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Anonymous

Les négociations pour se faire louer un landspeeder avaient été difficiles. Les affaires avec les étrangers ne semblaient pas plaire, mais Saery ne pouvait pas s'amuser à tourner en rond jusqu'à trouver quelqu'un de bienveillant. Avec un peu de malice et un petit tour de Jedi, elle avait obtenuce qu'elle désirait : un moyen de transport. C'était donc à bord d'un speeder abîmé par le temps, et surement surloué, que le petit groupe fila sur les grandes routes d'Anoat city. Cachée par le toit et les vitres du véhicule, Saery regardait les rues avec insistance. Plus ils avançaient vers leur objectif, plus la ville semblait sale et poussiéreuse. Affalée dans son siège, elle tourna la tête vers Lauren, qui conduisait.

— On ne devrait pas tarder à entrer la zone industrielle. Tu as vu les jolis nuages ?

Droit devant, si on se penchait pour mieux voir par dessous le pare-brise, on pouvait voir de plus près cheminées cracher leur fumée noirâtre dans le ciel. Par endroit, elle se mélangeait aux nuages comme de l'encre jetée dans l'eau.

La Jedi se tourna vers Zerath, qui devait se courber pour ne pas cogner le toit qui était trop bas pour lui.

— Ca ne manque pas de grandes usines par ici, sergent. J'espère qu'ils ne vont pas trouver notre pièce par miracle, parce qu'il nous faudra sûrement plus d'une journée pour trouver ce qu'on cherche.

La pièce qui avait été choisie pour être défectueuse était si vieille qu'elle en était devenue rare. Après avoir été mise au courant du plan prévu par ses amis de la république, Saery avait simplement décidé d'en couper l'alimentation pour rendre les choses plus réalistes. Même dans le cas où la pièce n'arrivait jamais, l'engin pourrait repartir en le rebranchant.

En premier lieu, le petit groupe devait donc justifier sa présence étendue sur la planète. La jeune padawan de Saery, ou la fille de Shilen, amena donc tout ce petit monde jusqu'à l'un des nombreux garagistes galactiques qui aimaient entasser tout et n'importe quoi dans leurs locaux mal entretenus. Une fois garés et sortis du speeder, ils se dirigèrent vers l'un de ces tristes garages. Très vite, Saery remonta sa capuche pour ne pas trop se faire remarquer, mais aussi pour se protéger du vent. Les trois espions entrèrent par une grande porte qui laissait l'air pollué de la zone industriel circuler entre plusieurs carcasses de speeders. Un homme habillé de vêtements sales et déchiré accueillit les visiteurs.

— Oh vous êtes pas d'ici, vous.

Saery leva les sourcils, surprise.

— Comment pouvez-vous savoir ça ?

La langue du garagiste claqua.

— Trop propres. Vous venez des hauts quartiers ?

La Jedi soupira, comme si elle aurait aimé en venir.

— Non, on a du faire un crochet par cette belle planète pour réparer notre vaisseau.

Pendant qu'elle parlait, elle tendit à l'homme un datapad qu'elle avait emporté avec elle. Tout un tas de références y étaient inscrites. Cette fois, c'était l'homme qui avait l'air surpris. Son visage s'était éclairci en apprenant que ces clients ne venaient pas de la "haute".

— Eh ben, c'est pas de chance. Vous auriez mieux fait de tomber en rade ailleurs ! S'amusa-t-il à lancer. Bon, je vais voir ce que je peux faire. Il vous faut juste la pièce ?

Saery hocha la tête.

— Nous avons quelqu'un qui pourra la changer, oui.

L'homme partit vers son comptoir et envoya travailler son employé qui venait de sortir de sous l'un des speeders. Il consulta ses écrans avant de grimacer. Sa réaction fit sourire Saery, le plan avait l'air de marcher.

— Ohlala... Il vous faut un truc si vieux ? J'ai pas ça, moi. Je vois pas où vous pourriez en trouver. Faut que j'passe commande pour quelque chose de similaire. Et encore, j'espère que votre mécano saura l'adapter.

Saery retint un rire.

— Si vous saviez à quel point l'engin a déjà été rafistolé, vous ne vous poseriez pas cette question !

L'homme réfléchit quelques instants avant de revenir vers Saery qui s'était avancée. Elle avait laissé son droïde et sa fille explorer l'endroit du regard. Le garagiste rendit son datapad à la visiteuse.

— Je suis désolé de vous dire ça, mais ça va prendre du temps.

