Karm Torr
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Mila avait passé tout le trajet à regarder par dessus son épaule, malgré l’insistance de Karm pour qu’elle n’en fît rien. Si elle était suivie, son attitude avait définitivement alerté ses ennemis qu’elle en avait conscience et ils devaient avoir redoublé de précautions. Un brin contrarié par ce manque de professionnalisme, le Jedi avait fini par la laisser faire : après tout, il n’était pas non plus censé être un vétéran de ce genre de situations et ses conseils devaient reposer plutôt sur le bon sens que l’expertise.

— Tu es sûr qu’on puisse lui faire confiance, demanda la scientifique, pour la énième fois, dans l’ascenseur ?
— A qui ? Cal’ ? Totalement. C’est un agneau. Une crème. Il est adorable.
— On peut être adorable et…
— On peut lui faire confiance, coupa Ash, d’un ton sans appel.

Ils finirent par débarquer dans l’appartement où Luke les accueillit. Mila tenta de le déchiffrer d’un regard pénétrant mais, au fond, la jeune femme était plutôt habituée à démêler les algorithmes des machines que les intentions des gens. Elle n’avait jamais été une fine psychologue et elle se laissa rassurer par l’apparence peu menaçante du jeune homme en robe de chambre.

— Mila est une amie de Cabir, oui, expliqua Ash d’un ton dégagé, On bossait tous les trois sur un projet pour le groupe, mais apparemment, Cabir répond plus aux appels, et puis Mila a l’impression d’être suivie.
— C’est pas qu’une impression, insista la doctorante, après s’être servi un café, probablement superflu, étant donné son état de profonde agitation.

Elle s’assit sur le canapé, à l’autre bout, au bord du coussin, et ses doigts tapotaient nerveusement le bord de la tasse, alors qu’Ash, lui, se laissait tomber tout à côté de Callisto et, un bras passé sur le dossier, derrière son compagnon, il faisait mine de tenter d’envoyer des messages à Cabir, qu’on était probablement en train de hacher menu à l’autre bout de la Galaxie au même moment.

— Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ?
— Y’a des gens à qui tu as parlé de notre projet ? ‘Fin, de ta part, quoi, de la théorie, tout ça.
— Bien sûr que non, s’offusqua Mila.

Mais le regard de Karm était insistant et Mila était de toute évidence mal à l’aise.

— Après… bon… c’est vrai que sur certains forums, j’ai pu laisser entendre que je travaillais sur quelque chose d’intéressant…
— Je vois. Et tes sous-entendus, ils étaient précis au point qu’on pense que le travail était fini ?
— Tu crois que quelqu’un cherche me voler mon programme ?

Karm hocha lentement la tête.

— Alors pourquoi Cabir a disparu ? Il y connaît rien, lui, il sait même pas où se trouvent les fichiers.
— Si tant est qu’il ait disparu.
— Il te répond, à toi ?

Le Jedi jeta un coup d’oeil à son datapad avant de secouer la tête.

— Cal’ peut peut-être demander à Aurora de nous filer un coup de main, mais franchement, je parierais pas que les autres membres du groupe soient très portés à te protéger. Si Cabir s’est volatilisé, j’suis pas persuadé que les successeurs s’empresseront de reprendre ses projets. Au contraire.
— Attends, attends, interrompit l’informaticienne. Vous allez me sacrifier ?
— Hé, oh, y a pas de « vous », là. Cal’ et moi, on est pas dans tous leurs petits papiers, on en sait rien de ce qu’ils prévoient de faire, je dis ça vu de l’extérieur. Nous on est comme toi, hein, on essaie encore de comprendre toutes leurs histoires. J’sais pas si t’as remarqué, mais c’est pas les mecs les plus portés à la confiance et à la transparence.
— C’est vrai, concéda-t-elle.

Il y eut un moment de silence et, après cette hésitation, d’une petite voix, Mila glissa :

— Du coup, c’est pas entièrement impossible que j’aie un peu forcé leur transparence.[/color]

Karm haussa un sourcil.

— C’est-à-dire ?
— Ben… Comme Cabir voulait pas me présenter aux autres, que tout était toujours nébuleux, j’ai pris la liberté de visiter un peu ses fichiers et tout ça. De télécharger ce qu’il y avait d’intéressant. Au cas où quelque chose se passe.

Comme quoi, Mila n’était pas aussi déconnectée des réalités que Karm avait pu le croire.

— Tu veux dire que tu as une copie des fichiers de Cabir ?

Mila hocha la tête. De toute évidence, elle ne savait pas exactement ce qu’elle pouvait faire d’un tel moyen de pression, mais ce qui était certain, c’est qu’il y avait trouvé assez de détails compromettants pour s’assurer que Cabir ne se retournerait jamais contre elle. Et maintenant qu’il avait disparu, elle songeait à les utiliser pour forcer le GIH à lui offrir une protection contre ceux qui l’avaient prise en filature.
Luke Kayan
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En chiens de faïence dont l'un semblait clairement fissuré, Mila et Luke se contemplaient. La première à travers un regard qui se voulait pénétrant mais reflétait surtout la peur, le second par le biais de l'insoupçonnée, silencieuse voie de la Force. Plus apeurée que menaçante, Mila était certes intelligente, mais comme Karm l'avait remarqué, pas le moins du monde préparée à être pourchassée. Son QI ne l'avait pas protégé de sa propre arrogance qui l'avait poussée à se vanter de "Recherches intéressantes" sur des forums. Aboutie, ou supposée l'être, celle-ci aurait pu attirer n'importe quel chasseur de Brevet ou pirate informatique. C'était d'ailleurs possiblement le cas, bien que Luke croise les doigts -de pieds et de mains- pour ne pas avoir à gérer, en plus, des manias de la finance intéressés par le programme frauduleux de la doctorante. À l'instar de Rakki, Mila éveillait de façon très relative l'empathie du Hapien, mais il savait mieux le cacher, offrant à leur hôte un sourire timide qui correspondait au personnage. Calisto n'étant toutefois pas sensé être stupide, son air avenant se farda d'une peine grandissante alors que la jeune femme continuait son récit. Visiblement, l'étudiant en Histoire avait choisi de la croire et de s'en inquiéter autrement plus que le placide Ash, assis à ses côtés, un bras dans son dos.

- Mais c'est terrible. Nous sommes fichus. - S'inquiéta le gamin de la haute société, sans autre histoire pathétique que celle de l'accident qui l'avait inscrit sur la liste des malvoyants à l'hôpital privé La Miséricorde de Coruscant. De fait, il se serra un peu plus contre Ash pour se consoler/ rassurer, non sans lui lancer un regard de reproche dans le vague. "Je t'avais dit que tu allais encore nous fourrer dans une sale histoire."- Est-ce que vous croyez que Cabir aurait pu... Trahir le groupe?

Après tout, Calisto ne connaissait pas ce leader, il n'était pas sensé non plus, imaginer, que cet étudiant avait trop d'ambitions démesurées pour délaisser un tel potentiel. Lui fonctionnait tel un gosse souvent rejeté, la loi du "C'est fini, j'te parle plus pour une obscure raison." De fait il allait faire référence à une possible peine de coeur mais décida de ne pas surjouer. Effacé, le faux brun écouta attentivement ses aînés, essayant de saisir une situation qu'il avait simplement survolé, ombre de son petit ami qui l'entraînait dans de nombreuses aventures, souvent contre-productive pour une vie calme et stable. Puisque Mila ne semblait pas être une radicale convaincue, autant ne pas feindre de l'être. Un soulagement.

- Je ne sais pas si Aurora me répondras, je veux dire, elle s’inquiétera forcément pour Cabir, mais elle risque de chercher de son côté, de me... Nous exclure comme le dit si bien Ash. Nous avons quoi, discuté deux ou trois fois? Certains membres du GIH présents depuis des mois ne semblent même pas avoir accès à toutes leurs données. Je pense qu'il y a deux vitesses.

Le fameux pouvoir d'observation de l'intello en retrait, binoclard -dans son cas, au plus haut degré- ne faisait qu'abonder dans le sens de la doctorante. Luke voulait qu'elle se sente acculée, suffisamment pour leur livrer ces fichiers réunis sur Cabir. Ce serait possiblement la mine d'or qui leur permettrait d'achever plus tôt que prévu et avec des dégâts moindres, cette mission incongrue. L'allonger devenait risqué sachant que des philanthropes non-humains pourchassaient le groupe, sans oublier de possibles hackers ou riches industriels souhaitant dérober les connaissances de Mila. Le Hapien n'avait vu -enfin entendu- que très peu de ces holofilms rocambolesques racontant l'histoire d'un jeune cerveau poursuivi par des méchants à cause de son extraordinaire intelligence, mais le parallèle devenait évident, même si dans ce cas, la doctorante n'était pas une innocente. Le désir du challenge n'excusait pas la volonté de couper des gens quel-qu’ils soient des aides, de leurs papiers voir diplômes. Mais ça c'était une autre histoire.

- Depuis combien de temps es-tu dans le groupe?
- Je n'y suis pas vraiment, je bosse en externe. - Au début, ce constat semblait soulager Mila. Elle devait penser que ne pas trop s'engager dans le trou lui permettrait d'en ressortir plus aisément.-Mais je dirais depuis trois ou quatre mois.
- Même hors guerre, l'histoire a démontré qu'il y avait toujours des opérations d'espionnage, industrielles ou militaires, internes ou externes à la planète. Rufwold Kirsten, en exil, avait diffusé un manuscrit qui dévoilait la majorité de leurs méthodes ou fonctionnement, par pure vengeance après avoir été injustement -selon lui- considéré comme traître. Selon sa théorie, un des gros facteurs qui l'auraient poussé à être vu comme l'ennemi public était sa venue tardive dans l'équipe. Il étaye sa thèse en s'appuyant sur les expériences de divers scientifiques, qui malgré les époques différentes parvenaient à la même conclusion: c'est un mécanisme de défense, parfois irraisonné, de toutes les espèces que de rejeter, en cas de problème, cette minorité jadis acceptée en son sein. Il est plus facile de pointer du doigt la différence que d'accepter ses incohérences, et parmi ces différences, resurgit celle du temps d'intégration dans ledit groupe. Les autres membres s'unissent, se soutiennent et se consolent à travers leur point commun: nous-même sommes différents mais nous sommes tous réunis depuis longtemps. Elle ou lui, non. Où je veux en venir? Quoiqu'on fasse, je pense qu'on sera au mieux, suspects. Au pire... Déclarés coupables. Mila, deux ou trois mois, ça ne compte pas sur l'échelle de loyauté d'un groupe, surtout s'il était considéré comme un atome indépendant voguant autour. Nous on est présent depuis très peu de temps. À mon avis, on est tous dans la même galère et on va devoir sérieusement se serrer les coudes.

Ayant apparemment retrouvé son calme en puisant dans sa chère Histoire, le Chevalier avala une petite gorgée chaude de son café. Il essayait d'instiller en Mila cet instinct de groupe justement. Un trio formé par nécessité, pour survivre. Peut-être ne connaissait-elle pas bien Ash ou Calisto, encore moins que Cabir ou le GIH mais c'était les seuls à sa portée maintenant, d'autant plus qu'ils semblaient partager les mêmes ennuis.

- J'ai effectué quelques recherches aussi, j'aime savoir où je mets les pieds, et là on y allait carrément en aveugle. Donc. Bref j'ai peut-être des infos sur le GIH qui s'étend plus loin que l'Université...

