Evidemment que Gollourmi avait entendu parler de lui. Tout le monde hutt avait entendu parler de lui. Darth Nesanto ne doutait pas que les images d’Asdroga, l’héritier de Borenga, pendu au milieu des ruines fumantes de Zio Snaffkin sur Dennogra, aient fait le tour des mondes hutts. La soif de sang du Sith à son encontre n’aurait pu être stoppée d’aucune manière. Nesanto avait voulu détruire tout ce qui subsistait de Borenga, c’était chose faite. Pour les autres Hutts, peu lui importait qu’ils vivent ou qu’ils meurent, du moment que leur monde se rangeait sous sa coupe.

Gollourmi fit preuve de l’aplomb de son espèce. Même acculée, elle cherchait à négocier. Les paroles des Hutts étaient du poison, un venin qui vous endormait pour mieux vous prendre à revers. Nesanto connaissait bien les méthodes des Hutts, bien qu’il n’en maitrisât pas toute l’étendue. Il n’était pas un politicien, ni un négociateur ou un orateur. Son meilleur langage était le sabre et il agissait sans se préoccuper des conséquences immédiates. Il aurait pu mettre fin à cette entrevue aussitôt, mais il n’avait qu’une parole. Il avait promis à Velvet qu’il écouterait Gollourmi, il comptait bien le faire bien que l’issue soit à sens unique dans son esprit.

- Quelles conditions pouvez-vous m’imposer Gollourmi ? Raxulon est entre mes mains, Raxus est tombée. Ni les rares défenseurs qui restent, ni Refuge n’y pourront rien. C’est un fait. Capitulez, donnez-moi les clés de Raxus et j’épargnerai votre vie et celles des vôtres. »

Rien qu’avec cela, Nesanto s’estimait magnanime. Il espérait que la Hutt réalisait la précarité de sa situation. Ses maigres forces seraient balayées en un claquement de doigts s’il le décidait, son gouvernement décimé et sa tête… ôtée. Velvet ou pas, Refuge ou non, rien ne l’en empêcherait, et certainement pas Gollourmi elle-même.

Il avait déjà obtenu de Velvet les baies de Bota, même n’avait pas encore tranché sur la manière dont il utiliserait cette nouvelle ressource. Faire croire que cela provenait de Gollourmi était un moyen de justifier sa vie sauve à la fin de la conquête de Raxus, encore qu’il imaginait bien qu’on lui demanderait pourquoi ne pas avoir pris de force les cultures pour se les approprier directement. Nesanto gardait également en tête que la Hutt pouvait lui apporter un soutien conséquent dans cette partie de la galaxie, notamment auprès du Conseil des Kajiidics. Le voulait-il seulement ?

- Cependant… » reprit-t-il avant que quiconque ne puisse l’interrompre, « … je suis un homme de parole. Et je suis curieux d’entendre ce que vous avez à proposer. »

Nesanto savait que Gollourmi chercherait à prendre le dessus, à garder le contrôle de la situation. Peut-être était-elle-même déjà persuadée qu’elle pouvait changer la donne. Si tel était le cas, le Sith était bien curieux de savoir comment. Il n’y avait aucune échappatoire pour Raxus, Nesanto ne pouvait plus faire reculer ses armées, plus maintenant. Et il ne le voulait pas. Il se savait en position de force, quoi que puisse lui dire la Hutt.

Les choses n’étaient pas aussi simples que pouvait le croire Gollourmi. Raxus n’était pas qu’une planète en plus sur la liste du Sith, elle était bien plus. C’était une planète luxuriante qui profitait de la polluée Raxus Prime pour s’enrichir. Nesanto voulait en faire son domaine, son fief, riche de ses ressources, de son emplacement et de son potentiel. Raxus était le point culminant de sa campagne dans l’Espace Hutt. Il ne pouvait échouer sinon son crédit serait entamé, ce malgré ses prises précédentes. Sa place auprès d’Ysanne était fragile, tout comme l’était le trône de l’Héritière à cause d’un Conseil Noir trop puissant. Conseil que Nesanto désirait ardemment rejoindre avant qu’il ne se mette lui-même en mauvaise posture. Décidément non, les choses n’étaient pas simples.

Gollourmi avait néanmoins raison sur la situation de Raxus : la planète se portait bien et aucune contestation notable n’y était enregistrée. Les affaires qu’elle y menait pouvaient bien être tachées de sang et de corruption, le peuple de Raxus fermait les yeux puisqu’il vivait dans l’abondance et la sécurité. L’invasion impériale avait été aussi inattendue qu’imparable, tout simplement parce que Raxus n’y était pas préparée. Une faiblesse bienvenue pour un monde aussi proche des frontières de l’Empire.

Elle jouait sa carte avec audace, et présentait une certaine vérité. Gollourmi était réaliste, tout comme Nesanto. Raxus ne pouvait lui échapper dans l’immédiat. Raxulon était tombée, le reste de la planète suivrait dans la foulée. La transition pouvait dès lors se faire dans le calme ou dans le sang. L’un comme l’autre n’était pas ce que désirait le Sith masqué. Il était hors de question qu’il laisse Gollourmi au pouvoir, mais il n’avait pas non plus l’intention de déclencher un massacre pour les beaux yeux du Conseil Noir, encore moins de Bekhaar et de son Inquisition.

