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Tess se jeta au fond d’une banquette.

- Un coeur de réac’, st’euh plaît !
- Encore ? Tu vas t’abîmer ton oesophage de mignonne petite humaine, tu sais ?
- T’es pas mon père Dakrkrt, que j’sache ?
- Ca, non, grogna l’ithorien en s’activant derrière son comptoir. Sinon t’aurais déjà pris un coup de pied au derrière.

Elle ignora la remarque. Elle s’était tournée vers la vitre qui la séparait de la rue, dans lequel elle voyait son reflet. Sa nouvelle couleur de cheveux lui plaisait pas mal. Cette coupe avait effacé l’ancienne angélique petite Tess, celle qui s’était faite baiser, au sens propre comme au figuré. Elle détourna le regard, et s’alluma une cigarette. Elle inspira avec une grimace.

- Vos cigarettes sur Ossus sont dégueu. T’as rien qui ressemble plus à ce qu’on trouve dans le Noyau ?
- Non, tout ce qu’il y a là dedans est naturel, c’est bien mieux pour toi que ce que tu fumes sur Coruscant. Hé ! Retires tes pieds de là, tu vas faire fuir ma clientèle avec tes sales manières !

Tess exécuta une grimace mauvaise, mais retira ses bottes de la table.

- Ton établissement est trop honorable, c’est ça ? On est pourtant pas dans le quartier du palais du roi Virgile, à ce que je sache. Y’a qu’des ouvriers fauchés dans ton bar !

Dakrkrt grogna en retour. Comme pour souligner les propos de la jeune femme, qui traînait dans son petit bouiboui du quartier ouvrir de la capitale d’Ossus depuis près de deux semaines, un groupe d’hommes entrèrent avec des tenues abimées, tâchées de cambouis. Ils échangeaient dans un basic grossier, qui ne ressemblait pas vraiment à l’accent d’Ossus. Tess se sentit vaguement agacée : elle avait espéré être la seule personne exotique dans le coin, mais visiblement les négociations impérialo-républicaines ne ramenaient pas qu’elle. Il fallait dire qu’elle avait trouvé un travail qui lui seyait tout à fait, ces jours-ci : payée par un “journal” de Nal Hutta aux drôles de pratiques, elle était payée pour dégoter des petits scoops sur des terrains légèrement risqués. Elle avait espionné des mafieux, s’était infiltrée dans des réunions mondaines pour entendre les conversations de politiciens corrompus, ou encore avait arnaqué des chefs de bande locaux pour en tirer quelques infos majeures.
La dernière demande, c’était de se rapprocher des négociations impériales et républicaines pour en faire fuiter les détails. Mais jusqu’ici, la pêche n’avait pas été très bonne. Il fallait dire que ces derniers temps, Tess passait plus de temps à boire et fumer qu’à vraiment faire de gros efforts pour travailler. En général, elle attendait d’avoir les poches vides avant de réellement se mettre au travail. Ce qui n’allait pas tarder à arriver…

… et Tess n’avait absolument pas envie d’y penser. Ce travail était plus difficile que tous les autres : elle allait forcément voir ou entendre de parler de Lana. Or, elle avait tout fait pour éviter de penser à son ancienne maîtresse depuis un sacré bout de temps. Quelque chose comme plus d’un an. Penser à elle la mettait hors d’elle, alors à quoi bon ? Mais il faudrait bien s’y résoudre. Elle nourrissait l’espoir qu’elle pourrait soutirer plutôt des informations côté Empire, qui lui éviterait de compromettre Lana. Mais pourquoi devait-elle s’en faire ? Que cela lui faisait que Lana pût être compromise.

- Rien à foutre, grommela-t-elle à part elle, tandis que Dakrkrt posait sans délicatesse son verre devant elle.
- Rien à foutre de quoi ?
- Rien.

Tess regarda l’ithorien prendre les commandes à la table voisine, une moue dépitée sur le visage. Elle n’aurait pas dû accepter ce job. Elle aurait dû passer son tour. Pourquoi avait-elle dit oui ? A cause de ce putain de sentiment d’urgence, que si c’était quelqu’un d’autre et qu’il découvrait quoique ce soit sur Lana… Pff, heureusement qu’elle était fichtrement -

- … difficile d’accès, cette Anthana.
- Moins fort, Deb’.


Tess s’était arrêté au milieu d’une gorgée et manqua de s’étouffer. Elle coula un regard vers la table des quatre bonhommes, puis replongea le nez dans son verre avant de se faire remarquer. Avait-elle bien entendu “Anthana” ?

- Faut être patient. Spotty a dit qu’il avait réussi à mettre des meilooruns aspergés de gaz dioxis dans les caisses destinées à son appartement.
- Ca tue sur le coup, non ?
- A dose suffisante, c’est assez rapide, oui. Faut juste être sûr que ce soit elle qui morde dedans. Elles ont été livrées ce matin. Je sais pas à quelle heure les journées de négociations finissent, mais je suppose assez tard.


L’homme en manteau noir regarda sa montre.

- Trop tôt. On devrait entendre parler de sa mort seulement demain matin. On a le temps pour une bonne soirée de…

Tess n’entendait plus la suite. Elle venait d’avaler d’un trait le reste de son verre. Elle bondit hors de sa banquette, et lança des crédits vers Dakrkrt sans un mot.

- Hé ! J’ai l’air d’un chien kath ou quoi ! protesta l’ithorien.

Il manqua les crédits et ils rebondirent sur le comptoir, s’éparpillant partout tandis que Tess était déjà arrivée à la porte de sortie. Mais juste avant de la pousser, elle se ravisa et fit volte-face. En quatre pas, elle était de nouveau au fond du bouiboui. Elle se pencha sur la table des quatre hommes, et leur décocha un regard séducteur.

- Salut les mecs. J’ai un job à faire, là, tout de suite. Mais j’aurais bien eu envie de m’amuser avec vous. Vous restez là toute la soirée, ou je vous laisse ma fréquence de comlink ?

Elle sentait sa propre haleine chargée d’alcool tandis qu’elle s’était rapprochée de l’un d’eux de façon trop maladroite. Ils devaient croire qu’elle était complètement saoule, et c’était exactement ce qu’elle voulait. Les individus échangèrent des regards. L’un paraissait moins intéressé que les autres et fit un geste de la main.