Le Hapien laissa planer la surprise dans la salle. Il proposait implicitement à Mila, un échange de bons procédés, voir si elle le souhaitait, un boulot maximisé par trois cerveau et leurs propres connaissances: elle, lui qui jouait un peu aussi les intellos, et enfin Ash, intrépide, instinctif. C'était mieux que d'être seul, non?

[color:8b53=#violet]- Ok, vous avez un ordi? Mais... Vous d'abord, vous envoyez les infos en premier.

Fit Mila méfiante mais trop curieuse ou trop désespérée pour refuser. Luke attendit un mouvement de la part de Karm, un accord transmis par le froissement du tissu lorsqu'on se lève ou une légère brise dans la Force. Au point où ils en étaient, le Hapien songeait offrir à la doctorante une hypothèse concernant le lien entre l'Église et le GIH. Rose n'était pas au courant, Ross non plus estimait Luke, donc possiblement l'étudiante était-elle dans le même cas. Il donnerait l'impression d'un scoop alors que l'information n'était pas absolument nécessaire. Mila le devinerait peut-être, elle pourrait d'ailleurs y compris être déçue, tout en ayant la preuve de la bonne volonté du couple qui traçait difficilement son chemin dans les méandres de la jungle du GIH. Après tout, ni Ash ni Calisto n'étaient sensés être des professionnels de l'espionnage. Ils avaient sensément travaillé avec le peu de matériel et de connaissances à leur disposition, ce qui se résumait à des recherches hasardeuses, du bon sens, un cerveau bien construit mais guère plus.
Karm Torr
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Le bras d’Ash s’était refermé autour du fragile Calisto pour le rassurer, et ce geste protecteur n’eut guère d’effet que de nourrir encore l’inquiétude de Mila, qui en déduisait que ses ennuis étaient plus considérables que prévus. Après l’exposé de Calisto, elle sembla convaincu que non seulement le GIH ne l’aiderait pas à se débarrasser de ceux qui la suivaient, mais qu’il pouvait en plus se retourner contre eux pour leur faire porter le chapeau de la disparition de Cabir, ou tout du moins de l’éventement du plan de piratage.

Le jeune homme hocha lentement la tête quand Mila exigea d’avoir les informations en première. Il était clair qu’elle ne cherchait pas à les doubler. Elle manquait de sens pratique et se reposait désormais sur eux pour établir le plan qui les sauverait tous des dangers qui commençaient à s’amasser. Alors que Luke se levait pour récupérer son ordinateur, Karm sentit quelque chose dans la Force — mais trop tard.

La seconde suivante, la porte d’entrée volait en éclat et des hommes se ruaient dans la pièce, aux cris tonitruants de « Police de Coruscant, personne ne bouge ! À terre ! À terre ! ». Mila poussa un cri de terreur, alors que Karm s’exécutait avec sa placidité ordinaire. En quelques secondes, on leur passa des menottes magnétiques, avant de les relever sans ménagement pour les conduire dans les couloirs, tout en leur lisant leurs droits.

Fourgons speeder. On les séparait. Regards hostiles. Karm poussa un soupir.

Plus.
Jamais.
De mission d’infiltration.

*

— Vous auriez pu nous dire quelque chose.
— ‘Scusez, hein, mais l’équipe d’intervention était pas exactement très portée au dialogue.

L’inspectrice hocha l’une de ses deux têtes. Il n’avait pas fallu longtemps à la police de Coruscant pour démêler la véritable identité de deux de leurs prisonniers. Entre les appareils trouvés dans l’appartement et les prélèvements ADN qui les avaient placés dans le fichier de l’Ordre, les deux Jedis avaient été promptement découverts et, après s’être répandue en excuse, la Troig en charge de l’affaire les avait naturellement libérés.

Un bip se fit entendre dans les vestiaires, alors que Karm sortait de la douche qu’on lui avait généreusement offerte, avec des cheveux qui avaient enfin repris leur couleur argentée ordinaire.

— Votre collègue… partenaire… tandem… euh…

Comment est-ce qu’on appelait deux Jedis qui travaillaient ensemble ?

— Luke, suggéra un Karm secourable à la policière.
— Oui, voilà. Il vient d’arriver. J’espère qu’il ne sera pas trop fâché.

Karm avait du mal à jauger de l’âge de Arnia Bov, parce que la physiologie des Troigs ne lui était pas familière, mais il supposait que cette enquête était l’un de ses premiers gros cas et que la perspective d’avoir brossé l’Ordre Jedi dans le mauvais sens du poil la faisait stresser. Il lui accorda un sourire rassurant.

— Pas son genre.

Il acheva de se rhabiller et prit le sabre laser que lui tendait l’inspectrice, avant de lui emboîter le pas dans les couloirs bruyants d’un commissariat qui ne dormait jamais. La population bigarrée de criminels, de petits délinquants et de policiers de Coruscant bouillonnait là, de l’ivrogne aux prostituées, du meurtrier suspectée au trader indélicat. Bov finit par pousser la porte du bureau où l’on avait conduit Luke, après s’être abondamment excusé auprès de lui aussi, et lui avoir restitué toutes ses affaires.

— Inspectrice Arnia Bov, déclara la policière à Luke, en lui tendant l’une de ses quatre mains.

Karm s’assit à côté de son compagnon, alors que Bov commençait ses explications.

— Cette nuit, on a reçu des indications anonymes, sous forme électronique, à propos des agissements du GIH. Comme vous vous en doutez, on suivait ce petit groupe de loin depuis un moment, mais faute de ressources et faute de pistes, le département n’était pas vraiment sur leur dos tout le temps. Mais ces infos décrivaient des crimes précis, contre des non-humains, avec des dates, des heures, et des codes d’accès numérique. Nos informaticiens se sont penchés sur les clouds qu’on nous a indiqués et, quand on a pu tout confirmer, on a réalisé un coup de filet. Comme on vous avait identifié lors des surveillances…

Karm hocha la tête.

— Votre indic’ anonyme, c’est Cabir. Enfin. Façon de parler. Cabir a été kidnappé par des mercenaires, l’un d’entre eux interrogé en ce moment par les Sentinelles de l’Ordre. Les mercenaires ont été financés par un non-humain décidé à mettre un terme aux activités du GIH. J’imagine qu’il a été brutalisé pour lui soutirer ces informations et qu’on vous les a transmises pour que vous démanteliez le groupe.
— Brutaliser comme dans torturer ?
— J’en ai bien peur. Avec un peu de chance, les Sentinelles auront réussi à faire parler le mercenaire pour lui soutirer le nom de son commanditaire.
— Et la fille ?
— Mila ? Une pirate informatique enrôlée par Cabir pour créer un virus afin d’infecter les serveurs universitaires et d’effacer les dossiers des non-humains. Apparemment, elle s’est un peu vantée de sa création sur le dark holoweb et des clients un peu insistants ont commencé à la prendre en filature, on suppose pour lui voler son virus. Vous devriez pas avoir trop de mal à la faire craquer, elle est déjà méga stressée. Mais Luke a aussi des infos sur les liens du GIH avec l’Odyssée Humaine.
Luke Kayan
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Le temps s'était écoulé, long, incertain et tremblant à l'image de la coloration qui parsemait ses cheveux. Luke sortit des vestiaires, dubitatif, plongé dans ses rélexions. Son cerveau essayait d'assimiler le brutal changement de situation que ses yeux n'avaient même pas pu l'aider à saisir. L'envergure des conséquences, le positif et le négatif. C'est encore partagé, les genoux quelques peu égratignés après l'intervention musclée de la police que le Jedi rejoignit l'inspectrice Bov. Il achevait de raccrocher son arme à sa ceinture lorsque la porte s'ouvrit, dévoilant l'aura nette, rassurante de Karm ainsi que celle, insensible, plus confuse de la femme. Le Consulaire sentit une décharge d'inquiétude s'injecter dans la Force, chatouillant la porte de son esprit sans qu'il n'imagine être la cause du remous modéré après avoir royalement ignoré la main tendue. L'offense présumée fut rapidement effacée par la proposition de Luke d'offrir son autre main. Étrange ballet, interlude humouristique au milieu du drame. S'il comprenait que de tendre sa paume faisait partie du code social de la majorité des espèces, le Chevalier répétait immuablement le même rituel, c'était lui qui donnait la sienne, mécanique. Il évitait ainsi de se tromper de cible. Un peu gênée, l'inspectrice redirigea la sienne pour le saluer avant de lui indiquer un siège. D'un geste.

-Ah oui, pardon, vous pouvez vous assoir.

Inutile d'essayer de lire ses émotions, le visage de Luke était impassible. Il n'avait pas conscience de la préoccupation de la Troig, d'ailleurs contrarié sans être fâché, très au fait que le hasard les avaient mené à s'emmêler. En vrai, il était surtout concentré sur le sondage de Karm afin de s'assurer que ce dernier allait bien et de s'enquérir de son état mental. -était-il énervé? Apaisé?- puis sur la mission. Laissant ses deux interlocuteurs discuter, le Jedi se demandait s'ils pouvaient encore appliquer leur précédente idée: procéder à une fausse arrestation pour replonger au coeur du GIH en prétextant que les riches géniteurs de Calisto les avaient sorti de ce mauvais pas. Pour le coup, ce serait on ne peut plus réaliste, mais le Hapien était conscient du danger que cela représentait. Aurora n'était pas stupide, outre le fait de les soupçonner vis-à-vis de la disparition de Cabir et parce qu'ils étaient dans le groupe depuis peu, elle pourrait décider de les faire taire. Cela ne l'étonnerait même pas. Il avait senti au moins autant de noirceur chez elle que chez son idole, même s'il était plus chaotique, basé sur des raisons d'être vacillant entre le romantisme fou et l'illogisme parfait. Cabir, lui, avait emprunté un sentier beaucoup plus froid, aseptisé, davantage dangereux étant donné le manque de sentiments dont il faisait preuve. En fait, l'infiltration n'avait plus lieu d'être. Comme l'avait signifié son compagnon, Luke disposait d'informations reliant le GIH et l'Odyssée Humaine. Il pourrait étudier les projets du second en externe. S'ils ne disposaient pas d'autant d'indices que le Chevalier aurait souhaité, parce qu'il aimait assurer aussi bien ses arrières que ses "devants", mieux valait savoir s'arrêter quand il le fallait. Pour Karm, aussi. Le Jedi le savait mal à l'aise avec ce type de mission malgré sa débrouillardise, admirable selon lui.

- Mila recherche une protection avant tout. Le programme de protection des témoins pourrait être alléchant pour elle. Ceci dit, elle ne sait que peu de choses sur le GIH. Je pense que Rose en sait davantage et serait tout aussi "facile" à convaincre. C'est néanmoins une jeune fille sensible, fragile. J'aimerais donc l'interroger personnellement. Quitte à transmettre les questions du Comissariat.

- Elle pourrait se montrer agressive, surtout acculée, trompée comme elle est, ou ne pas être seule.

La Troig avait croisé deux de ses bras tandis que ces mots franchissaient difficilement la barrière de ses lèvres. Le jeune Jedi se rendit compte de la tension qui émanait, discrète mais perceptible, de sa voix, admirablement contrôlée. De fait, si Luke n'avait pas eu l'oreille aussi entraînée, sans doute aurait-il du recourir à la Force pour deviner son état d'esprit. Il valorisa son courage de s'opposer à des Chevaliers, indirectement à l'Ordre alors que cela semblait la préoccuper.

- Je suis Jedi. - Répondit-il d'un ton soigneusement adouci, ce qui eut pour effet de relâcher les épaules de la bicéphale.- Pas infaillible, encore moins spécialisé dans le combat, mais un Jedi. Je saurai la maîtriser. Je vous passerai les informations que j'ai.

