Il était deux heures du matin selon les horloges du Temple. La nuit noire enserrait les lieux. Le bâtiment entier somnolait doucement, ses activités ralenties. Tout le monde dormait. Il restait bien de petits groupes isolés, çà et là, occupés à quelques tâches qui ne pouvaient attendre, mais l'énorme bâtisse de l'Ordre Jedi semblait bien vide en ce moment. C'était exactement pour cette raison que Cally était de sortie. Ainsi, elle ne rencontrait personne sur le trajet qui la menait de l'infirmerie au complexe qui regroupait les différentes salles d'entrainement. Dans son état, la maitre jedi avait peur qu'on la voit, et surtout qu'on la reconnaisse. Après tout ce qui lui était arrivé, elle n'était pas encore prête à affronter la foule, et le regard curieux et pesant qu'elle apportait bien souvent.

A peine un petit mois auparavant, Cally était une vieille femme de plus de cent-trente ans. Une vieille femme qui avait peur de la mort, ce qui l'avait conduit a des expériences interdites et dangereuses... Un rituel foireux plus tard, elle se retrouvait à présent dans le corps d'une gamine de dix ans. Son corps, rajeunit. Et privé de la Force. Un traumatisme qui avait occulté tout le reste, et dont elle se remettait lentement. Elle commençait tout juste à se dire qu'elle pourrait tout de même essayer de vivre avec. S'habituer. Une réaction bien plus raisonnable que le suicide, qu'elle avait bien essayé au début, incapable de surmonter son état de choc. Si elle en était là, c'était grâce au docteur Atraïde, qui l'avait aider à progresser. Un petit pas sur sa reconstruction.

On avait fini par la laisser sortir de l'infirmerie, même si elle ne pouvait pas encore quitter le temple, attendant la décision du Conseil à son égard. Il n'y avait pas grand risque qu'elle se sauve, à peine osait-elle quitter l'aile médicale... On lui avait quand même conseillé un peu d'exercice physique. Pour relâcher un peu la pression, mais également pour s'habituer à ce nouveau corps. En l'espace d'une nuit, elle avait perdue plus de quarante centimètres. Ses bras et ses jambes étaient bien plus courts qu'avant, faussant toutes ses perspectives et les réflexes ancrés dans ses gênes. Son cerveau avait du mal à prendre en compte tous ces changements... Même consciemment, la différence était énorme. Tout lui paraissait plus grand, ou plus haut. En commençant par les interrupteurs, ou les poignées de portes. Ou encore les escaliers, où elle devait se concentrer sur chaque foutue marche pour ne pas trébucher. Dieu, qu'elle détestait les escaliers !

Certes, cette nouvelle enveloppe était plus jeune, plus vigoureuse que son vieux corps précédent. Cela palliait les désavantages qu'il apportait. Un peu... Elle le sentait bien, alors qu'elle combattait les droïdes d'entrainement conçus pour les Jedi. Chaque soir, alors que tout le monde dormait, elle se faufilait dans une salle d'entrainement pour éprouver ses nouveaux muscles, et explorer les limites de ce petit corps. Ce n'était guère encourageant pour l'instant. Elle avait vite arrêté les entrainements au sabre laser. Par deux fois, elle avait failli se couper un membre. Elle s'était plus d'une fois roussi les cheveux par inadvertance, et s'était infligé quelques jours plus tôt une brûlure superficielle. Depuis quand était-il devenu aussi difficile de manier un sabre ?! Elle l'avait fait pendant plus d'un siècle !

Si Cally était suffisamment grande pour établir son propre programme d'entrainement. Faire travailler ses muscles, affiner ses réflexes, s'approprier ce nouveau corps... Mais elle était également suffisamment lucide pour savoir qu'elle ne s'en sortirait pas en combat sans avoir quelqu'un pour lui enseigner. La maitre Jedi s'était battue toute sa vie avec la Force à ses côtés. A présent qu'elle en était privée, elle était perdue. Comment les autres se battaient-ils ? Avec quoi ? Elle ne pouvait plus compter sur son sabre... Alors, elle avait demandé de l'aide. Cela lui était difficile, compte tenu de sa nouvelle situation. Mais ainsi, elle ferait peut être d'une pierre deux coups, s'habituant à la présence d'autres personnes que les médecins qui lui tournaient autour depuis des semaines.

Elle avait rédigé un petit message, envoyé sur le datapad du chevalier Ses'kai Mora. Il lui avait été difficile de se résoudre à écrire ce texte. Avouer qu'elle était coupée de la Force... Rien que de coucher ses mots lui avaient laissés une boule dans la gorge. Enfin, c'était toujours plus facile que de le dire en face.

Chevalier Mora,

Suite a des évènements malheureux, je suis à présent coupée de la Force. Il me faut apprendre à combattre sans, afin de ne pas être un poids pour l'Ordre. Étant un des meilleurs guerriers de l'Ordre, j’espérais compter sur votre aide. Je suis dans la salle d'entrainement A14 toutes les nuits à partir de deux heures du matin.

Maitre Venta.

Le chevalier n'avait la réputation d'être un des meilleurs escrimeurs, mais bien un des meilleurs guerriers présents au temple. Un de ceux qui maitrisaient un large éventail de techniques et de coups. Un de ceux qui pourraient peut être la conseiller sur comment tirer meilleure partie de son nouveau corps. Car elle ne se faisait aucune idée, actuellement, dans cette peau d'enfant, elle ne se sentait même pas d'attaque pour faire plier un padawan. Elle partait de loin...

Cally rejoignit dans les couloirs sombres sa salle d'entrainement nocturne. Elle était vêtue d'une tenue de padawan, dont elle n'avait gardé que la chemise blanche, se débarrassant de la tunique supérieure brune. Cela lui faisait un peu honte de porter un uniforme destiné à de simples initiés... Mais il s'agissait là des seuls habits à sa taille que les médecins avaient pu mettre à sa disposition. Le choix vestimentaire de l'Ordre était terriblement limité, et la maitre jedi ne pouvait plus mettre une seule de ses tenues personnelles. Elle ferait avec. Au moins, elle ne nageait pas dedans.

Elle arriva dans la salle d'entrainement, et alluma les lumières. Personne. Peut-être le chevalier ne se montrerait-il pas ? Avait-il reconnu son nom, avait-il entendu son histoire ? Avait-il reçu seulement son message... Elle ne le savait pas. Elle commença à donc faire comme d'habitude, quelques petits échauffements musculaires. Techniquement, ses muscles n'avaient tout juste qu'un petit mois de vie à leur actif...

Pour le Thyrsian, les journées se déroulaient sous le feu contraire de deux opinions. D'un côté, son instinct, sa soif de gloire et son sens "particulier" de la justice le poussaient vers les champs de bataille, lui hurlant qu'il fallait se battre et exterminer ses ennemis jusqu'au dernier. De l'autre, les leçons de son maître lui soufflaient le contraire. En tant que Jedi, une telle velléité était un interdit...et le fait qu'absolument tous ses compères regardent d'un oeil plus noir que les siens sa violence était un bon indicateur de déviance.
Sa force seule ne suffisait pas à mettre fin à la guerre, mais rester passif ne permettait qu'à celle-ci s'empirer. S'il écoutait son précieux instinct, l'Ordre le renierait et son honneur serait anéanti...s'il ne le faisait pas, c'est l'Ordre cette fois qui risquait d'être brisé et des centaines de mondes brûlés.
Que faire...

