Karm Torr
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— Concentre toi sur ma voix.

Vos paupières sont lourdes.
Très lourdes.

— Trouve ma présence à travers la Force. Trouve mon corps.

Les deux Jedis n’avaient plus guère besoin d’entraînement pour se trouver l’un l’autre à travers la Force — ni, il est vrai, pour trouver leurs corps. Mais l’exercice que Karm avait en tête ce jour-là était d’un genre particulier. À force de s’exercer avec Luke, dans les grandes salles d’armes du Temple, et de faire équipe avec lui sur le terrain, il s’était plongé dans les ouvrages martiaux consacrés à la symbiose des combattants.

Luke, somme toute, était un jeune homme talentueux. Il avait beau avoir peur du sabre et ne pas voir ses adversaires, son agilité et sa discipline compensaient pour une large part ces défauts et, à force de persévérance, il progressait de manière considérable. Karm pouvait sans doute attribuer à la formation qu’il lui dispensait une partie de ces bons succès. En tout cas, il était certain que Luke pouvait aller encore plus loin.

Et l’un des chemins qu’il se proposait d’emprunter, c’était celui du lien de Force. Une manière de capitaliser sur leur union dans tous les aspects de la vie, sur la connaissance intime l’un de l’autre, sur la vie à deux qu’ils menaient déjà dans la Force, pour l’investir dans le combat. Là, il pourrait guider Luke à travers ses gestes, comme dans une valse intuitive, et l’Hapien pourrait déployer ses propres talents en se sentant plus en sécurité. C’était, tout du moins, ce qu’espérait le Gardien.

— Sens mes muscles. Mon souffle.

Alors ils étaient là, debout, le sabre en main, dans la salle d’entraînement, après quelques passes d’armes. Torse nu, Karm avait repris une respiration égale.

— Imite mes mouvements.

Il bougeait très lentement, pour que Luke n’ait pas de problème à le percevoir à travers la Force, et à reproduire ses gestes, qui étaient des katas assez simples. Le but de l’exercice était d’abord d’arriver à se synchroniser parfaitement, à se fondre l’un de l’autre, et puis, plus tard, ils pourraient passer du stade de l’imitation à celui de l’improvisation conjointe. Karm n’était pas pressé : il savait que toute technique, pour être bien assimilée, exigeait du temps et de la pratique.

Une bonne heure plus tard, Karm rétractait la lame de son sabre laser et émergeait doucement avec Luke de leur transe. D’autres Jedis avaient réservé la salle et venaient de se présenter sur le bord du tatami. Karm leur adressa un signe de tête, pour les autoriser à les rejoindre. Ils échangèrent quelques propos aimables, quelques commentaires sur les exercices et puis les deux Jedis laissèrent le champ libre à leurs confrères et gagnèrent les vestiaires.

— On s’en sort plutôt bien, commenta Karm en se déshabillant, mais c’est pas une surprise, on est déjà plutôt calés en coopération à travers la Force. En tout cas, j’pense que ça nous serait vraiment utile sur le terrain.

Ils rejoignirent ensemble les douches communes et l’Ark-Ni commença à se frictionner énergiquement.

— Les traités sont pas super détaillés, parce que c’est pas une pratique non plus très répandue, mais ils disent tous que si les deux Jedis sont sur la même longueur d’ondes, y a pas de raison qu’ils n’y arrivent pas. Et que la liaison de Force sur leur terrain rend leur relation dans le reste de la vie encore plus étroite. C’est un cercle vertueux, quoi.

Ou vicieux, si l’on considérait que le Code Jedi condamnait les attachements. Mais Karm voyait dans la valorisation de cette pratique martiale un exemple parmi tant d’autres qu’il ne fallait pas comprendre le Code de manière étroite et littérale : de toute évidence, leurs traditions favorisaient aussi les attachements, profonds et intenses, mais en invitant ceux qui les vivaient à les méditer, à les travailler et à les transformer en quelque chose d’utile.

Les cheveux pleins de shampoing, le jeune homme poursuivit :

— Thann est en cours toute la journée, j’vais en profiter pour cataloguer un nouvel arrivage de relevés en provenance de P-723-Y-32. Tu veux qu’on se retrouve pour le déjeuner ? Il fait beau, j’me suis dit qu’on…

Le Jedi s’interrompit le temps de se rincer la tête. Une fois l’eau coupée, il reprit :

— … pourrait manger dehors. Ça me permettra de voir si les nouveaux greffes exotiques prennent bien dans le jardin botanique.

Une journée calme en perspective, en somme, dans le quotidien du Temple.
Croyait-il.
Luke Kayan
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Les yeux cillant plus que d'ordinaire, comme pour chasser la fatigue, Luke secoua la tête, histoire de s'éveiller. L'entraînement de Karm était particulièrement rude aujourd'hui, demandant une concentration extrême, presque contre-nature de sa part. Ceci dit, malgré de nombreux échecs encore, surtout si son ami cessait d'adopter ce rythme exagérément lent, le Jedi commençait à trouver ses marques. Sa formation médicale l'aidait, car il pénétrait les muscles de Karm de la même manière que chez un malade. D'abord trouver le courant sanguin puis s'en servir comme guide pour se frayer un chemin jusqu'aux muscles échauffés par des mouvements réguliers. Renoncer à l'ouïe, sens plus développé que la moyenne qui avait pris le relais automatiquement était difficile mais Luke essayait, encore et toujours. Hormis son lien puissant avec la Force, le jeune homme ne disposait pas précisément d'un nombre incalculable de vertus, mais sa persévérance frisait l'exceptionnel ou l'obsession selon les points de vues. C'est ainsi qu'il tint bon quitte à achever la séance mâchoires crispées, muscles en bouillie, trempé de sueur, signe d'une véritable sueur chez lui qui régulait si mal la transpiration et n'était donc presque jamais affecté par ce phénomène libérateur.

Terminer constitua à la fois un soulagement et une déception, car Luke était toujours triste de s'arrêter avant d'obtenir une franche victoire, mais il avait du se faire une raison depuis longtemps. Cet exercice était bien plus complexe que la télékinésie, plus subtil que la méditation. S'acharner reviendrait à mettre sa santé en danger aussi bien que son intégrité en tant qu'aspirant à la modestie. Le Hapien littéralement épuisé opta donc pour le premier sentiment -le soulagement donc- et salua ceux qui prenaient leur place d'une légère révérence.
Retrouver sa pleine cécité après l'exercice de Karm était légèrement déroutant, il se sentit perdu tout au long du chemin menant aux douches, jusqu'à ce que les repères reviennent, ses anciens réflexes, son ouïe et le toucher. L'intention de son ami à présenter une fois de plus, l'attachement sous sa meilleure augure fit sourire le Jedi qui l'écoutait silencieusement tout en essayant de récupérer. Le shampoing accompagné d'eau chaude eut le mérite de délasser ses muscles.

- Pourquoi pas, Eckthor a aussi du travail pour la journée. - Luke l'avait laissé en bonne compagnie, un merveilleux ouvrage de droit.-

Enthousiaste à l'idée de s'aérer, Luke hocha la tête tandis qu'un droïd emportait ses vêtements pour les laver, non sans avoir pris soin de lui amener une nouvelle tenue, semblable à la première en tout point d'ailleurs, la tunique beige et la toge. Le tissu doux, encore tiède ravigota Luke qui se contenta d’ébouriffer ses cheveux en guise de traitement de séchage. Le soleil, en cette belle saison, ferait le reste.

Un baiser volé plus tard, le Chevalier regagnait sa chambre, pensif. Il éprouva quelques difficultés à retrouver son chemin malgré l'action bénigne, répétée des milliers de fois. Tâchant de ne pas trop y prendre garde, le perfectionniste profita de son temps libre pour avancer quelques dossiers qui attendaient sagement qu'on les rendent à jour. Une mission où Luke doutait peu, un des seuls domaines où il maîtrisait complètement -ou presque- ses capacités et savait se faire confiance. Plongé dans ses devoirs, il oublia ses inquiétudes qui ne refirent surface qu'à l'heure du déjeuner pour lequel il avait emmené un panier couvert d'une serviette à carreaux. Image bucolique, clichée, parfaite d'un couple qui s'apprêtait à pique-niquer. Heureusement les lieux étaient déserts, Luke évita aussi bien les regards gentiment moqueurs que clairement agacés et gagna le parc -juste à côté des jardins, donc- sans encombre. Il passa une main au-dessus des greffes sans oser les toucher. Impossible de constater leur état pour sa part, mais il supposa que sentir la vie fluctuer dans leur tige était un détail engageant. Karm avait fait du bon travail comme d'habitude.

C'est sagement que le jeune homme attendit que son compagnon débarque puis s'installe. Quelques minutes après, il commença le débriefing dont personne n'avait donné le signal mais qui arrivait toujours automatiquement après une séance. Tous deux avaient beau fricoter ensemble, outrepassant leurs rôles respectifs sans se dévier de leur intention première: s'améliorer. Luke avait hésité à évoquer ses doutes, craignant de passer pour un peureux, voir pire un ingrat, mais il se souvenait aussi de leur promesse. Pour que cela fonctionne, les deux Chevaliers devaient se parler à cœur ouvert, une épreuve difficile pour le Hapien éduqué dans la réserve, la retenue et l'étouffement des émotions, comme -presque- tout bon Jedi.

- J'aime bien ce qu'on fait, mais tu sais... Hum comment dire, j'ai un peu peur de perdre mes repères. J'ai de plus en plus de mal à changer de stade. Voyant, aveugle, je crains de m'emmêler ou de m’accommoder si je m'habitue à me calquer sur toi.

Pouvait-il devenir plus dépendant de Karm qu'il ne l'était déjà? Finir par perdre ses compétences loin de lui. Déjà, au début du processus, Luke observait un genre de décalage assez dérangeant, où il peinait à retrouver ses anciennes astuces, au point de légèrement tituber dans le couloir. De la même manière que le chevalier refuserait certainement une opération visant à sauver ses yeux, il craignait de s'habituer à la facilité. Très exigeant envers sa propre personne, il refusait cette route pavée de bonnes intentions, d'où sa réticence -quoique minime- à l'exercice, ou mieux dit, ses inquiétudes. Par chance, il faisait aussi confiance à son aîné, raison pour laquelle il acceptait de quitter les bons vieux chemins battus de l'Ordre, au point de considérer la fusion de leurs esprits comme quelque chose d'éventuellement positif. À ce propos, les critiques accompagnées de sanctions ne tombaient toujours pas, alors que l'étau se refermait. Si l'on ne parlait pas beaucoup d'eux c'était probablement à cause de nombreuses occupations ici et là ainsi qu'un manque de célébrité flagrant. - Même si le Chevalier Turquoise avait une certaine notoriété, grandissante, d'ailleurs.-
Karm Torr
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Les lèvres encore chaudes du baiser de Luke, Karm laissa son regard s’égarer plus bas que le dos de son ami, avant de consentir à se rhabiller, pour se frayer un chemin jusqu’au service géologique de l’ExploCorps et se pencher sur la cargaison du jour. C’était la partie sans doute la plus fastidieuse de son travail au sein de l’Ordre, et elle était souvent confiée à des Jedis moins expérimentés, soit des Auxiliaires, soit des Padawans, qui assuraient les premiers analyses des matériaux collectés, identifiaient ceux qui avaient besoin d’une expertise plus poussée, puis cataloguaient et rangeaient, soigneusement, sur les étagères de l’immense réserve.

Mais Karm mettait un point d’honneur à accomplir régulièrement les tâches les plus modestes. Il lui arrivait de jouer au mécanicien en réparant les droïdes ménagers et il surveillait parfois la bibliothèque. Pour lui, c’était une manière de se rappeler que tout héroïque qu’il fût parfois considéré par des Padawans et des populations locales qui se laissaient facilement impressionnées par des prouesses au sabre, et toute glamour que puisse paraître sa vie d’explorateur de l’extrême, il n’était qu’un Jedi parmi d’autres, d’abord et avant tout le membre d’une communauté qu’il rêvait chaque jour un peu plus égalitaire.

Et puis il y avait quelque chose de reposant au catalogage. C’était ce genre d’activités qui exigeait une concentration attentive mais, finalement, peu de réflexion. Karm y trouvait une forme de méditation. On se débarrassait de toutes les pensées complexes, on se penchait sur des choses simples, sur un petit univers réduit de formes, de couleurs, de relevés chimiques et de catégories. Les tâches répétitives étaient aussi une occasion à l’exercice de la spiritualité.

Les roches se succédaient les unes aux autres. P723-7-32 était une planète essentiellement volcanique et entièrement désertique, sur laquelle on n’avait pas, pour l’heure, trouver la moindre forme de vie. Des droïdes avaient mené l’intégralité de l’exploration, à cause de la composition chimique de l’atmosphère. On ne s’attendait pas à ce que la planète présente autre chose qu’un intérêt purement scientifique, la confirmation de théories générales sur la formation des corps célestes et la tectonique des plaques.

Les heures passèrent. Un Padawan d’une vingtaine d’années, qui voulait plus tard devenir Chercheur Jedi, assistait Karm dans ses mesures et dans le classement. L’heure du déjeuner approchait quand une roche s’effrita entre les mains du Chevalier. La poussière se répandit dans la pièce et les deux Jedis ne purent s’empêcher d’éternuer, avant que la climatisation automatique n’aspire les particules et les neutralise, quelque part dans le système sophistiqué du laboratoire, grâce à une incinération laser.

— Ca va, demanda Karm au Padawan ?

Le jeune homme hocha la tête.

— Bon, de toute façon, on va faire une pause, on est presque arrivé au bout.
— Je peux continuer si vous voulez.
— Travailler dur, c’est bien, mais travailler bien, c’est mieux. Va manger, te reposer un peu et on se retrouve d’ici quatorze heures, quatorze heures trente.
— Bien, Chevalier.

Le Padawan s’éclipsa et Karm ferma le laboratoire derrière lui, pour rejoindre Luke dans les jardins. Après avoir accordé quelques minutes d’attention scrupuleuse aux greffes que les botanistes avaient réalisées à partir des échantillons qu’il avait ramenés d’une planète lointaine, l’explorateur s’assit en tailleur devant son compagnon et entreprit de déballer leur repas.

La remarque de Luke ne parut pas le surprendre et il hocha la tête.

— Oui, c’est quelque chose qu’est mentionné dans les traités. Y en a un d’il y a deux siècles assez utile, qui fait la comparaison… ‘Tends, comment il présente ça, déjà. Ouais. Donc. Il dit que le combat par lien de Force, c’est à peu près comme augmenter ses capacités par la Force. Quand on a affiné ses sens grâce à la Force, et qu’ensuite, on revient à nos perceptions normales, on a l’impression pour un temps d’être moins… Perspicace. On entend moins bien, par exemple. Il faut se réadapter à notre normalité, quoi.

Karm mordit dans son sandwich, avant de reprendre.

— C’est psychologiquement et physiologiquement difficile. Psychologiquement, parce qu’on passe d’un état de puissance à un état moindre, et que y a un genre de frustration. Physiologiquement, parce qu’on est dérouté dans nos perceptions. Et le Maître qui écrit ça dit que le lien de Force est une sous-catégorie de l’amélioration des capacités, où on les améliore pas en poussant les siennes au-delà de leurs limites, mais en s’associant les capacités d’un autre. Mais qu’in fine, une fois que le pouvoir se dissipe, on se retrouve dans la même situation.

N’était-ce pas d’ailleurs un problème que l’on rencontrait souvent avec les Padawans ? Il fallait leur faire comprendre que la Force était une compagne de tous les instants, mais qu’elle ne pouvait pas être utilisée constamment, et que, bien souvent, le Jedi se comportait en personne normale, avec des capacités ordinaires.

— Donc, il dit que maîtriser ces pouvoirs, c’est bien sûr maîtriser l’aspect technique, disons, la manipulation de la Force elle-même, quoi, mais aussi maîtriser la transition entre le pouvoir et l’absence de pouvoir. Accepter et gérer le déséquilibre. Selon lui, ça peut être l’occasion d’un utile rappel à l’humilité et d’une réflexion sur notre relation au monde. Je te passerai le bouquin, si tu veux.

Les Padawans et les Chevaliers qui demandaient parfois de l’aide à Karm pour se former aux arts martiaux jedis, en se fondant sur la réputation du Gardien, découvrait souvent que l’apprentissage du combat impliquait beaucoup, beaucoup plus de lecture qu’ils ne l’avaient d’abord cru.
Luke Kayan
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Le lien de Force. C'était donc ça que Luke dérobait parfois à Jason lorsqu'ils s'unissaient. L'idée du contexte le submergea de honte, rosissant ses joues. Espérant que la légère brise fraîche expliquerait cette réaction dont on avait essayé de lui expliquer le concept.- en effet, il se demandait comment on remarquait sa timidité ou sa gêne sans qu'il ne dise mot et parvienne à maintenir une certaine tenue.-. Intérieurement, le jeune Jedi était aussi inquiet vis-à-vis de la tendance gourmande d'un corps littéralement envahi par la Force. En s'engageant dans cette voie, pouvait-il un jour en venir à voler la vue de Karm, et ce de façon définitive? C'était sans doute une théorie stupide, presque vaniteuse, mais Luke l'avait toujours eu en tête depuis cette nuit où Jason avait perdu la vue pendant de longues minutes alors qu'il essayait, lui, de saisir les couleurs embrouillées qui se promenaient devant ses paresseuses prunelles, incapables d'en interpréter le sens.

Mais c'était différent, aujourd'hui. Karm était un Jedi apte à se défendre contre tout débordement, volontaire ou pas, physique comme spirituel. Et il avait énormément lu, il s'était documenté avant de s'engager dans cette singulière expérience. Pas tant que ça d'ailleurs puisqu'elle s'apparentait à un pouvoir que Luke utilisait parfois: affiner ses propres capacités en puisant dans la Force. L'idée de faire de même en trouvant sa source chez un autre lui donnait une vague impression de parasitage mais Karm était d'accord, c'était même lui qui avait convaincu le Hapien de renforcer, ce qui, naturellement se créait entre eux: un réseau parmi les centaines de filaments entremêlés au sein de la Force. Un chemin creusé, puis déblayé et enfin soigneusement maintenu parmi le labyrinthe à échelle galactique que représentait le corps de leur plus grande Alliée. Certains de ses tentaculaires sentiers, Luke les avaient explorés lors de profondes méditations. Ils s’étrécissaient pour mourir avant d'atteindre un quelconque but. D'autres supposaient de trop nombreux virages, dérivations, allées et venues. Son aura s'était impatientée, perdue, affaiblie puis éteinte contre bien des murs d'énergie invisible. Il avait entrevu de magnifiques routes, grandes ouvertes qui respiraient la puissance, naturellement bien pavées, bordées de magnifiques fruits prêts à être cueillis. Celles dont tout membre de l'Ordre apprenait à se méfier. Enfin, il y en avait d'autres, englouties par le brouillard, mystérieuses que le jeune homme avait toujours eu peur d'explorer. Celle qui abritait le lien de Force, par exemple.

- Bien sûr.

Souffla-t-il après un léger temps d'hésitation, pas en ce qui concernait un livre qu'il jugeait primordial de lire, mais plutôt sur ce sentier sur lequel le Gardien et lui étaient en train de s'aventurer. Injecter de l'humilité à une personne déjà trop modeste ne reviendrait-il pas à mettre un patient en danger à cause d'une overdose de remède? Évidemment, Luke n'avait nulle conscience du processus. Il avait simplement baissé la tête, désormais honteux car il pensait être trop orgueilleux pour accepter la perte de ces nouveaux pouvoirs acquis. Il craignait de chuter dans l'abîme du Côté Obscur, ce tremblement de terre qui scindait les chemins en milliers de morceaux, lesquels dérivaient ensuite jusqu'à une Terre Infertile, Inconnue de la lumière. Tout en étant un des Jedis les moins prompts à sombrer, Luke demeurait attaché à son enseignement, pour ne pas dire prisonnier sous certains aspects. Il craignait de s'éloigner de l'artère principale, construite puis maintenue par des générations de Sages qui avaient érigé le code. Karm et lui risquaient-ils d'outrepasser la règle implicite, non dictée du maintien de l'humilité? Ou plus justement, lui, le faible du duo? Mais il avait conscient en son ami, et si ce dernier jugeait le processus certain, alors pourquoi ne pas continuer?