Si erreur il y avait eu, la faute n'était pas de Bova, sinon de l'équipe partiellement au courant de l'infiltration. Avant de venir sur Coruscant, les deux Jedis avaient pris contact avec la police afin de rassembler des informations sur l'Odyssée Humaine. C'était d'ailleurs ce bureau qui les avaient brieffé, peu mais assez pour qu'ils lancent l'enquête. Ne pas avoir avisé la Troig d'intervenir était une erreur que le Jedi voulait s'assurer de démontrer avant de dire quoique ce soit, se plonger dans ses chers papiers administratifs et faire trembler certains policiers. Peut-être que leur contact avait sous-estimé Bova, ou qu'il ne désirait pas être doublé, mais dans tous les cas, au calme dans ce bureau, Luke mesurait combien ils avaient de la chance. L'intervention ne s'était pas trop mal passée, ni à un moment trop délicat.

- Je pense que nous pourrions lancer un avis de recherche pour retrouver Cabir, que ce soit en tant que victime potentielle de séquestration ou coupable. Karm, tu pourrais témoigner au besoin que les craintes de Mila étaient fondées, que vous étiez possiblement suivis?

Voilà qui devrait permettre d'enclencher la procédure bien que Cabir soit majeur et qu'il faille normelement attendre 48 h avant de lancer les recherches.

- Nous pourrions en profiter pour visiter sereinement sa chambre ou l'endroit où ce mercenaire et ces filles sont apparus.

Luke se sentait un peu coupable mais il savait que c'était nécessaire. En jouant sur les restes de gêne éprouvés par l'inspectrice, le jeune homme espérait obtenir certains passes-droits, dont celui de rester en première ligne sur cette affaire. Il prenait toutefois soin de ne pas la laisser en dehors, notamment en lui offrant toutes ses données sur le GIH, l'Odyssée Humaine et ce qu'il avait pu récupérer sur les membres. Comme les Jedis ne recherchaient généralement ni la reconnaissance, ni le gain de galon, ils n'étaient pas avares, ignorant -ou presque- le sentiment de compétition avec les autres services. En évoluant en parallèle, la Troig pourrait transformer cette affaire en un A+ sur son CV et établir de bons liens avec l'Ordre. Du moins avec ces deux chevaliers. L'homme aux cheveux argentés, sa flegme et son sourire rassurant lui plaisaient, quant au blond, il n'avait pas l'air ni roublard, ni pénible comme elle avait pu le craindre de quelqu'un qui a une tronche, jolie mais une tronche de fonctionnaire coincé quand même.

Quant à Luke, il suggérait de continuer la mission -qui se transformait en investigation désormais.- pour s'assurer que Rose et les autres étudiants paumés ne soient pas mis dans le même panier que Cabir ou Aurora. Une envie de fermer la boucle le motivait aussi, pour Karm qui s'était lancé dans cette affaire armé de suspicion. Autant finir sur la meilleure note possible. Mais ce dernier le souhaiterait-il? Sondant sa réaction via la Force, Luke se prépara à la réponse, positive ou négative. Quoiqu'il choisisse, le blond soutiendrait son ami.

- On n'aura pas Karim mais ce serait bien de boucler la maximum de gens, une belle grosse prise, ou alors récupérer des infos sur le nombre et le nom des fidèles pour une prochaine enquête si besoin, attendre qu'ils se relâchent.

L'inspectrice ne lâcherait pas, elle avait prit en grippe ces racistes, vu ses deux têtes cela pouvait se comprendre. Luke lui sourit légèrement, se voulant encourageant sans être euphorique. Il ne faudrait pas qu'elle s'obsède.

- On peut compter les uns sur les autres?

Un pacte entre services différents? Je partage mes infos et mes capacités si tu le fais? Cpmme à l'ancienne? Ça manquait de rigueur, mais pourquoi pas...
Karm Torr
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Les yeux de Karm parcouraient à toute vitesse les rapports préliminaires que la Troig avait fournis aux juges de Coruscant pour obtenir ses mandats de surveillance. Son enquête avait été sérieuse. Elle avait su faire parler les victimes du GIH, motiver les témoins et ceux qui, sans être vraiment complices, s’en étaient laissés trop dire. On l’avait autorisée à mettre les membres sur écoute. Cabir et Aurora avaient toujours été très prudents, mais quelques informations avaient filtré, assez pour avoir des mandats d’arrêt, cette fois.

Quasiment tout le GIH était désormais dans les cellules du commissariat dans le district duquel se trouvait l’Université. Rose, Aurora et les autres avaient troqué le confort de leurs chambres d’étudiants pour les murs aseptisés des forces des forces de l’ordre. Il y aurait des interrogatoires, et l’on pouvait à bon droit espérer que tout se consolide. Que les uns passent des accords avec le bureau du procureur. Restait à trouver le maillon faible, celui qui ferait remonter du GIH à l’Église.

Karm releva les yeux des documents et hocha la tête, tandis que son assentiment se propageait à travers la Force à Luke.

— Bien sûr, on va vous aider, comme a dit Luke.

Ne serait-ce que parce que, pour sa part, il s’était engagé auprès d’Aurel et qu’il voulait regarder son ami droit dans les yeux et lui assurer qu’il avait fait tout son possible pour éradiquer la menace.

— Luke va interroger Rose, si ça vous va… ?

Il sonda l’inspectrice du regard et elle hocha l’une de ses deux têtes. Karm ne doutait pas qu’elle surveillerait l’interrogatoire depuis le miroir sans tain et c’était bien normal. Tout cela relevait toujours, in fine, de la juridiction républicaine et, de son point de vue, les Jedis n’avaient vocation qu’à être des facilitateurs, certainement pas à se substituer à la police civile.

— Moi, pendant c’temps, je vais faire un saut au Temple pour voir ce qu’il en est de l’interrogatoire de notre mercenaire, discuter avec les Sentinelles, et organiser le transfert d’infos. J’imagine qu’il y aura pas de problème à ce qu’on vous le ramène ici pour que vous puissiez reprendre le flambeau, on en profitera pour se retrouver et faire le point, avant de repartir enquêter sur le terrain.

Le jeune homme ne s’en rendait pas compte mais, comme il arrivait de plus en plus souvent depuis quelques mois, il avait naturellement pris la direction des opérations. Son ton n’avait pas été autoritaire, mais simplement, il se sentait de plus en plus à l’aise avec des responsabilités et, l’infiltration finie, il se retrouvait en terrain moins inconnu. Comme le plan qu’il proposait était de toute façon le plus ordinaire, l’inspectrice ne fit pas de difficultés à l’approuver.

— Je vais donner l’ordre de transférer Rose dans une salle d’interrogatoire, déclara-t-elle finalement, avant de les laisser seuls un moment dans le bureau.

Karm se tourna sur sa chaise pour regarder Luke.

— Moi, j’prends ça comme une victoire personnelle que l’infiltration ait pas capoté à cause d’une de mes erreurs à moi. En fait, elle a pas capoté du tout. Entre ton contact avec Rose, la capture du mercenaire, les demi-aveux d’Aurora, j’pense qu’on a quand même pas mal avancé. Peut-être même plus qu’on aurait pu raisonnablement l’espérer en quelques jours. ‘Fin bref.

Au fond, il y avait lieu d’être optimiste. Autant qu’ils en savaient, l’Odyssée Humaine se reposait beaucoup sur sa base étudiante pour recruter du sang frais et ranimer l’enthousiasme moribond de ses troupes. Même si Karim pouvait en réchapper, ce qui n’était pas encore certain, l’organisation serait à nouveau anémique et ce nouveau coup dur, qui s’accompagnerait à n’en pas douter d’innombrables perquisitions, conduirait inévitablement les fidèles les plus prudents à s’éloigner de l’Église.

Le Gardien se pencha à l’oreille de son partenaire pour murmurer :

— T’es beaucoup plus mignon quand t’es pas déguisé.

Un éclat malicieux dans la Force plus tard, il se relevait pour quitter le bureau, croisant au chemin l’inspectrice qui revenait chercher Luke, pour lui indiquer la salle d’interrogatoire qu’occupait désormais Rose. Karm, lui, gagna les transports publics pour rejoindre le Temple et se frayer, dans ses couloirs monumentaux, un chemin jusqu’à l’aile occupée par les Sentinelles. Il y régnait, comme souvent dans les bureaux jedis, une atmosphère studieuse.

Le jeune homme n’eut pas de mal à trouver la salle d’observation d’une autre salle d’interrogatoire, où son séduisant mercenaire répondait avec la même décontraction qu’il lui avait toujours vue aux questions d’une Bothane sur laquelle son charme ne faisait, hélas pour lui, aucun effet.

— Alors, demanda Karm à l’autre Chevalier qui observait la scène ?
— On l’a laissé un peu dormir et on a repris les questions ce matin. Il n’est pas exactement très coopératif, mais c’est un pragmatique, il comprend bien où est son intérêt. Si vos arrestations prouvent que son intervention a fait obstruction à une enquête, je pense qu’il se mettra à table. L’inspectrice t’a fait quel effet ?
— Pas ma spécialité, pour être honnête, reconnut l’Ark-Ni, mais plutôt pro, ouverte à la coopération. Pas très expérimentée dans ce genre d’enquêtes, mais pour autant, elle m’avait l’air capable et tout. Luke est encore avec elle, pour interroger une complice du GIH.

Le Sentinelle hocha la tête.

— On va peut-être leur transférer notre prise, alors. Se retrouver dans un commissariat, ça devrait le motiver encore un peu plus.
Luke Kayan
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- Et bien sache que moi je te trouve mignon même avec un déguisement.

D'abord lancée avec malice, la phrase s'éteignit dans un bruit mat, étouffé: Luke se rendait compte de la vrai nature de son sous-entendu. Entraîné par l'humour de Karm, il l'avait faussement réprimandé quant à son désir apte à changer suivant un détail aussi futile que l'apparence, une seconde, poussière de grain du sablier avant d'être rattrapé par son habituelle timidité. Sa gêne et ses questionnements certainement plus superficiels que la remarque de son ami: La Troig avait-elle deviné? Cette race possédait-elle une ouïe développée? Qui voyait leur relation? Qu'en pensait-on? Plus le lien entre eux se resserraient, plus le Jedi était conscient que l'heure de se confronter au monde approchait. Il était aveugle mais pas stupide, à force de côtoyer des gens aux yeux bien aiguisés, la leçon était d'autant mieux rentrée: des détails comme une main qui glisse, un sourire qui flotte, un regard ardent et tempétueux. Cela leur suffisait pour deviner. Pour juger. D'autre part, il avait terriblement envie de dénouer, enfin, la situation. Parfois, à ce titre, Luke se montrait plus ouvert, élan spontané de l'oisillon courageux qui veut se lancer hors du nid... Avant de freiner sur les rebords couverts de paille et se jeter en arrière pour retomber dedans. Presque, mais pas encore. Bientôt, peut-être? Toujours est-il que sa spontanéité surgissait chaque jour de plus en plus, le rassurant quant à ses progrès, l'inquiétant, non, le terrifiant vis-à-vis de l'Ordre voir de n'importe qui.

L'heure n'étant ni à la joie, ni à la tristesse exacerbée d'ailleurs, le Chevalier hocha la tête. Ils n'avaient pas échoués, c'est vrai. Pas gagné non plus. Pas encore. Luke accompagna le départ de son ami d'une onde chaleureuse, beaucoup moins sur la retenue qu'au Temple. C'était facile lorsqu'on savait que sur ce terrain, aucun des agents n'était capable de capter sa tendresse.

