C’était un simple job. Il n’y avait rien de bien compliqué : « récupère le vaisseau et ramène-le ! ». Rien de plus simple. Le propriétaire de ce vaisseau devait payer une dette et il n’en avait pas les moyens, sauf en concédant de plein grès son vaisseau. Il n’y avait donc pas besoin de le menacer, de l’extorquer ou de lui faire le moindre chantage. Il était conciliant et cela changeait des habitudes de Viqi. Il n’y avait qu’une seule restriction : celle d’attendre l’accord de son employeur pour effectuer la récupération. Bar’An, son contact Aqualish sur Coruscant, lui avait bien formellement spécifié de ne pas agir avant son accord car il était impératif pour lui de régler certains détails. Elle avait donc des fonds « illimité » pour se passer le temps, de manière raisonnable, le temps qu’elle ait l’autorisation pour accomplir son travail. Sauf que cela faisait déjà cinq jours et il n’y avait pas grand-chose à faire dans le coin. En fait, plus précisément, il n’y avait rien à faire.

C’était un simple job. Mais le plus horrible qu’on lui avait demandé de réaliser. Alors qu’elle écumait un fond de bouteille, elle hésitait fortement à contacter Bar’an une énième fois afin de le pousser à lui donner son feu vert ou bien à agir elle-même.

***

Le voyage n’avait pas été aussi long qu’elle se l’était imaginé. Depuis Coruscant, elle avait pris une navette qui faisait le voyage le long de la route commerciale de Metellos jusqu’à la planète Yag’Dhul. Son escale avait été de courte durée et elle n’avait pas pris le temps de quitter l’astroport pour découvrir les environs. Elle avait emprunté une nouvelle navette qui suivait cette fois-ci la voie commerciale de Rimma jusqu’à sa destination finale qu’était la planète Pergitor. Depuis cette planète, elle avait pu prendre une dernière navette pour sa destination initiale : Vestar. L’attente pour cette troisième planète était plus longue. Vestar n’était pas réellement un coin touristique et on commençait à côtoyer les confins de la bordure extérieure. Les navettes régulières existaient, mais elles ne desservaient pas aussi facilement les alentours de manière aussi fréquente. Il fallait soit prendre son mal en patience, soit trouver un pilote qui était prêt à vous servir de chauffeur. Malgré le budget que Bar’An avait pu lui confier, Viqi n’avait pas envie de tout dilapider dans un voyage privé tout confort. Elle avait donc attendu une journée sur Pergitor avant de pouvoir prendre son envol.

Les lois en vigueur de la République ou les règles que l’Empire souhaitait imposées n’avaient pas lieu dans un endroit aussi reculé des mondes qui gouvernaient cette galaxie. Dans des mondes aussi reculés, il n’y avait pas d’autres règles que le courage et de la force brute. Elle le savait. Pergitor en avait été un léger aperçu. Elle avait pu voir la misère qui touchait une grande partie de la population, ainsi que l’opulence abondante chez une minorité qui venait d’autres mondes afin de se sentir en position de force. Un désir de pouvoir qu’elle n’avait jamais recherché et qui ne l’attirait pas. Non, elle préférait la recherche de la paix. De sa paix personnelle. Être seule, sans personne pour lui dire quoi que ce soit, ni pour la réprimer. À y réfléchir, la solitude n’était-elle pas cette paix qu’elle avait toujours voulue ?  Elle était libre de faire ce qu’elle souhaitait sans avoir à réfléchir aux impacts que cela pouvait avoir sur son entourage, elle n’en avait pas ! La liberté.

Alors qu’elle divaguait dans ses pensées, la navette approchait enfin de Vestar. La planète était encore assez sauvage avec de grandes forêts qui pouvaient se voir depuis l’espace. Il y avait une grande ville, Port-Esta, qui servait de capitale à cette planète ainsi que port d’accueil pour toutes les personnes qui y venaient. D’autres villes, beaucoup moins importantes, étaient présentes sur l’ensemble de la planète, mais il s’agissait plus de ville-dortoir pour accueillir la main d’œuvre qui cherchait à exploiter les ressources de ce monde. La navette entamait sa descente et traversait l’atmosphère de la planète, Viqi profitait de ce moment pour contempler ce monde dans son ensemble avec une pointe d’envie. La tentation de s’y déposer et de disparaître dessus définitivement était tentante, personne ne serait venu la chercher et elle aurait pu enfin y trouver une paix qu’elle recherchait tant. Un monde perdu pour une vie perdue. Elle pourrait y tenir combien de temps ? Une année maximum ? Moins ? Juste le temps de se laisser consumer entièrement par les abus de la vie, la dépression et les idées lugubres qui lui passaient par la tête. Elle perdait le fil de ses pensées. Elle pensait initialement à son objectif et voilà qu’elle partait dans des envies de fin de vie. Elle devait se ressaisir. Elle n’était pas bien, mentalement et physiquement, cela se faisait ressentir. Ses mains tremblaient démontrant un signe de manque, elle allait bientôt pouvoir se calmer à l’aide d’un verre. La navette atterrissait enfin sur la planète.

***

Les deux premiers jours étaient passés plutôt rapidement. Elle avait d’abord contacté Bar’An afin de lui signaler son arrivée sur Vestar et qu’elle attendait son accord pour prendre contact avec sa cible et récupérer le vaisseau. Elle ne s’était pas attendue à obtenir un feu vert immédiat, mais elle avait pensé que cela serait venu beaucoup plus vite. Deux jours déjà ! Elle avait eu le temps d’écumer Port-Esta de fond en comble afin de repérer les lieux sympas à côtoyer. Pas de club, pas de boite de nuit. Uniquement des bars, plus glauque les uns que les autres, avec un endroit ou deux où l’on pouvait se rendre afin de devenir joyeux en toute tranquillité. La qualité des établissements n’était pas là, mais au moins il y avait de quoi passer le temps. Le troisième jour avait été long, elle avait contacté Bar’An à plusieurs reprises. Les quelques rares fois où il avait répondu c’était pour demander à Viqi de patienter. Patienter ! Elle ne faisait que ça ! Elle n’en pouvait plus ! C’était suite à cet énervement qu’elle avait décidé de se rendre dans un bar et…elle ne se souvenait pas de la suite. Elle n’arrivait plus à savoir quel établissement elle avait choisi. C’était le flou total, elle avait tout oublié. Elle s’était simplement réveillé au milieu d’une ruelle de Port-Esta, une flasque de vomi près d’elle. Ce n’était pas la première fois que cela lui arrivait, mais ce n’était jamais plaisant pour autant.

Sur le moment, elle ne savait pas s’il s’agissait du troisième ou quatrième jour. Était-ce le matin ou l’après-midi ? La seule chose sûre était que le soleil était encore présent dans le ciel. Elle avait de nouveau contacter Bar’An afin de savoir où en était les négociations, ce qu’elle devait faire. Elle se sentait perdue, elle ne savait pas où aller. Ses jambes semblaient la porter sans qu’elle ait le moindre le contrôle. Elle avait perdu toute notion de la réalité. Au bout d’un certain temps, elle s’était retrouvée à l’extérieur de la ville. Comment ? Pourquoi ? Elle ne savait pas. Elle était en pleine forêt, le temps était humide et le sol boueux. Elle avait fini par s’écrouler près d’un arbre et tentait par tous les moyens de rester debout en s’accrochant au tronc de cet arbre. Il s’avérait qu’elle était déjà par terre depuis un moment, elle n’arrivait plus à s’orienter. La drogue qu’elle avait prise plus tôt continuait à faire effet, elle n’avait pas dû se limiter sur la dose qu’elle avait prise. Elle n’allait quand même pas faire une overdose ? Alors que l’idée lui traversait l’esprit, elle tenta de ramper vers l’arbre, elle voulait se coller au tronc et ne pas se sentir seule. Il y avait quelque chose avec cet arbre, il semblait l’appeler. Sa main caressa l’écorce afin de ressentir sa rugosité, de lui signaler qu’elle était près de lui. Le fait de le toucher lui permettait de ressentir une sensation, une sorte de flux qui s’écoulait tout autour d’elle et autour de cet arbre, un flux qui semblait les enlacer tous les deux ensembles. Ce flux voulait l’aider, la guider, la consoler. Il la réchauffait et offrait cet arbre comme appui matériel.

- Maître…est-ce vous ?

Elle ne semblait pas seule, comme si quelqu’un était là pour l’observer. Cela s’approchait-il d’elle ? Une forme de vie étrange ? Ou bien était-ce la Force ? La Force ! Cette chose qui contrôlait tout, qui lui pourrissait la vie et son existence. Elle avait tant souffert à cause de la Force qu’elle n’en voulait plus Qu’elle s’en aille ! Qu’elle parte ! Elle ne voulait plus de ça ! Elle voulait la paix ! Simplement être tranquille et être en paix avec elle. Et soudain, alors que la tête lui tournait, elle chuta et se retrouva allonger sur le dos près de l’arbre. Elle voyait les feuilles d’arbres au-dessus d’elle qui cachait la lumière des étoiles. Il faisait nuit désormais. Que s’était-il passé ? Était-ce la fin pour elle ?

Elle avait fini par se réveiller à l'endroit même où elle était tombée, elle était couverte de boue et sentait la transpiration à plein nez. Elle ne savait pas si elle avait rêvé ou si c'était un mauvais trip, mais il lui fallait regagner la ville et notamment la chambre d'hôtel qu'elle avait prise. Un brin de toilette allait lui faire du bien et allait avoir l'occasion de faire nettoyer ses vêtements. Elle avait pris plus de temps que prévue pour atteindre Port-Esta, elle semblait s'être aventurée plus loin qu'elle ne l'avait imaginée, mais elle avait fini par y arriver. Après un quart d'heure de marche supplémentaire, elle avait réussi à atteindre son hôtel et, comme elle s'y attendait, elle n'avait pas eu de nouvelles de la part de Bar'An, ni de personne d'autre. Elle avait demandé à ce que le service de nettoyage puisse intervenir pour ses vêtements, celui-ci viendrait directement dans sa chambre. Elle ne tarda pas à monter jusqu'à celle-ci qui ressemblait plus à une pièce miteuse. Elle s'était déshabillée rapidement et avait tout posé par terre, sauf son sabre qu'elle avait déposé précieusement dans un coin pour que personne ne puisse y toucher. Entièrement nue, elle s'était dirigée sous la douche. Elle avait allumé l'eau et la laisser couler sur son corps sans rien faire de plus, elle profitait de l'eau chaude et de la douceur que cela procurait. Ses mains parcouraient son corps, la peau était rugueuse par endroit, elle manquait d'hydratation. Sur ses bras, il y avait des traces de piqûres, elles étaient nombreuses. Des cicatrices se trouvaient à différents endroits : jambes, bras, dos, etc. Elles témoignaient des rixes de bar que Viqi avait connu, des coups de couteau qu'elle avait évité de justesse, d'un tir de blaster la frôlant et lui brûlant la peau. Ses blessures témoignaient de tout le mal qu'on lui avait fait et qu'elle s'était faite seule. Et il y avait cette grande cicatrice horizontale qui était située sur son bas ventre, elle témoignait d’une grande douleur que Viqi cherchait à oublier. Non, que Viqi avait réussi à oublier.

Il fallait oublier et se concentrer sur l’instant présent. L’ancienne jedi entama sa toilette complète avant de sortir enfin de la douche. Elle se brossa les dents et nettoya le miroir entièrement embué suite à la douche chaude. Elle pouvait voir son reflet, mais elle n’arrivait pas à se reconnaître, elle semblait regarder une étrangère. Elle retourna dans la pièce à côté afin de s’habiller, mais ses habits n’étaient plus-là, le service de nettoyage était passé pendant qu’elle était sous la douche, elle allait devoir patienter. Et soudain, une idée farfelue venait de lui traverser la tête. Elle retourna dans la salle de bain pour se sécher les cheveux et les coiffer, cela faisait longtemps qu’elle ne l’avait pas fait. Elle alla même jusqu’à la boucler, elle qui gardait des cheveux lisses et rêches, voilà qu’elle leur donnait une nouvelle vie. Le résultat n’était pas vraiment-là, elle n’avait pas l’habitude ce genre de choses, mais celui était tout de même plaisant. Cela lui rappelait…son adolescence. Une époque qui n’était plus. Mais cela s’arrêta là, elle ne pouvait rien faire d’autres. Elle n’avait pas de maquillage, ni de produit de beauté. Qu’aurait-elle pu prendre ou mettre ? Puis comment ? Cela la ramena à la réalité. Elle avait enfilé le peignoir de bain et avait attendu que ses vêtements lui soient rapportés. Une fois cela fait et une fois prête, elle ne s’attarda pas plus longtemps dans sa chambre.

C’était le cinquième jour, elle n’avait toujours pas eu de nouvelle sur ce qu’elle devait faire et voilà qu’elle retournait de nouveau dans un bar pour vider une bouteille. Elle hésitait à appeler une énième fois Bar’An afin d’avoir son accord ou bien d’agir elle-même. Mais les choses semblaient enfin se résoudre d’eux-mêmes. Viqi venait de recevoir une communication de la part de son employeur.

