Karm Torr
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Ses deux mains sur le corps, sur la peau de Luke, Karm embrassait son compagnon avec une passion de seconde en seconde plus grande. Il lui aurait fait l’amour, là, sur le capot du speeder, dans l’herbe de la clairière, s’il ne l’avait pas senti encore fatigué de leurs longues marches. Mais il pouvait se contenter d’un baiser et de ces caresses, malgré le désir qui brûlait en lui, et dont ses vêtements ne parvenaient pas entièrement à garantir la discrétion. Quand leurs lèvres se séparèrent, il murmura contre celles de Luke :

— T’as définitivement trop de sex appeal pour que j’arrive à conserver mon aura de guerrier flegmatique et inaccessible.

Le baiser qu’il posa sur la joue de Luke fut cependant chaste et ses mains s’envolèrent, à contrecœur, alors qu’il contournait le speeder pour s’installer sur le siège conducteur de l’appareil. Une inspiration plus tard et il parvint à dominer les manifestations les plus explicites du désir que Luke avait éveillé en lui et, une fois son ami installé, il fit s’élever l’appareil lentement au-dessus de la cime des arbres, avant de filer à nouveau en direction du Temple.

L’immense bâtisse se rapprocha de plus en plus et ils finirent par s’engouffrer dans l’un des hangars, où Karm posa soigneusement l’appareil dans un emplacement vide de la section réservée aux Sentinelles, dont il supposait qu’il provenait. Une fois pied à terre, il laissa un droïde de service scanner le speeder pour mettre à jour la base de données du garage, et quand le robot lui confirma que tout était en ordre, il entraîna Luke dans les couloirs du Temple.

— J’vais te présenter à celle qui m’a accueilli au sein de l’ExploCorps. Maître Selvak. Je l’ai rencontrée quand j’étais Padawan, je devais avoir… 14 ans, quelque chose comme ça. Tavaï était en mission secrète je sais pas où, je m’obstinais à suivre ses entraînements, même en son absence. J’ai croisé Selvak dans une des salles d’entraînement et elle m’a aidé à… Je saurais pas trop dire. On a beaucoup parlé, de tout et de rien. C’était la première fois depuis une éternité que je bavardais vraiment avec quelqu’un. Que la vie était pas pour moi si sérieuse. C’est difficile à décrire.

Les portes des bureaux de l’ExploCorps s’ouvrirent sur eux. Karm passa la tête dans l’un d’entre eux.

— Hey, salut, Strill, tu sais où est Natt’ ?

Cinq yeux montés sur des tentacules pivotèrent dans sa direction.

— Bonjour, Karm. Luke. La salle du scanner, je crois.
— Merci.

Les deux Jedis longèrent une rangée de portes où travaillaient les Auxiliaires et les Jedis du corps d’exploration. C’était une ambiance studieuse. Ici, on étudiait les minéraux, là, les végétaux. Dans une salle, une vaste projection holographique était soigneusement examinée par des astrophysiciens qui essayaient de déduire la présence de planètes inconnues aux phénomènes gravitationnels, pour ensuite y envoyer les premières sondes d’exploration. Le calme qui régnait dans les lieux tranchait avec le quotidien aventureux et tumultueux de l’Ark-Ni, sur le terrain.

Luke et lui descendirent quelques marches pour déboucher dans la salle du scanner. Il y avait une grande pièce blanche, avec un bras robotique qui descendait du plafond, et un bureau de l’autre côté, séparé par une baie d’observation aux vitres teintées.

— C’est là qu’on fait les scans holographiques des objets qu’on récupère, pour les charger dans la base de données de l’ExploCorps. Ensuite, on rédige des fiches descriptives, régulièrement mises à jour, et on construit des métadonnées, pour que les Jedis sur le terrain, explorateurs ou non, quand ils tombent sur quelque chose de similaire, puissent retrouver la fiche et avoir une idée de ce à quoi ils ont affaire. Et puis pour faciliter le travail des chercheurs, jedis ou universitaires, évidemment.

