21.574, 2^nd semestre • Leritor, Capitale.

« C’est assez curieux. Je sens comme une tension chez tout le monde et pourtant… Je suis incapable de mettre le doigt sur l’origine de cette agitation et rien ne semble se manifester, Maître. On ne nous dit pas tout, et je me sens mal à l’aise. »

Un regard en biais, un mouvement à peine perceptible des cils indiquèrent à la Padawane que son Maître allait en son sens. La mission se déroulait jusqu’à présent beaucoup trop correctement pour le degré de tension qui électrisait l’air depuis l’arrivée de la délégation de la République. Peut-être les choses étaient-elles différentes pour les diplomates, peut-être étaient-ils, en ce moment même, autour de la table, en train d’être informés par les représentants locaux des raisons de cette angoisse. Pour l’heure, les deux Jedi n’avaient d’autre choix que de continuer à regarder les différents écrans qui s’offraient à eux, les différents radars, et boire le thé qu’on leur avait aimablement servi.

Ils se trouvaient sur Leritor, en bordure de l’Espace Hutt. La zone avait retrouvé un calme incertain suite aux événements du clan de Borenga mais les systèmes indépendants qui la peuplaient continuaient d’être inquiets. A raison ? L’avenir seul en déciderait. Chargés d’escorter les représentants de la République, son Maître s’était vu bombarder chef de toute l’opération au nom du Temple et du Sénat. Elle, elle se contentait d’être son ombre tout en ne ratant pas une occasion d’apprendre – soit ce qu’elle avait toujours fait. Ils étaient arrivés tôt, ce matin. Sept heures, à présent, avaient passés depuis leur atterrissage. Mais cette ambiance…

« Oui, Capitaine ? »

Elle s’adressait au Capitaine Reeik, en charge de la sécurité de la Capitale. Il n’avait pas cessé de les regarder depuis qu’ils étaient arrivés dans le centre de commandement et semblait ne plus prêter la moindre attention à ses propres écrans. Cela avait fini d’inquiéter l’adolescente qui s’était senti le besoin de lui tendre la main.

« Non… Non… Euh… C’est que… »

Elle sentit le doute et à la fois, la possibilité de libérer la parole. Elle n’avait qu’à trouver les mots justes, rassurants.

« Vous pouvez vous exprimez librement, Capitaine. Si vous ne voulez pas que vos paroles soient répétés, elles ne le seront pas. »

Elle se retourna et lui sourit avec bienveillance. C’était sans doute assez curieux pour l’humain de devoir trouver du réconfort dans le sourire d’une petite fille sans regard alors même qu’il devait lui-même baisser les yeux pour la voir. Thann avait gagné en assurance.

[color=darkseagreen]« Bien… bien… En réalité, vous ne tarderez pas à le savoir, j’imagine, puisque je sais que vos diplomates vont être mis au courant de tout ça. Bon. Je vais être honnête, car j’ai l’impression que de toute façon, vous êtes déjà pratiquement au courant. Si on est si inquiet, c’est que… Le gouvernement a fait de mauvais choix, ces derniers temps, et nous craignons tous qu’on ne se retrouve à les payer d’ici peu.

– Poursuivez sans crainte, Capitaine, nous sommes ici pour vous aider et ce que nous comptons faire. Les erreurs du passé de font pas des vôtres de mauvaises gens.

– Merci, Chevalier Sîdh.

– Je ne suis que Padawan.

– Pardon, je ne suis pas familier des vôtres.

– Aucun mal, vraiment. Poursuivez, je vous en prie.

– Oui, oui… Merci. Bon, croyez bien que je ne suis pas d’accord avec tout ce qui vous a été caché, je vois pas comment on peut réussir à assurer la sécurité si on n’a aucune idée de l’ampleur des menaces. Mais les décisionnaires ont craint que vous n’osiez plus venir si on vous informait de toutes les possibilités. Enfin… Je vais arrêter de tourner autour du pot. Pour éviter de tomber sous la férule des Hutts, on a pactisé avec les ténèbres et on craint à présent que celles-ci ne viennent encaisser nos dettes. Certains des anciens membres du conseil s’étaient accoquinés de trop près avec des membres du Cartel pour venir demander la protection de la République, alors on a été chercher l’aide qu’on pouvait. Aujourd’hui, avec le recul, on s’est dit qu’on avait plus vraiment envie de rejoindre l’Empire mais celui-ci n’a pas l’air d’apprécier qu’on rebrousse chemin comme ça.

C’est peut-être juste des menaces, hein… Mais… Je préfère que vous soyez au courant. »

Son Maître s’était retourné pour participer à la discussion, son regard en disait long sur son état d’esprit : du moins pour Thann. Il avait accueilli la nouvelle avec soulagement, au moins la menace devenait-elle palpable et n’était plus de l’ordre de l’hypothétique, mais son seuil d’alerte interne s’était aussi élevé au cran le plus élevé : il n’existait pas, actuellement, d’ennemis plus terrible.