De la même manière qu'il l'avait spécifié dans le camps des explorateurs, le Hapien suivit docilement des "ordres" justes. Karm menait chaque jour davantage et s'il n'était pas un mauvais leader, le blond était surtout un excellent suiveur. Il possédait cet esprit critique apte à refuser un ordre mal pensé ou s'éloignant de la route soigneusement asphaltée, délimitée de sa morale mais acceptait volontiers les autres. L'inspectrice guida donc un Chevalier tout à fait disposé à l'écouter jusqu'à la prochaine salle. Il accepta de plusieurs hochements de tête - qui continuaient de surprendre de la part d'un aveugle.- ses conditions. Là où la voix de la Troig était d'abord incisive, faussement dure car sur la défensive, elle devint rapidement agréable, douce. Luke accepta la majorité de ses conditions, hormis celle d'être accompagné par un agent. Installée sur un siège large capable d'accueillir son corps volumineux, l'Inspectrice appuya ses deux têtes sur le grand dossier et alluma les micros pour enregistrer l'interrogatoire. Elle y était d'autant plus attentives que le Chevalier lui avait promis de la laisser travailler les bandes avec son équipe sans intervenir, sans chercher à en retirer un quelconque mérite. Ce serait le nom de Bova qui serait associé à ce dossier somme toute- à son échelle- ardent, de quoi faire un bon dans sa carrière.

**
*

Ruisselets fragiles, les mèches courtes de Rose serpentaient dans toutes les directions, leur couleur vive contrastant avec le triste vert eau de la table. Une table aux piliers en métal, froids, scellés au sol. Le carrelage résonna, indiquant qu'on entrait. Rose leva son visage bouffi, dévoré par des heures de chaudes larmes, ses yeux hagards, diminués et cernés changèrent, adoptant le ton d'une colère brûlante, vive, spontanée. Le doigt de l'inspectrice frôla passionnément une bouton, celui de la sécurité et elle se contint uniquement à cause de sa promesse faite à Luke, le laisser au maximum seul avec la fille. Sauf en cas d'urgence. Rose se rassit et s'effondra en larmes. Son doigt s'éloigna, tremblant légèrement du bouton.

- Tu m'as trahie! Je pensais que t'étais mon ami!
- Bonjour Rose.- Commença Luke doucement, cachant savamment sa contrariété. Il avait espéré faire ses aveux à l'étudiante, pas qu'elle soit mise au courant via x ou y procédé et ait le temps de remâcher cette information.- Je ne suis pas celui que tu penses, effectivement. Du moins, pas complètement. Ma proposition de parler aux autorités pour te protéger était sincère. Si tu collabores, je pourrais t'aider.
- Et pourquoi je devrais te croire?... Calisto?
- Parce que je suis Jedi.
- Voilà autre chose!
- Parce que je suis Jedi, donc, et que je suis là pour apporter mon aide à ceux qui en ont besoin. Toi en l’occurrence.
- Je suis une criminelle.
- Non. Tu as commis des délits et devra payer pour, mais ta vie ne s'arrête pas à cela. Tu as surtout fait une erreur, provoquée par la solitude bien plus que le racisme. Et la punition qui découle de ceci n'est certainement pas la peine capitale, d'autant plus si tu collabores.

Rose fit mine de réfléchir un moment, soupira, avant de répondre au prétendu Calisto, d'un ton froid où ne perçait plus aucune amitié. Étrangement l'idée perça le coeur du Jedi, même s'il était convaincu de bien avoir agi. L'étudiante se rendrait compte plus tard, peut-être des années après, que l'intervention de la police et par extension des Jedis infiltrés avaient coupé court à un cercle vicieux inextricable auquel elle aurait contribué, volontairement ou malgré elle. Au fond, n'avait-elle pas déjà émis sa crainte des autres membres du groupe, surtout Cabir?

- La police a débarqué dans la résidence en enfonçant les portes.- Reprit-elle sur un ton accusateur.-
- Je sais, elle l'a aussi fait chez Karm, enfin Ash et moi. C'était une action parallèle dont nous n'avions aucune idée. J'aurais voulu pouvoir discuter tranquillement avec toi.
- Quand? Tu comptais me tromper encore longtemps?
- Non, bien sûr. Il nous manquait peu d'éléments, je serais venu pour te parler. De fait, j'essayais déjà de t'envoyer cers les autorités, tu te rappelles? Chacun de mes mots étaient vrais.
- Y avait-il quelque chose de vrai dans votre jeu à toi et à Ash ?
- Oui. Je te l'ai dit, nous souhaitons aider les membres comme toi, ceux qui évoluent malgré eux avec, et plus en périphérie.
- C'est triste de se faire passer pour un couple d'étudiants pour tromper des gens. Tu le sais ça?
- Ce serait encore plus triste de te voir dans quelques années, Rose.

Pour la première fois, un mini sourire malicieux, un peu défiant habilla les lèvres de l'étudiante.

- Et le handicap, j'veux dire, pourquoi ? C'était pour m'attendrir? T'es même pas malvoyant, hein!
- Effectivement. Je suis aveugle.

Rose ouvrit de grands yeux, cessa de respirer une seconde avant... D'exploser littéralement de rire. Un rire dont on ne savait pas s'il exprimait une certaine joie, un amusement enfantin ou de la nervosité. Peut-être un peu des trois.

- Alors, est-ce que tu voudrais revenir sur ta déclaration de vol d'ordinateurs et expliquer comment tout ceci fut organisé par le GIH?


Hochement de tête discret. Silence. Rose comprit son erreur.

- Ah oui, c'est vrai. D'accord. Mais je veux un accord en bon et du forme de réduction de peine.

Elle jouait les durs pour la forme, démontrait qu'on ne l'aurait pas une seconde fois, qu'elle n'avait pas confiance. Mais était-elle, elle, vraiment sincère? Qui lui restait-il à part le faux Calisto?

- Luke.
- Pardon?
- Je m'appelle Luke.

Elle leva les yeux vers la vitre sans teint, la transperçant d'un regard intelligent. Dans ce trou, c'était lui sa seule connaissance. La Troig qui s'était prise au sérieux, froide, distante la terrifiait comme à peu près tout le monde en ces lieux.

- Moi c'est Rose.

Sa main droite chercha à rencontrer celle de son interlocuteur, entraînant la gauche enserrée par des menottes. Luke entendit le cliquetis s'avancer, il tendit sa propre paume. Furtivement le métal caressa sa chaire, le faisant légèrement frissonner. Il s'imagina à la place de cette gosse de riche, déçue par son amie Twi''Lek, traîtresse, sa descente au sein de l'indécence, sa crainte des foudres de ses parents. Qu'il était heureux, soulagé d'avoir grandi dans le Temple, préservé.
Karm Torr
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— Ah, j’étais sûr qu’on se reverrait.

Amal, le séduisant mercenaire, n’avait pas l’air le moins du monde troublé par sa captivité aux mains des Jedis. En bon professionnel, il savait pertinemment que dans cette affaire, c’était encore lui qui avait la plupart des cartes. Il n’était que le maillon d’une chaîne que ses interlocuteurs étaient pressés de démanteler et ses informations essentielles lui garantissaient presque la liberté. S’il se faisait prier, c’était pour être bien certain de ne pas prendre de risques inutiles.

Il adressa en tout cas son sourire le plus charmeur à Karm.

— T’es beaucoup plus amusant que les deux zigotos, là, poursuivit-il, en désignant d’un geste de la tête les deux Sentinelles qui l’encadraient.

L’Ark-Ni eut un sourire en coin. Il aimait bien les tempéraments forts, et même un peu provocants. Et ses propres rencontres avec les Sentinelles lui avaient laissé surtout des mauvais souvenirs : voir le mercenaire les faire tourner un peu bourrique n’était pas sans éveiller en lui un malin plaisir. Sans répondre, il ouvrit la marche et ils grimpèrent bientôt tous à bord d’un airspeeder de transport, qui décolla en direction du commissariat.

— Parait que t’es pas très coopératif, déclara le Gardien, alors que l’appareil progressait tant bien que mal dans les couloirs aériens constamment embouteillés de la ville-monde.

Amal haussa les épaules.

— T’es beaucoup mieux avec ces yeux-là. Et ces cheveux-là.
— J’parie que j’suis tellement mignon que tu brûles d’envie de me dire tout ce que tu sais, répliqua le jeune homme d’un ton égal, comme s’il lisait le manuel d’instruction d’un nouveau vibromarteau.
— Presque.

Les deux Sentinelles assistaient à cette étrange scène avec une expression fermée, indéchiffrable. Celle d’Amal se fit rapidement plus sérieuse.

— Vous en êtes où ? De votre enquête, je veux dire.
— Ça t’intéresse ? T’as fait ta part pour ton employeur.
— Hmm…

Le mercenaire eut un temps de réflexion.

— Si j’balance mon employeur et que vous arrivez pas à arrêter qui que ce soit, ça me retombera fatalement dessus. Si je le balance mais que vous en êtes au point de démanteler l’organisation des tarés de service, c’est très différent.
— Donc tu parleras quand tu seras sûr qu’on est sur la bonne voie ?
— Disons que mes informations se noieront dans la masse si elles arrivent en plein coup de filet.
— On vous emmène au commissariat, intervint l’un des Sentinelles. La police a arrêté beaucoup de suspects à l’aurore et l’organisation étudiante est anéantie.
— Et les mecs qui tiraient les ficelles ?
— C’est une autre histoire, reconnut le Jedi.

Amal hocha la tête et se replongea à nouveau dans ses pensées. Sous ses dehors cabotins, il était un jeune homme efficace et méthodique, qui savait doser les risques. Toute cette affaire méritait plus ample considération.

Quelques minutes plus tard, le speeder accostait à l’immeuble démodé qui abritait le commissariat le plus proche de l’université. Amal fut libéré de ses menottes magnétiques et conduit dans une salle d’interrogatoire. Du coin de l’oeil, Karm vit que le mercenaire, sans doute par réflexe professionnel plus que par dessein formé de s’évader, repérait les issues et les caméras de sécurité. Mais un Sentinelle resta posté avec lui dans la salle d’interrogatoire, alors que le Gardien allait pour sa part rejoindre Bova.

— Ca s’passe comment ?
— Ah, c’est vous. Il se débrouille plutôt bien, comme vous pouvez le constater.

Karm observa la silhouette de Luke, de dos, par le miroir, qui conversait avec Rose.

— Je pense qu’elle va nous dire des choses. Mais je ne suis pas sûr qu’elle en sache beaucoup sur les échelons supérieurs.
— J’doute que ce soit le cas d’aucun d’entre eux. Mais on vous a ramené notre mercenaire.
— Déjà ?

L’Ark-Ni hocha la tête.

— Nos enquêteurs sont d’avis que le changement de décor le motivera.
— J’en déduis qu’il n’a pas été très coopératif jusque là.
— Oui et non. Il est prêt à passer à table, s’il est convaincu qu’on peut faire un gros coup. Histoire que ses infos se noient dans la masse, quoi. Faudrait que vous l’en convainquiez. Mais j’vous préviens, c’est un pro.

A travers la Force, Karm perçut l’incertitude de son interlocutrice. Il se détourna du miroir pour l’observer.

— C’est votre premier mercenaire ?
— J’ai plutôt l’habitude des petits délinquants.
— J’comprends.

L’Ark-Ni ramena derrière son oreille une mèche de cheveux argentés.

