Karm Torr
Karm Torr
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— Et ça ? Et ça ? C’est une…
— Nan.

Deux heures de marche et la Twi’Lek était toujours infatigable. Elle avait quinze ans et, manifestement, avant de venir, elle avait avalé un holodisque sur la botanique. La petite troupe de Padawans menée par Karm se frayait un chemin dans la jungle de plus en plus dense d’Ondéron, celle-là même qui embrassait le Temple Jedi, et Ka’Ly avait fait des pieds, des mains et des lekkus pour se maintenir à la hauteur de Karm et tenter d’identifier chacune des plantes qui lui passait sous le nez.

Généralement sans succès.

Une dizaine de mètres plus loin, quelques soupirs se faisaient entendre, qui montaient des Padawans les moins rompus à l’exercice physique. Certains étaient là volontairement, d’autres avaient été inscrits d’office par leurs Maîtres ou leurs autres formateurs, qui jugeaient que des travaux pratiques de ce genre ne pouvaient que leur être bénéfiques. En somme, il y avait des différences abyssales de niveaux entre les élèves qui suivaient désormais ce cours de survie en milieu hostile.

Mais c’était précisément le but. Créer une communauté de pratique, chez les Padawans. Cultiver l’idée que leur apprentissage ne se résumait pas à une relation hiérarchique exclusive avec un Maître, mais qu’il était le fruit d’une collaboration horizontale avec leurs pairs. Restaurer une fraternité au sein de l’Ordre Jedi, pour les générations futures, en commençant par le concret, par l’immédiat, à l’heure où certaines pontes de l’institution voulaient instiller tout au contraire la suspicion, la division et le compartimentage.

Karm menait son combat à son échelle. Et son échelle, c’était une petite dizaine de Padawans, entraîné pour deux jours et une nuit dans une jungle que la plupart, dans le Temple d’Ondéron, n’auraient sinon jamais fait que regarder de loin. Ce n’était pas le désert de Tatooine ou les glaces de Hott, mais c’était tout de même assez intimidant, et assez compliqué, pour offrir à ces jeunes gens une expérience stimulante et, le Chevalier l’espérait, éducative.

L’explorateur leva une main, poing fermé. Tout le monde s’arrêta. L’apprentissage des gestes simples de la communication silencieuse avait été la base de la brève formation théorique qui avait précédé leur expédition. Les Padawans se massèrent autour du Chevalier, que certains dépassaient d’une bonne tête. Mais la plupart s’était renseignée sur Karm, avant de venir, et pour eux, désormais, l’Ark-Ni était auréolé de ses états de service à la fois sur le champ de bataille et au sein de l’ExploCorps. Il avait le genre de carrière qui faisait facilement rêver les jeunes pousses, beaucoup plus sans aucun doute que les missions pourtant tout aussi essentielles des diplomates et des savants.

D’un geste de la tête, il désigna deux suidés assez massifs qui mâchaient d’un air placide les feuilles d’un fourré. L’observation des animaux, c’était la base : ce qu’ils mangeaient était probablement comestible pour plusieurs espèces et ce qu’ils buvaient était probablement potable. Leur comportement était une source précieuse d’indications pour qui entendait survivre dans des conditions peu favorables. Une demoiselle aux allures reptiliennes, en changeant de position, fit craquer une branche. Les deux cochons relevèrent la tête, pour observer la végétation, avant de partir en courant.

— Désolée, souffla la Padawan, toute honteuse.

Karm secoua la tête pour balayer des excuses inutiles : c’était précisément parce qu’ils faisaient encore des erreurs qu’ils étaient là pour apprendre avec un membre de l’ExploCorps.

— Comment vous faites pour vous déplacer sans bruit, en profita pour demander un autre Padawan, l’un des plus âgés du lot, qui ne devait pas être loin de passer ses épreuves de Chevalier ? On vous entend à peine, c’est comme si, je sais pas… Comme si vous étiez pas vraiment là…
— J’ai vu des Ombres faire ça aussi, chez les Sentinelles, s’enthousiasma une troisième.
— Quand vous connaissez bien le terrain, la végétation, vous savez ce qui est sec ou pas, ce qui va craquer ou pas, ce qui va ou pas soutenir votre poids. Ensuite, suffit de regarder ses pieds et de les poser au bon endroit. Au début, ça demande pas mal de concentration, mais ensuite, avec la pratique, ça devient une seconde nature. Et cet exercice-là, il est guidé par la Force.
— Ouais, enfin, on peut pas se concentrer tout le temps non plus, c’est fatigant.
— La Force, c’est pas un outil qu’on doit utiliser. La Force, c’est le fil qui tisse notre vie.

Cette déclaration un peu trop mystique pour certains Padawans très terre-à-terre valut à Karm quelques moues peu convaincues.

— C’est un peu comme le sixième sens qu’on vous apprend à cultiver. Quand vous sentez que quelque chose va se passer. Vous êtes pas toujours concentrés, mais vous percevez toujours. C’est pareil. À force d’habitude et d’entraînement, si vous arrivez à considérer votre marche comme une méditation, et tout ce qui vous entoure dans la nature comme une conscience qui vous accompagne, alors votre chemin se fondera dans le monde. En silence. On est repartis.
Solal Kalel
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Pas de proie, ni à portée d'yeux, ni de museau. Pourquoi ce silence? Solal ne se posa guère longtemps la question. Il leva son regard clair vers le Chevalier qui les guidaient à travers la végétation. Un cillement de paupières, sa respiration se cala sur celle du proche-humain. Deux cillements, il avait adopté et adapté son pas au sien, quadrupède. Ses proportions, raisonnables, comparées à celles de sa race -quand ses représentants étaient transformés, de manière temporaire contrairement à lui.- lui permettait une certaine légèreté. Une patte s'envolait bien au-delà du sol puis atterrissait dans un son feutré, amorti par la terre moelleuse. Les oreilles dressées, le félin daignait les faire pivoter uniquement pour chasser quelques mouches ou réprouver les paroles incessantes de la Twi''Lek. Si elles avaient été ruisseau, nul doute que Karm et les Padawans se seraient déjà noyés. Solal ne parlait pas. Il préférait écouter, observer, apprendre, de part sa propre natures mais également de ses expériences. Habitué à l'échec, au rejet subtil, le Padawan préférait passer inaperçu. Ainsi, malgré un physique des plus remarquables, être discret était un exercice simple pour lui. Impossible, cela dit, de ne pas s'étonner, s'émerveiller des capacités de leur guide à faire pareil, sans sa colonne vertébrale si flexibles, ses coussinets ou ce sens animal particulier qui avait grandi chez Solal tandis qu'il oubliait, au fil des années, son ancienne condition de bipèdes.