Alors puisque le Conseil avait arrêté une décision temporaire, Ses'Kai restait le plus souvent au Temple, contrairement à ses habitudes. Préférant garder un oeil sur lui et exploiter sa rage très ciblée, certains maîtres avaient accepté d'en faire le chien de guerre de l'Ordre. Un assassin, en quelque sorte, à ceci près qu'il ne ferait pas dans la discrétion. Il fallait que leurs ennemis apprenent à le connaître, et à le craindre, retourner cette peur qu'ils aiment tant contre eux.
Aussi, il restait à la disposition des grands maîtres, dont bien peu approuvaient un tel statut...et une telle colère. Mais que pouvait-il faire de plus, comme gage de sa loyauté, qu'attendre leurs décisions ? Le Thyrsian avait lui-même proposé de devenir l'arme de l'Ordre...et une arme ne choisit pas. Elle attend d'être dégainée, peu importe combien de temps s'écoule...

En attendant, car la patience n'était pas son fort et l'inactivité encore moins, Ses'Kai se faisait discret, solitaire. Plus il se tenait loin de ses "semblables", mieux ça valait pour tout le monde... S'il prônait la violence, la brutalité, et même la haine...même lui savait que ses compères n'étaient pas prêts à en faire autant. Noyés dans la passivité, la compassion, la prudence, ils risquaient de devenir fou s'ils déchaînaient leurs passions.
Et puis...quelque part, cette condition lui convenait. Du moins en avait-il l'impression, qu'il rôdait dans les ombres, que des Jedis l'apercevaient fugacement entre deux couloirs. Que pouvaient-ils bien murmurer entre eux, dans ces moments là ? Ses'Kai se posait la question avec un sourire amer.
La solitude lui convenait. Il préférait agir seul, sans avoir à se soucier des autres...mais le prix était lourd. Son foyer n'était pas "chez-lui". Le Temple n'était pas sa demeure, les Jedis n'étaient pas ses frères...et les Thyrsians, qu'il n'avait jamais rencontré finalement, n'étaient guère plus qu'un nom qu'il essayait de porter grâce à de très lointains et vagues souvenirs d'une très triste période de sa vie.

Ruminant ses pensées, comme toujours, il fut tiré de sa rêverie par un message qui lui fit dresser un sourcil perplexe. Maître Venta - de mémoire, une espèce de vieille bique décrépie, qui avait autrefois était une excellente combattante...ou un truc du genre - réclamait son aide pour apprendre à se battre sans la Force, car pour une obscure raison, elle en avait été coupée pour une durée vraisemblablement indéterminée.
Lui-même adepte de la stratégie de l'Ysalamir, tenace reptile ayant donné son nom au Makashi - que pratiquait également Ses'Kai par la plus grande des ironies - capable de créer des bulles de "Vide" où la Force était absente, il comprenait à quel point la pauvre femme devait être perdue. Vivre si longtemps en compagnie des énergies universelles, et se retrouver soudainement coupée de tout ça... Même lui, mauvais sorcier, usait pourtant et continuellement de la Force. C'était une histoire bien triste...

Mais par contre, juste une question. Qu'est-ce qu'elle lui veut, la vioque !? Autant son orgueil était délicieusement flatté qu'une Maître reconnaisse sa force - qui plus est en tant que guerrier, et non pas simplement comme Jedi - autant il ne comprenait pas pourquoi elle le contactait lui, parmi tous les autres. Si elle connaissait sa réputation d'escrimeur, alors elle avait certainement entendu parler de celle de bourreau.
De plus, si jamais elle avait été privée de la Force...pourquoi elle n'allait pas demander de l'aide à un autre Maître ? Voire au Conseil ? Ou à n'importe quel troufion qui en étudie les innombrables mystères, plutôt qu'à une espèce de tête de mule comme lui ?
Tenté de penser que la miss Venta était devenue définitivement sénile, Ses'Kai fut tenté de l'envoyer paître par des mots fort peu délicats. Après tout, soit elle était cinglée, et dans ce cas c'est pas d'un duelliste qu'elle avait besoin mais d'un psychiatre, soit c'était une mauvaise blague et on essayait de se payer sa tête.

Cela dit, plutôt que de jeter le datapad par la fenêtre du dix-huitième étage du Temple - et se faire engueuler pour attitude irresponsable et dégradation du matériel - ou l'insulter copieusement, le Thyrsian se résolut plutôt de faire acte de présence à l'invitation de la vieille folle.
Que ce soit vrai ou non, il avait tout à gagner à s'y rendre. Si c'était une farce, alors il arracherait le sens de l'humour aux vermines qui lui ont tendu ce piège. Si ça n'en était pas une, alors une Maître avait besoin de son secours...
Et l'idée de pouvoir prêter main-forte, dans la discipline, à une aînée - très certainement appréciée du Conseil qui plus est - dans le besoin serait un excellent argument en sa faveur. "Regardez ! Je peux aider mes pairs, même ceux plus sages que moi. Z'en dites quoi les vieux débris ?". Il prouverait ainsi qu'il n'était pas "juste" un imbécile psychotique, mais un vrai Jedi, utile de bien des façons à l'Ordre.
En situation de guerre, tous les atouts sont bons à mettre dans sa poche...

Mais ça n'empêchait pas le duelliste de démarquer d'une humeur massacrante jusqu'au rendez-vous. Il s'attendait à trouver une horde de Padawan fêtards lui jeter des cotillons en riant, de tomber sur un droïde défectueux, ou sur une vieille dame avec d'énormes lunettes et s'appuyant si péniblement sur une canne qu'elle était probablement partie depuis la veille pour rejoindre la pièce à temps.
Les lumières étaient allumées, lorsqu'il pénétra d'un pas brutal, comme s'il entrait sur le ring, dans la salle d'entraînement, sabre à la hache et vêtu de sa tunique noire, une broche en forme de soleil rouge au niveau du coeur. Cela dit, aucune de ses attentes ne se confirma. Tout ce qu'il y avait là, c'était une morveuse, tout au plus d'une dizaine d'année, qui s'exerçait.
Interloqué par l'absence à la fois de son rendez-vous ou d'un piège, Ses'Kai en vint à se demander si la vioque ne s'était pas ramassé dans les escaliers en fait...puis se dit que si ça arrivait, alors c'était la volonté de la Force, et pas son problème. Aussi, après avoir examiné toute la salle du regard, il reporta son attention sur l'enfant, en avançant de quelques pas qui claquèrent fort sur le sol.