- Je me suis déjà imposé par la force. Votre capitale est entre mes mains, comme votre gouvernement. Quant à vous… Vous l’êtes aussi, et ce peu importe le nombre de vos sbires cachés dans l’ombre. »

Seule Velvet était capable de lui tenir tête. Mais la Mirialane restait étrangement calme et muette, en retrait. Après tout, ce n’étaient pas ses négociations. Nesanto ne s’en étonnait pas moins.

- Je ne peux pas vous laisser les rênes de Raxus, il est trop tard pour ça. C’est d’ailleurs hors de propos puisqu’elles ne vous appartiennent plus. Si j’étais déraisonnable, je n’aurais pas pris la peine de suivre Velvet jusqu’ici, ou alors je vous aurais ôté la vie dès lors que je suis arrivé. Mais je ne le suis pas. Je sais comment fonctionne l’Espace Hutt, je sais à quoi tient l’équilibre. »

Et il savait tout particulièrement qu’il était fragile. Même s’il en connaissait les rouages, que ses troupes incorporaient chaque jour de plus en plus d’hommes issus de ces territoires, ceux-ci appartenaient à une politique bien à part du reste de la galaxie, bien loin du système démocratique républicain ou de l’étouffant pouvoir impérial. C’était un espace libre, peut-être tout ce qu’avait toujours chercher El Masaari autrefois.

- Si je ne peux vous laisser le pouvoir, vos affaires sont les vôtres. Si vous obéissez à mon pouvoir, vous les conserverez. » Les taxes viendraient faire en sorte qu’elles participent à la croissance de Raxus quoiqu’il arrive. « Je ne tiens pas à faire de Raxus une ruine alors qu’elle est luxuriante et prospère. Cette planète peut y gagner si vous acceptez cet accord. Sinon, elle terminera vraisemblablement tel que vous l’imaginez. » Plongée dans la violence et le sang.

Nesanto estimait se montrer bien plus que généreux en donnant cette possibilité à Gollourmi. Mais même sans tenir le pouvoir de Raxus au creux de sa main, elle resterait puissante et influente. Un atout s’il pouvait l’utiliser pour assoir son emprise sur les anciens mondes kossakii, une faiblesse si elle décidait de comploter contre lui. Comme à son habitude, Nesanto préférait régler chaque chose en son temps.

Alors que Velvet et Gollourmi prenaient tour à tour la parole, Nesanto sentit la colère monter en lui et faire bouillir ses veines. Il s’était montré conciliant par deux fois jusqu’ici, en premier lieu en acceptant de suivre Velvet pour rencontrer la Hutt, puis en se montrant mesuré avec Gollourmi. Tout ceci avec une conquête en cours et des soldats qui faisaient le pied de grue devant les instances gouvernementales de Raxulon parce qu’il le leur avait ordonné. S’il s’était écouté, tout ceci serait d’ores et déjà terminé et il goûterait à un repos bien mérité sur le trône où se posait autrefois Gollourmi.

Sa patience avait été mise à l’épreuve et il commençait largement à voir le bout de celle-ci arriver. Ce que proposait Velvet était à peine une option, les paroles de la Hutt étaient aussi inutiles qu’irritantes. Rabrouer ainsi quelqu’un alors que sa tête ne tenait qu’à un fil et avait été sauvée par cette intervention était particulièrement idiot. Quant aux exigences de Gollourmi, elles tenaient compte de l’offre de Velvet… que le Sith était aussi prêt d’accepter qu’un Gungan de décrocher le premier prix de beauté.

Pendant que la Hutt discourait sur son possible soutien à l’Empire, Nesanto ôta son masque. D’un geste violent, il le posa sur la table devant lui dans un bruit sourd de métal qui résonna à travers tout le bâtiment désaffecté.

- ASSEZ ! »

L’effet fut immédiat. Le silence, total.

- Le visage officiel de Raxus sera celui-ci. » Il posa sa main gantée sur le masque posé là. « Raxulon est impériale. RAXUS est impériale. Votre survie… » Il la pointa du doigt. « …ne dépend pas de Velvet… » Il la désigna à son tour. « …ou de Refuge, mais de moi uniquement. Je me suis montré patient jusqu’ici, prenez garde de ne pas me pousser à bout. Je vous ai offert de conserver vos affaires et votre tête, ce qui me parait plus que généreux étant donné la précarité de votre situation ici. Car si vous croyez que votre pathétique garde rapprochée vous protègera de moi, vous commettez une lourde erreur. »

Joignant le geste à la parole, Nesanto se saisit de son sabre et le posa à côté du masque. Là encore, un écho métallique résonna dans l’édifice.