- On bouge pas chérie, ou en tout cas y’aura bien quelqu’un pour t’accueillir si tu tardes pas trop, répondit l’un d’eux en lui passant une main sur la cuisse.
- Trop facile, commenta-t-elle en lui décochant un clin d’oeil. J’ai hâte de revenir m’amuser avec toi !

Elle s’arracha à son emprise et repartit d’un pas décidé.

A peine la porte fut-elle refermée derrière elle qu’elle se mit à courir à perdre haleine.

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Voilà un bout de temps qu’elle n’avait pas dû utiliser ses dons dans la Force pour aller là où elle avait besoin d’être. La sécurité de l’hôtel Kamarillan, où Lana logeait, était assez élevée, mais les gardes pouvaient facilement être trompés par un voile de Force. La détection l’aidait à lui faire contourner les endroits trop fréquentés, si bien qu’elle parvint à l’étage de l’appartement de Lana - c’était facile de le reconnaître, les gardes républicains postés devant sa chambre étaient les mêmes, pour certains, que ceux qu’elle avait fréquenté autrefois. Bien décidée à ne pas être reconnue, elle ne s’approcha pas de la porte d’entrée de la suite en question : quand la porte était trop bien gardée, il suffisait de rentrer par une fenêtre.

Dans un couloir du même niveau, Tess attendit qu’il n’y ait plus personne pour entrer discrètement une carte passe-partout dans la porte de l’un des appartements dont la Force lui soufflait qu’il était inoccupé. Le principe de cette carte merveilleuse était de faire surchauffer le lecteur optique de façon à ce qu’il court-circuite. Elle n’avait alors plus qu’à forcer le dispositif pour que le verrou se soulève de l’autre côté de la porte.
Quelques minutes plus tard, Tess était sortie par la fenêtre de cet appartement et circulait sur la petite corniche de permabéton qui courait tout autour du bâtiment. Son estomac se soulevait à cause du vertige, mais elle força ses pieds à aller l’un devant l’autre. Ce fut terriblement long. Heureusement pour elle, l’astre d’Ossus s’était couché et elle n’était pas visible depuis la rue dans cette nuit profonde. Quand elle parvint enfin aux fenêtres de l’appartement de Lana, elle constata avec stupeur que ceux-ci avaient été renforcés d’un vitrage supplémentaire visant à atténuer la luminosité de l’appartement - occupante umbarane oblige.

- Putain Lana, t’as vraiment décidé de me faire chier jusqu’au bout hein.


En plus de ça, il s’était mis à pleuvoir à grosses gouttes. L’eau coulait dans sa nuque et s’insinuait sous ses vêtements. Elle se demanda ce qu’elle fichait là. Et dire qu’elle ne portait plus sur elle son sabre laser depuis un bail… Pour une fois, il lui aurait été utile. Elle avait bien son blaster, mais elle était à peu près sûre que les vitres étaient blindées. Alors, il n’y avait que la solution de fortune.
Tess sortit son petit couteau et commença à tester toutes les bordures de chacune des fenêtres, pour voir si l’une d’entre elle ne serait pas plus fragile que les autres. C’était long et fastidieux, mais elle finit, au troisième panneau par réussir à enfoncer sa lame entre le panneau et le montant suffisamment profondément pour qu’elle voit la lame ressortir de l’autre côté de la vitre. Elle remonta avec sa lame jusqu’au mécanisme de fermeture, puis fit levier. Le battant de la fenêtre pliait, mais ne cédez pas. Néanmoins, en élargissant l’ouverture, elle réussit y faire passer la garde de son couteau pour le laisser coincé là, gardant ouverte la petite ouverture qu’elle avait réussi à créer. Puis elle passa à l’intérieur le canon de son blaster, afin de cette fois tirer sur la poignée à l’intérieur de la fenêtre. Au troisième tir, la poignée sauta et battant s’ouvrit si brusquement que Tess failliti tomber à la renverse. Elle se rattrapa au bord avec maladresse et glissa à l’intérieur.

L’appartement était plongé dans le noir. Elle attendit, silencieuse, afin de voir si ses tirs n’avaient pas été jusqu’aux oreilles des gardes dans le couloir, mais elle n’entendait aucune réaction. L’appartement était probablement bien insonorisé. Elle poussa un soupir de soulagement, et passa sa main dans ses cheveux mouillés.

- Bon, plus qu’à trouver ces meilooruns maintenant…

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Sa vie sur Ossus était difficile. Bien sûr, il y avait le faste et tout le luxe que l'on pouvait s'attendre de la part d'une monarchie absolue qui semblait bien décidée à faire bénéficier les représentants Républicains et Impériaux de ses largesses. Mais cela était plutôt normal pour Lana. Elle n'en attendait pas moins, elle qui était habituée à un train de vie assez luxueux par défaut de par son statut de princesse de Kuat.

Le problème ne venait pas non plus de l'attention qui lui était apportée. Cela aussi, c'était normal. Elle était habituée à être poursuivie partout par les journalistes, les diplomates, ou n'importe qui souhaitant lui extorquer une faveur. A vrai dire, elle appréciait même cet état de fait lorsqu'elle n'était pas au Sénat. Cela la faisait se sentir désirée. Désespérément seule dans sa vie, car incapable de faire confiance à quiconque, c'était un palliatif acceptable à sa solitude. Elle n'en avait pas beaucoup d'autre, à part se plonger dans son travail corps et âme.

Non, le problème venait bien des négociations en elles-mêmes. Cette parodie de négociations plutôt. Aucun des camps ne souhaitaient réellement la paix, cela crevaient les yeux. Ces réunions étaient vides de sens, et pourtant nerveusement éprouvantes. On en était arrivé là car chaque camp trouvait son compte dans cette trêve temporaire. Le nouveau Chancelier y avait gagné son élection, et l'Empire un petit répit après avoir trop étiré ses lignes. Comme d'habitude, la République semblait partir grande perdante dans cette histoire, mais cela ne changeait pas trop. Et on avait embarqué Lana sur ce radeau qui prenait l'eau, un peu contre son gré.

