, plis humiliante encore que les autres. Elle lui remémorait son impuissance et raviverait le feu de sa rage que rien n’apaisait. Elle dévia sa figure marquée par la fatigue et les insomnies vers Lloyd. Des cernes avaient fleuri sous son regard doré, plus violacés à l’endroit ou les phalanges d’Alop' avaient heurté son œil.

-Raidun m’a avoué que Brilak recevait les Impériaux ce soir. J’ai vérifié les paramètres territoriaux du collier quand Luis dormait. Le Manoir est à la limite du déclenchement des impulsions, à quelques chambres près. Ma décision est prise, avec ou sans toi, je me dirige vers le manoir de Brilak dans l’heure qui suit. J’aurais peu de temps. Luis ne tardera pas à se rendre compte de mon absence et de ma fuite dès l’aube. C’est un essai unique.

L’autre solution aurait été de feindre avoir échoué à tuer Vance, mais Raidun aurait tenté jusqu’à y parvenir par divers moyens détournés, ralentissant davantage leur mission. La seule solution, aurait dit Runà, était de tuer Lloyd Hope. De s’en débarrasser pour le bien de l’Empire. Jamais un Sith n’aurait rechigné à tuer l’un des siens pour une ambition supérieure. En d’autres circonstances, Dana se serait jetée corps et âme dans un combat pour lui ôter la vie. Mais cela lui paraissait au-delà de ses forces. A chaque fois qu’elle mettait un pied dans cette direction, elle revoyait L’hapien au cœur du tombeau du Seigneur Dresh. Elle lui devait la vie. Un Sith véritable n’a pas d’honneur, répliquait une Runà fictive au creux de son esprit. L’honneur est un fardeau que l’on délaisse volontiers aux plus faibles. Es-tu faible Dana ?







Lloyd Hope
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Schrok.

Plof.

Schrok.

Plof.


La clé était de ne pas penser, voilà tout. Il venait d’enterrer un môme au crâne perforé qui devait avoir six ou sept ans, tout au plus, et il creusait la tombe de fortune suivante. Ne pas penser. Laisser le cerveau archiver les images, se concentrer sur la tâche à accomplir pour occuper ses mains. Alopseno œuvrait dans le même mutisme que lui.
Ce fut un peu plus long pour les corps des adultes. Ils les prirent et les jetèrent dans les trous à deux. Puis le son des pelles reprit pour refermer les tombes.
Quand ils eurent fini, Lloyd se laissa choir sur un monticule de terre. Ses yeux voguèrent vers le hangar, où ils apercevaient les silhouettes qui se découpaient dans la lumière des phares des véhicules. Il reconnut Raidun s’approcher de Dana pour lui parler de près. Il était trop loin pour entendre leurs voix.

- L’patron fait des drôles de trucs, en ce moment, remarqua Alopseno en s’asseyant à côté de lui.

Le twi’lek avait sorti deux canettes de bière et en tendit une à Lloyd, qui l’accepta de bon cœur. La boisson était dégueulasse, mais il aurait accepté n'importe quoi pour s'engourdir l'esprit. Il l'ouvrit de ses doigts endoloris par le labeur et tâchés de boue.

- En plus, au départ il voulait pas qu’on abîme la prisonnière, et au final il la tringle en lui laissant des traces partout.

La main de Lloyd trembla quand il porta la cannette à sa bouche. Ainsi Raidun était parvenu à ses fins. Il ne l’avait pas su jusqu’ici. Il lui avait bien semblé voir des traces sur le visage de Dana mais dans l’obscurité du hangar et les activités qu’ils venaient d’y conduire, il n’avait pas compris ce dont il s’agissait. Il reporta de nouveau son regard vers la Sith, essayant de comprendre quoique ce fut qui transparaissait de son attitude. Mais il ne pouvait rien déchiffrer, à part qu’elle fumait.

- Et ce soir, ça. Parfois, je m’demande…

La phrase d’Alopseno resta en suspens. Lloyd tourna ses yeux clairs vers lui. Un peu de terre lui maculait le visage, mais c'était bien le cadet de ses soucis.

- Alop, faut pas trop y réfléchir.
- Je sais. Je m’demande si c’est la vie que je veux…
- Alop, personne ne veut de cette vie. C’est juste trop tard, c’est celle qu’on a. Tu devrais…

Lloyd se mordit la langue. Il ne devait pas dériver par là. Il ne devait pas. Il le fit quand même.

- Pourquoi tu emmènerais pas Aora en vacances ? Pour un moment je veux dire.
- Pff, des vacances, pourquoi faire ? Et faudrait prendre la mère avec…
- Ouais, prend Kota aussi et partez tous les trois. A la plage, je sais pas. Loin.

Alopseno le regarda d’un air bizarre. Il n’aurait pas dû dire ça. De toute façon Alop n’écouterait pas son conseil.

-------

-------

-------Adossé contre un mur du bar vide, les bras croisés, Lloyd regardait Dana qui expliquait la situation, assise à quelques pas de lui. Il resta un moment silencieux, à regarder encore les marques sur le visage et le cou de la jeune femme. Il y avait quelque chose de contrariant dans ces couleurs, qui le gênait, mais il n’arriva pas exactement à dire quoi. Il avait la sensation que Dana avait laissé faire, et cela le froissait de ne pas comprendre : Madame l’Inquisitrice farouche, pourquoi avait-elle laissé faire ça ?
Il n’était plus question de ramener sur le tapis leur conversation dans la chambre de Raidun, sur le fait de se donner ou non à l’ennemi. Ils avaient dépassé ce cap.

Au bout d’un moment, Lloyd se passa une main sur le visage pour s’ôter cela de la vue et se forcer à réfléchir. Il lui semblait que sa main sentait encore la terre, alors qu’il s’était lavé. Par automatisme, il contrôla ses ongles pour vérifier qu’il n’y restait ni du sang, ni de cette terre qui avait constitué le tombeau de trois gamins et de leurs parents.

- C’est ridicule. Je ne viens pas de passer deux mois et demi dans ces conditions pour rentrer bredouille.