Conservant tout son calme, il distribua de nouveaux ordres aux soldats et aux Jedi qu’ils supervisaient. Au grand soulagement du Capitaine, il ne fit aucune allusion aux raisons des changements qu’ils opéraient tout en s’assurant que la nouvelle menace serait alors nettement mieux anticipée ; on ne se préparait pas à l’arrivée potentielle des Siths comme on se préparait à la visite inopinée d’un raid de mercenaires du Cartel.

L’atmosphère changea délicatement autour de la Miraluka. La duplicité s’était évanouie, ne restait plus que l’inquiétude. Elle apprécia beaucoup ce changement et se surprit à sourire malgré la situation.

« Trop loin des limites de l’Empire. S’ils attaquent, ce sera rapide, destructeur, un exemple. Z’ont quelque chose à prouver après Columex et le reste. Au moindre signe, tu embarques avec Kal Kytarn et tu t’occupes de couvrir la zone résidentielle. Je mènerai le fer de lance. Avec un peu de chance, ils ignorent que nous sommes présents et la résistance les poussera à fuir au plus vite. Trop loin, plusieurs jours qu’ils sont en hyperespace, c’est probable. »

Bientôt, ils furent là.

▲

La bataille s’était engagée dans les cieux de la cité. Si elle portait le nom de capitale, elle n’en avait guère les prétentions en terme de taille. Pourtant, elle n’en demeurait pas moins peuplée de dizaines de milliers d’âmes et c’étaient celles-cis que Thann était bien décidée à défendre. D’abord postée dans le secteur des zones résidentielles, les aléas des combats l’en avait éloigné et elle volait à présent, avec le Sentinel Kytarn, du côté d’une tour anti-aérienne. Un avant-poste venait de voler en éclat, les défenses de la tour avait besoin d’une couverture le temps de se réorganiser. Parmi les chasseurs ennemis, elle sentit une familiarité. La Force lui laissait une nouvelle chance.

« Chevalier Kytarn, le monoplace, à main droite, avec la marque jaune sur le flanc. J’ai le sentiment d’en connaître le pilote. Il faut à tout prix l’obliger à se poser sans mettre en danger sa vie.

– Tu te rends compte de ce que tu me demandes, petite ? Je sais que ton Maître me fait confiance pour t’apprendre à manier le balai, mais j’suis pas magicien pour autant.

– J’ai confiance… La Force nous a déjà fait nous croiser. Il ne se peut pas qu’elle le fasse de nouveau sans raison. Je règle nos armes en conséquence, je m’occupe du tir et placez nous dans son sillage. »

Le message survint alors que la décision venait d’être prise. Elle était à présent sûre de l’identité du jeune homme et, à sa grande surprise, elle n’eut pas besoin de tirer.

« Suivez-le jusqu’aux coordonnées, je vous en prie… Nous pourrions aujourd’hui récupérer l’un des nôtres. J’informe mon Maître, je suis sûre qu’il comprendra que nous décrochions.

– Padawan Sîdh, êtes-vous sûre d’avoir bien saisi qui était en charge de qui dans cette habitacle ? »

Malgré l’ironie, le chasseur se désengagea de la bataille et fila aux coordonnées transmises. Thann sentit le sillage de l’appareil dans la terre, les flammes, sa présence. L’atterrissage s’était ostensiblement mal passé. Elle n’eut pas besoin de demander au Chevalier de se poser, pas besoin non plus de lui demander de rester-là, il se contenta d’un hochement de tête et repartit, même s’ils étaient éloignés des combats, il ne pouvait se permettre d’être une telle cible pour les chasseurs ennemis. Trop heureuse de retrouver son compagnon, elle s’en rapprocha à grandes enjambées mais réalisant la noirceur qui l’habitait encore, elle ralentit le pas mais n’eut pour autant aucun geste vers le sabre qu’elle avait à sa ceinture. Ses cheveux long attachés, une visière sur le visage, une tenue de combat légère, elle n’avait plus grand-chose à voir avec la petite fille qu’il avait retrouvé il y avait pourtant peu de temps. Sitôt qu’elle fut à porter de voix, elle lui lança, suffisamment fort pour être entendu malgré les bruits de la bataille, au loin, mais tout en se gardant de toute agressivité.

« Kolin ? Tu m’as appelée, je suis venue. Que puis-je faire ? »

La tentative était un peu maladroite mais à vrai dire, elle n’avait pas vraiment eu l’occasion de s’entraîner à la rhétorique aux côtés de Karm et cette situation, tout à fait exceptionnelle, ne lui laissait pas vraiment le temps de peser chaque mot. Malgré tout son entraînement Jedi, son cœur battait comme un tambour fou, en proie à des émotions contradictoires. Sa course dans l’herbe pris fin, à distance honnête de son ami – elle ne voulait pas montrer le moindre signe d’agressivité – elle inspira profondément en guettant sa réponse, elle cherchait à retrouver le contrôle pour lui offrir son meilleur visage, sa plus douce lumière.