Le Thyrsian n'aimait pas les enfants. Et encore moins lorsqu'ils sont là où ils ne devraient pas, et encore encore moins quand ils sont là où il aurait du trouver une Maître qui l'avait appelé à l'aide. L'envie d'expédier jusqu'à sa chambre, à travers les murs s'il le fallait, la môme à grand coup de pompe dans l'arrière-train le démangea.
Mais la gamine s'exerçait. Elle sortait en cachette, trichant sur les codes stricts et abscons de l'Ordre, pour travailler plus longtemps et à sa propre façon son corps. Soit elle était très mauvaise, et essayait de faire des heures supp' pour rattraper ses copains...soit elle était excellente, et voulait affiner une idée ou une autre...soit elle était comme lui, extrêmement réfractaire au carcan de l'éducation.
Trois hypothèses qui méritaient son approbation plutôt que son hostilité.

"C'est bien de t'entraîner, gamine. Sauf que là, c'est l'heure de dormir, alors files te coucher si tu veux grandir et survivre à tes cours."

Sa voix claqua sèchement, le guerrier noir n'ayant pas l'habitude - ni l'intention - d'être affectueux ou délicat...mais elle n'était pas hostile. C'était un véritable conseil qu'il pensait lui prodiguer.

Cally entendit plus qu'elle ne vit son invité arriver. Celui-ci ouvrit la porte, d'un pas brutal et lourd. Elle avait l'impression que le sol tremblait à chacun de ses pas, mais ce n'était sûrement qu'un effet de son imagination. L'homme qui lui faisait face lui paraissait terriblement grand. Bien sûr, tout le monde paraissait plus grand aux yeux de la jeune fille à présent... Mais là, c'était différent. Cet homme était gigantesque. Un colosse à la peau sombre. Elle se sentit tout à coup encore plus chétive qu'à l'accoutumée ! Sous les vêtements noirs du Jedi, elle devinait la courbe de ses muscles. Il paraissait être une force de la nature, implacable avec son pas inquisiteur. Visiblement, elle avait parié sur le bon cheval ! Si son apparence reflétait bien ses compétences de guerriers, il pourrait sûrement l'aider.

Ses'kai la regarda d'un air interloqué, avant de fouiller le reste de la salle du regard. Elle s'y attendait. Il devait avoir du mal à la reconnaitre, dans ce petit corps ! Elle devait n'être à ses yeux qu'une enfant... Pourtant, il y avait là bien quelques indices qui laissaient penser que Cally n'était pas ce qu'elle paraissait être au premier abord. Même si c'était difficile à voir à travers ses cheveux noirs en bataille, elle ne portait pas la tresse rituelle des padawans. Accroché à sa ceinture, son médaillon du corps d'exploration Jedi brillait dans la luminosité de la pièce. Et ses yeux... Dans ses petits yeux verts entourés de lourdes cernes couvait la profondeur et la mélancolie de l'âge. Ainsi qu'une détermination plus dure que l'acier. A présent que Cally s'était - difficilement - faite à l'idée de vivre dans cette nouvelle enveloppe, elle n'allait pas ménager ses efforts.

Elle ne recula pas d'un pas alors que le colosse s'approchait d'elle de son pas lourd. Par contre, elle tiqua lorsqu'il l'appela gamine. Évidemment qu'il la prenait pour une enfant, mais cela la dérangeait quand même. Elle afficha une moue renfrognée. Il était parti sur le tutoiement... Ah, c'était comme ça alors ? Elle adopterait le même ton dans ce cas.

- Ne m'appelle pas "gamine", répliqua-t-elle d'une voix égale.

Elle ne comptait pas s'en laisser remontrer, et la rage était un bon moyen de remplacer la tristesse qui l'habitait depuis sa transformation. Elle soupira. Elle s'était attendue à devoir tout expliquer à nouveau. Devoir convaincre son interlocuteur... Au moins était-elle plus stable émotionnellement à présent, grâce à ses dernières rencontres. Ainsi, elle arriverait cette fois-ci à ne pas fondre en larmes. Enfin, peut être.

- C'est moi qui t'ai demandé de venir ici. Je sais que c'est... bizarre, continua-t-elle, cherchant avec difficulté un mot capable de décrire la situation. Mais je suis maitre Venta.

Elle même avait encore du mal à l'accepter, d'ailleurs. Pouvait-elle toujours se revendiquer "maitre", alors qu'elle n'avait plus la Force ? Ce serait au Conseil Jedi de statuer... En attendant, elle continuerait à utiliser ce titre. Enfin, quand ça l'arrangerait. Elle reprit d'une voix plus douce :

- Comme je te l'ai écrit, il y a eu des évènements malheureux... Dont je suis responsable. J'ai expérimenté des choses qui étaient interdites par l'Ordre... Et j'ai fini comme ça.

Elle écarta les bras pour désigner son corps d'enfant, certes jeune et vigoureux, mais qui faussait tous les réflexes qu'elle avait adoptés durant plus de cent ans. C'était difficile pour elle que d'expliquer la situation. Elle devait chercher chacun de ses mots pour tenter de dépeindre une situation qui était, par beaucoup d'aspects, complètement absurde. Elle préférait aller droit au but, et rester vague. Rentrer dans les détails lui aurait trop serré les cœurs, elle ne l'aurait peut-être pas supporté. Et puis, il n'y avait pas de mot exact... Elle ferma les yeux, et serra les poings, passant à la partie la plus difficile. Elle prit une grande inspiration.

- Dans ce corps, je n'ai plus accès à la... la... Elle dut reprendre une nouvelle inspiration pour trouver le courage de terminer sa phrase. ...La Force.

Elle expira bruyamment, relâchant une partie de sa tension. Ces mots avaient encore tant de mal à franchir ces lèvres ! Mais le simple fait qu'elle puisse le dire à haute voix, sans fondre en larmes, était déjà un grand pas en avant pour elle. Elle commençait à accepter doucement ce fait. Ce douloureux fait... Elle serra les dents et imposa un strict contrôle sur sa respiration pour ne pas se laisser submerger par les émotions. Pas ici, et pas maintenant. Ici, ce n'était un lieu que pour progresser. Aller de l'avant.

- Je dois apprendre à faire sans. Au combat, notamment. Quand je pourrai enfin sortir d'ici, je dois être capable de me défendre seule. J'ai besoin de quelqu'un, afin de m'entrainer efficacement.

Elle ne souhaitait pas gaspiller son temps. Même dans ce nouveau corps, elle gardait une mentalité de vieille femme, pour qui chaque seconde qui s'écoulait était précieuse.

- Puis-je compter sur ton aide ? demanda-t-elle d'une voix ferme.

Elle se passa une main dans les cheveux, les décoiffant un peu plus. Voilà, c'était dit. Elle espérait qu'il accepterait. Après tout, il avait la tête de l'emploi. Sinon, elle devrait tout recommencer. Trouver quelqu'un qui correspondrait, qui ne la ménagerait pas comme les médecins le faisait. Le contacter, trouver les mots. Essayer de contrôler ses émotions...