Le monde de la politique lui semblait à présent hostile. Grendo avait les dents trop longues pour qu'ils puissent s'entendre, et son fantôme de vice-chancelière l'avait humiliée lors de leur première entrevue sur Ossus, alors que les esquisses de la paix commençaient à se dessiner. Lana n'était pas rancunière. Elle n'oubliait pas, voilà tout. Emalia a présent muselée, le Sénat était à la botte de ces deux là, et Lana avait été exilée ici. Bien triste destin. Etait-ce une sorte de punition pour avoir soutenue l'ancienne chancelière ? Payait-elle les pots cassés du mandat précédent ? Elle avait fait de son mieux, et le bateau flottait encore. C'était bien plus que beaucoup d'autre aurait pu prétendre...

Après une nouvelle journée éreintante de paroles creuses et de faux semblants, Lana rentrait à présent à son hôtel. Elle fit le trajet dans un speeder limousine, entourée de quelques diplomates, et de gardes, une toute petite partie de la suite diplomatique Républicaine. Tous choisis par Grendo, probablement pour la surveiller. Pourquoi n'avait-elle pas eu son mot à dire dans le choix de ses propres collaborateurs ? Cela ne faisait que l'isoler un peu plus. Elle ne souhaitait plus qu'une chose: s'enfouir dans son lit, et dormir. Sombrer dans les limbes du sommeil. Dans l'oubli.

Elle rentra dans sa chambre d’hôtel, ignorant les gardes, et surtout ne remarquant pas la présence qui s'y terrait. C'est-à-dire qu'elle ne s'attendait pas à y trouver quelqu'un à la base. Et elle ne sondait plus ses alentours avec la Force depuis son arrivée ici, écœurée et effrayée par la présence permanente de Sith autour d'elle. Elle gardait la Force en elle, bâtissant de solides défenses mentales pour se protéger. Et puis, si jamais elle risquait quoi que ce soit, la Force la préviendrait... Si Lana possédait un seul vrai talent, c'était son instinct de survie sur développé.

Les ténèbres rassurantes flottaient dans sa chambre, lui permettant de se débarrasser de ses lourdes lunettes de protection. Ses yeux étaient cernés de fatigue, laissant de larges traces noires autour de ses yeux, marquant sa peau d'albâtre. Même si elle accentuait le phénomène de fatigue, au moins ses lunettes cachaient-elles cet inquiétant spectacle aux yeux des autres diplomates. Elle commençaient à se dévêtir, cherchant à retirer les manches de sa longue robe mondaine noire, lorsqu'elle l'aperçut enfin.

Tess.

Elle la reconnut du premier coup d'oeil, et ce malgré tous ses changements. Mais il fallait bien plus qu'un changement de coiffure, de vêtements et une dégaine renfrognée pour tromper Lana, qui connaissait si bien son apprentie. Peut-être même n'avait-elle jamais connu personne mieux qu'elle. Pendant longtemps, elle avait été son trésor. Sa confidente. Son amie... Avant.

Il n'en fallut pas plus pour briser en éclat le masque de neutralité qu'elle affichait si soigneusement d'habitude. Ses traits pâles se déformèrent sous l'incrédulité la plus totale. Elle tenta de reculer d'un pas, se prit un pied dans l'ourlet du tapis, avant de tomber sur son royale fessier. Elle resta assise là, par terre, dos contre la porte, les yeux écarquillés. Sous le choc, elle était devenue incapable d'aligner une seule pensée cohérente. Sa bouche était entrouverte, mais aucun son n'en sortait. Son cœur n'avait pas loupé un battement, il avait carrément cessé de battre. Tout du moins lui semblait-il.


- T-Te-T-T-Te-T-Tess ? parvint-elle finalement à bégayer d'une voix faible.
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Tess passait une main dans ses cheveux humides, plissant les yeux pour essayer de s’habituer un peu à l’obscurité. Elle ne pouvait évidemment pas allumer la lumière : cela aurait attiré l’attention des gardes ou de quiconque à l’extérieur. Elle venait seulement de songer, d’ailleurs, qu’elle avait peut-être été observée lorsqu’elle avait réalisé son petit numéro d’équilibriste sur la façade de l’hôtel. Tess se maudit elle-même intérieurement : ce qu’elle avait fait n’avait pas été très professionnel. Elle s’était tellement précipitée qu’elle n’avait pas vérifié les alentours. Tout ça pourquoi ?

La jeune femme scrutait les formes de l’appartement lorsqu’elle les aperçut : sur un comptoir qui séparait un séjour de la cuisine, une corbeille de fruits.

- Tagwa ! chuchota-t-elle en guise de cri de victoire.

Oui, ces derniers temps, elle utilisait parfois le huttese, langue à laquelle elle s’exerçait. Elle trouvait que pour négocier ses tarifs, cela lui donnait une autorité plus percutante que l’élégant basic de Kuat qu’elle utilisait du temps où elle était l’apprentie de Lana.

Tess s’approchait de la corbeille de fruits quand elle entendit le claquement d’une serrure brusquement déverrouillée. Elle se figea en tournant le regard vers la porte : celle-ci s’ouvrait, laissant entrer un faisceau de lumière provenant du couloir, entravé par une silhouette en robe longue qui s’engouffrait.

Il est étonnant comme le cerveau peut mémoriser certaines choses, les graver comme s’il était d’une importance vitale de pouvoir reconnaître un jour la démarche d’un être cher, la silhouette d’un compagnon, le soupir caractéristique d’une tête pleine de soucis que vous connaissez depuis longtemps. Des impressions fugaces et pourtant si évidentes, qui vous font croire que rien n'a changé, même quand tout a changé.
Interdite, Tess subissait avec cet effet un flot de souvenirs qui l’agressaient brutalement : Lana était là, et avec elle, des années de complicité l’assaillaient comme autant de lames nostalgiques. Par un réflexe qu’elle trouva absurde, Tess avait déjà refermé la main, sans s’en rendre compte, sur la garde de son couteau en phryk dans la poche intérieure de son veston. Ce même couteau qui les rendait jumelles.

Mais Lana ne l’avait pas vue. Tess fut tentée de se dissimuler dans la Force, se terrer dans un coin en attendant que Lana se fut couchée et qu’elle put s’enfuir. Mais c’était irréaliste : si par malheur Lana la trouvait, ce qui était très probable vu ses capacités à sonder la Force, son ancienne maîtresse croirait peut-être qu’elle n’attendait que son sommeil pour la tuer.