Lloyd ne vivait pas très bien l’échec, en général. Jamais, même. Il en avait pourtant essuyé un certain nombre. Et il était allé trop loin pour renoncer maintenant. Dana comprendrait certainement. Pour une fois, il pouvait avoir une conversation relativement calme… Et il ne savait pas quoi dire. Il resta un moment-là, à regarder le sol et à l’écouter fumer, espérant qu’une idée germerait dans son esprit pour les tirer de cette impasse. Du coin de l’œil, il perçut le geste de Dana, qui effleurait son collier. Il eut un sursaut de lucidité.

- Attends.

En quelques pas, il avala la distance entre eux. Il ignora son mouvement de surprise quand il tendit les mains vers son cou.

- T’affoles pas, je regarde simplement le modèle dont il s’agit. J’ai été mécano, dans une autre vie.

Il souleva légèrement le collier, se pencha pour en regarder l’intérieur.
Merde. Les traces de Raidun descendaient jusque dans son décolleté. Quelle ordure. Mais n’étaient-ils pas tous deux des monstres du même acabit que Raidun, au fond ?

- Avec un outillage adéquat, je dois pouvoir me débrouiller pour te retirer ça sans dommage, en fait, dit-il sans rien trahir de ses pensées, manipulant précautionneusement l’objet.

Mais comme elle levait les yeux vers lui, Lloyd rencontra son regard cerné et asymétriquement violacé. Putain, ils avaient tous deux l’air de chiens battus. Il soupira et s’assit à côté d’elle.

- Ecoute, dit-il posément. Toi et moi, il y a peut-être une chose sur laquelle on peut se mettre d’accord : on a une sacrée vengeance à leur prendre. Donc je t’accompagne. On va au Manoir, on s’y introduit. On choppe les profils des complices impériaux présents. On bute Brilak. Je t’enlève ce collier avant la fin de la nuit, et ensuite… On va cueillir Raidun.

C’était un gros programme pour une seule nuit. Mais il ne pourrait pas dormir de toute façon, et il doutait que Dana n’eût pas envie de prendre sa revanche sur Raidun en même temps qu’ils accompliraient la mission. Si tout ce joli carnage se passait bien, ils pourraient rentrer au vaisseau demain et dire adieu à Artorias pour un bon bout de temps.

Lloyd la regardait toujours et, en attendant qu’elle se décidât, il prit doucement la cigarette de la main de Dana pour en tirer une taffe à son tour. La dernière.

Quand il écrasa le mégot, tous deux se levaient pour quitter définitivement le Belladonne.

-------

-------

-------Lloyd gara le speeder quelques centaines de mètres avant l’entrée de la propriété, et ils descendirent dans une ruelle désertique à cette heure de la nuit. Après avoir contrôlé les alentours, ils escaladèrent l’un après l’autre les grandes barrières de la propriété, pour atterrir dans le jardin. Être déjà venus une fois était un avantage : ils savaient comment était à peu près disposée la demeure, et il s’agissait désormais de s’y introduire discrètement. Ils en firent le tour en silence, déjouant facilement la vigilance des gardiens grâce à la Force et repérant de l’extérieur les pièces allumées. Un grand salon était illuminé au second étage ; probablement le lieu où le dîner se déroulait, déjà bien avancé. Lloyd avisa un balcon où une fenêtre était entrouverte sur une pièce plongée dans l’obscurité, et fit signe à Dana de le rejoindre.

- On peut s’introduire par là facilement. Je te propose que l’un d’entre nous aille espionner le dîner pour essayer d’identifier toutes les personnes présentes, tandis que l’autre ira fouiller les affaires personnelles, en particulier électroniques, de ce Stanislas Brilak.

Ils se mirent d’accord, et aussitôt débutèrent leur ascension. Un exercice facile pour l’un comme pour l’autre. Ils se séparèrent dans le petit couloir dans lequel ils étaient arrivés. Lloyd se hâta, ouvrant et refermant les pièces une par une jusqu’à trouver enfin ce qu’il cherchait : le bureau de l’aristocrate. Il referma le plus silencieusement possible la porte derrière lui et se mit à fouiller.

Dans un sac, il embarqua un datapad, plusieurs clés de stockage, un comlink. Sur le bureau, il regarda à la hâte si des papiers pouvaient intéresser l’Empire. Des factures, des listes de chiffres, des adresses… Il allait abandonner quand il vit le prénom Lloyd griffonné sur un papier. Il attrapa le feuillet et l’extirpa d’un dossier, sourcils froncés. Les notes avaient été prises à la hâte, comme lorsqu’on relève des informations que l’on nous donne via comlink, par exemple. L’écriture était à peine lisible.

Rechercher un Lloyd dans la famille de Dana Shar. Son père ?

Il relut plusieurs fois la phrase, interloqué, puis retourna la feuille, mais il n’y avait rien d’autre d’écrit. Il se demandait ce que tout cela signifiait quand des éclats de verre provenant d’une pièce voisine le firent sursauter. Alors il fourra le papier dans sa poche et sortit en trombe.

Darth Hope
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Un félin au pelage sombre sauta en feulant aux pieds de Lloyd, depuis un guéridon proche d’où il avait renversé un vase en cristal. Les éclats jonchaient le parquet coûteux, dessinant une rivière scintillante. La créature se mit à ronronner en se frottant aux jambes de l’hapien. C’était visiblement le chat de la domesticité et il s’était rendu compte de l’intrusion d’un inconnu sur son précieux territoire. Il leva sa petite gueule poilue vers l’homme, lui dévoilant ses yeux aussi ronds que des billes dont la couleur jaune éclatait comme depuis un autre monde.


A cette heure avancée de la nuit, le dîner mondain s’était achevé sur un dessert outrageusement délicat et hors de prix, monté de toutes pièces avec des ingrédients que l’on ne trouvait même pas sur le marché noir d’Artorias tant ils avaient disparu de la circulation depuis l’invasion impériale. C’était là tout le paradoxe Brilak. Ce résistant noble n’avait aucune compassion pour la cause chérie par les prolétaires. Oh, comme eux il tenait à la liberté. Tout le monde tenait à sa liberté. Chez Stanilas Brilak, elle signifiait simplement reprendre le pouvoir sur sa planète. Avant l’arrivée des forces siths, il faisait partie de ceux qui décidaient sur ce monde. Et il n’avait pas besoin de payer ou de graisser la patte à qui que ce soit. Et surtout pas à trois étrangers en uniforme sombre comme ceux qui se tenaient dans son salon actuellement.