Passant d'une relative appréciation à une sévère envie d'enfermer la fillette dans un sac et à l'abandonner dans un panier à linge sale, Ses'Kai écouta la petite délirer. Parce qu'il faut bien le dire, c'était une histoire de fou, à tel point que même lui en fronçait les narines.
Théorie numéro un : Cette chiarde n'était peut-être même pas une Padawan, et avait juste réussi par un biais ou un autre à trouver comment le contacter, et avait profité de l'absence momentanée - sûrement médicale plutôt que définitive - de la vieille venta pour lui faire cette farce.
Théorie numéro deux : La même que précédemment, mais ce n'était pas une farce. Car il faut bien le dire, cette petite était étrange. D'où elle sortait ? Qui elle était ? Pourquoi elle agissait avec l'indignation d'une vieille dame décidée à ne pas se laisser marcher sur les pieds ? Le Thyrsian pensait qu'elle était littéralement folle, et convaincue de son propre délire.
Théorie numéro trois : Tout était vrai, et c'était...hilarant. Un Maître, respecté, expérimenté, qui joue avec l'interdit et qui se prune toute seule la poire. HA ! Il en rigolerait presque si ça lui retombait pas sur la couenne. Déjà que le Conseil ne peut pas le sentir, mais si une ex-Jedi - car privé de la Force et de son sabre-laser, que reste-t-il d'un Jedi ? - hérétique et dégénérée se met à fricoter avec lui...il y avait peu de chance que les vioques au fond de leur siège le regardent d'un bon oeil.
Pourquoi les gens essayaient-ils toujours de lui prendre la tête avec des histoires débilement compliquées pour rien...

Décidant de prendre les choses avec sa finesse habituelle, Ses'Kai renifla d'une façon fort peu distinguée et tapota la tête de la rase-moquette. Toute cette histoire le gonflait royalement alors qu'il venait à peine d'arriver, et il comptait bien expédier ça vite fait, bien fait.

"Mais oui, t'es une vénérable maître qui a rapetissé au lavage, c'est bien."

Son mépris était évident. Pour lui, la créature en face de lui était soit une imbécile finie doublée d'une incapable - parce que pour réussir à se priver soi-même de la Force, de façon involontaire et prolongée, faut le faire ! - soit une gamine incapable de vivre dans la réalité. Une folle donc, un poids mort. Un truc qu'on ne peut pas se permettre de traîner au combat.

"Et tu comptes faire quoi, abrutie ? Me casser les noix jusqu'à ce que je t'apprenne le Djem So ? Non mais tu t'es regardée ?"

Exaspéré, il croisa les bras en secouant la tête. Avec son passé de gladiateur, qui se ressentait encore aujourd'hui, et son obsession de la guerre, Ses'Kai était sûrement effectivement l'un des êtres les plus aptes au combat "Sans la Force"...du moins sur le papier. Il n'avait jamais enseigné à qui que ce soit, et ne le voulait pas. Ce n'est pas pour rien qu'il n'avait jamais envisagé de prendre un apprenti.

"Tu espères affronter quoi, du haut de tes un-mètres-vingt les bras levés et vingt kilos toute mouillée ? Des écureuils-ninja qui construisent un barrage dans une maison de poupée ? Si je te mettais un coup de pied, tes os se briseraient et tu volerais jusqu'à l'autre bout de la salle."

Pourtant, il comprenait parfaitement ce qu'elle ressentait. Depuis que la guerre avait commencé, il y a presque quinze ans, ce sentiment le hantait...celui de l'impuissance. De vouloir agir, changer les choses, protéger ce qui nous parait précieux et abattre ceux qui veulent nous le voler. Depuis l'attaque du Temple, jusqu'à aujourd'hui encore, Ses'Kai n'aspirait qu'à agir contre l'adversité...aussi, imaginait-il sans peine ce qui se passait dans la tête de la gamine, peu importe qu'elle ne soit qu'une enfant lambda ou une maître déchue.
La guerre va encore se prolonger, songea avec amertume le Thyrsian. Et si elle dure, ça sera à la prochaine génération de la continuer...et espérons le, la finir. Cette morveuse en ferait partie, si elle s'achetait quelques neurones pour survivre jusque-là.
De façon exceptionnelle, il se força à se calmer...un peu. Ce qui était déjà bien, lui qui bouillonnait constamment de rage et de frustration. Cette petite était dans leur camp, peu importe qu'elle dise vrai, alors il fallait l'encourager pour qu'elle serve l'effort de guerre le moment venu.

"J'ai pas le temps d'attendre que tu grandisses, gamine. J'aurais pas non plus le temps de te protéger, alors si tu veux être utile à l'Ordre par les armes : Trouves-toi un fusil, apprends à poser des bombes, espionnes l'air de rien avec ta p'tite frimousse..c'est pas les solutions qui manquent pour détruire l'ennemi !"

Que des méthodes qu'il méprisait bien sûr...mais pour autant, Ses'Kai n'en renierait pas l'efficacité. Il pouvait tuer un champion, mais pas anéantir un réseau de communication. Ni couvrir les arrières, rien. Lui ne faisait que courir tout droit, toujours et encore...parce qu'il le pouvait. Peu de gens, même chez les Jedis, sont assez forts ou fous pour charger sous le feu ennemi sans même songer à ralentir...et encore moins sont capables d'en revenir pour recommencer. Alors il ne perdrait pas son temps ailleurs.

"Mais comme escrimeuse, tu n'arriveras à rien."

Un fusil n'a besoin que d'être pointé dans la bonne direction, et pan ! Un enfant peut tuer un Sith...alors qu'une lame à la main, il n'y a que sur soi-même qu'on peut compter. Cet écart condamnait, à ses yeux, la soi-disante maître.

Il ne croyait pas à son histoire. Elle le voyait, dans ses yeux, dans sa posture. Comment l'en blâmer, d'un côté ? Sa situation était tout ce qu'il y avait d'extravagant, d'inhabituel. Il vint même lui tapoter le dessus de la tête, avant de lui balancer ses quatre vérités. Les rumeurs sur sa grande gue... franchise étaient également vraies, visiblement. Effectivement, elle comprenait que le personnage soit aussi controversé. Cally rentra la tête dans les épaules, et serra les dents. Elle s'était préparée à tous ces arguments. Ils étaient logiques. Elle les avait repassés dans la tête, inlassablement, encore et encore, les soirs précédents, alors qu'elle s'entrainait. Mais se les prendre ainsi en pleine figure, cela n'avait rien d'agréable, même quand on était prêts à les recevoir... D'autant plus qu'ils étaient vrais. Tous, sans la moindre exception. A part peut-être les écureuils.

Mais elle ne pouvait se laisser abattre. Pas sans opposer un minimum de résistance. Elle avait besoin l'aide de ce mastodonte, alors elle l'aurait ! Il lui fallait progresser, par tous les moyens. récupérer sa force d'antan. Au moins en partie... C'était une chose qui l'obnubilait. Pouvoir se débrouiller seule. Se défendre seule, si nécessaire. Les restes de sa formation dans le corps d'exploration Jedi. Le mépris et la colère de Ses'kai étaient impressionnant, et menaçaient de l'étouffer. Mais elle prit son courage à deux mains. Elle rendrait coup pour coup.