Maître Natt Selvak était assise au bureau, occupée à scanner une série de pièces de monnaie anciennes, soigneusement alignées sur un petit présentoir, sous le bras robotique. C’était une Umbarane d’une soixante d’années, Consulaire Chercheuse Jedi depuis qu’elle avait passé ses épreuves de Chevalier. Elle avait longtemps sillonné la Galaxie pour aider les planètes républicaines à mettre en place des programmes de protection de patrimoine et d’études historiques, pour y stimuler la pluralité des points de vue en la matière et lutter contre le développement de nationalismes révisionnistes. Ces dernières années, l’âge obligeant, elle faisait moins de voyages et se consacrait au développement de la politique historique de l’Ordre.

— Bonjour, Karm, dit-elle, sans d’abord relever la tête, en pianotant sur la console de contrôle du scanner.

Puis elle pivota sur son siège, une fois les dernières données rentrées.

— Et bonjour, Chevalier Kayan. J’ai entendu dire que votre mission n’a pas été sans incident, j’en suis navrée.
— C’était… Super déstabilisant.
— J’imagine, répondit Maître Selvak, en désignant deux fauteuils d’ordinateur aux Chevaliers.

Karm s’y assit à côté de Luke.

— Hélas, même les meilleures et les plus vigilantes des communautés sont susceptibles d’accueillir ce genre de drames. Là où nos valeurs sont vraiment mises à l’épreuve, c’est dans la réponse que nous leur apportons. L’ostracisme et la condamnation seraient faciles, le pardon et la réhabilitation nécessaires.
— C’est ce que je pense aussi, mais les Sentinelles lui ont mis la main dessus, et j’ai un peu peur que…

Le reste de la phrase de Karm resta dans le silence. L’Umbarane esquissa un sourire.

— Il faut savoir faire confiance à nos frères et sœurs, Karm. Même quand leurs méthodes paraissent différentes.
— Ouais, mais personne est à l’abri d’une erreur.
— Et si erreur il y a, il sera toujours temps de la corriger. La République n’a pas une justice si radicale que ceux qui sont injustement condamnés ou condamnés de manière injuste soient pour toujours perdus.

L’Ark-Ni hocha lentement la tête, avant de jeter un coup d’oeil à Luke.

— En vrai, c’est pas forcément de ça qu’on voulait te parler, Natt.

La présence de Luke rendait ce qu’il n’aurait jamais considéré par lui-même comme un aveu, et encore moins un aveu difficile, beaucoup plus stressante. L’inquiétude de l’Hapien était communicative. La Consulaire les fixa tour à tour et, dans le silence qui s’installait, finit par dire :

— Oui… ?
— Ben voilà. Depuis un certain temps… En fait, plus d’un an, déjà, Luke et moi, on est ensemble. J’veux dire, pas juste comme coéquipiers, ensemble, euh… Comme…

Le terme « petits copains » lui paraissait bien dérisoire.

— Romantiquement.
— J’avais cru comprendre, répliqua simplement l’Umbarane.
— Quoi ?
[color=purple]— Je n’avais pas conscience que vous le considériez comme un secret[color], rajouta-t-elle.
— Hein ?

Tout cela ne se déroulait pas exactement comme prévu. Maître Selvak ne parvint pas à réprimer un sourire.

— Karm. Luke. Vous êtes deux jeunes gens assurément pleins de talent, et intelligents, mais, au risque de vous froisser, vous n’êtes pas exactement des Ombres Jedis et vos talents de dissimulation ont des limites. Vous êtes tout le temps fourrés l’un avec l’autre, et votre lien dans la Force est parfois… Très perceptible.
— Ah. D’autres personnes sont au courant… ?
— Aucune idée. Un peu tout le monde ? Enfin, c’est ce que j’ai supposé, mais j’imagine que tous nos collègues ne sont pas aussi…
— Commères ?

Maître Selvak éclata de rire — un spectacle assez rare, chez les personnes de son espèce.

— Je ne fais que m’inquiéter du bien-être des membres de l’ExploCorps, cher Chevalier Karm. Disons perspicaces. Ou expérimentés. Vous n’êtes pas les premiers tourtereaux que je vois.
Luke Kayan
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- Hum et tout ça sans déployer mes charmes. Intéressante, cette faiblesse à exploiter.