Inconscient d'avoir cessé de respirer pendant de longues secondes, Luke reprit le cours de son inspiration. Une arrivée trop rapide d'air le fit toussoter, il secoua légèrement la tête afin de retrouver présent et esprits.

- J'ai confiance. Je lirai le livre.

Ajouta le Chevalier pour confirmer et surtout définitivement s'auto-convaincre que cette route ne menait pas à la Noirceur, à sa propre perdition, loin de Karm, loin de son cher Ordre. Au contraire décida-t-il en mordant également dans son sandwich, ceci à défaut d'une opération pourrait les servir. Tous. Les autres Jedis, leur cause, les civils en danger et enfin, un peu -mais ça n'avait guère d'importance, lui.-

- Plus que de voir, en réalité, je sens tes muscles, l'échauffement dû aux mouvements répétitifs, c'est... Si je comprends bien le concept, un peu comme les infrarouges de certains animaux mélangé à une espèce de radar qui détecte tes gestes. Mais je n'ai pas accès aux couleurs. C'est déjà arrivé comme je te l'ai dit, de manière involontaire et unilatérale. Pas cette fois, ce qui me laisse penser qu'il s'agit bien d'un échange au lieu d'un pillage propre et net de capacités.

Analysa le Consulaire, qui, décidé à ne plus douter pour l'instant sur le bien-fondé de ce travail, avait retrouvé un esprit suffisamment clair pour se rappeler des étapes du processus. Exactement comme les symptômes d'une maladie destructrice: disciplinés, réguliers, immuables. La manière dont il progressait était aussi importante que la progression en soi. Et si la comparaison paraissait bien sarcastique avec une maladie, c'était ce qu'il trouvait de plus adéquat.

- Tu sais, si je doute, doutais. C'est en partie à cause d'un événement très particulier qui m'est arrivé il y a peu. - reprit le Chevalier d'un air involontairement mystérieux.- Assez incroyable d'ailleurs, mais plusieurs preuves me laissent croire que c'est bien... Vrai. Connais-tu Maître Venta? - Il eu honte de dévoiler le nom de la vieille femme-enfant quelques secondes, avant de se souvenir que cette dernière ne lui avait pas interdit de divulguer son identité, et surtout que ce cas-là se propagerait bientôt comme une Onde télékinésique au sein du Temple.- C'est une ancienne Bretteuse, reconnue je crois. Elle a plus de cent ans... Et bien figure-toi que je l'ai rencontrée l'autre jour dans une salle, dans un corps d'enfant... Sans la Force. Elle l'a perdue pour avoir essayé- et réussi- de rajeunir, ne conservant que des connaissances théoriques accumulées au cours de sa première "vie", ainsi que des réflexes de combat sauvegardés. La mémoire des muscles, je dirais. Quant à la Force, dire qu'elle l'a punie, ce serait lui prêter une volonté propre beaucoup trop développée mais... Enfin tu comprends. Sans la Force, sans elle. Je meurs.

Surpris et heureux d'avoir mis le doigt sur un autre des doutes, non identifié qu'il s'était caché depuis quelques jours, le Jedi sentit un poids quitter son coeur. Si ne pas pêcher par orgueil était une de ses préoccupations, ne plus jamais égarer son lien avec la Force était une terrible psychose. Il avait failli littéralement mourir sur Myrkr, à cause du choc de la perte, ou par la gueule d'un Vornks.

Au-delà de son auto-analyse sur ses peurs fondées et moins fondées, perçait aussi la pure curiosité. Il voulait connaître la réaction de son ami face à cet incroyable cas.

- S'il s'agit d'une dérivation de l'amélioration des capacités, je t'avoue que je me sens déjà mieux. Cela peut sembler stupide mais je n'avais jamais abordé ce pouvoir de ce point de vue. - Autrement dit, un souffle rassurant éparpillant l'épais brouillard mystérieux et inquiétant qui entourait cet incroyable don à deux.- Toi, que ressens-tu? Un... Affaiblissement? Comme si tu devais diviser tes capacités?

À nouveau le jeune homme baissa légèrement la tête, il ne voulait pas profiter de Karm.
Karm Torr
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Une troupe de Novices passa en trombe à côté d’eux, se poursuivant les uns les autres dans un jeu incompréhensible, avant de disparaître un peu plus loin dans un fourré. Karm les suivit un instant du regard, par acquis de conscience, pour s’assurer qu’ils n’allaient pas se blesser, avant de reporter son attention sur Luke qui, comme de coutume, bataillait avec ses doutes. Parfois, l’Ark-Ni avait l’impression que le combat contre les angoisses de son compagnon était perdu d’avance et que chaque petite conquête s’accompagnait d’une nouvelle vague d’incertitudes et de remises en question morbides, mais c’était une réalité dont il avait appris à s’accommoder, et il était toujours déterminé à aider Luke à progresser avec lui sur la Voie des Jedis.

— Hmm hmm, fit-il, quand le jeune homme lui raconta l’histoire de la maître retombée en enfance. La Force, c’est toujours dangereux. C’est une énergie puissante et primordiale, qu’on ne manipule pas impunément, peu importe le pouvoir qu’on l’utilise. C’est même pas une question de Côté Obscur ou de Côté Lumineux, à ce moment-là. Mais plutôt… Ben… Une étoile, c’est beau, ça réchauffe, ça éclaire, ça permet aux plantes de pousser et ainsi de suite. C’est lumineux. Mais quand on s’approche de trop près, on s’y consume.

Certains mystiques jedis tout à fait hérétiques avaient justement poursuivi cette voie : ils avaient cherché à se plonger de leur vivant si totalement dans la Force qu’ils y avaient disparu et, selon leurs écrits, que l’on pouvait lire dans la Bibliothèque du Temple, pour peu d’en obtenir l’autorisation des Sentinelles, le suicide par la Force devait être l’objectif véritable et de tous les instants de tout Jedi qui se respectait.

C’était un raisonnement dévoyé, aux yeux de Karm, mais qui disait bien que la Force avait ses dangers.

— Mais cela dit, de c’point de vue, ce qu’on fait nous est pas fondamentalement différent de n’importe quel autre pouvoir de Force. Si tu cherches à guérir trop intensément les gens, tu perturbes leur cycle biologique. Si tu cherches à pousser trop la télékinésie, tu casses des trucs. C’est juste… Une question de contrôle. Conscient et intuitif. C’est pour ça qu’on s’entraîne. Devenir plus puissant avec la Force, c’est pas seulement accumuler de l’énergie brute, c’est aussi arriver à donner une forme à cette énergie.

Le Gardien doutait de toute façon que leur lien de Force conduise à des conséquences aussi radicales que celles que Luke venait d’évoquer. En tout cas, il n’avait jamais rien lu de semblables dans les livres qu’il avait consultés à ce sujet et il avait même tendance à considérer que la présence de deux esprits différents, deux individualités distinctes, constituait un obstacle salutaire à toute dérive de ce genre.

— ‘Fin bref… Moi, je le vis plutôt bien, mais c’est aussi que je suis vachement plus habitué à passer de l’intensité d’un combat soutenu par la Force à la vie normale. J’veux dire, j’suis en excellente condition physique et tout, j’fais de la muscu, du sport, tout ce qu’on veut, mais je reste un Ark-Ni. J’suis pas très grand, ma puissance musculaire est pas énorme et ainsi de suite. Mon art martial a toujours été intimement lié à l’usage de la Force. Et le combat a toujours été pour moi comme une forme de transe. Du coup, j’suis plutôt bien préparé à gérer les contrecoups.

Il y avait d’autres domaines de la Force qui demeuraient entièrement mystérieux pour Karm, comme touts ceux, par exemple, qui consistaient à lutter contre l’influence concrète du Côté Obscur, mais l’art du combat et l’amélioration physique étaient certainement deux de ses grandes spécialités. De constitution moins frêle que les Ark-Ni qui grandissaient sous la faible gravité des vaisseaux, il restait, au regard des humains ordinaires et de bien d’autres espèces, un poids plume qui devait avoir d’autres atouts dans sa manche.

— Tout ça pour dire que c’est normal que tu sois inquiet et déstabilisé, ça fait partie du processus, mais qu’aussi on est vraiment dans un terrain plutôt bien balisé. C’est pas comme si on expérimentait avec une technique spécialement exotique. On serait en train d’essayer de maîtriser l’art du Morichro, j’dis pas…

Karm s’interrompit pour avaler le reste de son sandwich, avant de concéder :

— Par contre, j’crois que je couve quelque chose, parce que je me sens pas super bien.

Même les Jedis tombaient parfois malades.

— Viens, on fait crochet par ma chambre avant de retourner au travail, j’vais t’passer le livre.

Le jeune homme se releva avec souplesse, avant de remballer le panier repas. Quelques minutes plus tard, ils s’engageaient dans les couloirs du Temple, pour prendre la direction des ailes résidentielles. Ils croisèrent quelques connaissances en chemin, avant d’arriver dans la chambre de l’Ark-Ni, où la sobriété jedi l’emportait comme toujours sur toute autre considération.

Karm se mit à fouiller dans une rangée de dataclés soigneusement étiquetées, qui connaît en général soit des ouvres de philosophie, de religion ou d’arts martiaux, soit des rapports de corps d’exploration.

— Voilà. Cadeau.

Il tendit la clé à Luke.

— C’est pas le pire traité, j’veux dire, ça se laisse lire, tu verras. De toute façon, t’es pas obligé de faire tous les chapitres, choisis vraiment ce qui t’intéresse.
Luke Kayan
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Hystérie ? Lorsqu'il s'agissait d'un risque éventuel de déplaire à ses aînés ou de perdre la Force, autant l'avouer, le placide presque impassible Luke n'en était pas loin. Heureusement, la raison n'était pas si obscure qu'on pourrait le craindre: le Hapien aimait simplement sa vie actuelle: les entraînements, la mission, tout en compagnie de Karm, et un peu d'Eckthor auquel il commençait prudemment à s'attacher. Tandis qu'il effleurait à peine d'un coin de cœur ces sentiments qu'un maître éprouvait fier, inquiet, heureux avec le plus de retenue possible -tout ça en parallèle.- le jeune homme accumulait les "choses" à perdre s'il faisait un faux pas. De nature craintive, il luttait quotidiennement pour avancer sans jouer les zombies, mains tendues en avant afin d'éviter des murs parfois inexistants. Surmonter ce problème avec une proverbiale patience, y répondre avec sa voix flegmatique alimentée d'exemples si pragmatiques avait permit à l'Ark-Ni de s'assurer un compagnon fidèle et volontaire. Malgré ses apparences timorées, le jeune Chevalier donnait toujours le meilleur de lui, plus s'il le pouvait afin de continuer sur ce chemin qui lui plaisait tant. Force lui était de reconnaître que l'attachement -à son aîné, ou même à Eckthor.- l'avait jusque là davantage aidé que crée des soucis. Et quels progrès il avait fait. Il aurait été stupide, vaniteux même d'enfouir son visage sous une chape de fausse modestie pour se faire encore une fois entendre, combien il était courageux.

- C'est ce que je suis en train de remarquer.

Commenta le jeune homme dont la voix exprimait encore une certaine surprise. Dès qu'il avait su que ce pouvoir existait, il l'avait considéré tel un Graal fascinant mais surtout étrange, presque déviant. Pourtant, ce n'était rien d'autre qu'une amélioration de capacités assistée. S'il n'avait pas eu confiance en Karm, la nature suspicieuse du Jedi l'aurait poussé à croire en de doux euphémisme pour attirer l'autre sur le terrain du mauvais attachement, celui qui frisait l'hérésie. Mais Karm ne voulait que son bien, leur bien.

- Évidemment que tu le vis bien! Tu es celui qui vois!

Fit mine de s'offusquer Luke en jetant une brindille récupérée au hasard de tâtonnements sur son "vaniteux" compagnon. Une autre rejoignit la lignée de la première lorsque ce dernier mis en avant son excellente condition physique. Ceci dit, le sérieux habilla de nouveau le visage du Consulaire quelques secondes après.

- J'ai toujours pensé pareil. La Force ne connaît que peu de limites, notre corps, pauvre réceptacle fragile beaucoup plus, et que dire de notre esprit.

Souffla-t-il avec un respect évident, mâtinée d'une légère crainte sans doute justifiée. La dangerosité de la Force la rendait pourtant encore plus belle, et il se sentait vraiment reconnaissant d'avoir ce droit de caresser sa puissance du bout des doigts. Ou plus que sa puissance encore, sa chaleur, sa "tendresse", car c'était surtout cet aspect qui fascinait le Hapien: la perception d'une vie fourmillante, insoupçonnée, voilée aux yeux des Voyants Insensibles.

Baigné par des pensées positives, Luke profita de cet instant de calme, sans doute pour assaillir son esprit. Il décida de ne pas relancer le sujet "Cally" même si l'avis de Karm l'aurait intéressé. Ce n'était probablement pas le moment d'envahir leur moment avec ce cas si triste. Luke avait encore du mal à trouver les instants adéquats pour poser certaines conversations. Un peu étrange pour un diplomate, mais il est vrai qu'en dehors du travail, le Chevalier avait une expérience toute relative en relations sociales. Il apprenait, lentement et doucement grâce à ses rares proches comme Karm. Avant, il aurait insisté sans relâche, opiniâtre au point qu'on fuit parfois sa présence, véritable somnifère. Au moins, le message passait maintenant, et mieux, il ne s'en vexait plus.

- Depuis quand ?

Tiré de son déjeuner -qui avançait lentement, certes, mais il mangeait!- Luke avala le reste de son sandwich pour poser une onde inquiète sur les épaules de son ami. Il n'avait jusque là senti aucune faiblesse, et pour une telle broutille, il doutait que Karm lui l'ait caché, sauf peut-être pour s'assurer que Luke accepte de s'entraîner au lieu de le pousser dans le lit?

Il s'abstint de tout commentaire, surtout un qui ressemblait à une réprimande : depuis combien de temps l'Ark-Ni se sentait-il mal? Et pourquoi ne s'en était-il pas ouvert avant? Évidemment, les Jedis tombaient parfois malades, une bonne grippe, bien agrippée à leurs cellules malgré la Force qui leur permettait seulement d'apaiser les symptômes, mais Luke se rappelait d'autre chose qui couvait... Comme sur Belsavis où il était tombé malade d'un coup, presque au point de mourir.

Effectivement, Luke était parfois radical, presque morbide. Prenant conscience de son hypothèse saugrenue, il retrouva presque aussitôt son calme et décida d'en profiter pour taquiner son aîné.

- C'est sûr, passer la moitié de sa journée torse nu sous prétexte de s'entraîner n'aide pas.

S'amusa le jeune homme qui avait toujours rougi et ri à la fois de cette tendance qu'avait son compagnon à retirer leur confortable tunique pour s'exercer. Comme ce matin par exemple, encore. Parfois, lorsque la gêne n'étouffait pas ses mots, il le taquinait à ce propos. Lorsque Karm lui tendit la clé -en lui l'indiquant, par chance, sinon il aurait pu attendre longtemps, comme c'était d'ailleurs arrivé avec des collègues.- Vraiment, l'Ark-Ni pensait toujours à lui. Comment pouvait-il douter de leur apprentissage? Son cher Attentionné avait probablement déjà réfléchi à tous les risques. Des fois, le Hapien se sentait aussi ingrat que stupide.

- Merci, je le lirai avec plaisir. -Et Karm savait que c'était vrai, le blond adorait lire, apprendre davantage encore, surtout si c'était pour se rapprocher de lui. Trois bonheurs réunis dans ce traité.- Mais maintenant repos! Laisse-moi t'examiner. C'est sans doute rien mais je pourrais t'éviter quelques jours désagréables.

Un sujet qu'il connaissait, simple, lequel lui permettait en plus de dorloter son chéri? Que ce dernier se soit considérablement amélioré en médecine n'importait pas, l'occasion était trop belle.

Et comme pour prendre le contrôle de la situation, il chercha à légèrement pousser Karm sur le lit dont il connaissait étrangement très bien la localisation.
Karm Torr
Karm Torr
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— Depuis ce midi, je dirais[/color], répondit Karm d’un ton dégagé, parce que sa faiblesse passagère ne l’inquiétait guère.

Combien de fois était-il revenu d’une mission lointaine terrassé par une maladie jusque là inconnue de tous que les Guérisseurs s’étaient faits un devoir de guérir ? Il surmontait les symptômes le temps de mener sa mission à bien, soutenu par la Force, et puis il s’effondrait une fois au Temple et se confiait aux bons soins de ceux qui étaient rompus à cet exercice. En bon mystique, il voyait dans la maladie un rappel salutaire de la Force, une façon de se souvenir que même le corps le mieux entraîné était susceptible de faiblir, comme les autres, et que même les organismes les plus évolués pouvaient le céder aux plus simples.

— T’inquiètes, ça va passer, sinon, je ferai un tour à l’infirmerie, poursuivit-il, en fouillant pour trouver la clé. Et fais pas genre de te plaindre de mon torse nu, monsieur l’innocent, ça a pas toujours l’air de te déplaire, rajouta-t-il avec un sourire en coin.

Le torse en question, Luke n’avait pas vraiment l’occasion de le voir, mais il lui était arrivé plus d’une fois de le toucher et Karm n’était pas entièrement dupe de la pudeur de son compagnon. L’Hapien était réservé, certes, mais quand il cédait à son désir, ses mains parlaient pour lui, et Karm se souvenait sans peine du trajet des doigts enthousiastes qui avaient suivi le dessin de ses muscles.

— Puis qu’est-ce tu veux, je suis quasi un homme sauvage, porter des vêtements, pour moi, c’est presque une torture. Ne suis-je pas, après tout, le Chevalier en Slip ?

Karm avait appris à s’accommoder de la réputation qui le suivait depuis ses exploits en petite tenue sur Pakuuni. Là, il s’était battu contre les Impériaux et avait intercepté un vaisseau vêtu d’un seul slip rouge moulant — trop moulant pour que les observateurs aient manqué de remarquer que la Force avait été, avec lui, à certains égards, assez généreuse. Depuis, on jasait dans les couloirs du Temple sur les mensurations de l’Ark-Ni, qui « cachait bien son jeu » et le surnom du Chevalier en Slip le poursuivait.

Rien de tel pour asseoir son autorité et son sérieux auprès des Padawans, dont certains, en classe, se tordaient le cou pour observer son pantalon et essayer de deviner si la réalité était à la hauteur de l’étrange légende.

— ‘Fin bref, ça…

Mais il n’eut pas le temps de protester une nouvelle fois de sa santé de fer, après avoir tendu la clé, qu’on le poussait déjà sur le lit pour l’ausculter. L’Ark-Ni poussa un soupir mais se montra docile.

— J’ai juste un peu des courbatures, vaguement mal à la tête, de la fatigue. Tu sais. Un truc ordinaire.

En réalité, un examen même superficiel de Karm ne révélait rien de ces symptômes ordinaires. Pas de fièvre, pas de réaction du système immunitaire, pas d’inflammation des muscles. Mais tout se passait comme si le métabolisme de l’Ark-Ni était en train de se ralentir, petit à petit. Comme s’il avait été un animal en train de se préparer à l’hibernation.

— Bref, ça va passer, assura encore une fois le Jedi, tout en se soumettant à l’examen de Luke.

La Force tourbillonnait en lui plus librement, plus erratiquement qu’elle ne le faisait d’ordinaire. C’était un peu, en somme, comme s’il était déjà endormi, quand l’esprit allait de rêve en rêve, et que la Force s’y exprimait un peu d’elle-même, cet état précieux et difficile à saisir en étant conscient que poursuivaient ardemment les Prophètes Jedis.