— Ecoutez, j’suis pas un expert des interrogatoires ni rien, mais à mon avis, la clé, c’est d’le considérer comme un pro. Il est un peu provocant, mais c’est surtout pour que vous le sous-estimiez. Pour que vous soyez pas sur vos gardes. Rappelez-vous que c’est un pro, un mec rationnel, qui fait son boulot, qui cherchera son intérêt, présentez-lui les choses pas par la menace ou les sentiments, mais pragmatiquement, et vous devriez pouvoir trouver un terrain d’entente.
Luke Kayan
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- Donc tu serais prête à déclarer que tu as porté plainte pour le vol de ton ordinateur afin de brouiller les pistes, prouver que les humains aussi, et accessoirement des membres du GIH avaient subi la vague de méfaits dans les dortoirs.
- Par écrit. Pas au tribunal. Ça compte quand même?
- Oui. Ne t'en fais pas.

Rose et Luke travaillèrent encore un bon moment, enchaînant confessions géographiques sur un plan du campus et des dessins qu'il ne voyait pas mais gardait soigneusement, des noms et des propos qui s'étaient tenus. Rien d'exceptionnellement grave mais de quoi ajouter quelques mois de peine, voir un ou deux ans sur les épaules des Grands du GIH. Si la théorie des dominos fonctionnaient, pressés par les aveux de Rose, les Intermédiaires donneraient quelques informations plus intéressantes en échange d'une clémence et ainsi de suite.

- Tu sais, mon amie Twi''Lek, celle dont je t'ai parlé.- Commença, hésitante la jeune humaine. Voir Luke lever les yeux et chercher son regard l'encouragea, elle inspira profondément.- - J'avais 15 ans, ça ne m'a pas juste soûlée parce que c'était une bonne amie. Il y avait. plus. Je crois... Que je l'aimais. Et encore aujourd'hui.

Le Chevalier posa doucement la pointe qui servait à percer des feuilles de papier, déjà martyrisées de la sorte depuis une heure et demie. Quelqus minutes auparavant, la Force qui se moquait du plexiglas avait traversé la salle d'interrogatoire pour accueillir Karm. Le Hapien l'avait senti arriver malgré la concentration qu'exigeait cet interrogatoire où, Rose, fragile, pouvait se rétracter n'importe quand. Désormais qu'il avait obtenu ce qu'il désirait de sa personne, Luke pouvait ranger ses affaires, simplement partir pour éviter de s'engouffrer dans cette brèche. Il ne s'y résolut pas, pourtant, les yeux toujours rivés sur un point qui se trouvait être le front de Rose. L'étudiante réajusta son angle de vue pour plonger ses prunelles dans celles bicolores du Jedi.

- Je me sentais triste, trahie, en colère, d'autant plus que c'est elle qui m'avait... Initiée l'été d'avant. Seule je n'aurais jamais osée, elle m'a fait des câlins, m'a dit des mots doux, puis elle m'a abandonnée.
- Je ne pense pas que tu sois la coupable. À cet âge un an implique de très nombreux changements hormonaux et comport...
- Je n'ai plus de cours de biologie depuis 6 ans Cal´- Le concerné ne corrigea pas cette voix amère, chagrine, désabusée qui s'était trompée sur son identité.- - Elle osait. C'était ça le truc. En y repensant, j'crois que j'étais chiante à mourir. J'voulais pas qu'on nous voit, j'avais honte. J'ai pas vu les signaux de son mécontentement. Elle voulait crier notre amour au monde entier... Et moi j'avais trop peur. De mes parents, de la société, de la réaction des gens. T'imagine, deux filles ensemble? Enfin t'as joué le rôle un peu, avec Ash mais... Enfin, tu ne peux pas comprendre.
- Je crois que si.
- C'est ni dans les cours, ni dans la Force ça. Ya rien qui explique sinon la prat... Attends. Ash? - Luke se savait observé, il résista au "non" qui entraînait déjà sa tête dans la danse si parfaite, si facile de la négation.-

- Oui. Je pense que tu devrais l'appeler.
- Qui?
- Cette fille.
- Elle va me détester!
- Tu es persuadée qu'elle te hais, non? Alors dans le pire des cas, elle ne fera que te le confirmer. Moi je crois que tu devrais l'appeler, lui parler avant qu'elle ne le découvre dans les médias. Lui expliquer pourquoi tu as rejoint ce groupe raciste. Lui dire que tu es prête, si tu l'es.
- Je ne veux que ça. Je regrette tellement d'avoir privilégié mon confort. De l'avoir perdue.
- Alors ne privilégie pas encore une fois ta crainte. Ne refais pas cette erreur.
- Toi non plus...

Un sourire pour unique réponse, le Chevalier aux joues rougies par son aveu devant Bova et peut-être d'autres membres de la police sortit de la salle. Il se râcla la gorge, faisant comme si de rien n'était face à Karm ainsi qu'à la Troig. Retrouver son souffle fut difficile, le rendant d'autant plus coupable. Il n'avait pas pretexté une relation homosexuelle pour attendrir la suspecte comme cela arrivait parfois. C'était la première qu'il avouait à vive voix et surtout en-dehors du cercle très fermé du Temple. C'était dur mais libérateur.

- Rose n'est pas au courant du lien entre l'Odyssée et le GIH, elle ignorait aussi la plupart des coups, notamment ceux à grandes échelles, passés, présents ou prévus. Je pense qu'elle n'est pas vraiment impliquée, encore moins raciste. Veillez à ne pas la charger, s'il vous plaît.

Le Jedi se retourna ensuite vers Karm qui devait en avoir fini avec le mercenaire. La peau encore rosie, il fit mine de rien, alors qu'au sein de la Force, son aura palpitait avec violence, cherchant l'approbation ou au contraire, la déception. Sans trop savoir pourquoi.

- Comment est-ce que ça s'est passé? Je pense que nous devrions aller visiter cette église, il me semble qu'Aurore avait failli me montrer un endroit assez secret avant de se raviser. J'ai tiré sur une porte clairement fermée à clé. Je peux m'occuper des mandats de perquisition. Inspectrice, voudriez-vous venir?

La Troig existait, il fallait la prendre en compte et c'était... Bien dommage. Mais derrière son air emprunté quoique poli Luke n'en laissait rien remarquer. Il avait beau l'apprécier, c'était avec Karm qu'il formait la meilleure équipe. Deviendrait-il exclusif? Était-ce mal? Il attendait aussi son jugement.
Karm Torr
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Le petit coeur sensible de l’Ark-Ni battait à tout rompre alors que Luke avouait leur relation à une parfaite inconnue. À deux parfaites inconnues, même. Karm en avait le souffle coupé. Sa joie éclata à travers la Force, imperceptible pour les deux femmes, mais plus forte que n’importe quelle autre impression pour Luke et même, à quelques mètres de là, pour les deux Sentinelles qui s’occupaient du mercenaire, et qui n’en comprirent pas vraiment l’origine.

Bova était beaucoup trop absorbée par la confession et les rapports qu’elle recevait sur son datapad des autres interrogateurs pour s’interroger sur la banalité ou l’étrangeté de la relation qui unissait les deux Jedis. À vrai dire, de l’Ordre, elle ne savait pas grand-chose. C’était la première fois qu’elle rencontrait personnellement des Jedis, à part les deux ou trois Sentinelles venues faire des conférences quand elle était encore à l’académie de police, et elle n’avait jamais chercher à se renseigner sur eux. Elle ignorait s’ils devaient être chastes ou non, s’ils avaient vraiment tous les pouvoirs magiques qu’on leur prêtait, s’ils vivaient constamment au Temple, s’ils avaient fait vœu de pauvreté et ainsi de suite.

Quand Luke refit son apparition, l’inspectrice était donc toute entière préoccupée par l’affaire et la vie personnelle de ses deux collaborateurs du jour lui paraissait bien anecdotique.

— Félicitations, s’exclama-t-elle en se relevant, et en hochant la tête, et puis l’autre. On peut dire que vous savez nouer un rapport personnel avec les suspects pour les mettre en confiance. Les remuer, les brusquer, ça, tout le monde sait faire, mais le chemin inverse est beaucoup moins évident à emprunter et…

La Troig s’interrompit. Quand elle se sentait plus à l’aise, elle avait tendance à se faire un peu bavarde. Elle aimait travailler avec des collègues et elle aimait discuter avec eux. Luke et Karm lui paraissaient beaucoup plus accessibles que l’idée qu’elle s’était faite jusque là des Jedis, alors pour elle, ils étaient déjà un peu dans la famille.

— Enfin bref. Merci. Je doute qu’elle finisse en prison, vu comme elle collabore. De toute façon, elle a surtout besoin d’un suivi psychologique, plutôt que d’une expérience carcérale. Je vais m’attaquer au mercenaire. Mes collègues sont en train de boucler les interrogatoires des autres étudiants. Je vais envoyer un de nos policiers voir le procureur pour le mandat et je vous laisse vous occuper de l’église. Quand on aura fini de croiser tous les infos de notre côté, on va corroborer leurs confessions en parlant à des témoins.

C’était un travail fastidieux, certes, mais la Troig avait l’esprit méthodique et une patience irréprochable. C’était d’ailleurs pour cela qu’elle avait été promue. Elle arrêtait les gens, c’était déjà beaucoup, mais elle livrait surtout au bureau du procureur des dossiers irréprochables, où tous les angles avaient été couverts. Elle avait deux têtes et deux têtes bien remplies.

— J’peux continuer à vous emprunter le speeder, demanda Karm ?
— Bien sûr, bien sûr. Vous voulez des blasters ?
— On a c’qui nous faut, répondit le Jedi, en effleurant le sabre laser à sa ceinture.

La policière était sans doute un brin sceptique face à cette arme étrange mais elle ne fit pas de commentaire. Ils sortirent tous les trois de la salle d’observation, après qu’on eut reconduit Rose en en cellule, puis se séparèrent dans les couloirs, alors que les deux Jedis gagnaient l’ascenseur pour descendre au garage. Quand les portes se refermèrent sur eux, Karm murmura tout bas :

— J’t’aime tellement, si tu savais.

Luke savait sans doute, parce que dans la Force, l’esprit de Karm se mêlait au sien. L’Ark-Ni avait rarement paru si épanoui et si serein. L’aveu de Luke était l’un des gestes qu’il avait tant attendus, et parfois dont il avait désespéré.

— Bon, sinon, hm.

Présentement, la meilleure activité du monde lui paraissait de faire l’amour à Luke sur la banquette d’un speeder, mais il fallait se rendre à l’évidence : ils avaient hélas de plus pressantes préoccupations.

— Le mercenaire a laissé entendre que pour peu qu’on le mettait en confiance, il donnerait les noms qu’on veut. J’suis toujours pas très optimiste sur la possibilité de récupérer Cabir en un seul morceau, m’enfin, c’est déjà ça. Si les autres interrogatoires se sont déroulés au moins à moitié aussi bien que le tien, le cas du GIH est probablement réglé, et ça nous donnera une prise sur l’Église. Même si les mômes savent rien, les parents vont finir par baliser et se mettre à table à leur tour.

Tout cela ne serait peut-être pas résolu en quelques jours, mais l’affaire paraissait bien engagée. Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent et Karm ouvrit le chemin jusqu’au speeder qu’il avait déjà emprunté pour se rendre jusqu’au Temple. Ils ne tardèrent pas à démarrer et à filer en direction de l’église. Il y avait fort à parier que là-bas, on avait plié bagages dès les étudiants arrêtés, mais on pouvait douter qu’en si peu de temps, on fût parvenu à faire disparaître toutes les preuves.
Luke Kayan
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- Facile, avec Rose du moins. Elle se raccrochera à n'importe quelle figure rassurante.