Dana s’était mise à couvert sous une fenêtre ouverte, dans la cour intérieur du domaine. L’ombre de la nuit la recouvrait d’un manteau obscur et seules ses prunelles dorées la trahissaient dans les ténèbres. La pièce qu’elle espionnait était bâtie de manière à ce que les sons résonnent pour une meilleure expérience lorsqu’il s’agissait d’organiser des bals où la musique devenait reine. Elle reconnut distinctement les voix d’une femme, un peu rouillée par l’âge, sans doute la cinquantaine passée et de deux hommes – plus jeunes, en dehors de celle familière de Brilak.

-Vos petits bonhommes ne chôment pas en ce moment, ricana la femme.
-Je vous ai fourni un coupable, Madame King, répliqua posément Brilak.
-Lieutenant, rectifia-t-elle avec un sérieux froid. Lieutenant King, je vous l’ai déjà répété de nombreuses fois.
-Ce coupable tombe à point nommé, reprit un autre impérial. Beaucoup commencent à se demander ce qu’il se passe sur Artorias. A en faire, nous risquons de nous attirer l’œil du Clergé Sith. Les renseignements nous ont déjà dans le viseur. Quand nous offrons des coupables, nous apaisons la bête…à l’image d’un sacrifice.

L’aristocrate conserva le silence. Durant plusieurs minutes, il n’eût plus que le bruit timide des tintements de glaçons dans les verres d’alcool. Shar fronça les sourcils et grava à jamais le nom de « King » dans son cerveau, au fer rouge.

-J’avais un impérial dans mes rangs. Un petit pilote de frets, à la carrière ratée qui semblait plein d’amertume.
-Oui, je me souviens que vous m’aviez demandé de vérifier son identité, il y a deux mois. Vac Penkins ?
-Vance. Hickpens, Vance. Et vous m’aviez assuré que son identité était exacte.
-Tout à fait. Si je vous l’ai assuré, c’est que c’est vrai. Je ne travaille pas au Collège de la Pureté parce que je suis pur, vous savez. Mais parce que je suis doué pour la paperasse et les actes d’états civils.
-Alors, vous avez sans doute pu trouver qui était Lloyd ?
-Monsieur Brilak. J’ai trouvé des dizaines d’entrées correspondent au nom de Lloyd dans la base de données impériale. Aucun Lloyd Shar. Mais voici une preuve de ma bonne foi.

Elle devina que l’un devait attribuer un datapad à l’autre. Plusieurs minutes de silence. Le vent se leva, frais et mordant. Elle résista à l’envie de se redresser pour analyser la scène et les visages, mais ce serait mettre sa couverture en danger. Enfin, l’échange reprit :

-Lui.

Nouveau blanc. Même le ballotement des glaçons dans le liquide alcoolisé s’était tu. Tous les regards s’étaient posés sur les données affichées par l’appareil.

-Pourquoi lui ?
-C’est le seul hapien. Vous n’avez pas d’holographie à son image ? Tous les autres en ont une.

Les Impériaux s’échangèrent un regard gêné et le « Pur » s’empressa de reprendre le datapad des mains du résistant, agacé.

-S’il n’y a pas d’images, ni de précisions. C’est qu’il doit être un officier important. Evitons de nous attirer l’attention des renseignements siths et de l’Inquisition. Pourquoi vous intéressez soudainement à ce Lloyd.
-Par curiosité.
-Ce n’est pas dans vos habitudes Monsieur Brilak.
-Madame King, Capitaine Vov, Monsieur Prax. Il se fait tard. Pardonnez mes manières, mais la fatigue me gagne. Je vous transférerai les crédits, comme prévu. Merci pour vos charmantes compagnies.

King. Vov. Prax. Tous s’ébrouèrent et elle entendit les pas claquer au sol. Il était temps de bouger. Et surtout, de prévenir Hope. Leur couverture serait brisée si Brilak faisait le rapprochement entre Lloyd Hope et Vance Hickpens. Avant toute chose, elle devait cueillir l’aristocrate et l’éliminer. Dans son dos, transperçant les ténèbres nocturnes, les landspeeders des Impériaux vrombirent pour s’éteindre dans l’horizon. Doucement, elle rasa les murs jusqu’à l’entrée principale. Les miliciens de Brilak fumaient en parlant à voix basse. Elle estima les chances de passer dans leur dos et se faufila discrètement, à pas de félins. Elle fit de son mieux pour passer inaperçue, éviter les domestiques qui officiaient de nuit et gagner le fameux salon.

Brilak s’y trouvait encore. Il sirotait son whiskey avec soin, sifflant le liquide ambré entre ses lèvres froides. Il ne prit pas la peine d’un soubresaut en avisant Dana, qui était apparue aussi élégante qu’une prédatrice, malgré les habits de Luis flottant autour de ses courbes.

-Madame Shar. Plusieurs scénarios me viennent en tête. Je vais privilégier celui où vous êtes ici parce que vous avez suivi Monsieur Hickpens pour l’achever et me protéger.

Il claqua des doigts et des portes dérobées s’ouvrirent sur trois miliciens qui tenaient fermement Lloyd. Ce dernier avait des traces de bagarre sur ses habits et sa figure, légères mais assez visibles. Elle fut saisie d’incompréhension une courte seconde. Il aurait pu venir à bout de ses assaillants, pourquoi s’être laissé faire ? La réponse lui échappait, autant qu’elle avait échappé à Hope lorsqu’il s’était agi de comprendre pourquoi Dana avait laissé Luis faire. Elle cligna des yeux et se reconnecta avec la réalité, car on lui avait amené Hipckens. La figure familière du blond se tenait à quelques centimètres de la sienne.

-Vous n’avez qu’à prendre le blaster d’un de mes hommes et exécuter ce gêneur.

Shar déglutit avec difficulté. La pilule s’avérait pénible à avaler. Elle s’empara de l’arme, les mains fébriles et tremblantes. Plus imprécises encore qu’elles ne l’eussent été quand il avait fallu assassiner de sang-froid sept innocents. Elle leva mollement le canon vers la poitrine du hapan, le souffle court. Deux minutes s’écoulèrent durant lesquelles rien ne se produisit, si ce n’était un silence tendu.

Bam.

Le blaster retomba à terre, glissant des paumes de l’Inquisitrice. Elle sursauta et souffla pauvrement à Lloyd.