La docilité de Karm fut interrompue néanmoins par une vibration de son datapad, qu’il tira de l’une des nombreuses poches de son pantalon, pour parcourir rapidement des yeux le message qu’on venait de lui envoyer. Il haussa un sourcil surpris.

— Haiku Noki est à l’infirmerie.

Il releva les yeux vers Luke.

— C’est le Padawan qui m’assistait tout à l’heure pour classer les roches en provenance de la dernière exploration de l’équipe C. Il m’avait l’air…

Le Jedi s’interrompit quelques secondes, comme dans un moment d’absence, avant de poursuivre.

— … en pleine santé. Mais apparemment, il est tombé assez subitement dans le coma, alors qu’il était au self, et les Guérisseurs ne parviennent pas à le réanimer. Il faut que j’aille…

Silence.

— … à l’infirmerie. Pour voir si je peux… Les aider.
Luke Kayan
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- Je ne me plains pas. J'énonce simplement que certains actes ont certaines conséquences, surtout effectués à des moments inadéquats.

Récita machinalement le Somnifère bien que le connaissant à la perfection, ou presque, Karm pourrait détecter l'humour dans sa phrase. Sous son apparence beaucoup trop sérieuse, pour ne pas dire assommante, Luke savait s'amuser. Un peu. Et dans tous les sens du terme. Pour donner un avant goût de cet éventail de ramifications, la rougeur qui habillait les joues de Luke s'étendit, offrant un joli contraste -quoique légèrement criard- avec ses yeux vairons encadrés par des mèches d'un blond doux. S'il était effectivement très réservé, presque froid en général, la fréquence de marques d'affection avaient augmentées. Peu, certes, toutefois, pour quelqu'un qui ne démontrait quasiment aucun plaisir au début -s'en deviendrait vexant.- il avait fait de remarquables progrès.

D'ailleurs, c'était lui, qui, par deux fois déjà avait cherché le premier les caresses. Lorsqu'ils exploraient cette planète et qu'il s'était senti en sécurité dans leur tente avec des symbiotes dangereux -mais endormis- pour seuls témoins, puis dans le vaisseau Ark-Ni. Aujourd'hui, il avait du réprimer un début d'envie qui l'envahissait, aussi discrètement que sournoisement, à cause de ce thème particulier qui concernait "Le Chevalier en slip". En effet, tandis qu'il étouffait un rire absolument pas moqueur envers son compagnon, doué pour se mettre dans d'incroyables situations et récolter des surnoms tout aussi farfelus, le jeune homme avait deviné, presque trop tard, un désir alimentés de souvenirs d'autres fois qui remontait du fond de ses pensées, et s'étendait dans tout son corps. L'aveu de mal-être de Karm avait ralenti d'éventuelles pulsions délicieusement honteuses, et déjà le Consulaire entreprenait de visiter son hôte via la Force, un sourcil froncé. Baisse de rythme cardiaque, front froid, les symptômes ne correspondaient pas avec ceux énoncés par du jeune homme.

-Laisse ce com...

Les dernières traces d'un désir encore naissant disparurent lorsque son ami lui révéla la raison pour laquelle le petit engin avait sonné. Avant qu'il ne puisse dire quoique ce soit, son ami essayait déjà de se lever pour aller aider le dénommé Haiku. Le Hapien le repoussa, peut-être un peu trop fermement sur le matelas. Un déclic avait agrandi ses yeux, activé son cerveau et ses mains.

-On va s'en occuper -S'efforça-t-il à dire du ton le plus tranquille du monde, alors que sa matière grise commençait à bouillonner tandis que son esprit- qu'il essayait de faire taire- hurlait"Belsavis" à tout rompre. Luke éloigna toute pensée parasite qui pourrait entraver son efficacité. Il savait que ce ne pouvait pas être un hasard. Cette double maladie étrange avec des symptômes différents. D'ailleurs il y avait à parier que si son compagnon était encore plus ou moins debout, c'était surtout grâce à sa condition physique, excellente, malgré sa constitution légère d'Ark-Ni. Quelle ironie, dire qu'ils plaisantaient à propos de la santé juste avant.

- Tout va bien aller, mais tu restes allongé.

Ordonna le Chevalier d'un ton doux mais ferme, catégorique. C'était peut-être le seul domaine où Luke osait ainsi s'imposer, mais il le faisait sans concession, vif, précis dans chacun de ses mots ou de ses gestes. Bien qu'il n'en ait aucune envie, le jeune homme laissa Karm pour rejoindre le couloir et presser le bouton raccourci de son comlink. Il appelait directement le responsable du MedCorps de l'unité de quarantaine. Ce dernier, comme sa profession l'exigeait, répondit au bout d'une demi-sonnerie.

- Ici Luke Kayan. J'ai un cas... Oui je sais que vous êtes occupé. Haiku Nomi. À ce propos...

Ce fut tout un art de forcer sa voix - pour couper la diatribe d'un médecin débordé.- tout en essayant de conserver une sonorité confidentielle, afin de ne pas trop alerter son ami. De fait, le jeune homme ne savait pas si ce dernier s'était levé ou surprenait ses paroles.

- Le Chevalier Torr était dans l'infirmerie avec, et il présente des symptômes semblables à un affaiblissement général. C'est trop tôt pour le déterminer, mais ça y ressemble, sachant qu'ils ont été dans la même pièce, sont malades en même temps, je pense qu'il y a suffisamment de similitudes pour enclencher le processus de quarantaine... Comment? Oui je suis en contact avec le potentiel porteur depuis environ deux heures et nous avons mangé ensemble. Je ne présente aucun symptôme mais demeure un facteur à risque. N'approchez pas le Padawan sans protection.


Le blond dispensa quelques conseils à l'infirmière qui avait pris le relais et organisait les équipes. D'ici peu, deux blouses blanches viendraient les récupérer, au cas où, ils emmèneraient un lit, pour si Karm s'évanouissait. Luke était retourné dans la chambre, il ne devrait plus s'approcher de son aîné, mais c'était beaucoup trop difficile de respecter le protocole là, maintenant. Pour se consoler, il se disait que Karm était un solide Jedi, très au courant des processus de sécurité à effectuer, d'autant plus qu'en tant qu'explorateur, il devait avoir l'habitude. Le jeune homme avait d'ailleurs signalé à la secrétaire de transmettre aux médecins une possible piste de maladie étrangère. Ceux-ci en découvrant la silhouette de leur patient -presque- abonné auraient tôt fait de ressortir son dossier. Tant mieux en un sens.

Luke fouilla dans les restes du panier pique-nique, il avait rapidement songé à une intoxication alimentaire ou quelque chose du genre avant d'écarter tout aussi vite la piste. Haiku n'avait pas déjeuné avec eux. L'infirmerie en soi serait-elle le point de départ de la maladie? Cela paraissait presque logique, car le Hapien et d'autres Jedis avaient approché Karm -lui particulièrement près, pour leurs exercices, bien sûr!- sans tomber malade. À moins que le virus n'ait couvé avant de se déclencher, par hasard, au sein de l'infirmerie? Dans ce cas, il faudrait fermer la partie côtoyée par Karm, heureusement non fréquentée par des patients.

- Tiens, prends un morceau de sucre, c'est comme si ton corps entrait en hypoglycémie ou plutôt... En hypothermie. Oui, voilà.

En mode survie, comme sur Belsavis. La transe . Mais pourquoi? Son corps avait-il détecté un virus mortel et cherchait-il à s'en protéger en ralentissant les fonctions vitales de Karm? Luke toucha une main, les extrémités étaient froides, le sang se retirait pour se concentrer autour des organes importants. Ce pouvait être grave comme ce pouvait ne pas l'être, certains organismes étant du genre alarmiste, ils déclenchaient rapidement leur propre protocole de survie.

Via la Force, le Jedi entreprit de transfuser de l'énergie à son compagnon, espérant ralentir voir contrecarrer le processus. Il s'obligeait toujours à rester calme, louant la Force d'y parvenir.

- Raconte-moi tout ce dont tu te souviens. Quand as-tu vu Haiku? Sur quoi travaillait-il? -Car ce pouvait être de la fumée s'échappant d'un tube à essai le coupable, et non Karm. Après tout le Padawan était davantage touché. Et si c'était LUI, pas l'explorateur l'origine? Tout était possible.- Décris-moi ce que tu ressens. Est-ce que tu as vu quelqu'un avant de me rejoindre pour le déjeuner?

Midi. Luke se rappelait que le Chevalier Turquoise avait confessé avoir commencé à se sentir mal vers cette heure. Il faudrait reconstituer son trajet dans les couloirs pour retirer de la circulation, tous les Jedis à qui il avait parlé, dont lui. Le jeune homme s'en voulu d'harceler son ami de questions, mais c'était la seule manière d'avancer plus vite, au lieu de perdre du temps avec une fastidieuse enquête interne. De trouver ce qui se passait, car il ne croyait pas, au fond, que ce soit juste une faiblesse passagère, et qu'on ne le traite pas d'hystérique, ils avaient un gamin plongé dans le coma, quand même.

À nouveau, le jeune homme piocha dans le panier, lisant fébrilement du bout des doigts, une étiquette. Encore du sucre. Cela permettrait-il à Karm de relancer son organisme endormi? Luke donnait aussi beaucoup via la Force, il sentait d'ailleurs la fatigue s'amonceler. Surtout accumulé aux efforts de la matinée, mais il continuait, enlaçant même son aura à celle de son compagnon qu'il avait rejoint et dont il chercha à prendre la main, complètement oublieux des médecins sensés arriver, tandis que deux Sentinelles avisées vidaient une partie de l'aile du Temple potentiellement contaminée.
Karm Torr
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Pour une fois, Karm se montrait docile, mais le peu d’énergie qui lui restait n’y était probablement pas étranger. Son corps se plongeait peu à peu dans une transe que le jeune homme ne songea pas tout de suite à combattre, l’esprit occupé par des perceptions de seconde en seconde plus troublantes. C’était comme si tous ses sens s’éveillaient petit à petit. À travers la Force, il avait l’impression de percevoir Luke mieux que jamais, et d’autres Jedis, par-delà, dans le couloir.

— Quoi… ?

Il lui fallut toute l’inquiétude manifeste de Luke revenu dans la pièce pour se rendre compte pour de bon de ce qui était en train de se passer. Il se redressa tant bien que mal pour s’adosser contre l’oreiller et prit une profonde inspiration. Le sucre ne changea cependant pas grand-chose à son état.

— Le truc c’est que… Je me sens pas si mal que ça… Juste un peu, j’sais pas… Fatigué ? Ou à l’ouest. Quelque chose comme ça.

C’était plutôt comme une torpeur qui le gagnait petit à petit, et les douleurs musculaires lui rappelaient surtout la fatigue salutaire après un long entraînement. Mais de seconde en seconde, il lui fallait plus d’efforts pour se concentrer sur les questions que lui posait Luke et organiser ses pensées, qui menaçaient de s’éparpiller. Il n’avait qu’une envie : se laisser porter sur les ondes de la Force.

— J’étais… Non… On était… Haiku et moi… Dans les ateliers de l’ExploCorps… On cataloguait ensemble des pierres, des échantillons, ce genre… de choses… Rien d’exceptionnel. Tout avait été déjà… Scanné à l’expédition… Pour s’assurer qu’il n’y avait pas… D’agents pathogènes. La procédure.

Mais déjà on frappait à la porte. Le panneau coulissa dans le mur et deux guérisseuses firent leur apparition, qui ne portaient pas de tenue anti-contamination.

— On a identifié la source du mal, déclara l’une d’entre elles de but en blanc, tandis que l’autre s’asseyait sur le bord du lit, pour examiner Karm, et confirmer sans doute que les symptômes de l’Ark-Ni correspondaient bien à ceux de l’autre patient. Grâce à tes indications, Luke, et aux enregistrements holographiques de leur salle de travail. La bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas contagieux.
— La mauvaise nouvelle, intervint l’autre, une Rodienne, c’est qu’on ne sait pas précisément ce que c’est. On l’emmène.

Un fauteuil anti-gravité fit son entrée dans la chambre, téléguidée par l’une des guérisseuses, et on aida Karm à s’y installer. Le petit groupe prit ensuite le chemin de l’infirmerie. Pendant que la Rodienne posait quelques questions à Karm sur ce qu’il ressentait, l’humaine expliquait à Luke :

— Ils étaient en train de manier une roche quand une poussière s’est formée, qu’ils ont inhalée. La poussière a été aspirée par la climatisation et neutralisée. On a récupéré la roche et on l’a sondé à travers la Force. On est raisonnablement convaincu que les particules ont provoqué une réaction chez eux. De quelle nature, c’est difficile à dire.
— Il est en train de s’évanouir, intervint la Rodienne.

Et Karm, en effet, avait cessé de parler. Ses paupières étaient retombées et son corps s’était affaissé dans le fauteuil anti-gravité. Les deux femmes échangèrent un regard entendu, alors que les portes de l’infirmerie s’ouvraient devant eux.

— Jusqu’à présent, l’état du Padawan n’a pas empiré. En vérité, abstraction faite du coma, il est en pleine santé, ses constantes vitales sont excellentes et sa présence dans la Force importante. Son activité cérébrale est même assez considérable. Par ici.

Luke fut entraîné à la suite de Karm et des guérisseuses dans une chambre privative qui servait à entourer les cas les plus étranges de toutes les attentions nécessaires. Un droïde médical se chargea d’allonger l’Ark-Ni, pour le débarrasser de son tee-shirt et de son pantalon, afin de fixer des capteurs sur son écran. Derrière le lit, les vastes écrans de surveillance firent bientôt voir les relevés médicaux du jeune homme.

La Rodienne hocha la tête.

— Comme pour Haiku. Excellente santé générale. Forte activité cérébrale.
— Comme s’ils faisaient des rêves particulièrement intenses. Je pense que les particules se sont fixées à travers le sang jusqu’au cerveau et ont stimulé les régions responsables de l’endormissement et de l’imagination.
— On devrait essayer de les atteindre pour juger de leur état mental. Sans signe manifeste de psychose, on peut laisser leur système évacuer de lui-même la toxine, sans tenter d’interventions dangereuses, mais dans le cas contraire, il faudra intervenir.

Les deux guérisseuses se retournèrent vers Luke et le jaugèrent d’un même regard. Karm et lui étaient très proches, ce n’était plus un mystère pour personne. Il y en avait même pour prétendre que cette proximité n’était pas qu’amicale. Dans tous les cas, c’était probablement une situation idéale.

— Vous avez déjà essayé d’avoir une transe visionnaire ? Un rêve de Force ? Une méditation intense pour vous plonger dans… ce qui est au-delà de notre conscience. On peut s’en servir pour pénétrer l’esprit d’un patient et observer ses songes et ses pensées profondes. Pour diagnostiquer certains cas délicats, qui touchent l’esprit. Et quand on connaît la cible, c’est d’autant moins difficile…
Luke Kayan
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Pourquoi n'entendait-il pas de respiration exagérée par le masque de protection? Qu'est-ce qu'ils n'avaient pas compris dans ses propos? Il se tendit et s'éloigna instinctivement des deux Auras qui avaient pénétré dans la chambre. N'avait-il pas été clair dans ses propos? La contamination semblait dans ce cas, plus qu'un soupçon, être une évidence. La réponse vint très vite, lui permettant de se détendre quoiqu'une poignée de secondes seulement. Un mal inconnu touchait le Padawan Haïku et désormais Karm qui s'était vaguement expliqué avant de sombrer, presque dans les bras de l'infirmière, le sucre n'ayant guère d'effet sur cette étrange léthargie.

- Il n'avait pas l'air de souffrir.

Indiqua le Consulaire en essayant de se rappeler des mots que Karm avait difficilement expiré emporté par une fatigue soudaine. Avec une brièveté, une précision et un contrôle qui auraient pu le rendre fier dans d'autres circonstances, le jeune homme réunit tous ses souvenirs en quelques mots que l'humaine s'empressait de noter. Elle corroborerait ses propos avec ceux tenus par un Karm de plus en plus affaibli. Le Hapien se retint de quémander de rester avec lui, surtout lorsqu'on lui indiqua son évanouissement. Un évanouissement qu'il avait, nota-t-il, anticipé quelques fractions de secondes avant que ce dernier n'emporte son ami dans un monde inaccessible. Malgré son attitude vaillamment neutre, l'infirnière put noter que ses traits de figèrent légèrement, tandis que, fait paradoxal, son regard éteint s'illuminait d'une vague d'inquiétude difficilement contenue. Au moins restait-il concentré sur les propos de l'humaine, bien dressé aux protocoles médicaux, sachant ce qui pouvait aider ou non le patient.

- Comme le système défensif d'une plante alors? Un genre de venin, ou une drogue?

Luke fronça un sourcil, étonné par la description des faits. Il n'était pas biologiste mais était pratiquement sûre qu'on ne trouvait pas des plantes aptes à projeter de la poussière "empoisonnée" lorsqu'on la touchait. Ni qu'un présumé "venin" n'affecte que le corps, offrant même une maximisation de l'activité cérébrale. La surprise alliée à la curiosité surpassèrent momentanément l'inquiétude du Consulaire qui devait de toutes manières ignorer cette dernière en faveur des deux beaux aux bois dormants.

- L'atteindre? Il lui faut quelqu'un de proche. De préférence qui s'est beaucoup entraîné avec lui et qu... ? Moi? Je n'ai jamais eu de transe visionnaire, ni essayé. Je suis habitué à sentir la vie, les perturbations qui s'épanchent au-delà des barrières physiques, dans une certaine limite, mais je n'ai jamais eu ce type de rêves... Si je touche mal son esprit, ou l'aborde de manière inadéquate, je risque de perturber cet équilibre qu'il semble maintenir.

Expliqua le jeune homme, encore un peu essouflé par une "course" à travers des couloirs qu'il connaissait au début avant de perdre le sens de l'orientation. Ils devaient être dans une salle spéciale parce que Luke ne savait pas où il était, à moins que la vitesse entrelacée avec la préoccupation n'aient favorisé son égarement, mais après tout peu importait. Ils étaient au Temple, au chevet de l'Explorateur.

À son chevet. Seul. La vérité frappa brutalement Luke. Dans son cas on aurait peut-être appelé Saï pour l'aider, mais Karm. Karm était seul. Sa Padawane commençait à avoir un lien solide avec, mais elle était clairement trop jeune pour tenter quoique ce soit, et sinon? S'il était vrai que son compagnon avait de nombreux amis dissémines aux quatre recoins de la Galaxie- certainement davantage que lui.- fidèles, prompts à l'aider, ou même cette Consulaire à laquelle il l'avait présenté au retour d'une mission, personne ne semblait être disponible ou plus proche de l'Ark-Ni que lui. Il n'y avait qu'à songer à leurs exercices matinaux, cet aiguisement des capacités pour aller au-delà de ses capacités. Toujours dans le domaine conscient, mais au-delà. Certes.

- Je vais tenter quelque chose.

Décida le jeune Chevalier qui combattait avec férocité son habituelle tendance à prévoir le pire. S'il avait toujours agi avec cette prudence qui le caractérisait, force lui était de constater que peu de leurs missions auraient abouties. Prendre certains risques, dériver des connaissances acquises pour essayer autre chose, c'était la spécialité de Karm, mais ce dernier n'était actuellement pas en état de le consoler ou de le convaincre. Le blond se mordit légèrement la lèvre, signe d'angoisse assez forte chez lui, pourtant il s'approcha d'un pas ferme, sachant que peu d'autres choses pourraient être tentées.