Un sourire flottant sur ses lèvres, Luke faisait intérieurement moins le malin, à essayer d'endormir la sensation de douce chaleur qui s'étendait dans son corps, plus particulièrement dans son bassin. La fatigue ou une tolérance plus grande aux stimulations- peut-être- eurent toutefois raison de certaines envies, et c'est serein, le coeur rempli de confiance que le jeune Jedi monta dans le vaisseau.

La confiance dura peu. Elle commença d'ailleurs à s'effriter dès l'entrée au Temple, où ses pieds devenus chwin-gum collaient au marbre. Il tint bon cependant, décidé à accomplir sa promesse, à faire acte de présence devant cette personne spéciale pour Karm: Un Maître. Le corps de Luke se raidit au point de lui faire croire qu'il était atteint de la maladie des os de pierre. Mais il avançait. Inexorablement vers son destin, celui d'être jugé par une personne influente interne à l'Ordre.

Les tentacules pourvues d'yeux suivirent l'étrange Jedi qui suivait le Chevalier Turquoise. On aurait dit ce jeune homme apte à tout sauf au moindre effort physique. Pas de spectaculaires acrobaties pour cette silhouette affligée d'une terrible raideur musculaire. Ou alors, il avait fait une bêtise particulièrement énorme et devait en rendre compte à ladite Natt Selvak. Le Consulaire s'inclina respectueusement -et tout aussi raidement.-

- Bonjour Maître.

Elle le connaissait. Pourquoi? Avait-elle eu déjà vent de ses dérivations? De leurs dérivations? Le Consulaire secoua la tête. Par respect pour son compagnon, il ne devait pas songer en ces termes. Pour son propre bien aussi, histoire d'éviter d'entrer dans les anales médicales comme un des plus jeunes patients victime de crise cardiaque. Il souffla discrètement, il avait réussi à saluer.

..."Romantiquement". Sa tête se mit à dodeliner de façon négative par pur instinct. Il fallait protéger le secret. Ou accomplir sa promesse.

- Oui.

Un vaillant "oui", très faible mais audible s'était insinué entre ses lèvres avant d'en être expulsé non sans difficultés. Au moins, il avait eu le courage de confirmer les propos de Karm.

- C'est vrai. On.. Est ensemble.

Luke se rendit compte qu'un de ses poings était tellement serré qu'une marque en relief s'était vaguement dessinée dans sa paume. Il leva la tête vers l'Umbaran, s'apprêtant à recevoir la sentence. S'en fut une surprenante qui émana de Maître Selvak. Là où le Hapien s'apprêtait à s'excuser, à s'accuser d'avoir cherché cette relation pour protéger Karm d'une comparution devant le Conseil, un silence demeura à sa place. Gênant. Têtu. Né du plus pur des étonnements mâtiné de honte et de crainte.

- Comment ça, ça se sait?

Le rire de l'Umbaran braqua davantage le blond. Il crut que la moquerie les achèveraient tel un couperet. Comment avaient-ils pu être aussi stupides, si adolescents? Mais c'était un éclat innocent, de joie ou d'amusement presque enfantin. Le manque de réaction négative encouragea le Consulaire qui reprit la conversation après avoir semblé être tout à coup devenu muet en plus d'être aveugle.

- Peu... Peu importe. Je... Nous suivons le code, enfin l'interprétons. Euh. Nous ne décevrons pas l'Ordre. On lui est loyal et. Notre travail nous importe réellement. Et. On connaît le sens des prio...