Viqi était retournée dans sa chambre pour prendre la communication et être certaine de pouvoir parler en toute tranquillité avec Bar’An. A peine était-elle rentrée qu’elle avait retiré sa vieille bure pour être plus à l’aise. Elle activait son Holo-émetteur qui était relié à son comlink avant de se jeter dans le lit afin de se détendre. Elle allait pouvoir recevoir les nouvelles qu’elle attendait depuis bien trop longtemps maintenant. La tête de l’aqualish faisait son apparition via un hologramme avec ses quatre grands yeux qui étaient orientés vers elle. La qualité de l’image n’était pas la meilleure que Viqi ait connu, mais cela était largement suffisant.

- Viqi, ma grande !
- Tu oses enfin pointer le bout de tes dents…

L’image holographique tremblait, Bar’An avait la tête légèrement incliné en arrière. Viqi comprenait qu’il rigolait à sa remarque. Depuis le temps, il la connaissait bien, notamment ses défauts qu’elle n’avait pas l’habitude de cacher. La patience n’était vraiment pas le point fort de la jeune femme. Même si la pique était dite sur un ton las, il n’y avait rien de méchant. C’était pour elle un moyen d’évacuer sa frustration et cela n’irait pas plus loin que cette petite phrase.

- J’espère que tu es là pour me dire de faire mon boulot. Cela commence à faire long ici et ce n’est pas la planète la plus animée qui soit…
- Rassure-toi, c’est réglé. Tu sais ce qu’il te reste à faire.
- Je vais le voir, je lui dis que je viens de ta part, je demande les accès à son vaisseau, je récupère et je le dépose juste devant chez toi.
- Voilà…c’est l’idée…

Viqi était plutôt cynique, pour elle il ne s’agissait que d’un boulot de livraison. Elle récupérait un paquet à un endroit précis et elle le ramenait à un autre qui était également fixé. Il ne s’agissait pas d’un travail à risque, même s’il y avait souvent des déconvenues, qui payait assez bien. Rien de tout à fait légal, mais elle ne posait pas de question et elle savait que cela faisait plaisir à son employeur. Mais la dernière phrase de Bar’An ne lui plaisait pas, il n’était pas du genre à laisser une phrase en suspens de cette manière. Cela était plutôt le rôle de Viqi afin de montrer son côté grincheuse et irascible.

- Bar’An ?

L’aqualish ne répondait pas, il semblait gêné et cela se voyait à son regard. Ou ses regards ? Avec cette double paire d’yeux, elle ne savait pas trop. Mais cela n’avait pas d’importance. Elle avait appris à remarquer certaines postures ou mouvements de son visage qui trahissait une gêne ou quelque chose de désagréable. Viqi, qui était allongée sur le côté dans le lit, venait de se redresser afin de s’asseoir au bord du lit et de faire face au visage de Bar’An dans sa version holographique.

- Monsieur Dash’O ?

Cela avait marché, l’alien n’avait pas pu éviter une expression d’exaspération en entendant ce terme. Il n’était pas cela et l’avait clairement dit à Viqi dès leur première rencontre, cela était un moyen pour cette dernière de pousser l’aqualish à avouer ce qu’il avait à dire.

- Écoute Viqi, les négociations ont été un peu plus tendues que prévues.
- Tu sais bien que je ne m’occupe pas de ce genre de détails, je veux juste que tu me dises où aller et ce que je dois faire. Le reste ne me concerne pas.
- Justement, cette fois c’est différent et cela te concerne. Du moins ça concerne la manière dont ça va se passer. Ce n’est pas comme d’habitude, ce n’est pas juste un petit trafiquant. La personne à qui tu auras affaire est bien protégée.
- Tu veux que je sois plus gentille que d’habitude.
- Oui ! Même très gentille !

Le ton de Bar’An était sec, il était tendu et cela se voyait. En temps normal, Viqi était du genre à être taquine, voir ennuyante, avec lui et cela ne l’avait jamais gêné. Mais là elle comprenait que cela n’était pas le bon moment pour jouer les enfants.

- Est-ce qu’il y a une chose particulière que je dois savoir avant d’aller à sa rencontre.
- Rahjan, le quarren que tu vas rencontrer, est un type cruel avec un ego assez important. Il est toujours bien entouré et aime s’amuser à sa manière. Mais il s’agit d’un fournisseur très bien vu par certaines… « autorités » du milieu dirons-nous.
- D’accord…

Viqi répondait de manière à faire durer sa réponse. Elle attendait voir où voulait en venir Bar’An et cela prenait beaucoup de temps. Cela en devenait même inquiétant.

- Rassure-moi, tu n’attends quand même pas que je donne de ma personne à ce point ?
- Hein ?! Quoi ? Non ! Non, bien sûr que non ! Mais disons qu’il cherchera à jouer avec toi…ne rentre pas dans le jeu de la provocation.
- Tu me connais pourtant.
- Justement, c’est parce que je te connais et que je tiens à ce que ça se passe bien. Pour moi comme pour toi ! Donc, je t’en prie, surtout…ravale ta fierté et reste calme. Cela ira vite et se passera bien.

La jeune femme regardait Bar’An dans les yeux. Elle n’aimait pas ce genre de demande et elle avait la sensation que cela cachait autre chose. L’aqualish avait toujours été honnête avec elle, il ne lui avait jamais menti et elle ne pensait pas que cela pût commencé aujourd’hui. Néanmoins, elle avait la sensation que cela allait mal se passer. Elle avait un mauvais pressentiment.

- Ne t’en fais pas, Bar’An. Je vais me tenir à carreau.
- Merci. Et tienssmoi au courant dès que tu as le vaisseau.

Viqi et Bar’An se regardaient dans les yeux laissant planer un silence devant gênant. Ils n’étaient pas familiers des mots doux et des petites attentions. L’aqualish n’arrivait pas à trouver les bons mots pour encourager sa protéger et cette dernière n’osait pas lui demander de le faire, même si cela lui aurait fait plaisir. Mais il était inenvisageable de montrer le moindre signe de faiblesse. Alors, ils se regardaient dans tous les yeux et cette échange de regard était un discours en soit. La communication avait fini par prendre fin et le visage de Bar’An avait disparu. La jeune femme se retrouvait une nouvelle fois seule et elle s’allongeait dans le lit avec un grand soupir qui accompagnait son mouvement. Elle regardait le plafond de sa chambre miteuse et voyait des tâches de moisissures qui perlaient à différents endroits. Elle appréhendait grandement sa rencontre avec Rahjan, surtout que cela allait se dérouler sur son territoire.

Elle se devait d’y aller. Plus elle mettait de temps à s’y rendre, plus cela allait se retourner contre elle. Si le quarren était aussi joueur que Bar’An lui avait signalé, elle ne devait pas se permettre de lui donner la moindre raison de la pousser dans les cordes. Elle s’était redressée rapidement et se regardait dans le miroir. Son sabre laser était bien accroché à sa ceinture et elle était contente de la savoir là, elle risquait d’en avoir besoin. Elle refermait sa bure et remontait la capuche afin de dissimuler en partie son visage. Toujours face à son miroir, elle devait s’encourager ; elle se disait que tout irait bien et que même si les choses devaient mal tourner, elle allait pouvoir s’en sortir.

Sur cette note "positive", Viqi quittait sa chambre d’hôtel pour se rendre là où se trouvait son contact.

Porte-Esta n’était pas une ville des plus immenses, la plupart des déplacements pouvaient être effectués à pied pour atteindre les lieux les plus importants. Seul l’astroport était réellement plus en retrait et pouvait nécessiter l’utilisation d’un véhicule pour s’y rendre. Viqi avait donc marché jusqu’au lieu de rendez-vous. Il se situait à l’arrière-cours d’un bar populaire de la ville, il ne s’agissait plus de la même ambiance. L’entrée arrière était gardée par deux chagriens bleus de grandes tailles, ces derniers semblaient extrêmement commodes avec leur matraque électrique respectif et il était certain qu’il ne s’agissait pas de la seule arme qu’ils avaient en leur possession. Les deux non-humains s’étaient mis sur la défensive à l’arrivée de Viqi, mais il avait suffi de préciser son motif et le nom de Bar’An pour voir les deux gardes lui laisser l’accès libre. Elle pénétrait dans un couloir sombre et étroit, il lui semblait long. Elle était hésitante et avançait prudemment, elle se savait seule et tout pouvait arriver. Si ce Rahjan était aussi psychopathe qu’on lui avait laissé sous-entendre, alors il valait mieux prendre des précautions. Instinctivement, elle usa de la Force et de son pouvoir de détection afin prendre connaissance des formes de vies qui étaient présentes et la possibilité de pièges. Cela avait un véritable réflexe et non pas une décision prise d’elle-même, c’était étrange. Cette détection avait été rapide et brève, mais suffisante pour avoir les informations suffisantes. Elle avait dû s’arrêter dans le couloir, sa tête tournait, elle ne se sentait pas très bien et elle savait que cela ne venait pas sa consommation d’alcool ou autre, mais bien de l’utilisation de son pouvoir contre son grès. Son corps avait réagi par automatisme alors que son esprit voulait éviter à tout prix cette utilisation, ou était-ce l’inverse ?

Elle s’était collée contre un mur au milieu de ce couloir, profitant de l’obscurité qui lui était offert, afin de faire une pause et de prendre une bonne inspiration. Elle ne pouvait pas rester éternellement dans ce couloir. Viqi s’était redressée et avait repris sa marche afin de traverser complètement ce couloir. Elle se retrouvait désormais dans une grande pièce qui ressemblait à un club privé avec une lumière tamisée. Alors qu’elle entrait lentement dans la pièce, elle constatait que tout tournait autour de la grande table circulaire qui se trouvait au milieu de la pièce. Elle pouvait y voir assis un quarren qui n’était autre que Rahjan en personne. Ce dernier semblait obsédé par le spectacle qui se déroulait sous yeux : face à lui, à la gauche de Viqi, se trouvait une scène où se déhanchait une jeune twi’leks au rythme de la musique qui lui était imposé. La twi’leks était jeune, très jeune. Trop jeune. Elle portait un collier autour du cou qui correspondait à son statut d’esclave et il s’agissait d’une des rares choses qu’elle portait encore. L’ancienne jedi préférait ne pas regarder et détournait le regard à l’opposé où se trouvait un bar. Quelques personnes étaient au comptoir, des humains comme des aliens, il y en avait pour tous les genres. Mais ici aussi, on retrouvait un enfant derrière le comptoir à servir les invités. Encore un esclave. Et alors que le regard de Viqi faisait le tour de la pièce, elle se rendait compte le service et le divertissement était assuré par des enfants qui étaient utilisés comme main d’œuvre afin d’assouvir les pires envies de ces truands. La lie de cette galaxie semblait s’être réuni ici. Comme si le portrait n’était pas assez sombre, Viqi sentait les regards qui s’attardaient sur elle, mais elle entendait aussi les remarques. Ils ne se cachaient pas, ils ne faisaient pas semblant. Ce n’était pas la première fois, mais pas de cette manière, pas avec cette violence. Mais elle avançait, elle continuait de se diriger vers cette table où se trouvait son contact.

Elle se trouvait presque arrivée quand un trandoshan s’était mis en travers de son chemin et lui avait posé une main sur l’épaule pour l’arrêter. Son regard était clair : il ne désirait pas déranger son patron durant le spectacle. Elle allait devoir attendre. Des cris et des encouragements provenaient de toute part de la pièce en direction de la scène. Viqi y attarda un regard qui lui glaça. La jeune twi’leks venait…Elle détournait le regard, dégoutée, écœurée. Que faisait-elle ici ? Elle n’aurait jamais dû accepter ce job, mais il était trop tard pour faire repartir. Elle avait fermé les yeux et faisait le vide dans son esprit, elle préférait ne plus penser à rien en cet instant. Cela avait presque marché, c’était sans compter sur son maître qui revenait la hanter et qui lui rappelait ses préceptes. Elle ne pouvait pas s’empêcher de l’imaginer en train de la juger, de lui en vouloir et d’avoir honte de ce qu’elle était devenue. Elle qui devait être la meilleure apprentie qu’il n’avait jamais eu, elle se retrouvait être le pire échec de l’Ordre jedi. Elle avait vivement rouvert les yeux afin de ne pas rester avec cette image gravé en mémoire. Heureusement, le spectacle touchait à sa fin et la jeune twi’leks quittait la scène. Le quarren faisait un signe de la main afin de permettre à Viqi de s’approcher et lui indiquait le siège qui lui faisait face. Le trandoshan avait relâché la pression de sa main et laissait la jeune femme s’approcher, elle avait pris place là où on lui avait indiqué. Elle était désormais assise sur un tabouret qui n’était pas très confortable, elle faisait face au quarren et seul la table les séparait. D’autres types étaient assis autour de cette table : un dévaronien, deux duros et un advoze. Tous les regards étaient portés sur elle et ils guettaient tous le moindre geste qu’elle aurait pu faire.

- Ejhj Kal tek nihli tel mar.

Rahjan venait de s’adresser à Viqi, du moins elle le supposait puisque son regard était porté sur elle. Elle ne comprenait pas la langue dans laquelle il venait de s’adresser et s’attendait à avoir une traduction de la part de quelqu’un. Mais il n’y avait rien eu.