« -Embrasse-moi. »

C’était le signal. Il devait déguerpir. Mais elle se jeta sur lui et pressa la charnure de ses lèvres contre la bouche de son acolyte à la surprise générale de tous. Elle dévia son baiser jusqu’à son oreille, faisant courir son souffle tiède contre la mâchoire du blond et murmura : « King. Vov. Prax ». Elle n’eût pas le temps de dire autre chose. Sa respiration tout entière fut brisée par l’impulsion douloureuse qui émana du collier. Les miliciens firent reculer leur prise alors que l’Inquisitrice s’effondrait au sol. Brilak brandissait les commandes de l’instrument de torture avec nonchalance.

-Luis m’a dit que cela pourrait servir durant son absence. Emmenez Monsieur Hipckens dans les prisons du sous-sol. Je m’occuperai de lui plus tard.

A terre, Dana avait perdu connaissance. Les yeux clos, l’expiration précaire, elle semblait plus humaine et vulnérable. Brilak sortit un carré de soie de sa poche, le secoua pour le déplier et ramassa le blaster abandonné au sol pour le rendre à l’un de ses gardes.

Lloyd Hope
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Lloyd écarquilla les yeux quand il sentit les lèvres de Dana contre les siennes.

Mais.

Qu’est-ce.

Qu’elle.

Fout.

??!


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-------On rembobine. Lorsque Lloyd sortit du bureau de Brilak, il tomba sur ce fichu chat qui l’avait alerté. Il baissa les yeux sur l’animal, lâchant un juron, et alors qu’il allait s’enfuir par le chemin dont il venait, il sentit une brusque piqûre dans son cou. Il s’arrêta net. La douleur était glaciale et aiguë et lorsqu’il porta sa main à sa nuque, il sentit la fléchette qui s’était plantée dans sa peau. Il l’arracha sans réfléchir en se retournant.

Le monde vacilla autour de lui. Il n’eut pas besoin de regarder la fléchette pour deviner qu’il s’agissait d’une seringue, et les effets du paralysant avait déjà commencé à agir. Des silhouettes vêtues de noir envahirent son champ de vision tandis qu’il essayait de s’appuyer contre le mur pour ne pas chuter. Il essaya d’extirper son blaster de son holster mais une main le saisit par le poignet et il fut obligé de lâcher l’arme. Il s’en suivit une pathétique lutte, durant laquelle il se débattit, tâcha de rendre des coups. Sans succès, car il était devenu trop lent. C’était comme si ses membres refusaient de lui répondre correctement.
Après qu’il se fut écroulé au sol, il assista, dépité, à sa neutralisation. On lui passa des menottes, on lui remit un coup pour la forme, on le releva. Il essaya de parler mais il ne sortit de sa gorge que des gémissements plaintifs. On le traîna dans une autre pièce, où on lui intima le silence. Lloyd cherchait à faire appel à la Force, mais le paralysant l’avait rendu trop faible.

L’instant suivant, on le poussait au milieu d’une autre pièce, et au moment où il vit Dana, il comprit que leur petite opération avait complètement tourné au vinaigre. Il essaya de lui dire avec le regard qu’il n’avait pas abandonné, qu’ils trouveraient une solution, mais il était obligé de rester concentré pour ne pas s’effondrer. De plus les gorilles qui le tenaient lui serraient si forts les bras dans son dos que sa posture n’était pas particulièrement agréable.

Il ne manquait plus que le canon d’un blaster pointé sur lui pour qu’il se sentît au comble de son aventure. Ce qui fût fait l’instant suivant.

Le regard de Lloyd changea. Il était devenu neutre, et pourtant planté dans les yeux de Dana. Il chercha que dire. Il n’y avait toujours rien à dire.

Ne tire pas. S’il te plaît ?

Elle avait pourtant tout intérêt à le faire. A la place, elle lâcha l’arme et l’embrassa. Il écarquillait donc les yeux, ahuri. L’instant suivant, elle lui délivrait un message, qu’il ne comprit pas sur l’instant mais que, par automatisme de sa formation, il se répéta pour ne pas l’oublier.

King. Vov. Prax.

Il voulut la rattraper quand elle s’effondra, mais ce fut impossible. Ses menottes, les gorilles qui le tenaient. Il essaya de parler mais le paralysant faisait toujours effet. Et ils n’avaient pas prévu une phrase code pour « t’inquiète, tiens bon ».

Il reçut un coup de crosse à l’arrière du crâne et l’image de Dana inerte fut remplacée par un opaque voile sombre.

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------- King. Vov. Prax.

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------- King. Vov. Prax.

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-------- Haa !

La douleur lancinante sur sa pommette lui arracha un cri qui le tira brutalement de l’obscurité. Tout tournoyait. Un autre coup s’abattit près de son oreille. Il sentit la douleur sur ses poignets, toujours enserrés dans le métal, et les barreaux d’une chaise qui lui labouraient le dos depuis probablement un bon bout de temps.

- Ça y est, réveillé ? gueula une voix qu’il connaissait.

Ses yeux s’habituèrent à la luminosité vive de l’endroit. Des néons au plafond. Il redressa sa tête, devenue lourde et douloureuse, pour faire face à un Raidun qui le regardait de beaucoup trop près. L’humain avait les yeux exorbités et le cou rougi par la colère qui l’animait.

- Alors, tu vas me dire la vérité, Vance ! Tu l’as baisée avant moi hein ?

La voix de Luis lui paraissait insupportable. Elle grésillait dans ses oreilles comme si ses tympans n’avaient rien entendu depuis des années. Il ne se donna pas la peine de répondre. Il sentit un relent d’alcool. Du whisky. Il reçut une gifle.

- Ou plutôt devrais-je dire : Lloyd.

Lloyd déglutit. Il y avait dans sa bouche un goût de métal. Son propre sang, à n’en pas douter. Ses yeux parvinrent à faire la mise au point et se fixer sur Raidun. Il réussit enfin à articuler.

- Ça t’emmerde de passer après moi, hein ?

Mauvaise réponse. Il avait pris un coup de poing. Il n’aurait pas dû le provoquer, mais le souvenir des marques dans le cou de Dana s’était imposé à lui quand il avait vu le visage de Luis. Ça, et les trois mots : King. Vov. Prax.

- En plus, j’ai pas eu besoin de la forcer, moi. C’pas comparable, comme expérience.

Deuxième mauvaise réponse. Il fallait vraiment qu’il change de stratégie.