Se retrouver face à l'annonce de ce "stage" avait été une aubaine pour le félidé qui avait été un des premiers à s'inscrire. Voué à l'échec en classe de sabre-laser -même s'il y participait afin d'apprendre à esquiver l'arme.- à cause de sa constitution, le matou espérait parvenir à quelque chose grâce à cette dernière avec Karm Torr, explorateur renommé, chevalier déjà célèbre au Temple. Toutefois, l'adolescent était déjà décidé à faire cette formation pour lui, sans rien attendre de cet homme qui avait déjà, en plus, une Padawan. La grande chanceuse ne devait pas être très intelligente ceci dit, car elle était absente. Peut-être y avait-il une bonne raison à cela, mais Solal qui rêvait d'avoir son propre mentor se disait qu'exception faite d'un ordre dudit maître, il ne lâcherait jamais ce dernier d'une semelle, décidé à tout apprendre de lui.

Ka'Ly, ne cessait de brusquement s'arrêter afin de toucher les pétales de cette dernière. Solal lui offrit un léger grognement lorsqu'en se stoppant une fois de plus elle le surpris. Se cognant contre le popotin de la porteuse de Lekkus, le jeune félin lui avait, en prime, adressé un regard noir. Il remarqua alors la plante que celle-ci cherchait à caresser avec un peu trop de volupté-sûrement dans le but de s'attirer les faveurs de Karm.-. Il hésita à réagir lorsqu'elle approcha son petit nez de la plante colorée. Si elle le faisait, la troupe aurait enfin la paix. Pour autant, ce n'était pas ainsi qu'un Jedi devait réagir, alors Solal l'apostropha d'un air mécontent. S'exprimer pour prévenir quelqu'un qui lui sortait par les oreilles requérait un gros contrôle de soi.

- Je serais toi que j'éviterai de renifler ça. C'est urticant.

Bien que pas très doué en botanique- il l'était beaucoup plus en faune, sachant comment les approcher et doté d'une patience infinie pour l'observer.- Solal connaissait ses bases. La Colorée était un de ces jolis pièges que Dame Nature réservait aux herbivores goulus ainsi qu'aux narines trop curieuses. Le temps que d'autres perdaient à étaler leurs talents, lui, il étudiait dans son coin.

La jeune fronça les sourcils, hésitante. Elle devait se demander si Solal lui avait dit cela pour la mettre en porte-à-faux ou s'il disait la vérité. Compétitive, l'adolescente voulait avoir la première place partout, bien que ni le talent, ni la discipline ne suivent parfois. De deux ans l’aînée de Solal, elle était désespérée à l'idée d'attirer l'attention d'un potentiel mentor, au point que même ceux déjà pris servaient de cibles. Surtout s'ils étaient aussi séduisants et reconnus que Torr.

Finalement, elle approcha quand même son nez de la fleur, rien ne se produisit. Un tirage de langue en règle plus tard, la Twi''Lek retrouva sa place auprès de Karm. Solal haussa les épaules et repris sa route. Il surpris le regard d'un garçon qu'il connaissait de vue. Après l'avoir plusieurs fois remarqué en train de suivre Luke Kayan -un petit blond poursuivi par un grand brun, ça ne passait pas inaperçu.- il avait déduit que le Consulaire était devenu son maître. La nouvelle l'avait surpris et un peu blessé sur le coup parce que ce gosse sortait des archives, d'un Corps Parallèle à celui plus commun des Consulaires ou Guerriers. Pourquoi avait-on affilié ce garçon à Kayan alors que lui attendait depuis des années, là, dans le Temple? Précisément depuis ses 3 ans. Était-ce l'aveugle qui avait trouvé son bonheur dans la bibliothèque? Peut-être. Toujours est-il que son confrère avait apparemment choisi de se séparer de son professeur attitré pour explorer. Encore une fois, sauf ordre express du concerné, Solal aurait refusé de le quitter. Sans doute par fidélité mais aussi crainte de perdre -encore!- celui qui l'aurait miraculeusement choisi. Peu importe lequel d'ailleurs, archiviste ou pas, tant il était désespéré, au fond le félin aurait accepté le premier venu.

- Dans dix minutes, il y aura du spectacle, et l'occasion de pratiquer la guérison.

Souffla-t-il à son voisin à propos de Ka'Ly qui devrait bientôt ressentir les effets à retardement de la plante. Elle avait choisi de ne pas l'écouter, comme la majorité de ses camarades d'ailleurs, voire des adultes. À elle d'assumer désormais.

S'il avait consenti à parler au brun qui avait son âge, c'est parce que la jalousie ne faisait pas partie de ses défauts- excepté lorsqu'il voyait ses camarades manier de mieux en mieux une arme qu'il ne possédait même pas.- et Solal était assez sociable pour prononcer quelques phrases même si ses dialogues se réduisaient davantage, après chaque échec auprès d'un maître, ou année passée sans que personne ne s'intéresse sincèrement à lui. Le double combat perdu contre l'ambassadeur Ninagoth et Glurba avaient achevé de le renfrogner.

Il tourna la tête lorsque le maître de l'expédition s'exprima et ne put s'empêcher de hocher la tête avec enthousiasme. Lui-même était incapable d'expliquer avec des mots cette communion avec la nature. Ces silences apaisants ou excitants précédant une chasse. Il portait ça dans ses veines, et le Chevalier Torr également semblait-il. Quelle chance avait son élève. Il aurait aimé avoir un mentor qui explorait comme ça. Il devait l'avoir fait de très nombreuses fois pour arriver à ce résultat sans être un animal. Solal secoua légèrement la tête pour refuser cette admiration. Cela le mènerait à s'attacher à quelqu'un, chose à laquelle il se refusait.

Son but, quoique très difficile à accomplir était de parvenir à arriver le plus loin possible sans ces maîtres versatiles. Il assistait donc à tous les cours communs proposés possible, quitte à rentrer, chancelant, dans sa chambre. Plus dur encore pour un jeune de son âge: s'astreindre à une discipline de fer concernant des lectures hors programme ou des études en autodidacte. Parfois Solal flanchait, mais il ne voulait plus être encore déçu. Aimer un maître sans retour.

D'un regard presque indifférent, le jeune Jedi remonta au trot vers l'avant. Il s'approcha tant de Karm qu'il lui souffla presque dans le cou -et son haleine était excellente vu sa discipline hygiénique !-. Quand il pensa avoir attirer l'attention du Chevalier, Solal posa ses yeux sur une série de petits buissons bien touffus. Il y avait, selon la Force, des vies qui s'y cachaient, selon son odorat: les mêmes cochons que la gamine maladroite avait fait précédemment fuir. Si Torr voulait les observer, voilà une seconde opportunité. Sans attendre de réprimandes ou de félicitation, l'adolescent fit demi-tour et revint à sa place dans les rangs, perdu au milieu de tous ces Padawans bipèdes. Encore une fois ses yeux croisèrent ceux d'Ekt-machin. Il lui désigna du museau les mêmes buissons. Vu que ces cochons semblaient à la mode pour le moment, autant offrir à tous, la chance de prendre des notes. Au moins, Solal n'était pas avare en partage de connaissances. Pourquoi faire? Pourquoi entrer en compétition afin d'attirer un regard? Personne ne le voyait, lui.
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C’était une nouvelle virée dans la jungle d’Ondéron pour Eckthor ! Elle s’annonçait cependant moins agitée que la dernière qui l’avait vu affronter des hordes de maalraas en compagnie de son Maitre. Luke n’était pas là cette fois puisque c’était le Chevalier Karm Torr – qu’Eckthor avait déjà croisé en de nombreuses occasions puisque lui et Luke se voyaient souvent – qui avait proposé ce projet de cours de survie aux Padawans du Temple. L’Ark-Ni était membre de l’Explocorps, il savait de quoi il parlait. Ce fut donc avec son enthousiasme légendaire que le garçon s’était inscrit à l’expédition.

