Les pieds croisés posés sur le tableau de bord, le Capitaine du Jen’ari regarde d’un œil morne la planète qui vient d’envahir son champ visuel à la sortie d’hyperespace. Elle regarde sa pilote, l’air contrit, du genre « t’es sérieuse, c’est vraiment là qu’on va ? » mais le sourire et le haussement d’épaules de Saani ne laissent aucune doute : c’est bien Dagobah. Dire qu’elle ignorait jusque-là totalement l’existence de ce trou du cul du monde – quoi que délicatement verdoyant – est un euphémisme. Sur aucune route, dans un cadran absolument paumé de la galaxie, elle ne comprend même pas comment un gars a pu se perdre au point de rester suffisamment longtemps sur place pour découvrir les espèces autochtones. Fallait être cinglé.

Et puis y a pas que ça ! Non seulement, faut descendre sur place, mais en plus faut ramener un souvenir ! Et quel souvenir ! Un fucking serpent grand comme trois fois la Twi’borg ! Mais merde quoi ! Z’ont pas d’autres idées tous ces riches pour investir leurs thunes ? Peuvent pas se mettre à la collection de timbre ou aux grands crus de coke ? … La mercenaire soupire, déjà blasée, mais tente tout de même de se recomposer tant bien que mal un visage. Faut dire, on lui a collé un mouflet dans les pattes – paraît qu’il pourrait se rendre utile mais elle en doute – et c’est avec lui qu’elle va descendre et… la console bip. Saani active le micro et fait signe à Red de s’en charger.

« Ici Red, on te reçoit, on descend aux coordonnées que je t’envoie et on discute en bas de la marche à suivre, sur une nappe, avec un panier en osier et des madeleines ? »

La confirmation ne se fait pas attendre. Elle connait pas vraiment la p’tiote qui s’est aussi joint à la fête. Dans son optique de se constituer un crew qui vaille le détour, elle a décidé de multiplier un peu les coopérations. Alors, bon, elle aurait préféré le choisir, le Yuu là, d’autnat qu’il a l’air franchement chéper le gamin, mais bon… C’est là, y aura une bonne surprise ? On peut toujours l’espérer.

Le vaisseau effectue une courbe élégante. Pas facile de trouver un trou dans la couverture pratiquement continue des arbres mais ils y parviennent finalement et se posent presque au sec – du moins dans le spongieux. Rien n’est encore ouverte que déjà l’odeur fétide des marais envahit l’air. En armure de combat, elle rejoint son camarade dans le salon après avoir effleuré les lèvres de la pilote.

« Alors, m’sieur, prêt ? Maxence nous attend sûrement déjà. »

Cinq minutes plus tard, ils sont dehors, la matinée est tout juste débutée dans les marais, l’odeur est effectivement horrible. Red n’est pas sûre que les filtres de son masque parviendront à masquer l’odeur. Son fusil en gigue sur l’abdomen, un gros sac dans le dos, elle est prête pour une petite partie de chasse à l’ancienne dans un terrain plus qu’hostile. Tout doucement, l’excitation de se confronter à un nouvel environnement hostile, qui lui est largement inconnu, la gagne. Sautant en bas de son chasseur, l’autre blonde – et ça va commencer à faire beaucoup – s’approche au moins aussi préparé que Red. En se voyant ainsi entouré de bébé, elle a soudain l’impression d’animer une colo’, à ça près qu’elle en aura rien à foutre si y a des pertes, les parents ont signé une décharge… normalement.