Voix off, le Chevalier tenta un sourire, tandis qu'une émotion encore timide naissait dans les tréfonds de son âme. Une petite fierté pour leur relation, qui, il est vrai, n'avait jusque là pas entaché leur avancée, au contraire. Il avait beau se sentir gêné, la honte semblait avoir été semée en cours de route. S'il contemplait -à sa manière- leur route, le Hapien ne pouvait que compter des succès. Grâce à Karm, il avait apprit de ses nombreux échecs, chutes, fragilités. Toutes ces réussites, ou du moins ces bouts de chemins sinueux, il avait entreprit d'y poser le pied, d'y esquisser le premier pas et peut-être le second grâce à son ami. On ne condamnerait pas quelqu'un qui permettait à son confrère, son compagnon d'avancer, de s'améliorer. Alors si une personne devait être considérée comme trop fragile pour interpréter le code, trop arrogant, ce serait lui. Selvak ne punirait pas son ancien pupille. Elle saurait en filant leurs Auras, pleines de sentiments combien Karm avait permis à Luke de travailler ce fameux code qui régissait leur vie. Luke n'était pas un des meilleurs chevaliers, loin de là, mais sans doute aurait-il été pire, moins riche, plus engoncé dans ses vieux principes ainsi que ses craintes sans cet Ark-Ni impassible pour le dérider. Physiquement et mentalement, le Hapien estimait devoir beaucoup à son aîné. C'est alors plus ou moins fièrement qu'il posa son regard sur la silhouette féminine de laquelle il émanait, selon lui, une grande puissance. Peut-être pas guerrière, comme celles qui brillaient à l'accoutumée mais... Vivante. Oui, une force vivante qui n'hésitait pas à rire malgré son rang. C'était au tour de la seconde famille de Karm, semblait-il d'être découverte par le blond, et il comptait profiter, sans mensonge aucun, de cet échange.

- Je suis enchanté de vous connaître. J'admets que je connais peur les Corps. Plus jeune je craignais de "finir là-bas" si j'échouais, mais Karm m'a fait comprendre combien cette idée reçue était fausse en plus d'être insultante. J'aimerais en découvrir davantage sur vos travaux. Si je pouvais profiter de votre présence pour récolter quelques dossiers, ce serait merveilleux. Des anciens projets pas trop confidentiels par exemple, ou même... Une petite mission à faire pour vous?


Ça sortait du thème. En apparence. En réalité, Luke essayait de s'intégrer, de demeurer ouvert, il luttait contre son désir de fuir l'Umbaran, ses yeux braqués sur son aura ou une éventuelle condamnation. Il tentait d'agir comme quelqu'un qui ne condamnait pas sa relation, avec le droit légitime de prendre la parole. En outre, les travaux de cette femme qui avait donc accueilli Karm l'intriguaient. Au fond, le Consulaire voulait agir comme si tout était normal. Leur relation l'était. Enfin plus ou moins. Non?

Et il luttait contre les vagues.
La honte. La peur. La timidité. L'illégitimité.

Ils avaient le droit. Ils pouvaient le faire comme ils le faisaient actuellement.
C'était bien. Bon pour l'Ordre au mieux. Insignifiant au pire.

Tout allait bien.
Karm Torr
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— Oh, nous sommes toujours à la recherche de jeunes gens qui ont des dispositions pour, hm…
— La paperasse, glissa Karm.
— Les patientes constructions administratives, corrigea la Maître, avec un sourire en coin. Mais oui, en effet, la constitution de programmes de préservation du patrimoine exige une certaine aptitude pour le droit et pour l’établissement de protocoles qui soient compréhensibles par les différents corps de métier appelés à s’impliquer dans le domaine. Quand une planète décide de s’occuper de son patrimoine historique, généralement après une période de crise, quand il y a beaucoup à reconstruire, nous essayons de la guider pour que la reconstruction sociale puisse se faire sur des bases saines.
— Si je peux me permettre, avant que vous vous mettiez à vous exciter sur les formulaires et tout, j’ai, disons, une petite question.

Le regard si particulier de l’Umbarane qui, comme souvent ceux des personnes de son espèce, paraissait lire dans leurs esprits, se posa sur Karm. Le jeune homme avait appris à le soutenir, au fil des années, même si c’était à chaque fois un exercice un peu intimidant.

— Oui ?
— Natt. Qu’est-ce que tu penses de nous ? De notre relation. À Luke et moi. ‘Fin, pas spécifiquement Luke et moi, mais en général, entre deux Jedis.
— Je n’ai pas vraiment d’avis sur la question, répliqua la femme, sans hésiter.

Ça, c’était bien une réponse typique de Maître Jedi. Des décennies de savoirs, de méditations, d’expériences accumulées, et une propension marquée à feindre l’ignorance et l’incertitude. Parfois, Karm se demandait si la forme suprême de sagesse était l’indécision. Ou bien la capacité à accepter que le monde échappait toujours à la compréhension définitive de ceux qui l’observaient ?