Alors Tess fit un pas en direction de Lana, serrant les dents et les poings, une main toujours dans son veston prête à dégainer et à défendre sa vie, si c’était cela que son ancienne maîtresse voulait.
Incrédule, cependant, la jeune femme assista au piètre spectacle d’une sénatrice surprise dans ses quartiers et qui tombait à la renverse en bégayant.

Les yeux de Tess s’étaient habitués à l’obscurité, lui permettant de remarquer les cernes bien plus importantes qu’avant. Elle regarda avec un froncement de sourcils celle qu’elle avait craint et haï pendant cette dernière année. Pourquoi lui semblait-elle soudain si fragile ? Cela l’agaçait et la rassurait à la fois. Mais elle se trouvait embarrassée, tellement elle s’était attendue à essuyer la colère de celle qu’elle avait fui. Affichant une mine renfrognée, elle haussa les épaules avant de croiser les bras, abandonnant son projet de sortir sa lame.

- Ben ouais, Tess, dit-elle comme si c’était une évidence.

Elle se rendit compte toutefois que la surprise de sa maîtresse venait peut-être aussi de son apparence : pour suivre Lana dans ses pérégrinations, autrefois, Tess avait été obligée de soigner au minimum son apparence. Très vite, livrée à elle-même, le naturel était revenu au galop : en dehors de ses cheveux teints en rose fuschia et de sa coupe provocante, elle était vêtue de grosses rangers qui avaient l’air d’avoir traversé un ou deux champs de bataille et des vêtements amples qui laissaient voir à des endroits incongrus la peau nue de Tess en dessous. La jeune femme se dit qu’il valait mieux qu’elle détournât l’attention pour la reporter sur ce qui comptait vraiment. Elle se dirigea, raide, vers le comptoir de la cuisine, et s’empara de la corbeille de fruits. Elle en renversa tout le contenu dans la poubelle.

- Tes meilooruns ont été empoisonnés, expliqua-t-elle non sans une certaine gêne qu’elle dissimulait avec un ton revanchard. Je serais toi, j’éviterais de manger quoique ce soit qui vient de cet appartement. Puis tes gardes, ils sont nazes, on entre ici comme dans un boui-boui des bas-fonds de Coru !

Elle remit la corbeille sur le comptoir sans aucune délicatesse et revint se planter devant Lana en posant les poings sur les hanches.

- Bon, tu comptes pioncer par terre ou quoi ?


Tess serra les dents, en toisant Lana d’un regard dur, afin d’éviter que celui-ci s’embuât de larmes. Ce n’était pas tolérable qu’elle pût apparaître faible, mais au fond la douleur lancinante remontait dans sa gorge et lui chauffait le visage. Lana était épuisée, c’était évident. Sa maîtresse avait une partie de l’avenir de la galaxie sur les épaules, pendant que Tess était partie. Partie pour quoi ? Pour un connard de mec. Pour une stupide histoire d’amour. Schutta, s’insulta-t-elle en silence.
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La situation lui paraissait irréelle. Tess était là. Devant elle, raide comme un balai dans la cuisine de sa suite. C'était impossible. Le cerveau de l'umbaranne bloquait définitivement sur le concept, l'empêchant d'aller plus loin. Son encéphalogramme restait complétement plat, comme court-circuité. Cela faisait quoi, plus d'un an ? Presque deux, à vrai dire, depuis que la Lordienne l'avait quittée. Ou bien était-ce Lana qui l'avait involontairement chassée, en tentant de lui inculquer une leçon trop dure pour elle ? Ce n'était plus très claire pour elle. C'était une partie de sa vie qu'elle avait tenté de refouler.

On ne pouvait pas dire qu'elles s'étaient quittées en de bon termes. Afin de lui enseigner une leçon sur la confiance mal placée à cause de sentiments, Lana s'était arrangée pour que Tess s'amourache d'un jeune homme, qui ne tarda pas à la trahir, la forçant à le tuer. Un jeu bien dangereux, et une expérience visiblement trop éprouvante émotionnellement pour son apprentie, qui avait peu après complétement disparue dans la nature. Cela avait été pourtant une leçon douloureusement nécessaire... Lui en voulait-elle encore ? Était-elle revenue ici pour se venger du mal que sa maitresse lui avait fait ?

Malgré l'obscurité de la pièce, Lana pouvait détailler son ancienne apprentie à loisir, même si les résultat avait du mal à s'imprimer dans la confusion de son cerveau. Qu'elle avait changée ! Tess était dorénavant devenue une femme, terminant totalement sa croissance. Force était de constaté cependant qu'elle était revenue à ses mauvaises habitudes vestimentaires. Avec ses vêtements amples et usés, elle aurait pu passer pour une contrebandière, ou un quelconque autre vermine sortie des bas-fonds de Nar Shaddaa. Et que dire de sa coupe de cheveux ! Si Lana avait été dans son état normal, elle aurait collé une solide rouste à son apprentie pour un tel manquement au bon goût !

Tess mit une corbeille de fruit dans la poubelle avec des gestes brusques, parlant de poison et de sécurité. Informations qui se rajoutèrent en bas de sa liste de priorité, elle qui bloquait toujours sur le premier point. Puis, son ancienne apprentie vint se planter devant elle, la clouant du regard. Toujours prostrée sur le sol, Lana ne put que se recroqueviller devant son regard dur. C'était un combat qu'elle ne souhaitait pas mener. L'assaut brutal de ses sentiments menaçait de la submerger, une sensation qu'elle avait rarement vécu dans sa vie. Si elle avait été en pleine forme, elle aurait déjà eu du mal à encaisser la réapparition de Tess sereinement, mais dans son état de fatigue mentale et de tension nerveuse actuelle, c'était peine perdue.


- Je... Ça... bégaya-t-elle, tentant péniblement de reprendre contenance. Tes cheveux... Ils sont roses...

Mais pourquoi elle lui disait ça ? Deux ans, et c'était la première putain de chose qu'elle trouvait à dire ?! En état de choc, elle n'avait cependant rien trouvé d'autre. Et puis, c'était encore la première chose qui lui avait sauté aux yeux... Avec des gestes malhabiles, elle tâcha de se rhabiller, renfilant les manches de sa longue robe avant que cette dernière ne tombe complétement.

- T... Tu m'en... veux encore ?
poursuivit-elle d'une petite voix peu assurée.