- Nihjou sectk ghijal nun tijou.
- Excusez-moi, mais…

Le dévaronien avait frappé du poing sur la table et avait soudainement déposé son blaster sur la table. Il était devenu menaçant. Ou était-il au naturel ? Leur aspect n’était naturellement pas le plus engageant qu’elle ait connu.

- Nihjou sectk ghijal nun tijou !

Même si elle ne comprenait pas la langue, elle avait parfaitement saisi que le quarren semblait s’énerver à son tour. L’ambiance semblait se durcir et Viqi se sentait tendue, elle sentait que les choses allaient basculer et avait glissé sa main sur sa bure, sans l’ouvrir, afin de sentir son sabre laser. Elle voulait se rassurer en étant certaine qu’elle avait un moyen de se défendre à porter de main.

- Je ne comprends pas ce que vous dites !

Était-ce véritablement un traquenard ? Bar’An lui avait-il réellement tout dit de la situation ? Elle sentait le trandoshan derrière elle qui se rapprochait, il devait avoir la main près de son blaster. Les deux duros semblaient prêts à lui bondir dessus. Rahjan laissait passer un bruit bizarre entre ses tentacules buccales. Viqi espérait pouvoir s’en sortir, mais elle n’était pas certaine. Cela était d’une certaine tristesse de savoir qu’elle allait sûrement mourir dans un bar privé sur une planète recluse, son corps finirait dans un compacteur à ordures et personne ne se serait soucié d’elle. Elle se rendait compte à quel point elle était tombée bas. Puis soudainement, ce fut le dénouement. Rahjan rigolait et il était accompagné par ses hommes dans cette franche rigolade. Viqi avait eu du mal à comprendre sur l’instant, il lui avait fallu quelques secondes pour se rendre compte qu’elle venait de subir un bizutage.

- Veuillez-nous pardonner, mademoiselle, nous n’avons pas pu résister à vous taquiner un peu.

Le quarren, heureux de sa blague, continuait de rigoler. La tension était redescendue et chacun reprenait ses activités. Les armes disparaissaient de la table, les invités de la table s’en allaient pour laisser Rahjan seul en discussion avec Viqi. Seul le trandoshan restait dans le dos Viqi afin de la surveiller. Il devait s’agir de son homme de main et, connaissant la réputation des trandoshans, il devait avoir la gâchette facile. Elle détestait ces créatures reptiliens !

- Vous désirez boire quelque chose, mademoiselle…comment déjà ?
- Viqi, juste Viqi. Et je vous remercie, mais ça ira.
- Allons, allons ! Vous êtes mon invitée et nous ne pouvons pas faire affaire si nous ne pouvons pas partager un verre ensemble.

Il n’était pas dans l’habitude de Viqi de refuser un verre, surtout que son hôte devait être en possession des meilleures bouteilles de la galaxie, mais elle ne voulait pas que ce rendez-vous s’éternise. Elle était bloquée et sans autre choix que d’accepter l’offre. Rahjan claqua des doigts et une serveuse était venue en courant auprès du quarren. Il s’agissait d’une humaine, une jeune fille au début de son adolescence. Onze, douze ans. Une esclave, encore une. Ces parias n’avaient donc aucune limite.

- Pour moi, ça sera comme d’habitude, mon petit plaisir. Et pour mademoiselle Viqi se sera…
- Un Johrian, juste un doigt.

Alors que l’enfant allait repartir, Rahjan garda sa main sur son épaule et la tira vers elle afin de lui susurrer quelques mots à l’oreille. Ses tentacules se frottaient au visage de l’adolescente qui était mal à l’aise. Le quarren finit par la relâcher afin de lui permettre d’aller chercher les boissons. Il tourna la tête sans prêter attention à Viqi et semblait se concentrer sur la scène, un spectacle commençait. L’ancienne jedi n’avait aucune envie de regarder, elle préférait être dans l’ignorance que de découvrir une autre abomination. Elle tenta de prendre la parole, mais elle fut rapidement stoppée par l’alien via un geste de la main. Ce dernier ne souhaitait pas entamer les discussions sans son verre. Cela en devenait insupportable. Elle hésita un instant puis se décida d’utiliser la Force via son pouvoir de persuasion.

- Vous avez envie que nous discutions de ce que vous devez à…
- Non ! Pas de verre, pas de discussion !

Viqi avait entamé son geste de la main que le quarren avait répliqué aussitôt. Cela était un échec. Elle n’arrivait pas à savoir si cela était à la résistance d’esprit de Rahjan ou bien son incompétence pour maîtriser la Force. Ce qui était certain, c’était le fait qu’elle n’avait pas d’autre choix que de patienter. Par chance, cela ne dura pas trop longtemps et la jeune serveuse était revenue avec son plateau et les boissons. Elle avait posé sur la table, devant la tête de poulpe, un grand verre avec un liquide grisâtre et épais. Quant au whisky de Viqi…il y avait plus qu’un doigt. Le verre était à moitié rempli, s’en était trop, mais ce devait être à la demande de son hôte. Elle ne fit aucune remarque et prit son verre afin de trinquer avec la créature qui lui faisait face. Elle n’avait qu’une seule envie : coller son sabre laser sur l’une de ses tempes et l’activer. Elle but une gorgée avant de poser son verre sur la table.

- Avant d’aller plus loin dans la conversation, j’aurais une question, mademoiselle Viqi. Bar’An m’a parlé de vous et de vos… « talents ». Auriez-vous l’amabilité de nous faire une démonstration, ce que vous souhaitez, de votre don ? Je suis assez curieux de voir cela de mes propres yeux.
- Bar’An a souvent tendance à exagérer les choses. Je ne sais pas ce…
- Je vais reformuler ma phrase. Montrez-moi, maintenant.

Le ton de Rahjan était passé de courtois à exigent. Il devait avoir l’habitude que ses questions étaient directement comprises comme des ordres sans discussion de la part d’autrui. Viqi n’avait donc pas d’autre choix que de se plier à la volonté du quarren. Elle posa sa main gauche sur la table, elle était éloignée d’une dizaine de centimètres de son verre et elle utilisa la Force pour l’attirer. Le verre arriva dans sa main. Ce n’était pas grand-chose, mais cela était déjà de trop pour la jeune femme. Elle avait dû se concentrer et sur le moment elle n’était pas certaine que cela fonctionne.

- C’est tout ?! Allons, vous devez savoir faire des choses plus intéressantes que ça !

N’allait-il donc pas arrêter de la bousculer ? Que cherchait-il au fond, à la pousser à la faute ? Cela aurait été une raison pour lui de ne pas mener le deal jusqu’au bout, la faute aurait rejeté sur Bar’An. Elle repensait aux propos de l’aqualish et commençait à mieux comprendre sa demande. Dans quoi s’était-elle embarquée ? Ce devait être un boulot facile. Elle partait récupérer un vaisseau et elle revenait aussitôt. Mais voilà qu’un poulpe tentait de lui prendre la tête ! Elle devait se concentrer, elle n’avait pas droit à l’erreur et ses problèmes de lien avec la Force ne seraient pas perçus comme une excuse valable. Elle tourna la tête vers le comptoir, là où les duros s’étaient dirigés, et se concentra sur l’arme que l’un des deux portait. Elle tenta de l’attirer vers elle, mais sans succès. Elle se concentra et réessaya, sans succès.

- Alors, qu’attendez-vous ?!

Le ton du quarren était pressant et stressant. Il ne l’aidait absolument pas et elle hésitait à se jeter sur lui. Elle décida de fermer les yeux et fit le vide dans son esprit. Il n’y avait plus rien, plus personne. Seulement elle et l’objet qu’elle cherchait à atteindre. Elle désira l’amener à elle et, l’instant suivant, il se trouvait dans sa main. Elle déposa sur la table face au quarren qui s’était mis à rigoler.

- Incroyable ! Impressionnant ! En plus d’avoir du talent, vous avez du goût ! Vous avez récupéré la seule bouteille de whisky corellien que je possède ! Fort heureusement pour vous, elle est intacte.

Viqi n’avait pas bien compris ce qu’il venait de se passer. Elle avait cherché à attirer un blaster et elle se retrouvait avec une bouteille d’alcool. Devait-elle y voir un signe ? Ou bien une aide ? Le trandoshan derrière elle semblait particulièrement tendu, elle pouvait le ressentir. Le fait que ce soit la bouteille et non l’arme qui fut attirée lui avait peut-être sauvé la vie.

- Veuillez me pardonner, mais si je suis ici c’est afin de récupérer un vaisseau. Il me semble que Bar’An et vous avez un accord à ce sujet. Je suis venue pour le prendre et l’amener jusqu’à son nouveau propriétaire.
- Un vaisseau ? Oh, oui, le vaisseau ! Bien sûr, bien sûr. Mais êtes-vous si pressée ? Vous n’avez même pas fini votre verre.

Oui, elle était pressée. Oui, elle voulait absolument quitter cet endroit angoissant et anxiogène. Oui, elle voulait quitter cette planète qui n’était rien d’autre que le trou-du-cul de la galaxie dans lequel une tête de poulpe tentait de faire régner sa loi. À la remarque de Rahjan, Viqi attrapa son verre et le vida d’un trait. C’était horrible, ça n’avait aucune saveur et cela lui brûlait l’estomac, mais elle voulait abréger cet entretien qui ressemblait plus à un divertissement pour son hôte. Elle ne voulait pas jouer les bêtes de foire plus longtemps.

- Je vous remercie pour votre hospitalité, mais je ne souhaite pas faire attendre plus longtemps mon employeur qui a, j’en suis certaine, hâte de récupérer son bien.

Les yeux du quarren fixait l’humaine qui lui faisait face. Il semblait étudié la situation et cherché une nouvelle justification pour l’obliger à rester plus longtemps que cela était nécessaire. Il n’avait pas l’air d’apprécier que ce Viqi venait de faire. Il prit le temps de boire une gorgée de son verre avec une déglutition longue et sonore avant de reposer son verre.

- Je comprends…et c’est tout à fait louable de votre part. Je suis triste de ne pas pouvoir profiter un peu plus de votre présence. Mais les affaires avant tout…Hangar 3, vous y trouverez un vaisseau cargo de classe XS. Parlez-en à l’intendant de l’astroport, il a déjà reçu toutes les consignes nécessaires.

Rahjan, afin de ne pas s’avouer vaincu et garder sa fierté, fit un mouvement de main à la fin de sa phrase. Un geste de dédain envers Viqi lui demandant de partir, cela lui permettait de garder le dernier mot. La jeune femme ne s’était pas attardée et n’avait pas attendu plus longtemps pour se lever, elle se dirigeait rapidement vers la sortie. Il lui fallait de l’air et vite ! Et alors qu’elle arrivait au bout de son périple, la voix du quarren se fit entendre, l’arrêtant sur place. Elle se retourna de moitié afin de le voir, lui ne faisait même pas attention à elle et continuait de regarder son spectacle.

- Si un jour vous décidez de changer d’employeur, ma porte sera ouverte pour vous. D’ici là, je suis certain que nous serons amenés à nous revoir…

* Tu peux toujours compter là-dessus, vieux calmar ! *

La jeune femme reprit sa marche afin de se diriger vers le long couloir qu’elle avait déjà emprunté. Elle le traversa rapidement cette fois-ci. Elle croisa de nouveau les deux chagriens auxquels elle ne fit pas attention et s’éloigna. Elle ne s’arrêta qu’une fois qu’elle était certaine de s’être éloignée suffisant de ce lieu infâme et que personne ne pouvait la voir. Elle s’appuyait contre un mur et tentait de reprendre sa respiration, son pouls s’accélérait. Elle avait énormément de colère et de haine qu’elle essayait de contenir. Son envie de massacrer tous ces êtres répugnants était puissant. Mais elle devait se contenir, il ne fallait pas se laisser aller. Le plus dur était fait, elle s’en était sorti, et il ne restait plus qu’à prendre le vaisseau et s’en aller. Tout ce qu’elle voulait, c’était de ne plus retourner à l’intérieur de cet établissement. Sa main était tremblante, elle devait se calmer et déterminer l’origine de ses tremblements. Était-ce la peur ? La situation avait particulièrement été tendue, mais elle ne pouvait pas dire qu’il s’agissait de la pire qu’elle avait connue. Elle avait déjà risqué sa vie, autrement, dans d’autres conditions, mais ce n’était pas la première fois. Était-ce un sentiment de manque ? Ce n’était pas l’alcool qui était en cause, elle avait eu sa dose. Il s’agissait peut-être d’un manque de drogue. Elle avait testé de nouveaux produits récemment et il s’agissait d’une réaction de son corps en manque de cette nouvelle substance. Ou alors, était-ce la Force ? Le fait de chercher à utiliser son don l’amenait à se concentrer et ravivait de vieux souvenir, de vieilles blessures, qu’elle cherchait à oublier définitivement.

* Respire, ma grande, respire. *

Viqi prit le temps de se calmer. Les yeux fermés, elle inspira par le nez et expira par la bouche, lentement. Elle attendit de sentir les battements de son cœur se calmer. C’était bon, elle pouvait partir. Sans hésitation, la jeune femme s’était mise en marche afin de trouver un transport en direction de l’astroport avec, pour unique objectif, de quitter ce monde au plus tôt.