Après plusieurs heures à crapahuter dans les bois, Eckthor touchait à ses limites physiques. Certes il s’était endurci depuis qu’on l’avait sorti de la bibliothèque pour évoluer aux côtés de Luke, mais il lui restait encore beaucoup à faire pour gérer sa dépense d’énergie. Deux heures plus tôt, il était parti à toute vapeur et en subissait à présent le contrecoup. Heureusement, un esprit de groupe unissait les membres de l’expédition et, au milieu de ses condisciples, Eckthor gardait le moral et le rythme. Le souffle un peu court malgré tout.

Mais même noyé dans la masse, l’adolescent restait discret. Alors que d’autres bavardaient pour faire passer le temps, lui-même ne pipait mot, préférant écouter attentivement chaque intervention de Karm et analysant ses moindres faits et gestes. Le Chevalier était renommé, Eckthor savait qu’il avait beaucoup à en apprendre rien que par l’observation. Et de toute manière, il doutait pouvoir conjuguer l’effort de la marche et de la parole.

Concentré sur son effort, il fut tiré de sa rêverie par l’un de ses camarades. Il l’avait remarqué aussitôt qu’il était arrivé au rendez-vous. Un Félacatian bloqué sous sa forme animale, ça ne courait pas les rues de la galaxie, alors les allées du Temple…

- … Hmm ? Hein ? Oh, du spectacle. Okay, ça c’est cool ! »

Il ponctua sa phrase d’un léger sourire, mais il sentit une goutte de sueur descendre sur son visage et se refocalisa sur la marche. L’annonce de pratiquer la guérison lui redonna cependant un certain allant.

Eckthor profita d’une nouvelle pause où Karm leur fit observer deux animaux qui paissaient non loin pour reprendre son souffle quand d’autres plus verbalement curieux assaillirent le Chevalier de questions et de remarques. Une jeune Padawan fit cependant un peu trop de bruit et les deux créatures partirent bien vite sans demander leur reste. Le garçon, lui, vint se placer à côté du Félacatian qui lui avait adressé la parole quelques minutes plus tôt.

- Salut… Moi c’est Eckthor… » Comme il soufflait largement, la moitié de ses mots se perdaient dans un souffle.

La marche reprit de plus belle jusqu’à ce que le Padawan-animal use de ses sens bestiaux pour offrir au groupe une nouvelle chance d’observer les créatures porcines. Eckthor l’avait trouvé plutôt fayot dans un premier temps, mais devait bien reconnaitre qu’il avait fait là un très bon usage de ses capacités naturelles.

- Woaw, bien joué mec ! »

Avec la plus grande discrétion possible, Eckthor se plaça derrière un buisson en prenant bien soin de regarder où il posait les pieds et les genoux. Accroupi, il sortit son carnet pour prendre des notes sur ce que Karm avait pu expliquer auparavant et qu’il avait toujours en mémoire - "La Force n’est pas un outil, c’est le fil qui tisse notre vie." ou quelque chose comme ça – et ce qu’il allait bien pouvoir leur dire de nouveau.

Karm Torr
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Karm fit signe aux Padawans d’approcher. La longue marche avait eu pour objectif d’abord de les éprouver, et ensuite de les observer. Il y avait ceux qui bavardaient et ceux qui étaient concentrés, ceux qui rêvaient comme s’ils étaient à la promenade et ceux qui l’observaient avec tant d’intensité que l’explorateur se demandait s’ils clignaient parfois des yeux. Lui, il avait été formé assez loin du Temple, toujours en mission, et sa participation aux cours communs avait été quasi anecdotique : il n’était pas très familier de l’ambiance qui régnait entre les Padawans, ordinairement, et des dynamiques de groupe. Alors il avait été tout aussi attentif qu’eux, pour tenter de cerner leurs personnalités.

Eckthor, il le connaissait déjà bien, mais il ne le traitait pas différemment des autres. Pas question d’avoir un favori, même si Karm, naturellement, s’était attaché au Padawan de son compagnon. Après tout, il le voyait progresser jour après jour, et parfois, Karm avait même l’impression qu’Eckthor était un peu plus son Padawan que Soruan elle-même. La jeune femme, elle, était loin de témoigner beaucoup d’assiduité. Karm ne savait pas par quel bout la prendre, et ce problème lui pesait.

De Solal aussi, il était familier. Mais de loin. Ce Padawan-là était un cas à part dont tout le monde avait bien conscience, au Temple. Les circonstances actuelles de la Galaxie, en pleine guerre, compliquaient la formation d’un jeune qui ne pouvait manier aucune arme ou presque. Par prudence, il fallait le plus souvent le cantonner au Temple, malgré sa détermination à bien faire. C’était à fendre le coeur, mais Karm faisait partie des Jedis qui se montraient raisonnablement optimistes quant à son futur. La détermination du Félacatian parlait pour lui.

Ka’Ly avait plus de bonne volonté que de talent, ou de discipline, et elle avait cet esprit de compétition qui, pour Karm, relevait du mystère. L’Ark-Ni avait toujours visé l’excellence, mais c’était une affaire entre lui et lui-même, qui ne tenait pas à la comparaison avec autrui. L’attitude de la Twi’Lek lui échappait un peu et il n’était pas encore certain de la bonne pédagogie à adopter avec elle.

Tout le monde s’était tassé près des buissons pour observer à nouveau les cochons. Karm allait sortir son datapad pour envoyer à ceux de ses élèves quelques observations, quand un éternuement violent fit sursauter tout le monde — et les animaux en premier, qui détalèrent une nouvelle fois dans l’épaisse végétation.

— Aaaaah !

Le petit groupe se retourna vers Ka’Ly. Son nez était tout rouge.

— Ça brûle… ça brûle !
— Qu’est-ce que t’as fabriqué ?
— Rien ! C’est ! Je…

Nouvel éternuement.

— … elle m’a morvé dessus, se plaignit l’un des Padawans.
— Si de la morve, c’est le pire que tu récoltes en exploration, tu pourras t’estimer heureux, commenta l’Ark-Ni, avec son habituel humour pince-sans-rire. T’as reniflé une fleur que t’aurais pas dû renifler, pas vrai ?

Après un instant d’hésitation, la Twi’Lek hocha la tête, en se gardant bien toutefois de suggérer que c’était un danger contre lequel Solal l’avait mise en garde.