- J'ai jamais dit que je voulais redevenir une escrimeuse. Je veux apprendre à me battre. répliqua-t-elle avec une certaine hargne.

Elle soupira. Si elle devait lui faire comprendre sa détermination à coup de pied dans les fesses, elle le ferait. Enfin, elle essayerait.

- Moi non plus, j'ai pas le temps d'attendre de grandir. Je ne suis même pas sûre que ce corps le puisse. Alors oui, j'apprendrai à tirer avec une arme à feu. A poser des bombes, ou à espionner. Tout ce que je pourrai faire pour être utile. Mais ça remplace en rien que je dois savoir me battre. Avec ma taille, l'ennemi viendra forcément me chercher au corps à corps, que je le veuille ou non.

Elle regarda un moment ses petits doigts fins, les replia puis les déplia. Son corps paraissait si fragile, en effet. Mais il bouillonnait quand même pour être utilisé à sa juste valeur.

- Alors oui, je n'ai peut-être plus la carrure pour me battre. Mais même moi je sais que la force brute ne fait pas tout dans un combat. Alors je veux apprendre où et comment frapper un homme pour le tuer. Avec, ou sans arme. Décrypter ses mouvements pour savoir quand esquiver. Ce qu'il faut faire, et ne pas faire... Tout ce que je dois savoir sans pouvoir utiliser la Force.

Auparavant, elle se fiait à l'intuition à travers la Force pour la guider dans. Elle se battait à l'intuition, un peu en mode automatique. Mais à présent qu'elle était aveugle... Il lui fallait retrouver ses marques. Apprendre. Comprendre.

- Je pensais que ce serait un défi intéressant à relever pour toi. Afin de faire taire tes détracteurs. Montrer que tu peux apprendre à n'importe qui, même les cas les plus désespérés, du moment qu'ils ont la volonté nécessaire. Mais je me trompais, visiblement. Tu n'en as peut-être pas le niveau.

C'était un défi à peine voilé, une invitation et une moquerie tout à la fois. En effet, il fallait avoir un sacré niveau pour enseigner. Il fallait avoir maitriser son art suffisamment pour le comprendre, mais également l'expliquer et le transmettre, preuve ultime de sa compréhension du sujet. En mettant en doute les capacités de Ses'kai, elle espérait bien le pousser à venir lui prouver manu militari ! Et puis, pour autant qu'elle sache, c'était peut-être vrai. Il n'avait peut-être pas le niveau nécessaire pour l'aider. Son cas à elle était vraiment désespéré après tout...

Elle décrocha un élastique de sa ceinture, et commença à rassembler la masse de ses cheveux noirs en une queue de cheval, afin qu'ils ne viennent plus danser devant ses yeux et obstruer sa vision. Avec un résultat mitigé cependant. De nombreuses mèches rebelles se baladaient encore librement sur sa tête. Elle n'avait pas encore le geste pour se coiffer efficacement. Mais cela serait largement suffisant pour son entrainement, dû-t-elle le faire seule.

- Je ferai cet entrainement, avec ou sans toi. A toi de voir si tu veux me faire gagner du temps. Si tu veux que je fasse les choses bien.

Son regard était étonnamment dur et déterminé pour une jeune fille de son apparence. Les railleries du chevalier Jedi avait rendu la volonté de Cally inflexible sur le sujet, plus encore qu'auparavant. Elle lui montrerait. Elle leur montrerait à tous.

Okay, c'était presque certain que la théorie numéro deux se vérifiait. Parce que ce qu'il entendait là, ce n'était pas le discours d'un vénérable vieillard, ayant accumulé plus de connaissances que lui - dans sa vie qui terminera vraisemblablement plus tôt que prévu...et espérons-le - mais celui d'une pauvre enfant sans cervelle, sans expérience...et sans instinct de survie.
Car la provocation à la fin fut la goutte de trop. Il ne supportait pas qu'on le prenne de haut et l'insulte, à tel point que le Thyrsian ne s'était pas privé de cracher ses quatre vérités aux maîtres du Conseil eux-même. Alors c'est pas cette demi-merdeuse qui allait l'offenser !

Abandonnant pitié et patience, il l'empoigna par la gorge et la souleva jusqu'à hauteur de sa propre épaule, si haut que ses pieds ne toucheraient plus jamais le sol...et pourtant si bas qu'il fallait encore au duelliste baisser la tête pour la regarder. Misère, comme elle était légère, et faible.
Oh bien sûr, elle se débattit comme une furie. N'importe qui, fut-ce t-il un enfant ou un Maître, essayerait de défendre sa vie lorsqu'elle menacée, quand l'air manque et que personne ne viendra vous aider.
Et comme il se l'imaginait de la part de n'importe quelle fillette, c'était une petite teigne. Elle le mordit, griffa, essaya de lui donner des coups de pieds - un peu compliqué au vu de leur différence d'allonge - mais le Chevalier noir ne fit que froncer ses sombres sourcils, non pas de douleur, mais de colère, même lorsque les petits ongles de la soi-disant maître laissaient des sillons rouges sur son poignet.

"Et tu te prétends une maître ? Réalises-tu seulement à quel point tu es stupide ? Tu pourrais être entraînée par le Conseil tout entier, que tu n'en resterais pas moins une misérable morveuse, fragile et pathétique !"

Même si elle apprenait tous les secrets du combat...qu'est-ce qu'elle en ferait ? Avec sa carrure, elle était plus faible, plus lente - car les grandes jambes courent vite - et son poids ridicule la transformaient en véritable boulet. Impossible pour elle de tenir une ligne, ou de porter du matériel. Sa seule présence deviendrait une gêne partout où elle irait, sans compter que sa petite frimousse allait en plus perturber son entourage, qui prendrait des risques inconsidérés pour protéger une stupide enfant. Une erreur que ne ferait jamais Ses'Kai.
L'étau de sa poigne se resserra. Brièvement, le Thyrsian songea aux Siths, qui étranglaient les gens à distance...mais quel intérêt ? On perdait toutes les sensations, celle de tenir une vie entre ses doigts, de sentir le poids de ses actes jusqu'au dernier moment. C'était bien une preuve de plus de la faiblesse de leurs ennemis.
Vraiment furieux de cette affaire, il avait tout d'abord pensé qu'on se payait sa tête et on finissait par l'insulter, l'ancien gladiateur serra encore plus fort. Si fort, qu'il pouvait sentir les veines et les artères s'écraser sous ses doigts, le sang cessant de circuler jusqu'où il le devrait.

"Je peux te briser la nuque, juste comme ça. Parce que t'es qu'une gamine s'il comprenait son impatience, il méprisait en revanche sa stupidité, son empressement de partir livrer une bataille qu'elle ne pouvait gagner Et si ça ne te suffit toujours pas, je peux aussi augmenter ma force, moi, jusqu'à broyer ta petite gorge d'abrutie et que ta tête se détache du reste."