Il pétina un peu sur place, avant de reprendre plus bas.

— Vous allez devoir rester ici un moment. Je vous conseille de faire gaffe à n'pas faire ou dire n'importe quoi devant n'importe qui.

Il tendit une petite carte en flimsi à la jeune femme.

— Si vous cherchez où loger, cet endroit fera l'affaire.

Saery prit la carte à deux mains avant de lever les yeux vers le garagiste qui se trouvait près d'elle.

— Oh... Merci.

Elle l'interrogea du regard, à la fois souriante et reconnaissante. Il sourit.

— Ahah ! De rien, toujours heureux d'aider une jolie demoiselle. Fit-il, un peu gêné, avant de reculer.

Après avoir pris rendez-vous, le groupe fila pour s’installer en ville. Trouver la bonne usine n'allait pas être une tâche facile...

Zerath Ular'Iim
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Anoat Polis.
Moquerie infecte de Coruscant, ville-souillure qui ne prétendait pas cacher sa gangrène et qui l’affichait sous le jour morne et gris, l’étalait sur les trottoirs sales où se massaient les esclaves et les sans-le-sou, rampants vers une quelconque occupation qu’on leur avait confiée contre un paiement pour les plus chanceux – contre une promesse de mort pour les autres. Les bâtiments moroses qui s’élevaient en colonnes inégales vers le plafond bas et pollué qui formait un pseudo jour étaient en état aussi piteux que ses habitants : les façades étaient noires de saleté, les fenêtres opaques de crasse. On apercevait régulièrement des individus en tenues plus soignées, qui tranchaient avec les va-nu-pied et autres captifs à ciel ouvert de ce monde asphyxié par ses industries. Ces individus semblaient similaires aux kerdozhans qui avaient accueilli le Derelict lors de son atterrissage ; sans doute étaient-ils des représentants de l’autorité gouvernementale, mais leur fonction exacte était encore floue aux yeux de Zerath. L’on l’avait prévenu envers les services de renseignements de ce monde, réputés redoutablement efficaces et violents, mais il pressentait que c’était leur existence plutôt que leurs actions elles-mêmes qui devaient être problématiques. Cela dit il fallait demeurer extrêmement prudents. Pour ainsi dire, Zerath préférait supposer que le monde entier était sur écoutes plutôt que de supposer qu’il existait le moindre lieu où ils puissent être en sécurité. Ses yeux s’égaraient encore sur les rues déplorables du monde soi-disant civilisé lorsque maître Vespen l’interpella. Toujours aux aguets quant à une potentielle surveillance, il tapota son épaule. C’était un geste futile mais il espérait simplement capter l’attention de sa gardienne par ce geste.


« - Maîtresse Shilen, je sais bien que trouver une usine permettrait sans doute d’accéder à de nouvelles pièces pour mes circuits, cependant je ne saurais faire passer mon intérêt avant le vôtre. Malgré mon processeur vieillissant je peux toujours me rendre utile auprès de vous...Et nous avons à réparer le vaisseau au plus vite – si vous m’autorisez l’audace d’un conseil. »

Cependant les préoccupations de la Jedi étaient avérées. Ce coeur de ville exsangue qui dans chacune de ses artères déversait un flot de travailleurs éreintés et écrasés de fatigue et de soucis, de pauvreté et d’ennui, d’angoisse et d’agonie, ce poumon suffoqué qui s’étranglait dans ses propres émanations, cet organe défaillant bâti sur les bases de ce qui apparaissait au fur et à mesure que le temps passait comme des piles de corps aussi bien que des briques et du ciment aux yeux du prélat, ce centre-ville industriel là demeurait vaste. L’explorer sereinement était impossible, et puisqu’il fallait malgré tout effectuer la tâche il allait falloir être particulièrement précautionneux.

Selon les documents transmis par la République, c’était une usine de production massive que l’on cherchait : on craignait que soit conçue ici une armée, une armée droïde, la même qui avait été accouchée pour prendre d’assaut Destrillion. Tout le problème était à présent de comprendre si cela était bien le cas, toute la question était quelle usine servait à cela.