Elle poursuivit immédiatement, sans lui laisser le temps de répondre. Elle parlait vite, mâchant à moitié ses mots comme si ceux si se bousculaient dans sa bouche:


- Ce n'était qu... Qu'une leçon ! Ça... J'y suis allé trop fort ! Je... Je ne voulais pas que tu partes... Tu... Je suis désolée, Tess. Tellement désolée...

Elle tâcha de se relever lentement, le dos toujours appuyé contre la porte. Ses jambes tremblaient tellement qu'on pouvait le deviner sous le fin tissu de sa robe. Dans la position où elle était, elle aurait pu frapper contre la porte, appeler les gardes. Après tout, elle ne savait pas trop ce que Tess lui voulait. Elle n'avait pas trop saisi que la Lordienne venait de peut-être lui sauver la vie, mais même si c'était le cas, c'était peut-être pour avoir le plaisir de la tuer elle-même... Mais Lana restait là, pantoise. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était reprendre contenance.

Et ce n'était pas gagné.
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Sourcils froncés et mâchoire serrée, Tess toisait son ancienne maîtresse qui était toujours au sol. Tout en essayant intérieurement de chasser cette chose gluante et inutile qu’était la vague émotionnelle qui l’assaillait, elle se rendait bien compte que quelque chose clochait. Lana n’était pas dans son état habituel. A moins qu’elle n’ait tant changé depuis qu’elles s’étaient quittées ?

- Ah, ça, commenta-t-elle en entortillant une mèche de cheveux autour de son doigt pour se donner une contenance. Ouais, ils sont roses.

Son ton était légèrement provocateur, en tout cas sur la défensive. Elle savait bien que Lana n’approuverait pas sa tenue. Elle ne s’attendait pas, par contre, à ce que ce fut la première chose qu’elle remarquerait.
La question de l’umbarane cependant la mettait clairement mal à l’aise. Elle avait imaginé cette scène tant de fois. Bon, dans son imagination, Lana n’était pas à moitié dévêtue et par terre sur ses fesses, mais elle avait imaginé la conversation. Lana lui aurait reproché d’avoir donné sa confiance trop facilement, Tess aurait répondu que sa confiance, elle l’avait d’abord donnée à sa maîtresse qui l’avait trahie, et ainsi de suite. Elle avait méticuleusement pesé et préparé tous ses arguments pour le jour où cette confrontation aurait lieu.
Et maintenant… Cette discussion ne l’intéressait plus.

Tess haussa les épaules et leva les yeux au ciel.

- Arrête, je m’en fiche, c’est… Ridicule, assena-t-elle en faisant un geste de la main, comme pour chasser une mouche.

Elle ne savait pas très bien ce qu’elle voulait dire par là. Leur situation était ridicule ? Ou bien leur vieille dispute ? Ou bien Lana qui bafouillait assise par terre, ou sa propre de tenue de racaille des bas-fonds de Nal Hutta ? Elle n’avait même pas envie d’y penser. Elle préférait passer à l’action pour éviter de réfléchir : ces derniers temps, c’était ce qui lui avait le mieux réussi. Enfin… Si on omettait cette dernière heure.
Bref, elle préférait s’intéresser à l’allure de Lana elle-même, ce qui déviait judicieusement la conversation pour se sortir de cet instant embarrassant.

- Ma vieille, moi j’ai p’tet les cheveux roses, mais toi t’es pas dans ton assiette !


Elle ne se serait jamais permise de parler à Lana de manière si désinvolte deux ans auparavant, où elle la vénérait comme une seconde mère. Mais cet aplomb l’aidait à surmonter la nervosité de cette rencontre. Et puis, il y avait cet étonnement dont elle revenait à peine. Lana n’allait pas bien, et la culpabilité s’insinuait dans ses veines et l’animaient d’une sourde colère.
Tess lâcha un gros soupir d’exaspération, avant de marcher à grands pas déterminés vers Lana. Elle s’accroupit devant elle, et s’employa à passer l’un de ses bras par-dessus ses propres épaules afin de l’aider à se relever. Elle avait l’impression de la ramasser sur un champ de bataille. Ce n’était peut-être pas si loin de la réalité, vu ce à quoi pouvait ressembler des négociations entre l’Empire et la République.

Tess fit fermement marcher Lana en direction de la chambre.

- Tu n’as même pas pris correctement soin de toi. Tu exagères, tu tiens à peine debout ! Il n’y a plus personne avec qui faire de l’exercice ou quoi ?

La colère bougonne de la jeune lorrdienne ne se retrouva pas dans ses gestes relativement soigneux lorsqu’elle aida Lana à s’allonger sur son lit. Mais elle continua à grogner tout en retirant ses souliers à son ancienne maîtresse.

- Alors entre une sécurité qui laisse carrément à désirer, et ton allure démolie, je vois pas vraiment comment tu comptes te défendre encore longtemps. Heureusement que je suis venue ! Tu te rends compte que tu te serais faite tuer par de vulgaires mercenaires ? Tiens, d’ailleurs il faudra que je retourne m’occuper d’eux tout à l’heure.

Après les chaussures, ce fut au tour de la robe de Lana d’être retirée à petits gestes fermes – ce n’était pas très compliqué, dans la mesure où l’umbarane avait déjà commencé le travail. Mais Tess eut brièvement la vision des côtes dégarnies de sa maîtresse et cela lui fit froncer les sourcils. Avait-elle maigri, ou se faisait-elle des idées ? La lorrdienne ne fit aucun commentaire mais recouvrit Lana d’une couverture avec une autorité que lui conférait la faiblesse de Lana.
Mais dès que tout ceci fut fait, elle se sentit tout aussi désarmée et mal à l’aise qu’un peu plus tôt. Elle souffla encore de colère. C’était comme si rien ne pouvait apaiser sa frustration. Tout ce qu’elle voyait – le désordre sur le fauteuil, par exemple – n’était qu’une suite de gouttes qui tombaient les unes après les autres dans un vase qui débordait déjà depuis longtemps.

- Bon, je vais te préparer un truc à grignoter. Toi, tu te reposes, compris ?