— Au fil de notre histoire… pardonnez à l’historienne et à l’archéologue que je suis, mais l’histoire est toujours un précieux révélateur des valeurs profondes d’une communauté… au fil de notre histoire, c’est un sujet qui a connu bien des réponses différentes. De la plus grande tolérance au plus grand rigorisme. La vérité, c’est qu’aucune règle bien établie n’existe pas. Même dans les périodes de très grande rigueur, les Jedis issus d’espèces en voie de disparition étaient autorisés à procréer. Pour le bien de la Galaxie. Mais toute nouvelle vie ne participe-t-elle pas au bien de la Galaxie ? Et si nous considérons que l’amour familial qui est donné dans ce contexte est noble, alors tout amour n’a-t-il pas sa part de noblesse ?

Par ailleurs, certains groupes de Jedis, pour des raisons culturelles, ont toujours été autorisés à conserver leurs spécificités. Les Jedis corelliens jouissent d’un statut particulier, qui leur assure de servir la République d’abord en servant leur monde. Imagine-t-on nier à un Jedi Zeltron l’exercice de sa propre spécificité culturelle, qui repose sur le plaisir charnel ? Sur la séduction ? Mais ce que l’on donne à l’un, qui est non-problématique, ne devrait-il pas être donné à tous ? Si nous sommes véritablement une communauté, est-il acceptable que certains jouissent de droits différents de ceux des autres ?


L’Ark-Ni resta un moment silencieux, avant d’observer :

— Ouais, mais c’est une réponse politique, ça. Ou ecclésiologique, à la rigueur. Mais pas spirituelle. Pas en lien avec le Code Jedi.
— Le Code Jedi est un instrument politique. Dans le bon sens du terme, naturellement, un instrument qui organise la communauté. Mais c’est une erreur de croire que la question des relations sentimentales, au sein de l’Ordre, est une question à comprendre uniquement à l’aune du Côté Obscur ou du Côté Lumineux. C’est aussi, et peut-être d’abord, une question politique. Notre obsession actuelle avec l’Empire Sith nous incite à tout voir à l’aune du manichéisme, mais c’est oublier qu’historiquement, l’Ordre Jedi est infiniment plus complexe, plus riche en traditions diverses, et parfois contradictoires, que la réduction drastique du champ des possibles à laquelle nous assistons à l’époque contemporaine.

Il n’était pas difficile de voir pourquoi Maître Selvak et Karm s’entendaient bien.

— Comme tous les instruments politiques, il est fait pour être discuté au sein de la communauté qu’il organise. Même les textes les plus sacrés, les mythes les plus fondateurs, sont constamment renégociés pour répondre au besoin du temps. Une communauté est un organisme vivant, pas une statue de marbre, et elle est nécessairement appelée à changer. Et sur ce point particulier, les avis divergent considérablement.

Entre les Jedis qui pensent que toute romance est le signe d’un attachement et que l’attachement est nécessairement la voie du Côté Obscur, mais qui sont néanmoins attachés à cette règle et à l’Ordre, aux Jedis qui pensent que les relations sexuelles sans attachement sont permises, parce qu’elles ne contredisent pas le Code, à ceux qui pensent qu’une famille est le seul moyen d’accomplir véritablement le sens spirituel de la Force Vivante, les avis sur la question sont probablement aussi nombreux que les Jedis qui ont vécu dans l’histoire.

— Mais du coup tu dois bien avoir ton avis à toi.

L’Umbarane se laissa aller contre le dossier de sa chaise, ses longs doigts pâles croisés devant son menton.