Il se remémora de leur exercice ce matin-là. S'il avait pu rejoindre l'esprit de son ami pour entrevoir ses gestes, les anticiper, alors il pouvait le faire pour entrer en contact avec, chercher cette empreinte habituelle, tâter sa consistance. Son esprit dormait-il lui aussi? Luke eut de la peine à se concentrer avec des gens autour, mais il ne demanda pas de rendre la séance plus confidentielle, si le coeur de son ami arrêtait de battre ou s'il avait une réaction étrange, deux voyantes diplômées en soins ne seraient pas de trop pour une réanimation ou un combat contre des centimètres interminables de câbles à croiser sans les emmêler puis à fixer. En un mot, sauver le corps de Karm, jusque là étrangement bien conservé.

Enfin, l'esprit de Luke accepta de quitter son corps, juché sur une onde de Force qui se glissa entre celles qui animaient l'homme aux cheveux bleus, presque trop facilement. Elle adopta son rythme pour ne pas perturber l'équilibre intérieur, en douceur, présente sans être envahissante. La main de Luke se détendit sur le rebord des draps, signe qu'il semblait abandonner son enveloppe charnelle. Son dos s'affaissa légèrement sur la chaise et si son regard semblait toujours un peu vague, il était désormais absent. Intérieurement pourtant le jeune Jedi bouillonnait de vie, accroché à cette Force qui virevoltait, grimpant les muscles, les os de Karm, se glissant dans ses artères pour essayer d'atteindre le cerveau, de saisir pensées et rêves.

Il se perdit plusieurs fois dans les méandres veineuses, mais il s'entêtait. Ses connaissances médicales vinrent à son secours, analysant le sens du courant carmin pour mieux le suivre. Le Chevalier avait perdu en chemin son stress, et désormais c'était avec une froide efficacité qu'il fouillait ce corps désarmé, à la recherche de cette brûlante activité cérébrale. Guidé par son cœur et son savoir, le jeune homme parvint finalement aux portes de la matière grise. La comparaison avec l'exercice du matin même s'arrêta là, puisqu'il allait explorer un terrain inconnu, cherchant la conscience de Karm là où celle-ci venait le rejoindre, en parfaite harmonie, en-dehors de leurs enveloppes charnelles aux cours de méditation. Cette fois, c'était lui qui pénétrait la tête de son ami, rendu au seuil de son esprit peut-être emprisonné sous cette matière grise.

Et elle était bien vivante. Vivante et si éveillée qu'il avait l'impression de la sentir pulser contre les parois du cerveau, gronder comme un Vornsk sauvage emprisonné. Avec douceur, Luke entoura le fragile, fascinant et complexe organe. De son cercle, se détacha un fil puis deux et enfin trois qui s'immisçaient dans les premières couches du cerveau, au-delà, enfin, de la conscience.

*Es-tu là?*


Il y avait dans cet appel, plus de tendresse que de professionnalisme.

* Tout va bien. Montre-moi ce que tu fais, ce que tu vois.*

Même s'il ne saisirait pas les images éventuelles qui surgiraient de ce partage, s'il avait lieu, Luke était persuadé que Karm saurait lui l'expliquer d'une autre manière. À travers des sensations ou n’importe quoi d'autre. Ils étaient sur une autre planète, un microcosmes vivant dans la tête du Chevalier Turquoise, mais cela restait son monde, et Luke savait qu'ici ou ailleurs, en pleine réalité ou mi-songe, ce dernier saurait communiquer avec lui. Ils s'étaient rejoints.

*****

- Haiku Nomis a-t-il un maître? Trouvez-le! Et sinon réunissez tous ses amis. Qu'ils lui montrent qu'ils sont là.

L'acte ne serait pas aussi profond que la communion étrange entre Karm et Luke, mais selon les résultats observés sur le moniteur, [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien] médecin-en-chef qui les avaient réuni avait conclu que ce ne pourrait qu'être positif. En laissant leurs présences se promener autour de l'esprit d'Haïku, il espérait empêcher que le garçon ne sombre plus profondément dans son inexplicable coma.

Son dos craqua sans qu'il n'y fasse attention, de même pour Solona qui les avaient rejoint et lui proposait un verre d'eau. L'activité cérébrale de l'Ark-Ni s'était encore accentuée si possible, mais elle semblait peut-être un peu plus ordonnée, centrée autour d'un point, comme si ses neurones en désordre étaient réunies par un espèce de gardien qui les rappelaient, souhaitaient les ramener à la surface. Peut-être était-ce Luke, mais pouvait-on vraiment s'infiltrer de la sorte dans un cerveau? À cette profondeur, des Jedis l'avaient déjà fait, mais il y avait en général un rejet, contre parfois, le patient choisissait de lutter. Mais cette union si paisible, comme si le cerveau de Karm reconnaissait les cellules de son ami comme siennes, cette greffe réussie. Le processus, qu'il fonctionne ou non promettait d'être captivant.

- Monsieur, Nomis semble plus ou moins réagir à la présence de ses proches, mais il n'émerge toujours pas.

Ceci dit, l'attachement avait un effet positif indéniable.
Karm Torr
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— Luke ?

… Luke…

Luke.


L’Hapien avait été happé finalement dans les pensées de l’Ark-Ni. Une vaste salle blanche, lumineuse, avec son tatami immaculé. Quelque part dans le Temple. Pour s’entraîner. Devant Luke, un gamin d’une dizaine d’années, à peine plus, avec les cheveux argentés d’un Karm, et le regard brillant d’un Karm, et la présence d’un Karm dans la Force.

— J’ai peur qu’elle finisse par me tuer, Luke, murmure l’enfant.

Et puis une autre voix s’éleva à l’autre bout de la salle, qui paraissait loin, interminablement loin.

— Karm ! Reviens ici. On reprend le combat.
— Oui, Maître.

Tout se dissipa brusquement, dans un tourbillon de sensations confuses, et puis soudain, le vent se mit à souffler sur une plaine immense, et au-dessus, dans le ciel, trois lunes éclairaient une nuit constellée d’étoiles.

— Je l’ai vu souvent, expliquait la voix de Karm, impossible à saisir précisément, Je crois qu’il y a quelque chose au fond de ma tête.

Et à nouveau, ce fut le tourbillon, le chaos des idées et des impressions. Parfois, des décors nouveaux se formaient, de nouveaux sons et de nouvelles odeurs, une ville, un bureau, une montagne, un bateau sur l’océan, souvenirs d’une exploration ou d’une mission. Et puis soudain, l’odeur du souffre, du fer, et une insoutenable douleur.

[color=#00ccff]— Parle, Jedi.[/b]

Quelqu’un était en train de torturer Karm. Quelque part, dans une prison, dont il fait libérer un détenu. L’une de ces missions secrètes et dangereuses que l’Ark-Ni n’évoquait jamais qu’en termes très généraux, loin des descriptions souvent enthousiastes qu’il faisait des planètes lointaines. On enfonçait un pieu d’acier chauffé dans ses côtes. Il poussait un gémissement de douleur.

— Luke ?

Karm était attaché à une table de torture, mais il était aussi debout, à côté de Luke. Sa main se glissa dans celle de son ami.

— Ne reste pas ici, c’était il y a longtemps, tout ça. Peu importe.

Le Jedi entraîna son ami ailleurs. Aussitôt, ils se trouvèrent sur une montagne. Chaleur tropicale. Des bruits de cascade résonnaient en contrebas, leur écho répercuté par d’innombrables falaises.

— C’est le sommet du Grand Sage, expliqua Karm, ou le souvenir de Karm, ou le fantôme de Karm, Une montagne sur une planète que j’ai découverte il y a deux ans, habitée par un peuple peu industrialisée et que la République se contente de surveiller de loin. On raconte que pour acquérir la sagesse, il faut gravir jusqu’au sommet la montagne et qu’alors, tout s’illumine.

Tout était différent ici. Ce n’était plus un souvenir, mais quelque chose d’autre, peut-être une métaphore d’angoisses ou d’espoirs nourris par Karm, peut-être un rêve — sans doute un peu des deux.

— La planète assez proche de son soleil, c’est pourquoi il fait si chaud même en altitude, poursuivit l’explorateur.

La Force était partout. Chaque caillou semblait pulser de sa vie propre. Au cœur de l’âme d’un Jedi comme d’un Sith, il y avait toujours un tourbillon de puissance pure, un lien direct avec la Force.

— J’aime quand il fait chaud, murmura Karm d’une voix pensive. Je crois que je vais rester ici. M’allonger dans l’herbe. Méditer pour toujours. Parfois, je me demande si un jour tu retrouves la vue, si tu me trouveras assez beau pour toi. J’ai jamais compris comment les gens faisaient pour être… j’ai oublié.

Les pensées de l’Ark-Ni devenaient à nouveau confuses. Dans la chambre de l’infirmerie, les deux Guérisseuses s’échangeaient un regard perplexe. Difficile pour elles de savoir ce qui se tramait sous leurs yeux avait véritablement un effet positif sur le patient. La théorie de l’expérience était certes assez solide, et on parlait souvent de ce genre de transes pour atteindre les esprits perdus, dans les livres, mais la manière dont les choses étaient censées se passer, concrètement, étaient beaucoup plus floues.

— Je sens la Force si près de moi, dit Karm, Je la sens si près de moi, Luke, pourquoi est-ce que je ne me laisserais pas fondre en Elle pour toujours ? Recherche-t-on jamais rien d’autre, sur la voie du Jedi, que la chance de s’abandonner à la mort, à la Force, à la mort, à la, de s’y abandonner pour toujours ?

Plus bas, le jeune homme souffla :

— Le reste du monde, c’est tant de souffrances.
Luke Kayan
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Cette voix.

Dépourvue de maturité. Il la connaissait, pourtant. Cette manière de poser les mots, ce rythme entre les syllabes, les intonations finales.

- Karm?

* Mais quel âge as-tu?*

Peu importe. L'étonnement s'enlisa dans l'inquiétude qui venait de le remplacer. Une aura maléfique effrayait le garçon qui venait le supplier. "Maître?" Le nom de Tavaï bondit au visage de Luke qui chercha instinctivement à placer une main devant le jeune Ark-Ni. Trop tard.

La scène changea, pas les sensations: douleur, crainte, angoisse. Le Chevalier n'essaya même pas de rejeter l'horrible odeur de souffre qui précédait celle du grillé. Il avança d'un pas afin de se confronter aux agresseurs, mais encore une fois, le cerveau de Karm l'emporta vers une autre scène.

Toute négativité avait disparu. Il faisait chaud, le soleil glissait des rayons presque agressifs que la peau du Hapien. Un degré de plus et ça en serait devenu désagréable, mais force était de reconnaître que les lieux semblaient effectivement gorgés de bonnes ondes, surtout en comparaison avec les endroits précédents. Une brise vint retirer les dernières échardes d'humidité qui s'étaient glissées dans ses cheveux, ses muscles et ses os au sein de la prison. Les mots de Karm le firent toutefois tressaillir, il resta muet un moment.

- Tu es déjà parfois trop beau pour moi.- Murmura finalement le Jedi, avouant qu'il en venait à se demander pourquoi l'explorateur restait avec lui, si faible, timoré, fragile. Mais là n'était pas la question.- Si tu restais ici, tu finirais par te lasser de cette tranquillité lisse. Rien pour s'étonner, s'émerveiller. Nulle contrée changeante, nulle espèce nouvelle à découvrir.

Commença le Jedi en essayant d'être le plus doux possible, même s'il peinait à poser ses mots, dans un tel endroit, dans une telle situation. Il ne cherchait pas à saisir le phénomène, mieux ne valait pas s'il désirait rester sain, et surtout concentré pour demeurer aux côtés de Karm dans son esprit. Contrairement à ce dernier, Luke devait fournir des efforts accrus pour siéger ici, parfaitement conscient dans la matière grise -et verte actuellement- de son ami, inconscient au dehors. Il fallait maîtriser ses peurs, son désir de sursauter, pleurer, s'étonner afin de ne pas provoquer le réveil. Sans lui.

- Et je ne pourrais pas rester avec toi. -Si ça comptait suffisamment.- Le monde est terrible mais également beau. Karm. La joie des gens que tu as aidé, la reconnaissance dans leur cœur, leur reconstruction, pas à pas. L'adrénaline des explorations, les entraînements. Le contact quotidien avec nos pairs, les longues théories, les réflexions. De l'abomination peut naître la beauté.

Luke essaya de transmettre à son ami des sensations sans être sûr d'y parvenir, la joie qui avait explosé dans le coeur des Soeurs de l'Infinie Consolation. Darel soulagé d'avoir été aidé, Rose, libéré de l'emprise du Gourou, et même la gosse dans la cité des Deux soleils au nom imprononçable. Celle à qui on avait brièvement donné de l'importance, qui avait apprécié sa conversation avec le jeune homme aux cheveux argenté. Il offrit à défaut de la vue, la voix de son amie Consulaire à qui tous deux avaient dévoilé leur relation, extrayant l'affection qui perçait dans ses paroles lorsqu'elle s'adressait à Karm. Far'Sic se jetant dans les bras de son époux. Et lui, évidemment. Amoureux et heureux quand il évoluait aux côté de son ami, peu importait la situation.

- Fuir n'est pas la solution. Retournons-y et affrontons-la ensemble. Si tu penses que c'est impossible, nous reviendrons ici, je te laisserai te reposer, mais pas sans essayer.

Bien sûr, Luke espérait ne pas en arriver à cette solution, devoir partir sans Karm, c'est pourquoi il espérait le convaincre de retourner à la scène qui le tourmentait tant selon lui.

- Moi en tout cas, je ne resterai pas ici sans rien faire.

Les rayons du soleil commençaient à le brûler, peut-être à cause de l'amertume? Décidé, il s'approcha de Karm pour l'embrasser avec tendresse sur la joue puis s'en aller. Quelques pas symboliques plus tard, il avait quitté la montagne idyllique pour chercher dans les méandres du cerveau de son ami, ces souvenirs qui le hantait.

- Tavaï, je t'attends. Viens et affronte-moi.

Et elle apparut.

- Est-ce que ça en vaut vraiment la peine? Face à un petit Consulaire aveugle? Qui serais-je pour m'y abaisser?
- Allons, ne fait pas de chichis. Tu t'en es prise à un enfant. Tu n'es plus à ça près.

Il inspira profondément, ignorant si Karm- adulte ou gamin- se trouvait dans les parages. Évacuer toute once de colère envers cette femme, qui même absente, risquait de lui dérober son ami n'était pas facile, mais face à cette traîtresse, il serait Jedi jusqu'au bout. Hormis une nuance: son Amour le guiderait, parce que conscient ou pas de ses bienfaits, Luke ne pouvait présentement pas combattre sans lui pour le guider. Sa lame verte jailli de son fourreau, engendrant un petit ricanement de l'Amaran. La couleur de son épée venait de confirmer les pensées de la guerrière: un gratte-papier la défiait. Et si cette représentation pouvait avoir des émotions propres, elle devait certainement le trouver très amusant, ce blondinet attaché à son Padawan. De quel droit? Elle l'avait éduquée pour survivre à tout, être un vrai Jedi, capable d'endurer des horreurs afin de perpétuer leur Ordre, tandis que lui voulait le rendre mou, un vrai petit chien accroché à une laisse écoeurante de tendresse. Il ne savait rien de ce qu'elle avait fait, sacrifier pour l'Ark-Ni. Un bel ingrat ce gosse qui avait confier à "Luke" sa peur de mourir entre ses mains.

Le jeune Jedi, une fois n'est pas coutume, abattit sa lame en premier. Il était temps de reconquérir ce qui se trouvait au fond de l'esprit de Karm, des brisures, des miettes dont ils avaient besoin pour ensuite entreprendre de les recoller.
Karm Torr
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— Il y a des secrets cachés à l’intérieur de la Force, comme des marrons à l’intérieur de la bogue. Si tu savais, si tu savais, si tu savais ce que j’y ai vu.

Mais était-ce encore l’Ark-Ni qui parlait ou la Force qui parlait à travers lui, comme lorsque les voyants du Temple, ces sages qui perçaient les mystères de l’avenir, déclamaient en plein milieu de l’une de leurs transes étranges des prophétiques que des générations de Jedis s’attacheraient plus tard à comprendre ?

— J’ai vu… Tout… le… sombre…

La voix de Karm se déliait dangereusement et, tout autour d’eux, le décor devenait plus trouble, plus instable. D’autres mots, venus d’ailleurs et d’un autre temps, des souvenirs plus anciens, des aspirations différents, se mêlaient à ce décor jusque là à peu près cohérent. Il fallut la voix de Luke pour ramener l’Ark-Ni à la concentration toute relative que les particules minérales qu’il avait inspirées en découpant la roche lui autorisaient encore.

— Je n’ai pas peur. Plus peur. Pourquoi je n’ai jamais assez peur ?

Le jeune homme tourna son regard vers son compagnon.

— J’ai l’impression parfois d’être fait de glace et de roche.

Une glace toute relative, quand il prenait la nuit Luke dans ses bras, quand ils faisaient l’amour ensemble, et que leurs gémissements amoureux se mêlaient l’un à l’autre. Mais bien souvent, sur le terrain, au plus fort du danger, quand il affrontait les horreurs de la guerre d’une humeur égale, Karm avait l’impression que quelque chose n’allait pas chez lui. Ce n’était pas même qu’il se sentait attiré par le Côté Obscur. Juste trop… Méthodique ?

À cause de Tavaï.
C’était peut-être à cause de Tavaï.

Luke était parti.

Le paysage de Karm se désagrégea à nouveau. Son esprit se perdait en lui-même. Mais il y avait quelque chose, il y avait quelqu’un, et la présence du Consulaire était comme un rocher au milieu du courant de ses pensées. Il tenta de s’y arrimer, juste à temps pour découvrir Luke et Tavaï en train de s’affronter. Le combat était inégal. La lame violette de la Maître d’Armes fusait avec une rapidité inouïe, absolument inégalable. Toutes les bottes étaient élégantes. Précises. Redoutables.

Même un Gardien bien entraîné aurait été mis en difficulté. En quelques secondes, Luke était acculé.

— STOP, s’écria Karm.

C’était bien la première fois de sa vie qu’il criait vraiment. Sa voix résonnait dans le vaste espace de son cerveau. Elle rebondissait sur les murs de la salle d’entraînement. La lame bleue avait surgi de nulle part pour s’interposer entre Luke et celle de Tavaï. Aussitôt, la Maître et l’ancien Padawan entamèrent une danse mortelle dont la complexité était sans commune mesure avec celle que Karm offrait à Luke lors de leurs entraînements communs.

Plus d’une fois, le jeune Jedi se trouva en difficulté. Les deux styles étaient radicalement différents. Celui de Tavaï était le sommet de l’orthodoxie jedi, d’un classicisme irréprochable. Aristocratique. Celui de Karm était atypique au plus haut point, en apparence désordonné et chaotique, en réalité sous-tendu par la logique de la surprise et de la créativité. C’était deux mondes qui se heurtaient l’un à l’autre. Mais petit à petit, le Padawan qui avait grandi prenait le dessus. Pas parce qu’il était devenu meilleur sabreur. Mais plutôt parce que, dans ce monde imaginaire, où les souvenirs se mêlaient aux fantasmagories, c’était l’esprit qui l’emportait sur la seule technique.

Peu à peu, Tavaï se dissipait. Elle finit par disparaître complètement, emportant avec elle le bruit et la lueur de son sabre. Karm tomba à genoux au milieu de la salle du dojo jedi. Elle lui paraissait immense soudainement, comme lorsqu’il y avait pénétré pour la première fois, durant son enfance, comme à l’époque où tout, dans le Temple, lui paraissait d’une démesure inquiétante, après l’environnement confiné des vaisseaux spatiaux où il avait vu le jour.

Dans l’esprit de Luke, la voix de l’une des Guérisseuses se mêlait à ses pensées. Une communication à travers la Force de la Jedi qui, sans nul doute, devait méditer elle aussi tout près de lui.

— Ses fonctions cérébrales se stabilisent, poursuivez ce que vous êtes en train de faire.