On descendit du speeder, pour entrer dans une échoppe miteuse, où s’empilaient carcasses de véhicules amochés, droïdes cabossés, câbles emmêlés. Là, maître Vespen s’entretint quelques instants avec un humain à l’air piteux qui, pourtant, semblait de son travail honnête tirer un parti plus profitable que les travailleurs dans les rues. Lui avait les traits tirés, l’air épuisé, mais il dardait en maître Vespen des regards d’espoir. Il nourrissait encore les désirs de l’amour et de ceci le Kaleesh supposait que peut-être son esprit n’était pas encore tout à fait brisé. Hélas il ne trouverait pas ce qu’il désirait auprès de la maître Jedi. Guère de sauvetage, encore moins d’affection. On ressortit donc, vers l’adresse indiquée par l’humain où la petite équipée pourrait loger.

Tandis que le speeder progressait à vive allure le long d’une rue en pente forte, quasiment déserte, Zerath continuait à observer l’extérieur. Il dit :


« - Je pense qu’il serait inconvenant pour maîtresse et sa fille de se trouver dehors une fois la nuit venue.  »

Cette ville toute entière empestait de méfiance et d’hostilité. Il lui semblait que seul le jour tenait au loin les relents les plus vils et sauvages, et que s’aventurer au-dehors avec la venue de la nuit constituait un vœu de mort pleinement assumé. Pour les deux jeunes femmes, il imaginait sans peine le sort qui leur serait réservé. Pour lui, ses pièces détachées feraient sans doute fureur au marché noir. La notion traversa une seconde l’esprit de Zerath. Marché noir. Criminalité. Qu’est-ce qui appartenait ici au gouvernement de Anoat et qu’est-ce qui appartenait au chaos semé par quelque groupuscule obscur de la population ? Anoat Polis était-elle le fruit d’un gouvernement trop sanguinaire ou trop laxe ?

On les installa dans une seule chambre, un dortoir en réalité. C’était une chambre vétuste et exiguë, avec quatre lits de fer individuels. La pièce était à peine chauffée, ce qui devait certainement constituer un luxe non négligeable. Une fenêtre en guillotine donnait sur la zone industrielle et ses cheminées chapeautées de colonnes noires. Le gérant, un kerdozhan à l’oeil laiteux et soupçonneux, avait fait amener un quatrième lit pour que le malade qui accompagnait le groupe puisse être isolé loin des autres et prévenir au moins au minimum une épidémie. Curieusement, le tenant lui-même avait une toux grasse et plaintive, quelque pneumonie héritée du froid mordant et omniprésent, ou peut-être de la pollution toxique qui pourrissait l’air local. L’Ular’Iim se félicitait à cet égard que les artisans Xi Char aient eu la bonté d’inclure divers filtres respiratoires pour lui permettre de respirer convenablement : il imaginait aisément que prendre n’était-ce qu’une bouffé de cet air local sans l’assainir eût été une expérience fatale pour ses poumons âgés.

Un constat simple. Il y avait quatre lits. Un pour le malade. Un pour le pilote. Un pour Shilen, un pour sa fille. En d’autres termes, Zerath – BR-00 pardon – n’avait pas de lit.


« - Cette chambre vous convient comme ça ? » demanda d’un basic laborieux et lourd de quelque accent exotique le kerdozhan.

« - Maîtresse Shilen, avec votre permission, suggéra Zerath d’un air humble, je pense qu’il faudrait un jeu de draps supplémentaires pour parfaire l’isolement des fenêtres. »

Le tenant darda un regard scrupuleux sur le cyborg. Il partit en grommelant puis revint, moins d’une minute plus tard, chargé de deux couvertures miteuses.

« - Ca vous fera un supplément. On a déjà pas beaucoup de couvertures, alors en plein hiver imaginez. »

Le gérant abandonna ainsi les voyageurs à leur lieu de vie ô combien sobre. Il y avait dans un coin de pièce un unique robinet, dont le lavabo parfois laissait tomber une goutte solitaire d’eau glaciale. Ploc, ploc.
Lauren Aresu
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  De vilains cernes tombaient sous les yeux de la jeune padawan. Le sommeil, à peine réparateur, ne suffisait pas à restaurer ses forces, troublé par le sommier de roc et les couvertures revêches. Heureusement avaient-ils tous profité de quelques heures de repos en plus, ce matin-là. Au-dehors, le trafic aérien était aussi submergé que celui au sol : une grande première pour Lauren. À quel point l’industrieuse activité de la ville nécessitait-elle autant de speeders, de cargos et de transports de toutes sortes ? Sous leurs pieds crissait la poussière, les rues à peine découpées, et des flaques gisaient par endroits, empestant une rance odeur de pourriture.