— OK, qu’est-ce qu’on fait, alors ?
— Ben on me soigne.
— Hm. C’est une option. Y a quelqu’un qui voit dans quelles circonstances ça pourrait être une mauvaise option ?
— Parce que y a des circonstances dans lesquelles vaut mieux pas se soigner, s’étonna un Padawan de quinze seize ans, plutôt habitué des salles de méditation que des excursions en pleine jungle ?
— J’sais pas, dites moi.

Silence pensif. Quelqu’un leva le tentacule.

— Ouais ?
— Quand on est en danger.
— C’t’à-dire ?
— Ben, si on court un danger, et que le danger est plus dangereux que la blessure… ‘Fin… J’veux dire… C’est une question de calcul des risques, quoi.

Ce n’était pas forcément dit très clairement mais l’idée était là.
Eternuement et nouvelles complaintes.

— C’est clair. Bon, présentement, j’pense qu’on peut consacrer quelques minutes à ça. Y a des gens ici qui maîtrisent la guérison ?

Les Padawans se jetèrent quelques regards anxieux. Nouveau tentacule levé, et pas très assuré. Une Nautolane se dégagea du groupe pour s’approcher de Ka’Ly. Elle ferma les yeux, prit une profonde inspiration et porta les mains vers le nez de la Twi’Lek. Heureusement, ce n’était pas vraiment une blessure, et ça ne demandait pas une maîtrise considérable. Il fallut quand même une bonne minute pour que la jeune fille soit soulagée.

— Excellent. Bravo, Kasp’. Bon, les jeunes, on monte le campement ici pour la première soirée. Kasp, Ka’Ly, vous vous occupez de soigner les ampoules, les pieds qui saignent et les égratignures. Pas avec la Force, avec des bandages. Solal, Eckhtor, faites une reconnaissance sur un périmètre de cinquante mètres, retour au camp dans quinze minutes, pas une de plus. Vous cherchez des traces d’animaux dangereux, de ressources comestibles, de bois sec, ce genre de choses.

Karm se mit à distribuer des tâches aux autres Padawans : superviser le montage des tentes, installer les balises d’alarmes, relever les données cartographiques des datapads pour établir le chemin parcouru et ainsi de suite.
Solal Kalel
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Évidemment Ka'Ly finit par ressentir l'inévitable brûlure là où sa peau était entrée en contact avec la plante. Membres ramassées sous lui, le félin avait observé la scène sans rien dire, formulant les réponses dans sa tête. Il avait eu raison à la première concernant la guérison en second plan s'il y avait un danger mais ne savait pas pratiquer la guérison. Quand on était autodidacte, pas simple. Avec un flegme feint, le Padawan observa Kasp' soigner la morveuse qui semblait avoir trop peu appris puisque son débit de paroles revint empoisonner leurs oreilles. Lassé, Solal s'était vite remis en marche, plus attentif à son camarade, pas aussi maniéré que cette truffe de Ka'Ly.

- Mmh.

Un genre de merci à moitié convaincu traversa difficilement les babines du Félacatian. Il n'avait accompli aucun miracle. N'importe quel Padawan un peu attentif, selon lui, pouvait repérer ces cochons, lui avait juste eu la chance de les repérer en premier. Mais ce n'était pas comme si cela allait lui donner des points pour devenir Chevalier ou même, l'apprenti de quelqu'un. Un léger sourire flotta tout de même sur ses lèvres lorsque Torr répartit les tâches. Ne pas se retrouver avec Ka'Ly était un soulagement, ou encore ce timoré de Kasp'. Le félin aspirait à être en duo avec un adolescent assez autonome pour que lui puisse accomplir correctement son boulot sans jouer les nounous. Et cette tâche lui plaisait assez quoiqu'elle fut légèrement répétitive. Dans le peu d'explorations qu'il avait fait, Solal était toujours le préposé aux pistes étant donné sa constitution animale. Il devait trouver à manger, soulever les feuilles à la recherche de ramages secs aptes à faire du bois ou repérer le danger. Le Padawan appréciait ce moment -presque- solitaire, où il pouvait s'appuyer, pour une fois, sur sa constitution animale. C'était un domaine dans lequel il était doué, et il l'avait renforcé en y prêtant toute son attention à chaque fois. Briller un peu, pas pour les autres, juste pour soi, c'était si agréable. 15 petites minutes sans s'emmêler entre les fils de la tente, sans butter contre un il-ne-savait-quoi, parce que sa marche quadrupède le rendait plus maladroit dans des espaces restreints.-

Invitant son camarade d'un coup d'oeil en arrière, Solal entreprit de renifler le sol. Il se mit à chercher un danger, lançant la Force en avant tel un écho. Comme rien ne revenait, que son odorat renforçait la sensation, le jeune félin partit en quête de nourriture. Ses sens aiguisés lui permettaient de déloger des fruits qu'il pouvait heureusement ingérer, son origine proche-humaine de base le rendant omnivore. Il chassait aussi à l'occasion, mais peu, surtout avec d'autres groupes de Padawans prêts à s'évanouir ou pire encore, lui faire la morale sur le fait de quitter la vie à une pauvre créature. Solal pour sa part songeait que si la proie avait une chance de l'emporter, qu'aucune arme à distance n'entrait en jeu et que le chasseur devait faire preuve d'habilité, cela n'était en rien cruel, surtout que des protéines étaient toujours un moyen de gagner de l'énergie. Ignorant l'idée de Torr à ce propos, le félin se concentra sur les fruits et les légumes, heureusement légions. Pendant sa recherche, il comptait bien tomber sur des ramages secs à rapporter au campement. Le tout était de faire preuve d'organisation parce qu'en 15 minutes, ils avaient trop peu de temps.

- Si on peut ramener des échantillons de ce qu'on trouve c'est bien, mais autant ne pas traîner.

Ne possédant pas de montre, Solal avait développé un sens aigu des rouages du temps, il se trompait rarement sur les minutes qui défilaient. Le regard perdu dans la clairière, l'adolescent remarqua que seul, il ne pourrait pas couvrir tout le terrain. Ses yeux se posèrent alors sur Eckthor jusque là presque oublié. Il faut dire que passer sa vie à courir de classes collectives en classes collectives, à grappiller des informations seul à la bibliothèque n'avaient pas contribué à son sens du travail en équipe. Pourtant pas spécialement arrogant, possédant d'ailleurs une confiance plutôt faible, le Padawan avait simplement égaré cette habitude, si tentée qu'il l'ait eu un jour.

- On dit que personne n'arrivait à convaincre Kayan de prendre un Padawan. Comment t'as fait? Ça se passe bien?