- Tu es qu’un putain de traître ! Et il paraît que tu vaux cher, cria Raidun, dont la voix était un peu plus aiguë que d’habitude. Mais je sais pas si je vais te laisser vivre pour récupérer les bénéfices. Mon père – il leva un index vers le plafond – va faire de toi un symbole, dès qu’on en saura plus.

Ils étaient donc au sous-sol du manoir, en déduisit Lloyd. Il y avait des fenêtres rectangulaires en hauteur, proches du plafond. Une porte métallique était la seule issue. Derrière Raidun, des outils. C’était un atelier. De petits engins électriques, des bidons. Une gifle, l’obscurité. Mais il rouvrit les yeux. Des seaux, un balai, une hache, des ampoules. Une hache ? Non, trop lourd. Et Luis ne devait pas mourir tout de suite. Il fallait le garder pour Dana.
Une boîte à outils. Ah ! Exactement ce qu’il cherchait pour s’occuper du collier de Dana.

- Allez dis-moi un peu qui tu es, qu’on gagne du t…

Raidun ne termina pas sa phrase, percuté de plein fouet à l’arrière du crâne par la mallette métallique, qui l’emmena dans sa course. Il y eut le bruit d’un corps qui s’effondre, inerte. Après quoi, un silence absolu revint. Les oreilles de Lloyd en furent immédiatement soulagées.

- Ouais, ta gueule un peu.

Et merci Cassandra pour le surplus d’énergie.

Les bras toujours liés dans le dos, Lloyd se leva, réussissant à quitter la chaise, mais un vertige désagréable s’empara de lui. Combien de temps avant que Luis ne reprît connaissance ? Combien de temps avant que quelqu’un ne vînt vérifier que tout allait bien ? Y avait-il quelqu’un qui gardait cette porte ? Pas de trop près en tout cas : le bruit de la caisse aurait attiré quelqu’un à l’intérieur. Mais il ne fallait pas rêver, il serait intercepté très vite s’il commettait la même erreur qu’un peu plus tôt. La porte pourtant n’était pas verrouillée : il voyait le cadenas ouvert. Y avait-il la clé de l’autre côté ? A quoi servait une clé quand on avait tous ces outils à disposition ? D’ailleurs à quoi bon utiliser une porte ?

Lloyd se laissa choir à même le sol, où il entreprit la manœuvre fort peu élégante mais bien pratique de faire passer ses menottes sous son postérieur, puis sous ses jambes, pour avoir les bras liés à l’avant. Sa blessure au-dessus de sa hanche se réveilla à son bon souvenir, le tançant de faire pareil contorsionnisme, mais l’important était qu’il avait réussi, et qu’il pouvait se relever avec les mains devant lui.
Là, malgré les nausées, il se sentait en mesure de faire quelque chose.

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-------Pendant ce temps, deux hommes de main de Brilak versèrent le corps de Dana dans le coffre d’un speeder de luxe. C’était un long véhicule aux vitres teintées, du genre à avoir un compartiment privé à l’arrière, séparé du chauffeur par une vitre teintée et même un petit réfrigérateur avec des boissons à côté de la banquette en cuir.
Dana était ligotée, et le collier toujours actif à son cou. Comme s’il venait vérifier qu’un travail fut bien fait, Brilak se pencha au-dessus du coffre avec une torche.

- Mon fils vient d’arriver, Madame Shar.

Il s’exprimait comme s’il était dans un salon de thé.

- Il est descendu s’occuper de votre petit ami. Quant à moi, je dois préparer quelques affaires, puis nous partirons.

Il montra la télécommande qu’il avait en main.

- Je vais garder ceci avec moi. Si j’entends le moindre bruit. J’appuie. C’est compris ?

Il n’attendit pas la réponse, et le coffre se referma, plongeant Dana dans l’obscurité. Le véhicule ne démarra qu’environ une demi-heure plus tard. En trombe. Comme s’il avait le Clergé Sith aux trousses.

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-------Le speeder de luxe s'arrêta sur une corniche au bord d’une falaise. La nuit était très avancée. C’était presque l’aube. Une légère lumière apparaissait derrière des montagnes lointaines, dont la falaise offrait un point de vue magnifique. En contre-bas, à une quarantaine de mètres environ, un fleuve traversé par un courant violent léchait avidement la pierre, et filait comme un serpent pour s’enfoncer dans l’arrière-pays de la capitale d’Artorias.

En ouvrant lui-même le coffre, Brilak tremblait. Il était pâle. Quelque chose n’avait visiblement pas tourné comme il l’espérait. Sans ménagement, avec une force qui était étonnante vu son âge – mais l’adrénaline faisait des miracles – il arracha Dana du coffre pour la jeter par terre. Tandis qu’il s’exécutait, un autre véhicule, plus utilitaire, se gara derrière le speeder de luxe. Il en sortit deux de ses miliciens. Ils accoururent pour aider l’aristocrate à déplacer Dana pour la pousser jusqu’au bord de la falaise et la mettre à genoux.

- Ils l’ont retrouvé ? demandait Brilak, agité d’un tic nerveux.
- Non, monsieur. Pas encore. Il s’est peut-être tout simplement enfui.
- Et mon fils ?
- Non plus.
- Tant pis. Débarrassez-moi d’elle au plus vite, qu’on ne retrouve pas le corps.

Brilak tourna les talons en criant à son chauffeur, qui n’était pas sorti du véhicule, de prendre la direction de l’astroport.

L’un des deux miliciens retourna vers l’utilitaire. Il eut le temps d’ouvrir la portière, de tirer un blaster de la boîte à gants, et de revenir vers Dana avant que le speeder de luxe, à côté, ne démarrât enfin. Mais si le moteur tournait, le véhicule n’avançait pas. Peut être que derrière ces vitres teintées, Brilak voulait voir le spectacle de la mort de Dana.

Quand le gorille donna le blaster à son collègue, la speeder s’était enfin mis en marche, faisant une manœuvre pour se positionner dans le sens du départ.

Au moment où le milicien leva le blaster dans la direction de la tête de Dana, le speeder recula brutalement. Il faucha les deux hommes qui n'eurent le temps que d'essayer de ne pas tomber à la renverse, pris par surprise. En vain. Les deux basculèrent dans le vide en hurlant, à moins d’un mètre de Dana qui pouvait certainement sentir la chaleur des propulseurs de l'appareil.