En guise de démonstration, il appela la Force à lui et l'afflux d'énergie sembla faire bouillonner son sang alors que ses muscles gonflaient, s'endurcissaient. L'amélioration du corps était l'une des capacités préférées du Thyrsian, qui en sur-abusait en permanence ou presque.
Il hésita à briser cette idiote, pour de bon. Un élément aussi faible, aussi médiocre, ne pouvait que les desservir. Elle tenterait sûrement un jour ou l'autre un coup d'éclat, se ferait abattre comme une victime, et serait alors un énorme gâchis de ressources et de temps pour quiconque se serait soucié de son existence. Pire, si elle disait vrai elle avait déjà fricoté avec l'interdit...Et désormais elle recherchait le pouvoir. Deux preuves de sa fragilité mentale, et autant de faiblesses que ne se priveraient pas d'exploiter les Siths.
Une nuance plus tordue lui vint à l'esprit. S'il maintenait sa prise, ne serait-ce qu'une minute de plus...l'asphyxie détruirait son cerveau, la transformerait en légume à peine capable de parler...mais ne la tuerait pas. Ils pourraient l'envoyer aux corps de Soutien à l'ordre, travailler dans les champs par exemple, ou un truc du genre. Une vie de servitude décérébrée. Sans orgueil, sans rêve, et pourtant utile...

Finalement, Ses'Kai écarta l'idée et balança la morveuse comme une vieille chaussette par terre. Elle avait probablement perdu connaissance, les étranglements sanguins faisant un effet très rapide...mais elle retrouverait tout aussi rapidement ses esprits. Ce qui n'empêcha pas le Thyrsian de continuer à la mépriser de haut, bien déterminé à piétiner tous les espoirs de cette morveuse.

"Je me moque déjà de l'avis de mes semblables, fussent-ils Maîtres. Alors pourquoi je me soucierais du tien ? détestant cette vermine qui risquait de leur faire gâcher des moyens, il lui flanqua un coup de pied, du bout de la botte, plus pour l'humilier que la blesser Que ton histoire soit vraie ou non, elle est terminée. Tu n'es plus une Jedi."

Il avait envie qu'elle se secoue, qu'elle réalise ce qu'elle était vraiment devenue...Et ce que ça impliquait. Mais ça, c'était pas à lui de lui expliquer. De son point de vue, le duelliste en avait déjà bien trop fait et se dégoûtait d'être si généreux juste parce qu'elle avait une chouette petite bouille...ou beaucoup de temps à perdre.

Avant qu'elle n'ait eut le temps de réagir, Ses'kai l'avait saisie à la gorge. Surprise, elle n'eut pas le temps ne serait-ce que de penser à une esquive. Qu'avait-elle dit, ou fait, pour en arriver à de telles extrémités ? Ses pieds quittèrent le sol la seconde d'après, alors qu'elle était soulevée par une force implacable. Que faisait-il ? Ses gros doigts lui serraient le cou. L'air avait du mal à circuler dans sa trachée à présent, rendant sa respiration sifflante. Mais que faisait cet abruti ?! Il la tenait à bout de bras, d'une seule main. Même si elle ne parvenait pas à faire toute la circonférence de son cou, sa prise était largement suffisante pour empêcher la Jedi de se dégager. Elle était confuse d'en venir aux mains avec un autre jedi. Ce n'était pas un entrainement ! C'était simplement... De la violence gratuite !

Cally chercha à se débattre. Ses petites mains se plaquèrent contre le bras qui la retenait captive pour essayer de se dégager. Ses jambes s'agitèrent. En temps normal, elle aurait pu se dégager d'un coup de pied, mais ses jambes étaient à présent bien trop courtes. Elle essaya de le mordre, mais elle ne pouvait se dégager suffisamment d'espace. La poigne qui l'enserrait était de fer, ne lui laissant aucune chance. A court d'idées, elle enfonça ses ongles dans la peau du chevalier jusqu'au sang, mais celui-ci broncha à peine. Bordel, mais il était fait en plastacier ou quoi ?! Et, pendant qu'elle se débattait, il continuait à l'accabler, sans répit, de sa grosse voix énervée. Comment un jedi pouvait-il exprimer autant de colère ? Tout ce qu'elle avait cherché, c'était son aide à la base.

L'étau qui lui broyait la gorge s'accentua un peu plus, la privant totalement d'air à présent. Oui, elle était faible et pathétique. S'il avait voulu la tuer ici, et maintenant, elle s'en rendait compte à présent. L'écart de force était bien trop important. C'était bien pour cela qu'elle voulait s'entrainer. Elle commença à suffoquer. Elle se demande vaguement ce qui avait dérapé, comment ils en étaient arrivés là... Des étoiles se mirent à danser devant ses yeux, alors que sa vue se brouillait. Cet enfoiré allait la tuer ! Il allait vraiment la tuer ! Elle n'avait pas traversé toutes ses épreuves pour mourir de la main d'un de ses collègues, quand même. Elle qui s'était enfin décidé à vivre...

Mais Ses'kai finit par la lâcher, la projetant sur le sol un peu plus loin, où elle s'écrasa lourdement. A deux doigts de l'inconscience, ses jambes ne purent la supporter, et elle s'écroula sur le ventre. Si elle n'était pas tombée dans les pommes, c'était uniquement grâce à ses multiples cœurs, qui assuraient une meilleure oxygénation du reste de son corps. Mais il s'en était fallu de peu. Toute tremblante, elle tenta de se relever. Elle avait un goût de sang dans la bouche. Elle s'était probablement mordue l'intérieur de la joue en tombant. Se concentrant sur cette sensation déplaisante pour lui donner le courage de se relever, elle s'aida de ses mains pour s'arracher au sol. Ce fut à ce moment que le coup de pied de son adversaire la cueillit à l'estomac.

Elle ne put retenir un gémissement douloureux, alors que l'air quittait brutalement ses poumons. La gamine se recroquevilla pour protéger ses organes vitaux, attendant le prochain coup. Elle ne comprenait pas ce qui arrivait. Cet homme voulait juste la maltraiter visiblement, pour une raison obscure. Ou juste pour la faire sentir faible. Cally était faible. Elle le savait. Mais ce n'était que ponctuel. Elle avait la rage au ventre de trouver ses capacités d'antan. Et ce n'était pas un crétin de Jedi, aussi violent soit-il, qui allait la décourager. Au contraire. Ses coups alimentaient son courage. Après avoir été choyée à l'infirmerie, protégée et presque rendue docile, se faire un peu rudoyer la changeait. Bon, pas forcément agréablement, mais ce nouveau type de réaction lui montrait ce à quoi elle pouvait s'attendre du monde extérieur.

Elle se releva péniblement sur ses courtes jambes, s'empêchant de trembler. Quelques larmes de douleur avaient perlés au coin de ses yeux, mais elle ne pleurait pas pour autant. Et même si sa voix était rauque, elle était toujours aussi déterminée.

- Oui, je suis plus qu'une gamine fragile. Je ne suis peut-être plus une jedi. Et tu te fous peut-être de mon avis.

