Thann Sîdh
Thann Sîdh
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Elle avait vu juste. Son maître ne lui avait pas explicitement dit mais en poursuivant son idée, en ne mettant de bémol que sur la potentialité légale d’un tel arrangement, il avait jugé la solution viable. Un léger sourire passa sur les lèvres de l’adolescente. Elle était satisfaite si la situation pouvait trouver un dénouement aussi heureux. Puis, alors que le groupe d’ouvriers discutait avec son mentor, une évidence la frappa : si elle avait trouvé une solution pour le Contremaître, c’était toute l’équipe qui allait se retrouver au chômage, et autant de braves gens sur la frégate qui semblait être devenue leur prochaine destination. Combien de familles, combien de victimes collatérales pour une décision qui n’avait certainement pas été prise collectivement ? Le choix d’une poignée avait entraîné la chute de tous, la décision avait été réservée, la responsabilité pesaient sur chacun. Sa solution, pour sauver un individu dans la masse de ceux qui seraient affectés, lui parut soudainement ridicule, presque misérable.

Alors que tous les hommes poursuivaient le rangement, elle se tourna vers son maître, le visage très sérieux. Si elle n’avait pas l’air foncièrement triste, chez elle, l’absence de gaieté était déjà le signe d’une inquiétude tant elle avait le sourire facile.


« Et notre navette, maître ? B0-UT ne sera pas capable de la piloter jusqu’à nous. Et que faisons-nous pour nos prélèvements ? Sont-ils remis à plus tard ? »

Lorsqu’elle était un peu perdue, c’était à travers les petites considérations les plus pragmatiques que l’adolescence cherchait à regagner de l’emprise sur le réel.

« On redescendra la récupérer plus tard, répondit l’Ark-Ni, plus bas encore qu’à l’ordinaire. Pour l’instant, ils sont convaincus, mais mieux vaut les suivre de près. Je parierais pas que personne essaierait de se faire la malle, sinon. On pare au plus urgent. Le reste viendra après.

– Oh... Bien, maître. Dois-je demander à Bouteboute de rester cacher ? poursuivit-elle en adoptant le même ton que son maître et, de fait, la même méfiance que lui.

– Non, non, embarquons-le avec nous. Avoir son propre droïde sur un vaisseau inconnu, c’est pas du luxe.

– Très bien, je vais immédiatement le chercher et j’en profiterai pour récupérer nos affaires, nous n’aurons peut-être pas l’occasion de repasser par ici pour les récupérer. »

Elle s’inclina légèrement en réponse au ‘mmh’, qui était la réponse par l’affirmative la plus courante de son mentor, et commença à rebrousser chemin. Alors qu’elle s’éloignait de son maître, un Zabrak, un quadragénaire aussi costaud que ses camarades, était en train de démontrer l’une des antennes du périmètre de sécurité. Il se releva, tourna son regard vers elle et la héla :

« Où allez-vous, madame ? C’est dangereux, par... » L’avertissement se conclut en bafouillage tandis que l’adolescente et celui qui avait l’âge d’être son père se fixaient. Thann s’était arrêtée à quelques pas de là et avait machinalement tourné son regard mort vers lui. Elle sourit, la gêne de cet homme qui avait tant à lui apprendre malgré ce qu’il pensait à cet instant la pénétrait.

« Ne vous inquiétez pas pour moi, Monsieur, je ne vais pas loin, j’ai un com’link et je ne fais qu’aller chercher nos affaires que nous avons abandonnées un peu plus loin, j’ai été formée à ce type de situation. répondit-elle avec un sourire. Pourtant, alors qu’elle était sur le point de reprendre sa route, le Zabrak reprit :

– Soyez tout de même prudente. On est formé a bien des choses et puis… La réalité du terrain vous montre toujours combien tous les entraînements du monde ne sont pas suffisants. Mes enfants, vous savez, y en a un qu’à pas loin de votre âge… Je deviendrai fou si je le savais en train d’partir en jungle comme ça, sur un monde sauvage.

– Je serai prudente, Monsieur. N’ayez crainte, vraiment. Continuez de démonter ces installations, vous verrez, je serai probablement rentrée avant que vous n’ayez fini. »

Son sourire se fit plus grand, dévoilant un peu ses dents blanches, et trouva une légère réponse sur les lèvres du père de famille. Comment eût-il pu savoir qu’elle était certainement plus apte que lui-même à se défendre ? L’adolescente quitta la zone protégée et s’enfonça une troisième dans la forêt. Le chemin ne fut pas difficile à retrouver, ni les affaires. Arrivée, Thann découvrit un Bouteboute rageur qui pourchassait une famille de rongeurs étranges, lesquels avaient entrepris l’inspection du sac du Chevalier Jedi, en particulier la poche contenant les provisions. La jeune fille ne put retenir un rire, franc et libérateur, se chargea du double fardeau et remercia chaleureusement leur courageux gardien. Le retour, plus pénible du fait de la charge, prit plus de temps mais aucun désagrément ne se présenta.

Enfin, la lisière de la forêt, la colline fut gravie, les hommes avaient terminés et tous les regards, hormis ceux de son maître et du contremaître, accueillir l’adolescente qui gravissait pas à pas la pente. Finalement, alors qu’elle commençait à s’essouffler, le Zabrak rompit la foule et descendit vers elle au petit trot.


« Vous aviez tort, petite, j’ai fini il y a quelques minutes déjà… Mais j’avoue que vous avez fait vite. Un coup de main ?

– Je veux bien ! Je crois que mon Maître, sans me le dire, a glissé des lingots de duracier dans son sac pour me faire travailler les cuisses ! »

Que les Jedi puissent être taquins, et les Padawans mutins sembla surprendre le technicien qui, pourtant, finit par sourire à pleines dents. Il chargea le sac du Chevalier sur son dos, feignit de découvrir qu’il faisait bien plus que son poids, puis commença de gravir la colline aux côtés de Thann.

« C’est sûrement pour votre bien qu’il fait ça ! Ou pour vous punir peut-être de trop traîner en forêt ? »

Si l’humour était présent, c’est que la situation n’était pas si tendue. La Padawan espérait de tout cœur découvrir dans l’atmosphère une situation similaire à celle de la surface. Parvenue au sommet, elle n'osa interrompre son maître, alors en pleine discussion, et se contenta de remercier d'un sourire le monsieur, de récupérer le sac de son mentor et de le poser à côté d'elle, espérant qu'il la débarrassera sitôt que son attention se trouverait moins monopolisée.


(r) Message composé, pour le dialogue, avec la collaboration de Karm Torr

Karm Torr
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— Merci, murmura l’Ark-Ni au Zabrak qui lui tendit son sac à dos.
— Bon, les gars, on y va.

Ils s’engouffrèrent tous dans la navette, suivis par les deux Jedis. Karm avait retrouvé sa Padawane et il lui adresse un simple sourire, dont la chaleur se propageait à travers la Force. À vrai dire, il était heureux de l’avoir à ses côtés, au cours de cette mission. Savoir qu’un autre esprit que le sien s’attaquait à ce problème et qu’il pouvait discuter de la situation avec une personne qu’il estimait déjà beaucoup, c’était un soulagement irremplaçable. Plus Karm passait de temps avec Luke, et désormais avec Thann, mieux il comprenait pourquoi les Jedis étaient plus efficaces en tandem.

La rampe de la navette se souleva et, bientôt, le petit vaisseau s’ébroua pour s’élever dans l’atmosphère. Le Zabrak était aux commandes. Les dix minutes qui suivirent installèrent un silence pesant, alors que chacun s’imaginait l’accueil qu’on leur réserverait dans la frégate. Bien sûr, personne ne pouvait vraiment les accuser d’avoir manqué de discrétion en attirant des Jedis, puisque précisément personne ne leur avait recommandé la discrétion, mais chacun se doutait que leur retour ne serait pas accueilli avec des exclamations de joie.

La frégate se dessina bientôt dans le ciel noir et étoilé, de l’autre côté de la baie de pilotage du vaisseau. C’était un navire entre deux âges, manifestement peu taillé pour les dangers des secteurs mal famés de la Galaxie, mais suffisamment robuste pour remplir les missions simples auxquelles on le destinait. L’un de ses deux hangars était ouvert derrière les boucliers et la navette y pénétra pour se poser en douceur. Nakos poussa un soupir résigné.

De l’autre côté de la rampe, une femme qui ne devait pas avoir beaucoup plus de vingt les attendait, les bras croisés.

— Le capitaine est très en colère, annonça-t-elle de but en blanc.
— Il est pas le seul, déclara Nakos d’un ton calme, pour rappeler à la jeune femme qu’ils étaient dans le même bateau.

Elle ouvrit la bouche pour répliquer quelque chose avant de s’interrompre en découvrant les deux Jedis. Quand on avait dit que des Chevaliers Jedis allaient aborder le navire, chacun s’était fait une idée des visiteurs à l’aune des holofilms d’aventure qui avaient tant de succès et où les guerriers de l’espace étaient généralement interprétés par des héros bodybuildés que toute excuse était bonne à filmer dévêtus.

Autant dire que l’Ark-Ni androgyne et pas très grand, flanqué de son adolescente de Padawane, ne cadraient pas avec le fantasme collectif.

— Chevalier Torr, Padawane Sîdh, dit Karm, hermétique à la perplexité manifeste de leur nouvelle interlocutrice.

Pendant ce temps-là, Covey organisait le déchargement de la navette par ses hommes. Autant leur donner quelque chose à faire, pour s’occuper les mains et l’esprit.

— Anastasia Anasta Anastasis.

Karm retint la plaisanterie qui lui brûlait les lèvres — un exploit, pour un Ark-Ni.

— C’est l’assistante du capitaine, précisa Covey, en revenant vers eux.
— La seconde, corrigea la jeune femme, d’un air pincé.

En réalité, c’était son tout premier emploi après son master en gestion de projets, et sa toute première mission hors du siège de l’entreprise. Elle surjouait son air strict et sévère, pour ne pas se laisser marcher sur les pieds par tous ces hommes plus âgés qu’elle, et plus aguerris.

— On vous suit, dit Karm.

Sur quoi, Anastasia commença à les conduire dans les coursives de la frégate. Elle n’était probablement occupée qu’à la moitié de sa capacité, tout au plus. Pour une mission de routine comme celle-ci, la compagnie, qui cherchait à réduire les frais, ne mobilisait que le strict nécessaire, en matière d’équipage. Ce fut à peine s’ils croisèrent deux ou trois personnes, avant de déboucher sur le pont d’un commandement, où quelques postes seulement étaient occupés.

Le capitaine était un homme d’une cinquantaine d’années, avec un peu d’embonpoint, mais le regard vif. Karm n’était pas tout à fait sûr qu’il soit humain : il y avait quelque chose dans les proportions de son visage et dans sa silhouette d’un peu étrange. Un métisse, probablement. Au demeurant, c’était sans importance.

— Capitaine Basil Hurdy, fit la seconde, capitaine, le Chevalier Tare et la Padawane Sith.
— Chevalier Torr et Padawan Sîdh, corrigea Karm.
— Je me disais, aussi, une Padawane Sith…

Le capitaine s’approcha d’eux pour leur serrer la main. Apparemment, l’ambiance était plutôt à l’accueil débonnaire qu’à la réception hostile.
Thann Sîdh
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Assis l’un en face de l’autre dans la navette, le sourire de son mentor et la façon dont il tendit chaleureusement son aura vers elle ravirent l’adolescente qui ne cessait de douter de la moindre de ses actions sitôt accomplies. Il n’avait pas encore passé beaucoup de temps ensemble mais ce peu de temps avait suffi à lui faire comprendre la pudeur de son aîné vis-à-vis de ses sentiments. Un léger sourire, chez lui, c’était comme dévoiler toutes ses dents. La situation délicate mais dans cet échange silencieux, elle sentit son assentiment. Elle agissait bien. Elle lui rendit son sourire, quoiqu’en rosissant un peu, et le silence pesant qui les environnait glissa sur elle comme sur les écailles d’un gizka.

Tandis qu’ils s’approchaient, la planète devenait pour Thann une lointaine forme ronde, toujours plus vague, et se faisait remplacer, dans son esprit, par la forme de la frégate. Elle reconnut l’avant caractéristique de l’Hammerhead, une vieille frégate républicaine conçue lors des Guerres Mandaloriennes mais qui aujourd’hui était surtout utilisée dans le civil, comme une retraite paisible accordée à ces vétérans des guerres galactiques. Ce vieux coucou devait avoir assisté à tant d’événements. A la façon des Kiffars, elle aurait aimé connaître sa longue vie en caressant simplement ses flancs usés par le temps. Son regard tourné vers la pointe de ses pieds, elle sourit en parcourant mentalement toute la distance du vaisseau. Beaucoup de ses camarades trouvaient sa tête de marteau inélégante, protubérante, presque monstrueuse ; elle, elle lui trouvait un charme certaine, une audace dans le tracé et dans la rupture qu’un tel design marquait avec les sempiternels triangles et autres tubulaires de l’espace. Elle était aussi sensible à son petit côté vieille école qu’elle prenait à présent, ce côté un peu kitsch de l’objet qui a tant vécu, qui a tant marqué qu’il a fini de dégoûter tout le monde de son étrange esthétique pour aller conquérir de nouveaux cœurs émus par la patine du temps.

Ils pénétrèrent l’un de ses hangars, la totalité lui échappait désormais et ne s’imposait plus à elle que cette gigantesque pièce et ses parois de métal lourd. Elle redressa le nez de ses chaussures, la rampe s’ouvrit et à la suite de son maître, elle descendit. Une jeune femme les attendait, cheveux courts, la mine revêche, si son aura était douce et blanche, elle feignait dans son attitude d’être autrement plus rigide qu’elle ne l’était en vérité ; difficile de tromper une petite fille capable de lire les âmes dont les visages ne sont que les masques. Ils se présentèrent, elle se présenta, son nom aux allures de déclinaisons de langues anciennes amusa beaucoup la Padawane qui masqua cet amusement sous un sourire chaleureux qui ne trouva pas vraiment réponse sur le visage d’Anastasia Anasta Anastasis. Elle serait leur guide.