La journée arrivait à son terme. Viqi se trouvait dans un bus volant – plutôt flottant, il s’agissait plus d’un aéroglisseur modifié pour accueillir une trentaine de passagers – qui faisait la navette entre l’astroport et la ville de Port-Esta. Elle était assise sur un siège miteux, sa capuche recouvrait son visage, avec la tête collée contre la vitre. Elle regardait l’extérieur, elle pouvait d’ailleurs voir le soleil qui déclinait lentement. Il restait du temps avant que la nuit fut réellement tombée, mais elle n’allait plus être présente pour le constater. Elle se rapprochait de son objectif et elle en était heureuse, elle avait hâte de laisser cette planète derrière elle. Les évènements qui s’étaient déroulés dans ce club privé l’avaient profondément perturbée, elle s’en rendait compte maintenant. Elle revoyait ces enfants esclaves qui étaient utilisés au bon plaisir de la clientèle et des hommes de Rahjan, ces images lui rongeaient l’esprit et lui avait créé, littéralement, une boule au ventre. L’esclavage était une méthode connue et qui, malheureusement, était bien trop répandue dans l’ensemble de la galaxie. Viqi y avait déjà été confrontée, mais il ne s’agissait pas de la même forme d’exploitation. Le fait d’y être confronté de cette manière la ramenait à la réalité de la plus douloureuse des manières. Mais que pouvait-elle y faire ? Elle n’était rien ni personne ! Elle était incapable de s’occuper d’elle-même, alors sauver des gamins qu’elle ne connaissait pas…il ne fallait pas y compter. Puis honnêtement, cela pouvait la tourmenter autant qu’elle le voulait, elle avait abandonné la galaxie à son sort il y avait des années de cela, quand elle avait abandonné son titre de jedi.

La navette s’approchait de l’astroport, elle était quasiment vide. Ce n’était pas surprenant, personne ne cherchait à venir dans ce trou paumé. Quant aux locaux, ils se trouvaient soit en position de dominant et ils n’avaient donc aucune raison de partir, soit en position de dominé et ils n’avaient aucune possibilité de s’enfuir. Cette planète semblait avoir été abandonnée à son triste sort, tout y était délabré. Même ce bus n’était pas de première main : sièges déchirés, barres d’appui mal fixées, vitres esquintées, sol abîmé. En y réfléchissant bien, Viqi se trouvait dans son élément, elle était un peu comme ce bus volant : elle n’arrivait plus à décoller et ne faisait que survoler le sol pour tenter d’avancer. Pour aller où ? Elle ne savait pas. Les jours se suivaient les uns après les autres, tous aussi lassants et exaspérants. Pourquoi continuer dans ces conditions ? Car elle avait peur tout simplement, elle n’avait pas le courage de passer à l’acte. Elle avait tenté une fois ou deux, mais elle s’était rapidement rétractée. Elle n’avait aucun but dans la vie, mais elle s’accrochait malgré tout à cette dernière.

La jeune femme arrivait enfin à l’astroport. Elle descendit du bus volant et se dirigea vers le bureau de l’intendant. Elle n’avait pas été la seule à descendre de la navette, une autre femme était également descendue. Il s’agissait de la même femme qui était montée au même arrêt qu’elle. Elle n’avait pas arrêté de regarder Viqi durant tout le trajet. Ce n’était certainement pas une technique de drague et elle n’avait pas l’air de travailler pour la pègre locale. De plus, sa technique de filature laissait à désirer. Cette inconnue tentait de suivre l’ancienne jedi en gardant ses distances, mais sans subtilités. Cela importait peu, elle était seule et Viqi pouvait la mater facilement si besoin. Rien ne servait de s’attarder sur cette étrangère.

L’astroport de Port-Esta était loin d’être immense, il s’agissait d’un ensemble de petits hangars au toit ouvert afin de permettre aux vaisseaux de se poser à l’intérieur. Un plus petit bâtiment ne contenant qu’un bureau se trouvait au milieu de tous ces hangars. À l’intérieur de ce bureau se trouvait différents types de droïdes et un aleena, il s’agissait d’une petite créature avec un long cou et, soi-disant, intelligente. Viqi se dirigea vers le petit alien et posa ses mains sur le comptoir.

- Je viens de la part de Rahjan. Hangar 3, cargos classe XS.

Viqi ne voulait pas perdre de temps en politesse inutile. Si l’intendant avait effectivement bien reçu ses consignes, cela ne servait à rien de s’embarrasser de présentation superflu. Néanmoins, l’aleena semblait surpris par une telle entrée, mais son étonnement fut de courte durée et il déposa une carte cryptée sur le comptoir devant la jeune femme. Il s’agissait de la clé permettant l’accès au hangar 3. Ce dernier se trouvait sur la droite et elle ne perdit pas de temps pour s’y rendre. Elle n’hésita pas à jeter un regard furtif aux alentours pour constater que la femme du bus continuait de la suivre, cette dernière ne semblait pas prête à la laisser tranquille. Viqi allait lui donner l’occasion de s’expliquer.

Une fois devant la porte du hangar, l’ancienne jedi utilisa sa clé d’accès pour y pénétrer. Elle avait volontairement laissé la porte ouverte. À peine venait d’elle d’entrer qu’elle longea un couloir avant de se retrouver dans la baie de décollage. Elle jeta un rapide coup d’œil sur le vaisseau et sur les alentours, dans un coin était stocké des caisses. Sans hésiter un instant, elle alla se cacher derrière ces caisses et attendit. L’attente n’avait pas été longue, l’inconnue venait de faire son entrée. Il s’agissait d’une femme d’une trentaine d’années passées, les cheveux châtains clairs, élancée et habillée simplement. Elle s’était rapprochée du vaisseau, elle faisait face à la rampe, mais elle hésitait à y monter. Lentement, Viqi s’approcha de l’inconnue par derrière tout en gardant une certaine distance avec elle.

- Je peux vous aider ?

L’étrangère avait été surprise par les paroles de Viqi et s’était rapidement retournée. Plutôt mignonne comme femme, dans d’autres circonstances cela n’aurait pas gênée l’ancienne jedi de se faire suivre par ce genre de femme.

- Veuillez me pardonner…c’est que…je n’ai pas l’habitude de faire ça.
- Cela se voit, vous êtes repérable à 10 parsecs d’ici. Qu’est-ce que vous me voulez ?
- J’ai…j’ai besoin de votre aide.

Pour le coup, cela était surprenant. Viqi s’attendait à tout, que ce soit de se faire taxer ou découvrir qu’on lui ait envoyé une fouine, mais absolument pas se retrouver face-à-face avec une femme lui demandant de l’aide. Qu’était-il donc passé par la tête de cette femme ? À quel moment avait-elle laissé croire qu’elle était prête à donner un coup de main à qui ce soit ?

- Ma belle, il y a erreur sur la personne, je ne fais pas dans l’humanitaire.
- Mais vous êtes une jedi pourtant !

Viqi avait eu un petit rire à la réponse de cette inconnue. C’était la meilleure : elle, une jedi. Elle débarquait avec plus de dix ans de retard. On l’avait traité de différents noms, on l’avait considéré de bien des manières, mais on ne lui avait jamais dit qu’elle ressemblait ou pouvait être une jedi.

- C’est bien ce que je dis, il y a erreur sur la personne. Je ne sais pas pourquoi vous pensez cela, mais vous êtes dans l’erreur.
- Votre tenue déjà, je reconnais ce genre de bure. J’ai également remarqué le sabre que vous portez à votre ceinture. Cela fait bien deux jours que je vous suis !
- Vous avez le sens de l’observation, mais pas forcément celui de la déduction. Un habit et une arme suffisent pour vous à identifier une personne…ce sont de mince éléments ! Et ils vous induisent en erreur.
- Jedi ou pas, cela m’importe peu au fond. Ce qui est sûr, c’est que vous avez vu Rahjan !

C’était donc cela qui l’intéressait réellement : le fait qu’elle avait pu s’approcher de Rahjan. Cela n’était pas étonnant au fond, ce quarren avait dû s’attirer toute la sympathie des locaux à la vue de ses méthodes de fonctionnement. Cette femme cherchait surement la vengeance en voulant voir la tête du poulpe sur un plateau en ornium. Une histoire classique.

- Désolé ma p’tite dame, mais je ne peux rien pour vous.

Sans plus d’explications, Viqi contourna la jeune femme et se dirigea vers la rampe d’accès du vaisseau. Elle n’avait plus de temps à perdre avec elle. Mais cette étrangère n’avait pas encore tout donné et elle voulait continuer son combat. Elle n’hésita pas à attraper à Viqi afin de la stopper. L’ancienne jedi, qui s’était sentie agressée, la repoussa vivement. Son geste violent avait faillit renverser cette inconnue.

- Par pitié…aidez-moi !

Elle s’effondra à genoux, elle abandonna toute fierté, toute dignité, devant Viqi afin de la supplier de l’aider. La jeune femme n’en revenait pas. Que désirait-elle tant pour vouloir obtenir cette aide si précieuse ? Elle avait déjà vue des junkies accepter des choses et commettre des actes impensables pour le commun des mortels ne serait-ce que pour un simple bâton de la mort. Mais cette autochtone n’était pas de cette acabit.

- C’est ma fille. Elle est retenue par ce maudit quarren ! Il en a fait une esclave et seule la Force sait ce qui lui fait faire. Nous avons tous entendu les rumeurs sur les immondicités qu’il fait subir à nos enfants. Je ne veux pas que ma fille soit son esclave, je veux la sortir de là !

La femme aux cheveux châtains pleurait, elle pleurait toutes les larmes de son corps. Elle était là, sur le sol, face à Viqi, entièrement démunie et l’ancienne jedi comprit que cette femme voyait en elle son dernière espoir de sauver sa fille. Cette inconnue qui n’avait rien, ni la force, ni les armes, pour défendre la chair de sa chair, se mettait à genoux afin d’implorer l’aide d’une personne qu’elle ne connaissait pas.

- Faites ce que vous voulez de moi. Mais je vous en conjure…sauvez-là !

Viqi fit un pas vers l’humaine suppliante. Elle ressentit une boule dans son bas ventre, quelque chose qui la tiraillait, qui lui faisait mal. Elle avait la sensation qu’on la dépossédait de quelque chose qui était en elle. Mais, malheureusement, elle ne pouvait rien faire pour elle. Elle ne pouvait pas l’aider. Elle avait voulu s’excuser, lui expliquer la situation et les raisons qui l’empêchaient de lui porter assistance, mais aucun son était sorti de sa bouche. Elle était restée là, à la regarder de haut, sans rien dire et sans rien faire. Puis quand ce moment de gêne avait atteint son paroxysme, Viqi avait préféré détourner les talons en se dirigeant vers la rampe d’accès du vaisseau.

- Vous qui êtes une femme, vous qui pouvez être mère, ne comprenez-vous donc pas ce que je ressens ? N’avez-vous pas d’âme pour m’aider ? Vous en avez la possibilité et vous ne faites rien ! Que faites vous de la paix et de la justice ? Que sont donc devenus les jedi d’antan ?

Viqi s’était arrêtée en haut de la rampe d’accès. La mère victime de l’enlèvement de son enfant criait de toutes ses forces comme si cela avait le pouvoir de faire changer les choses.

- Les jedi sont finis. Ils ne suivent que la République et la République vous a abandonné. La paix, la justice…notions abstraites et futiles, elles n’ont pas lieu ici. Et je vous le répète, je ne suis pas une jedi.

Sans prolonger sa réponse, Viqi s’était engouffrée dans le vaisseau en activant la fermeture de la rampe d’accès. Ainsi, elle était certaine que cette étrangère n’allait pas tenter quoi que ce soit pour monter à bord de l’appareil, cela serait devenue plus gênant. Elle traversa les coursives et constata l’état dans lequel le vaisseau avait été laissé. Il n’avait pas été entretenu depuis longtemps, de la poussière se trouvait un peu partout. Il manquait des plaques à certains endroits laissant ainsi les câbles des différents circuits à nues. Une fois au cockpit, elle constata le mauvais état des sièges. Le voyage risquait d’être inconfortable, mais c’était bien le cadet de ses soucis tant qu’il pouvait être réalisé. Elle alluma certains interrupteurs et débuta un examen complet de l’appareil, cela allait prendre quelques minutes. En attendant les résultats, elle s’était assise sur le siège du pilote. D’ici, elle pouvait voir la femme autochtone. Cette dernière, toujours prise de spasmes larmoyants, essayait de s’éloigner pour regagner la sortie, mais elle avait fini par s’écrouler de nouveau au sol. Pour cette femme, le monde s’écroulait sous elle, elle devait avoir la sensation d’être aspirée par un trou noir.

Viqi avait toujours cette sensation désagréable dans le bas ventre. Elle n’arrivait pas à s’en départir. C’était comme un écho du passé qui semblait ressurgir et qui ne voulait plus la quitter, un écho qui tentait de lui rappeler ce qui elle avait été. Elle était lasse et exaspérée de devoir combattre son passé de manière inlassable. Ne pouvait-elle donc pas tout faire disparaître en un claquement de doigt ? Elle soupira, seule, pour elle-même. Elle ne pouvait rien pour cette femme ; elle n’était rien ni personne.