Demanda-t-il, sincèrement et bienveillant malgré une introduction maladroite. Faire vivre cette petite expédition avec un dialogue sympa, ce n'était pas son style, ni fraterniser avec d'autres camarades que ceux qui composaient son cercle fermé d’estropiés, de mal-chanceux: le Mon-Calamari aux poumons atrophiés, obligé de s'immerger toutes les deux heures, la minuscule Togruta, le Quarren à qui il manquait un bras. Lui. Au fond ça le rassurait de se savoir le mieux disposé dans ce groupe, le moins puni malgré les douleurs intenses et les séjours à l'infirmerie qui avaient jonché son enfance. Il était encore celui qui se débrouillait le plus avec son physique et sa tête. C'était le leader non déclaré, le guide implicite, le consolateur car celui qui pleurait le moins. Ici, face à Eckthor, il n'était rien d'autre qu'un sans-maître. Incapable de positivement se démarquer des autres, y compris de Ka'Ly Miss-je-sais-tout. Sauf peut-être...

- Il y a de la nourriture là-bas. Je crois. On a le temps d'explorer ou mieux vaut revenir?


Aux pattes du félin, un petit monticule de branchettes s'amoncelait, évoquant un coin boisé propice à la cueillette de nourriture pour bois. Ils avaient écarté un danger de toutes manières inexistant. Que restait-il? Ah oui, l'eau à proximité. Solal tendit l'oreille, les pattes de devant perchées sur son échantillon de bâtons, cherchant à capter le chant d'un ruisseau.

- Qu'est-ce que tu penses de Torr. Tu dois bien le connaître vu que ton maître et lui sont toujours fourrés ensemble à ce que l'on dit.

Mis à part une amitié aussi forte que surprenante entre l'Explorateur flegmatique mais cool et le coincé de Consulaire, Solal ne voyait rien d'autre. Les moeurs autre que ceux visant à la reproduction lui échappaient et de toutes manières, ce n'était pas comme s'il aurait un jour, lui, le droit à l'amour. Autant se blinder dès sa prime adolescence et se résigner.

- Il est bizarre mais j'aime bien. Il fait ce qu'il veut au moins, et le plus classe c'est que le Conseil le laisse faire. Indépendant, doué mais ne se prend pas la tête. Qui explore en plus. J'aurais aimé avoir un maître comme ça.

Dans une autre vie. Il aurait pu.
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Les instructions de Karm Torr données, Eckthor emboita le pas de son compagnon à quatre pattes, répondant à son invitation muette. Reconnaitre le périmètre, chercher des traces d’animaux dangereux ou de tout autre chose qui pourrait se révéler utile au campement, voilà qui s’annonçait comme une tâche pile dans les cordes de l’esprit aventureux du garçon, et certainement de la nature animale du Félacatian. Il se retint tout de même d’émettre une quelconque remarque à ce sujet, craignant que l’adolescent félin ne le prenne mal.

De manière générale, Eckthor ne disait jamais grand-chose bien que les pensées puissent se bousculer dans son esprit. Il n’était pas encore tout à fait à l’aise dans son rapport avec les autres, même s’il avait fait de gros progrès depuis que son assignation à Luke l’avait sorti de sa bibliothèque et des archives. Solal – comme il l’avait appris quand Karm les avait réuni en équipe – était apparemment taillé dans le même moule qu’Eckthor parce qu’il avait pu en juger jusque-là, mais ce fut malgré tout lui qui lança la conversation.

- Oh… En fait, c’est le Conseil qui m’a confié à Maitre Luke. C’est Maitre Geilvta qui m’a annoncé la nouvelle et depuis, ça se passe plutôt bien. Je pense. »

Eckthor n’avait aucune raison réelle de douter quant à sa relation naissante de maitre à élève avec Luke, d’autant que leur mission à Maldéron avait plutôt eu tendance à les rapprocher et à développer une confiance mutuelle. Mais il se rappela que Luke avait eu des doutes au départ, principalement sur lui-même, et qu’il s’était montré assez réticent à se voir confier un Padawan. C’était de l’histoire ancienne, mais ce détail lui revint en mémoire, ce qui l’amena à cette petite hésitation.

- On y va ! Tant pis si on est en retard, Maitre Torr nous pardonnera cette envie d’exploration. Et puis j’ai faim. » ajouta-t-il plus pour lui-même que pour son compagnon, qui poursuivit sur Karm.

C’était vrai qu’Eckthor le connaissait plutôt bien. Le garçon le croisait assez souvent puisqu’il était un proche de Luke, mais il lui était reconnaissant de ne pas agir différemment avec lui. Eckthor craignait par-dessus tout de se voir coller une étiquette de chouchou simplement parce que Maitre et Karm étaient amis. Mais cette situation lui profitait quand même un minimum puisqu’il pouvait profiter des conseils et de l’exemple du Chevalier. D’autant plus que sa propre Padawan n’était pas très présente. Eckthor doutait même de l’avoir déjà rencontrée.

- J’l’aime bien aussi. C’est très différent de Luke, ça fait la balance… J’ai de la chance je crois. » Il ne savait pas à quel point, mais il ne voulait pas trop s’étendre devant le malaise de son compagnon. « Mais tu sais, tu peux toujours devenir comme lui. ‘Fin j’veux dire, tu as toutes les prédispositions pour devenir un super explorateur. Tu devrais réfléchir à rejoindre l’Explocorps. Moi j’ai fait partie de l’Educorps, et c’était pas si mal, même si j’suis bien content d’en être sorti. Mais regarde, Karm est membre de l’Explo, et c’est sûrement le Jedi le plus cool que je connaisse ! »

Ce qu’il essayait maladroitement de dire, c’était qu’il n’y avait aucun raison de dénigrer les corps de service de l’Ordre. Ils n’étaient pas forcément très reluisants, voire même étaient souvent synonymes d’un prétendu échec, mais pour y avoir consacré une partie de son apprentissage, Eckthor savait parfaitement ce qu’ils pouvaient apporter. Ils redonnaient un peu d’espoir et l’agréable sensation de servir à quelque chose, d’être utile à l’Ordre et à ses condisciples. Et, il en était la preuve vivante, cela pouvait parfois offrir des opportunités auxquelles on n’aurait jamais pensé.

Continuant leur exploration, Eckthor se saisit de quelques bûches bien sèches qu’il avait repéré pendant qu’ils discutaient. Quitte à mordre un peu sur le temps qui leur était imparti, autant ne pas rentrer les mains vides car sinon, Eckthor aurait beau connaitre Karm, il était quand mpême certain qu’il aurait droit à une remontrance. Mais avec les baies et les fruits qu’ils avaient trouvé en plus, tous deux revenaient au camp avec un butin correct selon lui. Pour ce qui était du danger alentours, le garçon se fia surtout à l’instinct animal de Solal, et à son odorat.

Solal Kalel
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[HJ: Je me permets de répondre vu que l'action de réponse est "immédiate" et que Solal n'est pas d'accord avec son camarade. Si ça gêne je modifierai!]

Solal ouvrit de grands yeux. Sa technique d'approche avait fonctionné de prime abord, cependant, la suite lui avait immédiatement déplu. Obligé de puiser dans sa patience, le félin répondit avec calme mais froideur.

- Tu n'es pas le seul à avoir faim. Tous les autres ont certainement faim. Et puis moi j'ai pas de ticket avec Torr. Il a dit 15 minutes pas une seconde de plus.

