Une fois n’était pas coutume, See’Ryl avait accepté de rencontrer l’un de ses contacts sur Nar Shaddaa. Habituellement, elle optait pour un monde neutre mais au vu des derniers évènements, la jeune femme jugeait plus prudent d’optimiser ses déplacements. Cependant, nul n’aurait pu dire que sous la chevelure écarlate et la tenue passe partout, se trouvait un Maître Jedi dont les lunettes avaient été avantageusement remplacées par des lentilles de contact. Ces dernières couvraient entièrement ses yeux et leur donnait une apparente normalité. En revanche, See’Ryl ne voyait quasiment rien. Le prototype n’était pas vraiment au point mais avait l’avantage d’exister. C’était son frère qui lui avait demandé de les tester puisque de tous les contacts de celui-ci, la Jedi était la plus souvent sur le terrain. Pour ce qui était de Légion… et bien, il arborait une toute autre apparence et ne suivait pas l’Arkanienne. Non… Le droïde restait à une distance prudente et ressemblait à n’importe quel droïde protocolaire qui accomplissait les ordres d’un maître quelconque.

Officiellement en visite sur Arkania, See’Ryl avait commencé par emprunter l’un des vaisseaux de son frère, sous une fausse identité. Ce n’était vraiment pas digne d’un Jedi. La jeune femme était réaliste : si elle voulait pouvoir avancer dans ses recherches tout en se préparant des portes de sorties pour son avenir, elle devait agir en sous-marin. Ses demandes étaient toujours moralement acceptables. Les marchés parallèles lui permettaient de gagner un temps considérable. Et puis…comme elle l’avait si bien dit à Balian, elle avait planifié des moyens de disparaître… L’un d’eux incluait de se faire connaître – dans une certaine mesure et sous une apparence inhabituelle – sur les mondes habituellement appréciés par les contrebandiers…

Quand elle arriva au lieu de rendez-vous, elle était pile à l’heure. L’odeur de la fumée de cigarette lui piqua le nez sans l’empêcher de s’approcher, ignorant le bref regard du garagiste pour se concentrer sur la jeune femme. « Il est toujours bon d’arriver à l’heure. » lâcha-t-elle, peu intimidée. Elle tendit la main pour dévoiler le symbole qui prouvait bien son identité à Maxence. On ne pouvait reprocher à See’Ryl d’être imprudente. De part son statut et ce qu’elle faisait, elle avait d’innombrables raisons de faire attention. Ce fut pour cela qu’elle se retourna vers le garagiste. « Je vous conseille de trouver autre chose à faire que nous regarder. Sans quoi, je serais obligée de m’assurer que vous ne puissiez plus espionner. »

Oui, c’était une menace. Non pas de mort mais See’Ryl le laissait penser à dessein. Son attention revint à Maxence. « Nous disions ? » demanda-t-elle en sachant pertinemment qu’elles n’avaient même pas débuté la transaction. Non loin, le garagiste tâchait de paraître occupé, faisant plus de bruit que nécessaire pour prouver qu’il n’écoutait pas ce qui pouvait se dire. Non loin, la vie turbulente et tourbillonnante de Nar Shaddaa suivait son cours. Ce que les deux femmes étaient en train de faire était monnaie courante. Plus personne ne se souciait de qui faisait quoi depuis fort longtemps. Ce n’était pas pour rien que la planète était connue comme l’une des plateformes de la contrebande.

Il en fallait bien plus pour effrayer See’Ryl qui resta coite face à l’attitude de son contact. Elle lui avait prouvé son identité… Enfin, celle qu’elle avait concocté pour ce genre de situation. On pouvait voir le sigle d’Arkania sur sa carte d’identité. C’était voulu. Que l’on tente de la retrouver sur sa planète natale et on ferait face à une véritable levée de boucliers… en plus d’un labyrinthe bureaucratique. Passer par les canaux moins officiels ne faisait que compliquer les choses. Et… c’était sans compter sur See’Ryl elle-même qui n’avait laissé aucun détail au hasard. Elle jouait un jeu dangereux qu’on lui ferait payer au centuple si elle était découverte. Autant prendre les précautions des précautions, non ?

Maxence s’approcha sans que See’Ryl ne recule ou fasse mine de le faire. Le regard sur sa poitrine lui passa par-dessus la tête. Elle était à des milliers de parsecs de cela. On lui avait appris à passer outre ce genre de chose. Ce n’était pas prêt de changer. A peine eut-elle une moue quand son contact se mit en tête de la… fouiller… palper… tapoter… Au choix. Si cela gêna See’Ryl, elle ne fit rien pour se soustraire. Légion était non loin mais fondu dans la masse. Il avait pour ordre de ne pas broncher et de veiller à ce qu’il n’y ait aucune « force de l’ordre » pour venir jouer les trouble-fêtes.