Un bruit résonna dans le cockpit. L’examen du vaisseau venait de se terminer.

La rampe d’accès du vaisseau s’ouvrait une nouvelle fois, son ouverture était accompagnée par les habituels jets d’air condensée et de vapeur permettant le refroidissement du système. Des bruits de pas résonnèrent et se faisaient entendre depuis l’extérieur. Le bruit se rapprochait avant de laisser place à la personne qui en était à l’origine. Viqi se tenait en haut de la rampe, elle respira un bon coup avant d’entamer la descente d’un pas ferme et décidé, elle ne s’arrêta qu’une fois en bas de la rampe d’accès. Elle regarda en face d’elle la mère de famille qui était à bout de force, cette dernière semblait surprise de voir apparaître de nouveau son dernier espoir.

- Votre nom ?

La jeune femme s’approchait doucement vers l’étrangère, elle ne la quittait pas du regard. Cette dernière était étonnée et n’avait pas l’air d’avoir entendu la question de Viqi qui ne cacha pas son exaspération à devoir se répéter.

- Il y a un instant, vous étiez en train d’hurler pour que je puisse m’intéresser à vous. Maintenant que je vous pose une question, vous avez perdu votre langue. Votre nom ?
- Mila…Mila Kell’Sen.
- Bien, Mila. Maintenant, lève-toi !

Viqi, parvenue à la hauteur de Mila, tendit sa main afin d’aider à relever la femme aux cheveux châtains. Cette inconnue avait désormais un nom, restait plus qu’à voir si elle avait une histoire. L’ancienne jedi l’accompagna jusqu’à une caisse métallique qui se trouvait proche d’eux afin de lui permettre de s’asseoir. L’autochtone reprenait son souffle et tentait de sécher ses larmes tant bien que mal.

- Maintenant, dis-moi comment s’appelle ta fille ?
- Nihlia. Elle s’appelle Nihlia.
- Et elle ressemble à quoi ?
- Elle a les cheveux châtains, mais plus foncés que les miens, ils s’arrêtent au niveau de ses épaules. Son nez est retroussé et elle a des tâches de rousseurs sur les joues, elle tient ça de son père.
- Des yeux noisette ?
- Oui ! Vous l’avez vu ! Comment va-t-elle ? Lui ont-ils fait du mal ? Ils l’ont blessé ?
- Non, rien de visible en tout cas. Ils lui ont donné le rôle de serveuse.

Viqi avait reconnu la description de la jeune fille. Elle avait eu l’occasion de voir son visage et son expression de dégout lorsque le quarren s’était rapproché d’elle avec ses tentacules. Cette femme avait de la chance, sa fille ne tenait pas le pire rôle par rapport aux autres enfants qui étaient présents. L’ancienne jedi se fit la réflexion que la jeune fille ne ressemblait pas beaucoup à sa mère, sauf pour le nez, elle devait plus tenir de son père.

- Où est son père, d’ailleurs ?
- Il est mort…ils l’ont tué quand ils sont venus chez nous.

Mila baissa la tête, le fait de repensait à ses évènements douloureux lui brisait le cœur. Viqi hésita, elle ne savait pas quoi faire ni comment réagir. Après tout, elle ne la connaissait pas, elle n’était pas son amie. Elle avait encore moins l’habitude de faire dans le sentimental. Lentement, elle approcha sa main et tapota tout en douceur l’épaule de Mila dans une piètre tentative de la consoler. Cette dernière avait accepté le geste de Viqi et désira prendra la main de la jeune femme dans la sienne. L’ancienne jedi, surprise de la réaction, retira vivement sa main.

- Hum…Raconte-moi ce qui s’est passé exactement. Vous leur deviez des sous, vous aviez une dette envers Rahjan ?
- Non, même pas, nous faisions attention à ne pas le fréquenter, lui et sa bande, afin de rien lui devoir. Il s’était approché de nous à plusieurs reprises afin de nous proposer ses « services » et son aide, mais nous avions toujours décliné. Puis il y a trois semaines de ça, il a débarqué avec ses hommes, chez nous…

Mila s’était mise à sangloter, elle avait de plus en plus de mal à contenir ses larmes. Il s’agissait un effort douloureux pour elle que de relater tous ses événements. Viqi se doutait de la suite, il n’y avait pas besoin de plus de détails.

- Ils t’ont pris ton mari, ils t’ont enlevé ta fille et j’imagine que ces bêtes t’ont également prise quelque chose…de toi.

Il n’y avait pas eu de réponse verbale, juste un hochement de tête de haut en bas afin d’affirmer les paroles de l’ancienne jedi. Il s’agissait toujours de la même chose, de la même triste histoire. À croire que les mâles, qu’importait leur race, se comportaient tous de la même manière. Viqi s’était mise accroupie face à Mila, elle voulait pouvoir la regarder malgré tout, elle avait d’autres questions.

- Tu n’as pas à me répondre, juste bouge la tête en fonction de ta réponse. J’ai vu d’autres enfants, est-ce qu’il y a d’autres familles dans la même situation que toi ?

Mila affirma en inclinant sa tête, une nouvelle fois, du haut vers le bas.

- Est-ce que vous avez tenté de vous liguer, de vous unir tous ensemble ? Est-ce qu’il y a une tentative pour sauver vos enfants ?

Cette fois, ce fut un hochement négatif de tête. Il n’y avait rien de surprenant, c’était une méthode comme une autre d’assouvir son autorité sur la population locale. Tuer un des deux parents et capturer l’enfant, ce dernier servait de main-d’œuvre et de moyen de pression envers les familles afin d’éviter toute tentative d’offensive de leur part.

- Est-ce que tu as déjà demandé de l’aide à quelqu’un d’autre que moi ? Un mercenaire ou autre ?

Ce fut une affirmation.

- Vu la situation, cela n’a pas été très concluant. Il est mort ?

Un signe négatif de la tête. Ainsi donc la personne qui avait été embauchée pour sauver sa fille n’était pas morte, il s’agissait d’un escroc. Un de plus dans cette galaxie. Elle n’avait donc plus rien à offrir à personne, cela expliquait à quel point elle était heureuse de voir une jedi dans les parages. C’était comme voir un miracle se réaliser devant soi. Sauf que Viqi n’était pas un miracle, plutôt un mirage.

- Vous…vous allez m’aider ?

La voix de Mila était déchirante. Pauvre femme, ce devait être un tel supplice pour elle. L’ancienne jedi ne voulait pas lui offrir le moindre espoir. Elle ne pouvait pas grand-chose pour elle si ce n’était que de lui accorder un peu de temps pour l’écouter. Mais cela n’allait pas plus loin.

- Ecoute, ma belle, je te l’ai dit…je ne suis pas jedi, ce serait plutôt le contraire. Je peux rien pour toi, je ne suis même pas bonne pour te consoler. Néanmoins…

Viqi n’aimait pas les propos qu’elle allait tenir. Elle n’aimait pas déjà pas ce « néanmoins » qui, à lui seul, venait de redonner de la vie dans les yeux de Mila. Cette dernière avait redressé la tête et l’écoutait attentivement.

- C’est que…comment dire…je viens de me faire avoir. J’ai réalisé le check-up du vaisseau et il s’avère que je ne peux pas décoller, il manque une pièce. Une cellule d’énergie alimentant les soupapes de...enfin qu’importe ! De toute façon tu n’as pas l’air de t’y connaître en vaisseau, c’est comme si je te parle en rodese. Tout ça pour te dire que je dois retourner voir le poulpe. Je lui en toucherai deux mots et je vais voir ce que je peux faire. Mais, mais, mais surtout ne t’emballe pas ! Y a aucune garantie !

Elle avait essayé de lui faire comprendre, mais cela n’était pas suffisant. Mila s’était relevée et enlaçait Viqi dans ses bras, elle était heureuse d’avoir quelqu’un qui lui proposa son aide. Le fait de répondre favorablement, sans rien garantir, à sa requête était important à ses yeux. Dans cette situation gênante, l’ancienne jedi resta les bras pendants avant de taper, très légèrement, le dos de la femme afin de la rassurer. Que venait-elle de faire ? Elle avait l’impression de lui causer plus de mal que de bien.

- Bon…si tu veux bien me libérer, je vais y aller.

Mila relâcha son étreinte et recula d’un pas. Son flot abondant de larmes semblait se tarir tout doucement et une lueur d’espoir brillait désormais dans ses yeux. Ou bien était-ce un reflet des lumières automatiques du hangar qui venaient de s’allumer ? L’obscurité gagnait de plus en plus et les étoiles commençaient à être visible dans le ciel. Viqi allait devoir reprendre la navette pour retourner au centre de Port-Esta, cela l’exaspérait au plus haut point, mais elle n’avait pas d’autre moyen pour retourner au club de Rahjan. Ce dernier allait avoir une sacré surprise.

- Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous aider ?
- Non, je vais y aller seule. Reste ici et garde le vaisseau, je risque d’en avoir pour petit moment. Si, prend ça et dépose-là dans le cockpit.

Viqi avait retiré sa bure avant de la confier directement à Mila. Ses habits usuels étaient désormais visibles, des habits sombres et usés. Le haut était tâché et le pantalon avait plusieurs déchirures, certaines liées à l’usure et d’autres prouvaient les mésaventures de la jeune femme. Son sabre laser, attachait à sa ceinture, était visible et scintillait, il s’agissait du seul objet en bon état. Les deux femmes se regardèrent dans les yeux et Mila sembla murmurer un « merci » muet à l’attention de Viqi. Il s’agissait de son signe de départ ; elle détourna les talons et quitta le hangar.

Elle repensa à son geste et se demanda si elle ne venait pas de commettre sa plus grosse erreur.

Ce trajet avait semblé être plus long que la fois précédente, ce qui n’avait pas mis Viqi dans les meilleures conditions pour retourner au club de Rahjan. Elle était seule, elle avait ruminé sur ce qui s’était passé plus tôt durant la journée et l’apparition de cette veuve éplorée, cela l’avait amené à se remémorer son passé et elle n’aimait pas ça. Pourquoi accordait-elle autant d’importance à cette femme qu’elle ne connaissait pas ? Pourquoi cette envie de voir cette mère retrouver sa fille ? Elle ne savait pas, elle n’avait pas de réponse, simplement des suppositions. Peut-être était-ce son passé de jedi, son envie de faire le bien autour d’elle, de se sentir utile. Ou bien celui d’être une femme dans une galaxie où il était difficile de se faire respecter quand on avait une fente au niveau de l’entrejambe. Ou alors était-ce quelque chose de plus ancrée en elle, de plus instinctive, de plus viscérale. Quelque chose qui laissait une marque, physique et psychologique. Mais elle n’y arrivait pas, elle ne se souvenait pas. Ou plutôt, elle ne voulait pas. Inconsciemment, comme pour se protéger, elle s’empêchait de se rappeler que quelque chose d’important qui était lié à ce qu’elle ressentait. C’était le Vide. Et cela l’énervait encore plus.

Elle était irascible, elle trépignait d’impatience. Dans le bus volant qui s’approchait du centre de Port-Esta, elle s’était mise debout afin de faire des allers-retours dans la navette, elle ne pouvait pas rester assise. Elle était seule dans cette navette, le chauffeur était un droïde et cela ne comptait pas. Et il y avait cette envie de s’envoyer une bouteille d’alcool – de bonne ou de mauvaise qualité cela n’avait pas d’importance – afin de se calmer les nerfs. Ou un bâton de la mort. Ou bien une autre drogue. Viqi avait besoin de sa dose pour se calmer.

La navette arrivait enfin à destination et la jeune femme ne s’était pas faite prier pour descendre à peine les portes de la navette ouvertes. La nuit était tombée, de vieux néons à s’en exploser les rétines s’étaient allumés afin d’indiquer les différents établissements encore ouverts, le reste de la ville n’était que faiblement éclairée par des poteaux lumineux alimentés par énergie solaire. Ce monde était loin de dépasser le statut de planète dortoir. Elle ne s’attarda pas et se lança à travers les différentes rues et ruelles de la ville afin de rejoindre sa destination. La température avait chuté, elle le ressentait sans sa bure, mais sa marche rapide lui permettait de se réchauffer. Au détour d’une ruelle, elle arriva à destination et se retrouva, une nouvelle fois, dans l’arrière-cours où se trouvait l’entrée discrète du club de Rahjan. L’entrée était beaucoup plus sombre qu’à sa précédente venue, il n’y avait pas de devanture éclairée aux néons, simplement qu’un point de lumière près de l’entrée où se tenaient les deux chagriens. Ces derniers se mirent sur la défensive à l’arrivée de Viqi, ils la reconnaissaient, mais n’avaient pas été prévenus de son retour. Sans ordre spécifique, ils n’étaient pas prêts de la laisser rentrer de nouveau.

- Vous allez me laisser entrer et vous allez rentrer chez vous, tranquillement.