— Hmmm… s’il y a une chose que je retiens de ma carrière d’historienne, c’est que les sociétés qui tentent d’imposer des règles rigides aux corps et aux coeurs, et qui nient les inclinations naturelles qui rapprochent les êtres, courent deux risques : celui du totalitarisme obscurantiste et celui de l’implosion. Et si l’Ordre Jedi est bien, à mes yeux, un ordre monastique, et qu’un ordre monastique implique une forme d’ascèse, il me semble que les interprétations restrictives du Code Jedi sont un danger politique considérable pour notre société. À mon avis, la situation actuelle, celle d’une permission tacite qui ne fait la promotion explicite d’aucun modèle, est l’attitude la plus prudente. Même si je comprends que son côté… indécis… puisse être frustrant pour des âmes jeunes comme les vôtres.
— Moi, j’pense que les Jedis devraient… Devraient aimer, expérimenter la sensualité de la Force Vivante, ne pas nier leurs corps, ni dans la douleur, ni dans le plaisir, et, s’ils le veulent, élever une famille. Cesser de vouloir se distinguer du reste du monde, parce que c’est une marque d’orgueil, beaucoup plus que d’ascèse. Est-ce que ça fait de moi un hérétique ?

L’Umbarane esquissa un nouveau sourire.

— Non, Karm, ça fait de toi un Jedi. Je sais que c’est difficile à concevoir lorsque l’on est jeune, et que l’on est devenu un Chevalier en se soumettant à des épreuves, et des programmes, et des enseignements, mais… L’Ordre Jedi, son histoire et sa réalité présente sont infiniment plus vastes, nuancés et complexes qu’aucune position particulière. Il n’y a jamais eu une seule Voie du Jedi, elles furent toujours innombrables, et elles ont toujours coexisté au sein de l’Ordre. Pas toujours de manière sereine ou pacifique, naturellement, ni explicite et protégée. Mais nous ne sommes pas un dogme, nous sommes un chemin.
Luke Kayan
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Petit à petit, les épaules de Luke se relâchaient et il retrouvait ses centimètres égarés au sein d'une bagarre entre la timidité et lui. Il était surpris de la teneur des propos de Maître Selvak mais aussi soulagé. À sa connaissance, la Maître n'avait pas mauvaise réputation, personne ne remettait en cause son rang ou son rôle au sein de l'ExploCorps, certes, mal vu de quelques prétentieux Gardiens ou Sentinelles voir Ombres, cependant ce type de personnes correspondant encore moins à l'idéologie Jedi n'obtenaient pas un regard du Hapien. Il fallait bien que sa cécité lui serve à quelque chose, non?

Le jeune homme découvrait donc un sous-univers surprenant où il semblait aussi facile que délectable de se jeter. Lui l'ancien Padawan d'un des plus grands Jedis contemporains, le chef du Conseil. En soi, Saï était tolérant, toutefois, les caméras braqués sur son visage, les critiques pendant aux lèvres beaucoup moins. Indirectement on lui avait demandé, exigé de préserver l'image du vénérable Maître Don, ce n'était pas lui de remettre en question la définition commune d'un Jedi. Il était trop exposé. Surtout lorsque son mentor avait disparu, recherché pour meurtre, et que lui avait du faire face à tous ces inquisiteurs. Le Hapien n'en revenait donc pas de l'exposé de Natt qui frôlait l'hérétisme. Pour autant, ses paroles avaient du sens, et pas uniquement parce que cela arrangeait le couple. Il avait vraiment du sens, d'autant plus que l'idée de l'Ordre en tant que communauté religieuse, évoquée par Karm lui revenait en tête. Si les interprétations étaient trop restrictives, cela deviendrait...

-Une secte? Comme une secte?

Sa voix timide avait accompagné celle de l'Umbaran qui bien que féminine portait davantage. Couverts, ses propos s'évanouirent autour de sa personne, en volutes de fumée peu assurés, aussi écoeurants qu'ils étaient tentants, faciles, agréables. Ce serait simple d'admettre les dires de Natt, se les approprier pour définitivement se promener sans honte ni gêne dans les couloirs au bras de son compagnon. Il ne fallait pas, évidemment. C'était trop tôt. Toutefois, après un long silence, il leva la tête, sourit avec une grande délicatesse mâtinée d'une douceur rare et intime.

-Merci

Au moins, il avait trouvé un lieu, un abri dans ce futur souvenir que formerait cette conversation. Les jours où l'inquiétude pour ne pas dire la paranoïa envahiraient son esprit, il pourrait piocher dedans, se dire qu'une vénérable Jedi, Natt Selvak les pensaient Jedis, pas hérétiques. Du moins Karm. Mais si Karm aux idées plus osées que les siennes n'était pas sur une fausse route, lui non plus. À moins qu'il ne soit trop faible pour bénéficier du même assouplissement. Mais ce n'était pas le moment. Ils avaient avancé, c'était une victoire, non?