Les hangars n’étaient pas immédiatement à côté du pont et tandis qu’ils marchaient, le plus jeunes des ouvriers, Val Mocz, les rattrapa au pas de course avant de s’adapter à leur allure et de lui adresser la parole, sur un ton bas de conversation comme pour ne pas être entendu d’Anastasia. Thann n’eut pas de mal à comprendre qu’il avait réussi à échapper à la vigilance de son contremaître sous un faux prétexte mais se voyait mal en avertir le Second :


« Excusez, m’dame, mais, j’peux vous poser des questions ?

– Bien sûr. répondit-elle simplement, un peu surprise tout de même d’être ainsi affublée de ce titre étrange ‘madame’.

– C’est que… J’ai jamais vu de Jedis, et les autres racontent des trucs, mais j’suis sûr qu’y z’en ont pas vu beaucoup non plus. C’est vrai que… C’est vrai qu’on vous enlève à la naissance ?

– Non, non. C’est une idée reçue, assez tenace ceci-dit. En réalité, le Temple a des accords avec la République Galactique. Chaque enfant est testé à la naissance et, pour son bien comme pour celui de son entourage, il est emmené au Temple pour être formé. Notre sensibilité à la Force peut être un formidable atout si nous recevons l’enseignement adéquat, il peut aussi être une arme redoutable. Sur un coup de colère, un enfant qui ne serait pas formé convenablement pourrait provoqués des accidents malheureux. Cependant, si, devenu en âge de choisir, nous ne désirons pas devenir Jedi et intégrer le Temple comme Chevalier, rien ne nous force à le devenir.

– Ah… Je me disais aussi, c’était bizarre que les gardiens de la Galaxie soient des kidnappeurs. Et, on raconte que vos sabres-lasers, ils peuvent couper des gens en deux, c’est vrai ça ?

– Oui, ils sont une arme puissante puisque leur lame est une canalisation pure d’énergie plasmatique. En théorie, il n’y aucune matière qu’un sabre ne saurait pénétrer, à quelques exceptions près. Pourtant, notre Code nous enseigne à n’y avoir recours qu’en ultime nécessité. Il est un rempart que nous érigeons entre les populations et la violence.

– C’est fou quand même… Nos petits blasters, c’est de la merd… euh, c’est ridicule à côté. Et y en a, ils disent qu’on peut pas devenir Jedi juste parce qu’on veut, c’est vrai ?

– Alors, c’est un peu compliqué parce qu’il faut qu’on soit d’accord sur ce que ça veut dire ‘devenir Jedi’. Pour être Chevalier, comme mon Maître, et même Padawan, comme moi, il faut, à la naissance, avoir cette sensibilité à la Force – l’énergie vitale qui transcende les êtres et unis tout et chacun. Nous ne savons pas vraiment pourquoi, il s’avère que les midichloriens, contenus dans notre sang, semblent très nombreux chez les êtres dotés de cette sensibilité et ne prospérer que dans leur organisme. De fait, si vous ne naissez pas avec, vous ne pouvez l’acquérir mais de nombreux civils travaillent tous les jours activement au sein du Temple ou en collaboration avec lui au sein de différents corps : l’AgriCorps – qui vise à la prospérité de tous et à une harmonie entre développement et respect des environnements – l’ExploCorps – chargés de l’exploration et des découvertes scientifiques – et bien d’autres. Je pourrais vous détailler le tout mais je crains qu’on ne soit déjà presque arrivés sur le Pont. » conclut-elle avec un sourire. S’étant rendu compte à son tour de la chose, le ‘bleu’ ralentit puis fit demi-tour avant de repartir au pas de charge en sens inverse sans savoir tout l’amusement qu’il avait fait naître sur le visage de l’adolescente qui, d’ailleurs, l’avait trouvé très beau.

La porte s’ouvrit, le pont fut dévoilé, ils furent présentés au Capitaine Basil Hurdy qui présenta sa main au Chevalier puis à sa Padawane qui, après une hésitation, plongea sa main dans l’énorme paluche qui lui était tendue. C’était la première fois qu’elle serrait la main à quelqu’un et ce geste anodin, au formalisme commun, lui rappela son statut avec une étrange violence. Elle était traitée en adulte et pourtant, aux milieux de toutes ces hautes statures et malgré ses quinze ans, elle semblait encore terriblement enfant.


« Je me disais, aussi, une Padawane Sith… Mais rassurez-vous, je suis sûr qu’à l’avenir mon Second n’écorchera plus vos noms. Bien ! D’abord, sachez que je suis aussi bien Capitaine ici que représentant officiel de notre compagnie, Avada Prospection, dont le siège est basé sur Coruscant. Ensuite, mon contremaître m’a fait savoir que vous les aviez surpris en flagrant délit de violation d’un moratoire républicain, à vrai dire, je ne vais pas vous mentir, il est vrai que la situation semblait être celle que vous décrivez, c’est pourquoi, en guise de bonne foi, j’ai d’ores et déjà rappelé les autres deux autres équipes présentes sur la planète qui ont également procédé au démantèlement des stations scientifiques. Pourtant, j’aimerais attirer votre attention sur ceci. »

Le Capitaine tendit un datapad à son ainé que Thann consulta en même temps que lui, bien que n’y prêtant pas un seul regard. Le texte signait de la main d’un certain Fièr Gattaaz, représentant des usines SiderCorp auprès du Sénat, bien que multipliant les circonvolutions langagières typiques des textes juridiques et assurant de la légalité de l’entreprise exigée de la compagnie Avada Prospection. Aux côtés de ce monsieur Gattaaz, on retrouvait également le nom d’un Sénateur, Philo Argurion, représentant du système de Drearia. Le tout revêtait les formes de la légalité aussi bien que le Capitaine affichait une sympathie de surface mais, aussi fort que le Second avait semblé bienveillante à Thann, il lui inspirait lui une méfiance certaine tant son aura, quoique ténu en comparaison de celle des êtres sensibles à la Force, lui semblait mêlé lumière et ombre.

Mue par on ne sait quelle puissance et alors que son Maître continuait de parcourir le document, Thann répondit la première au Capitaine, fixant son visage avec un temps de latence assez curieux qui déstabilisa le gradé :


« Sauf votre respect, Capitaine Hurdy, je suis assez sceptique quant à la recevabilité d’un telle document au regard de la loi. Entendons-nous bien, je ne doute pas qu’il soit véritable, mais j’ai de sérieuse réserve quant à la possibilité d’une telle dérogation qui me semble aller fondamentalement contre le principe même de ce moratoire. Alors certes, il est fait mention d’un partage immédiat est complet des informations avec les services de la République, dans le cadre d’une délégation d’autorité et d’un partenariat public-privé, mais en l’occurrence, le fait que SiderCorps bénéficie, en temps réel, de ces mêmes informations me semblent une violation claire des traités sur l’équitable concurrence entre les différents partis privés.

Pourtant, je ne saurais être péremptoire et, bien entendu, vous concède le doute si bien que vous êtes effectivement peut-être en complète légalité si des amendements ont été apportés aux textes initiaux dont je n’aurais pas connaissance, mais en l’occurrence, vous avez bien fait de retirer vos équipes, nous devons nous assurer de toute cela. »


Le Capitaine eut beaucoup de mal à masquer sa surprise : comment pouvait-elle bien avoir lu le document sans l’avoir sous les ‘yeux’ et puis ce regard vide qui s’adressait à présent à lui alors qu’elle avait commencé par parler dans le vide comme si elle n’avait pas su où il se trouvait. Certes, elle avait attrapé sa main sans mal, mais justement, cette aisance l’avait amené à ne pas considérer son absence d’yeux qu’il remarquait seulement maintenant : était-elle aveugle ou non ? Les Miraluka étaient si rares dans la galaxie à présent que l’idée ne lui vint qu’à rebours et puis, une telle verve dans la bouche d’une fillette ? Qui l’eût cru ? Trop de bizarreries dans une seule si petite personne finit de lui couper la chique et lui qui avait été jusque-là avenant et affable bredouilla :

« - Humfph, oui, oui, bien sûr, vous avez raison, Jedi. »

Intérieurement, Thann poursuivait son monologue et scrutait son interlocuteur à travers la Force. Quand bien même la chose aurait pu être légale, il apparaissait assez évident qu’elle était tout à fait injuste et donnait un avantage non-négligeable à certaines sociétés à but lucratif au dépend d’autres. Savoir en avance c’était pouvoir en avance et, pour l’industrie, cela entendait générait beaucoup d’argent. Le visage fixe et inexpressif de la Padawan enfonça un éclat de malaise profondément dans l’esprit du Capitaine qui détourna le regard pour essayer de trouver un secours dans le regard du maître qui avait enfin relever les yeux du document.

« Qu’en pensez-vous, maître Jedi ? »

Derrière lui, Anasthasia, -a, -is, dansait d’un pied sur l’autre, ostensiblement mal à l’aise et bien incapable de venir en aide à son supérieur.
Karm Torr
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— Les autres équipes sont rentrées ?
— Hmm… ?
— Les autres équipes.

Le capitaine interrogea sa seconde du regard, alors que Karm faisait dévier brusquement la conversation. En une semaine, Thann avait sans doute eu le temps déjà de se familiariser avec le style de conversation à bâtons rompus de celui qui la formait.

Anastasia hocha la tête.

— Toutes dans nos hangars, répondit le capitaine.

Karm lui rendit son datapad.

— La protection des planètes relève de l’administration centrale et du pouvoir exécutif.
— Je crains de ne pas vous suivre.
— Je veux dire qu’un sénateur est pas fondé à lever les moratoires de sa propre initiative. Vous pourrez revenir quand vous aurez obtenu une autorisation spéciale du service de protection et de prospection planétaires, ou quand votre entreprise aura remporté l’appel d’offre sur les marchés publics.

Le droit criminel, ce n’était pas son domaine, mais celui de la prospection des territoires vierges, en revanche, par la force des choses, lui était devenu familier. La vie d’un Jedi passait par la collaboration avec les administrations républicaines, dont les logiques labyrinthiques et les règles obscures formaient le quotidien de presque tous les Chevaliers. Karm n’était pas très à l’aise dans ce genre d’exercices, mais au fil des années, pas plus bête qu’un autre, il était quand même parvenu à maîtriser l’essentiel dans son domaine.

— Je vois, murmura le capitaine rembrunit.

Aussitôt, l’Ark-Ni enchaîna :

— Mais je comprends que vous ayez pu penser le contraire et agir en toute bonne foi. Si votre service juridique vous envoie ça, vous faites comme vous pouvez, quoi.

C’était une perche tendue au capitaine pour qu’il puisse s’exonérer. Au fond, Karm ne savait pas si Hurdy avait agi en toute connaissance de cause, s’il avait ses propres doutes sur le document ou encore s’il s’était montré complètement naïf. Aucune de ces hypothèses ne lui paraissaient complètement improbables. Le vernis du jargon juridique faisait à beaucoup de gens tout autant d’effet que la force de la loi elle-même.

Quoi qu’il en fût, Karm inclinait à penser que tout le problème, dans cette affaire, c’était les grands décideurs, comme ce sénateur ou le conseil d’administration d’Avada, et pas les exécutants sur le terrain, qui s’accommodaient comme ils le pouvaient d’une réalité complexe, pour conserver leur moyen de subsistance, dans une économie galactique constamment agitée de soubresauts. Karm n’avait aucune intention de se montrer vindicatif contre qui que ce fût d’autres que les puissants.

— Ma Padawane a raison, de toute façon, tout ça, c’est beaucoup trop technique et beaucoup trop compliqué pour être réglé ici et maintenant, par des gens comme nous.

Ce n’était pas tout à fait ce que Thann avait dit, mais le petit discours de la Miraluka avait pulvérisé les espoirs du capitaine de se tirer de la situation à peu de frais, et sans délai pour sa mission.

— Naturellement, naturellement, reprit le capitaine d’un ton pensif, je dois vous avouer que je suis plus à l’aise dans les calculs astronomiques que dans les subtilités de ces dispositions légales. C’est regrettable néanmoins, parce qu’une simple mission de collecte de données ne risquait pas de perturber l’écosystème planétaire.

Ce n’était pas tout à fait faux. Karm se contenta de hausser les épaules, l’air de dire que la loi était inflexible.

— C’qu’on va faire, c’est que vous allez vous rapatrier vers Coruscant. J’vais envoyer un message au Temple, là-bas, pour que des Consulaires spécialisés dans ce genre d’affaires et des représentants de l’administration républicaine vous attendent à votre arrivée pour vous aider à régler tout ça avec vos supérieurs. Histoire que ça vous retombe pas dessus, quoi.

C’était une manière particulièrement amicale de présenter une réalité qu’on pouvait voir sous un jour bien moins favorable : Karm leur préparait un comité d’accueil pour s’assurer qu’ils ne tentent pas de se faire la malle et ne conspirent pas avec leurs supérieurs pour effacer des preuves. Le Jedi tendit son datapad à Anastasia.

— J’peux récupérer votre plan de vol et vos identifiants spatiaux, qu’ils soient sûrs de vous retrouver… ?

Une question qui tenait plutôt de l’ordre, au fond. La seconde chercha le regard du capitaine, qui hocha la tête à contrecoeur. Elle s’empara donc du datapad pour le connecter à l’une des consoles de bord.

— Et vous ne voulez pas nous accompagner vous-même ?
— On va faire un tour de la planète, Thann et moi, pour s’assurer que tout est en ordre, avant, on vous rejoindra probablement sur Coruscant.
— Je vous assure que toutes nos stations ont été démantelées, répliqua le capitaine, avec une pointe de vexation dans la voix.
— J’en doute pas une seconde, mais qui sait à qui d’autre ce fameux sénateur a filé des autorisations spéciales…

Autrement dit, Karm soupçonnait Argurion de toucher des pots de vin pour couvrir de sa protection politique les entreprises peu scrupuleuses, et quand on avait affaire à des gens malhonnêtes, mieux valait ne pas présumer de l’exclusivité.

Anastasia lui rendit son datapad et Karm parcourut les données, en hochant la tête.

— Donc, on vous redescend au sol et on y va.

Le capitaine reprenait à son compte les ordres du Jedi, pour se conserver un semblant d’autorité. Intuitivement, Karm abonda en son sens.