Et sans attendre de réponse, elle tourna les talons pour disparaître vers la cuisine.
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Tess aida son ancienne à se relever, la tirant vers la chambre avant de la déshabiller, visiblement en vue de la coucher. Lana, toujours hébétée suite au choc émotionnel, se laissa faire. C'est ainsi que, sans trop comprendre comment, elle se retrouva en sous-vêtements, bordée dans son lit comme une enfant. Tout en œuvrant, Tess lui envoyait reproche sur reproche, sans vraiment lui laisser le temps de répondre. Et au fond, il n'y avait rien à répondre, car la jeune fille n'avait pas tout à fait tord.

Suite au départ de son ancienne apprentie, Lana s'était retrouvée plus seule que jamais. Elle n'était pas du genre à faire ami-ami avec d'autres personnes, ayant un sévère problème de confiance. Alors, elle s'était plongée dans le travail, d'abord en tant que vice-chancelière, puis en tant que négociatrice suite à l'élection de Grendo. Se noyer dans le boulot avait été une sorte d’échappatoire. Elle avait laissé de côté ses entrainements physiques, plus ou moins tout ce qui avait attrait à la Force. Elle sautait fréquemment des repas, et se couchait tard, pour ne pas dire s'effondrait de fatigue.

Bien sûr, après de long mois à un tel traitement, son corps commençait à protester. Pas au point de ne plus tenir debout cependant, cela tenait plus du choc émotionnel récent. Bien sûr, elle s'était imaginé revoir Tess. Elle l'avait rêvé, pour être exacte. Mais jamais elle n'avait cru cela possible. La Lorrdienne était partie, tournant une page définitive de la vie de Lana. Et pourtant, elle reparaissait à présent, se donnant des airs bravaches.

L'umbaranne frotta ses yeux fatigués, et se rendit compte que Tess n'était plus là. Elle était partie dans la petite cuisine de sa suite... Cela lui donna quelques instants pour reprendre contenance. Rassembler ses esprits, en vue d'une confrontation. Car il s'agissait bien de cela. Les deux femmes ne s'étaient pas quittées sur des notes très positives, et certains points méritaient peut-être d'être éclaircis. Lana contrôla sa respiration, et tâcha de retrouver une certaine sérénité. Cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas sentie aussi déstabilisée...

Au bout de quelques minutes, elle se sentit enfin prête. Elle sortir de son lit, drapée dans sa couverture blanche. Elle n'était pas spécialement pudique, mais il ne faisait pas si chaud que ça dans la chambre. Elle se glissa tel un fantôme dans la suite, afin de rejoindre la cuisine où son ancienne apprentie s'affairait à on ne savait trop quoi. De la cuisine probablement. Lana n'avait pas cuisinée depuis des lustres, il lui semblait même avoir oublié comment on faisait.


- Tess... commença-t-elle en restant à une distance respectable, comme si elle avait peur de trop s'approcher. Je... Merci d'être venue me sauver.

Elle doutait que ce soit réellement le cas. Après tout, elle pouvait se protéger des poisons grâce à la Force. Donc à moins qu'il n'ait été particulièrement foudroyant... Mais bon, il s'agissait d'une entrée en matière comme une autre. Car en réalité, Lana ne savait pas trop comment aborder cette conversation. Peut-être fallait-il simplement crever l'abcès au plus vite, afin de voir comment la situation pouvait évoluer.


- Pendant que tu es ici, je me disais qu'on pouvait parler de... Enfin, tu sais. Leyk. Nous n'avons pas vraiment eu la possibilité d'en discuter à tête reposée...


Comme à son habitude lorsqu'elle n'avait pas de bonnes cartes en main, Lana préférait aller au plus direct. Beaucoup la décriaient pour ce genre de stratégie, pourtant il fallait admettre qu'elle avait fait ses preuves un grand nombre de fois. La position et la réputation de la sénatrice à l'appui.


- C'était une leçon, rien qu'une leçon, même si elle était particulièrement difficile à encaisser. Mais elle était nécessaire... poursuivit-elle d'une voix faible.

Puis, elle demanda sans détour:


- Est-ce que tu m'en veux encore ?
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Tess avait ouvert les placards les uns après les autres à la recherche de quoique ce soit qui pouvait se cuire sans préparation en étant jeté dans le micro-four ionique. Elle finit par tomber sur des barquettes à réchauffer. Exactement ce qu’il lui fallait, car Tess était incapable de cuisiner la moindre chose complexe et elle était habituée à de la junk food depuis ces derniers mois. Lana avait l’habitude de manger plus sainement, ayant un personnel pour lui apporter ce qu’il lui fallait, mais l’urgence de la situation était de retaper l’umbarane qui, soyons honnêtes, n’avait pas l’air en forme.

Quand elle se retourna après avoir rempli deux grands verres d’eau, qu’elle tenait toujours à la main dans l’intention de les ramener dans la chambre, elle se trouva nez à nez avec une Lana enveloppée dans une couverture. Elle stoppa net son geste, interdite. Ça aurait été tellement plus simple si elles avaient fait comme si rien ne s’était passé. Mais au fond, elle savait que ce n’était pas possible. Tess soupira et posa les verres sur le comptoir. Cela lui donnait le temps de réfléchir à ses réponses.

- Elle était naze, ta leçon,
grogna-t-elle.

Oui, réfléchir pour dire ça, ce n’était pas terrible. Mais quand elle pensait sérieusement à ce souvenir, il y avait quelque chose qui montait en elle ; dans sa gorge, dans sa tête, dans son ventre, quelque chose de détestable, d’horripilant, qu’elle voulait enterrer à tout jamais. Il fallait pourtant qu’elle arrivât à surmonter la sensation. Au moins quelques instants, pour clore le sujet.

- J’en veux à Leyk d’avoir couché avec toi. C’était dégueulasse. Et je m’en veux de m’être faite avoir si bêtement. Et oui, je t’en veux.

Elle prit une grande inspiration après avoir dit tout cela, car ce n’était pas terminé. Elle poursuivit, d’une traite :

- Mais pas pour ça. Je m’en fous, il a mérité son sort, c’était un goo-wermo. Je t’en veux parce que t’as rien fait pour me retrouver.

Du moins, c’était ce que Tess croyait. Après tout, Lana avait peut-être réellement essayé de la rechercher, elle n’en savait rien. Mais elle s’était toujours imaginé que Lana n’avait rien tenté pour la retrouver.

- Tu croyais sûrement pouvoir te passer de moi et tu sais quoi ? J’étais persuadée que tu avais raison. Mais voilà le résultat : pitoyable.