A l’avant, la vitre du chauffeur se baissa lentement. Un visage contusionné apparut. Il avait du sang sur le nez, sur la bouche et dans les cheveux, mais ses yeux d'un vert étincelant se distinguaient nettement tandis qu'il se penchait pour vérifier que Dana était toujours là.

- Je crois que c’est la deuxième fois que je te sauve la mise, madame l’Inquisitrice.

A l’arrière, le corps de Brilak gisait, un tournevis planté dans la gorge, les yeux ahuris encore grand ouverts, comme il venait de découvrir l’identité réelle de son chauffeur.
Darth Hope
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On disait souvent que la fin de toute chose marquait le commencement d’un autre. Une étoile, quelque part, implosait sous le poids de ses milliards d’années et une nouvelle vie se répandait à travers l’univers, de nouveaux systèmes se créaient. Le visage endolori battu par les vents mordants des hauteurs, Dana réfléchissait. Elle s’interrogeait sur ce que son corps fracassé, ballottant au gré des courants d’un fleuve indifférent, pourrait apporter comme renouveau. Progressivement, elle fut gagnée par la lassitude. La lassitude du combat. La lassitude que provoquait toutes les contrariétés de son existence. Pourtant, ses yeux brillaient encore de l’éclat de la rage. Leur couleur dorée se déversa sur l’horizon artorien comme un tsunami silencieux dévastait des terres innocentes. Si cela n’avait tenu qu’à son unique volonté : Artorias sombrerait sous des flammes destructrices. A ses côtés, la chaleur irradiante des propulseurs d’un landspeeder dont les réacteurs ronronnaient.

- Je crois que c’est la deuxième fois que je te sauve la mise, madame l’Inquisitrice.

Toujours agenouillée, elle se détourna vers le conducteur. Entre deux mèches de jais frondeuses et malmenées par une bourrasque soudaine, elle admirait Lloyd. Deux fois de trop.



-Je t’avais dit que la mission passait avant tout.

Evidemment, il aurait été surprenant d’entendre un merci franchir les lèvres pincées de l’Inquisitrice à la mauvaise foi perpétuelle. Si elle avait appliqué cette consigne sévère, elle l’aurait tué. Sans attendre de réponse, elle coula sur le siège passager et coinça une cigarra entre ses lippes. Un coup de briquet plus tard, et elle se remettait de ses émotions. A travers la vitre du véhicule, elle observait la silhouette du manoir des Brilak. Les doigts impatients de Lloyd pianotaient sur les commandes de pilotage dans un bruit régulier qui l’agaça. Elle avisa les poignets liés de son acolyte.

-On finit par s’y habituer tu sais. J’espère que ce n’est pas trop serré, souffla-t-elle dans un rictus amusé avant de descendre.


Dana remonta l’allée impeccable du domaine, fumant sa cigarette. Elle avait l’impression d’avoir repris le contrôle, malgré cette douleur persistante à la gorge dès que son collier raclait sa peau. Il n’y avait plus de prisonnière, plus de mission d’infiltration.

King. Vov. Prax.

Leurs noms avaient marqué le début de la fin de cette mission.

-Eh, arrête-toi ! hurla un milicien.

Elle tendit le bras d’un geste sec et il fut propulsé brutalement dans la végétation alentours. Elle savoura l’ascension de la moindre marche avant de pénétrer le bâtiment, comme on foulait d’un pied victorieux le sol d’un territoire conquis. Un félin l’accueillit, miaulant contre ses jambes, le dos rond. Elle se pencha pour lui prodiguer une caresse tendre. Sa peau courut contre le pelage sombre et son sourire s’agrandit. L’animal se mit à ronronner gravement et se montra irritable quand elle arrêta ses cajoleries pour poursuivre son chemin. Le talon de ses bottines claquait sourdement contre les revêtements luxueux des différentes pièces : planchers, carrelages, marbre. Dans l’ombre des meubles et derrière les portes à moitié entrouverte, elle sentait la peur des domestiques terrés. Cette peur creusait en eux un gouffre sans fond d’où s’échappaient angoisses et incertitudes. Les gens de la domesticité avaient l’impression que la nuit était tombée sur le manoir.



-Je t’attendais.

Il était assis derrière le bureau de son défunt géniteur et s’arrogeait le droit d’une cigarette. Raidun n’avait pas l’air en forme ce qui la contraria immédiatement. Elle n’était pas venue pour achever une bête à terre, mais pour savourer sa vengeance. L’image de Damaya percuta son esprit. Elle semblait lui sourire et approuver. Le petit chef du réseau avait une blessure apparente à l’arrière du crâne où ses cheveux clairs s’entremêlaient dans une plaie sanglante.

-Je t’avais dit que je te briserai le cœur.

Il porta sur elle un regard vide, malgré la colère qui le nourrissait. Même vaincu, jeté dans les affres de l’humiliation et de la fin, il demeurait bel homme.

-Tu as tout gâché, dit-il d’une voix secouée par la déception et la rage. Nous aurions pu reconquérir Artorias ensemble et y régner. Tous les deux libres.

Elle poussa un soupir.

-Tu aurais fait un très bon Sith.

Ce n’était ni un compliment, ni une insulte. Juste un fait. Luis brûlait de passion que ce fut pour elle, pour ce monde, pour sa propre liberté, pour le pouvoir. Si les midi-chloriens avaient été en suffisance, sans doute aurait-il été corrompus par ses propres désirs, ses propres émois jusqu’à embrasser l’Obscurité. C’était ce genre d’homme. Il combattait désespérément ce qu’il deviendrait, sans savoir qu’il menait un combat contre lui-même et que cela le tuerait. Quelque part, elle lui jalousait cette passion qu’elle avait toujours refoulé au plus profond d’elle.

-Vance n’est pas avec toi ? Je pensais que vous étiez inséparables, ricana-t-il.

Et la porte du bureau grinça pour lui offrir sa réponse. Lloyd émergea.

-Tu aimes la nouvelle tête au carré que je lui ai fait ? Réglons nos comptes tous les trois. Quel genre de petit fils de pute tu es Vance ? Ou Lloyd. Non, attends.

Un court silence s’installa et il reprit après avoir fixé le plafond.

-Tu sais pourquoi tu t’es retrouvé au sous-sol, à manger mes claques, petit con ? C’est elle qui t’a vendu.