— Oui, merci, c’est très bien, on va faire comme ça.
Thann Sîdh
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Le parler simple et honnête de son maître marquait un contraste saisissant avec ses propres tournures ampoulées et excessivement policée. Elle ne voulait pas y voir la marque de son imperfection, elle préférait voir cela comme une belle façon de se compléter et, de fait, de s’équilibrer. Assez ostensiblement, son mentor jouait la carte de la compréhension et de l’apaisement. Il n’accusait personne, considérait tout le monde comme étant de bonne foi, reportait toute idée de jugement à plus tard, en en confiant le soin à d’autres instances. Sans en avoir l’air et sans se draper dans le solennel, le Chevalier venait de déployer un arsenal diplomatique de grande qualité et régler la situation sans la moindre anicroche. Thann se promit de regarder chacune des images enregistrées par Bouteboute pour étudier avec soin cette scène.

Pourtant, il y a un détail sur lequel la petite Padawane fut un peu froissée et dû se faire un peu violence pour ne pas laisser échapper un commentaire. Cette mission, même de collecte d’information, n’était pas anodine. Tous porteurs de germes, organiques comme matériel, il eut suffi d’une mauvaise rencontre pour qu’un continent entier de cette planète se retrouvât dévastée par une bactérie exogène. Alors oui, les risques n’étaient pas si conséquents, mais nombre de planètes avaient connu, dans leur passé lointain, des phases de pandémie par suite de la découverte d’un nouveau continent. Certes son maître et elle était aussi exogène que les hommes du Capitaine mais le Temple avait déjà menée des études préliminaires, ce n’était pas leur première venue sur le terrain et les précautions avaient été prise. La Padawan doutait sérieusement qu’en décidant d’installer déjà trois stations d’études, de telles précautions avaient été prises par Avada dont les impératifs de rentabilité et de profit devaient largement primer sur la protection des environnements autochtones. Enfin, elle ne pouvait pas se permettre, alors que son maître semblait avoir gérer la situation, un commentaire qui eût pu vexer leurs interlocuteurs en suggérant qu’ils ne savaient pas faire leur travail.

La conversation se conclut, les directives furent donner et en une fraction de secondes, ils étaient de nouveau en train de parcourir les longs couloirs rectiligne caractéristiques de l’Hammerhead. Ils étaient tout juste sortis du Pont que de nouveau, Val était là, cette fois, il avait dans les mains un long bâton qu’elle connaissait bien et immédiatement elle sentit ses joues s’irradier de honte. Elle totalement oublier ce détail dans la navette et, à vrai dire, elle n’y avait plus pensé depuis leur rencontre avec l’équipe d’Avada. La mine déconfite et un sourire né de la gêne occasionnée, elle remercia le jeune homme de lui avoir ramené son bien et s’excusa. Il n’était cependant pas venu pour rien puisqu’immédiatement, le Second lui trouva une nouvelle utilité.


« Val, préviens ton Contre-Maître qu’il redescend aussitôt avec votre pilote pour ramener ces gens là où vous les avaient rencontrés. Notre mission ici est terminée mais pas la leur. Quant à moi, Chevaliers Jedis, je vous salue et vous remercie de votre patience, je dois aller donner les ordres nécessaires à notre départ pour Coruscant. »

Sur ce, elle s’inclina et réintégra le Pont tandis que Val devenait leur guide. Cette fois, il ne s’adressa qu’à son mentor et, à dire vrai, Thann était tellement honteuse d’avoir oublié l’un de ses effets dans la navette qu’elle n’écouta pas vraiment ce qu’ils se dirent. Comment avait-elle pu être aussi bête ? Comment oublier un objet si encombrant ? Qu’est-ce qu’elle oublierait la prochaine fois, son sabre ? Machinalement, elle porta la main à sa ceinture et constata qu’elle n’était pas encore si étourdie.

Des mètres de couloirs et un ascenseur plus tard, les voilà de nouveau dans le hangar qui les avait accueillis, devant un Contremaître pas nécessairement ravi de jouer les taxis. Thann n’en eut pas même la pensée, mais le rabaisser à ce statut était un moyen de lui faire comprendre « ta connerie, ta charge ». Ils rembarquèrent, l’adolescente persévéra dans son silence et la perception de la vieille frégate disparue doucement de sa conscience pour être remplacée à nouveau par celle de la planète. Une fois au sol, les adieux furent brefs – tout juste Thann eut-elle le temps de demander les coordonnées des deux autres sites au contremaître – la navette redécolla prestement et les Jedi furent seuls, à nouveau. Quoiqu’encore confuse de son oubli, elle prit la parole la première, de toute façon, il n’y avait rien à dire, la leçon était suffisamment claire, elle devait être plus attentive, il s’agissait à présent de passer à autre chose :


« Que faisons-nous, à présent, maître ? Il va nous être difficile de parcourir toute la planète à pieds, terminons-nous nos échantillonnages avant de réintégrer notre navette et de quadriller les continents ? »
Karm Torr
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— On va faire ça, oui, murmura Karm, qui suivait la navette du regard, alors que sa silhouette disparaissait tout à fait dans l’atmosphère.

Le Jedi était soulagé de la conclusion de cette mésaventure et encore plus soulagé de constater que la station de surveillance confirmait les manœuvres d’entrée dans l’hyperespace du vaisseau. Avec la menace d’être accueillis à leur arrivée par l’Ordre Jedi, il était peu probable que qui que ce soit là-haut tente rien de trop exotique. Bien sûr, au siège d’Avada, on devait prendre d’ores et déjà des mesures pour contenir le problème, mais Karm avait confiance dans l’opiniâtreté des Consulaires spécialisés dans les crimes en col blanc pour démêler un écheveau dont la complexité dépassait de toute façon de loin ses compétences.

— Heureusement que t’étais là, fit le Jedi, en reportant son regard sur sa Padawane. J’aurais été vachement moins à l’aise sans toi.

Thann avait déjà pu comprendre, depuis quelques jours, que Karm n’était pas particulièrement avare en compliments. Il n’avait pas de ces encouragements purement formels que certains maîtres jugeaient nécessaires pour bâtir la confiance en soi de leurs Padawans, mais il mettait un point d’honneur à faire sentir à Thann ses propres mérites. C’était une forme de justice, ça aussi : reconnaître les qualités des autres.

— Allez, en marche.

Un quart d’heure plus tard, alors qu’ils progressaient à nouveau dans la forêt, un bip leur annonça l’entrée dans l’hyperespace de la frégate. Karm espérait que la Force accompagnerait le contremaître et ses hommes, mais il garda ce sentiment pour lui. Depuis qu’ils avaient quitté la clairière, il n’avait pas dit un mot, d’ailleurs. Un peu de silence était le bienvenue, pour faire le point en soi-même sur les événements, et réfléchir à la manière dont il aurait pu mieux conduire les choses. L’un dans l’autre, tout s’était à peu près bien passé, mais on pouvait toujours s’améliorer et Karm était soucieux, en particulier, de développer ses aptitudes sociales et ses compétences de diplomate, des atouts essentiels pour qui voulait devenir Maître Jedi et siéger dans les Conseils.

Ils parvinrent au second lieu de prélèvement vers le soir et installèrent le campement non loin de là, contre un bosquet d’arbres tordus, qui s’étaient enroulés les uns autour des autres au fil du temps, et formaient une espèce de rempart de bois. La récolte pour le dîner n’avait pas été mauvaise et, compte tenu du retard, Karm espérait atteindre leur troisième point le lendemain au soir, puis revenir en une journée au vaisseau, et visiter alors les points indiqués par le contremaître. Ils auraient perdu une demi-journée tout au plus, et leur calendrier n’en était pas trop bousculé.

Adossé aux arbres, Karm regardait le feu crépiter dans l’obscurité toute relative de la nuit : là-haut, la lune s’était remplie depuis la vieille et diffusait sa clarté spectrale sur la planète. Les rumeurs des animaux qui avaient dormi toute la journée se mêlaient à celle d’une rivière voisine. Une journée de marche au calme avait aidé l’Ark-Ni à faire le point sur leur rencontre fortuite avec Avada.

— La Force nous a bien guidé, murmura-t-il, à moitié pour lui-même, à moitié pour Thann.

Il n’avait pas encore trop interrogé la jeune fille sur sa conception de la Force. Certains Jedis abordaient la question avec beaucoup de rationalisme et se faisaient d’elle une idée essentiellement physique, et instrumentale. C’était une attitude que Karm comprenait mal, mais qu’il avait appris à accepter. À l’autre bout du spectre, il y avait les religieux, comme lui. Mais entre lui, qui voyait la Force en mystique, et les métaphysiciens qui lui prêtaient quelque chose de plus personnaliste, il y avait tout un monde.

— Il était mignon, Val, pas vrai, poursuivit l’Ark-Ni, d’un ton parfaitement dégagé ?

L’attitude de sa Padawane ne lui avait pas échappé, probablement parce qu’il était plus sensible à ces questions-là que la majorité des autres Jedis. Le sexe, la romance et la sensualité comptaient parmi ses grandes préoccupations : il voyait un mystère de la Force que l’Ordre Jedi rechignait à explorer, à cause d’une pudibonderie mal placée, plutôt que de vraies et solides raisons. Et Thann était à un âge où, chez son espèce comme chez les autres humains et proche-humains, tout cela devenait brusquement plus réel et plus sensible.

Il se souvenait confusément de ses premiers émois, pendant une formation avec les soldats de la République, vers quatorze ans, quand ces corps d’hommes bien entraînés avaient pris pour lui une signification pressante. Des courbes d’une danseuse twi-lek, beaucoup plus tard, dans une planète de l’Espace Hutt. De la difficulté qu’il avait eu à comprendre pourquoi l’Ordre réprimait ce genre d’instincts. Et toutes les idées que les humains se faisaient sur la question. Qu’est-ce que ça voulait dire, d’être un homme ou une femme ? Gay ou hétéro ? Tout ça, ça n’existait pas, chez les Ark-Ni, et malgré une jeunesse passée au sein de l’Ordre, il avait eu du mal à tout concevoir.

Alors il tendait la perche à Thann. Thann qui avait laissé sa perche à elle être retrouvée par Val. Si ça, ça ne méritait pas une bonne psychanalyse…
Thann Sîdh
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« Heureusement que t’étais là, fit le Jedi, en reportant son regard sur sa Padawane. J’aurais été vachement moins à l’aise sans toi.

– J’ai fait de mon mieux, je suis heureuse d’avoir été utile. »

La réponse était sobre mais à l’intérieur de sa poitrine, c’était un feu d’artifices de joie et de bonheur. Elle s’était sentie si longtemps sous cloche au Temple, tout lui avait semblé si lointain, les situations si théoriques qu’au moment de rencontre ces gens, dans la réalité, faire face à leur détresse, la sentir ; le tout était devenu si palpable, si tangible ! Elle avait craint de faillir, elle avait craint de… Qu’avait-elle craint ? Au fond que ses angoisses se vérifiassent, que l’épreuve de la réalité confirmât le manque de discernement du Chevalier Karm qui n’eût pas su voir l’échec qu’elle était, qui n’eût pas su comprendre pourquoi si longtemps on l’avait laissée seule, sans mentor. Il avait soufflé sur l’angoisse et celle-ci n’avait pas tenue face au vent et s’était éparpillée. Elle était heureuse.

« Allez, en marche. »

Son enthousiasme ne la quitta pas de la journée et l’accompagna jusqu’au soir. Ils trouvèrent de quoi rendre leur repas plus sympathique, elle usa de la même méthode que la vieille sans rencontrer, cette fois, de camarade porcin. En lisière d’une clairière, leur petit feu de bois crépitait joyeusement. Tout autour d’eux, elle sentait la vie allait et venir. Elle était en train de manger les quartiers d’une sorte d’agrume un peu curieux mais délicieusement acidulé, lorsque la question lui restant en travers de la gorge. Elle commença par s’étouffer, elle toussa, termina mi-buvant mi-toussant. Elle avait chaud, terriblement chaud, et même si les flammes eussent pu expliquer en partie la rougeur de ses joues, elles n’eussent jamais pu amener ses oreilles à un tel vermeil.

« Ah ? Euh… C’est-à-dire que… Ben… Euh… J’essaye de suivre le code et de me détacher de tout ça. Les maîtres… Ils disent tous que… Bah… Vous voyez ? Et puis… Regardez-moi, j’ai encore l’air d’une enfant c’est pas comme Seïid, elle, elle est…Vous voyez… ‘Fin… »

Immédiatement, le corps ciselé comme une statue de sa camarade de chambrée lui apparut clairement en tête, échauffant davantage son esprit, d’autant qu’elle venait bousculer l’image qu’elle avait précédemment de Lloyd, et que cette façon qu’ils eurent de se télescoper amena irrémédiablement à une brève comparaison et dans la comparaison, l’un et l’autre mirent leurs qualités en exergue, se magnifièrent. L’adolescente était devenue un bouillon culture et si la pensée avait suffi, comme chez les Hutts, à conduire à une procréation spontanée… Son regard se perdit dans la contemplation de l’écorce du fruit qu’elle avait encore entre les mains. Elle n’avait jamais eu une telle conversation avec quelqu’un d’autre que Seïid et déjà avec elle, elle éprouvait beaucoup de difficultés à traiter du sujet. Alors aujourd’hui, avec son propre maître, plutôt séduisant en plus… C’était une conclusion de journée à laquelle elle ne s’était certainement pas attendue – d’autant qu’elle arrivait bien vite après l’officialisation de leurs relations maître-apprentie.
Karm Torr
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— Oh, tu sais, poursuivit Karm d’un ton tranquille, il y a des maîtres différents, très différents, au cours de l’histoire, selon les sujets, et ils ne sont pas souvent d’accord les uns avec les autres. C’est pour ça que notre Ordre est dirigé par un conseil… Même par plusieurs conseils, et que l’avis des conseils n’est parfois que consultatif : la vérité, la bonne décision, c’est quelque chose de fuyant. On a des guides, un code pour nous donner une idée, un conseil pour avoir des opinions, mais in fine, c’est chaque Jedi qui, face à lui-même, à la Force et à la Galaxie, doit décider ce qui est bon ou mauvais.