Bon, elle exagérait peut-être un tout petit peu sous l’effet de la colère. Heureusement, l’obscurité cachait relativement ses yeux qui s’étaient remplis de larmes. Malheureusement, lorsqu’elle s’exclama, sa voix chancela, trahissant son émotion.

- Et dire qu’à une époque moi je s’rais morte pour toi, et en vérité je pouvais disparaître du jour au lendemain sans que t’en aies rien à foutre !

Comment avait-elle pu croire un seul instant dans sa vie avoir la moindre importance pour une femme si importante que Lana ? Comment avait-elle eu l'orgueil de penser que, si elle disparaissait un jour dans une ruelle sombre ou dans d'atroces souffrances, qui que ce soit s'en serait soucié ? Elle n'avait jamais compté pour personne, et avait été une complète idiote de croire quoi que ce soit d'autre. Constater qu'elle avait été si bête la rendit folle d'une rage qui débordait de son corps comme un démon enragé.
Brutalement, Tess prit l’un des verres d’eau et l’envoyer valser dans l’appartement. Il y eut un grand bruit de verre brisé. Cela ne parut que peu la soulager. La jeune femme tourna le dos à son ancienne maîtresse pour mieux cacher son émotion qui était pourtant évidente. Tess débordait d’une telle colère qu’elle avait envie, encore une fois, de s’en prendre à elle-même. De prendre son joli couteau en phryk et de tracer sur ses bras et ses jambes de douloureuses marques pour que la douleur physique, la coupure ou la brûlure, effaça le malaise de savoir qu’elle avait donné toute sa vie à une femme pour qui la vie n’avait rien changé après sa disparition.
C’était un acte d’autodestruction qu’elle avait souvent commis quand la colère qu’elle éprouvait contre elle-même l’envahissait en repassant à sa bêtise d’avoir pu croire avoir une quelconque valeur dans la vie de qui que ce soit. Toute sa vie avait été un mensonge ? Et pourtant il lui restait ce couteau, et ce désir de faire comme si rien ne s’était passé.

Oui, Lana lui avait donné une leçon. Une leçon d’humilité, en quelque sorte, et pas seulement une leçon concernant la confiance mal placée en un amant séduisant.

Des larmes avaient envahi ses joues. Soucieuse de les cacher, Tess resta dos à Lana, s’orientant vers le micro-four qui venait de sonner. Elle en ouvrit la porte pour en récupérer le contenu fumant. Elle tâchait de déposer proprement le tout dans une assiette, mais ses mains tremblaient et le résultat la frustra encore plus, s’ajoutant à la somme de ses déceptions. Elle s’essuya les joues d’une manche, avant de s’ordonner intérieurement de se reprendre.

- Enfin, ça n’a plus d’importance, maintenant. Je sais à quoi m’en tenir, comme ça.

Et pourtant, elle était là. Revenue.

Elle expira, trouvant enfin de quoi calmer ces sanglots absurdes pour pouvoir de nouveau faire face à Lana. Elle déposa l’assiette sur le comptoir, à côté du verre qui avait été épargné.

- C’est prêt,
déclara-t-elle froidement.
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Tess paraissait au moins aussi bouleversée qu'elle-même de ces retrouvailles douloureuses et impromptues. Même sans sonder son esprit grâce à la Force, Lana pouvait ressentir toute sa détresse, sa confusion, sa colère. Ces sentiments faisaient échos à ceux qu'elle ressentait elle-même... La jeune Lorrdienne tenta de se défouler sur un pauvre verre qui n'avait rien demandé, l'envoyant voler dans un bruit de verres brisés. Ses sentiments débordaient dangereusement, elle qui faisait d'habitude de son mieux pour les cacher.

Elle pouvait la voir pleurer, ses yeux perçants sans mal l'obscurité. Sa voix tremblait. La voir ainsi dans une telle détresse déchirait le cœur de l'umbaranne. A quel point lui avait-elle manqué... Bien sûr, elle le savait déjà. C'était une sensation qu'elle avait éprouvé de nombreuses fois ses dernières années, en l'absence de son apprentie. Mais ce sentiment revenait à présent, décuplée par la présence de la jeune fille. Cette dernière était en train de lui ouvrir son coeur, sans fard, déversant les reproches qu'elle avait dû accumuler durant tout ce temps.


- Tess... murmura-t-elle, alors que son ancienne apprentie tâchait de reprendre ses esprits.

Ainsi, c'était plutôt l'absence de réaction de la part de Lana, le fait qu'elle n'ait pas chercher à la ramener, qui avait perturbé Tess au plus haut point. Quand bien même c'était elle qui avait fugué, partant du jour au lendemain sans laisser de trace... Mais les sentiments n'avaient pas à être logiques, ni même maitrisés. Elles n'étaient pas des Jedi après tout.

Lana resta debout, contemplant d'un air absent le plat au micro-ondes, qui ne ressemblait plus à grand chose tant il avait été secoué. Elle resserra les pans de sa robe de fortune, tâchant de choisir avec soin les mots qui se bousculaient dans sa tête. L'heure n'était vraiment pas à une parole étourdie, même si elle comptait bien parler avec son cœur. Exercice difficile, car loin de ses habitudes...


- C'est vrai, je n'ai pas chercher à te retrouver, admit-elle d'une voix faible. Cela aurait été n'importe qui d'autre, je l'aurai fait. Je l'aurai ramené pour avoir... Pour exiger des explications. Pour punir.

On ne quittait pas le service de Lana aussi aisément, même s'il fallait reconnaitre que l'entourage de la Sith était en réalité très restreint, même en comptant ses larbins. C'était donc un cas de figure assez rare.

- Mais pas pour toi, Tess. Je ne pouvais pas. Je ne voulais pas aller à l'encontre de ta décision. Je t'avais blessée, et je craignais de le faire encore plus en remuant ciel et terre pour te retrouver... Tu comptais trop pour moi.


Tess était probablement la seule personne en qui Lana accordait sa confiance. La Lordienne avait énormément compté pour elle, dans sa vie et dans ses actions. Elle avait été plus proche de la Sith qu'aucune autre personne avant elle. Et c'est justement à cause de cette relation que Lana s'était refusée à faire quoi que ce soit qui aurait contredit la décision de son apprentie. Quand bien même cette décision lui avait énormément coûté. A tel point que s'en était visible physiquement.