Le jeune homme sentit un pincement au coeur tandis qu'il parlait de cette étudiante comme d'un profil type, un de ceux qui sillonnait ses cours de criminologie. Coupable-Victime, la gamine aurait besoin d'un excellent suivi psychologique, ce n'était pas peu dire. Reconnaissant envers Bova qui semblait abonder en son sens, le Chevalier hocha vivement la tête. Il voulait éviter de trop parler, encore étourdi par la littérale explosion de joie au sein de la Force. Jamais le Jedi n'aurait pensé que ce type d'aveux lui ouvrirait l'âme d'une adolescente blessée, même s'il s'était déjà servi de son handicap pour le même dessein. Alors son orientation sexuelle pouvait aussi l'aider en ce sens? Et surtout, surtout , l'assumer semblait rendre Karm heureux au-delà de ce que jamais le Hapien n'aurait pu imaginer. Lui qui aimait considérer ce fait comme anodin, un secret relevant plus de la pudeur et du respect pour les oreilles d'autrui nullement intéressé par son histoire personnelle découvrait l'ampleur du besoin de son aîné. L'idée l'enchanta autant qu'elle l'effraya car il ne se sentait pas prêt de réitérer cet exploit. Pas avant un bon moment en tout cas, et pourtant il adorait vraiment recevoir l'approbation de l'Ark-Ni. Serait-ce une raison de séparation s'il ne continuait pas d'avancer, et surtout plus vite que jusqu'à présent. Après qu'il ait esquissé les premiers pas, on exigeait toujours d'un enfant qu'il enchaîne presque de suite avec la marche et avec encore moins de délai la course.

Toutefois heureux du déroulement général de la mission et bien sûr du bonheur de son ami, Luke affichait également un sourire, juste un peu plus réservé. Aller ainsi à l'encontre de ses croyances, de sa zone de confort l'avait secoué mine de rien. Comme quoi, on pouvait être Jedi, galoper sur le terrain sans rien y voir, brandir son sabre, risquer de nourrir à tout moment, écrire deux mémoires sur la Force et encore être ébranlé par un détail digne de préoccupations adolescentes.

- Je pense que Ross en sait plus, mais il sera plus dur. Lui m'a toujours semblé effectivement raciste. Si le cours des choses avait continué de filer, il aurait fini par rejoindre les grosses têtes. Et ne parlons pas d'Aurora. A-t-elle été arrêtée au fait?

Cette fille semblait convaincue par la cause, mais constat encore pire: de manière secondaire. Sa raison principale était le pouvoir, au-delà ou du moins égale à celle de conserver Cabir. Si ce dernier était mort, plus aucune pression ne la retiendrait. C'était le genre d'Histoire d'Amour obscure dans son ensemble, rendue plus triste encore par le fait que cette tendresse malsaine n'était pas vraiment réciproque. Cabir pouvait avoir de l'affection pour Aurora, il l'avait éprouvé comme on en a envers son jouet favori. Le mental des psychopathes et sociopathes l'avaient toujours fasciné, d'autant plus depuis qu'il collaborait avec l'Université et la Police de Coruscant. Cette version sans la Force du côté Sombre était aussi préoccupant qu'intéressant. Il aurait tellement aimé saisir si l'on devenait malade ou si on l'était de base, juste pour essayer de préparer un remède. Seulement, c'était encore, et malgré toutes les technologies disponibles, bien nébuleux outre la découverte d'un problème récurrent au cerveau concernant l'empathie ou les émotions générales.

En tout cas, les deux Jedis pourraient vérifier si Karim faisait partie du groupe des présumés psychopathes en rentrant dans l'Église.

- Je t'aime aussi.

Glissa le Chevalier d'un souffle discret et timide vu de l'extérieur mais rayonnant au sein de la Force. Sa voix pourtant basse avait comme claquée, contrastant avec l'ambiance glaciale qui régnait sur la parvis d'une Église abandonnée une seconde fois. Le jeune homme descendit du speeder et passa ses mains sur les briques qui constituaient le mur de l'ancienne bâtisse. Elle aurait pu être jolie, lumineuse si elle avait été correctement entretenue, et surtout si elle avait accueilli d'autres types de fidèles. Même les objets avaient leur côté obscur.

Désormais, l'Église serait probablement revendue pour une bouchée de pain. À une famille nombreuse espérait Luke qui priait pour la rédemption de cette vieille carcasse maltraitée par ses précédents propriétaires. Hélas, il se doutait que sa réputation historique couplée à celle plus récente sans oublier la descente de deux Jedis suivis d'une horde de policiers sur plusieurs jours la laisseraient orpheline dans le meilleur des cas, attirerait d'autres êtres malsains dans le pire. Heureusement, ce n'était que du matériel, et malgré sa peine relative, le Chevalier ne s'y attarda guère plus. Évidemment, il n'y avait pas de clé à disposition sous un pot de fleurs, mais muni d'un Mandat délivré dans l'urgence par le Juge réceptif à cette histoire qui ferait les gros titres demain, il put tâtonner pour insérer un passe-partout dans la serrure. Dans un chuintement désapprobateur, la porte s'ouvrit pour laisser les deux visiteurs indésirables découvrir l'intérieur. Surprise, l'Église avait été ravagée. Des cadavres de bancs couchés au sol partageaient leur peine avec des bougies. le sol roussi par les flammes avait heureusement pris feu à des endroits concrets, le marbre ancien qui le tapissait n'étant que peu réceptif aux séduisantes braises. Non sans quelques difficultés, Luke chemina parmi les débris. Il avait mis des gants pour protéger le peu de preuves encore disponibles et lorsque le hasard lui fit rencontrer un prospectus de propagande, il le ramassa dans une poche hermétique. Il en tendit plusieurs à Karm, rougissant encore un peu lorsque son regard croisait l'endroit où se trouvaient sensément les yeux si particuliers de son ami. Il avait encore l'impression de ressentir les échos de sa joie, voir son désir lui avait-il semblé un instant, précisément dans le speeder.

- Les parents marcheront à la culpabilité, surtout si la Police grossit les risques de sanction encourus par leur progéniture qui s'est amusée à suivre leur chemin. Malgré tout, j'ai la vague impression que les parents de Cabir étaient au courant. Ceux d'Aurora vont être surpris, ils ne faisaient pas parti de l'Église puisqu'ils ont une fille adoptive non-humaine. Que de vies brisées.

Songea pour lui-même le Chevalier malgré sa notion relative de famille.

- Bon, je ne suis pas le meilleur indiqué pour ça, mais je suppose qu'on ramasse tout ce qui traîne... Au cas où, de toutes manières il y a toujours plus de poches que de preuves. - S'amusa le Chevalier avant de jeter un regard vers un endroit si bien engoncé dans l'ombre qu'il était difficile d'y deviner une porte.- Il me semble que c'est par là qu'Aurora m'a fait toucher une porte bloquée, sans doute pour me faire "saliver" à l'idée d'avoir un jour le droit d'y pénétrer. Elle est fermée avec un cadenas.- Expliqua le jeune homme en réunissant tout ce qu'il pouvait, sensation de tourner à cet endroit précis, caresse sur un mur légèrement plus lisse de ce côté et bribes de conversation doublée d'échos pour se souvenir de sa visite express.- Chevalier Torr, si vous voulez nous faire l'honneur de l'ouvrir.- Acheva enfin le Consulaire, amusé à l'idée de s'adresser à son ami comme un gros bras. Ceci dit, dans leur fine équipe, faut de mieux, c'était bien lui l'Armoire à glace. L'explorateur intrépide que les hautes herbes, les lianes, les serpents ou les portes closes ne freinaient pas.
Karm Torr
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L’église était comme à moitié suspendue à un grand immeuble de service qu’on avait construit là plus tard, sans doute. L’architecture de Coruscant avait cessé d’être compréhensible depuis bien longtemps. De plateformes en plateformes, à des kilomètres de la surface de la planète dont plus personne ne se souvenait vraiment, on retrouvait des reliques d’époques révolues, dernières à avoir survécu à des immeubles charcutés, détruits, reconstitués, bricolés au fil des générations et des projets immobiliers plus ou moins bien financés.

Descendu du speeder, Karm avait considéré le bâtiment du même œil exercé qu’il avait désormais pour tous les édifices un peu anciens. Ceux qu’il rencontrait en général dans ses explorations venaient bien sûr du fond des âges et, à côté d’eux, l’église qui se dressait devant lui était d’expression nouvelle, mais il avait pris l’habitude de jauger de leur intégrité structurelle. Et puis ensuite, il y avait une autre manière de les comprendre, en les sondant, à travers la Force, pour tenter de deviner ce qu’ils pouvaient bien abriter, et si des pièges s’y dissimulaient.

Satisfait par cet examen encore superficiel, il emboîta le pas au Consulaire et décrocha un drone miniature de sa ceinture, pour le lancer dans la veste nef. L’engin déploya des ailes minuscules et se mit à tourbillonner tout autour de lui, pour balayer de ses faisceaux lumineux les voûtes et les arcades, qui reproduisaient, dans un goût discutable, avec des matériaux modernes, les traits d’une architecture plus ancienne.

Tout suggérait que les fidèles étaient partis précipitamment. Ils avaient dû apprendre la nouvelle de l’arrestation du GIH en pleine cérémonie. Ou durant une réunion. L’aspect mystique et spirituel de leurs convictions échappait encore largement à Karm. Il jeta un coup d’oeil aux tracts qui s’étaient éparpillés par terre dans la cohue et que l’on avait destinés probablement à l’une de ces distributions prosélytes dans les rues de Coruscant, dont toutes les sectes d’illuminés avec le secret.

— J’pense que la police scientifique fera ça mieux que nous de toute façon, murmura Karm, alors que Luke commençait à collecter néanmoins quelques preuves. Assurons-nous quand même que c’est sûr avant de les appeler.

La confusion qui régnait dans les lieux avait cela de prometteur qu’elle suggérait que l’église avait été incapable d’effacer toutes les traces de son passage. Après un dernier regard circulaire, Karm s’approcha de la porte récalcitrante indiquée par Luke. Il se pencha pour examiner le cadenas et tira de l’une des nombreuses poches de son pantalon un vibrocrocheteur qu’il appliqua contre la serrure. En quelques secondes peine le déclic caractéristique se fit entendre, puis le jeune homme dut forcer pour tirer le lourd panneau de bois.

De l’autre côté, des escaliers en pierre descendaient dans les profondeurs du bâtiment. Karm siffla une note et le drôle de petit drone rappliqua à ses côtés pour s’y enfoncer en premier, suivi de près par le Jedi, qui avait décroché son sabre-laser, sans toutefois l’activer. Quelques mètres plus bas, les sous-sols de l’église ressemblait moins à une crypte de roman qu’à un entrepôt moderne des docks industriels de l’astroport coruscantien. Karm n’eut pas de mal à localiser un interrupteur, pour inonder les lieux de lumière, et récupérer le petit drone.

— Ouais. Pas des pacifistes. On dirait qu’ils se sont barrés avec des carabines blasters, souffla-t-il, en considérant une étagère à fusils blasters presque vide.

Dans la pièce, qui devait couvrir la moitié de l’église au-dessus d’eux, il y avait d’autres tractes d’équipement paramilitaire : des comlinks sécurisés, des pains d’explosifs, des tenues renforcées. Les fuyards avaient emporté tout ce qu’ils avaient pu, mais ce qu’ils avaient laissé derrière eux ne laissait guère de doutes sur la nature de leurs activités.