Ce n’était pas à strictement parler une interprétation hérétique de leurs institutions, mais ce n’était certes pas une position majoritaire. Il était vrai néanmoins que l’Ordre était souvent plus complexe et plus nuancé que ce que l’on suggérait aux Padawans. Pour Karm, c’était une force essentielle : l’Ordre Jedi, à ses yeux, n’était pas une armée, et la Voie du Jedi, en tant que cheminement mystique, exigeait beaucoup d’indépendance et beaucoup d’originalité. Toute structure trop autoritaire aurait été contraire aux objectifs qu’ils se fixaient.

— Le Code, c’est un texte sacré laconique, et comme tous les textes sacrés, religieux ou constitutionnel, il est là moins pour décider que pour faire réfléchir. Il est là pour être interprété. Et des gens l’ont interprété très différemment, parfois même de façon contradictoire, au fil du temps. Alors bien sûr, y a forcément un moment où on doit considérer qu’une interprétation est un sophisme dangereux à condamner. Je sais pas, disons, par exemple… Quand le Code dit qu’il n’y a pas de mort, on peut pas en tirer la conclusion qu’on peut tuer les gens sans s’en soucier. Pourtant, à strictement parler, si y a pas de mort, si y a la Force, tuer des gens, c’est presque leur rendre service, pas vrai ?

La conversation sur les émois sexuels de l’adolescence avait soudain pris un tournant bien philologique et théologique, mais c’était d’abord que, pour Karm, tout cela était intimement lié, et qu’ensuite, l’intellectualisation lui paraissait un bon moyen pour aider Thann à surmonter ses impressions fortes, qu’il percevait à travers la Force, pour leur donner du sens et, sinon s’en rendre maîtresse, du moins mieux les appréhender.

— En fait, tu vois bien que qui essaierait de vivre seulement à partir du Code serait au mieux un idiot, au pire un dangereux extrémiste religieux. En fait, la plupart des religions, ben elles ont des textes sacrés, pas toujours super clairs, pas toujours super tolérants, puis une tradition, généralement avec des choses pas mal contradictoires dedans, des courants très différents, tout ça. Et elles tiennent comme une source de la foi, révélée ou construite, à la fois les textes et la tradition. Et c’est un peu pareil pour nous.

Tout cela, Karm n’y avait réfléchi à vrai dire qu’assez tard, quand il avait compris qu’il aurait souvent à expliquer ce qu’il ressentait et ce qu’il pensait à d’autres Jedis, dont les avis étaient radicalement différents des siens. Jeune adulte, il lui avait fallu des années pour transformer ses évidences à lui, ses intuitions, ses conceptions en un système qui puisse être exposé. C’était un travail de longue haleine, et somme toute assez solitaire — même Luke n’était pas toujours d’accord avec lui.

— Et là, en ce moment, forcément, parce qu’il faut se démarquer de l’Empire Sith, parce qu’on cherche obsessivement le Côté Obscur partout, pas mal de gens ont tendance à se replier sur une position de fondamentaliste. De rigoriste. C’est notre responsabilité à tous de montrer que l’alternative à l’Ordre Sith, c’est pas un négatif. C’est pas un autoritarisme à la Jedi, c’est le pluralisme et la collectivité. Que le Côté Lumineux s’oppose au Côté Obscur, pas parce que chaque valeur est inversée, mais parce que la manière même dont on construit de la valeur est différente. La Lumière, c’est pas le blanc qui s’oppose à l’Ombre, c’est toutes les couleurs qui triomphent du néant.

Plus il parlait, plus il se montrait passionné. Il avait même un charisme qu’il ne se soupçonnait pas vraiment, mais que les aînés de l’Ordre avaient deviné en lui, en commençant à lui confier des missions où il était responsable d’autres Jedis. Il parlait, il parlait, et sa présence dans la Force était de plus en plus lumineuse, de plus en plus vivante. Dire que deux ou trois ans auparavant, il aurait été capable de ne pas s’embrouiller inextricablement dans son propre discours !

Il jugea que ces principes fondamentaux avaient donné suffisamment de grain à moudre au cerveau de Thann pour qu’il puisse se permettre de revenir au sujet sensible.

— Bon, et donc, pour l’attachement, tout ça, y a des gens qui ont des visions radicalement différentes. Bon, y a la version dominante, on va pas se mentir : le Jedi doit être chaste, doublement chaste, c’est-à-dire pas avoir de relations sexuelles et romantiques, mais aussi s’efforcer de pas éprouver de désirs sexuels et romantiques. Mais tu vois bien, quand tu considères les différents Jedis, que c’est pas une obligation. Certains ont même des enfants. Bon. Ensuite, y a la version exactement inverse. Des Jedis qui considèrent que le problème, c’est l’attachement, c’est ce que le Code pointe du doigt. C’est de là que viennent la jalousie, le désir de posséder, la peur, la douleur, et tout ça. Du coup, y a pas de problème avec le sexe, tant que y a pas d’attachement. Ils disent même que, selon les espèces, les Jedis devraient plutôt être incité à avoir des relations sexuelles, pour satisfaire leurs besoins physiques, les épancher, et ne pas risquer qu’ils se cristallisent et se muent en des idées romantiques. Comme une soupape de sécurité.

C’était une vision mécaniste de la chose, pour ainsi dire, d’ailleurs assez semblable à celle de nombreuses armées de la Galaxie, qui entretenaient plus ou moins officiellement des maisons closes non loin de leurs casernes, pour gérer les pulsions sexuelles des soldats, dont on jugeait le trop plein dangereux pour le moral et la discipline des troupes.

— Et entre ces deux pôles radicaux, ben, y a plein de manières plus nuancées de considérer les choses.
Thann Sîdh
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Thann écouta avec attention chaque parole de son maître, bien que son attitude ne le laissa, au début, que peu transparaître. Profondément gênée par le sujet de la sexualité, de l’attirance et de l’émotion, le chemin détourné que son maître emprunta lui facilita grandement la pensée. Elle laissa le silence s’installer pour peser chacune des paroles à l’aune de ses propres réflexions. Avec le recul, il lui semblait s’être laissé piégée par plusieurs biais. D’abord, celui de l’autorité : elle qui avait tant remis en cause la parole de ses ainés sur tant de sujet, la voilà qui avait accepté la voie de l’abstinence comme la seule possible, la seule évidente et la seule en accord avec les principes attendus du Jedi avant tout parce que ses maîtres l’avaient affirmé avec fermeté. Ensuite, le biais du progrès : si aujourd’hui l’Ordre, majoritairement, prônait cette distance avec le sentiment et le corps, n’était-ce pas le résultat d’une longue réflexion ? Une vérité apportée par l’histoire à force de voir se répéter les mêmes tragédies sentimentales ? Et pourtant, nulle preuve ne lui en avait été apportée.

Non l’émotion, mais la paix.
Non l’ignorance, mais la connaissance.
Non la passion, mais la sérénité.
Non le chaos, mais l’harmonie.
Non la mort, mais la Force.

Se laisser interpeller par ces vers, les mûrir, non pas les réciter comme autant de litanies. S’était-elle trompée en pensant qu’ils se suffisaient à eux-mêmes ? Pourquoi était-elle parvenu à démonter chaque vers hormis la passion ? Par pudeur ? Manque de confiance ? Elle n’avait jamais plu. Aux côtés de Seïid, elle n’avait toujours été qu’une enfant. La question était-elle celle du regard des autres ? Du regard qu’elle-même portait sur les autres ? De ses désirs ? de ses sentiments ? Les trouvait-elle simplement beaux ? Et Seïid… Elle avait beaucoup d’affection pour elle depuis longtemps, pourtant, depuis quelques mois, n’était-ce pas autre chose qui émergeait ? Elle n’était pas seulement devenue belle, elle s’était tant épanouie, elle était si forte, si drôle, si… Comment la passion ne pouvait-elle pas être à bannir quand elle vous mettait dans un tel état de confusion ?


« Si c’est une question de couleurs, ce n’est peut-être pas si étonnant si je m’égare totalement, hein ? »

Trouver une jolie phrase pour essayer de rire, c’était une première tentative pour essayer de faire s’échapper la pression qui menaçait de faire exploser son crâne.

« Je crois… Je crois qu’en réalité, je crains de ne pas être suffisamment forte. S’autoriser à aimer si fort… Au-delà de la… Vous savez… De la sexualité. Je ne sais pas si j’arriverais à garder la tête froide si mes amours venaient à être menacés. Avec un pouvoir comme le nôtre, ne pourrions-nous pas céder, face à la peur de perdre l’être cher, et en user.

Et puis, en même temps, si on cède à notre désir, on fait de la sexualité la même chose que la faim, comme si elle était un besoin nécessaire, mais la frustration a-t-elle déjà tué quelqu’un comme la faim ? L’autre peut-il être vu comme un bol de spaghettis ? Et… »


Elle soupira. La bouilloire qui lui servait de caboche était en train de siffler. Est-ce qu’elle était réellement en train de parler de… de ça avec son propre maître ? Et puis, dans un dortoir où l’intimité était nécessairement une chose tout à fait relative, il faut dire que l’atmosphère ne s’autorisait pas vraiment la découverte de soi, de son corps, de son désir. Des souvenirs, dans sa douche, lui passèrent fugacement dans l’esprit. Son teint, qui s’était pourtant fait un peu plus pâle, reprit des teintes rubicondes. Elle était définitivement plus à l’aise tout à l’heure, sur le pont de ce gros vaisseau, à négocier, à parler d’autres choses que de ses propres affects. Pourtant, elle voulait combattre ce mutisme qui l’accabler. Se montrer à la hauteur de la maturité qu’elle avait démontré jusque-là. N’était-ce pas les enfants qui étaient gênés de parler de… De ce truc de grandes personnes ?

« Et puis, qu’est-ce que c’est qu’aimer ? Comment sait-on que l’on aime ? Désirer, est-ce aimer ? Peut-on aimer sans désirer ? Désirer sans aimer ? »

S’il y avait un cours d’éducation sexuelle au Temple, elle n’en avait jamais entendu parlé et, en outre, il fallait bien le dire, l’adolescente se savait totalement ignorante de ces choses. Alors oui, elle avait bien suivi en cours de biologie et savait les bases de la procréation mais là, il ne lui semblait pas être question de cela. La sexualité, ce n’était pas aussi le plaisir ? Cette chaleur qu’elle avait senti quand… Si elle avait pu se rétracter en elle-même à la façon des escargots, son maître aurait probablement finit la soirée seul à discuter avec une coquille hermétiquement close.

« Je ne connais rien à ces choses moi… Au temple, le sujet est tellement tabou. L’amour nous est interdit, il fausse le jugement, mais la sexualité… Le… Le… plaisir ? C’est ça que certains recherchent ? »
Karm Torr
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La plupart des maîtres qui avaient un Padawan pour la première fois devaient être probablement tout aussi terrorisés que la jeunesse personne à la perspective d’avoir enfin cette discussion délicate à laquelle on imaginait mal que l’on puisse couper. Et Karm savait de source sûre que, justement, la plupart des maîtres l’évitaient. Combien d’adolescents étaient-ils ainsi lancés dans la vie sans avoir eu le moindre aperçu de la sexualité, que les expériences dérobées dans les vestiaires et les holoporns piratés en douce, pour les plus audacieux ?

Quelle était l’ampleur de la frustration collective au sein de l’Ordre ? Quel était le degré d’inadaptation sociale de celles et ceux qui finissaient plutôt par le quitter, après avoir échoué aux épreuves de chevalerie, et qui se retrouvaient jetés dans le monde, à vingt-deux, vingt-trois ans, sans avoir d’idées même vagues si leur conjugalité ? Plus Karm y réfléchissait, plus il trouvait que leur institution manquait gravement à son devoir pédagogique, d’une part, et que d’autre part elle imposait à tous une privation dangereuse et parfaitement inutile.

— Ben c’est normal d’avoir peur. Surtout que bon, les rares fois que les Jedis parlent d’amour, c’est pour décrire des passions volcaniques qui connaissent des fins tragiques. Qui se sentirait capable d’affronter ça ? Et si tu cherches à avoir tes propres réponses, tu vas regarder des holofilms romantiques. Et bingo, encore des passions volcaniques, à coups de suicides désespérés, de grandes décisions radicales et j’en passe. Mais faut dire que les histoires d’amour stables, épanouissantes et équilibrées, avec leurs disputes, mais des petites, et leurs douleurs, mais des surmontables, c’est pas aussi romanesque.

Et si les adolescents ordinaires pouvaient observer, c’était à espérer, tout autour d’eux, des exemples de ce genre-là, dans la vraie vie, les Padawans en étaient, eux, cruellement privés. Tout ce que l’on peur présentait relevait de l’exceptionnel, quasi du fantasmatique, coincés qu’ils étaient entre les élucubrations des scénaristes et les jugements catégoriques de religieux quatre fois plus âgés qu’eux, qui parfois n’avaient jamais connu l’amour.

— Alors on peut commencer par le début. Est-ce qu’avoir des relations sexuelles, c’est nécessaire pour la survie ? Manifestement pas, chez la plupart des espèces. Mais est-ce qu’on doit chercher à survivre, ou à vivre le mieux qu’on peut ? L’ascèse jedi, c’est pas se maintenir juste à la limite de la mort, c’est plutôt augmenter sa puissance d’agir, tu crois pas ? Je sais pas, par exemple… Un Jedi, ça mange rarement juste pour se maintenir en vie. Ça mange généralement plus que nécessaire, pour développer ses muscles, notamment, ou alimenter son cerveau, et pouvoir mieux bouger et mieux réfléchir. Du coup, que le sexe soit pas nécessaire à la vie, c’est indifférent.

Il y avait même une direction pour la réflexion plus audacieuse, qui aurait consisté à souligner que, précisément, le sexe était la condition de la vie et qu’en pratiquant l’abstinence, les Jedis privaient la Galaxie de vies nouvelles, celles de leurs enfants potentiels, que même leur crime à cet égard était d’autant plus grand que leurs enfants avaient d’autant plus de chance d’être sensibles à la Force et qu’ainsi, au fond, ils trahissaient la Force en se refusant à procréer.

Mais chaque chose en son temps.

— Du coup, la question, c’est de savoir si le sexe et la romance, c’est profitable. Et là, je pense que y a quand même pas mal d’études psychologiques, anthropologiques et sociologiques sur les bienfaits psychiques et matériels de la conjugalité, de la pratique sexuelle et des sentiments d’attachement réciproques pour dire définitivement que oui. Évidemment que ça peut causer des problèmes, mais quand on court beaucoup, on risque de se fouler la cheville, et j’ai jamais vu des Jedis prétendre qu’il fallait rester toujours immobile.