  Tous les habitants de cette ignoble agglomération dardaient sur le groupe un regard inquisitif et indiscret. Si familiers qu’ils étaient avec le triste ballet de leurs pairs, deux jeunes femmes à la mine fraîche, la peau encore blanche, les épaules relevées, loin de celles affaissées par des années de labeur, et accompagnées d’un massif droïde, ne pouvaient qu’attirer les yeux fatigués. À la vue de ce spectacle, Lauren se remémora l’un de ses holo-livre préféré qui évoquait la tropie. La tropie, c’est tout ce qui nous entoure, abandonné, symbole du déclin. La tropie, c’est tout le vieux, l’usagé, le périmé. Malgré son fourmillement, cette ville paraissait avoir déjà cédé sa place à la tropie qui l’envahit, tel un meuble immobile pris dans la poussière du temps.

  Là, adossé au mur insensible, un tout jeune enfant attendait, sa mine curieuse aux aguets. La tropie l’avait épargné, pour le moment. Sa mère dormait à ses côtés, ses pieds sanguinolents traînaient presque sous les speeders pressés. L’Echani croisa son regard, brièvement, s’arrêta et déposa une barrette de crédit, vaine tentative d’apaiser les tourments d’un être innocent que la vie ne préserverait pas. Son cœur battait la chamade, elle ne s’y attarda pas. Mima-t-elle simplement un « chut » taquin au garçon d’à peine quatre ou cinq ans.

« Mère, se détourna Lauren, mal à l’aise. On sait que le minerai extrait s’apparente au durelium, c’est bien cela ? J’ai recherché des informations, dans la navette. C’est l’un des principaux composants utilisés pour construire des hyperdrives. On comprend mieux l’activité autour de celui-ci et ça confirme nos soupçons : il paraîtrait curieux qu’Anoat extirpe autant de minerai si ce n’est… pour fabriquer des hyperdrives. – Un ange passa. – Peut-être pourrions-nous simplement remonter la piste du minerai ici et vérifier l’insigne que nous avons trouvé dans la mine, non ? »

  Au fond d’elle, Lauren regrettait de n’être ici que pour une pierre, aussi indispensable fût-elle. La misère était plus étouffante encore que l’atmosphère pesteuse. Leur but consistait à prouver la culpabilité de Mid, à démontrer la partialité d’Anoat. Mettre un terme aux activités belliqueuses du Quermien mégalomane constituait le premier pas vers une paix utopique. Cependant, ignorer ainsi la détresse de tant de personnes créait un sentiment de culpabilité qui suivait Lauren à la manière d’un nuage orageux menaçant. Une fulgurante pensée s’immisça dans son esprit : comment aurait agi sa mère ? L’Echani oubliait souvent qu’elle avait été Jedi avant elle, qu’elle marchait dans ses pas, des empreintes bien trop éminentes.

  Ils bifurquèrent quelques rues plus loin avant de s’engager sur la droite, au gré d’un mouvement de foule énigmatique. Dévoilée à l’angle d’une palissade marquée de profondes rayures, la multitude convergeait vers un souk. Ci et là, les cris et bêlements appuyés des marchands couvraient les véhicules furieux qui filaient, plusieurs dizaines de mètres au-dessus d’eux. Quatre piliers de béton, colossaux, encadraient le lieu, à la manière de surveillants immobiles et soutenaient une immense plaque qui protégeait les occupants d'éventuelles pluies salissantes. Arrivants d’un côté, satisfaits de l’autre, deux cortèges dépassaient les étals : pièces mécaniques, aliments à peine frais, vêtements déjà usés. Lauren comprit bientôt qu’à défaut de vendre leurs biens contre monnaie sonnante et trébuchante, ils troquaient leurs articles, aussi nécessiteux que leurs clients sans le sou. L’accord lancé d’un œil averti, le trio s’enfonça au milieu de la masse.

Zerath Ular'Iim
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Cette cité était curieuse, mais elle ne semblait regorger que de mauvaises surprises. Le jour s’était levé depuis plusieurs heures, pourtant le soleil ne transparaissait guère ; l’astre était occulté par une muraille de nuages qui ne laissait transparaître que de maigres rayons, comme un seigneur honteux reclus dans sa forteresse qui n’osait affronter le déclin tragique de ses sujets vers une animalité basse et primitive. Les rues, privées de la gloire solaire, se trouvaient dans un gris industriel humide, de toux, de pneumonie, de froid cinglant. L’espérance de vie ici devait être extrêmement basse, songea Zerath. Cet air empli de pestilence était certainement mortel pour le corps autant que l’esprit, et les quintes grasses de bronchite, les glaviots épais qu’il entendait raqués autour de lui par les kerdozhan et humains aux mines décolorées et étiques suggérait que ce mal qui régnait dans l’air avait déjà atteint toute la population. Ce lieu, il commençait à le cerner pour ce qu’il était : c’était l’outre-monde de Shaaz’rak, un avant goût des horreurs du vide. Les dieux s’étaient détournés de cette planète, il ne pouvait en être autrement.