Après cet instant de silence, suite au dialogue entre les deux chevaliers, Luke appris à savourer la sensation de se sentir en sécurité. Un nouvel endroit où il pouvait laisser échapper un peu de sa vérité, la leur ,sans être jugé. Serait-ce aussi simple partout? Le jeune homme en doutait, ce serait à la fois trop beau et décevant. Quelque part, avoir autant lutté contre le changement, l'acceptation pour un simple "oui" routinier, peut-être même l'indifférence totale. L'idée soulageait le Hapien mais l'attristait également quand il se souvenait de toutes leurs disputes-quoique pas si nombreuses.

- En tout cas -Reprit-il en saisissant au vol une seconde accrochée au fil du silence.- je peux vous aider, donc, pour les protocoles.

Amusé malgré lui, en se rappelant de "la paperasse" citée par Karm, presque jeté du bout de ses lèvres, le jeune homme imagina une petite vengeance pour le coup de stress supplémentaire crée par cette longue conversation avec la Maître Jedi. Il aimerait bien obliger l'Ark-Ni à poser son derrière sur une chaise, lui montrer combien jouer avec les règlements, vérifier que tout était en ordre, interpréter donc était fascinant. S'il pouvait aider quelqu'un en triant ou validant un dossier, le Chevalier éprouvait une joie puissante qu'il aurait eu plaisir à partager avec son ami. En fait, il avait aussi été contre le règlement- sans en avoir conscience -en réclamant des changements pour améliorer la situation des membres de l'AgriCorps une fois, ou des civils, porte-parole au sein de la République, pareillement pour les Mondes qui s’entre-déchiraient. Rédiger un accord qu'on espérait voir signé, faire naître un possible pacte de paix était une immense victoire, un honneur inédit qui valait les centaines d'heures passées à négocier avec les hauts rangs, à écrire avec les Conseillers, reformuler. Luke pensait qu'y compris en pleine enquête, la "paperasse" mentait moins que les gens. Il trouvait les plus petits transferts d'argent suspect, des données de connexion qui prouvaient le délit ou l'innocence. N'était-ce pas magique? Tout cela dans l'ambiance calme, rassurante et chaleureuse d'un petit bureau, avec ô luxe, une tasse de café à portée de doigts -un luxe donc, que le Hapien s'autorisait peu, risquant de renverser le contenu sur le clavier à tout moment.- Les protocoles, les règlements assuraient la -à peu près- bonne tenue de ce Monde, la possibilité aux Explorateurs tels que Karm d'avoir accès aux dites planètes, de ramener les échantillons, aux États de stopper des guerres, aux Civils d'avoir des droits.

Bref, la liste était longue, mais ayant perdu de sa timidité rien qu'en y songeant, le Chevalier abordait un regard brillant désormais, hâtif de se plonger dans l'Histoire de l'ExploCorps. Comme le disait si bien Karm, Luke semblait effectivement sur le point de "s'exciter" sur les formulaires et tout. D'ailleurs l'Umbarane lui répondit et ils débattirent pendant quelques minutes pour savoir quel patrimoine devait recevoir un programme de préservation le plus rapidement possible afin de le soutenir. Ce fut finalement une petite planète rustique qui eut leur préférence parce qu'un peuple autochtone, primitifs mais considérés comme intelligents l'habitaient. Un vrai tourbillon de passion était né entre les deux Consulaires qui finirent toutefois par se retourner vers Karm d'un seul coup.

- Je devais vraiment la rencontrer!

Timidité envolée, Luke profitait d'une liberté totale de son esprit, brillant dans son domaine. Il avait aussi appris que Karm, au moins pour cette fois avait raison, on n'allait pas les virer pour avoir révélé leur relation. Profitant d'aller chercher un dossier pour le compte de Maître Selvak pour discuter avec son ami.