Mais les Jedis avaient la curieuse manie à ne jamais faire l’anthropologie que des autres. Les sciences sociales étaient centrales à la pratique des Consulaires de l’Ordre, mais elles n’étaient que rarement employées comme des outils réflexifs pour méditer sur les rouages de leurs propres institutions.

— Une fois qu’on a établi ça, on peut réfléchir aux questions du niveau en dessous. Est-ce que l’amour fausse le jugement ? Ouais, peut-être. Est-ce que quelqu’un de très frustré sexuellement a un jugement sain ? C’est pas dit. Dire que seule l’abstinence permet d’avoir un jugement sain, en fait, c’est ni plus ni moins que céder au fantasme de l’universalité d’un point de vue et de l’objectivité d’un jugement non-situé. Ou… Disons, pour la faire plus simple, le fantasme d’être neutre. Neutre et désincarné. Quand tu songes que la sensibilité à la Force vient des midichloriens qui sont dans notre corps, y a quelque chose de conceptuellement…

Karm était en train de s’embrouiller, à mesure que ses différentes idées sur la réflexion située, le sensualisme et la Force se télescopaient avec une discussion déjà bien compliquée. Il s’interrompit pour faire l’effort de réfléchir plus sereinement et de réduire le champ de la conversation.

— Bref. Pour répondre à tes questions. On peut aimer sans désirer. On peut désirer sans aimer. On peut désirer d’abord et puis aimer ensuite, aimer d’abord et désirer ensuite, aimer et désirer à un moment, et puis juste aimer après. Toutes les configurations sont possibles, quoi. Ça dépend des espèces, ça dépend des moments de la vie, ça dépend des personnes. Alors du coup, bon, j’avoue, ça aide pas beaucoup, comme réponse.

Le Jedi se releva pour rajouter du bois sec au feu qui était en train de s’éteindre.

— Aimer… Tu sais, y a beaucoup de gens qui disent qu’on sait ce que c’est que l’amour quand on le ressent pour la première fois. C’est pas tout à fait faux. Mais je dirais plutôt que comme beaucoup de sentiments, l’amour, c’est… Un terme instrumental. Une manière de désigner un ensemble de réactions dans ton corps et ton esprit. Tu te dis, au bout d’un moment, « c’est quelque chose de cohérent, c’est quelque chose qui dure, ça ressemble à ce que les autres décrivent, j’appelle ça de l’amour ». C’est pas une vérité objective, c’est une manière de se décrire soi-même. Pour le désir, ‘videmment, c’est plus facile, parce que y a des signes physiologiques qui trompent pas trop.

Et plus il parlait, plus il devait être évident qu’il était concerné par tout ce qu’il décrivait.

« Mais... Faut-il céder au désir lorsqu'il n'est pas accompagné d'amour ? N'est-ce pas manquer de pudeur ? Faut-il attendre d'aimer ? Céder à ses passions, ce n'est pas céder à notre obscurité ? A notre égoïsme ? Notre volonté de posséder ? »
— Hmm. Pas mal de Jedis répondraient, je suppose, que c’est préférable de céder au désir sans amour, parce que le désir qui accompagne l’amour, ce n’est qu’un attachement plus fort encore. Mais d’autres diraient que le désir n’est pas noble. Seulement, si tu réfléchis bien dans les termes de la voie du Jedi, tu vois que la condamnation de l’acte sexuel en tant que tel, ça ne vient pas spécialement des préceptes jedis, ça ne s’en déduit pas logiquement. C’est plutôt un préjugé… d’ordre social, disons. Plus général, quoi.

Au demeurant, ça n’avait rien de surprenant. Les Jedis ne vivaient pas en autarcie, et il aurait été illusoire de penser que, liés inextricablement au monde qui les entourait, ils fussent préservés des conceptions morales qui y dominaient.

— Et le truc, c’est que la condamnation du sexe, elle est jamais tout à fait… J’allais dire innocente, mais non, disons, plutôt… Neutre politiquement, tu sais ? On la fait souvent passer pour quelque chose d’éthique, pour une question d’excellence personnelle, de respect des valeurs morales, comme la pudeur, mais en fait, fondamentalement, c’est souvent plutôt un outil d’organisation de la société. Mais attends, on va prendre un autre exemple que les Jedis.

Rassis en tailleur devant sa Padawane, Karm observait le feu qui dansait entre eux. Il parlait de ces choses là plus facilement désormais, parce que fréquenter l’ExploCorps et les anthropologues qui y oeuvraient lui avait appris à adopter sur les sociétés un point de vue plus analytiques.

— Prenons les conceptions les plus répandues. Genre… Que le sexe, ça se pratique au sein d’un couple, entre deux personnes liées par des sentiments amoureux, à l’exclusion d’autres personnes, et si possible, entre personnes de sexes opposées. Et que c’est mieux si cette relation dure le plus longtemps possible. Que c’est ce qui est beau, moral, que c’est la fidélité, et tout ce qu’on voudra. Bon. J’imagine que tu comprends bien en quoi ça découle d’une certaine conception du mariage, pas vrai ?

Plus cette conversation progression, plus Karm trouvait qu’il était aberrant que les Padawans ne fussent pas mieux formés à l’analyse de ce genre de phénomènes.

— Bon, mais le mariage, ça a beau être paré de toutes sortes de vertus, de mérites, de valeurs morales et éthiques, au fond, c’est surtout un instrument de contrôle de la propriété. Le principe du mariage, c’est de produire des héritiers. Le principe de l’héritage, c’est de pouvoir identifier facilement à qui passe la propriété quand un propriétaire est mort. Et la condition pour que l’identification soit facile, c’est que le doute fondamental qui existe chez la plupart des espèces sur la paternité soit éliminé autant que possible. Donc que la femelle ait le moins de partenaires possibles. Idéalement, un seul. L’exclusivité et la pudeur, les restrictions sexuelles, c’est d’abord des instruments d’organisation socio-économique, et en particulier d’une organisation sexiste, qui sont ensuite rétrospectivement parés de valeurs éthiques et morales.

Karm Torr, révolutionnaire ?
(Si peu.)

— Alors quand on considère la morale sexuelle, faut toujours se rappeler que ce qu’on appelle des vertus sont d’abord des instruments de ce genre-là. Bien sûr, avec le temps, avec l’évolution des sociétés, y a de la densité qui se crée. Je veux dire que ce qui était à l’origine un simple prétexte est devenue une vraie valeur, investie d’une vraie portée spirituelle. C’est pas parce que quelque chose est construit, utilitaire et fondamentalement injuste et inégalitaire, qu’il peut pas être aussi investi de manière spirituelle et, disons, sincère. Et c’est là où ça se complique, un peu, pour nous, les Jedis.

Parce que jusqu’à présent, toute cette discussion était une promenade de santé.

— C’est ce qu’on peut appeler le paradoxe de l’ascèse. T’en as peut-être parlé en cours sur d’autres sujets. C’est un thème fréquent en religion. Bon. On fait des exercices ascétiques par humilité, pas vrai ? Pas seulement, mais aussi par humilité. Pour rabaisser son ego. Les Jedis tiennent vraiment à être humbles. Seulement… Seulement, l’ascèse, ben justement, c’est un exercice. C’est compliqué. Se restreindre, se contrôler, tout ça, il faut de la force de caractère pour le faire. Pour se priver aussi. Et fatalement, y a un moment où l’ascèse devient une forme de virtuosité. Où on a d’autant plus de mérite aux yeux des autres qu’on est ascétique. Et par conséquent, on tire de la fierté du fait même de s’être montré humble. Or, dans ce paradoxe-là, le plaisir corporel, et surtout le plaisir sexuel, a une place très particulière.

Il était facile de comprendre au ton du Jedi que le sujet le passionnait profondément. Jamais il n’avait expliqué quelque chose aussi longuement à qui que ce soit.

— Parce que pendant l’acte sexuel, l’être sentient est souvent ramené à ce qu’il a de plus… Primitif. De moins élaboré. De plus spontané. Il sue, il grogne, il soupire, il geint, il suit ses instincts. Il arrive plus à vraiment beaucoup réfléchir. L’acte sexuel, c’est le moment où on prend conscience qu’on appartient aux règnes animaux. Qu’on est quelque part comme un cochon ou comme un bantha. Et quand on écoute les condamnations de l’acte sexuel, c’est souvent sur ce thème-là qu’elles roulent : on dit que c’est bas, que c’est indigne, que c’est honteux, et tout ça. C’est souvent notre égo démesuré qui fait reposer notre excellence sur notre capacité à raisonner, comme radicalement opposée à notre capacité de sentir, qui nous conduit à condamner l’acte sexuel.

Le dualisme du corps et de l’esprit était aux yeux de Karm la conception philosophique la plus dangereuse et la plus infectieuse parmi celles qui avaient le vent en poupe au sein de l’Ordre. Rien ne lui paraissait plus regrettable que des Temples Jedis remplis de Chevaliers qui cherchaient à pratiquer une méditation désincarnée et abstraite.

— L’abstinence totale, c’est une passion, le plus souvent. La passion de l’excellence, l’orgueil. Ou la passion de la crainte, la peur de pas savoir peur, la peur de se lier aux autres, la peur de se donner et de recevoir. De la même manière que la sexualité frénétique est une passion. Mais tu sens bien qu’on pourrait prêter au sexe des valeurs tout aussi spirituelles que l’ascèse : c’est une manière de rabaisser son égo, c’est une manière de connaître ses sens, c’est une manière d’appréhender son corps, c’est une manière de rejoindre l’autre, c’est une manière de participer à la Force créatrice et ainsi de suite.
Thann Sîdh
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Lentement, au rythme des murmures érudits de son mentor, la honte commença de disparaître dans le cœur de l’adolescente. Ses derniers stigmates furent soufflés lorsqu’elle réalisa pleinement ce qui était en train de se passer entre elle et lui. A cet instant, son maître la considérait comme une adulte et lui livrait ouvertement sa pensée critique. Elle n’était pas traitée comme une enfant qu’il fallait préserver de la turpitude et de la débauche. On lui dépeignait la chair pour ce qu’elle était, plaisir ou méfait. Sur les lèvres finement dessinés de son aîné, le rapport au corps devenait tellement plus complexe. Effectivement, si elle s’était trompée, c’était bien en construisant cette image d’un esprit et d’un corps en concurrence, et à la fois, l’avait-elle fait de façon systématique ? Il était curieux que se concentrât sur ce point précis autant de ses contradictions, moins qu’elles ne se trouveraient certainement pas toute résolue cette nuit. Son maître avait cessé de parler, elle ingérait progressivement ses paroles, sa mémoire reprenant mot à mot, avec exactitude, chaque son qu’il avait émis. Alors qu’elle avait débuté la conversation le regard planté fermement dans ses chaussures, elle avait désormais redressé le nez et buvait encore avidement chacune des paroles, bien qu’elles fussent déjà passé. Et puis, comme si la complexité qui venait d’être déposé à ses pieds déclenchaient, par réaction, une même dose de pensées tout à fait futiles, elle se mit à pouffer, à rire, et rire, et pleurer, et rire encore et rire de pleurer. Devant le regard un peu surpris de son mentor, elle finit par réussir à trouver un semblant de souffle et à baragouiner, entre deux éclats :

« Sauf le respect que je leur dois, je viens d’avoir en tête une scène où un Bantha-à-tête-de-Maître-Don et un Bantha-à-tête-de-Maître-Marja s’ébattaient follement. Je suis vraiment désolée, cette peinture n’a pas la noblesse de vos propos, mais je n’arrive pas à la sortir de ma tête. »

Et la Padawane de rire encore, et encore comme pour déverser toute la honte qui jusque-là l’avait tétanisée tandis que, auréolé de bienveillance, son maître lui sourit. Quand elle eut enfin réussi à se recomposer un semblant de sérieux, qu’elle eut changé le bandage de ses yeux imbibés de ses larmes, qu’elle se fut rassise, elle songea enfin à répondre.

« C’est… fou. Je sais que vous dites vrai, j’entends, et pourtant, toute mon éducation, toutes mes habitudes, tout ce que j’ai appris résiste à cette idée. J’ai construit toute mon identité autour de cette idée d’un antagonisme fondamental entre sens et intellect. C’est une chose que de vous entendre dire que la pudeur est une construction sociétale, c’en est une autre que d’accepter le dialogue avec mon corps. C’est cela, ce que l’on appelle mûrir ? Elle marqua une pause. Je dois pourtant vous remercier. Je ne comprends certainement pas tout, il me faudra du temps pour assimiler, peser, comprendre, accepter. Mais vous me parlez comme à une adulte et… Je crois que sens profondément à présent combien, jusqu’alors, on m’avait considérée encore comme une enfant. Peut-être pourrions-nous attendre demain matin pour reprendre notre échange ? La nuit m’apportera certainement sa foule de questions.

– Naturellement. De toute façon, t’sais, il faut laisser du temps à ces choses-là. C’est des sujets compliqués, ça évolue au fil du temps. J’sais qu’on aimerait parfois avoir des réponses immédiates et tout, mais de la patience, ça fait pas de mal non plus. Même les adultes doivent encore mûrir.

– Merci. Alors j’imagine que je finis mon dessert et au dodo ? »

Et ce fut effectivement ce qui arriva. Dans le cocon de son duvet, l’adolescente essaya de faire un bilan de sa journée. Comme projetant un film sur la toile de sa tente, elle entendit de nouveaux les mots, elle entendit de nouveau les conseils, elle perçut encore les visages, les expressions, sentit encore les odeurs. Et à la fois, tout cela, elle continuait de l’intellectualiser, d’essayer d’en extraire un savoir, une quintessence, une logique. Alors que les pensées de son maître devenaient audibles, elle en saisit un peu le sens. Sur cette toile, si elle avait projeté les autres, elle ne s’y était pas projetée. Ni le charme qu’avait eu le jeune ouvrier sur elle, ni le bonheur retrouver de la marche au milieu de temps de vie, ni la fatigue, ni les douleurs. Elle n’écoutait encore que son esprit, concevait l’une et l’autre partie de son être comme non-missible.