Presque aussitôt, la communication fut rompue. L’exploit qu’était en train de réaliser Luke dans l’esprit de Karm était difficile à reproduire, et exigeait le mélange peu ordinaire de la connexion profonde à la Force dont jouissait l’Hapien, de la relation étroite et intime entre les deux garçons et de la situation particulière où se trouvait l’Ark-Ni.
Luke Kayan
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Tavaï prit rapidement le dessus mais le Hapien ne semblait pas s'en formaliser. Depuis le début, il savait courir à sa perte. Comment en aurait-il pu être autrement face à une des meilleures bretteuses de l'Ordre? Celle qui avait tout appris à Karm -via de mauvaises méthodes, certes.- lequel remportait déjà leurs duels amicaux. Le jeune homme, lucide, espérait juste s'être suffisamment amélioré pour gagner du temps. En outre, puisque l'esprit prévalait sur la technique, son calme allié à sa détermination le rendaient moins faible que dans une salle de l'Ordre où, comme face à Mora, il aurait tenu deux minutes.

Les précieuses secondes accumulées à renforts de tentatives de défense, toujours mises à mal, payèrent lorsque Karm apparut. Le Jedi s'en attrista et s'en réjouit à la fois. Impossible de savoir quel sentiment gagnait: la fierté de voir l'Ark-Ni affronter ses démons, ou la crainte que ce soit trop difficile, que l'éternel résilient achève de perdre sa partie? Faute de mieux, Luke opta pour l'encouragement incessant via la pensée, l'offre presque continue de son énergie restante, pendant qu'appuyé contre les parois du Dojo dessiné par l'esprit de Karm, il essayait avec difficultés de retrouver son souffle.

Il essayait de nuancer cet apport via la Force, contrairement à ce que dictait leur dogme, il laissait galoper divers sentiments, juste pour que le Chevalier saisisse enfin qu'il n'était pas une roche, que sa froideur au sein d'un duel ne le condamnait pas à la désincarnation. Le prudent Hapien n'avait jamais décelé chez lui une once de débordement, jugeant que son ami suivait à la lettre les préceptes de l'Ordre qui conseillait de combattre vidé de toute haine, rempli de sérénité. Mais Karm en souffrait. Parce qu'il était trop résigné, accomplissant trop parfaitement ces lois sensées les protéger. Là où les Jedis travaillaient pour lisser leurs émotions, lui glissait sur la paroi humide d'émotions lessivées, soumises. Peut-être qu'un minimum de sentiments était effectivement nécessaire pour être plus efficace, et surtout, conserver son humanité à l'heure de prendre la décision fatale. Et si l'Ordre, si catégorique, se trompait?

Mais les remises en question, si excellentes soient-elles, pavées de bonnes intentions, n'arrivaient pas au moment adéquat. Une voix surgit de nulle part l'éveilla de ses inquiétudes au sujet d'ondes trop colorées, amoureuses envoyées à Karm. Il agissait contrairement aux règles Jedis, et cela fonctionnait, donc. Médusé, le Chevalier dut cligner des yeux, secouer la tête pour accepter de réintroduire ses questions dans le fond de son propre esprit. Il encouragea à nouveau son aîné, entourant le duo de sentiments profonds ressentis à l'égard de ce dernier, sans savoir si cela l'aidait à combattre. Lui-même se serait à nouveau jeté dans le duel, cependant, il savait au fond de lui que c'était à Karm d'agir, de lutter contre son principal démon. Suite à cela, il y en aurait peut-être d'autres, mais le Hapien se sentait prêt à visiter chaque compartiment du cerveau de son ami pour en extraire les pires tourments, les résoudre. Une fois qu'ils seraient retournés dans leur "dimension", le jeune homme s’attellerait à la tâche de continuer, sans relâche, d'apporter son soutien à ce sauveur qui avait peut-être besoin d'être sauvé.

Enfin, Tavaï disparut, l'air devenu quasiment irrespirable pour Luke qui supportait si mal l'obscurité retrouva de sa pureté. Le jeune homme se gorgea autant que possible de Force sereine. Il ferma les yeux un long moment pour chercher à nouveau son souffle. Rester dans l'esprit de Karm n'arrangeait pas les choses. Même si ce dernier l'acceptait extraordinairement bien en son sein, maintenir son propre esprit en-dehors de son enveloppe charnelle lui demandait des efforts qui risquaient de le laisser complètement épuisé à la fin de la séance. Cependant, il tenait bon, soutenu par les propos de la guérisseuse qui avaient percé son brouillard d'incertitudes. Continuer, il devait continuer ce qu'il était en train de faire. Alors il se releva doucement, ignorant sa tête qui tournait pour rejoindre son ami, laissant au sol son propre sabre. C'était un monde "virtuel" de toutes manières, quelle importance.

Le jeune homme rencontra le vide là où planait pourtant l'aura de Karm. Il dirigea sa main vers le bas, sans savoir si Karm, à genoux, la prendrait pour se relever.

- Tu as peur. Naturellement, sinon tu ne saurais pas combattre aussi efficacement. Sans elle, le courage n'est que folie. Cependant, tu sais si bien la maîtriser que tu en viens à ne plus ressentir sa présence, alors même qu'elle t'accompagnes... Et c'est pareil pour les sentiments. Je ne pensais pas que l'on puisse arriver à un tel niveau de contrôle, ni que je dirais ça un jour, mais nous pourrions t'apprendre à être un peu moins les refréner lorsque tu combats, à les accepter à nouveau. Non pas comme des ennemis, sinon comme des alliés dont il faut simplement doser l'enthousiasme.

Luke était persuadé que l'Ark-Ni était tout sauf de la roche ou de la glace. De fait, il était lui-même beaucoup plus "calme" intérieurement que son vis-à-vis, raison pour laquelle l'Ordre l'avait peut-être laissé continuer avec Jason. Robot sans concession, appliquant lois et dogmes où la pitié avait peu de place, le Chevalier semblait, auparavant, incapable de prendre une décision avec le coeur. Il aurait dénoncé jusqu'au voleur de pommes. Or c'était un peu son ex, mais surtout Karm qui lui avait enseigné à "interpréter" justement.

- J'ai rarement vu quelqu'un entretenir une relation aussi passionnée avec la Force sans sombrer, tout en sachant la respecter, sans exiger davantage de pouvoir. Je t'ai vu communiquer avec Rakki et non le condamner comme je le faisais directement. Il me semble qu'une "roche" immobile, ancrée dans ses principes, n'aurait pas cherché à aller vers lui. Tu es tout sauf un insensible.


Se rappelant de l'endroit où il avait abandonné son arme, Luke l'appela à lui pour le poser dans la main de Karm. Il referma ses doigts dessus.

- Quand j'ai récupéré mon sabre, j'ai senti toutes le zeste de l'énergie que tu y as laissé, lors de batailles qu'il a vécu à tes côtés, ou quand tu l'avais à ta ceinture. Cette énergie était matinée de beaucoup de sentiments. Désolé de te décevoir, mais même si tu maîtrises- trop- bien tes sentiments parfois, tu es loin d'en être débarrassé, au contraire débordant d'émotions.

Un sourire se plaqua sur ses lèvres bien qu'il s'appauvrit assez rapidement et que les jambes de Luke fléchirent, le faisant tomber dans les bras de Karm.

- On rentre?


Demanda-t-il d'une voix rendue rauque par la fatigue mais aussi le soulagement mêlée à la fierté vis-à-vis de Karm.

- Tu as vu tant de choses sombres comme tu le dis... Qu'il te reste, surtout, les belles à voir. Alors, ça te dis de rentrer pour me les décrire?

Oui. Ça ressemblait à un holofilm fleur bleue, plein de bons sentiments saupoudré d'un brin de mysticisme, mais tant pis.
Karm Torr
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— C23, qu’est-ce que ça donne ?
— Les particules sont en train de s’agréger dans le cerveau, répondit le droïde après avoir soigneusement scanné le patient.
— On risque le blocage sanguin.

Les deux Guérisseuses échangèrent un regard préoccupé. La présence de Karm dans la Force revenait petit à petit à la normale, mais les signaux vitaux de l’Ark-Ni n’étaient pas aussi encourageants, loin de là.

Dans l’esprit du jeune Chevalier, le dojo du Temple s’effaçait petit à petit pour ne laisser la place qu’à des impressions confuses. Ses pensées cessaient de se figurer par la métaphore de l’image et ses souvenirs s’étaient déliés. Il avait saisi la main de Luke, pour l’écouter attentivement, se raccrochant progressivement à cette présence qu’il percevait enfin comme différente de la sienne. Luke n’était pas un produit de son imagination, un fantôme enfanté par sa mémoire, mais quelqu’un d’autre.

— Luke…, murmura Karm, avec une sorte d’incrédulité. Qu’est-ce qui…

Mais brusquement, l’esprit de Luke fut tiré loin de lui, pour le réintégrer dans son propre corps. Dans la chambre de l’infirmerie, le droïde et les deux Guérisseuses s’affairaient autour de Karm. L’une d’entre elles parvint à trouver le temps d’expliquer :

— On doit intervenir sur son cerveau.

Une perspective qui n’avait rien de rassurant. Karm avait été enfermé dans une bulle de Force par l’une des deux femmes, tandis que le droïde injectait une solution à travers son nerf optique. Le corps de l’Ark-Ni se mit à convulser. Tout à coup, son rythme cardiaque se remit à augmenter, la chaleur revenait dans ses membres, mais une douleur inconsciente accompagnait ce réveil qu’il était difficile d’interpréter comme un signe salutaire.

— C23 ?
— Le caillot commence à perdre de son intégrité.
— Il faut qu’on extraie les particules, sinon, on va juste tourner en rond.
— Ramène-les dans le sang.

En se concentrant sur la microtélékinésie biologique, une technique de Force que seul un long entraînement au sein du corps médical des Jedis pouvait permettre d’espérer maîtriser, la Rodienne, les yeux fermés, se mit à manier les cristaux qui parasitaient le système de l’Ark-Ni. L’exercice était d’autant plus difficile que les convulsions allaient croissant. Les sangles automatiques du lit avaient beau maintenir fermement le patient contre le matelas, ses soubresauts compliquaient l’opération.

— Calme-le, murmura la Rodienne à sa collègue.
— Avec un sédatif, il risque de retomber dans le coma.
— Je les ai. C23, laser.

Les cristaux s’accumulaient à nouveau les uns contre les autres, mais cette fois-ci dans le cou de Karm. Le laser chirurgical du droïde fit une incision et la Jedi put extraire le petit caillou ainsi fermé, pour l’enfermer dans un bocal hermétique presque aussitôt. La plaie fut instantanément cautérisée par la chaleur du laser et les convulsions de Karm cessèrent aussitôt.

D’ailleurs, l’Ark-Ni se réveilla brusquement, en poussant un cri de douleur. Aussitôt l’humaine posa une main sur son front et entreprit de le calmer à travers la Force. Plusieurs secondes pénibles s’écoulèrent, avant que Karm ne parvienne à reprendre le contrôle de son corps et de ses esprits. Il se laissa enfin retomber contre le matelas, les muscles tout endoloris, les pensées confuses, mais bel et bien vivant.

Ce qu’il prouva par un juron en ark-ni.

— Où êtes-vous, demanda le droïde, qui avait enclenché son protocole diagnostique ?
— Luke.
— Où êtes-vous ?
— Dans l’infirmerie, maugréa Karm d’une voix rauque. C’est bon, je suis pas fou.
— Quel jour sommes-nous ?
— Le jour où je te reprogramme en broyeur à ordures si tu continues, mec.
— C’est bon, C23, ça va aller. Viens, on va aller voir Haiku, maintenant qu’on a la méthode.

La Rodienne accompagna le droïde hors de la pièce, alors que, libéré de ses sangles, Karm pouvait s’asseoir dans le lit plus confortablement. Il était en sueur et épuisé, mais sain et sauf.

— Vous vous souvenez de ce qui s’est passé ?
— Confusément, reconnut le jeune homme, les yeux fixés sur Luke. Me souviens qu’il est venu me sauver. Qu’est-ce que je ferais sans toi…
— Quand vous avez découpé la roche, plus tôt, avec Haiku, dans l’atelier de l’ExploCorps, des particules sont rentrées en vous par vos voies respiratoires et ont apparemment provoqué une transe de Force incontrôlable. Vous étiez tout proche de la stase mais Luke vous a rejoint de vos visions pour vous aider à en tirer, après quoi les particules se sont agglomérées et on a dû les extraire.
Luke Kayan
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Plus que de la douleur, Luke ressentit la pression de bras invisibles mais puissants qui enserraient sa taille, l'extirpant de l'esprit de Karm, au moment même où il avait commencé à lui répondre "Ne t'en fa...". Presque projeté sur sa chaise, le jeune homme s'effondra immédiatement, uniquement maintenu par la structure de l'objet. Une infirmière le rejoint, non sans quelques secondes de retard, tant l'équipe était affairée autour de son ami en danger. Le Hapien évanoui fut au moins épargné d'inquiétudes le concernant. La femme repoussa doucement sa tête en arrière et pris son pouls avant d'ouvrir des yeux un peu ébahis. Dans d'autres circonstances ils se seraient habillés d'une lueur amusée pour l'occasion.

- Il va bien. Il s'est juste... Endormi.

Et la raison était aussi simple que logique: épuisé, le jeune homme s'était coulé dans un sommeil réparateur soudain et profond, similaire à celui d'une personne qui n'avait pas fermé l’œil depuis deux, trois nuits et dont le corps se rebellait, imposant ce temps de repos. Le lien des deux garçons avait permis cet exploit, mais il n'en restait pas moins que visiter un cerveau était une activité gourmande en énergie. Vidé, à l'instar d'il y a 15 ans après avoir participé aux soins d'Elena Caldin, Luke récupérait. Après s'être assuré que cette "mise en veille" était sans danger, si déroutante soit-elle, la femme retourna auprès de l'équipe qui opérait Karm.

La tension baissa d'un cran chez les blouses blanches lorsque les courbes de ce dernier s'équilibrèrent et que les machines connectées à son corps cessèrent de bipper comme des folles. L'Ark-Ni se réveilla, répondit avec plus ou moins de douceurs aux questions d'un imperturbable droïde. Rodée à l'exercice, l'infirmière humaine, une trentenaire au visage sévère adouci par de grands yeux baignés d'un éclat compréhensif pris un calepin. À toute vitesse, elle commença à noter ce qu'elle avait observé depuis le début du processus, croisant ses données avec les observations du médecin dont les cerveaux fonctionnaient à plein régime.

- Le patient étant stabilisé mais sortant d'une opération lourde du cerveau, une période de repos dans un lieu sécurisé est préconisé.- Récita-t-elle placidement entre deux prises de notes.- -C23, organise la mise en observation du Chevalier Karm Torr, mais comment l'évacue-t-on, lui?

Une pointe de scepticisme égayant ses propos, l'infirmière avait alternativement dirigé ses prunelles vers le médecin et le corps relâché du Hapien.

- Non, faites apporter un lit pliant.

- Mais le patient doit se reposer
- Nous avons tous vu l'effet bénéfique de sa présence sur le Chevalier Torr et je suis sûr que c'est réciproque. De plus, je ne pense pas que dans son état, le Chevalier Kayan abuse de la conversation.

Légèrement troublées mais d'accord, les infirmières se rendirent dans la réserve pour amener ce fameux lit. Le médecin en personne se chargea de porter Luke pour l'y déposer avant de quitter la salle, accompagné des assistantes et de C23 d'un pas rapide afin de retrouver Haiku et l'aider à son tour.
"...Sans toi."

Le jeune homme entrouvrit légèrement les paupières, le regard troublé par une fatigue intense contre laquelle il luttait vaillamment, légèrement aidé par les vitamines qui venaient de lui être administrées de façon préventive.

- K... ? Tu es... là?


Le blond essaya de secouer la tête pour dégager les réalités mêlées qui dansaient dans son esprit qui n'avait pas encore tout à fait retrouver sa place. La vérité finit toutefois par s’immiscer dans ses neurones: Karm était de retour. Il y était parvenu et surtout, avait choisi de le faire, de continuer cette vie à ses côtés, aux côtés de ses confrères de l'Ordre. La joie éclaira quoique difficilement son visage groggy. Cette situation de lassitude énorme, le Jedi se rappelait l'avoir ressenti après avoir participé à la guérison d'Ellena mais surtout lorsque ses bulles de Force lumineuses explosaient, système de défense incontrôlé et singulier incompris des Maîtres dont Saï. Ceux qui s'étaient intéressés à cette expression "pure" avaient choisi de conclure que chaque enfant de la Force ayant son empreinte -Luke aveugle et très sensible était un expert dans l'art de reconnaître les gens qui l'avaient marqué à l'aura.-, ils avaient aussi leurs spécificités. Certains lançaient des ondes particulièrement puissantes alors que d'autres brillaient dans la télékinésie. Pourquoi pas cette dérive de vague de Force?

Sans saisir le phénomène ni chercher à le faire donc, Luke savait au moins ce qui plongeait son corps dans cette sensation désagréable si on luttait contre, absolument délicieuse si on se laissait glisser petit à petit dans le sommeil. Tout à son bonheur de contempler son ami, plein de questions, le jeune homme avait choisi de retarder le repos. Il tourna instinctivement la tête vers ce point lumineux, si lointain à peine un quart d'heure auparavant. Force et secondes s'écoulèrent jusqu'à ce que le Hapien réunisse l'énergie suffisante pour parler. Il aurait voulu envoyer quelques étincelles à son compagnon qu'il imaginait épuisé après ces péripéties sans y parvenir. Au moins, la présence de ce dernier l'apaisait, preuve s'il en fallait encore une que la tendresse qui berçait la pièce était positive.

- Rebienvenue.

Un sourire réussit à se frayer un chemin sur ses lèvres un peu sèches. Une mèche blonde chatouillait son nez, mais impossible de lever son bras pour la rejeter. Au moins était-il désormais lucide et légèrement moins fatigué, cette inversion de processus ne s'était jamais produite lorsqu'il plongeait dans sa torpeur réparatrice- ce qui avait du arriver 2 voir 3 fois en tout, heureusement.-, souvent pendant une journée entière. Luke était motivé aussi bien par le bonheur de voir son chéri que la crainte de le perdre à nouveau. Il n'était heureusement pas conscient que ce dernier avait du être opéré du cerveau pour extraire les cristaux, sans quoi il aurait essayé de se lever, de donner plein de conseils à Karm, en un mot de le couver.

Rituel qui se reproduisait à chaque fois que ce dernier avait un problème, le Hapien demeura silencieux. Une seule onde, plus faible que d'habitude mais toute aussi attentive et douce. Une invitation: "si tu veux parler, fait-le. Si tu en as besoin, sinon j'attendrai."
Karm Torr
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— Salut, murmura Karm, d’une voix plus rauque que de coutume, quand son compagnon émergea de son sommeil.

Le calme était revenu dans la petite chambre soudain dépeuplée, alors que toute l’équipe médicale s’était pressée au chevet de Haiku, un cas plus difficile, puisqu’il n’y avait pas de Jedi privilégié pour venir s’immiscer dans ses pensées et le tirer de ses propres angoisses.

— Mais rendors toi. T’as l’air lessivé.

Lui-même ne respirait pas la forme, d’ailleurs. La suractivité de son cerveau l’avait vidé de son énergie et la perfusion à son bras s’occupait encore de combler le manque.

— De toute façon, il paraît que j’ai pas l’droit de partir.

Alors autant se laisser aller contre les oreillers. Avant de s’endormir, cependant, Karm murmura encore :

— Luke ? Merci…

Son esprit encore embrumé ne tarda pas à laisser dissoudre ses pensées et, cette fois-ci, à la place d’un étrange coma, ce fut un sommeil bien naturel qui le cueillit. Les heures passèrent alors que les deux Jedis se reposaient. À force d’efforts, l’équipe des guérisseurs était parvenue à stabiliser l’état de Haiku, puis à extraire les cristaux accumulés dans son cerveau. Le Padawan avait émergé à son tour, mais singulièrement plus confus que Karm. Heureusement, sa vie ne lui avait pas encore imposé des traumatismes aussi graves que ceux qui hantaient les souvenirs de l’Ark-Ni, et personne ne doutait qu’il sortirait relativement indemne de sa curieuse transe de Force.