La jeune Lauren, prise de pitié peut-être, s’était éloignée quelques instants du groupe pour déposer quelque chose aux pieds d’une mère endormie, pitoyablement allongée au sol, assoupie dans un sommeil d’épuisement. Peut-être était-ce son ultime repos ; car les rues sales étaient également frigides. Ce serait un acte de pitié des dieux que de ne pas laisser celle-ci s’éveiller, songea le Kaleesh. La mort était préférable à cette non-vie. La padawan revint. Elle avait déposé des barrettes de crédits aux pieds de la mère, sous le regard méfiant et silencieux de sa progéniture, qui montait une garde muette à son côté, comme un chiot pour sa mère mourante.

C’était un acte de bonté doux. La jeune Lauren avait assurément un coeur au bon endroit. Cependant…

Zerath jeta plusieurs regards discrets aux alentours. Plusieurs passants, pareils à des coyotes affamés, observaient à présent avec convoitise dans la direction de la mère assoupie. Leurs regards s’étaient faits plus insistants, leur curiosité d’abord portée sur le trio de voyageurs s’était déplacée maintenant sur les crédits aux pieds de l’enfant, s’était muée en désir et en jalousie. La meute de loups n’attendait que le départ du trio pour dépecer les deux agneaux échoués sur le trottoir. Un humain vêtu d’un manteau matelassé bleu rapiécé s’était arrêté et dardait des regards vers la somme ridicule pour les mondes civilisés mais sans doute une fortune inespérée dans ce purgatoire industriel.

Déjà, la jeune Lauren parlait à sa maîtresse d’autres affaires, ignorante des conséquences de son acte de bonté. L’Ular’Iim ne lui signalerait pas. Il n’était pas son maître et ce qui était fait ne pouvait être corrigé. Pas en ces lieux. Ils n’étaient pas venu stopper les tragédies qui chaque jour se déroulaient sous le ciel toxique de Anoat Polis, témoin silencieux et assassin le plus prolifique de ce système maudit. Plus problématique pour eux étaient les paroles de la jeune Lauren. Le Kaleesh sentit son coeur s’accélérer à ses mots. Désirait-elle donc faire voler en éclats leur couverture toute entière, à parler ainsi si librement en pleine rue passante ?! Par tous les dieux réunis, pourquoi devait-elle parler de soupçons ici ?! Et pourquoi, par toute la Création, par la merci de Shrupak, pourquoi mentionnait-elle donc quelque chose trouvé dans une mine, alors qu’ils n’étaient jamais sensé s’y être rendu ?! Leur alibi était une panne de leur hyperdrive alors qu’ils voyageaient vers un autre système, pas une enquête autour du monde et de sa production ! Il inspira sous son manteau thermique. Il ne devait guère perdre son sang froid. Cela n’aurait que pour effet de confirmer les soupçons qu’une oreille inquisitrice aurait pu déjà placer sur le groupe. L’humaine avait vraisemblablement fort mal compris certaines choses, notamment quant à la discipline inhérente au maintient d’une fausse identité. Il ne pouvait cependant laisser la discussion s’engager sous de tels auspices : l’humain bleu qui s’était approché de la mère, pouvait après tout toujours les entendre.

« - Faites-vous référence au blason que nous ont rapporté les ouvriers lors de notre arrêt sur Burnin Konn ? Il est vrai que ce dernier était composé de Durelium à hauteur de 86.51 %, cependant souvenez-vous. Comme maîtresse Shilen vous l’avez déjà enseigné, cet insigne est ancien. Si la technologie produite ici vient d’un savoir-faire ancestral, le blason est plus âgé de très loin. S’il est fortuit que nous nous échouions ici par un problème technique, je ne pense pas que ce soit de ce monde que provienne le blason. La piste que nous proposait Tlexcalla industries est plus probable, ce blason vient d’un monde extérieur. La planète XA-3340 possède une croûte où se trouve 17.2 % de Durelium. C’est une candidate probable à notre recherche. Nous pouvons cependant analyser les roches locales. Le blason portait en lui 7 % de paralite. Si nous trouvons une roche avec les mêmes taux ici, nous pourrons peut-être restreindre notre recherche aux systèmes proches de Anoat. »