Quel égoïsme, quel toupet! La question de Solal concernait une éventuelle exploration des alentours immédiats, histoire d'avoir une opinion sur rentrer en avance ou à l'heure exacte et certainement pas prolonger l'expédition. Encore moins pour son propre plaisir. Maintenant qu'Eckthor avait un mentor, il semblait prendre cette mission de survie comme une balade. Forcément, quand le gentil Consulaire l'attendait pour son cours dans une salle, le lendemain, soigneusement programmée, on se moquait de calmer sa faim d'abord, ou de satisfaire sa curiosité.

- Ahah l'EduCorps, si c'est si cool, pourquoi t'es si content d'en être parti? Et le Chevalier Torr est Gardien d'abord, je te signale.

C'était bien facile de vanter les Corps -Pour lesquels Solal avait du respect, tout en gardant certains préjugés. Comment lui en vouloir? Depuis sa tendre enfance, on laissait sous-entendre que finir là-bas était un échec. Naturellement, le gamin craignait d'y finir, malgré une base de tolérance pour cette extension de l'Ordre. Sans le savoir probablement, les aînés promouvaient ce type de comportement à l'égard des Corps, surtout celui Agricole. Ainsi, de nombreux Padawans considéraient ces anciens apprentis comme de vrais Jedis à part entière, sans se voir capable d'accepter une affectation là-bas. L'adolescent avec sa tête d'ado justement, ne pouvait pas analyser ses pensées contradictoires. Il était donc assez irrité par l'attitude désinvolte d'Eckthor, même s'il le remerciait de ne pas s'extasier davantage sur sa chance de disposer quasiment de deux maîtres à partager avec une Miraluka absente -en tout cas aujourd'hui.-

Comme pour apaiser une éventuelle tension naissante, Solal accepta de continuer un peu son chemin. Il avait creusé un peu la terre meuble pour former un genre de nid et y disposer ses victuailles: relativement peu puisque Karm avait exigé qu'ils explorent les alentours plus que de jouer les cueilleurs. Au bout d'un moment, alors qu'ils étaient sur le point de ne plus pouvoir rentrer à l'heure, le Padawan stoppa sa course.

- Écoute, je crois qu'on devrait rentrer.

Reprit le félin d'un ton moins révolté, simplement résigné à devoir composer avec un camarade apparemment trop peu soucieux d'obéir aux ordres du supérieur. La moindre insubordination pourrait pourtant lui coûter la vie sur le terrain auprès de son maître, surtout aveugle qui risquait de le perdre en chemin. Cette mise en garde n'étant néanmoins par de son ressort, Solal se tu sagement pour faire demi-tour. On pouvait le prendre pour une volaille mouillée que cette opinion lui importait guère désormais. Il jugeait ne plus avoir grand-chose à perdre, certes, mais l'une de celles qu'il pouvait encore égarer était la confiance de ses aînés. Plutôt sage malgré de menues bêtises comme une sortie au-delà des limites du parc ou des heures, l'adolescent avait généralement réussi à satisfaire les Maîtres. Cela ne lui avait pas conféré -à sa grande déception.- de Chevalier pour s'occuper de sa personne, contrairement à Eckthor dont le cas était jugé plus urgent ou plus intéressant, mais au moins il était libre. Libre de circuler dans le Temple, enfin si l'on pouvait appeler la course effrénée entre deux cours collectifs un instant de liberté. Outre de rares promenades, le félidé était en effet contraint de se préparer son propre programme, de faire des recherches pour affiner ses connaissances, pousser ce que les classes enseignaient en surface pour éviter de prendre trop de retard sur les chanceux. Eckthor pouvait dormir, lui, tandis que son cher Maître planchait sur ses prochaines leçons et lui prémâchait le savoir à ingurgiter. Le Félacatian devait en plus de se motiver, trouver quoi chercher. Enfin bon, ce n'était pas l'heure de s'agacer ou de devenir jaloux. D'autant plus que ce n'était pas dans sa nature. Préférant se concentrer sur ses rares privilèges acquis après des années de dure labeur passées à montrer sa maturité aux Maîtres, il ne voulait pas tout gâcher pour une envie d'explorer du nouveau Padawan de Kayan.

- Appelle-le au moins.

Signala l'adolescent qui s'était résigné -après un premier pas- à ne pas fuir sans son camarade. Ce ne serait pas très Jedi, et carrément fayot de repartir seul au camps pour arriver à la minute T comme indiqué avant. En outre, il y avait des chances pour que l'Ark-Ni le gronde plus que le félicite pour son abandon. Il devrait donc se coltiner l'égoïste. Assis, le dos raide en attendant de savoir ce que déciderait l'humain, Solal planta ses yeux clairs dans les siens, mitigé entre le désespoir et l'énervement. Non vraiment, Eckthor paraissait sympa, même généreux à discuter de la sorte avec lui voir essayer de le consoler -du moins c'était l'impression qu'en avait Solal.- mais il risquait surtout de lui causer des ennuis.

Par chance ils rentrèrent. La situation de dénoua doucement. Malgré un léger stress le félin ne dit rien ni ne chercha à se justifier devant Karm. Il lâcha simplement les quelques échantillons trouvés et s'assit, prêt à recevoir des ordres et des remontrances. Il n'allait pas balancer son camarade pour ces minutes de retard malgré son envie.
Karm Torr
Karm Torr
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— J’ai, euh… J’ai rien compris.
— Ah.

Karm considéra le plan qu’il avait tracé avec un bâton dans la poussière, au sol, et qui représentait la manière idéale de disposer un camp, dans une jungle, selon l’expérience accumulée depuis des générations par l’ExploCorps. Il avait tenté d’expliquer les grands principes qui guidaient cette organisation, mais comme il arrivait parfois, sa démonstration très condensée avait perdu les Padawans en cours de route.

Il avait beau faire des progrès en matière pédagogique, parce qu’il se forçait de plus en plus à aller à la rencontre des jeunes, il était encore loin de maîtriser le domaine.

— Désolé.

Pour lui, faire preuve d’humilité face aux élèves, ce n’était pas manquer d’autorité.

— Bon, tu vois comment j’ai dessiné ?

Le Padawan hocha la tête.

— Bon, maintenant, imagine que y a une tempête.

Et, avec le petit groupe de Padawans chargé de l’installation des tentes, il se mit à évoquer successivement chacun des scénarios possibles, pour montrer en quoi le camp répondait aux besoins de la jungle. Apparemment, c’était beaucoup plus facile que de passer par la théorie. Il y eut finalement quelques hochements de tête satisfaits, malgré certains regards encore un peu perplexes, et la troupe se dispersa pour dresser les tentes et installer les balises d’alerte.

Karm se rapprocha de Kasp et Ka’Ly. C’était un bon duo. Ka’Ly était décidée et tirait la Nautolane de son incertitude, mais Kaspsadora était plus posée et plus méthodique, et apprenait à Ka’Ly à se concentrer et à avancer pas. Elles faisaient ensemble le tour des Padawans, et apportaient les soins nécessaires à chacun.