Elle se passa une main sur sa gorge, la respiration sifflante. Elle sentait ses muscles commencer à retrouver douloureusement leur place après avoir été autant maltraités.

- Mais moi, je me fous bien du tiens. Je ne serais pas une grande combattante. Je n'aurai peut-être même pas à combattre... Mais ne pas m'entrainer serait une erreur. Ça prendra le temps que ça prendra, mais je retrouverai mon ancien niveau.

Elle ne savait pas là où on l'enverrait, ni même si elle allait pouvoir sortir du Temple un jour. Mais dans cette galaxie en guerre, aucun poste n'était assez sûr pour que les rudiments du combat ne soit pas utile. Il n'y avait pas plus de dix ans de cela, les combats s'étaient tenus ici même, au temple, alors que les Sith avaient révélés toute leur puissance. Cally ne comptait pas être une poupée effrayée au moindre signe de grabuge. Elle était une membre du Corps d'Exploration. Elle se débrouillerait seule si nécessaire, mais jamais elle n'abandonnerait. Et si elle ne pouvait atteindre son ancien niveau, alors elle s'en rapprocherait le plus possible.

- J'ai bien compris ton message. Moi, j'ai délivré le mien. Maintenant, si tu ne veux pas m'aider, alors tire-toi.

Même si l'homme n'avait pas bougé, Cally avait maintenu une distance de sécurité raisonnable entre eux en se relevant. Elle se tenait prête à esquiver, cette fois-ci, si jamais il se jetait à nouveau sur elle.

Soit c'était une gamine très têtue, soit c'était effectivement une vieille peau rapetissée, car malgré la souffrance et la panique - ce n'est pas tous les jours qu'un Jedi vous faisait ressentir la présence de la mort...lorsque vous êtes vous-même Jedi - elle se refusa à pleurer, ou même à sangloter.
En fait, elle était tellement bornée que le Chevalier ne savait pas vers quelle hypothèse pencher. Est-ce que c'était juste une sale gosse qui se met à bouder pour défier les grands, ou vraiment une ex-vétérane pleine de détermination ?
Enfin...peu importe. Jusqu'au bout, la morveuse essayait de faire la fière, pour sauver les apparences ou se convaincre elle-même. Et ô combien elle avait tort...si elle avait vraiment rajeuni, elle avait aussi gardé sa sénilité.

"Tu n'as absolument rien compris."

Étant un des meilleurs guerriers du Temple, le duelliste avait l'embarras du choix sur la façon de maltraiter l'enfant pour lui faire rentrer la leçon dans le crâne. Ce n'est pas sa petite carrure, impuissante et maladroite, qui lui offrait la moindre chance d'échapper à la vitesse du Thyrsian.
Mais il ne se donna même pas la peine de bouger. Ses'Kai leva plutôt la main, et par un effort de volonté qui fit vibrer l'air autour de lui, projeta une Vague de Force pour renverser la fillette, comme un fétu de paille lors d'un ouragan.

"Tu n'es plus une Jedi. Tu n'es même plus une guerrière. Tu n'es plus rien. Tu n'as rien à faire ni au Temple, ni sur un champ de bataille, car tu seras un boulet vu ta stupidité."

La gamine était misérable, une pauvre poupée de chiffon ridicule et bornée qui méritait qu'on lui flanque des claques jusqu'à la faire tomber dans le coma. Bordel, mais il allait vraiment finir par croire les rumeurs au sujet du laxisme extrême de l'Ordre si ça continue !

"C'est tout ce que t'as appris en vieillissant ? T'entêter jusqu'à ce qu'on cède à tes caprices ? il cracha dans sa direction Si tu veux être utile, si tu veux vivre, commence déjà par décider quel genre de bataille tu veux mener, et dans quel but."

Sans y prendre vraiment garde, presque par superstition, Ses'Kai effleura le sabre-laser qui pendait à sa hanche. Pour sa part, le choix avait été fait avant sa naissance. La lame, ou la mort...mais c'était une voie qui lui convenait.

"Commence déjà par apprendre à choisir tes combats et tes adversaires, avant de penser que tu dois apprendre la lutte. Tu n'as pas le droit à l'erreur, car au moindre faux pas tu peux entraîner tes alliés dans ta chute. Et je ne permettrais pas que tu gaspilles nos ressources."

Cette fois, il tritura sa précieuse arme de façon tout à fait consciente. La gamine n'était pas une Jedi, et il n'était pas tenu par ses serments...aussi, s'il fallait l'abattre pour qu'elle ne devienne pas une gêne, il ne s'en priverait pas. Même si, pour l'instant, on était très loin de la nécessité d'une telle extrémité.
Dans le même temps, le Thyrsian se fichait royalement qu'elle se tourne vers l'art du sabotage, de l'informatique ou même du pilotage si ça lui chantait. La seule chose qui était impensable ou presque, c'était qu'elle se persuade de devoir apprendre le combat au corps à corps. Seuls les adeptes de la Force savaient manier le sabre-laser, et seul un sabre-laser permettait à un escrimeur de résister face à des blasters.
Elle qui n'était plus Jedi, qu'est-ce qu'elle irait glander au contact ?

Quand Cally vit son interlocuteur lever la main vers elle, elle ne comprit que trop tard qu'elles étaient ses réelles intentions. Elle tenta d'esquiver sur le côté, mais ne put rien faire contre la vague de Force qui la frappait de plein fouet. Comme si une rafale de vent la soulevait, son petit corps quitta le sol et s'envola pour frapper brutalement le mur opposé, traversant un support d'armement en bois qui fit réduit en morceaux. Une nouvelle fois, l'air quitta ses poumons brusquement, lui faisant tourner la tête. Heureusement, le mur était également matelassé, mais franchement ce n'était en rien agréable ! Chancelante, elle fit de son mieux pour se relever, un main contre le mur, au milieu des morceaux de bois et des sabres d'entrainement, le souffle court.

Et l'autre bourrin qui se remettait à l'accabler. Cally serra les poings, impuissante. Pourquoi ne voulait-il pas comprendre ? Pourquoi ne voulait-il pas l'aider ?! Ce n'était qu'un sale chien de guerre enragé, tout juste bon à mordre. Et quand il était ici, oisif, au Temple, il mordait alors les siens. Il ne savait faire que ça... Tout ce qu'on disait à son propos était donc vrai. Et même si ses paroles avaient une vérité mordante, elle n'aidait en rien sa situation. Elle ramassa un sabre laser qui trainait sur le sol, et le lança tel une pierre sur Ses'kai d'un geste rageur. Mais son bras n'était pas habitué, et elle loupa largement sa cible. Ce qui ne l'empêcha pas de répliquer d'un ton colérique :

- Et je fais comment pour choisir mes combats et mes batailles, si je sais même pas de quoi ce foutu corps est capable, espèce de génie ?!

Sans entrainement aucun, ayant tout juste commencé à se réapproprier un corps que Ses'kai menaçait bientôt de découper en morceau, elle n'avait strictement aucune idée de ses capacités. c'était en commençant les exercices qu'elle découvrirait ses nouveaux points forts, et ses nouveaux points faibles. Mais comment le faire seule ? Elle pouvait bien travailler ses muscles et ses réflexes, un avis extérieur lui serait nécessaire pour la guider. Tout comme on guidait les padawans au début de leur exercices pour optimiser leurs efforts.