L’Ark-Ni poussa un peu plus loin. Il laissa une salle de réunion à sa droite, dont l’ordinateur contenait avec un peu de chance de nouveaux détails édifiants, pour rejoindre une dernière porte, fermée elle aussi. La serrure électronique, beaucoup plus solide que le cadenas qu’il avait forcé à l’étage, résisterait probablement au hackage. Mais peu de choses résistaient aux sabres lasers.

Le vrombissement familier de l’arme se fit bientôt entendre, avant que Karm ne l’enfonce dans le métal de la porte, pour y pratiquer lentement une ouverture. Un large cercle finit par tomber par terre avec grand fracas et Karm put se faufiler à l’intérieur du bureau.

— J’ai trouvé Karim, lança-t-il d’une voix plus forte que d’habitude, pour se faire entendre par Luke. Il risque pas de nous raconter grand-chose.

Le gourou du culte gisait par terre, les yeux révulsés, l’écume aux lèvres, mort. Karm s’accroupit près de lui. Il avait ingéré du poison, ça ne faisait pas trop de doute. Un suicide ? Ou quelqu’un avait-il décidé de lui faire payer l’échec des opérations ?
Luke Kayan
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L'idée que les policiers passent après eux ne dissuada guère Luke de se montrer rigoureux, ni ça, ni son handicap d'ailleurs. Il n'avait jamais été du genre à se décourager, et aussi inquiet soit-il quant à ses capacités, le Chevalier possédait une rigueur qui frôlait la maniaquerie. C'est donc au dernier instant que le jeune homme stoppa ses fouilles quelques peu tâtonnantes pour rejoindre son ami qui venait d'ouvrir la première porte. La seconde requérait plusieurs coups de sabre-laser, laissant comprendre que la porte n'était pas simplement rouillée. Derrière, il y avait forcément quelque chose de gros. Le jeune homme sortit son comlink et appuya automatiquement sur un bouton qui filmait. Il préférait que leurs premières impressions soient immortalisées dans un souci de transparence. La surprise fut la principale actrice des secondes suivant le passage forgé par Karm, puisque la voix de ce dernier lui indiqua une mort. Le Jedi s'approcha, tendant son comlink à son aîné pour cadre la scène.

Toujours armé de ses gants, Luke se baissa pour sentir son pouls, évidemment silencieux. Très fine, la protection laissait passer les sensations et le Chevalier eut ainsi la confirmation que Karim était mort il y a peu. Rageant. D'une main il se saisit d'un bras du mort dont la position initiale était de toutes manières sauvegardée. Le membre retomba au sol dans un bruit mat.

- Il est encore tiède, et la rigueur Mortis n'a même pas commencée. Aucune odeur, je pense qu'il est mort depuis quelques heures, 5 au maximum, bien que je parierai davantage sur à peine 2. On a raté la scène de peu.

Discrète, Bova avait démontré sa valeur en arrêtant les étudiants avec le moins de bruit possible. Ainsi, Karim avait du penser que la situation n'était pas encore désespérée. Ils seraient intervenus un peu plus tôt qu'ils auraient presque pu les prendre la main dans le sac, avec un peu de chance empêcher ce suicide, volontaire ou forcé.

- On a au moins la confirmation qu'il y a plus en jeu qu'une petite bande d'illuminés et de parents qui cherchent des excuses à leurs échecs sentimentaux ou commerciaux. -Sans oublier éducatifs quand on voyait comment les gosses avaient tourné. Les parents étaient-ils au courant de l'existence du GIH ou de son ampleur finalement? Autant de questions qui titillaient le Chevalier, incapable de saisir comment ces bonnes gens avaient fini dans une espèce de secte raciste. Le processus, l'enrôlement que Karim avait effectué était aussi terrifiant que fascinant et d'un point de vue psychologique, ce serait un cas passionnant.- Certains membres ont du se barricader chez eux, ou rejoindre des proches, c'est le réflexe de beaucoup de fugitifs, y compris endurcis. On pourrait en savoir plus. Pour ma part je me demande si quelqu'un a pris la suite de Karim, ou si le groupe s'est dissolu avec son décès et la découverte du pot aux roses. Je penche pour la première hypothèse, surtout s'ils sont partis avec des armes.

Finit par ajouter le Chevalier non sans soupirer légèrement. Il était impossible de savoir si le gourou s'était administré le poison, mais un groupe plus ou moins maîtrisé, avec des idées ancrées en eux était une proie trop tentante pour un mégalomane pour la laisser filer. Le successeur n'avait qu'à la jouer fine, accepter la perte des plus timorés pour obtenir un harem prêt à le suivre partout. En fait, cette scène lui rendrait presque service, faisant office de purge. Restaient, suite à cela, les plus loyaux, les moins peureux, bref ceux qui étaient prêts à tout. Il lui suffisait d'arroser le cocktail avec une bonne dose de victimisation, comme quoi la société ne voyait pas encore combien ils avaient raison, et il obtiendrait la recette d'un groupe davantage fermé encore, extrémiste, convaincu d'être persécuté. En fait, la mort de Karim convenait sûrement à un leader de l'ombre, lequel aurait même pu précipiter sa fin, mais ce serait spéculer, or Luke préférait s'en tenir aux faits.

- Espérons qu'ils ne préparent pas une opération coup de poing ou une vengeance improvisée, même si j'en doute car cela reviendrait à achever un groupe déjà fragilisé.
- Énuméra Luke pour lui-même davantage que pour Karm, habitué à parfois réagir comme un criminologue. Quelques secondes lui suffirent toutefois pour en revenir -et avec bonheur- au travail d'équipe.- Bon, et si la police scientifique est destinée à faire ce "boulot", qu'en est-il des Jedis?

Un sourire illumina ses lèvres, quoi qu’assombrit par la présence d'un cadavre dans un genre de cave secrète. C'était assez naturellement qu'il demandait son avis à Karm qui dirigeait le plus souvent le duo. Luke avait confiance en lui et se reposait sur sa personne, non sans parfois faire preuve d'initiative -sinon ce serait grave, voir désespéré pour lui.-.

Se disant, il s'était mis à parcourir, une main sur le mur, la piécette qui ressemblait à un mini-entrepôt tout bête, jusqu'à ce que l'oreille exercée du Chevalier note un infime changement. Pour s'en assurer, il ferma le poing et toqua sur la partie suspecte.

- Ça sonne creux.

De plus en plus cliché mais éventuellement intéressant. Les doigts agiles du jeune homme fouillèrent le mur en briques pour trouver une encoche. Il creusa dans le plâtre relativement récent qui s'effritait entre les pierres recollées -ils ne devaient pas avoir de bon maçon parmi leurs fidèles.- pour agrandir le trou, découvrant une cache assez petite dans laquelle se trouvait un coffre-fort d'un vert obscur fatigué, profond à défaut d'être haut. Voilà autre chose.

- Qu'est-ce que c'est que ce truc?

L'expression "Truc" ne faisant pas partie du vocabulaire habituel du Jedi, elle illustrait bien sa surprise. Par automatisme, sa chair se rétracta, incapable de savoir ce que formait cet alliage de métal froid, et donc encore moins de lui deviner une entrée, soigneusement fermée par un code.
Karm Torr
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— Hm hm.

Pendant que Luke examinait le cadavre de l’ancien leader charismatique, Karm, lui, prospectait la pièce en quête d’indices. Difficile de dire si Karim avait été victime d’une agression. Pas de trace de combat à proprement parler, et Karm penchait pour le suicide, mais l’assassin avait peut-être su faire preuve de subtilité.

— Ah.

Le Jedi avisa une caméra de sécurité dissimulé dans le plafonnier métallique. L’ordinateur du gourou était probablement encrypté, mais il y avait d’autres moyens d’accéder aux enregistrements. Il grimpa sur une commode pour retirer soigneusement la caméra, avant de sauter à terre et de la connecter à son datapad. Les enregistrements muets, ramenés en deux dimensions faute de projecteur holographique, montraient Karim seul dans son bureau, qui avalait la dose fatale de poison.

— Suicide, donc, trancha Karm, Les enregistrements laissent pas trop de doute. Après, on peut être plus ou moins poussé au suicide…

Acculé par la police, Karim avait peut-être été enfermé dans son bureau, par exemple par des fidèles mécontents et ambitieux, et entre une vie en prison et une mort rapide et à peu près sans douleur, il avait fait son choix. En tout cas, le Jedi composa un message à l’intention de Bova, en y joignant les enregistrements. Il était temps que la police déploie une équipe pour tout passer au peigne fin.

— Les Jedis, ils vont traquer les anciens sectateurs, j’suppose, non, suggéra Karm, en rangeant son datapad, avant d’emboîter le pas à Luke, dans la salle principale. ?

A vrai dire, il jugeait que la police pouvait reprendre ses droits sur cette affaire, maintenant que les pistes abondaient et que les principaux écueils étaient écartés. Bien sûr, rien ne promettait que l’enquête serait finalement un succès, mais, dans l’ensemble, entre le GIH, les fidèles qui pourraient être arrêtés et interrogés sur la foi des preuves récoltées dans la cache et la mort suspecte de Karim, les premiers obstacles avaient été levés.

Et le coffre exhumé par Luke était encore une pièce supplémentaire en leur faveur.

— ‘Tends, j’vais voir c’que j’peux faire, murmura Karm en s’approchant juste à côté de son compagnon. C’est pas le coffre du siècle.

Le Jedi colla son datapad contre la serrure numérique et lança le programme de décodage fourni par le Temple à tous les Jedis en mission. C’était généralement insuffisant pour toutes les sécurités exceptionnelles qu’ils rencontraient en infiltration, mais pour les modèles plus commerciaux, ça faisait bien l’affaire.

— Il réfléchit, commenta le jeune homme, alors que la barre de progression se remplissait lentement.

Il fallut encore trente secondes pour qu’un déclic se fît entendre. Karm rangea le datapad et ouvrit la porte du coffre, pour commencer à en explorer le bric à brac.

— Alors, on a… des crédits. Deux passeports, et à en juger par l’hlophoto, c’est des faux pour Karim. Des disquettes de données.

Lesquelles furent promptement insérées dans le datapad.

— OK. Rapports financiers… On dirait que Karim siphonnait pas mal ses fidèles et qu’il investissait dans différentes affaires. C’est lucratif d’être un illuminé, dis donc. Registre des fidèles. Registre très documenté, même. Y a pas mal de trucs sur les petites habitudes coupables. Qui fraude le fisc, qui trompe sa femme, qui a un fils qui a fait de la désintox, ce genre de choses. Probablement pour faire du chantage, au cas où quelqu’un parle contre le groupe.

En soi, le contenu du coffre n’avait rien d’étonnant, maintenant qu’il y réfléchissait. Aucun chef de culte ne pouvait espérer régner que par son seul charisme et il était évident que Karim avait dû prendre des précautions pour se prémunir contre une sédition interne.

— Cela dit, ça remonte pas à très très loin, on sent que le groupe est jeune. ‘Tends, j’vais voir les métadonnées des fichiers.

En même temps, en haut, des pas se faisaient entendre, suivi d’un « Police » sonore. Karm pressa le comlink à son oreille et, sans quitter le datapad des yeux, précisa :

— On est au sous-sol. La porte au fond.

En haut, les agents de la police scientifique commençaient par prendre un soigneux relevé holographique des lieux, avant de récolter les indices.

— OK. Les fichiers ont été copiés y a environ deux heures. C’est tout ce que ça dit, mais on dirait bien que quelqu’un est devenu chancelier à la place du chancelier. Ou en tout cas compte bien essayer.