Ils voulurent lui barrer le passage, mais l’instant d’après, alors qu’elle venait d’esquisser un geste de la main, ils décidèrent de la laisser passer et s’écartèrent. Ils finirent par s’éloigner chacun de leur côté. La jeune femme passa l’entrée et pénétra dans les lieux, elle se retrouva dans le long couloir obscur qu’elle traversa sans hésitation. Elle ne s’arrêta que lorsqu’elle arriva dans la grande salle. La musique résonnait, il y avait des cris et des rires. L’air de la pièce sentait fort, il s’agissait d’un mélange de différentes substances inhalées. Les différentes créatures semblaient excitées et éméchées, tous vaquaient à leurs différentes activités. Elle n’avait pas été remarquée pour le moment et cela l’arrangeait. Ses yeux scrutèrent la pièce et elle repéra Rahjan au milieu de la pièce, toujours à sa table et toujours bien entouré.

Viqi prit le temps de la réflexion, elle venait de débarquer à l’improviste dans ce club. Si le chemin lui avait semblé long, elle s’apercevait désormais qu’elle n’avait pas réfléchi à un plan, comme à son habitude. Elle se détesta, elle n’arrivait pas à comprendre comment elle pouvait agir de la sorte et continuait à être en vie. La Force devait aimer la garder en vie afin de la tourmenter. Elle décida de prendre la direction du bar et se posa en bout de comptoir, de là elle pouvait voir toute la salle. Cela lui permettait d’échauffer sa stratégie en plus de se calmer les nerfs avec un remontant. Elle fit signe au jeune garçon qui se trouvait là, elle lui indiqua qu’elle était une invitée de Rahjan et lui demanda de lui laisser la première bouteille qu’il pouvait attraper. Une fois cela fait, elle se servit un verre et le but d’un seul trait. Elle sentait la chaleur du liquide se répandre dans son œsophage et descendre jusqu’à son estomac, cela lui faisait du bien. Il lui avait fallu un deuxième verre afin de calmer ses nerfs, elle s’en était servi aussitôt un troisième, mais décida de le déguster avec de petites gorgées. Elle cherchait à retrouver la fille de Mila du regard et cela ne fut pas compliqué.

La jeune Nihlia faisait des allers-retours entre le bar et différents endroits de la grande salle. À chacun de ses services, elle était bien trop chaudement accueilli par des regards, par des propos et même par des gestes bien trop déplacés. Il était impossible de s’approcher d’elle et de l’extirper de cet endroit sans se faire remarquer. Que lui était-il donc passé par la tête de vouloir jouer les bonnes samaritaines ? Elle se retrouvait là, à ce comptoir miteux, à regarder ses enfants subir leur supplice. Elle n’était qu’une idiote sans nom qui agissait uniquement sous le coup de l’émotion et cela la mettait en rogne.

- Alors, ma douce, on boit sa…

Un homme tentait de s’approcher de Viqi, il titubait. À l’allure de ce type et à la démonstration de son fort taux d’alcoolémie, la jeune femme se doutait bien qu’il n’était pas venu pour lui proposer une discussion intéressante sur les mesures politiques prises par le sénat républicain. Elle ne lui avait donc pas laissé terminer sa phrase. À peine était-il à la portée de l’ancienne jedi que celle-ci un coup de pied au niveau du genou afin de le faire tomber sur lui-même. L’homme à genoux devant elle, elle en profita pour lui prendre la tête et la cogner le plus violemment possible contre le comptoir. Le corps s’écroula inconscient. Cela lui permit d’évacuer cette colère qu’elle avait en elle, mais sans arranger la situation pour autant. Des regards s’étaient attardés sur elle à cause du bruit et de l’animation local que cela engendrait. Dans le lot des curieux se trouvait le quarren qui s’était levé de son siège afin de mieux voir la perturbatrice.

- Mademoiselle Viqi, mon amie ! Approchez donc !

La jeune femme termina son verra et le reposa à côté de la bouteille. Elle enjamba le corps qui gisait à ses pieds et se dirigea vers la table de Rahjan. Les distraits reprenaient leurs activités comme si rien n’avait eu lieu et personne ne s’occupait de l’homme évanoui. Elle arriva à hauteur de la table et toisa le trandoshan du regard, le garde du corps du quarren avait sa main griffu sur la crosse de son arme. Il était toujours dans son holster, mais le non-humain était prêt à dégainer rapidement. Il devait être le seul à sobre.

- Je me doutais bien que vous alliez revenir, mais pas aussi vite. Qu’est-ce qui vous ramène à moi ? Ah ! Attendez ! Vous connaissez la devise : pas de discussion sans boisson.

Cela expliquait l’état d’ivresse du poulpe, même s’il gardait une certaine lucidité, mais ses gestes étaient confus. Il ne s’était pas rassis sur sa chaise, il s’était écroulé dessus en rigolant. Il fit un signe de la main afin d’appeler Nihlia pour réaliser le service.

- Je n’ai pas le temps de boire, Rahjan.
- Pas de verre, pas de…
- Rien à foutre ! J’suis pas là pour ça !

Viqi n’en pouvait plus des petits jeux de ce quarren, sa remarque n’avait fait que l’excéder. Néanmoins, Rahjan n’était pas le genre de personne à qui on pouvait manquer de respect. Le trandoshan sortit lentement son arme et rapprocha son visage de la jeune femme avec un grognement reptilien. Elle n’hésita pas à lui renvoyer son regard menaçant en tournant la tête légèrement de biais.

- Ose m’approcher le reptile, je te transforme en saucisse nerf.

L’ancienne jedi tournait son regard vers Rahjan, ce dernier était surpris par le comportement de celle qu’il avait accueilli plus tôt dans la journée. Malgré son état d’ivresse, il chercha à se concentrer sur la situation. La jeune fille, Nihlia, s’approcha de lui à ce moment-là afin de répondre à son appel.

- Il y a un changement de programme. Je suis venue la récupérer également.

Elle pointa du doigt la jeune fille qui était à côté du quarren. Cette dernière eut un mouvement de recul lorsqu’elle fut désignée, comme si le doigt accusateur était menaçant et dangereux.

- Ma favorite ? Et comment ça un changement de programme ? On a fourni le vaisseau et la marchandise avec. Il n’y a rien à renégocier.

La marchandise ? De quoi parlait-il ? Viqi commençait à comprendre. Le vaisseau n’était qu’une excuse pour transporter de la contrebande. Une cargaison illicite était cachée à son bord et c’était ce contenu que Bar’An désirait récupérer, ce vieux brigand. Elle comprenait mieux le temps de négociation qui l’avait amené à patienter cinq jours dans ce trou paumé.

- Je ne suis qu’une intermédiaire, Rahjan. Ce n’est pas moi qui fixe les règles ou les conditions. Bar’An me dit, moi je fais. Pour les détails, faut voir avec lui.
- Tu te fous de moi ?! Tu n’as qu’à dire à Bar’An de venir en personne.
- Et si je décide de ne pas partir sans elle ?
- Il se peut que tu ne partes pas tout court, dans ce cas.

Le coup de bluff avait été vain, le fait d’utiliser le nom de son employeur comme menace n’avait pas fonctionné. Elle se retrouvait bloquée dans cette situation. Il lui restait encore une porte de sortie, elle pouvait encore partir saine et sauve. Si elle tentait la moindre attaque, elle n’avait aucune chance de s’en sortir. Elle devait s’avouer vaincue. Rien n’avait été préparé, rien n’avait réfléchi, il n’y avait aucune surprise à cet échec. Elle n’avait plus rien à ajouter. Viqi leva les mains en l’air et recula tout doucement, son regard restait braqué sur Rahjan et sur son garde du corps. Elle attendit être à bonne distance et de voir le trandoshan rengainer son arme avant de se retourner face à la sortie. Elle n’avait rien à se reprocher, elle avait tenté de faire quelque chose d’honnête. Elle n’était simplement pas douée dans ce genre de domaine. Elle n’était pas douée dans beaucoup de domaine de toute façon. Allait-elle être plus douée auprès de Mila dans son explication lui indiquant que sa fille était toujours retenue par ce maudit quarren ?

- Au fait, Rahjan…tu veux toujours une démonstration ?

- Concentre-toi, Viqi. Ton esprit doit se focaliser sur ce qui t’entoure, sur l’instant présent.

Viqi était essoufflée, fatiguée, éreintée. L’entraînement durait depuis quelques heures, elle arrivait à bout de force, mais son maître continuait de la pousser à bout. Heleor Sylius, un twi’leks à la peau bleue, était perché sur son rocher et contemplait sa padawan qui gesticulait dans tous les sens. Viqi avait quatorze ans, les yeux bandés, elle brandissait son sabre laser à la lame verte étincelante. De nombreuses sphères d’entrainement se trouvaient autour d’elle et elle se devait de se défendre de leurs attaques.

- Maître ! Il y en a trop, c’est impossible.
- Tu te focalises sur le négatif, jeune apprentie. Tu ne vois qu’avec tes yeux, il faut voir avec ton esprit.

Heleor tapa des mains et les sphères s’arrêtèrent, il descendit de son rocher. Viqi éteignit son sabre et le raccrocha à sa ceinture, elle retira son bandeau afin de voir son maître s’approchait d’elle. Elle avait la sensation de le décevoir et s’attendait à se faire réprimander sur le fait qu’elle ne faisait que geindre et se plaindre. Par moment, elle se demandait si elle était réellement faite pour devenir une jedi, peut-être n’en avait-elle pas les capacités. Finirait-elle au sein de l’Agricorps à s’occuper des champs de Dantooine ? Mais alors que le doute l’envahissait, le vieux twi’leks s’approcha d’elle avec un grand sourire et un regard aimant. Il déposa ses mains sur les épaules de la jeune fille.

- Détends-toi, je sens que ton esprit est perturbé, tu te poses énormément de questions.
- Je suis désolée, maître, c’est juste que j’ai des doutes. Il y a tellement de choses à savoir, à faire, je ne suis pas sûre de pouvoir y arriver.
- Patience, Viqi. Patience. Tu es jeune, tu te dois d’attendre et d’apprendre. Tu as raison de te poser des questions, de douter. Il est bon de douter, de se demander si les choix que nous faisons sont réellement justes. Mais il arrive un temps où il faut choisir, il faut trancher, à tort ou à raison. À ce moment-là, tu te dois d’être certaine et de ne focaliser ton esprit que sur ta décision. Il faut vivre l’instant présent.
- Et si je me trompe ?
- Alors, il faudra assumer les conséquences de ton erreur, mais tu en ressortiras que plus forte.

Viqi regardait son maître dans les yeux. Il n’y avait que de la bienveillance envers elle, que de la bonté et une volonté de l’aider. De ne vouloir que le meilleur pour elle. Il la regarda avec un petit sourire, ce sourire qu’il abhorrait dans toutes les situations, car il ne voulait voir que le positif.

- Nous allons reprendre. Prépare-toi.

Heleor commença à reculer afin de retourner sur son rocher, il avait pris soin de ne pas lâcher Viqi du regard afin de continuer à la soutenir.

- Concentre-toi, Viqi. Focalise ton esprit sur l’instant présent, il faut que tu puisses voir ce qui t’entoure avec la Force. Fais la paix avec toi.

Viqi acquiesça de la tête avant de remettre son bandeau sur les yeux. Elle inspira par le nez. Elle se vida l’esprit de toutes les questions qui la tourmentaient et se concentra uniquement sur la défense de sa personne, en cet instant. Elle expira. Elle était prête. Son sabre laser s’alluma de nouveau.

***

* Fais la paix avec toi. *

Elle se concentra sur l’instant présent, elle allait devoir se défendre et sa vie était en jeu. Son esprit s’ouvrit pour se focaliser sur les êtres présents dans cette pièce. Elle repensa à tout ce qu’elle avait vu jusqu’à. Tous n’étaient pas armés de blaster, c’étaient principalement ceux proches de Rahjan afin de le protéger. Leurs facultés allaient être amoindris par l’alcool et les substances qu’ils avaient inhalées. Cela était à son avantage. Seul le trandoshan pouvait être un véritable problème pour elle, elle allait donc devoir s’en occuper rapidement.

- Qu’est-ce que tu racontes ?
- Tu voulais une démonstration tout à l’heure. Je vais t’en offrir une.

Viqi utilisa la Force afin de faire valdinguer les tables près d’elle à l’aide d’une vague de Force. Sans attendre, elle fit un bond en avant, suivi d’une roulade. Le trandoshan avait dégainé son arme et commença à tirer, mais elle se déplaçait trop vite pour lui. Elle activa son sabre laser et trancha la main de la créature reptilien qui lâcha un cri de douleur. Elle se tourna rapidement vers la table du quarren, elle utilisa la Force pour pousser légèrement la table et l’utilisant afin de donner un coup aux personnes qui s’y trouvaient autour. Cela lui permit d’obtenir le temps de répit nécessaire pour utiliser sa télékinésie et d’attirer les armes de ces truands vers elle. Elle se retourna vers le trandoshan et lui assena un coup au niveau du genou, frappant sur l’articulation, afin de lui mettre le genou à terre. La jeune femme en profita pour lui asséner un coup violent avec le dos de son arme au niveau du visage afin de l’assommer.