Les pensées allaient, venaient et, malgré la fatigue, elle ne parvenait pas à trouver le sommeil. Se relevant, finalement, elle alla se trouver un tronc confortable pour y méditer mais, non plus pour atteindre l’ataraxie, au contraire, à ce moment, pour sentir plus qu’elle n’avait jamais senti. Le froid, l’odeur des feuilles, des vivants, le bruit du vent, son propre souffle, les douleurs de ses muscles, la présence de son maître, elle tenta de laisser aller son esprit sans plus le guider et, quand celui-ci divagua plus loin encore, jusque dans sa chambrée, sur Ondéron, elle ne retint pas les images qui lui vinrent. La honte était un barrage entre elle et la compréhension d’elle. Ici, au cœur de la nuit, loin de tout, loin de tous, elle n’avait plus lieu d’être. Si le désir n’était pas à blâmer, alors elle devait l’accepter et bannir ses anciennes pudeurs farouches. Au sortir de sa méditation, elle était frigorifiée et l’humidité ambiante avait fait perler la rosée sur ses cheveux et son visage. Pourtant, elle était heureuse. Elle sourit pour elle-même et regagna sa tente où elle trouva enfin le sommeil.

Le lendemain, au petit-déjeuner après que maître et apprentie se furent renseigner l’un l’autre de l’état de l’autre et l’un…


« Je crois avoir saisi quelque chose d’important. Une erreur que je commettais depuis longtemps. J’ai hypostasié, à partir des discours de mes pairs, le Jedi. J’ai cru qu’il existait un idéal unique, singulier de ce que c’était qu’œuvre, au sein du Temple, pour l’équilibre et l’harmonie de la Force, mais aussi d’être au sein de la Force. Il n’y a pas un Jedi, nous sommes des Jedis. Il ne s’agit pas de le devenir en entrant dans un stéréotype, il s’agit de l’incarner à sa façon et de faire nôtre les grands principes moraux du Temple, de les accepter et de les relayer si nous en avons le désir, si nous les sentons en accord avec ce que nous sommes, avec ce que je suis.

J’écouterai mon corps, j’écouterai mon cœur, j’œuvrerai pour ce que je crois être le juste, car je sens que c’est ce que je souhaite et que, certainement, c’est ce que la Force veut de moi. Je ne veux pas traverser cette vie et rejoindre la Force sans jamais avoir été rien d’autre qu’un fantôme. Si la Force nous a doté d’un corps, c’est qu’il nous faut apprendre de ce qu’il nous fera sentir. Si nous n’étions destinés qu’à l’éther, elle ne nous aurait pas embarrassé d’un corps. Je veux vivre ; même si cela m’amène à ne pas être parée de toutes les vertus qu’attendraient de moi les élites puritaines. »


Le sérieux de son ton donnait au tout une drôle d’allure de profession de foi. Elle s’en rendit compte, sourit, parue gênée un instant mais écarta la honte d’un revers fantasmé de la pensée. Elle s’était exprimée avec sincérité, la honte n’avait plus à venir l’entraver.

« Enfin… Cela reste entre-nous hein ? Je ne voudrais pas avoir à répéter la même chose devant Maître Marja. » conclut-elle en souriant. Il fallait dire que la vieille Maître Jedi avait pour réputation d’être la plus rigoriste de l’ordre et, à n’en pas douter, la moitié de ce discours aurait valu des heures de corvées à la petite Thann pour lui inculquer l’humilité et le sens des priorités.
Karm Torr
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Dès l’aurore ce matin-là, Karm était debout. Il s’était éloigné de quelques dizaines de pas de Thann, pour qu’elle ne fût pas dérangée par le bruit du sabre laser qui accompagnait ses entraînements du matin. Quand il explorait, il les réduisait au strict minimum, pour ne pas s’infliger une fatigue superflue et y dépenser une énergie dont il aurait besoin sur le terrain, mais c’était souvent l’arme à la main qu’il méditait le mieux, et après les derniers jours mouvements, il avait besoin de se retrouver dans ces tourbillons de danseur qui rythmaient sa vie.

La veille, il s’était endormi presque aussitôt. L’explorateur devait avoir le sommeil léger, mais aussi rapide et facile. Ça aussi, c’était un entraînement. Mais, en émergeant, ce matin-là, et en écoutant le souffle régulier de sa Padawane encore assoupie, il avait été pris d’un doute vague. Etait-il en train de pervertir la jeunesse ? Toute son éducation ark-ni lui disait le contraire, bien entendu. Mais il avait passé son enfance dans ce qui devait bien être l’une des sociétés les plus libérales, en matière de sexualité, de toute la Galaxie. Et il ne pouvait pas exclure que cette ouverture d’esprit était mal fondée.

Pourtant, il se sentait sûr de ses convictions. Il y avait beaucoup réfléchi. Il avait écouté toutes les réticences de Luke. La présence du Hapien dans sa vie aurait été le garde-fou insurmontable à ses éventuelles perversités. Les idées sur lesquelles il avait fini par s’arrêter pour mieux les arranger et mieux les exprimer, elles étaient fermes, elles résonnaient dans sa mystique, dans sa politique, dans sa pédagogie. Il rétracta son sabre en sentant Thann s’éveiller à travers la Force et la rejoint pour le petit-déjeuner.

La profession de foi de la jeune fille fut accueillie par un hochement de tête approbateur.

— C’est ça. La Voie du Jedi est d’abord une voie personnelle, et cet engagement existentiel ne doit pas être sacrifié pour la préservation de nos institutions, qui n’ont de sens qu’en tant qu’elles se font les viatiques de notre réalisation mystique. Ce n’est pas un égoïsme de penser à soi, quand les formes que l’on donne à sa vie sont celles du service de l’autre. Bien sûr, il y a là, dans tout ça, des équilibres précaires et des déviations dangereuses, mais c’est le cas de tout engagement.

D’ailleurs, au fond, Karm connaissait peu de Chevaliers ou même de Maîtres qui adhéraient strictement et parfaitement aux canons de l’Ordre Jedi. Maître Marja ne faisait pas exception à la règle. Il l’avait vue sur le champ de bataille, aux premières loges, quand ils avaient affronté un sorcier sith, avec l’aide de Korgan, dans une jungle lointaine, et il avait été choqué du caractère radical de ses décisions. Mais il acceptait que, pour bien des Jedis, cette violence impitoyable était légitime. L’une des nombreuses manières d’être un Jedi.

— Et évidemment que ça reste entre nous. Entre un maître et sa Padawane, il y a… Il doit y avoir une confiance réciproque, et cette confiance passe par une confidentialité. Bien sûr, si demain tu te mets à assassiner des gens sans raison, je le garderais pas pour moi, mais je peux pas t’aider à te développer si t’as l’impression que tu peux pas me confier tes doutes ou tes originalités. Comme moi je te fais confiance pour entendre les miens.

Mais au fond, jusqu’à présent, le jeune Chevalier n’avait pas beaucoup parlé de lui. Il avait exposé ses idées, et c’était déjà beaucoup, parce qu’elles n’étaient pas communes, et que ses confrères et ses consœurs devaient parfois les juger condamnables, mais sur sa vie privée, sur son passé, sur sa vie intérieure, il n’avait pas dit grand-chose.

— Bon, on replie le campement, on se met en route, on fait notre dernier prélèvement et demain, on revient au vaisseau. J’ai eu un message qui m’a confirmé l’arrivée de nos intrus à Coruscant, ça suit son cours là-bas.

Ils auraient probablement à s’y rendre à leur tour, pour témoigner, et Karm n’était pas pressé de retrouver l’écheveau infernal de la planète-ville.

Les deux Jedis se relevèrent pour ranger leurs affaires et reprirent leur route. La progression était beaucoup plus facile que la veille, parce qu’ils avaient enfin quitter la forêt, pour remonter le cours d’une rivière qui prenait sa source dans les montagnes où ils s’étaient posés, à leur arrivée. Abstraction faite du soleil estival qui faisait peser sa chaleur sur les céréales et les herbes sauvages qui s’étendaient désormais à perte de vue, c’était une longue plaine qui s’offrait à eux, dont la tranquillité n’était dérangée que par la course précipitée d’un prédateur quadrupède qui chassait parfois des troupeaux d’herbivore mais qui, circonspect, évitait soigneusement de croiser le chemin de ces drôles de visiteurs.

— Pour revenir à ce problème du corps et de la Force… Note que les vieux consulaires continuent à faire des exercices physiques. Même s’ils se battent très peu. Même s’ils ne sont plus aux premières lignes. Parce que les pratiques jedis sont fondées sur l’idée qu’on atteint la Force par le corps. Après, le discours est parfois contradictoire des pratiques, mais c’t’un autre problème. Mais pour bon qu’on prête bien attention, on trouve dans les habitudes traditionnelles de l’Ordre tout plein de ressources pour suivre le chemin que tu te proposes.

Et c’était un point sur lequel il insistait lui-même souvent devant Luke : ses idées avaient beau être atypiques au sein des Temples contemporains, elles s’inscrivaient strictement dans les traditions de l’Ordre. Karm était un original, mais certainement pas un hérétique.

— Un jour, on pourra peut-être avoir de grandes discussions publiques au sein de l’Ordre sur ces sujets. Mais pas en ce moment. J’ai bien peur que ce soit pas tellement l’ambiance.

On parlait plutôt d’inquisition que de pluralisme, ces temps-ci, dans les couloirs feutrés du Temple.
Thann Sîdh
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Si elle n’en avait pas douté un instant, entendre leur relation comme exclusive et hermétique fit l’effet à l’adolescente d’une couverture chaude déposée sur ses épaules. Elle n’était plus seule et pour rien au monde elle ne se séparerait de cette chaleur. Le campement fut relevé, leurs paquetages reconstitués, son bâton en main, elle reprit la marche avec entrain.

Après avoir quitté la forêt, ils remontèrent les rives d’une rivière joyeuse, pleine de pierres rondes, elle était tranquille dans le creux de la plaine et, au fur et à mesure qu’il gagnait l’amont son cours s’accélérait et les pierres charriées grossissaient, de même les symphonies de gargouillis. Le soleil, un peu pressant, l’obligea se protéger et à enfiler sa capuche mais les étendues herbeuses, agitées par le vent, patchwork de formes et de tailles, le tout grouillant de vie, d’odeur. Elle ne s’était jamais sentie si légère et elle laissait aller et venir les bouffées de bonheur.

Il eût été faux de dire que le silence c’était installé tant la plaine bruissait de tous les chants d’oiseaux, du souffle du vent, des mugissements ; simplement, l’apprentie et le maître se consacrèrent tout entier au plaisir du voyage et ce ne fut qu’après un long moment de marche que son maître l’interpella, ajouta ses murmures à ceux du vent après l’avoir laissé gagner son niveau.


« – Un jour, on pourra peut-être avoir de grandes discussions publiques au sein de l’Ordre sur ces sujets. Mais pas en ce moment. J’ai bien peur que ce soit pas tellement l’ambiance.

– J’ai parfois l’impression que la peur gagne un peu plus les peurs et nos institutions. Il y a dix ans de cela, peut-être étais-je trop petite pour l’entendre ou m’en souvenir, mais… J’ai la sensation que nous nous transformons en guerriers, que certains oublient que le conflit n’est pas une fin en soi, que les batailles, les meurtres ne mèneront jamais à la résolution de ce conflit. J’ai le sentiment que nous accumulons tant de peine, nous souffrons tant de pertes sans nous autoriser le deuil que la souffrance semble ressurgir autrement, alimenter… De sombres tensions.

Je crains que nous nous perdions dans le feu du combat. Savons-nous au moins, encore, pourquoi nous nous battons ? Les offensives menées par la République, nous y avons participés également ; est-ce ainsi que nous défendons l’opprimé, la paix et l’équilibre ? J’ai conscience que la question est complexe et qu’il n’existe pas de réponse simple mais… J’ai le sentiment que nous nous trompons un peu. Je ne sais pas… Je ne devrais pas remettre ainsi en doute les décisions du Conseil, je devrais avoir confiance absolue en leur sagesse mais… Je ne sais pas. C’est un malaise diffus que je ressens et, je manque sûrement d’une vision globale, petite Padawane que je suis. »


Ce qui la faisait véritablement tiquer, c’était cette façon dont le Temple s’engageait systématiquement auprès de la République à chaque conflit armé, mais qu’une fois revenu en temps de paix, lorsqu’il n’y avait plus de sang à verser, de nouveau, les élites se passaient du conseil avisé des Jedis pour cultiver de nouveau toujours plus les inégalités qui, inexorablement, amenées à de nouvelles tensions, à de nouvelles violences, à de nouvelles convoitises, jusqu’au nouveau conflits. Comment pouvait-on ne pas comprendre que le problème était moins les acteurs que le modèle dans lequel ils s’entêtaient.
Karm Torr
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— Bien sûr non, tu devrais pas avoir une confiance absolue en leur sagesse, déclara Karm, alors qu’ils s’arrêtaient pour la pause déjeuner, près de la rivière. Aucune sagesse mortelle n’est absolue et le devoir du Jedi, c’est de se considérer comme un être qui chemine sur la Voie, qu’il soit un Padawan ou un Maître. Le Conseil n’est pas peuplé de dieux : il est sage, mais il peut se tromper. L’histoire l’a montré à de multiples reprises.

Karm était toujours très réticent à accepter le vent d’obédience aveugle qui soufflait depuis quelque temps sur l’Ordre. Pour lui, l’une des spécificités religieuses des Jedis, c’était justement de n’entretenir, nulle part, à aucun moment, le principe de la foi révélée ni de l’infaillibilité. La vie d’un Jedi était une quête qui n’aboutissait jamais et l’incertitude y jouait un rôle fondamental, parce qu’elle était un ferment d’humilité.

Or, depuis que la guerre avait éclaté au moins, et peut-être même avant cela, l’Ordre se muait en une institution guerrière dont la structure n’était petit à petit plus que le pâle reflet de n’importe quelle armée. On ne devait plus réfléchir aux ordres, on ne devait plus que servir un commandement qui, soudain, se trouvait investi de toutes sortes de vertus précisément contraires au Code et à l’esprit des Jedis.