— J’peux aller prendre ma douche, maintenant, demandait Karm, cinq ou six heures plus tard, après s’être réveillé pour répondre à une batterie de questions de l’une des Guérisseuses ? Tout seul. J’ai déjà été assez observé comme ça.
— Vous n’êtes vraiment pas un patient facile, remarqua la Jedi, avec une résignation philosophique, probablement habituée aux cas de ce genre.

Karm se composa son sourire le plus innocent. Sa consœur rempocha le datapad, avant de jeter un regard vers Luke.

— Il va bientôt se réveiller, commenta Karm en glissant hors du lit.
— Comment vous savez ça ?

Le jeune homme haussa les épaules.

— Je sais, c’est tout.
— Hmm.

La Jedi observait pensivement le corps de Luke endormi.

— Vous avez de la chance.

Karm se contenta d’un hochement de tête, sans être certain de ce à quoi la Guérisseuse faisait référence précisément. En tout cas, il était bien d’accord sur sa chance. Quand Luke rouvrit enfin les yeux, l’Ark-Ni était propre comme un sous-neuf, vêtu, pour une fois — et c’était si rare — d’une robe jedi, l’un des exemplaires que l’infirmerie du Temple réservait aux patients. Ses vêtements avaient été réquisitionnés et on y récoltait soigneusement les moindres particules de roche qui avaient pu s’y accrocher.

Assis sur le bord de son lit, Karm adressa un sourire à Luke, quand celui-ci se réveilla, un sourire que son ami put percevoir à travers la Force.

— J’dirais bien que t’as fait la grasse matinée, mais comme c’est le soir et que la nuit est tombée…

Il se pencha pour prendre le verre d’eau sur le chevet qui séparait les deux lits et le tendre à son ami.

— Paraît que j’dois encore rester en observation toute la nuit, mais j’ai le droit de me promener dans l’infirmerie et sur la galerie extérieure. C’est beau la liberté.

Il ironisait, mais, au fond, les précautions des Guérisseurs lui paraissaient bien compréhensibles.

Après un moment de silence, il finit par murmurer :

— J’suis désolé. Que tu aies dû…

Haussement d’épaules.

— … assister à tout ça. Et m’assister, surtout, dans tout ça. J’avais pas envie de t’exposer à… Je sais pas. Des moments difficiles.

Pas envie non plus de montrer ce que son esprit pouvait abriter de souffrance et de découragement. L’idée d’être pour Luke un homme fort, même si elle était futile et si elle procédait, sans aucun doute, d’une virilité mal placée — ironique, pour un Ark-Ni —, s’était peu à peu imposée à Karm, et la perspective d’avoir été surpris par son ami dans un moment de si grande faiblesse n’avait rien de réjouissante.

— J’suis pas très bien sûr de me souvenir de tout ce que tu as pu voir. ‘Fin. Je me souviens de la partie avec Tavaï. Le reste est beaucoup plus flou…

Et depuis qu’il était réveillé, il se torturait l’esprit, à la recherche des secrets compromettants que Luke avait pu y découvrir. Mais avait-il seulement des secrets compromettants ? Des parts de lui qu’il préférait que son ami ne découvre pas ? Il ne le croyait pas, mais comment être sûr de ce qui dormait au fond de son inconscient ?
Luke Kayan
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- Hummm. Oui, juste se reposer un peu.

L'humour de son ami l'avait rassuré: il allait mieux, en plus de ne pas quitter l'endroit. Sans pouvoir réagir autrement qu'avec un sourire léger, Luke referma ou plutôt laissa tomber ses paupières qu'il avait terriblement lourdes. Presque aussitôt, son esprit divagua dans un monde de rêves qui ne lui appartenait pas tout à fait. Sa propre mère avait soudain les traits de Tavaï, de la même manière que cette dernière offrait son sabre-laser à Maria pour mieux frapper son fils. La lame passa devant son regard terrorisé de gosse et vinrent les cris de douleur puis le noir, celui profond, inéluctable que le Hapien contemplait depuis lors. Son sommeil, par chance et sans doute grâce à la présence de Karm, s'allégea ensuite. Bercé par des bras peut-être pas physiquement puissants mais ô combien protecteurs, les muscles d'un Hapien adolescent se relâchèrent. Le manche de sabre-laser, objet de ses tourments, avait roulé au sol avant de disparaître, lui procurant un soulagement mêlé à une certaine joie mitigée. Demain il faudrait à nouveau s'entraîner, risquer de décevoir son cher Saï Don, mais ce ne serait que demain. Pour l'instant il y avait cet homme dont il n'avait jamais vu les traits tout en connaissant leur disposition, leur épaisseur exacte qui le rassurait. C'était comme si Karm avait le don de voyager dans le temps, apparaître à des moments de sa vie où ils ne s'étaient pas encore cotôyé, mais n'était-ce pas le pouvoir des rêves? L'inconscient vagabond faisait ce que bon lui semblait, du moins selon certaines hypothèses, car d'autres théories suggéraient que lui aussi était soumis à quelque chose apte à le faire plier, lui chuchoter les images, les sons à divulguer.

Encore une fois ceci dit, peu importe. Les pupilles du bond s'agitaient déjà sous ses paupières, signe d'un sommeil trop léger pour durer. La présence de Karm l'aida à émerger, il se souvint d'un merci prononcé avant que lui-même ne s'engouffre dans le monde des songes. Luke se rappela des diverses scènes précédents, heureux de constater que ce second réveil, s'il le laissait encore un peu abasourdi et confus, n'était pas accompagné de l'irrépressible fatigue. Il ne partirait pas en mission tout de suite, ni même demain sans doute, mais c'était déjà mieux. Beaucoup mieux. Avec précautions, le Jedi se saisit du verre d'eau, non s'en s'être assis pour éviter tout renversement. Karm avait exactement su comment le lui remettre, détail inconscient qui prouvait une fois de plus, si c'était nécessaire, leur lien. Tout le monde ne savait pas donner un verre d'eau à un aveugle, les toges trempées, malmenées de Luke en étaient témoins. L'Ark-Ni s'annonçait, plaçait l'objet de telle façon que le Hapien le récupérait avec un naturel détaché. Avec le Chevalier Turquoise, tout était plus simple. Et plus compliqué. Beaucoup plus compliqué.

- Je suis bien content que tu aies l'ordre de ne pas outrepasser la limite de la galerie. Je te connais. Si c'était toi, tu foncerais torse n... Attends? Est-ce que tu portes vraiment une tunique Jedi?- - En récupérant le verre, Luke avait senti sur sa peau, le tissu épais bien que souple de la tenue spécifique de leur Ordre. C'était assez rare pour être souligné, dûsse-t-il couper sa phrase d'origine. Un sourire moqueur la termina pour lui et il tira sur cette fameuse manche qui traînait. - - J'ai dû toucher à quelque chose quand j'étais dans ton cerveau. Est-ce que par hasard, tu aurais auss... Hum. Non définitivement tu n'as pas changé. - Son ton se radoucit aussitôt.- Ne t'excuse pas pour ce dont tu n'es pas coupable.- Sa spécialité à lui aussi, certes. Tatooine qui se moquait de l'été.-- En ce qui concerne Tavaï précisément, je ne peux pas dire avoir été dépaysé.

Maria quadragénaire aigrie n'avait pas les mêmes capacités qu'une Jedi corrompue pour faire souffrir, elle avait quand même affamé, battu et humilié son fils pendant 7 ans. Karm et Luke avaient reçu une éducation similaire à ceci près que le second avait eu une pause avant que les Siths ne reprennent le flambeau quelques mois pendant son adolescence.

- Au moins les images m'ont été épargnées. - Tentative d'humour ratée. Sa voix avait tremblée. Peu, mais pour qui le connaissait c'était perceptible. Vue ou pas, il avait été choqué du traitement subi par Karm.- - Est-ce que tous les Gardiens vivent pareils mésaventures cours de leurs missions? Je sais que les Ombres... Mais les Gardiens?

Évidemment, cette branche incluait de nombreuses aventures périlleuses, mais le Hapien n'imaginait pas jusque lors qu'ils étaient confrontés à autant de torture. Ekkt à la rigueur plongeait -et nageait merveilleusement bien- dans ce monde de noirceur, duplicité, souffrance, mais Karm? Ou encore Lyrae, en apparence si fragile. Si chacun avait sa place au sein de l'Ordre, Luke se sentit tout à coup mal d'avoir défendu avec tant d'ardeur le rôle des Consulaires face à d'obtus guerriers, ce qui se baladait dans le cerveau de son aîné ridiculisant clairement leur utilité.

Ceci dit, certaines circonstances avaient mené Luke à disposer de monceaux de souvenirs semblables, douloureux et pugnaces qui hantaient parfois ses rêves aux images tantôt absentes, tantôt froissées. Il fallait se faire une raison, ils avaient choisi cette voie.

- Ce qui m'inquiète surtout, c'est que tu parviennes à surmonter ça. Le peu que j'ai entrevu m'a paru particulièrement sombre, même pour un aveugle plongé au coeur de la nuit depuis de longues années. Je crois que tu ne devrais pas éviter ces sentiments, ces souvenirs inconscients pour mieux les guérir, les accepter, qu'ils deviennent cicatrices au lieu de rester des plaies promptes à s'infecter.

Le chevalier réfléchit un instant, celui dont il avait besoin pour trouver la main de Karm. Quoiqu'un peu impersonnelle avec ses murs blancs et vides, des machines empilées dans un coin, ses discrets placards aussi immaculés que les parois, la chambre leur appartenait, s'imprégnant de leur aura, écran de fumée chaud, doux, accueillant. La Force ne quittait jamais les mots du Jedi, même encore un peu fatigué, chamboulé par l'expérience.

- Le véritable courage est de faire face à ses faiblesses, de les accepter pour mieux les soigner.

Suggéra-t-il avec cette proverbiale patience qui était sienne. Toutefois, il était quelque part conscient que son message pouvait sembler contradictoire surtout que l'Ordre ne favorisait guère l'étalage de sentiments, ni leur culture. Pour autant, il conseillait aussi de ne pas garder ses peines, de s'ouvrir, collaborer avec ses pairs. Un point obscur, flou que le Chevalier n'avait jamais osé relever face aux Maîtres, élève docile, presque parfait. Aujourd'hui, nulle théorie, nul cours ceci dit. Il s'agissait de Karm, or ce dernier souffrait et Luke le connaissait assez bien pour savoir que se confier lui ferait du bien. De même, s'il ne voyait pas la "transformation" de son ami en "mâle dominant", beaucoup trop impliqué pour se faire, Luke pressentait ce besoin d'occulter peine et douleur, peut-être pour l'épargner, peut-être pour sembler fort. La majorité des Jedis le faisaient bien que les raisons soient confuses: humilité pure, peur de déranger des collègues guère épargnés eux aussi, ou arrogance, prétention d'être supérieur à autrui? L'éducation Jedi laissait des marques que Luke était incapable d'identifier, frôlant à peine du bout de l'esprit, des problèmes que pourraient avoir son aîné. Et dans sa tête s'infiltraient, chuchotantes et sournoises, des interrogations sur son équilibre, tandis que sa mémoire lui martelaient des souvenirs ponctuels dans lesquels son ami changeait d'humeur, enthousiaste puis abattu.

Le comlink de Luke vrombir, puis une voix mécanique et monotone cassa le silence, Haïku allait bien. Soulagé le Jedi esquissa un sourit, prenant la nouvelle comme un bon signe. Tout pouvait s'arranger.
Karm Torr
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— Toutes mes autres fringues sont sous scellées, se défendit l’Ark-Ni, quand Luke souligna qu’il portait l’une des robes de bure typiques de l’Ordre Jedi.

C’était une concession qu’il ne faisait aux traditions vestimentaires de l’Ordre que lorsque le protocole l’exigeait absolument, quand on l’envoyait garder des sommets internationaux ou quand une cérémonie se déroulait au Temple, qui impliquait la présence de tous les Jedis. En dehors de ces circonstances particulières, il s’était toujours montré sceptique, sur le plan symbolique autant que pratique, quant aux vertus supposées de cet uniforme qui, à ses yeux, avait perdu depuis longtemps la signification qu’on prétendait lui prêter.

— Apparemment, on scanne soigneusement toutes mes affaires, et puis l’atelier de l’ExploCorps, pour s’assurer qu’aucune particule résiduelle ne puisse provoquer une rechute. Ensuite, j’imagine que la roche elle-même sera testée. Y a quelques applications potentielles à tout ça.

Bien sûr, la première exposition de deux Jedis à cet étrange matériau avait été pour le moins dramatique, mais les Chercheurs de l’Ordre ne s’y trompaient pas : la recherche avait aussi stimulé considérablement la présence de Haiku et Karm au sein de la Force et elle avait aussi favorisé une transe spirituelle hors du commun. Bien comprise et bien maîtrisée, ne pouvait-elle pas servir, par exemple, aux Voyants Jedis ?

— On verra bien.

Karm était comme à son habitude réservé quant à l’utilisation d’adjuvants pour favoriser la connexion à la Force. C’était une pratique bien documentée dans l’histoire de l’Ordre, et dans celles d’autres civilisations sensibles à la Force. Les encens, les pierres qui entraient en résonance, les musiques méditatives avaient eu leur rôle à jouer dans le développement des pratiques. Et l’invitation des jeunes Jedis à méditer sur les cristaux qui trouveraient ensuite leur place au cœur de leur sabre laser ne relevait-il pas du même principe ? Mais pour l’Ark-Ni, la frontière était toujours floue entre un viatique utile et la drogue pure et simple.

— ‘Fin bref. Du coup, en attendant, j’suis condamné à la robe de bure. C’est clair que ça ruine mon style, mais bon.

Le jeune homme décocha son sourire le plus ravageur à son compagnon, mais le sourire disparut quand la discussion prit un tour plus sérieux. Karm descendit de son lit pour s’approcher de la fenêtre et contempler le vaste parc qui, au-delà, entourait le Temple, et puis la jungle. C’était un spectacle familier et apaisant.

— Tous les Gardiens se font pas… Torturer, non.

Il avait cherché un mot plus doux, mais y avait-il des mots plus doux pour ce genre de choses ? En tout cas, la voix du Jedi restait calme.

— Mais j’ai mes spécialités, quoi. Les milieux hostiles, l’infiltration et l’extraction. On m’envoie de temps en temps récupérer des gens qui sont prisonniers dans des endroits peu accessibles, ou faire de la reconnaissance loin derrière les zones ennemies. Cartographier des installations que des gens cherchent à planquer au milieu des jungles, dans les montagnes, ce genre de trucs. Y a pas que des planètes désertes à explorer, quoi.

Et ce rôle d’éclaireur militaire, tous les membres de l’ExploCorps n’étaient pas formés pour le remplir, loin de là. Karm combinait deux séries de talents bien différents, ceux d’un combattant chevronné et ceux d’un explorateur, et s’il n’était pas seul dans son cas, les Jedis qui avaient son profil n’étaient pas légions non plus.

— Parfois, une infiltration se passe mal et on est capturés. C’est…

Il haussa les épaules.

— Les risques du métier, disons.

Bien conscient que le tableau qu’il brossait de son existence était soudainement beaucoup moins idyllique que la vie d’un explorateur d’étendues sauvages, à cheval entre la science et le rêve, qu’il offrait d’ordinaire à Luke, il se détacha de la fenêtre pour venir s’asseoir sur le lit de son compagnon, au bord du matelas, et le rassurer de sa présence.

— Heureusement, j’me débrouille pas trop mal en évasion.

Après un coup d’oeil pour s’assurer que les vitres de la chambre qui donnaient sur le reste de l’infirmerie étaient bien obscurcies, Karm posa la main sur celle de Luke, pour la caresser du pouce.

— J’te parle pas de ces missions-là, c’est vrai, parce que… C’est pas si fréquent non plus, puis je me fais pas capturer à chaque fois, hein, encore heureux. Et c’est pas spécialement joyeux. J’fais la guerre, c’est ma spécialité, j’pense que le reste, bon, c’est des détails malsains, quoi.

Après un instant de réflexion, il concéda néanmoins :

— Mais c’est vrai qu’il faudrait peut-être que j’en parle. Je crois que je suis… Objectivement beaucoup moins affecté par ce genre de choses que quelqu’un de… de… Normal. Mais j’suis pas un psychopathe, ‘fin, j’espère, ou un rocher, ça me laisse pas indifférent. Je devrais prendre plus soin de ma santé mentale. Ou quelque chose comme ça.

Et il y avait bien des Guérisseurs spécialisés dans le domaine, qui aidaient les autres Jedis à surmonter les traumatismes de certaines missions.

— Pour être honnête, c’est pas vraiment mes faiblesses qui m’inquiètent. C’est plutôt ma manière de… Surmonter ça. Y a des missions affreuses, j’en reviens, je sais que ça devrait me traumatiser et pourtant, ça va. J’dis pas que je suis rayonnant à chaque fois et tout, mais je suis pas roulé en boule dans un coin. Et je sais pas si c’est de la résistance ou juste un manque de sensibilité préoccupant. Enfin bref… On a déjà eu cette conversation.

Mais, hélas, les progrès psychologiques n’étaient pas aussi faciles à quantifier que les progrès au sabre laser.
Luke Kayan
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- Humm.

À l'instar de son aîné, Luke prêchait la prudence par rapport à tout artefact -naturel ou non- qui permettait une augmentation du lien. La sensation de manque lors de la "descente" impliquait une souffrance que chacun essayait d'éviter par instinct. Autrement dit, cette roche avait les mêmes effets que le marteau, une drogue qui offrait à des Sensibles très légers une amélioration significative quoi qu’éphémère de leurs dons. Loin d'être expert en la matière, le Jedi ignorait si des Non-Sensibles, en stimulant le peu de Midichloriens dormant en eux pouvaient atteindre un certain niveau de connexion, en revanche, il avait suffisamment côtoyé les bas-fonds pour admirer les ravages de cette substance. À moindre degré que Cally certes, mais suivant un schéma semblable, les pauvres hères jusque là à peine liés à la Force ressentaient une absence horrible qui les poussaient à reprendre de la drogue. Et le Marteau était réputé pour rapidement rendre accro. Cette "application potentielle" de la roche, en plus d'être dangereux à ce stade de découverte était un euphémisme pour autoriser une drogue.

Ainsi, le jeune homme favorisait clairement l'utilisation de ses capacités naturelles, leur amélioration via des techniques de méditation, de longs entraînements et l'étude sans jamais chercher à ajouter un quelconque artifice. De fait, outre l'appui d'un proche -le maître personnel ou... Un ami.- il déconseillait également l'intervention prolongée d'un tiers, soit la poussée mentale de camarades ou d'aînés meilleurs que soi pour guider. Puriste sur ce point, le Consulaire pensait que le lien devait se forger selon le rythme de chacun, avec pour seul vis-à-vis la Force elle-même. Lorsqu'il aidait des Padawans, Luke soutenait leur aura pour atteindre l'état de transe mais il se retirait vite afin que ledit élève se retrouve, isolé, avec ses propres circonstances et capacités. Mieux valait ne jamais être exposé à la tentation, savoir ce qu'il aurait pu en être avec "plus de...". D'aucuns diraient- et le disaient peut-être effectivement.- que c'était un discours très facile à tenir de la part d'une personne si liée à la Force comme lui, mais Luke se trouvait lui-même des limites gênantes dans la recherche de la transe parfaite, sans chercher à les outrepasser. La Force avait ses mystères qu'il fallait respecter, pareillement pour la Sensibilité qu'elle avait choisi d'offrir à chacun.