- Si vous tenez réellement à cette planète et pas seulement à votre business, abdiquez ici et maintenant, conservez votre potentiel commercial et aidez le nouveau pouvoir à s’installer en favorisant une transition calme. Résistez ou tentez de me duper, je peux vous promettre que Raxus terminera dans un bain de sang avec vous aux premières loges pour admirer le spectacle. »

Le ton était sans appel, menaçant. Implacable. Son regard foudroyait le Hutt avec ce mélange de haine et de colère qu’il avait ressenti sur Eriadu à la vue de son père. Un regard qui ne laissait rien présager de bon.

Nesanto avait espéré en terminer rapidement avec Gollourmi. Sa situation était intenable, seul un fou pourrait prétendre le contraire. Son intention n’était clairement pas de faire de Raxus un exemple par le sang, mais plutôt par l’intégration. Cependant, si la Hutt le poussait sur cette voie… Peut-être que ses menaces suffiraient à faire courber l’échine de Gollourmi. Il en allait de son intérêt à elle également. Car en plus de sauvegarder sa tête et l’intégrité de son monde, elle pouvait se faire un puissant allié en la personne du Sith.

- Abdiquez. Ici. Et maintenant. »

Velvet le surprit. Après l’avoir poussé à venir rencontrer Gollourmi, à l’avoir averti de son importance pour le futur de Raxus, une passation de pouvoir sans effusion de sang et le rôle central que pourrait tenir la Hutt dans son acceptation – ou la tolérance à son encontre – auprès des Kajiidics, Nesanto se trouvait être surpris par la Mirialane. Et pas dans le mauvais sens du terme.

Sans détour, elle démonta tous les plans que Gollourmi avait pu échafauder dans son esprit. Mais à quoi s’attendait-elle réellement ? Nesanto avait eu la patience, rare, de venir jusqu’à elle pour tenter de trouver une solution qui pourrait les satisfaire tous les deux. Evidemment, le Sith savait qu’il avait toutes les cartes en main pour faire plier la maitresse de lieux, mais il avait tout de même joué le jeu auquel Velvet avait tenu à ce qu’il participe. Gollourmi, elle, ne semblait pas avoir bien compris les règles et elle venait de se mettre à dos la dernière personne sur Raxus qui pouvait la sauver de Nesanto.

Il sentait la colère de la Mirialane poindre à travers la Force, puis devenir de plus en plus forte. Gollourmi ne pouvait être consciente de tout ceci, et même si elle l’avait pu, elle était tellement murée derrière ses convictions et l’illusion de son pouvoir qu’elle n’aurait très certainement pas senti la menace que représentait Velvet. Cette colère et cette rage transpirait à travers son discours, lequel remit la Hutt à sa place légitime : à terre.

Ce fut avec une joie intérieure immense que Nesanto écouta Velvet lâcher Gollourmi, retirer le soutien du Refuge et ainsi laisser les rênes de l’invasion au Sith. Ses yeux ne déviaient pas de la Hutt, dont la face se décomposait sous la stupeur et la rage. Un sourire carnassier s’étala sur son visage, plus rien ne l’empêchait de liquider la présence hutt sur Raxus et d’en devenir le seul et unique maitre.

Nesanto observa Velvet s’emparer de ses biens posés là devant lui et les lui remettre avant de s’adresser directement à lui cette fois. Il cala son masque sous son bras et alluma son sabre de sa main directrice.

- Merci. »

Il releva son regard qui fixait les traits sculptés sur le métal et les reflets rouges qui se dessinaient dessus par la lumière de sa lame. Nesanto avait perdu toute envie de négocier plus avant. Ses yeux meurtriers se posèrent sur la Hutt, restée silencieuse et abasourdie par les déclarations de Velvet.

- Tout est fini pour vous Gollourmi. »

Son bras s’écarta et le masque tomba dans le vide. Au moment où il touchait le sol dans un fracas métallique, Nesanto s’était déjà élancé, sa lame crépitante à la recherche de sang à faire couler. Les quelques gardes de Gollourmi étaient sortis de l’ombre, blaster levé, mais leur nombre était insignifiant pour des combattants de la trempe de Nesanto et de Velvet. Il pouvait d’ailleurs la sentir derrière lui, à ses côtés et partout autour de lui. Leur lien dans la Force les rendait complémentaires et inarrêtables.

La lame rouge trancha canons lasers, bras et têtes sans distinction. L’entrepôt abandonné se transforma rapidement en une place d’exécution. Dire que Gollourmi avait cru pouvoir lui résister avec une garde aussi ridicule pour la protéger. Il aurait peut-être mieux valu pour elle et les siens qu’elle se plie à la volonté de son conquérant. Mais c’était trop tard.

Bientôt, il ne resta plus que Gollourmi plantée là, sur son chariot répulseur, à la merci des deux guerriers. Les Hutts finissaient très souvent seuls et abandonnés par les leurs. Gollourmi ne faisait pas exception.

Nesanto s’approcha d’un pas lent. Il savait que Gollourmi voyait sa fin arriver. Elle n’avait aucune issue, et même si cela avait été le cas, rien n’aurait pu la sauver de la chasse qui en aurait découlé. Il ressentait Velvet à ses côtés, sa puissance dans la Force. Cette fois, ils étaient du même côté pour mettre un terme à l’existence d’un Hutt.

- Ensemble ? »