C’était inexplicable, pour Karm, et pourtant, il y voyait bien que Luke, par exemple, avait des difficultés immenses à remettre en question le Conseil. L’histoire de l’Ordre avait beau être riche en Jedis rebellés qui s’étaient illustrés par leur défiance à l’égard de leurs institutions et qui avaient ensuite été célébrés pour leur perspicacité, toute créativité et tout esprit d’indépendance étaient désormais étouffés par des réformateurs pernicieux qui avaient l’audace de se faire passer pour des traditionalistes.

— Après, j’ai bien conscience que c’est vachement difficile de le dire à visage découvert, de nos jours, poursuivit le jeune homme, en déballant ses provisions, assis en tailleur dans l’herbe, le regard accroché au courant vif de la rivière, à deux pas d’eux. La guerre a tout sclérosé. Elle a aligné notre façon de percevoir nos institutions sur une armée. Elle a balayé la diversité. Elle a étouffé toute réflexion ecclésiologique. C’est… Terrible. Après les pertes de vies, de tous nos camarades tombés au combat, c’est la perte la plus irremplaçable pour l’Ordre. Celle de notre culture. De notre diversité. De notre spécificité.

Mais qui se souciait de ces questions abstraites quand les destroyers impériaux venaient opportunément trancher les cieux des planètes alliées ? Qui avait le temps de réfléchir aux conséquences délétères d’un zèle militaire sans cesse renouvelée quand les bombes à protons explosaient d’un bout à l’autre de la Galaxie ?

— Dans une situation pareille, y a un certain degré de prudence à adopter parmi les siens, et ça, ça me rend vraiment triste, quoi.

Par là, il voulait dire qu’il se méfiait de plus en plus de certaines personnes au sein de l’Ordre. De Chevaliers particulièrement bellicistes. De Maîtres particulièrement rigoristes. Peut-être qu’ils se saisissaient de l’occasion comme d’un prétexte pour imposer leur intégrisme. Peut-être qu’ils étaient sincèrement convaincus du bien-fondé de leurs idées. En tout cas, Karm craignait le pire.

— Mais une partie de l’Empire cherche à faire la paix…

Il était bien placé pour le savoir, parce qu’il l’avait rencontrée, cette partie-là, à son corps défendant.

— … et une partie de la République aussi. Alors on peut espérer que les choses finiront par s’aplanir.

Il n’avait l’air qu’à moitié convaincu.

— L’avantage de l’exploration, c’est que ça tient quand même souvent éloigné des agitations de la petite politique interne à l’Ordre. Et ça met les choses en perspective. C’est pour ça que j’pense de plus en plus à fonder cette enclave, là. Pour préserver cette diversité.

Encore fallait-il bien cerner toutes les mesures concrètes qu’il fallait prendre à cet effet. Trouver des financements dans le budget de l’Ordre. Des volontaires pour former le noyau dur. Avoir des autorisations du Conseil. Probablement de la République, aussi.

— Enfin bref. Tu as bien conscience qu’étant donné ce que je suis, au sein de l’Ordre, et de mes spécialités, il y aura fatalement un jour, plutôt prochain ou lointain, où on nous enverra sur le champ de bataille ? Bien sûr, tu n’es pas strictement obligée de m’accompagner…

Mais il était pour le moins improbable qu’on laisse Thann devenir Chevalière s’il s’avérait qu’elle se soustrayait à ses obligations militaires au sein de l’Ordre.
Thann Sîdh
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C’était une chose que d’avoir exprimé ses doutes, l’autre jour, alors qu’ils avaient partagé un repas dans la cantine du Temple. Elle avait alors exprimé ses doutes en flots ininterrompus, troubles, à force d’avoir été trop longtemps retenu par une digue que le Chevalier, avant d’être effectivement son maître, avait fait céder par ses questions. Sur une gamme adolescente, avec des notes puériles, elle avait signifié l’attachement profond qu’elle avait développé pour la vie et pour le respect de celle-ci, la contradiction qu’elle percevait avec le rôle martial qu’il lui fallait jouer. Alors, la réaction de son aîné l’avait persuadée que quelque chose, dans son discours, n’allait pas mais, à présent, au bord de cette rivière, elle l’entendait l’encourager dans ce scepticisme qu’elle n’avait jamais osé pousser si loin ; elle s’en rendait compte. Questionner le dogme, vaguement, comme s’il avait sa propre existence, comme s’il était détaché de chaque être qui composait le Temple et surtout, le Conseil, c’était différent de frontalement remettre en question la sagesse des Maîtres et de considérer le Conseil comme en partie responsable de cette martialisation à marche forcée du Temple – même si la situation contraignait aussi ceux-ci.

Jusqu’à présent naïve, du moins foncièrement convaincue que la sagesse collective des maîtres du Conseil ne pouvait qu’aboutir aux meilleures décisions, du fait, justement, de la diversité des voix qui formaient ce chœur. Cette idée venait d’imploser, subitement, frapper en son cœur par les mots murmurants de son mentor. Combien de temps aurait-elle perduré sous l’enseignement d’un autre ? Et pourtant, le bon sens naturel qui se dégageait de sa réflexion s’imposait : comment l’Ordre Jedi pouvait-il se construire comme au service de la Lumière dès lors qu’il n’admettait plus en son sein de regard critique sur ses propres actions ? Depuis qu’elle avait commencé à lire les grands penseurs de la galaxie, l’évidence d’une Vérité unique et universelle lui était apparue comme une absurdité – d’autant qu’elle-même avait sur le monde un regard tout à fait différent des autres espèces – et désormais le Temple voulait assumer un tel paradigme ? Ne proposer qu’une voie, qu’une façon d’être Jedi ? d’emprunter la voie du Juste ?

Et si elle comprenait et reprenait pour elle ce doute, elle avait, par contre, beaucoup de mal à partager la défiance. Pourtant, ne l’avait-elle pas elle-même suggérée lorsqu’elle avait plaisanté à propos de Maître Marja ? Mais ce n’était alors qu’une plaisanterie. Là, il s’agissait d’admettre qu’effectivement, même depuis son rang de Padawane, elle avait ressenti la nécessité d’une auto-censure pour ne pas s’attirer la réprobation de certains enseignants. Fallait-il vraiment se taire ? Comment, ceux qu’elle considérait aux fonds comme faisant partie de sa fratrie, pouvaient-ils ne pas être habité de la même bienveillance qu’elle-même ? C’était beaucoup et l’espoir que la situation se résoudrait simplement la paix venue… Elle devait digérer trop d’informations et la somme l’écrasait un peu.

Se saisir de ce qu’elle était capable d’ingérer d’abord, puis se focaliser sur ce qui arriverait ensuite, c’était tout ce qu’elle pouvait faire du haut de ses quinze ans. L’enclave. Fondé un tel havre aux côtés de son maître : cela, elle pouvait s’en emparer, y réfléchir, le concevoir. Guérir l’Ordre du mal qui semblait le gagner, ce n’était pas une tâche dont elle avait l’orgueil de penser qu’elle pouvait s’y attaquer. L’enclave.


« Mon rôle est aussi d’amener l’équilibre au cœur du chaos, de protéger ceux qui ne peuvent faire face. S’il me faut marcher à la guerre, à vos côtés, j’irai. Sans enthousiasme, peut-être avec de la peine, mais j’irai et je ne tuerai pas, car c’est ainsi que je veux être Jedi et c’est à vos côtés que je désire acquérir la sagesse et la force de l’être. »

Et à la fois, la destruction, la mort. Il était évident qu’elle les craignait et elle ne se le cachait pas – c’eût été dangereux et idiot de le faire. Elle n’avait jamais vu la mort, jamais vu de violence plus brutale que le combat de deux animaux sauvages. Un enfer tel que Dathomir sous une pluie de météores… Un frisson la parcourut. Elle sourit pâlement à son maître et alla se ressaisir un instant en remplissant leurs gourdes à la rivière. Une analyse rapide avec le matériel adapté lui permit d’en établir la potabilité – dont elle avait tenté de s’assurer au préalable avec la Force (elle ne voulait pas être trop confiance avec une technique qu’elle venait tout juste de commencer à apprendre). Elle revint auprès de son maître avec l’eau fraîche, en quantité suffisante et pour boire et pour cuisiner les petites réserves qu’ils avaient emportées de la veille ou recueillit sur des buissons ras et sauvages qu’ils avaient croisés sur leur chemin. Elle tendit le tout à son mentor et, procédant à quelques étirements pour soulager ses muscles fatigués, elle reprit, sur un ton un peu rêveur.

« Et vous la fonderiez où, cette enclave, maître ? à quoi ressemblerait-elle ? »
Karm Torr
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— Une planète lointaine. Pas forcément entièrement isolée et déconnectée du reste de la Galaxie, mais un monde encore peu industrialisé, qui laisse une large place à la verdure et qui cultive chez ceux qui l’habitent la conscience qu’il y a encore beaucoup à prospecter au sein de notre Galaxie, et que cette prospection n’est pas nécessairement l’apanage des grands groupes commerciaux. Bien sûr, y a quelque chose dont il faut se méfier, dans le désir de conquête, mais c’est aussi une curiosité saine, et puis… C’est aux marges que se font les expériences. À mon avis, si la République peut être régénérée, sauvée de sa bureaucratie, sauvée de son économie implacable, ça se fera pas depuis le centre, mais depuis les périphéries. La société est beaucoup trop verrouillée maintenant dans les mondes du Noyau pour laisser encore de la place aux aspirations profondément réformatrices.

Et même légèrement révolutionnaire. Karm était bien capable de dire précisément comment devrait se passer un changement social véritable pour la République. La politique, ce n’était pas vraiment son domaine et ces problèmes vastes, complexes et structurels lui échappaient pour une large part. Ce qu’il imaginait se passait toujours dans de petites communautés. En bon Ark-Ni, ce qu’il comprenait des relations entre les gens, ce n’était pas les principes abstraits, c’était les rencontres en face-à-face, le consentement non théorique au contrat social, mais renouvelé, personnellement, jour après jour.

— Et une planète où les Jedis ne seraient pas seuls. Une enclave, même, où les Jedis ne seraient pas seuls. Je voudrais montrer que l’Ordre, il peut être plus ouvert sur le monde. Il peut être lié au monde. Plus on avance, plus j’ai l’impression qu’on court le risque de se transformer en ordre monastique cloîtré. Pas nécessairement cloîtré par nos murs, tu sais, mais par nos convictions, nos habitudes, nos manières de faire. Y a beaucoup d’aspects de nos vies dont j’aimerais bien qu’ils se sécularisent. Les pratiques vestimentaires, matrimoniales, éducatives, résidentielles, et j’en passe. J’parle pas nécessairement d’annihiler toutes nos spécificités, mais de négocier un nouvel équilibre.

Pour une part, ces réformes n’étaient pas inaudibles pour l’Ordre. Il n’était pas le seul Jedi, par exemple, à ne jamais porter la bure. Et beaucoup de Jedis, par la nature même de leurs missions, résidaient en permanence en dehors des Temples. Certains, comme Luke, allaient suivre des formations complémentaires dans les universités républicaines. C’était pour Karm autant de signes prometteurs que son projet pouvait obtenir l’assentiment du Conseil. Il ne serait jamais, au fond, qu’une réorganisation de ce qui existait déjà.

— Donc. Une sorte de communauté jedi, sur un monde en cours de colonisation. Largement agricole. On serait là pour étudier la Force vivante, pour réfléchir à des méthodes agricoles avec les exploitants, les aider à s’organiser. Sur le plan social comme scientifique. À parts égales, comme membres d’une même communauté. Et on recevrait en notre sein des Jedis qui sont un peu perdus. Des Padawans difficiles, des Chevaliers traumatisés par la guerre, des gens qui veulent essayer un projet innovant. Quelque chose comme ça. Les corps auxiliaires seraient impliqués au quotidien. Y aurait pas un conseil spécifique pour eux. Ils participeraient pleinement aux discussions. Ce serait…

Une utopie ? Karm laissa échapper un soupir un peu mélancolique.

— C’est p’têtre irréaliste, tout ça. J’y réfléchis pas mal, mais des fois, je me dis que j’y pense un peu comme quand on pense à un rêve, quoi. Concrètement, je sais bien comment on fonde des colonies, maintenant. J’ai fait ça une bonne douzaine de fois. Je comprends bien tout l’aspect logistique et tout. Mais c’est autre chose ensuite de… Gérer. Inspirer la confiance. Construire vraiment quelque chose de nouveau qui soit pas en même chaotique ou complètement déboussolant.

L’Ordre était de plus en plus convaincu que le Chevalier Karm avait l’âme d’un leader, et on lui confiait des missions qui exigeaient de sa part plus d’autorité et plus de sens des responsabilités, mais, pour sa part, il n’avait toujours pas l’air de se trouver vraiment à la hauteur de la tâche.

— Puis faut l’approbation du Conseil, j’imagine. Et, hm… J’suis pas exactement sûr de ce que le Conseil pense de moi. D’un côté, j’imagine que j’suis plutôt populaire, rapport à ma participation aux batailles, tout ça. Mais d’un autre côté, bon, faut être réaliste, j’ai les idées que j’ai, qui sont pas exactement majoritaires, et même si je fais pas dans la propagande, je me cache pas spécialement non plus. Et puis, j’ai aussi, ben… la vie perso que j’ai, quoi.

Le Jedi était convaincu que le Conseil était désormais au courant de sa relation avec Luke. Ce dernier avait beau leur imposer la plus grande discrétion, ils n’étaient pas des acteurs consommés, certainement pas capables d’échapper toujours à la vigilance de Maîtres Jedis, et leur lien dans la Force était des plus étroits. Sans compter tout le temps qu’ils passaient ensemble, en mission comme au repos. L’acceptation tacite de leur relation, c’était déjà beaucoup demander au Conseil, et Karm craignait d’avoir épuisé les faveurs qu’il pouvait en espérer.
Thann Sîdh
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S’il doutait encore de lui, sa Padawane était absolument certaine, en peu de temps, qu’il lui suffisait de parler avec la passion qui l’animait à présent pour convertir la galaxie entière à la paix, l’amour et l’harmonie universelle, pour maintenant et pour toujours. Alors que la fatigue l’accablé un peu, la chaleur aussi, l’adolescente se laissa complètement happer par les paroles de son maître et se surprit elle-même, comme lors de leur bain, à le trouver beau ; cette fois, elle s’interdit de s’en vouloir.