Mais pour en revenir à leur principale conversation -dont les souvenirs accouraient en désordre, se mêlant aux paroles d'un Karm, cette fois bien conscient.- résilience ou insensibilité, Luke ne pouvait qu'être d'accord: son ami devait absolument s'y intéresser. Soulagé que ce dernier en prenne conscience, Luke fit attention à ne pas se départir de sa douceur tandis qu'il cherchait à entraîner son ami dans cette pente salvatrice. Sans aller jusqu'à croire que ce dernier puisse effectivement souffrir d'un trouble psychiatrique génétique, il commençait à se demander si les traumatismes accumulés n'étaient pas en train d'affecter son cerveau.

- Je penche pour la résilience. Tu as des sentiments, aussi profonds et spontanés que n'importe qui, mais ils sont refoulés. Le fait que ces scènes existent dans ton inconscient, de manière très claire d'ailleurs, détaillées, implique que tu n'as rien oublié, rien effacé, que ça t'importe. Seulement, pour te protéger, je pense que ton cerveau choisit de minimiser ce qui s'est passé au moment même où tu reviens de ces missions. Dès lors que tu rentres, y compris au moment de ton évasion, il se concentre sur autre chose: t'en sortir naturellement, puis le futur. C'est une sorte de fuite, laquelle s'éloigne de la technique de l'Insensible qui n'aurait simplement gardé au mieux que des souvenirs flous. Si je me souviens de mes cours de psychologies -reçus partiellement lorsqu'il avait commencé l'infiltration, histoire de comprendre un minimum ce qui se tramait dans la tête de victimes aussi bien que de coupables souvent aux prises avec un passé douloureux.- certains esprits maquillent une scène affreuse. Un viol devient un attouchement, un coup de poing une gifle. Bref, il existe beaucoup plus de refoulés que d'Insensibles, psychopathes-nés ainsi donc- ou sociopathes - crées par leurs circonstances et la société.- d'ailleurs souvent incapables de ressentir quoique ce soit. Si cela peut te rassurer, si tu étais atteint d'une de ces deux pathologies, tu ne sentirais rien ou pas grand chose y compris de positif. Par exemple lorsque... Bon tu saisis.

Une rougeur légère habilla les joues de Luke. Il savait que les psychopathes et sociopathes, en plus de n'avoir que peu de notions de bien et de mal, cherchaient à blesser voir tuer parce que c'était la seule manière pour eux de ressentir un brin de joie, souvent malsaine. C'était leur drogue qui les aidaient à surmonter le déficit d'émotions, leur Marteau ou leur Roche pour avoir une vague idée éphémère de ce qu'était l'adrénaline, le plaisir voir la douleur.

- Mes connaissances s'arrêtent là, de ce fait, je pense que tu devrais effectivement recourir à un professionnel comme un guérisseur. Juste pour s'assurer de... Et humpf... Je sais que peu de Jedis ont ta spécialité, enfin je m'en doute, mais n'as-tu jamais pensé à arrêter ce type de missions? Je ne veux pas t'alarmer, mais tu souffrais tellement dans ton inconscient, tu ne voulais même pas revenir ici, disant que la vie était trop douloureuse... J'ai peur que sur le long terme, tout ceci te retombe dessus, t'affecte jusqu'à atteindre le point de non retour, lorsque tes émotions refoulées imploseront. Je ne dis pas que c'est forcément ce qui t'attends, ceci dit, je t'ai senti au bout du rouleau.

"Ce n'est pas un mal aurait-il voulu ajouter, et ne serait pas une raison pour te quitter ou cesser de t'admirer"... Mais les mots restèrent bloqués dans sa gorge. Il chercha comment se référer à la blague précédente de Karm, revenir sur son style à peine endommagé par le port de la tenue traditionnelle Jedi... Sans trouver. Alors le blond se contenta de saisir la main qui, jusque là, caressait la sienne pour refermer ses doigts- Il avait automatiquement pensé au fait qu'on puisse les voir, mais avait choisi de risquer son secret pour le bien-être de l'Explorateur.-. La chaleur naturelle qui naissait de leurs paumes entrelacées augmenta légèrement. Une source de Force s'y installa, prenant vie au creux de leurs lignes puis s'étendant autour de leurs poignets pour se faufiler dans le peu d'espace que leurs bras proches daignaient laisser.

- Et puis, tu as beau maîtriser le don de l'évasion, je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter pour toi. D'accord, c'est notre vocation, on y est tous deux attachés, tu sais très bien ce que je pense de notre devoir d'ailleurs... Il passe avant tout -sensément. Était-ce bien le cas à présent? Luke ne voulait pas se risquer à fouiller son propre inconscient à ce propos.- mais ça ne servirait à rien d'achever de te briser. Tu as déjà trop souffert. Tu mérites de connaître autre chose.

Luke ne parlait évidemment pas de mettre un jeune Jedi prometteur de 28 ans à la retraite, ceci dit, il estimait que son ami pourrait se diriger vers une voie de guerrier plus traditionnelle. S'il y avait peu de Jedis spécialisés dans ces domaines obscurs, cités auparavant, il y en avait quand même, et Karm traînait toute l'époque Tavaï en prime. Plus de 20 ans de tortures, de souffrances en tout genre, s'il n'était pas aussi entraîné à la résilience, le Chevalier Turquoise serait certainement devenu fou. C'était du moins l'opinion du Hapien qui commençait à peine à saisir l'étendue des dégâts d'une bien triste vie sur les neurones droguées à l'adrénaline de l'Explorateur.

- Objectivement tout ça, ça fait beaucoup pour une personne.

Y compris un Maître. À n'en pas douter.
Karm Torr
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— C’est vrai que je ressens beaucoup de choses, reconnut Karm. Pour toi, évidemment…

La main de Luke dans la sienne suffisait à elle seule à nourrir la tendresse qu’il éprouvait pour l’Hapien — et le désir, bien sûr. Digne d’un adolescent bouillonnant d’hormones, Karm se laissait enthousiasmer par le moindre effleurement.

— Mais pour Thann, pour mes amis ici, et ailleurs, pour les animaux, pour les plantes, pour…

L’Ark-Ni haussa les épaules. La vérité, c’était qu’il débordait d’affection et de tendresse, et que la relative indifférence à l’adversité qu’il affrontait depuis des années était contrastée par un élan généreux vers tout le reste du monde. Comme beaucoup de mystique, il envisageait la vie dans les termes de l’amour et du désir, d’un enthousiasme qui mêlait la sensualité physique à la spiritualité la plus épurée.

— Peut-être que c’est juste ça, oui. Une manière de me protéger. Une sorte de refoulement. Enfin pas juste ça, j’imagine que je suis aussi vraiment résistant, les deux sont pas mutuellement exclusifs. Mais voilà. Je parlerai à un guérisseur. Ce sera…

Rien qu’à s’imaginer s’asseoir devant l’un des psychoguérisseurs du Temple pour lui confier tous ses secrets et toutes ses inquiétudes, l’Ark-Ni se sentait mal à l’aise. Tavaï ne l’avait jamais habitué au genre de conversations très personnelles que beaucoup de Padawans avaient avec leurs maîtres, les mêmes, justement, auxquelles il invitait Thann, bien conscient de l’importance de la confiance qu’elles construisaient dans la maturation d’un jeune esprit. Au fond, il ne s’était jamais vraiment confié qu’à Luke, et souvent avec circonspection.

C’était à peine s’il savait par quel bout s’y prendre.

— … bref.

Il se reprochait en lui-même sa propre réticence. Il aurait conseillé spontanément à n’importe quel Jedi dans sa situation de consulter l’un des guérisseurs spécialisés dans les choses de l’esprit et il n’aurait jamais jugé la chose honteuse. Pourquoi ce double point de vue, alors ? Etait-ce un manque d’humilité de sa part que d’être embarrassé par quelque chose qu’il jugeait parfaitement convenable pour tous les autres ? Ou bien se préoccupait-il trop de sa propre image ?

— Je suis désolé, finit-il par murmurer, après s’être perdu dans ses pensées, alors même que Luke ne lui avait rien reproché. Je me sens pas au…

Il s’interrompit. L’un comme l’autre, ils avaient senti une présence de l’autre côté de la porte et, contrecoeur, Karm lâcha la main de Luke et se releva, alors que la porte s’ouvrait pour laisser apparaître un guérisseur qu’ils n’avaient pas vu jusque là : celles qui les avaient accueillis la veille avaient dû rentrer se reposer.

— Yakel, salua Karm d’un geste de la tête, familier du Twi-Lek qui n’avait que deux ou trois ans de plus que lui et qu’il avait déjà croisé dans quelques missions collectives, sur des planètes en voie de peuplement.
— Karm, Luke, répondit celui-ci.
— Il paraît que Haiku va mieux.
— Le Padawan ? Oui. Il va avoir besoin de beaucoup de repos, expliqua le Guérisseur d’une voix calme, il n’est pas aussi habitué que vous aux expériences aussi intenses au sein de la Force, mais ce n’est qu’une affaire de quelques jours.

Le nouveau-venu s’approcha de Luke et posa une main sur son épaule. Pendant quelques secondes, son regard se voila, alors qu’il sondait l’état de l’Hapien à travers la Force, puis il laissa se propager une impression rassurante.

— Une sacrée prouesse, Luke. Si jamais tu te sens de rédiger un petit rapport sur tes impressions et tes méthodes, même si j’ai bien conscience qu’il y avait beaucoup d’improvisation, ça pourrait être utile pour plus tard. Le cas est atypique, mais on peut être confronté à des situations semblables, à l’avenir. Karm…

D’un geste de la main, le Twi’Lek invita son autre patient à s’asseoir au bord de son lit et Karm s’exécuta sans protester. Yakel se posta devant lui, posa les deux mains sur ses épaules, plongea son regard dans le sien et Karm fit un effort pour se rendre disponible à travers la Force. L’examen immobile dura de longues minutes, pendant lesquelles Karm sentit son corps résonner dans la Force, puis Yakel redressa la tête.

— Tu m’as l’air en pleine forme physique. Naturellement, nous manquons de données physiologiques sur ton espèce, mais tu es en progression constante par rapport à tes propres relevés et je ne doute pas que tu sois pleinement rétabli. En réalité, nous en venons à douter que cette roche soit une substance entièrement nocive. C’est peut-être simplement que nous la comprenons mal. Sans vouloir, bien sûr, minimiser l’épreuve que tu as subie.
— Y a pas de problème. Vous allez faire des expériences avec ?
— Hmm… C’est encore débattu. Je n’y suis pas entièrement favorable, mais d’autres personnes au sein du service ont un avis différent. Nous virons ce qu’en disent les Maîtres.

Il y eut un silence puis Yakel avança plus prudemment :

— Mais certains sont plus intéressés par… Comment dire… Votre expérience de transe commune. Qui, hm… J’imagine repose sur un lien… Enfin, vous voyez, quoi.

Le Twi’Lek, bien embarrassé, essayait de suggérer poliment que certains Guérisseurs ne se faisaient pas d’illusion sur la nature exacte de la relation entre Karm et Luke et qu’ils souhaitaient en investiguer les éventuels bienfaits thérapeutiques.
Luke Kayan
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- Oh ça je le sais. Même les Symbiotes assassins ont ton affection.

S'amusa Luke en se rappelant que Karm avait considéré cette sale bestiole sortie de livres fantastiques comme un être vivant extraordinaire, sans oublier son habitat, dédaigné par le Hapien mais trouvant grâce à ses yeux fluorescents. Et que dire de Rakki qui semblait presque avoir sa sympathie? Autant avouer que le rôle de hippie mystique convenait beaucoup mieux à ce dernier que celui de psychopathe.

- Oui, je crois aussi que tu es très solide, ce fait, en plus de ton besoin inconscient de te protéger auraient calcifié tes sentiments. -Exactement tel un fossile prisonnier de sa roche, vestige d'un passé vivant, preuve qu'un cœur avait battu sous les épaisses couches millénaires. En ce qui concernait le Chevalier Turquoise, Luke comptait sur sa chaleur naturelle pour faire fondre les sédiments qui le condamnaient à cette résilience. Juste ce qu'il faut pour retrouver une certaine spontanéité, cette "peur" qui semblait paradoxalement lui manquer.- Ne te mets pas la pression. Il faut agir, mais ni dans l'urgence, ni dans la précipitation. Petit à petit. Nous avons fait un grand pas avec cette conversation.

Là où ils avaient esquissé le dialogue, prudemment mis un pied en terre inconnue, il semblait qu'aujourd'hui, ils avaient abouti à un passage. Encore obscur, son seuil ne laissait guère deviner son étroitesse ou les obstacles qui le jonchaient, mais ils avaient découvert l'entrée.

- Les guérisseurs ont l'habitude. Tu as beau être un cas difficile.- petit sourire taquin adressé au mur d'en face physiquement, droit dans le cœur de Karm via la Force.- je suis sûr qu'ils ont eu des exemples similaires. Ils sauront te guider.

Luke avait beau posséder la patience, il n'en restait pas moins et surtout, un médecin du corps. Et encore, il en était arrivé là par hasard plus que par vocation. Une autre de ses facettes l'avait d'ailleurs ironiquement mené à mieux saisir le comportement de criminels que celui, blessé, de ses pairs. Il était mieux formé à aider une victime traumatisée et celui de son agresseur, odieux -jadis lui aussi victime d'ailleurs.- qu'à soigner un mal de l'âme latent, une "douce" souffrance qui se diffusait petit à petit, presque imperceptible.

Le Hapien avait toutefois bon espoir, premièrement il songeait que son aîné, loin d'être malade mentalement était surtout éprouvé, deuxièmement, ce dernier avait accédé à voir des guérisseurs. Bon il avait parlé au conditionnel mais l'idée était jetée, c'était toujours une porte ouverte. Troisièmement enfin, il avait de toutes manière tendance à être optimiste pour tout ce qui concernait Karm.

Leur dialogue s'éteignait doucement, quand ils perçurent, ensemble, une présence. D'ailleurs, Luke encore lié à son compagnon suite aux événements n'avait pas directement détecté l'arrivée. Il avait pioché l'information dans une onde de Force projetée par ce dernier. Lui aussi debout, l'arrière des genoux quand même sagement accolé au lit pour se retenir, attendit la visite.

- Bonjour.

Souffla-t-il, encore un peu gêné par cette sensation tiède que la main de son ami avait laissé dans la sienne. Visiblement, Karm et ce Yakel se connaissaient. C'était à vrai dire, peu étonnant. Le blond commençait à se faire à cette popularité certaine qui entourait son ami. Charismatique bourlingueur, ce dernier semblait finalement très entouré pour un être "si peu sociable". L'idée amusa le Hapien qui ne s'autorisa toutefois aucun sourire. Ce n'était vraiment pas le moment.

Après avoir facilité le plus la tâche au guérisseur -Luke aurait aimé que ce dernier se présente de manière plus exhaustive, mais c'était une conséquence de la "renommée" de son ami. Non seulement des inconnus le connaissaient lui, mais ceux-ci semblaient considérer que le Jedi aussi savaient qui ils étaient.- le jeune homme se glissa dans la Force. Par automatisme, il effectua le même bilan silencieux, et certes, légèrement invasif que le Twi''Lek, comme pour se rassurer quant à l'état de son ami.

- Ces roches. Hum. Moi non plus je ne suis guère convaincu qu'il faut les utiliser. Les étudier afin de lutter contre leur effet, d'accord, mais chercher davantage de puissance par leur biais?... Hum.- Certes, comme l'avait spécifié Cally qui parlait du rajeunissement, des découvertes dans le domaine seraient bénéfiques à l'Ordre, mais ce dernier devait faire attention à ne pas se perdre, la fin ne justifiait pas tous les moyens.- J'écrirai le rapport, même si je doute de pouvoir faire quelque chose de très construit.-

Se surprit-il à énoncer, rendu docile plus par habitude que par désir. Il n'avait aucune envie de partager quoique ce soit concernant son lien avec Karm. N'était-ce pas à eux? Les guérisseurs disposaient en plus du cas d'Haïku, moins singulier et donc beaucoup plus facile à appliquer. Un peu dérangé par ses pensées exclusives, voire égoïstes, Luke allait se les reprocher lorsque le Twi''Lek laissa sous-entendre une possibilité qui le dérangea franchement. Son ton froid occulta assez bien un passable énervement, à peine perceptible sauf pour qui le connaissait. Méfiant, il jaugea le porteur de Lekkus en blouse à travers un point d'horizon qui menait son propre regard un peu au-delà des sourcils de celui-ci.

- L'Ordre prône la prudence en ce qui concerne des liens pourtant inévitables. Maîtres et Padawans. Amis... Tout être doté d'un coeur finit par s'attacher. - Fit-il, conscient qu'à ce niveau son discours avait changé, sans doute l'influence de Karm alliée à des remises en question. Difficile après y avoir songé, de ne pas se rendre compte que la véracité de ces propos quand il entretenait une amitié si fusionnelle avec Saï.- Si le phénomène d'aujourd'hui était particulier, le fait que la proximité n'a rien d'une nouveauté. Les archives regorgent de références plus ou moins discrètes, pudiques au sortir de comas jugés définitifs de Jedis sentant la présence leur apprenti, ou proche.

- Le nom d'Ellena Caldin revenue d'entre les morts après l'union d'un groupe de membres de l'Ordre dont son aimé résonnait en exemple dans sa tête. Il était connu que Non-Sensibles eux-même expérimentaient de tels miracles, médicalement quasi inexplicables. Inutile de dire que le Chevalier cherchait de multiples exemples pour éloigner les stéthoscopes, psychologues ou guérisseurs -justement!- de leurs cerveaux, à Karm et à lui. Autant il reconnaissait leur talent pour aider une personne tourmentée, autant il refusait de servir de cobaye, et s'exposer à tout le monde par la même occasion.-

- Je suis désolé, mais je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Cette transe était le fait d'un long entraînement ensemble, d'une connaissance, je dois le reconnaître, excellente de l'autre, mais elle demeurait dangereuse, faite dans l'urgence. Ceci dit, c'est surtout Karm qui a été "victime" de cette expérience. Donc s'il veut en parler et participer à cette... Hum... étude...

Luke ne savait pas comment appeler ça, mais il avait la désagréable sensation qu'un brin de voyeurisme s'était glissé dans la demande du Twi''Lek. Écrire un rapport pour essayer d'établir un protocole -et encore vu le côté exceptionnel de la chose, il songeait que la signaler sommairement suffisait.- Calme quoique distant, le jeune homme démontrait avec toute l'élégance du monde qu'il ne faciliterait pas la tâche aux chercheurs. Ce genre de cas, si rare, ne méritait pas un déploiement de ressources. D'ailleurs, Haïku était la preuve qu'il n'y avait pas besoin de leur lien à Karm et à lui pour sauver le prochain sur la liste -sachant qu'un tel accident avait un pourcentage de récidive ridicule.-. Quant à l'idée d'étudier leur transe pour son étrangeté, elle ne plaisait pas au jeune homme.

- Pour conclure, je dirai qu'il est aussi connu que chaque Jedi a ses spécificité, sa manière d'interagir avec la Force, d'évoluer. Ce que l'un fera naturellement sera peut-être inaccessible à l'autre car ce n'est pas dans sa nature ou que les circonstances ne sont pas réunies. De nombreux cas, même de duos l'illustrent.

Encore une fois, que Yakel fouille les archives, il trouverait pléthore de démonstrations, de tandems de Guerriers comme de Consulaires ayant recours à des techniques inusitées, insolites nées de leur union.