- Et je fais comment si mes adversaires se laissent pas choisir ?! J'étais là quand le temple a été attaqué directement par les Sith... Même mal utilisées, connaitre deux ou trois trucs auraient pu sauver la vie de nombreux padawans qui se sont trouvés pris malgré eux dans les combats. Aucun endroit n'est sûr, et je ne pourrais pas toujours choisir.

Elle ne comptait pas se mettre en danger volontairement, elle n'était pas folle. Mais elle n'était pas idiote non. On ne choisissait pas toujours ses combats. Parfois, on se retrouvait pris dedans, sans pouvoir rien y faire. Elle se frotta les côtes d'une main. Elle n'était pas sûr que tout soit correctement à sa place, la dedans... Cela ne l'empêcha pas de se redresser avec une grimace. Même si apercevait l'aura de menace sourde de menace qui suintait du Jedi, elle décida de l'ignorer. Il bluffait. Jamais il n'oserait l'attaquer aussi directement... Tout du moins, c'est ce qu'elle s'imaginait. Enfin, quoi, c'était un collègue quand même !

- Alors je ferai ce qu'il faudra pour survivre, même apprendre les coups les plus bas. Ce n'est pas comme si j'allais foncer tête baissée dans les combats... Mais si les combats viennent à moi, je ne pourrais pas forcément fuir. Et je veux pas être complètement impuissante à ce moment-là.

Avec ses petites jambes, elle ne pourrait aller bien loin de toute façon. Elle ne souhaitait pas se retrouver tétanisée comme un mynock dans les feux d'un speeder. Si jamais elle n'avait pas d'alternative, elle se battrait. Elle préférait que ce soit avec de vraies méthodes, plutôt qu'en mordant et en griffant, comme elle était actuellement réduite à le faire ! A son tour, elle cracha au sol en direction de Ses'Kai. Sa salive se teintait de sang. Elle avait vécu plus de cent-trente ans, ce n'était pas pour se faire bousculée par un jeunot dans son genre !

- C'est pas des caprices. C'est l'instinct de survie. Je mesure un mètre-trente, et tu me prends pour une gamine. Pourtant, je l'ai mieux compris que toi, tête de mule.

Elle contourna largement le colosse, boitant légèrement suite au traitement qu'elle avait subit. Elle n'avait rien de cassé, mais une bonne nuit de sommeil lui ferait du bien... Et elle refusait de se plaindre, ne serait-ce que de gémir devant ce malotru. Elle était sûre qu'il n'en aurait retiré que du plaisir. Elle préférait cependant partir avant d'encaisser plus. C'était déjà bien assez pour son petit corps, en l'espace d'une soirée. Elle ne souhaitait pas encore tester ses limites... Ni celle de la patience limitée du molosse qui lui faisait face. Elle sortit à reculons par la porte de la salle, sans quitter Ses'Kai de ses petits yeux durs.

- Si jamais tu changes d'avis, je serai là tous les soirs à la même heure, grogna-t-elle, avant de disparaitre dans les couloirs sombres pour rejoindre l'infirmerie.

Mais elle doutait qu'une bourrique pareille puisse devenir un professeur pour elle. Un bourreau, à la limite...

Pathétique enfant. Jusqu'au bout, elle restera bornée, et limitée. Ses horizons auraient-ils réduits avec sa taille ? Même Ses'Kai était atterré de son point de vue borné, qui ne dépassait pas le bout de son petit nez.
Oui, elle était relativement pertinente. Ce qu'elle disait était assez vrai, que la guerre prenait sans distinction, hommes, femmes, guerriers et civils, et lui-même serait le premier à suggérer à n'importe quel troufion d'apprendre à manier absolument toutes les armes de la galaxie. Il fallait être prêt, quoiqu'il arrive, en toute circonstance. Doté de réflexes surnaturels, même selon les standard Jedis, le Thyrsian ne se posait pas cette question pour sa part et estimait que sa seule adresse - et son invincible sabre-laser - suffisait pour défier la malchance.

Alors pourquoi se montrait-il si cruel avec cette enfant ? Pour qu'elle comprenne, qu'elle comprenne que s'acharner à choisir une voie avant même d'y avoir réfléchi serait une perte de temps. Elle voulait apprendre à se défendre par ses propres moyens...très bien, c'était excellent, et si elle n'avait été qu'une Padawan parmi tant d'autres, le Chevalier l'aurait volontiers aidé.
Mais si elle réalisait que le fusil longue portée était sa nouvelle arme de prédilection ? Ou le pilotage spatial ? Dans une guerre, chaque maillon de la très longue chaîne de la justice comptait, des plus humbles fermiers aux plus glorieux spadassins. Dans ce cas, très probable par ailleurs, elle aurait juste perdu du temps...et gâcherait donc des ressources.
Il faillit lui cracher dans l'oeil lorsqu'elle entreprit de quitter la salle, le dépassant, alors qu'il soupirait encore de ce lamentable lancer de sabre. Elle continuait à se croire sage, forte et intelligente. Le Thyrsian secoua simplement la tête, pour une fois, plus dépité qu'enragé.

"Non. Tu n'as rien compris."

Le duelliste n'avait ni la sagesse, ni la patience, ni la méthode pour enseigner, c'est vrai...pas selon les critères standards. Mais en maître-lame solitaire, il considérait que son expérience, et sa vision crue, sans illusion, sans mensonge, demeuraient des leçons indispensables qu'il fallait au moins entendre.
Et en bon gladiateur interdit, il estimait également que la Force ferait le tri en temps voulu entre les faibles et les forts. Ne vivront que ceux qui le méritent, et succomberont les incapables. Toute cette affaire, ça ne le concernait plus.
Il haussa les épaules lorsque la morveuse quitta la salle, et attendit une minute, repassant l'entrevue dans son esprit. S'était-il trompé ? Et si elle avait dit vrai ? Et s'il pouvait suivre une nouvelle voie, plus grandiose, plus utile ? C'était une porte qui ne s'était pas encore fermée...le Conseil lui-même lui tendait encore la main, et d'anciens maîtres - ou des Padawans désespérés - espéraient encore le voir changer.

Avec un reniflement méprisant, Ses'Kai secoua la tête. C'était un chemin qu'il pourrait suivre, en effet...mais il s'y refusait, tout autant qu'il se refusait de succomber à l'appel simpliste des Siths. Il était, et resterait jusqu'à sa mort, un tueur. Sa place était au front, à la frontière entre la vie et le trépas, à accomplir l'impossible...parce qu'il le pouvait.
A son tour, il quitta la pièce, résolu à trouver quelque chose d'utile à faire en attendant que le Conseil se bouge enfin le cul à son sujet. Peu importait qu'il soit un chien enragé, pourvu qu'on l'envoie mordre la bonne cible plutôt que de le laisser pourrir à la niche !