— Pourquoi vous nous dîtes de pas utiliser la Force, demanda Ka’Ly, en voyant Karm approcher ?
— Fatalement, y a un jour, vous serez sur le terrain et vous serez trop fatiguées pour plonger dans la Force. C’est essentiel de savoir soigner à travers Elle, mais c’t’aussi essentiel de savoir s’économiser et utiliser des moyens plus traditionnels.

Il jeta un coup d’oeil au bracelet numérique à son poignet. Solal et Eckthor étaient partis depuis plus d’un quart d’heure désormais. Karm n’était pas du genre à s’inquiéter outre mesure, mais il était peut-être temps de partir à leur recherche. Il lança un regard circulaire pour surveiller l’activité des Padawans dans un campement qui commençait à prendre forme, avant de s’apprêter à s’enfoncer à son tour dans la jungle, quand les deux retardataires firent leur apparition.

Le Chevalier se porta à leur rencontre. En silence, son regard les examina tour à tour, et puis ce qu’ils avaient rapporté, et il finit par murmurer un simple « OK », sans qu’il fût tout à fait possible de déterminer s’il était mécontent de leur retard ou satisfait de leur esprit d’initiative.

— Choisissez certains de vos camarades, expliquez leur où vous avez trouvé quoi et envoyez les chercher tout ça.

Savoir organiser un groupe, c’était aussi une compétence précieuse, et même celle que Karm jugeait la plus difficile à acquérir. Lui-même estimait n’en être qu’aux balbutiements de sa carrière de leader, même si l’ExploCorps lui confiait de plus en plus souvent la responsabilité de missions complexes, avec des membres des services sous ses ordres. À chaque fois, il se prenait à souhaiter qu’on lui eût donner l’occasion d’expérimenter ce genre d’organisations dans sa jeunesse, et c’était ce qu’il donnait l’occasion à Eckthor et à Solal de faire.

Une bonne heure plus tard, tous les Padawans étaient revenus avec leurs victuailles, le camp était monté, les balises d’alerte fermement enfoncées dans le sol et, alors que la lumière du jour commençait à baisser, tout le monde était rassemblé autour d’un feu que deux Padawans s’escrimaient à allumer tant bien que mal, privés qu’ils étaient des outils les plus modernes, tandis que les autres préparaient les fruits, les racines, les baies et les feuilles pour la cuisine.

Les cours de cuisine, c’était un aspect souvent négligé de la vie d’explorateur et Karm lui-même avait dû apprendre sur le tas, quelques années plus tôt.

— Karm, demanda l’un des Padawans, est-ce qu’on mange toujours végétalien, comme ça, en mission ?
— Non.

Le Chevalier était occupé à éplucher des tubercules avec son vibrolame.

— Y a pas de préconisations officielles. C’t’à chacun de se faire sa propre idée sur ça.
— Mais la Force, la vie, c’est partout, dans les animaux, comme dans nous.
— C’est vrai, mais c’est aussi dans les légumes. Dans la matière. On est d’accord que la maîtrise de la Force, c’est une fonction de la vie et de la conscience : plus on est un être complexe et conscient, par exemple un être sentient, plus on a des chances de maîtriser la Force de façon fine. Mais puisqu’on peut bouger des objets par la Force, sentir la matière par la Force, c’est bien la preuve que la Force, c’est aussi une conséquence de l’existence dans le monde.

Silence.

— Mais les cailloux et les légumes existent pas de la même manière que les animaux.
— C’est vrai. Mais est-ce que le prédateur qui mange une proie est coupable de la place que la Force lui a donné dans l’ordre du monde ?

Evidemment que non.
Plusieurs Padawans secouèrent la tête.

— Mais comme c’est pas nécessaire pour nous de manger d’autres animaux, et qu’on a les capacités euh… intellectuelles qui nous permettent de réfléchir à notre nourriture, et de remplacer ces protéines là par autre chose, est-ce que c’est pas notre devoir moral de le faire ?
— C’est ce que j’pense, oui. Mais quand tu explores, t’as pas nécessairement des protéines végétales à portée de main. Du coup, est-ce que tu dois mettre ta vie en danger pour préserver celle d’êtres non-sentients ?
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Karm ne se montra pas mécontent du petit extra pris sur le temps qui leur avait été imparti. Mais il ne se montra pas réjoui non plus. Quant à Solal, s’il ne l’avait pas vraiment clairement dit lorsqu’ils étaient dans leurs explorations, il semblait plutôt clair qu’il désapprouvait l’état d’esprit quelque peu aventureux et téméraire de son camarade humain.

Eckthor était pourtant loin d’être une tête brûlée, il était même plutôt l’inverse. Calme, travailleur, assidu aux cours et exercices – la majeure partie du temps, quand il n’avait pas de panne de réveil… –, le garçon outrepassait plus que rarement les règles. Mais il était curieux et souvent emporté par un trop plein d’enthousiasme que Luke tentait par moment de tempérer, avec plus ou moins de réussite à la clé. Les deux Jedi s’entendaient cependant très bien malgré leurs différences flagrantes.

A la demande de Karm, Eckthor tenta d’organiser comme il le pouvait le petit groupe qu’il allait envoyer à la recherche de nouvelles ressources. Il aurait bien choisi Kaspsadora, la Nautolane, mais elle était déjà occupée à soigner les plus endoloris par la marche de la journée avec Ka’Ly. Tant pis…

- Gwido, Kit et Lysaia. » appela-t-il autour de lui. Se présentèrent un Rodien et deux Humains. « Euh… Si vous allez dans cette direction, vous tomberez sur un p’tit nid qu’on a creusé avec Solal pour mettre ce qu’on trouvait. Si vous fouillez un peu autour, vous trouverez pas mal de baies et plantes. Pas mal de bois sec aussi. Euh… Bah voilà. Ah si, retour au camp dans quinze minutes. » ajouta-t-il, imitant par la même occasion la consigne donnée un peu plus tôt par l’Ark-Ni.

Eckthor n’avait pas vraiment l’habitude de commander, il n’était que Padawan après tout. Il avait un peu l’impression de forcer sa propre nature, mais c’était sûrement pour le mieux. S’il désirait devenir un grand Jedi comme il le rêvait, il ne pouvait pas se contenter de suivre scrupuleusement les ordres des autres. Le moment venu, il devrait lui aussi faire preuve d’initiative et de force de décision. Alors autant commencer à s’y habituer le plus tôt possible.

Pendant que ses camarades désignés étaient partis en exploration, Eckthor donne un coup de main aux autres qui s’occupaient de planter tout autour du campement les balises d’alerte, puis à ceux qui s’affairaient à la cuisine. Sans rechigner à la tâche, il pela fruits et racines ramenées par lui et Solal, et plus tard par les trois Padawans qu’il avait envoyé à son tour. D’une oreille distraite, il écoute Karm et certains de ses condisciples échanger sur les repas en exploration, une discussion qui se transforma rapidement en débat philosophique.