Elle eut un soubresaut, s’avouant prise de court. Ce qui allait suivre était prévisible.

-Elle n’a que ton nom à la bouche quand elle dort. D’ailleurs, c’était pareil quand je la trin….

Sa rencontre brutale avec un mur abrégea son discours. La main de Dana tremblait alors qu’elle la tendait vers Luis, les traits crispés de colère. Elle était submergée par la Force et par la rage. Il tenta de se redresser et elle usa à nouveau de la télékinésie pour le cogner contre le mur. Le coup fut si violent qu’un tableau se décrocha de son support pour se briser à terre où Raidun fut pris d’une brève quinte de toux. Elle dévia sa main et attira dans sa paume un tisonnier qui dormait près de la cheminée. Elle n’était plus capable de discernement sous cette haine oppressante. Elle aurait attaqué la moindre voix, le moindre son, allié ou ennemi. Un ressentiment gagnait sa poitrine. C’était un cocktail écœurant de chagrin, de détresse, de colère. Elle gifla l’humain et se plaça à califourchon au-dessus de lui. Pourquoi avait-il fallu qu’il lui remémore ces instants ? Ahuri, il la fixait dans les yeux, n’essayait même pas de se défendre. Il puisa dans ce qu’il lui restait de capacités cognitives et de force pour parler :

-Même comme ça, tu es belle, Dana.




Le sang.

Ce fut d’abord une goutte qui parut être en suspensions près du visage de la Sith. Puis une autre lui succéda, projetée dans l’air au ralenti. Bientôt, toutes ces gouttes formèrent un ruisseau dont la source pulsait faiblement au bout d’un tisonnier planté dans une gorge. Ce n’était pas propre. Avait-elle seulement souhaité que ce le soit ? Raidun agonisait. Elle aurait pu lui porter un autre coup, abréger ses souffrances, mais cela aurait été un acte de tendresse et de clémence. La tête lui tourna lorsqu’elle se releva, maculée d’hémoglobine. Le fils meurt comme le père. Sa figure souillée se détourna vers Lloyd. Ils étaient des Siths, des rejetons obscurs de la Force. Et pourtant, ils tuaient comme des bêtes primitives.



-C’est vrai.

Elle parlait tout en se démenant pour retirer les menottes de Lloyd. Ils étaient tous les deux assis à même le sol, comme si le temps s’était arrêté. Comme si les autorités ne viendraient pas, alertés par les domestiques terrifiés. La boîte à outils était ouverte et renversée près d’eux.

-Ce qu’il a dit, c’est vrai. C’est moi qui ai fait foirer notre couverture, assuma-t-elle. Si je n’avais pas laissé échapper ton nom.

Clac. Clac. Les liens du hapien furent détachés, brisés.

-C’est comme ça., trancha-t-elle sans aucune émotion dans la voix.

C’est comme ça. Il n’y avait rien d’autre à dire.






Lloyd Hope
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Entre deux filets de sang séchés, les yeux de Lloyd fixaient Dana, incrédules. Comment avait-elle pu faire une erreur si grossière ? Dana était jeune, mais ce n’était pas une débutante.

Il songea à lui reprocher vertement d’avoir grillé sa couverture. Après tout, tout fonctionnait parfaitement bien avant qu’elle n’arrive. En quinze jours de temps, tout avait été foutu par terre. Mais cela ne changerait rien à ce qui s’était passé. Et puis, il était fatigué.

Ses mains libérées, il se massa les poignets, silencieux, sourcils froncés. Dana avait les vêtements et le visage tâché de sang. Le petit matin déversait une lumière blanche qui faisait briller l’hémoglobine encore fraîche.

- On va mettre ça sur le compte des coups que t’as pris.

Beaucoup trop fatigué pour nourrir encore de la colère et de l’amertume. Cela viendrait peut-être plus tard. Pour le reste, Raidun avait certainement affabulé pour se rendre intéressant.
Lloyd passa ses mains sur son visage. Il avait mal partout. En se relevant, il chancela, plongeant une main dans sa poche. Il fut obligé de se retenir à une commode sur laquelle un bibelot chancela sous le choc.
Dans sa poche, il sentit le petit papier plié, sur lequel les mots « Rechercher un Lloyd dans la famille de Dana Shar. Son père ? » prenaient un sens biscornu. Mais ce n’était pas cela qu’il cherchait. Il sortit un petit sachet blanc. De la racine vinsha, contre la douleur. Il déchira le coin du sachet, et avala la moitié de celui-ci avec une grimace.

Puis il regarda Dana, le sachet toujours en main, dont l’autre moitié était intacte.

- Toujours pas tentée ?

--------

--------

--------Lloyd et Dana ne s’inquiétèrent plus d’être repérés. Ils avaient libéré la banquette arrière du corps de Brilak, et reprit le beau speeder aux vitres teintées pour se rendre à l’astroport. Là, ils traversèrent la foule en marchant côte à côte, couverts de sang ; personne n’osa intercepter pareil duo, qui semblait savoir où il allait malgré la fatigue.

Mumkin les accueillit avec des yeux ronds comme des soucoupes, et il n’osa poser la moindre question. A peine les moteurs de la navette se mirent-ils à ronronner, une fois à l’intérieur, que Lloyd sentit enfin un soulagement le gagner. Il rejoignit sa cabine en claudiquant, et se força à rédiger à la va-vite un bref rapport de fin de mission. Il y avait mis tous les noms qu’ils avaient découvert, de la petite bande jusqu’aux impériaux impliqués. Une autre équipe de l’Inquisition viendrait faire le ménage à partir de ses renseignements. Plusieurs fois, il effaça le nom d’Alopseno, puis le remit. Finalement il écrivit qu’Alopseno était mort, comme Cassandra. Il se passa les mains sur le visage. C’était la pire mission depuis des années.

Quand il eut fini ce bref inventaire, il se déshabilla et se traîna dans la cabine de douche. Il fit longtemps couler l’eau pour rincer le sang, la poussière, et les mauvais souvenirs. Il voulait tout oublier de cette mission, et il frottait sa peau brutalement, comme pour en arracher toutes les atrocités dont elle avait pu s’imprégner. Comme si sa peau était contaminée. Partout.