Elle sentit des ennemis s’approcher d’elle dans son dos, il s’agissait de ceux situés près de la scène. Ils possédaient des armes blanches ou bien d’objets pouvant faire office d’arme, l’un d’entre eux avait brisé une bouteille pour l’utiliser comme lame. Elle se retourna et utilisa une nouvelle fois la table du quarren comme arme défensive via son pouvoir de télékinésie en l’envoyant sur ces individus. Le choc était assez violent pour les mettre à terre. Une personne tenta de l’attaquer dans le dos, il s’agissait d’un duro qui était posé près du comptoir. Elle tourna sur elle-même afin d’esquiver l’attaque tout en lui entaillant la jambe avec sa lame. Le duro, prit dans son élan, s’écroula plus loin en se tenant sa jambe meurtrie. Elle pointa sa lame vers l’avant face à ses ennemis restant, ces derniers hésitèrent.

- Vous avez vraiment envie de tenter le coup ?

Ils étaient quatre face à elle. L’un d’entre eux était le plus en avant, un grand couteau de combat dans la main. Viqi éteignit son arme volontairement afin d’offrir une fenêtre d’attaque à la créature qui lui faisait face. Ce dernier n’hésita pas et tenta de poignarder la jeune femme avec sa lame, comme elle s’en était doutée. Elle pivota sur le côté et lui attrapa le poignet avant de lui tordre fortement et rapidement, lui faisant lâcher son arme. Elle en profita pour lui asséner un coup de genoux dans l’estomac suivi, à l’aide de son autre main, d’un coup du manche de son sabre laser. L’être s’écroula. Les deux suivants l’attaquèrent aussitôt, mais l’ancienne jedi n’eut aucun mal à esquiver les attaques de ses adversaires. Elle utilisa son sabre pour les blesser avec des lacérations aux niveaux des bras et des jambes, de quoi calmer leurs ardeurs. Elle regarda le dernier type debout et le projeta, en soupirant, avec une vague de Force.

L’établissement avait été retourné, des corps jonchaient le sol, mais il n’y avait aucun mort. Que des blessés, voir des mutilés. Certains étaient assommés, d’autres geignaient de douleur. Seul Rahjan se trouvait sur sa chaise, apeuré et sans défense. Il n’avait jamais imaginé pouvoir se retrouver dans une telle situation. Viqi se dirigea lentement vers lui, sa lame verte était toujours active. Sur son trajet, elle s’approcha du trandoshan qui tentait vainement de récupérer un blaster proche de lui. Sa lame découpe l’arme en deux avant de s’arrêter proche du museau du reptilien. Ce dernier abdiqua dans un soupir et s’allongea pleinement sur le sol.

- Alors, Rahjan, cette démonstration t’as plu ?

La jeune femme se concentra de nouveau sur le quarren et s’approcha lentement de lui. Cette vermine était désormais sans défense. Soudain, une pensée s’insinuait dans son esprit, une envie envahissait son corps. Le calme dont elle avait fait preuve jusqu’à maintenant, lui permettant d’utiliser ses pouvoirs, s’estompait petit à petit pour laisser place au doute. Au doute, mais aussi à la colère. Elle se trouvait face à un malfrat de la pire espèce. Cet être répugnant avait fait énormément de mal autour de lui, il n’y avait personne pour se dresser face à lui, personne pour le juger ou l’arrêter. Il était peut-être temps de mettre fin à son règne. Viqi en avait cruellement envie, il s’agissait-là d’un mal pour un bien. Cela était une manière de protéger les personnes qui vivaient à Port-Esta contre ce répugnant poulpe. Il s’agissait d’une bonne action. Elle leva son arme avec hésitation. S’agissait-il réellement de la meilleure à faire ? Parfois, il était bon de douter, mais il arrivait un temps où il fallait choisir.

Le mouvement fut rapide. Le geste était maîtrisé. Elle éteignit son sabre afin de le mettre à sa ceinture. Sur le siège se tenait le corps du quarren, pétrifié, inerte. Puis ce dernier reprit sa respiration. Elle avait vu la lame passer devant son visage en pensant que sa dernière heure était venue. Mais Viqi en avait décidé autrement. Si ce n’était pas lui le bourreau, alors un autre allait prendre sa place. Un autre qui n’avait pas connu la visite d’une femme armée d’un sabre laser et qui n’aurait pas peur de représailles. L’exécuter sur place lui aurait procuré un bien fou, cela l’aurait soulagé. Mais cela aurait-il changé les choses à long terme ? Cela l’aurait-il aidé à trouver la paix qu’elle recherchait tant ? Non, bien au contraire.

- Nous avons une nouvelle fois un changement des conditions. Je vais partir avec la petite, mais également avec les autres enfants. Eux tous contre ta vie, celle de tes petits camarades et le fait que je ne mette pas le feu à ton établissement. Tu acceptes le deal ?

Rahjan acquiesça vivement de la tête, il semblait à tout accepter désormais. Viqi passa à côté de lui en lui tapotant l’épaule. Elle alla au fond de la pièce, dans un coin s’était réuni les enfants. Ils eurent un mouvement de recul à l’arrivée de la jeune femme, cela était compréhensible. Elle s’approcha lentement, doucement, tout en essayant de se montrer la plus rassurante possible. Elle se doutait bien qu’avec son visage, froid et las, elle ne devait pas être la personne la plus aimable qu’ils aient rencontrés. Elle s’approcha de Nihlia et posa un genou sur le sol.

- Est-ce que vous êtes tous là ?

Il n’y avait pas eu de réponse, uniquement des hochements de tête affirmatifs. Ces enfants devaient être choqués, entre la maltraitance de ces lieux et la scène de combat à laquelle ils avaient assisté, cela en était trop pour leur jeune âge. Elle approcha ses mains du visage du Nihlia, cette dernière eut un mouvement de recul avant de se laisse faire. Viqi lui retira son collier d’esclave.

- Tu vas venir avec moi, nous allons rejoindre ta mère. Quant aux autres…retournez tous chez vous. Partez, maintenant ! Allez !

Malgré les propos de Viqi, les enfants avaient hésité à se lever et à s’éloigner, puis ils s’étaient mis à courir afin de quitter ces lieux. La jeune femme se leva à son tour et prit la main de Nihlia afin de la guider jusqu’à la sortie. Elles marchaient toutes les deux côte à côte, l’ancienne jedi eut soudainement une drôle de sensation, quelque chose de lointain. Ou plutôt, quelque chose qui aurait pu être. Elle ne s’attarda pas sur ce ressenti et préféra se concentrer sur ce qui allait suivre.

- Rahjan, je sais ce que tu as en tête. Un conseil : ne le fait pas.

Viqi se dirigeait vers la sortie du club, elle passa près du quarren s’en se soucier plus de lui. Sa main gauche accueillait tendrement celle de Nihlia tandis que sa main droite restait proche de son sabre laser. Rahjan était toujours assis sur sa chaise, son regard se perdait sur le sol sur lequel se trouvait un blaster pas très loin de lui. La jeune femme lui tournait le dos, l’occasion était à saisir. Le quarren se jeta sur le sol afin d’attraper l’arme le plus vite possible et redressa en la pointant sur son adversaire. Cette dernière avait déjà dégainé son sabre laser. Cela ne servait donc à rien de tirer. Rahjan laissa le blaster retomber sur le sol.

Quant à Viqi, elle reprit la direction de l’astroport, mais cette fois-ci en compagnie de la jeune fille.

- Nihlia, ma fille !

À peine venaient-elles de pénétrer dans le hangar que la jeune fille s’était précipitée jusqu’à sa mère afin de lui sauter au cou. La mère et la fille étaient heureuses de se retrouver, des larmes de joies coulèrent sur leurs joues, mais il y avait un sentiment de bien-être qui se dégageait d’eux. Bizarrement, cela faisait plaisir à Viqi. Elle se tenait en retrait, à l’écart, le visage fermé, mais au fond d’elle le nœud dans son bas ventre qui la tiraillait jusqu’à maintenant se défaisait. Il y avait de l’apaisement désormais. Elle s’était inquiétée de subir des représailles lors du chemin retour, mais il n’y avait rien et cela la rassurait également. Rahjan avait abdiqué, il avait compris que la lutte était vaine contre elle. Peut-être préférait-il attendre le départ de la jeune femme avant de réaliser ses représailles. Ou bien acceptait-il la défaite et avait pris la décision de laisser ces enfants en paix. Dans tous les cas, Viqi ne serait pas là pour voir les conséquences. Elle avait fait un choix, elle avait mené son action jusqu’à son terme, seul l’avenir pouvait répondre à ses questions.

Dans l’immédiat, l’heure était aux retrouvailles et à l’envie de partir le plus vite possible de cette planète. Son départ n’avait été que trop retardée et elle ne voulait pas se retrouver dans une nouvelle situation pouvant la bloquer pour quelques heures supplémentaires. Elle s’approcha de Mila, cette dernière n’était que trop concentrée sur sa fille pour s’apercevoir de la présence de Viqi. L’ancienne jedi s’était raclée la gorge pour émettre un son, qu’elle pensait le plus aimable possible, afin d’indiquer sa présence. À cet instant, la mère de la jeune fille se redressa en s’excusant avant d’éteindre fortement Viqi. Cette dernière, surprise, se retrouvait pantoise devant le geste qu’elle accepta.

- Merci. Du fond du cœur…merci. Je ne sais pas ce que nous pouvons faire pour vous.
- Il n’y a rien à faire. Elle est libre désormais.
- Encore merci et…je suis désolée, mais je ne connais pas votre nom.
- Cela n’a que peu d’importance. Profite du temps que tu as avec elle.

Viqi se desserra en douceur de l’étreinte de la femme. Elle tenta un sourire, sans savoir si cela avait réussi, et se dirigea vers le vaisseau. Ce ne fut qu’au pied de la rampe d’accès qu’elle s’arrêta, une nouvelle pensée lui traversa la tête et elle soupira. Que lui arrivait-il pour être aussi sentimentale ? Était-ce un signe annonciateur de sa fin prochaine ? Ou alors était-ce tout simplement une crise de conscience passagère ?

- Que vas-tu faire désormais ? Vas-tu rester ici avec ta fille ou penses-tu quitter cette planète ?
- J’aimerais quitter cet endroit et emmener Nihlia ailleurs, mais nous n’avons pas les moyens. Mais d’ici quelques temps, cela devrait être possible et je prendrais la première navette pour la première destination venue.
- Pour retomber dans la même situation…pas très reluisant.
- Nous n’avons malheureusement pas le choix. Je ne crois pas qu’il y ait des endroits pires que celui-ci…du moins je l’espère.
- Sache que tu te trompes. J’ai besoin de deux minutes pour préparer le vaisseau au décollage, c’est le temps que je te donne pour choisir de partir avec moi ou de rester ici. Réfléchis de quel côté de la rampe tu veux être quand elle sera fermée.

Elle n’avait pas attendu la moindre réponse et avait grimpé la rampe d’accès aussitôt qu’elle avait terminé sa phrase. Il était vrai que cela ressemblait plus un ultimatum qu’à une proposition de changement de vie vers une meilleure destination. C’était bien la première fois qu’elle se retrouvait dans cette situation, elle ne savait pas comment se comporter, de plus l’interaction sociale avec son prochain ne faisait pas partie de sa liste de points forts. Elle se dirigea au cockpit et attrapa sa bure qui avait été déposé sur le siège pilote comme elle l’avait demandé à Mila. Elle l’enfila aussitôt afin de se réchauffer. Cela lui permettait de se sentir entière, protégée. Elle n’avait jamais fait attention à quel point elle tenait à cette bure, elle considérait cet habit comme une extension d’elle-même et cela la réconfortait de l’avoir sur les épaules. Elle n’hésita d’ailleurs pas à mettre la capuche sur sa tête, ce n’était pas suffisant pour recouvrir son visage, mais suffisant pour cacher ses cheveux. Son armure était complète.

Elle s’approcha du panneau de commandes, à l’entrée du cockpit, et activa certains boutons. Le vaisseau commençait à prendre vie, des lumières illuminaient désormais l’ensemble de cockpit. Elle entendait différents bruits qui provenaient de l’ensemble du vaisseau, l’ensemble des systèmes s’activait au fur et à mesure. La bête ronronnait tranquillement. Le niveau du carburant était à son maximum, les moteurs ioniques pour le vol subluminique répondaient parfaitement, l’hyperdrive indiquait des niveaux de fonctionnement conformes. Les ventilateurs pour l’évacuation de la chaleur fonctionnaient normalement, un seul semblait fonctionner en sous-régime, mais rien qui pouvait gêner leur vol jusqu’à Coruscant. Tous les systèmes hydrauliques, annexes et les générateurs d’énergie fonctionnaient. Même le couple de générateurs et projeteurs du bouclier déflecteur répondait conformément. Rien ne pouvait empêcher ce voyage. Viqi jeta un œil concernant l’armement de l’appareil. Il y avait deux canons laser à l’amont, ils étaient non opérationnels, quant aux deux tourelles ces dernières fonctionnaient, mais elles avaient besoin de canonniers pour fonctionner. Concernant les lance-missiles, ils étaient vides, tout comme la réserve. Mais l’ancienne jedi ne s’était pas attendue à faire usage des armes pour retourner voir Bar’An.