- Je n’vois pas en quoi ça pourrait être mal de manger d’autres animaux. On doit respecter la vie parce qu’on est des Jedi, mais si on le fait en accord avec la Force, avec le respect nécessaire, y’a sûrement pas de mal à ça. Si ? »

Tuer pour se défendre, tuer pour survivre, la nuance était on ne peut plus mince en condition de survie dans la nature. D’autant plus lorsque celle-ci était hostile. Ce n’était évidemment pas le cas sur Ondéron – encore que cela pouvait l’être dans certaines contrées –, mais Eckthor ne se voyait pas se nourrir uniquement de plantes, de baies et de feuilles indéfiniment si un jour il devait être amené à partir en exploration sans autre soutien que ses capacités et ses connaissances.



Spoiler:
Karm Torr
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Oui, mais est-ce que nous, on est vraiment dans l’harmonie de la Force ? C’est comme… c’est comme si quelqu’un disait : oui, mais acheter de la viande au supermarché, c’est normal, mon espèce mange de la viande, c’est dans l’équilibre de la nature, mais le supermarché, c’est pas la nature. On est plus astreints à l’harmonie et à l’équilibre de la même manière.
Donc on est pas astreint à la Force, c’est ça c’que tu veux dire, intervint Karm, dont la méthode pédagogique dans ce genre de discussions reposait souvent sur des suggestions un peu provocantes, qui forçaient les Padawans à considérer soigneusement les implications même les plus problématiques des idées qu’ils avançaient ?
Non, non, bien sûr que non… enfin… euh…
Non mais si, moi, je comprends c’qu’il veut dire, intervint Gwi. Parce que, euh… Parce que l’industrialisation, ben, ça a rompu l’harmonie. L’harmonie de la Force, de la nature dans la Force, en fait, elle existe plus. Notre rôle, c’est pas de la préserver, c’est de la rétablir.
Oui mais enfin, fit une autre Padawan en étendant les bras autour d’elle pour embrasser toute la jungle qui les entourait, là, c’est sauvage, quand même, pas du tout industrialisé, donc y a quand même une logique naturelle, et dans cette logique naturelle, y a ceux qui mangent de la viande. Ekhtor a raison, je trouve.
Mais de toute façon, si on se met à se dire que la nature et donc l’harmonie de la Force s’arrêtent là où commence l’industrialisation, ça veut dire qu’on se sépare nous par principe de la nature, in fine, puisque, hm… ben la logique d’une espèce sentiente, enfin de ce que j’en sais, hein, c’est d’instrumentaliser leur environnement, non ? Donc d’avoir un rapport à la nature qu’est pas interne, mais plutôt, disons…
Fonctionnel, suggéra le Rodien ?
Oui voilà, fonctionnel.


Cet argument plongea le petit groupe de Padawans dans des abîmes de perplexité et les regards finirent par se tourner vers le Chevalier, dont on attendait les remarques éclairantes comme il était d’usage au sein de l’Ordre. Mais Karm était de ces Jedis, d’ailleurs assez nombreux, qui préféraient entraîner les jeunes à penser par eux-mêmes et qui feignaient l’ignorance ou répondaient par des remarques énigmatiques, plutôt que de déployer spontanément leur propre argumentaire.


J’sais pas trop, fit-il d’un ton dégagé.
Genre !
Mais toi, tu manges jamais de viande, pas vrai ?


Le Chevalier hocha la tête.


Et tu penses que c’est mal de manger de la viande ?
Nope.
Mais…
Allez, c’est l’heure de dormir. Gwi, tu prends le premier tour de garde avec Sokal.


Les Padawans un peu frustrés, mais l’esprit encore plein de cette discussion, s’animèrent autour du camp, pour procéder au rangement nécessaire, et puis bientôt presque tout le monde eut disparu sous sa tente. Les tours de garde s’enchaînèrent comme une machine bien huilée, la discipline légendaire des Jedis et les dangers tout relatifs de cette partie de la jungle pourvoyant à une nuit sans histoire.


Le lendemain matin, Karm accueillit sa fine équipe au saut du sac de couchage par des séries d’exercices gymnastiques destinés, selon lui, « à favoriser la circulation du sang », et qui exigeaient une souplesse pour le moins surprenant.


J’sens plus mes articulations.
Non mais c’est physiquement pas possible de faire ça.
Je… j’crois que je suis coincée…
Hmpf.
Alors c’est bon ? V’z’êtes en pleine forme ? On peut y aller ?


Après une série de grognements diversement enthousiastes et un petit-déjeuner roboratif, l’expédition reprit son cours. Karm leur faisait accomplir un demi arc-de-cercle qui les ramènerait ce soir-là au Temple : ce premier cours était en quelque sorte un avant-goût, une manière pour lui de cerner leurs aptitudes respectives et pour eux d’avoir un aperçu d’une discipline qui, au fond, pouvait très bien ne pas leur être destinée.


En chemin, ils s’arrêtèrent souvent pour considérer des plantes, essayer de déterminer si tel ou tel fruit était comestible, tenter de deviner l’heure sans utiliser leur datapad ou d’interpréter les traces laissées par les animaux sur les troncs. Une fois, ils durent s’immobiliser dans le plus grand silence, alors qu’un prédateur passait près d’eux, et se montrer attentifs à travers la Force, tandis que le Chevalier Karm s’y plongeait pour convaincre l’animal d’emprunter un autre chemin.


Vers midi, ils firent une pause près d’une rivière qui charriait dans ses sinuosités une eau boueuse et pleine de vie. Ce fut l’occasion de prendre en main le programme qui permettait d’analyser la qualité de l’eau et dont l’interface riche en données, mais très austère, n’était pas toujours très compréhensibles pour ses jeunes utilisateurs. Puis la marche reprit, dans la chaleur étouffante.


Les moustiques et les autres insectes fournirent tout le sujet de la discussion de l’après-midi, en tout cas parmi les Padawans que la marche n’avait pas trop épuisés pour pouvoir parler. Comment s’en protégeait-on ? Et d’ailleurs, pouvait-on efficacement masquer son odeur ? La Force permettait-elle de prévenir certaines des maladies qu’on attrapait avec une piqûre de moustiques ? Que se passait-il quand on explorait une planète inconnue, pleine de pathogènes contre lesquels les vaccins préparés par le MedCorps s’avéraient inefficaces ?


Petit à petit, les Padawans comprenaient combien la survie mêlait des ressources pratiques et des savoirs théoriques. Il fallait savoir réfléchir en même temps que de se fier à son instinct, et doser soigneusement sa prise de risques. Quand ils débouchèrent enfin sur le parc du Temple d’Ondéron, à grands renforts de soupirs de soulagement de la part d’une bonne partie de la troupe, les jeunes coéquipiers de Karm en avaient plein les jambes, et pleins la tête.


Les inscriptions pour les prochains cours s’ront ouvertes sous peu, dit-il alors qu’ils allaient se séparer, au milieu du vaste hall du Temple, chacun obnubilé par la perspective d’une longue, très, très longue douche.
Oui… Si on survit à nos courbatures, conclut l’une des Padawans.


FIN
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