Tout oublier, se répétait-il, et l’eau qui coulait à ses pieds était rouge du sang qu’il avait accumulé ces dernières heures. Oublier les casquettes Aarona Klova, le fils Lowland et son trou noir entre les deux yeux, la défaite devant Brilak.

Tout oublier. Le baiser de Raidun et Dana, le cadavre de Cassie dans ses bras, l’exécution sommaire des otages.

Tout oublier. Les corps des enfants dans la terre, son lien tacite avec Alopseno, les traces violacées sur le corps de Dana.

Tout oublier. Cette bagarre ridicule dans le manoir, la douleur sous les coups de Raidun dans la cave, le tournevis planté dans la gorge de Brilak.

Tout oublier. Sauf…

Sauf peut-être les lèvres de Dana contre les siennes.



[à suivre…]
Darth Hope
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La vinsha lui fit du bien. Il endormit les plaies flottant à la surface de son corps. Elles ne devinrent plus que des tâches colorées formant une peinture abstraite sur la toile qu’était son derme. Les néons grésillaient au-dessus du miroir de sa cabine. Elle était nue. Ses cheveux humides dégorgeaient encore de l’eau tiède qui avait laborieusement effacé les vestiges l’hémoglobine et des larmes qu’elle n’avouerait jamais. Le sang dilué de Luis Raidun circulait désormais dans les canalisations de l’appareil, prêt à être éliminer. Il se mélangeait à celui de Dana et de Lloyd comme si, même mort, il souhaitait les empêcher de se réunir. La racine médicinale n’apaisa pas les blessures plus profondes ; celles qu’elle porterait tout le long de son existence. Un tiroir de plus avait émergé dans sa mémoire et il se remplissait lentement des visages du réseau artorien. Une fois plein et refermé, elle ouvrit celui de Lloyd, poussiéreux, laissé à l’abandon depuis des années malgré ses grincements permanents. Elle n’y déposa qu’une seule chose.

Elle passa les quarante huit prochaines heures à dormir ou somnoler. Son métabolisme, trop souvent sollicité au cours de ces quinze derniers jours, criait grâce. Elle ne quitta pas la couchette. Elle ne mangea pas. Elle ne fuma pas. Elle buvait un peu d’eau fraîche. Le lit ne possédait aucun confort mais ses draps et sa couverture chaudes lui apportèrent une relative consolation.



















Bam.

La passerelle du vaisseau de Hope cogna sans ménagement le sol du hangar à chasseurs. La figure désolément crispée de Mumkim fit office de « Oups et de pardon » en même temps. Shar émerge de l’appareil pour faire face à son petit comité d’accueil dont les yeux se braquèrent immédiatement sur sa gorge écharpée. Elle descendit la rampe et un soldat se dépêcha de lui tendre sa pique-laser. Il ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil nerveux aux habits masculins qu’elle portait, trop grands et colorés de sangs. Ces derniers avaient séché, mais ils demeuraient impeccablement bruns. Ses doigts s’ourlèrent autour de la garde de son sabre.

-Bon retour, Inquisitrice Shar, sonna la voix du Capitaine Chaos dans les canaux de communication.
-Trop aimable, grogna-t-elle en se dirigeant vers les entrailles du Croiseur, sans un regard en arrière.




Un soupir trahit sa lassitude lorsqu’elle découvrit la silhouette de Darth Runà assise sur son lit. Elle qui s’était fait une joie de retrouver ses quartiers propres et confortables sur le Lightbreaker venait de déchanter. Sans une salutation, elle commença à se dévêtir. La Miraluka pencha la tête sur le côté, esquissant un sourire fugace qui trahit à la fois son amusement et son incompréhension.

-Bonjour.

Rien.

Le silence.

-Bonjour, insista-t-elle.
-Bonjour, lâcha illico Dana avec colère.
-Je te félicite.
-C’est rare.
-Que tu mènes à bien une mission, oui.

Elle avait tendu la perche, après tout. L’Inquisitrice se drapa d’une robe brune au bustier de cuir souple et se pencha pour plonger ses jambes galbées dans des cuissardes hautes. Runà contempla la chevelure soyeuse de sa protégée glisser jusqu’au sol durant le mouvement.

-Je suis certaine que tu t’es bien amusée, fit-elle sur un ton si enjoué, qu’il glaça les sangs de Dana.
-On peut dire ça. Torture, humiliation, combats, viol, exécution. Le cocktail parfait.
-Tu manques de passion, lui répéta son Maître. J’espère que cette aventure t’en aura fait prendre conscience. Ton corps, ton esprit, ce ne sont que des instruments. Tu dois apprendre à t’en affranchir. Seule perdure la Force. Seul perdure l’Obscurité. Intouchable.
-Vous êtes venue me sermonner ? questionna-t-elle les dents serrées d’amertume. Parce que si c’est le cas, je vais vous indiquer la sortie.

-Pas que. L’objectif de la mission est atteint. Nous passerons sous silence la mort de deux loyaux impériaux et de leur famille.

Elle s’apprêtait à répliquer, mais Runà leva une main preste et agacée.

-Officiellement, c’est un résistant qui a appuyé sur la gâchette. Je venais te voir à propos de ça.

La Miraluka tendit un datapad à son apprentie. Les prunelles de cette dernière en déchiffrèrent les données avec froideur.

-Et ?
-Je voulais que la décision te revienne.
-Tout ce voyage pour me tester, encore ?! Après tout ce que j’ai accompli sur Artorias, tous les sacrifices.
-Je veux une réponse.
-Oui. C’est oui. Exécutez-le, comme les autres, trancha-t-elle.

La Darth se releva avec élégance. Le froissement délicat de sa robe immaculée parvint aux oreilles de l’Inquisitrice comme un avertissement. Runà était la rare Sith à se vêtir de blanc, mais cela lui allait parfaitement. Ce blanc tranchait avec le rougeoiement de ses cheveux. Elle ressemblait davantage à une prophétesse qu’à une sith sanguinaire. Elle extirpa un petit paquet de la poche de son vêtement et le déposa avec soin sur le lit.

-Du kolto, pour ta gorge.

Les portes se refermèrent dans un son feutré, annonçant la solitude qu’elle avait tant espéré. Elle redéposa le datapad sur le bord d’une commode.

Y brillaient encore l’holographie de Jax, ainsi que des informations sur son identité.



Encore un mort, mais quelque part elle était soulagée. Ce ne serait pas elle qui presserait la détente.



Fin du RP.
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