Le groupe s’était remis à avancer alors que le cyborg proférait ce mensonge sans le moindre fond de vérité du ton le plus neutre possible. Cela devait passer pour un simple monologue droïde, pas le sermon d’un professeur à un élève récalcitrant, cependant il osait espérer que la padawan comprendrait son erreur. Sa langue trop bien pendue et trop honnête allait finir par leur coûter la vie. C’était tout ce qui lui était venu à l’esprit pour donner une explication qui détourne au loin toute notion de suspicion portée sur le système de Anoat. Il avait inventé la paralite sur le tas, il espérait qu’aucun minerai ne porte réellement ce nom. Plongeant à nouveau dans le silence il jeta un bref regard vers la jeune Lauren, puis vers maître Vespen, profitant de son orientation pour observer discrètement autour de lui. L’humain au manteau bleu les suivait d’un pas traînant, comme un chien galeux suivant le cuisinier dans l’espoir de ramasser une pitance. Zerath demeura silencieux. C’était une malchance qu’il ne soit pas en compagnie de ses compagnons Kaleesh ; ils auraient pu s’exprimer dans leur langue natale et jamais la question de l’alibi ne se serait ainsi posée. Il fallait se rendre à l’évidence, le trio ne formait pas une équipe pleinement fonctionnelle, leurs méthodes d’opération étaient trop différentes par certains aspects.


Ils furent bientôt portés dans un marché couvert où se massait une foule grouillante de miséreux qui s’échangeaient dans un vacarme incolore des objets qui n’avaient guère plus de valeur que la boue où l’on s’enlisait, dans cet espace foulé et étroit. Ce marché, cependant, était une aubaine pour le groupe ; Zerath jeta un nouveau regard en arrière. L’humain au manteau bleu les avait perdus dans la horde. Le flot se déversait à la façon d’un torrent, coulait devant les étals, faisait des tourbillons autour des piliers porteurs. Il y avait encore de ces individus en tenues épaisses, plus précieuses et luxueuses que ce que toute la rivière de populace portait. Vêtus de chapkas en fourrure, dotés de masques respiratoires pour se garder de la pollution, ils avaient des longs manteaux colorés aux insignes de la planète. À leur hanche droite pendait une carabine blaster. Ils se tenaient en retrait, cerclant la zone, au sec de tout ce monde qui maintenant une distance respectable envers ces individus silencieux, qui formaient par leur simple présence de véritables berges où l’on osait pas s’aventurer. C’était la milice contre laquelle on l’avait tant mis en garde. Il ne faudrait en aucun cas attirer leur attention. Les étalages étaient engloutis de mondes, on échangeait bien usé contre richesse usagée, on troquait ici quelque minerai extirpé d’on ne savait quelle mine quelle mine contre un peu de charbon, ô combien précieux dans le froid mordant et les longues nuits d’hiver.

À la vérité, Zerath n’avait guère d’intérêt pour les minerais qu’on pouvait vendre ici. Il prit une photographie discrète, de sous son manteau, de cette scène pitoyable. Il devait au minimum immortaliser cette scène, même si elle ne contribuait pas à établir l’engagement de Anoat au côté de l’Empire. Il demeurait cependant que la réputation sanguinaire de ce monde, elle, se confirmait à chaque pas qu’ils effectuaient dans ses rues asphyxiées. C’est alors que Zerath nota quelque chose.

Loin de la foule, quelqu’un avait rampé vers la berge de miliciens et s’entretenait à présent avec l’un d’eux. C’était un humain squelettique, vêtu d’une veste bleue. Les yeux du Kaleesh s’écarquillèrent, tandis que l’humain pointait dans la direction du trio, baigné au milieu de la foule. Le milicien hocha de la tête, donna quelque chose à l’humain – quelque paiement peut-être, et fit signe à ses collègues, qui lui emboîtèrent le pas. Le cyborg jeta un œil à ses deux camarades Jedi, tournées vers quelque autre observation.


« - Nous devons partir. Immédiatement. » Dit-il. Mais il savait fort bien qu’il n’aurait pas le temps d’expliquer plus avant son soudain désir de fuite.

Les hommes armés s’approchaient. La foule se fendait sur leur passage. On poussait sans ménagement les récalcitrants, qui s’étalaient au sol avec un cri de stupeur. La milice Anoati était en marche.
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