Elle l’écouta parler encore, tandis qu’elle utilisait ses dernières ressources d’énergie de la matinée à préparer leur repas. Alors que l’eau bruissait enfin dans leur petite casserole, elle y plongea les herbes, les rations, les fruits, les quelques racines, le tout dans l’idée de faire un ragoût suffisamment consistant pour les revigorer jusqu’au soir. Alors qu’elle faisait tourbillonner le contenu, elle croyait voir surgir du centre les bâtiments de l’enclave décrite par son maître. Les jardins, les salles d’étude, les enfants, les Jedi et les civils, allant comme des frères dans des allées fleuries. Pourquoi fallait-il y rêver ? La chose semblait si simple à concrétiser et ce, malgré les temps de crises. Une enclave, ouverte à tous, des salles de classe, des infirmeries, des appartements ou des dortoirs. Dehors, ce serait des champs par des haies, des chemins ou des cours d’eau. Non loin, une forêt, à main droite, ou gauche, une montagne jetterait parfois sa cime sur le Temple et la forêt, le soleil passant derrière comme pour ciseler son profil d’albâtre. Ce serait aussi les voyageurs, venus de loin, pour admirer l’effervescence, répandant la nouvelle ensuite d’astroport en astroport, soupirant à l’idée de peut-être ne jamais connaître plus bel havre. Devenue grands, les enfants, avec dans le cœur les souvenirs de leurs belles années sur les versants du mont, dans l’esprit la douce odeur des fleurs et des grands arbres feuillus, n’auraient d’autres souhaits que d’offrir ce même joyau en héritage et œuvreraient pour que chacun pussent goûter à ces mêmes plaisirs.

Ce serait alors à Coruscant, nostalgique de ce paradis vivant, de refleurir ses tours et de redécouvrir son sol. Faire sauter les dalles de permabéton pour que de nouveaux grimpassent la vigne et le liseron. On irait retrouver les cours d’eau pour les assainir et les faire cascader sur les coupoles et dans les jardins. Emus par ce retour de la vie, les mégalomanes cesseraient leur folie et retrouverait un goût pour l’autre plutôt que pour le soi. Et…


« Et puis, j’ai aussi, ben… la vie perso que j’ai, quoi.

– Votre vie perso' ? Comment ça ? Enfin... Euh... C'est peut-être déplacée comme question, je vous demande pardon, maître. »

Si elle avait été réellement surprise de la fin assez étrange de la tirade de son maître, au point qu’elle s’était immédiatement sentie le besoin de poser la question, elle s’était rendu compte d’autant plus vite que ce n’était pas vraiment une question à poser à son mentor. Elle n’avait pas à le questionner sur sa vie privée – quand bien même elle ne voyait pas du tout ce qu’il pouvait faire de ‘mal’ aux yeux des plus sages du Temple puisqu’elle n’avait toujours pas fait le lien entre lui et le Chevalier Kayan. A la fois, la réaction de son maître, pourtant terriblement à l’aise lorsqu’il avait s’agit de dire à sa jeune étudiante de faire ce qu’elle voulait – ou presque – de son corps fut sensiblement différente quand soudainement la question se porta sur lui :

« Oh. Euh. Hm. Non mais tu sais, enfin, les abeilles, les fleurs, les garçons, tout ça. Bon ! On y va ? Allez. Hop. C’est parti. Il s’était déjà levé mais son élève, mi-riante, mi-gênée, lui rappela :

– Ne devrions-nous pas manger d’abord ? »
Karm Torr
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— Ah.
Oui.
C’est juste.


Karm se rassit.

Cette situation le mettait terriblement mal à l’aise. Luke lui imposait un secret qu’il jugeait à la fois inutile et immoral. C’était une chose de le garder pour ses amis au sein de l’Ordre, ses frères et ses sœurs avec qui il était censé se montrer transparent, c’en était une autre de le faire pour sa Padawane, vouée à le suivre comme une ombre et à avoir en lui la confiance la plus entière. Karm n’avait honte de rien de ce qu’il faisait, ni de ce qu’il croyait, et ce silence qu’on lui imposait pour des raisons qui lui échappaient largement le rendait malheureux.

Il ne disait plus rien, assis à manger, mais ce n’était pas cette fois-ci le mutisme naturel de l’Ark-Ni qui alternait les grands discours et les longs moments de laconisme, mais un embarras douloureux que ses médiocres talents d’acteur ne cachaient guère à travers la Force. Il tournait et retournait le problème dans son esprit, tiraillé entre le devoir qu’il avait envers Thann, et par extension envers l’Ordre, et son désir de préserver Luke.

Mais Luke, précisément, ne lui répétait-il pas constamment que l’Ordre devait être leur engagement premier ? Quel genre de maître aurait-il été s’il retenait, des explications qu’il fournissait à sa Padawane, l’illustration concrète des théories qu’il lui exposait ? N’était-ce pas, précisément, manquer à ses devoirs ?

— J’ai, euh… un…

Sa voix était un peu rauque.
Il s’éclaircit la gorge.

Un ?
Petit ami ? Compagnon ? Partenaire ? Grand amour ?

— … mec.

Karm releva les yeux qu’il avait perdus dans le vide pour contempler la plaine qui s’étendait devant eux, et les contreforts rocheux, où leur vaisseau les attendait.

— Depuis plus d’un an. Ça s’est fait comme ça. On est bien complémentaires, on s’est rapprochés, et voilà.

Ils étaient à bien des égards l’illustration du principe qui voulait qui les contraires s’attirent. Entre le baroudeur spécialiste du combat, qui ne parlait pas comme un Jedi, qui ne s’habillait pas comme un Jedi, qui ne pensait pas toujours comme un Jedi, et l’enquêteur qui cherchait à se conformer autant que possible aux protocoles de l’Ordre, Karm et Luke étaient souvent comme le jour et la nuit. Leurs opinions et leurs manières d’être divergeaient sur un nombre incalculable de sujets, et, pourtant, leurs disputes étaient rarissimes.

— Je suppose que le Conseil est au courant. Au moins un des membres, ça, c’est sûr.

Puisque Luke l’avait avoué à son ancien maître, Saï Don. Plus ou moins. Plutôt, il le lui avait laissé deviner.

— Et j’imagine pas qu’ils en soient complètement enchantés, t’sais ? Ils sont pas exactement dans un trip idéologique d’ouverture d’esprit et de progressisme, en ce moment. Ils tolèrent, quoi. Mais des fois, j’me dis que c’est aussi pour eux une cartouche en réserve. Si un jour j’essaie de faire un truc vraiment trop dérangeant, de promouvoir trop fort mes promotions alternatives, ils m’agiteront ça sous le nez et le prendront en otage, d’une certaine manière. Mon mec, je veux dire.

C’était suggérer que le « mec » en question était un autre Jedi — dont l’identité devenait bien peu mystérieuse.

— Puis bon, j’suppose que le côté, euh… Gay, ouais, de la chose, ça en rajoute une couche. ‘Fin, je sais pas trop. C’est des notions un peu floues pour moi. De là d’où je viens, y a pas vraiment d’hommes et de femmes. Socialement, tu sais ? Des mâles et des femelles, ouais, mais en dehors de la reproduction, c’est sans importance. Et y a pas vraiment d’orientation sexuelle. J’ai mis des plombes à comprendre que dans le reste de la Galaxie, y a souvent une sorte de… Je sais pas trop. Division hiérarchisée des genres et des préférences ? Un truc comme ça.

Ironique quand on songeait que, voix et visage androgynes mis à part, Karm était un cliché de l’explorateur viril : décidé, dangereux, débrouillard, bricoleur, protecteur, pas très sociable, martial.

— ‘Fin bref. C’est un truc dont mon mec est très conscient, ça. La discrimination. C’est vraiment très intériorisé pour lui, et ça le braque à chaque fois qu’on évoque le fait que notre relation puisse ne serait-ce qu’un tout petit plus visible.

Au ton de Karm, on pouvait juger facilement que ce secret imposé le minait.

Après un moment, Karm concéda :

— Désolé, j’imagine que c’est pas très encourageant, comme exemple.
Thann Sîdh
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Il était difficile de savoir qui des deux étaient le plus mal à l’aise durant le repas. Thann sentait sans mal le trouble qui habitait son mentor et à la fois, elle s’en voulait profondément d’en être à l’origine. Le moment venu de sa confession, rien ne s’arrangea ; elle avait le sentiment d’avoir obligée, bon gré mal gré, son maître à un acte pénible et qu’il ne désirait pas. Par sa question, qu’elle jugeait à présent définitivement déplacée, elle l’avait placé au pied d’un mur qu’ostensiblement, il n’avait pas envie d’escalader ou de saper. La culpabilité fleurit en elle, une jolie rose sombre aux épines qui tailladèrent délicatement sa conscience tandis qu’il achevait de lui révéler sa liaison.

Bien que naïve – elle avait d’abord été réellement surprise par la révélation – cette confession suffit à confirmer toutes les rumeurs qui avaient parcouru le Temple et dont Seïid s’était faite l’exacte héraut. Avec une réputation comme celle du Chevalier Karm – ils sont rares les héros à ne porter qu’un sous-vêtement en mission – il n’avait pas fallu longtemps pour être l’objet des ragots des Padawans et Novices, si bien que sa fréquentation assidue du Chevalier Kayan n’avait échappé à personne. Thann n’y avait pas prêté foi, jusqu’à présent, mais alors, après cet aveu, l’évidence la frappait et la chagrinait. N’était-ce pas un peu malsain d’ainsi se mêler de la vie privée des autres ?

C’était une chose que d’avoir entendu sa pensée sur la signification d’être Jedi et sur les règles qui devaient régir leurs vies, c’était autre chose que de voir avec quelle peine il parvenait à concilier l’absolu perfection du monde des idées et la réalité de sa vie. Elle l’admira immédiatement pour cela. Pour cet effort d’honnêteté : il ne feignait pas. Ses idéaux, ses principes étaient difficiles à suivre et rien n’était naturel, il avançait seul sur un chemin qu’il se créait lui-même dans la jungle des impératifs moraux ; il ne mentait pas sur les difficultés qu’il y rencontrait.

Mais voilà… Que dire ?


« Vous savez, l’homosexualité et tellement une question ethnocentrée, lorsqu’elle fait débat, qu’en réalité, plus grand-monde n’en a quelque chose à faire. »

Oui, bon… Ce n’était peut-être pas vraiment son intervention la plus pertinente depuis le début de cette mission.

« Et je suis sûre que cette problématique a besoin d’exemples comme vous et le Chevalier Kayan pour avancer dans la bonne direction, s’il en est une. Qui pourrait douter sincèrement de vos qualités et de votre engagement envers l’Ordre ? Vous êtes, dans la jeune génération, parmi les prometteurs, quoique vous en pensiez. Si le Conseil continuait de s’entêter dans… »

Elle comprit soudain le peu de possibilités qui s’offraient alors à eux. Elle-même, elle n’avait dans sa vie que l’Ordre Jedi, qu’être Jedi. Que lui arriverait-il si elle se retrouvait en marge de celui-ci ? ou pire, relégué au rang de jedi gris, bannie des siens, reconnue comme un élément indésirable au sein du Temple. Et quel recours face à cela ? Elle n’imaginait rien de plus désastreux qu’un schisme. La voix lui manqua, elle laissa là sa pensée, elle n’avait guère de suite à lui donner. Après un temps où le repas se prolongea dans le silence, elle ajouta tout de même :

« Je veux tout de même que vous sachiez l’admiration que j’ai pour vous, combien je suis heureuse de la confiance que vous m’accordez en me disant tout cela et… et aussi combien je suis sûre que je n’aurais pu avoir meilleur exemple que vous. La Force semble avoir été la meilleure des juges lorsqu’elle a décidé de me faire croiser votre chemin, maître. Et je vous demande pardon, encore, ma question était déplacée et je m’en veux de vous avoir mis ainsi mal à l’aise.

– Pour l’instant, le Conseil ne paraît pas désapprouvé formellement. Et vu les progrès réciproques que nous nous devons l’un à l’autre, y aurait des raisons d’éprouver. ‘Fin bref. T’excuses pas. Parfois, c’est pas une mauvaise chose d’être mal à l’aise. Parfois, faut se confronter socialement à ses difficultés, à ses problèmes, les extérioriser, même si c’est pénible, pour être en mesure de mieux les surmonter. »

Elle lui sourit, avant de rire un peu et face à son regard interrogateur :

« Si jamais on me demande, je vous promets de dire que je ne vous ai jamais vu faire des bisous au Chevalier Kayan en public. »

Ils terminèrent le repas, des idées plein la tête mais apaisés. Ces menaces lointaines et vagues furent finalement rapidement chassée par la douceur qu’ils trouvèrent dans la nature sauvage et chaude de cette planète sans nom. Bien qu’avec un jour de retard, les prélèvements furent opérés, peut-être les botanistes de l’ExploCorps parviendraient-ils à comprendre ce qui avait empêché les premiers plans de s’épanouir ?

Le fait était qu’au-delà de ces plantes avait fleuri la relation entre le maître et sa Padawane, de même leur confiance mutuelle. Les rayons de la bienveillance, de la compréhension mutuelle et de la facétie, un peu, avaient su activer ce cycle de croissance délicat et déjà, les rhizomes invisibles de ces deux drôles de plantes commençaient de s’entrelacer, à travers la Force, poursuivant jusqu’à leur cœur et unissant leurs âmes.

Quelques jours plus tard, de retour au Temple, dans le sérénité tout urbaine de sa chambre :


« Tu m’avais dit que tu reviendrais bientôt ! Tout ce temps sans avoir de tes nouvelles ! Tu devrais…

– Mais tais-toi donc, jeune impertinente, et fais chauffer le thé ! J’ai tellement de choses à te raconter, je ne sais pas par quoi commencer ! »

Et bien des choses furent dites, en parole mais aussi en liant leurs mains, laissant la Force parler à travers elle, pour elle. Bien des idées avaient été mises en mouvement dans l’esprit de la jeune fille et, quoique c’eût été surprenant, parfois elle s’attendait à ce que d’aucun entendît résonner le ‘clic’ des rouages qui n’avaient plus de cesse de s’activer en elle.

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