- Je ne voulais pas que tu partes... Sans toi à mes côtés je... Enfin, plus rien n'a de sens. J'ai l'impression de ne pas avoir quelque chose de primordial...
Sa voix, même si elle était claire, semblait ténue, comme bloquée dans sa gorge. J'ai tenté de t'oublier. Je me suis noyée dans le travail. J'ai vivoté. J'ai attendu. J'ai essayé...

Elle ne trouvait pas ses mots. Lana était pourtant une habile politicienne, dotée d'une langue et d'un esprit particulièrement acérés... Mais à présent qu'elle était dans la sphère de ses relations personnelles, privées, elle se sentait complétement désarmée. Elle n'avait pas beaucoup d'expérience dans le domaine. Tess avait été la personne la plus proche d'elle, famille comprise.

L'umbaranne se rapprocha de son apprentie, et l'enlaça dans ses bras, la serrant contre elle, l'enveloppant des draps qui lui servaient de vêtements de façon un peu gauche. A travers la Force, elle l'entoura également de son aura, sombre mais familière. Dans l'obscurité, ses larmes discrètes avaient rejoint celles de Tess.


- Tess, c'est la première fois que je me sens proche de quelqu'un. Je ne sais pas quoi faire, ou dire... Mais je ne veux pas que tu partes. Pas à nouveau. Dis... Dis moi juste quoi faire. Pour que tu restes. Je t'en supplie. Je ferai ce qu'il faut...
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Les mots de Lana s’égrenaient dans l’appartement et tombaient sur le sol comme des sentences confirmant, aux oreilles de Tess, le peu d’intérêt que Lana avait eu pour une recherche la concernant. Comme des preuves de son caractère négligeable. Avait-elle vraiment été une vulgaire apprentie dont l’umbarane avait pu se passer, comme n’importe quelle autre apprentie Sith pour n’importe quel autre seigneur Sith ? Tess avait toujours cru, avant leur séparation que le lien qui les unissait était différent. Spécial. Unique au monde, même. Mais elle avait depuis essayé de se persuader du contraire. Une petite voix pourtant au fond d’elle s’attachait à ce conte d’une enfance révolue depuis longtemps.

Le conte fut ravivé lorsque Lana dit que Tess comptait. Les mots qui suivirent firent trembler la lorrdienne de tous ses membres. Elle croisa les bras pour mieux cacher ses mains prises de convulsions. Les deux femmes savaient parfaitement combien l’umbarane maniait bien la parole, de façon à rallier à sa cause, à endormir les soupçons, à aviver tel ou tel sentiment chez un ennemi. Utilisait-elle à cet instant ses talents ? Tess avait peur de croire à cette hypothèse comme à l’autre, celle de la sincérité. Dans le premier cas, elle était flouée par celle qu’elle essayait de protéger une nouvelle fois. Dans le second, elle savait qu’elle ne pourrait pas résister et qu’elle reprendrait le risque de s’attacher de nouveau.

De grosses larmes roulaient de nouveau sur les joues de Tess lorsque Lana l’enlaça. Elle était comme paralysée. Elle ne pouvait pas la repousser : c’était comme si elle avait attendu ce geste de la part de sa maîtresse depuis des années. D’un autre côté, si jamais Lana la manipulait, elle se sentirait d’autant plus trahie si cette étreinte n’était qu’un subterfuge de plus.
Mais dans l’aura de Force enveloppante de sa maîtresse, tant de souvenirs affluèrent… Leur rencontre dans l’académie Sith. Elle se souvenait du jour où elle avait couru à toutes jambes pour rejoindre pour la première fois le vaisseau d’Anthana. Elle se souvenait de leur viste sur Umbara et de ses premiers émois amoureux. D’un bain dans la salle d’eau du palais de Kuat. D’une étreinte dans un lit, elle ne se souvenait plus lequel. Des entraînements. Du cadeau du couteau.
Toutes les images affluèrent, se bousculèrent dans la tête de la Lorrdienne et, à force de pousser un barrage qui fuyait depuis quelques minutes déjà, firent sauter ses dernières résistances. L’émotion l’envahit toute entière et elle gémit sous la pression de l’eau qui se répandait sur ses joues, à même l’épaule de Lana. Elle n’était plus capable de parler. Plus capable de répondre. Elle se mit tout simplement à serrer Lana dans ses bras à son tour, secouée de sanglots.

Au bout d’un long moment de silence. Elle s’écarta enfin, séchant ses larmes et son nez dégoulinant sur ses manches – déjà peu propres.

- Il suffit de me demander de rester, alors. Et on n'en parle plus.

Elle avait essayé de prendre un ton exigeant, mais toute colère s’était enfuie de sa tête. Elle ressentait juste, soudain, une grande fatigue. Avait-elle vraiment bien dormi depuis qu’elle s’était enfui de Kuat ? Elle haussa les épaules, essuyant une nouvelle fois son visage.

- Mais je reste que si tu finis ton assiette, fit-elle en grimaçant un sourire sur son visage rougi.

Tess raccompagna Lana jusque dans la chambre, toutes deux chargées de l’eau et de la nourriture. Tant pis pour le verre brisé ; du personnel viendrait bien réparer les dégâts le lendemain. Apparemment, le bruit n’avait pas attiré les gardes. Un moment, Tess s’allongea à côté de Lana sur le lit, où elle lui conta rapidement de quoi avait été faite sa vie récemment. Contrats douteux, voyages sans préparation, logements de fortune. Finalement, sur la fin, Tess avait réussi à se constituer un petit réseau et un petit budget pour vivoter. Rien à voir avec le luxe de la tour de Kuat, c’était évident. Au bout d’un moment, trouvant son récit ennuyeux, elle soupira.

- Apparemment, tu as été bien occupée de ton côté. Ça se passe si mal que ça, les tractations avec l’Empire ?

De loin, Tess n’avait bien sûr pas pu s’empêcher de suivre les holonews sur la vie politique, où Lana tenait toujours un rôle prépondérant. Même si ce n’était pas sa tasse de thé, elle avait toujours essayé de comprendre les manœuvres diplomatiques de sa maîtresse. Pendant que celle-ci lui racontait à son tour ses aventures, Tess consulta l’heure sur son datapad.

- Merde… J’avais oublié que j’avais un rendez-vous…
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