Quand un technicien fit son apparition, Karm désigna la porte du fond d’un geste de la tête.

— La victime est là-bas.
Luke Kayan
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- Comme tu veux, la police peut s'en charger.

Déclara placidement Luke, sans songer que son ami l'avait mentalement précédé dans le raisonnement. Pour sa part, le Jedi appréciait aller au bout de la chose, cependant il désirait que ce soit Karm qui démontre une envie de terminer le dossier. Il aimait observer de loin ou de près, son compagnon évoluer dans le domaine de l'enquête. D'ailleurs un sourire léger bordait ses lèvres malgré la présence du cadavre. En ces instants le Chevalier les trouvaient unis, évoluant l'un à côté de l'autre, en pleine osmose. L'Ark-Ni devenait les yeux, en plus de déjà être l'âme de Luke, et leurs pensées se croisaient, s'éloignaient parfois, avant de se rapprocher au point de fusionner. Cette ambiance studieuse saupoudrée d'un brin d'angoisse, d'urgence stimulait son cerveau de chercheur passionné versant petit à petit dans la criminologie. La découverte du coffre fit battre son coeur en chamade, avide d'indices. Des indices peu bavards qui n'entamèrent pas son enthousiasme, son goût d'avancer et d'apprendre, même si l'arrivée de la police le soulagea un peu. Il avait hâte de quitter la pièce souillée de mort. Si horrible avait put être Karim, il restait un être humain dont le coeur avait cessé de battre, par volonté propre ou indirectement suggérée. D'ailleurs Luke penchait pour la seconde option. On avait peut-être emmuré cet homme en lui offrant pour unique porte de sortie une fiole de poison. Un meurtre discret et génial dans le sens où juridiquement parlant, le criminel en question ne serait pas considéré comme tel. Autre possibilité, l'eau que Karim pensait pure avait été empoisonnée? Luke songea à faire étudier des images, des vidéos et des témoignages prouvant que le gourou avait l'habitude de boire dans une fiole. Un proche aurait pu décider de subtiliser l'objet pour y glisser du poison. Il existait tellement de possibilités allant au-delà de l'apparente réalité, mais ça, ce serait probablement à la police de se poser ces questions. Luke restait avant tout un Jedi avec une formation -à son goût en tout cas- beaucoup trop basique en criminologie. Il ne dédierait pas plus de temps d'études à cet art, aussi respectable soit-il, car sa voie était toute tracée. Au sein de l'Ordre. Aux côtés de Karm.

Il demanda au technicien la permission d'avoir une copie des fichiers découverts, ce à quoi l'homme céda, non sans rechigner légèrement. Il sortit une clé vierge, la planta dans un minuscule ordinateur en même temps que celle de Karim et téléchargea le tout lorsque Luke lui apporta la preuve de leur collaboration avec Bova. Malgré son expérience relative, la Troig semblait très respectée. Si elle avait accepté l'aide de ces deux Jedis, ils étaient de confiance. D'ailleurs on avait remarqué, dans le service, qu'elle avait l'air plutôt à l'aise avec ces deux-ci, plus accessibles qu'on aurait pu le penser de ces figures semi-divines, auréolé d'une certaine gloire, par ignorance davantage que véritable charisme. Surtout le plus âgés qui abordait une chevelure argentée, sympathique, s'exprimant dans un langage commun, professionnel mais humble. L'autre procédurier ne semblait pas méchant mais on préférait communiquer avec celui qui promettait une approche moins rigide. Bref, Bova avait donné carte blanche aux chevaliers et ceci se savait. Toutes les possibilités s'ouvraient donc à eux: stopper là l'enquête ou continuer, fouiller les archives pour trouver tous les membres de la secte, avec une préférence pour les actifs, ceux qui venaient le plus à l'Église ou donnaient beaucoup d'argent.

Trouver quels adolescents étaient entrés dans le GIH sans influence de leurs géniteurs comme Rose ou la beaucoup plus agressive Aurora serait également une piste, mais encore une fois Karm et Luke verseraient vraiment dans un domaine n'étant pas complètement le leur.

- Tu sais, en moins subtil mais toutefois prometteur en futur Gourou, je trouve que Cabir ressemble à Noctis sur certains points.

Lui aussi savait arrondir les angles, faire passer le racisme pour quelque chose de naturel, lisser des caractéristiques craintes, réprouvées par la loi. Dans un style différent, beaucoup moins feutré, raffiné que le Sith, plus étudiant, lui et Aurora possédaient ce pouvoir de minimiser des horreurs, d'amener à eux des personnes à l'origine lumineuses.

- J'ai la sensation qu'il pourrait encore être en vie, avoir trompé tout le monde... Y compris avec ces deux mercenaires unies à cet Amal. Soit en les retournant, soit en leur échappant. Quand on y pense bien, alors que l'étau se resserrait sur son groupe et lui, sa mort tombait littéralement bien. On ne le recherche plus alors même que le GIH est démonté, tout le monde arrêté, l'Odyssée démantelée. Et s'il avait senti que le vaisseau allait rencontrer un astéroïde depuis notre arrivée?

Ce gosse aurait-il suffisamment doué, audacieux pour se laisser attraper par deux mercenaires dans le but de se donner une mort crédible?

- Amal travaillait-il depuis longtemps avec ces filles? Les connaissait-il avant de commencer la mission?

Il arrivait que parfois, les mercenaires n'appartiennent pas à la même équipe. Rapatriés des 4 coins de la Galaxie par un riche "dérangé", ils se rencontraient quelques jours auparavant ou sur le terrain le jour de la mission. Cela permettait aussi aux plus paranoïaques de s'assurer qu'une équipe solide de mercenaires n'ait pas le temps de fomenter un plan pour se retourner contre lui, changer de bord. Si Amal avait du composer avec des inconnues, il avait pu se tromper sur leur loyauté, et s'il les connaissait bien aussi. On ne savait jamais avec ces instables assoiffés de Crédits. Cabir, faussement ou vraiment capturé aurait-il pu payer grassement les deux filles pour s'en sortir? À moins qu'il n'use d'un stratagème. Cet inconnu qui voulait devenir Chancelier à la place du Chancelier... Luke ne voyait guère plus approprié que Cabir dans ce rôle. Un Cabir dégagé de tous regards indiscrets qui aurait orchestré de loin, cette fuite de l'Église, la destruction relative des preuves et le suicide de Karim, sa chute. Avec ou sans Aurora, la question demeurait complète.

- Tout se déroule trop bien, trop vite. On trouve des preuves concernant Karim, jusqu'aux enregistrements qui ont gracieusement filmé son suicide au cas où si nous avions un doute, certaines armes emportées, et des indices laissés ci et là comme des miettes. Peut-être qu'on ne s'intéresse pas à la tartine.
Karm Torr
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— J’sais pas trop, commença Karm d’un ton prudent, alors qu’ils remontaient les escaliers pour gagner la nef de l’église, où les équipes de la police scientifique s’attaquaient à la récolte des indices innombrables.

Tout autour d’eux, de petits drones flottaient dans tous les sens, pour scanner les bancs, les murs, tous les objets, et relever des empreintes et des traces ADN, directement chargées sur la centrale des bases de données partagées par les polices républicaines. Il y avait dans la démocratie dont le coeur battait à Coruscant beaucoup de surveillance. Karm observa le ballet des robots avec un mélange d’admiration pour l’efficacité technologique et de perplexité à l’égard de tout ce dispositif, qui emprisonnait ses citoyens.

— Il est talentueux et tout, Cabir, j’dis pas, et il a quelques ressources financières, mais y a quand même une marge entre organiser du terrorisme à l’échelle locale à travers son assoc’ étudiante et monter un plan machiavélique pour devenir un fugitif galactique, après avoir anticipé une enquête des Jedis et de la police.

Cette théorie paraissait bien rocambolesque à Karm. Cabir était un jeune homme capable, mais aussi relativement inexpérimenté, qui en était à faire ses premières armes avec le GIH. Dans quelques années, peut-être, s’il survivait à ses péripéties, il parviendrait à tirer son épingle du jeu criminel qui gangrenait la Galaxie, mais pour l’heure, le Jedi était tout de même assez sceptique.

— On parle d’un type qui a mêlé deux Jedis à la confidence de ses activités. Je veux bien croire qu’il subjugue ses camarades de classe, mais de là retourner deux mercenaires professionnelles, contre un employeur probablement beaucoup plus dangereux que lui, ça me paraît… Lui faire crédit de pas mal de qualités qui cadrent pas tellement avec le reste de son comportement.

Le datapad de Karm vibra et le jeune homme le tira de sa poche.

— C’t’un message des Sentinelles. On a transféré tous nos dossiers à Bova et le Conseil nous demande de laisser la police gérer l’affaire. Rapport au fait que ce soit une église.

Le message était pour le moins laconique et, les sourcils froncés, Karm n’était pas sûr de bien voir le lien de cause à effet. Il aurait préféré pour sa part pouvoir au moins surveiller l’affaire de loin, même s’il comprenait la nécessité de respecter les juridictions et l’indépendance de l’exécutif républicain. Il espérait simplement que Bova ne croirait pas qu’ils l’avaient abandonnée parce qu’ils auraient estimé qu’ils avaient mieux à faire.

Le jeune homme laissa échapper un soupir, avant de reprendre la direction du speeder. Quelques minutes plus tard, l’engin s’élevait dans le ciel encombré de Coruscant, pour filer entre les gratte-ciels interminables, en direction de la silhouette familière du Temple Jedi. Une fois atterris, ils se dirigèrent vers les bureaux des Sentinelles, bien décidés à recevoir de plus amples explications. Le Chevalier qu’ils avaient croisé au poste de police, quelques heures plus tôt, les reçut dans une salle de méditation.

— Moi non plus, ça ne me plaît pas trop, déclara-t-il de but en blanc. Ce sont les Maîtres qui ont décidé.
— Y a un problème avec notre travail ?

L’humain secoua la tête.

— Ni le vôtre, ni, autant que je puisse en juger, le nôtre, s’agissant d’interroger Amal. C’est politique, tout simplement. Certains membres de l’Odyssée Humaine se sont manifestés auprès des autorités locales et ont tenté d’entraver l’enquête en prétextant qu’on portait atteinte à leur liberté religieuse. Et l’Ordre Jedi n’a aucune envie de se retrouver mêlé à ce genre d’histoires.

Karm, que les analyses politiques laissaient toujours perplexe, malgré ses progrès en la matière, opposa un regard si incertain au Chevalier que celui-ci crut bon d’expliciter :

— Vous savez… La laïcité républicaine. L’Ordre Jedi est souvent accusé de profiter de ses liens avec le pouvoir pour entraver le développement de religions concurrentes. L’idée qu’on puisse mener une enquête sur un groupe religieux dont les valeurs sont évidemment opposées aux nôtres, ça met tout le monde mal à l’aise. Les Maîtres ont peur que les avocats de la défense ne s’en servent pour faire dérailler le processus judiciaire. Alors on laisse la police gérer ça.
— C’est…

Assis sur l’un des sièges de méditation, Karm concéda :

— Raisonnable. Je suppose.

Et même souhaitable, désormais qu’il y réfléchissait. Il avait souvent tendance à ne songer qu’à l’enquête, et à son efficacité, sans songer au procès lui-même et à la manière dont les avocats pouvaient s’emparer de leurs méthodes. L’Ark-Ni finit donc par hocher la tête.

— On aura des nouvelles, quand même ?
— Je suppose, oui, répondit l’autre Chevalier.
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