« 500, oui. » confirma-t-elle, attrapant le sac au vol. Elle l’ouvrit pour vérifier le contenu et dévoila ainsi les micro-processeurs expérimentaux qu’il dissimulait. A la question de Maxence, See’Ryl pencha légèrement la tête en refermant le sac sans lâcher la jeune femme des yeux. « Non. N’est-ce pas votre credo : pas de questions sur l’identité ? » demanda-t-elle. Le sac fut installé sur son épaule et dans la foulée, See’Ryl balança une pochette avec la somme. Elle ne négociait pas. Tout avait déjà été décidé par avance.

« Est-ce parce que je ne tremble pas de peur que vous pensez pouvoir me poser cette question ? » demanda See’Ryl. Ce n’était pas son genre de rentrer dans le jeu des gens, de leur laisser le plaisir de croire qu’ils pouvaient l’embêter et qu’elle répondrait. Le fait était que cela ne ressemblait pas à la maître Jedi. Si cette dernière voulait un peu plus troubler les pistes, autant agir en opposition – ou presque – avec ce qu’elle était en temps normal.

Dire qu’elle avait sciemment choisi Maxence en sachant qu’elle avait pour règles de ne pas chercher à savoir qui se dissimulait derrière les pseudonymes…. En temps normal. Visiblement, la blonde en avait décidé autrement pour son cas précis. See’Ryl ne savait pas si elle devait s’en sentir agacée ou honorée. Peut-être était-ce parce que, justement, elle ne ressemblait à aucun autre « client »… L’hypothèse était plausible. L’Arkanienne nota dans un coin de son esprit qu’elle allait devoir réfléchir à adapter sa posture si elle ne voulait pas être constamment l’objet de la suspicion… Ce qui, en temps normal ne la troublait pas. Mais pour quelqu’un passant par les circuits officieux, pouvait être un sacré problème.

C’était précisément parce que Maxence ne posait pas de question que See’Ryl l’avait choisie. Non sans s’être renseignée auparavant concernant le sérieux de la jeune femme. Les rumeurs quant à son attitude n’étaient pas toutes infondées constata See’Ryl qui ne retint pas une question. Celle fit stoppa Maxence qui ne se fit pas prier pour répondre. L’Arkanienne écouta, ne tardant pas à arborer un sourire en coin qui en disait que peu sur ce qu’elle pensait vraiment. Le discours fut long, presque enfantin. See’Ryl était habituellement tolérante avec tout le monde, formation jedi oblige. Néanmoins, lorsqu’elle sortait des sentiers battus, elle s’accordait quelques passe-droits avec la sacro-sainte tolérance.

Elle finit par hausser un sourcil quand Maxence grimpa sur l’aile de son vaisseau. C’est bientôt terminé, semblait-elle demander. Le silence revint et elle levant sa main droite. « Je devrais vous remercier pour cette… leçon » commença-t-elle de son ton monocorde. Lui, il ne changeait pas. « Laissez-moi vous rendre la pareille. Un Arkanien, voyez-vous possède plusieurs traits raciaux. Notamment quatre doigts griffus. ». Elle agita sa main puis retira ses lentilles qui, de toute manière, la gênaient. « Et des yeux blancs…. Entre autre. » Elle contempla la scène, notant le garagiste un peu pâlot. « Nous, les Arkaniens, nous n’en avons rien à foutre de l’avis des autres. Les autres races ne sont que du matériel génétique qui ne nous importe pas vraiment. Ma réussite, comme vous le dites si bien, ce n’est pas mon boulot, mon argent ou mon rang… Ni même ce que le reste de la Galaxie pense. »

Elle haussa les épaules et toisa les lieux avant de revenir sur Maxence. C’était presque plaisant de jouer ce rôle. Pour une fois, See’Ryl pouvait tenir un discours que son peuple ne renierait pas. « Ma réussite, c’est de savoir que les races inférieures peuvent me cracher dessus tant qu’elles veulent mais que, finalement, elles sont ravies d’utiliser les derniers progrès technologiques, génétiques et médicaux que mon peuple et moi découvrons. Je trouve cette ironie particulièrement savoureuse. » Elle se détourna, fit quelques pas puis se rappela quelque chose. « Vous voyez, je n’ai pas besoin que de faire partie du peuple d’Arkania pour être détestable. Je n’ai même pas pris de cours pour cela. »

Un dernier sourire et See’Ryl partit aussi discrètement qu’elle était venue, fermant les paupières pour ne pas souffrir de la chaleur et du changement de luminosité. Elle disparu rapidement dans la foule. Malgré sa chevelure écarlate. On ne pouvait pas dire que la Maître Jedi ne savait pas s’éclipser au milieu d’une foule. Parvenue dans une petite ruelle, elle vida le sac de son contenu et l’enferma dans un autre, bardé de dispositif interdisant les émissions. On n’était jamais trop prudent. Et puis les questions de Maxence ne lui avaient pas vraiment plus. Autant éviter d’être tracée. Satisfaite de son dispositif de sécurité temporaire, See’Ryl retourna au vaisseau de son frère et quitta la planète. Voilà une affaire rondement menée.