Une fois les préparatifs terminés, Viqi s’installa sur le siège du pilote et régla la destination pour Coruscant. Tout semblait fin prêt pour son départ définitif de cette planète. Elle entendait des pas venant de la coursive et qui s’approchaient du cockpit, cela lui fit plaisir. Mila avait le bon choix, pour elle et sa fille.

- Il y a de la place dans le cockpit. Venez et bouclez vos ceintures.

Sa voix était forte et raisonnait à l’intérieur du vaisseau. La mère et sa fille finirent par pénétrer dans le cockpit et prirent place sur les sièges présents, Nihlia à la place du navigateur et Mila à celle du copilote. Cette dernière ne savait pas comment aider Viqi, la jeune femme semblait concentrée à activer les différents boutons présents devant elles.

- Est-ce que je peux vous aider d’une manière ou d’une autre ?
- Non.
- Vous voulez que je vous prépare quelque chose ?
- Non.
- Est-ce…euh…vous avez pu récupérer la pièce manquante ?
- La quoi ? Ah ! Aaah ! Oui, la pièce. Disons que je peux m’en passer.

Cela était sortie de l’esprit de Viqi, cette fausse excuse pour justifier son retour chez Rahjan. Elle ne s’était pas attendue à ce que Mila s’en souvienne. Elle n’avait pas non plus envie d’entrer dans les détails et leva un doigt en l’air face à la femme afin de la stopper.

- Pas de questions, pas de remarques, pas d’aide. Vous restez assisses toutes les deux, tranquillement et en silence. Profitez du voyage.

Viqi tapota une nouvelle fois son pupitre de commande et entra en communication avec le centre de l’astroport afin de signaler son décollage.

- Astroport de Port-Esta, ici vaisseau cargo…immatriculé…attendez…je ne trouve pas. Bon, ici le vaisseau cargo hangar 3, nous allons décoller. Demande d’autorisation.
- Négatif. Veuillez patienter, s’il vous plaît, une patrouille doit venir inspecter votre vaisseau.
- C’est quoi encore…quel motif ? Combien de temps avant leur arrivée ?
- Pas plus d’informations. Veuillez patienter, s’il vous plaît.

* Droïde de mes trois tentacules ! *

Rahjan n’avait peut-être pas dit son dernier mot, il avait dû prévenir les forces de l’ordre locale de la cargaison illicite qui était présente à bord de leur appareil. Viqi n’allait pas attendre plus longtemps. Elle coupa la communication et jeta un œil à ses passagères, elles étaient bien attachées.

- Accrochez-vous, on décolle.

Viqi activa les moteurs du vaisseau et celui-ci, lentement, s’éleva du sol afin de gagner en hauteur et sortir du hangar. Son transpondeur s’était mis à clignoter furieusement, le centre de l’astroport devait la contacter afin de lui demander d’atterrir. Lorsque le vaisseau fut assez haut et qu’elle s’était assurée qu’il n’y avait pas le moindre risque de collision avec d’autres vaisseaux, elle activa les moteurs afin de permettre à l’appareil de s’élever rapidement dans les air et de traverser l’atmosphère de la planète en direction de l’espace. Le transpondeur avait fini par s’éteindre de lui-même. Désormais, il y avait un nouveau voyant qui s’allumait.

- Oh oh !
- Que voulez-vous dire par « oh oh » ?
- Cela dépend…Port-Esta possède-t-elle des chasseurs ?
- Oui, pourquoi cette question ?
- Parce que nous en avons deux qui nous prennent en chasse.

Viqi vérifia les données qui lui étaient fournies par ses scanners avant d’éteindre ce nouveau voyant. Deux appareils monoplaces avaient décollés près d’une minute après son décollage, ils étaient rapides et la rattrapaient. Elle ne pouvait pas les distancer et elle n’allait pas engager le moindre combat avec eux, il fallait simplement gagner du temps. Le vaisseau cargo avait atteint l’espace, les calculs pour le saut en hyperespace étaient en cours. Soudain, l’appareil trembla, il était secoué de toutes part les tirs des chasseurs. Ces derniers ne semblaient pas plaisanter et étaient prêts à faire feux. Elle sentit la panique envahir le cockpit, ses passagères avaient peur. Elle ne pouvait pas simplement attendre la fin des calculs, les boucliers déflecteurs n’allaient pas tenir. Elle ne pouvait pas non plus tenter le tout pour le tout avec un saut au hasard dans l’hyperespace. Elle avait juste besoin de temps.

Une solution se présenta à elle. Une station spatiale était en en orbite autour de la planète, il s’agissait d’une station privée appartenant à une entreprise. Viqi changea de cap et se dirigea vers cette station. Le grand bâtiment spatial tournait sur lui-même autour d’une grande colonne et possédait de nombreux hangars avec des entrées menant vers le centre et vers l’extérieur de la station. L’ancienne jedi avait une idée de comment semer ses poursuivants, du moins temporairement, mais cela était risquée. Elle n’était pas une pilote chevronnée, cependant elle n’avait pas d’autres solutions. Une nouvelle salve de tir fit trembler le vaisseau, c’était désormais le tout pour le tour.

Viqi s’approcha de la station et changea une nouvelle fois sa trajectoire, elle renversa le vaisseau pour descendre avant de remonter le nez de l’appareil afin de pénétrer dans le hangar. La manœuvre avait été délicate et réalisée une secousse trop tard, en pénétrant dans le hangar le dessous du vaisseau cargo frotta contre le sol. Le vaisseau venait de perdre sa tourelle inférieure. Un bruit horrible et strident se fit entendre alors que le vaisseau frottait contre le sol, des voyants s’allumaient de partout, Mila et sa fille criaient de panique. Viqi releva l’appareil et longea le hangar en son centre, évitant de s’approcher des vaisseaux qui pouvaient stationner. Si la manœuvre n’était pas finalisée, elle avait au moins le mérite d’avoir écarté ses poursuivants. Le vaisseau finit par sortir de l’autre côté du hangar, elle contourna le « pilier » centrale de la station, elle profita de l’accalmie pour faire le tour de la colonne avant de pénétrer dans un nouveau hangar.

Le vaisseau cargo traversa le hangar sans grande difficulté. Ils avaient eu une frayeur avec le décollage d’une navette, Viqi avait dû faire une embardée afin d’éviter la collision. Cela avait amené à un nouveau frottement de l’appareil, mais sans grandes conséquences. Le vaisseau finit par ressortir du hangar pour se retrouver dans l’espace libre, les scanners indiquèrent le retour des chasseurs. Mais cela ne l’inquiétait plus, le voyant de l’hyperdrive venait de s’activer. Ce fut en poussant un juron que Viqi abaissa la manette. Le temps sembla s’arrêter, les étoiles s’étiraient et ils disparurent dans l’hyperespace.

***

Le vaisseau cargo atterrissait sur une plateforme volante, elle lui avait été indiquée par Bar’An. Ce dernier l’attendait en personne pour réceptionner le vaisseau et la marchandise. Viqi l’avait contacté aussitôt sorti d’hyperespace, elle avait bien évidemment omis de préciser la présence de deux invitées supplémentaires. La rampe d’accès de l’appareil s’ouvrit, la jeune femme en descendit et s’arrêta au bas de la rampe pour contempler la splendeur de la ville. C’était le crépuscule sur Coruscant, du moins sur cette partie de la planète. Les lumières commençaient à s’allumer sur les innombrables bâtiments.

- Viqi ! Ma grande ! Tu es effet de retour !

De l’autre côté de la plateforme s’élevait la voix de Bar’An, ce dernier s’approchait tout doucement du vaisseau avec les bras en l’air afin de saluer Viqi. Il était escorté par deux rodians. La jeune femme s’approcha de lui et, d’un geste de la main, lui montra le vaisseau afin de lui désigner l’objet de sa convoitise et lui indiquer qu’elle avait pleinement rempli son objectif. Lorsqu’ils arrivèrent tous les deux au milieu de la plateforme, l’aqualish prit l’humaine dans ses bras avant de la relâcher.

- Je suis heureux de te revoir, tu m’as l’air en pleine santé et sans blessures. Je suis content que ce se soit bien passé.

Viqi donna un coup de poing dans l’épaule de Bar’An. Le coup n’était pas suffisamment fort pour faire mal, de toute façon l’aqualish était bien trop fort physiquement pour être inquiété par la frêle créature qui se tenait devant lui.

- Bien passé n’est pas le terme que j’utiliserai à ta place. Ce type est un sale…tu sais mieux que moi ce qu’il est ! Il n’y a pas de mots pour le désigner ! Et puis tu ne m’as pas dit que ce que tu voulais ce n’était pas le vaisseau, mais son contenu ! J’ai failli y laisser ma peau à être poursuivi par des chasseurs ! D’ailleurs le vaisseau est un peu abîmé…
- Mais tu es revenue, saine et sauve. C’est le principal ! Qu’importe pour le vaisseau, ce n’est qu’un tas de ferraille.

Derrière Viqi, Mila et sa fille descendirent du vaisseau, lentement, hésitante. L’un des rodians interpella Bar’An afin de lui signaler ces personnes. L’aqualish jeta un œil surpris sur ces deux nouvelles créatures, à aucun moment il n’avait été stipulé que la cargaison en question pouvait contenir des personnes.

- Viqi, qui sont-ils ?

La jeune femme soupira et prit l’aqualish par le bras afin de l’éloigner du vaisseau. Elle profita de cette marche « anodine » pour se rapprocher des taxis volants qui attendaient leur passager.

- Je crois que tes affaires avec Rahjan sont définitivement finis, mais je peux t’assurer qu’il est un très mauvais partenaire commercial, ce n’est donc pas une grosse perte. Avant que ne me poses plus de questions, je te propose le deal suivant. Tu gardes la prime que tu me dois pour ce boulot, mais en contrepartie tu t’occupes de Mila et Nihlia, ce sont leurs noms à toutes les deux. Trouve leur un emploi correct et protège-les.
- Viqi, est-ce que tu te rends compte de ce que tu me demandes ?
- Oui, mais je sais que tu me dois bien ça. Le nombre de boulots que j’ai accompli pour toi alors que personne ne voulait s’en occuper, le nombre de fois où tu m’as payé une misère alors que tout le monde t’aurait exigé le décuple. Je pense que cela n’est finalement pas chère payer.
- Tu…enfin…je…
- Dis-moi simplement oui, que tu acceptes. Je ne demande pas du baby-sitting, elles savent se débrouiller plus que tu ne le penses. Aide-les simplement à se lancer dans une nouvelle vie.
- Légale ?
- Disons une nouvelle vie sans danger.

Bar’An soupira à son tour, une main sur le front. Il venait d’abandonner toute discussion, il avait donc accepté. Cela rassura Viqi. Cette dernière se permit de lancer un dernier regard derrière elle afin de voir une dernière Mila et sa fille au loin. Elles n’auraient pas la belle vie, mais elles ne seraient plus des esclaves. Elle pouvait avoir confiance en Bar’An pour être certaine qu’il allait tout faire pour leur trouver quelque chose de convenable.

- Oh, une dernière chose.

Viqi lâcha le bras de l’aqualish et le devançait afin de monter dans le taxi volant, mais sans s’asseoir. Elle se retourna vers Bar’An pour lui faire face.

- Peux-tu me garder le vaisseau ? Je n’ai pas encore d’endroit pour le garder de mon côté et je crois comprendre qu’il ne t’intéresse pas tant que ça.
- Tu deviens sentimentale, ma grande ?
- Disons que j’ai un bon présentiment avec cet appareil.
- Va, il sera dans mon hangar personnel.

La jeune femme le remercia avec un mouvement de tête. Il était étrange de se dire que cet être était ce qui se rapprochait le plus d’un ami. Elle ne s’attarda pas plus avant de s’asseoir dans le taxi.

- Tu ne dis pas au revoir à tes deux amies ?
- Non, cela ne sert à rien. Prends soin d’elles.

Sans un mot de plus, Viqi fit signe au chauffeur de s’en aller. Elle ne voulait pas s’attarder plus longtemps sur cette plateforme. Pourquoi serait-elle restée ? Mila et sa fille n’avaient plus besoin de Viqi, c’était au tour de Bar’An de s’en occuper. Puis cela lui évitait de devoir faire des au revoir long, inutiles et douloureux. Puis ce n’était pas un adieu, elle aurait sûrement l’occasion de recroiser leur route. Et si ce n’était pas le cas, tant pis, c’était la vie. De toute façon, elle n’était personne et personne ne se souviendrait d’elle ni de ses actions. À moins que cela n’était encore que des excuses pour se voiler la face et ne pas accepter certaines vérités qu’elle préférait garder enfouies en elle. Le travail était fait, voilà tout ce qui importait. Elle indiqua une destination précise au chauffeur, un bar à la réputation sulfureuse, cela lui permettrait de passer à autre chose. Elle s’allongea sur le siège arrière du taxi volant pour le reste du trajet.

Ce devait être un simple job. Un de plus parmi une longue liste de boulots qui s’étaient avérés plus complexes les uns que les autres. Un simple job aux confins de la galaxie…pour elle, plus jamais.