Le jeune Jedi espérait ne pas froisser son ami, mais il pensait que cette mise en lumière soudaine risquait de casser leur harmonie ou du moins de la mettre à mal. Elle ne serait plus aussi pure, exclusive. Ils devraient répondre à des questions peut-être vraiment indiscrètes, laisser esprits et corps être envahis, devenir des chiffres, des cobayes. Étant donné les possibles soucis de Karm, ça n'était pas une bonne idée, et puis mince, cette fois oui, il revendiquait son égoïsme. Ce lien, ils l'avaient patiemment forgé, alors qu'on ne vienne pas mettre des données, des noms scientifiques ou quoique ce soit d'autres sur leur relation. Qu'on ne les encense pas. Qu'on ne les salisse pas. Qu'on ne les vole pas.
Karm Torr
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Karm eut très vite le droit à un regard paniqué de la part de Yakel. Le Guérisseur n’était pas un chercheur professionnel et il avait cru, un peu naïvement, qu’il suffisait de proposer à ses deux patients une petite étude pour les voir tous les deux sauter sur l’occasion de faire progresser le savoir de l’Ordre. Le long discours de Luke, dont la froideur ne dissimulait peut-être pas entièrement l’hostilité, éveilla aussitôt sa culpabilité et il eut l’impression d’avoir été au mieux grossier, au pire franchement violent.

— Je euh, oui, pardon, bien sûr, désolé, voilà.
— Non mais dans l’absolu, c’est pas une mauvaise idée, hein, bien sûr, intervient Karm, pour sauver le Twi’Lek de l’apoplexie. Mais c’est vrai que Luke a raison, y a vraiment beaucoup de matériel sur ces questions dans les archives, je suis pas sûr que notre cas apporterait beaucoup et tu te rajouterais du travail pour rien.

Comme quoi, l’Ark-Ni savait se montrer parfois diplomate.

— Non mais, je veux dire…

C’était une situation tout à fait inédite pour Yakel et, probablement, pour la plupart des Chevaliers de l’Ordre. Il y avait des choses qui se savaient, mais dont on ne parlait pas. Un peu comme des secrets de famille. Yakel n’était pas un très grand partisan de ce genre de protocoles. Pour lui, ils étaient tous membres d’une même communauté et pour qu’une communauté se porte bien, il fallait de l’ouverture et de la tolérance. Son côté guérisseur, sans doute.

— C’était pas… Je voulais pas être indiscret et tout. Ni vous mettre en danger.

Il y eut un silence et Karm jeta un regard incertain à Luke. La conversation devenait dangereusement explicite, et le jeune homme savait bien que son ami n’aimait guère quand ces choses-là étaient dites ouvertement.

— C’est pas qu’on trouve que le sujet soit complètement inintéressant, tu sais, murmura Karm d’une voix douce.
— Vous savez, vous êtes aussi un peu… Un modèle ou… enfin… une raison d’être optimiste, disons, pour certains, au sein de l’Ordre.

Le Gardien fixa leur interlocuteur sans comprendre et sa perplexité n’était sans doute que trop évidente, parce que l’embarras de Yalek grandit encore. Finalement, le Twi’Lek bafouilla de nouvelles excuses, assura que leurs constantes vitales étaient bonnes et qu’il ferait des recommandations pour qu’ils puissent être libérés au plus tôt. Et sur ces bonnes paroles, il s’éclipsa. Après son départ, Karm répéta, d’un ton pensif :

— Une raison d’être optimiste ?

Et puis, petit à petit, le sens des propos du Twi’Lek se révéla dans son esprit. Il suffisait de songer à Luke ou, plutôt, aux autres jeunes qui, comme Luke jadis, devaient se poser des questions sur leur sexualité, sur la place que leurs désirs pouvaient avoir au sein de l’Ordre. Des jeunes comme Thann, aussi, qui, sans exemple autour d’eux pour se guider sur un chemin difficile, pouvaient considérer leur futur avec beaucoup de frustration et même de désespoir. Ou des Jedis bien établis, qui avaient fini par mettre en parenthèses toute une partie de leur existence, pour se plier à ce qu’ils s’imaginaient être les exigences de l’Ordre. Peut-être que Yalek était l’un d’entre eux.

— Oh.

L’idée que Luke et lui, sans s’afficher, pussent servir de modèle à tous ces gens-là avait quelque chose d’étrange. Karm se doutait plus ou moins que leur relation devait être évidente pour beaucoup de leurs confrères et de leurs consœurs. Ces gens-là étaient perspicaces et sensibles à la Force, entraînés à observer les autres, et les deux Jedis pouvaient bien être discrets, il aurait été difficile de résister pendant plus d’un an à l’observation de leurs semblables.

Mais un modèle ? Est-ce qu’ils avaient une responsabilité personnelle au sein de l’Ordre ? Bien sûr qu’ils avaient une responsabilité, et c’était bien pour cela que Karm voulait devenir Maître. Mais en tant que couple ? Karm se rassit sur le bord du lit. Il y avait quelque chose d’un peu injuste dans tout cela. Il voulait bien être exemplaire, le plus souvent : sur le terrain, dans les explorations, sur le champ de bataille, dans les cours et les formations. Mais sa vie privée, c’était sa vie à là, elle n’était pas là pour donner de l’espoir aux autres, pas plus que pour les désespérer.

— Yakel, il est pas méchant, murmura-t-il finalement, après un moment de silence, mais c’est vrai qu’il aurait pu faire preuve de plus de tact. J’imagine que… Que notre situation doit intriguer pas mal de gens. Et que c’est inévitable. On peut pas espérer que ça en aille autrement dans une petite communauté où tout le monde vit un peu tout le temps ensemble.

L’Ark-Ni laissa échapper un soupir.

— Mais moi non plus, je compte pas nous transformer en cas d’école, quoi…
Luke Kayan
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Les circonstances s'y prêtant, Luke aurait été fier des progrès de Karm en diplomatie. Il était toutefois trop outré, indigné et inquiet pour s'en rendre compte au-delà d'une gratitude certaine. Au moins, son ami s'occupait du problème, mieux encore, il allait dans son sens. Rassuré, le Chevalier sentit ses muscles se dénouer. La scission entre eux ne commencerait pas aujourd'hui. Nulle fissure qui se fendille, ni tremblement pour fragiliser la croûte terrestre de leur planète leur monde à eux.

Tandis que l'endorphine se déployait dans son cerveau, récompensant un but atteint, Luke prenait cependant conscience de son égoïsme. Au lieu de songer à aider sa communauté ou mêle le pauvre Yalek pétrifié, le jeune Jedi valorisait le privilège de sa relation avec Karm. Et le pire était qu'il ne s'en sentait pas spécialement coupable. Son esprit cognait des centaines d'excuses à son cerveau. Valables, moins valables, en tout cas tranquillisantes. Ne donnaient-ils pas assez? Ne devaient-ils pas penser à se préserver? Surtout aux vues des soucis potentiels de l'Ark-Ni? C'était bien facile de tout rejeter sur le besoin de son aîné à se retrouver, évaluer sa situation psychologique quitte à consulter un guérisseur, il fallait en convenir. Pourtant, fatigue ou raisonnement purement logique, le blond se sentait, pour une fois, satisfait de leur décision. Plus tard qui sait, la gêne reviendrait, la "haine" de soi pour être ce qu'il était, un de ces Jedis qui se roulait dans la complaisance, la facilité tels que le suggéraient les plus traditionnels. Cependant, aujourd'hui, seules les réactions positives de ses aînés lui venaient à l'esprit, l'apaisant et le confortant dans ses choix.

Si Yalek avait su détecter leur relation, il était certain que les plus hauts gradés aussi, d'autant plus que Luke avait ouvert son esprit à Saï, laissant filtrer ses sentiments. Livrés en pâture au vieil homme par leur propriétaire, trahis, ils avaient certainement été saisi au vol, or son cher mentor n'avait rien dit. Ni reproches ni félicitations d'ailleurs. Si l'opinion d'Ekkt ne comptait pas, celle de son maître, passive et suggérant donc un degré d'acceptation était un trésor. Et puis, il y avait les autres membres du Conseil, leurs pairs. Personne jusque là, c'est vrai, ne leur avait reproché quoique ce soit ouvertement, alors qu'ils avaient obtenu certains signes de soutien, via l'amie Consulaire de Karm, et quelque part, à sa manière, celui de Yalek.

Tandis que la conversation s'achevait, le jeune homme soupira doucement. Assister à l'éloignement mental, peut-être irréversible de son amour l'aidait à revaloriser leurs actes. Finalement, à qui faisaient-ils du mal? S'ils ne devaient pas servir de modèle, au moins pouvaient-ils s'assurer de ne pas avoir une mauvaise influence, ne pas devoir porter le poids d'un échec sur leurs épaules. Leur relation leur appartenait, aussi bien le mal qu'ils pouvaient se faire les concernaient eux. À cette idée de discrète continuité, le Hapien se sentait particulièrement soulagé. Il n'avait pas envie de chercher plus loin, de creuser dans les méandres de la philosophie, essayer de calquer à tout prix son comportement avec les principes de leur Ordre. Karm était vivant, accablé de problèmes sous-jacent, mais ils le savaient, étaient d'accords, y remédier devenait alors possible. Inconsciemment, le Jedi avait aussi l'espoir que cet exemple démontrerait à l'Ark-Ni qu'il leur fallait être prudent, si ce n'était pour préserver leur place au sein de l'Ordre, au moins pour se protéger.

- Moi non plus je ne comprends pas.

Confessa le jeune homme, plongé dans la réflexion des ultimes paroles -et balbutiements- de Yalek, loin d'être mystérieux pourtant. Il lui fallut un bon moment pour que son cerveau, peu exercé à ce sujet finisse par saisir le sous-entendu. Légèrement indigné quoique sur le tard puisque l'instigateur était déjà parti, Luke secoua négativement la tête. Il refusait de servir de modèle à qui que ce soit, de jeunes amoureux silencieux ou plus concrètement des adolescents homosexuels. N'avait-il pas cheminé seul? N'avait-il pas tâtonné? Pleuré? Haï son propre corps avant d'enfin se faire une raison? Que l'individu conclut qu'il devait s'accepter ou renoncer à l'amour, c'était à lui de construire sa propre route. L'aveugle ne serait le guide de personne, et il se moquait bien d'une souffrance de gamin, si grande soit-il. Épargner n'était pas toujours la solution. Se sacrifier pour apporter cette sur-protection encore moins jugea-t-il, égoïstement mais satisfait de sa décision. Leur décision.

- On ne peut pas apporter de solution à tout, d'autant plus que je suis loin d'être persuadé que ça servirait.

Sans réflexion, en se basant sur leur exceptionnel exemple, des jeunes se lanceraient à corps perdu dans une relation idéalisée avant de se briser. Une chose était tolérer que les Jedis aient un(e) compagnon/compagne sans mot dire, une autre était d'en faire l'apologie. Luke préférait que chacun réfléchisse à ses capacités d'assumer une relation et ses conséquences plutôt que de l'enseigner par un exemple unique, loin de correspondre au cas par cas. Ce serait une triste hécatombe que de motiver les Padawans à se trouver quelqu'un, parce que leur condition de couple avait dû passer par de nombreux obstacles invisibles au premier regard. S'ils étaient aussi unis, c'était en partie dû à leur caractère qui se prêtait aux concessions, à la réflexion plus qu'aux disputes haineuses. Chacun avait consenti à faire un pas vers l'autre, à admettre ses erreurs, mais surtout d'un commun accord, assimiler la souffrance de la possible perte de l'autre. Karm et Luke n'avançaient pas l'un vers l'autre, sinon vers une troisième destination, côtes à côtés: l'Ordre. C'était ce qui soutenait leur relation, un pilier sans lequel ils n'auraient peut-être pas duré bien longtemps. L'entraînement avec le Sabre, la Force, leurs discussions qui incluaient toujours les fondations de l'Ordre, leurs discours emprunts des dogmes régissant ce dernier. Qu'ils soient d'accord ou non avec, leurs mots étaient tapissés d'idées communes autour desquelles leurs discussions se cousaient.

- Je ne crois pas qu'il existe un exemple généraliste qui vaille. Y compris pour la même personne.- -Souffla le Hapien tout en posant une main sur l'épaule de son compagnon.- Ma précédente relation était vouée à l'échec, parce que nous n'avions pas le même but. Encore moins la même manière de procéder. Si j'ose faire la comparaison, je dirais que c'est comme la construction de son sabre-laser. Il vaut mieux que chacun soit face à ses échecs, ses doutes et ses réussites, afin de se les approprier, apprendre à connaître ses limites.-

Et ne pas vivre dans un rêve idéalisé. Sans doute. Un apprenti qui suivait un schéma tout fait pour construire un magnifique sabre-laser se retrouverait face à une arme trop sophistiquée pour lui. Alors que s'il apprenait, à force de déception à revoir à la baisse ses espérances, il finirait par obtenir un manche très simple qui lui convenait mieux. C'était finalement ce qui s'était produit pour Luke qui avait apprit dans la douleur, tant pour le sabre que les relations amoureuses. Et encore, il lui semblait ne rien savoir encore du sujet, détail qui confirmait ses propos précédents. À quoi servait un prétendu modèle, flou, sans apport firme? Leur amour était loin de ressembler à un Kata théorique, dont chaque pas était répertorié. Il fluctuait.

Quant à la curiosité d'autrui, en cherchant au fond de moi, en étant honnête, vraiment honnête, je crois que je l'aurais aussi éprouvée alors... Je suis bien forcée de l'admettre, l'accepter. Il n'y a plus qu'à espérer se fondre dans la masse grâce au temps, et à la discrétion. Petit à petit. Tu sais, je suis fier de toi, et rassuré aussi. Je pense que cet incident, si terrible soit-il, va nous permettre de beaucoup avancer.

pour une fois, c'était lui qui semblait sûr, absolument tranquille et rassurant. Il sourit, envoyant une onde de Force cajoleuse. Protectrice? Sans doute un peu, parce que quand même, Karm avait été secoué aujourd'hui. Ainsi, en situation critique, Luke se montrait capable d'assumer pour deux, de prendre les rênes, mais ceci plairait-il à l'Ark-Ni qui s'était découvert une tendance "dominatrice"? Si tel était le cas, il savait au moins ne pas devoir tout porter sur ses épaules, seul.
À nouveau un bruit de comlink les interrompit. La voix monotone et mécanique, vaguement féminine après activation du message leur annonça platement qu'ils pouvaient quitter l'infirmerie.

- Je te raccompagne?

Proposa le Hapien, extrêmement heureux de quitter l'endroit, d'autant plus depuis la proposition de Yalek qu'il ne pouvait s'empêcher d'imaginer les espionner. Retrouver l'intimité de sa chambre ou celle de Karm si ce dernier souhaitait qu'il reste, c'était tout ce à quoi aspirait le Chevalier.
Karm Torr
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— Ouais enfin se fondre dans la masse, j’sais pas si t’as remarqué, mais c’est pas exactement ma spécialité, ironisa l’Ark-Ni, quand Luke vanta leur droit à la discrétion, face à la curiosité bien compréhensible de leurs confrères et de leurs consœurs.

Et, assurément, le jeune homme détonnait au sein de l’Ordre. Bien sûr, leur organisation était vaste et, au fond, elle comptait beaucoup d’originaux. Mais Karm avait été éduqué à part, il avait eu un parcours atypique et son attitude comme ses opinions tranchaient souvent de manière assez radicales avec ce qui constituait le tout-venant de la vie des Chevaliers Jedis. Il avait bien conscience d’être un OVNI pour nombre de ses confrères.

— Mais ouais, en tout cas, j’suis d’accord qu’on est pas un exemple. En fait, j’pense qu’il y a deux choses différentes. Y a montrer que quelque chose est possible et pas affreux, et en ça, on peut être un exemple, et y a fournir la feuille de route, et c’est là que c’est pas possible. C’que j’veux dire, c’est que ça me dérange pas que des jeunes puissent penser à nous et se dire : « ah ouais, en fait, on peut être des Chevaliers Jedis respectueux et intègres, et en même temps être en couple » ou bien « ah ouais, c’est pas impossible pour deux mecs de s’aimer ». C’est réconfortant j’imagine de se dire qu’on est pas tout seuls, qu’on est pas un cas isolé, qu’on ressemble aux autres.

Et en bon Ark-Ni, né dans une société où les différences entre les individus étaient la plupart du temps absolument imperceptibles pour les observateurs extérieurs, Karm était tout à fait sensible à ce besoin de se sentir appartenir à une communauté. Il avait beau être excentrique, du point de vue dogmatique, il trouvait toujours beaucoup de réconfort à se dire qu’il appartenait à l’Ordre, à une grande communauté, à un élan d’ensemble où sa propre individualité n’était qu’un reflet des aspirations collectives.

— Mais de fait, si notre exemple peut être réconfortant en ce sens, je crois pas qu’on ait spécialement de conseils à donner. J’veux dire, on leur raconterait quoi, aux gens ? Que la clé, c’est de faire naufrage sur une lune déserte pour camper dans une base de pirates ? J’espère que y a quand même des couples qui se forment dans des situations moins extrêmes.

Pour sa part, en tout cas, et à la différence de Luke, il était loin de considérer que la romance devait rester une chose exceptionnelle au sein de l’Ordre. Tout au contraire, il était persuadé que leur communauté devait se tourner lentement et sûrement vers des liens plus personnels et des constructions familiales, y compris en intégrant des gens de l’extérieur. Pour Karm, la vie monastique était une grave erreur, et une attitude contraire à la Force.

Mais l’heure n’était pas au débat théologique. Il se laissa gagner par l’onde réconfortante de Luke et, loin de vouloir préserver son hypothétique virilité en faisant le fier, il s’y lova, acceptant bien volontiers la protection de son compagnon. Tout dominant qu’il pût se sentir parfois, il conservait de son éducation d’Ark-Ni une fluidité certaine.

Bientôt, le signal de leur libération se fit entendre et Karm ne se fit pas prier.

— Mettons les voiles avec qu’un droïde médical revienne nous coller des électrodes.

Ils quittèrent donc la chambre et, après un détour pour récupérer leurs sabres par la réception de l’infirmerie, où une Padawane en pleine formation se débattait avec le nouveau système informatique de gestions des dossiers médicaux, ils regagnèrent les couloirs du Temple. Son datapad à nouveau en main, Karm consulta le rapport préliminaire compilé sur le cas de Haiku. L’adolescent était encore en observation, mais son état s’était amélioré de façon aussi soudaine et remarquable que celui du Chevalier.

— N’empêche, cette roche, là, ça fait un bon exemple pédagogique, commenta Karm d’un ton pensif. J’veux dire, sur la Force vivante. Pas mal de Padawans ont du mal à comprendre comment la Force vivante peut s’appliquer à l’inanimé. Aux roches. Aux objets. Pour eux, y a soit la vie biologique, soit le reste. Là, c’t’une interaction spectaculaire.

Les portes automatiques de sa chambre s’ouvrirent pour leur céder le passage, avant de se refermer derrière eux. L’intérieur des quartiers de l’Ark-Ni ne changeait guère au fil des mois et des années : les mêmes dataclés et holodisks s’alignaient sur le bureau, le violon ark-ni était toujours bien rangé, presque caché sous le lit, et la chambre avait dans l’ensemble la sobriété de celle de beaucoup de Jedis.

Naturellement, le premier réflexe du jeune homme fut…

… de se déshabiller.

— Franchement, pire vêtement du monde, asséna-t-il, une fois en boxer, et occupé à batailler pour replier la robe de bure qu’on lui avait prêtée à l’infirmerie. T’sais que ma Padawane a une passion pour le stylisme ?

Il n’était pas certain de bien cerner ce que Thann, la Miraluka, percevait des vêtements, mais il avait vu bon nombre de ses croquis.

— Elle dessine des vêtements et tout, dans la tradition jedi, c’est plutôt pas mal du tout. J’me demande si c’est juste un passe-temps ou si ça l’intéresserait in fine de devenir Jedi Artisane.

Les Artisans Jedis étaient assez rares, mais souvent très respectés. Pour Karm, en tout cas, ils entretenaient la culture de l’Ordre et le préservaient contre une lecture trop utilitariste de leur vocation collective.

La robe à moitié repliée, à moitié roulée en boule — le manque d’habitude, certainement — Karm se tourna vers Luke.

— Tu crois que j’aurais droit à, genre, disons… un câlin magique ? À vocation thérapeutique ! Je suis en plein rétablissement, après tout…
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