- Je sais qui a forgé, en partie, ces idées qui me rendent fous. En bien comme en mal. En tout cas, j'ai... On a réussi. Je ne vais pas te dire que je me sens de taille à faire ces aveux à quelqu'un d'autre aujourd'hui, mais je suis content de l'avoir fait. Et je n'exclue pas de le répéter plus tard.

Un fin sourire habilla ses lèvres. Il était heureux et oui, au diable la peur de l'orgueil, fier de lui. Fier d'eux. Au fond, il avait toutefois de nombreuses questions à poser à Karm comme pourquoi le Temple avait-il interprété si drastiquement des restrictions amoureuses pas si bien formulées que cela dans le code, ou lui proposer de relire ensemble divers traités originaux. Qu'il aimait ça, consulter les archives, retrouver l'histoire de l'Ordre bien que cette fois, malgré la difficulté, il accepterait de l'observer d'un air un peu moins admiratif, légèrement plus critique.
Karm Torr
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— Non. Pas une secte. Une secte, c’est un groupe qui a un dogme unique, duquel on ne peut pas dévier, qui punit durement les dissidents et dont il est impossible de sortir. L’Ordre Jedi s’est parfois approché d’une secte et certains de ses groupes se sont comportés comme des sectes, mais l’histoire de notre communauté, sur le temps long, a bien été celle d’une religion. Et les religions, si elles ont toujours leur organisation centrale, leur hiérarchie, leur clergé autorisé, sont aussi toujours plurielles, divergentes, parfois contradictoires, non seulement entre elles, mais à l’intérieur d’elles-mêmes.

Maître Selvak esquissa un sourire amusé avant de glisser, d’un ton malicieux :

— On pourrait tout autant nous appeler le Désordre Jedi que l’Ordre Jedi.

Natt Selvak était une historienne professionnelle, une vraie scientifique qui savait que son rôle était avant tout d’interroger les préconceptions, de remettre en question les récits qui étaient tenus pour acquis, pour restaurer au passé et aux événements toute leur ambiguïté et leur complexité. C’était un métier parfois déplaisant, parce qu’il consistait à déconstruire toujours les certitudes, et à accepter comme principe de son existence un doute constitutif, qui ne plaisait guère aux dogmatiques, mais c’était aussi un métier qu’elle trouvait fascinant.

La conversation dériva enfin sur la question du patrimoine et des politiques mémorielles. Tout cela n’avait jamais été le fort de Karm, par nature plus philosophe et théologien qu’historien, mais il avait assisté à assez de réunions plénières de l’ExploCorps, et discuté assez longuement avec Maître Selvak, pour ne pas se sentir pleinement perdu. Il était en tout cas soulagé de la conversation qui avait suivi leur aveu et heureux que Luke trouve au sein de l’ExploCorps un domaine d’activités où il se sente parfaitement à l’aise.

Ils finirent néanmoins par se séparer de Maître Selvak, après que Luke eut été plus ou moins formellement recruté pour participer à des missions d’élaboration de protocoles de préservation du patrimoine. C’était un travail après tout digne d’un Consulaire et qui exigeait le genre de patience méticuleuse dont l’Hapien témoignait constamment. Après avoir salué Selvak, ils s’engagèrent à nouveau dans les couloirs de l’ExploCorps, et puis dans ceux du Temple, en prenant la direction de leurs quartiers.

— Natt est quelqu’un d’assez exceptionnel, oui. Enfin, tous les Maîtres sont des gens assez exceptionnels. Mais elle a le don de rendre les problèmes à la fois plus simples et plus compliqués en les replaçant dans un contexte plus large. Elle a toujours une perspective légèrement décalée, qui révèle des aspects ignorés du passé et, du coup, du présent. Son dernier livre, Histoire sociale de la Flotte Républicaine, est juste génial. Elle explique comment la flotte républicaine est à la fois une machine de guerre et un vecteur de redistribution des mécanismes d’intégration culturelle sur les différents territoires, parce qu’après la retraite militaire, les officiers retournent sur leur monde et convertissent leur expérience dans la flotte en position de pouvoir, justifiant par là l’intégration à la République. Et du coup, ça subvertit un peu l’idée que la République est un ensemble d’institutions destinées à promouvoir la paix galactique, parce que l’une des conditions constitutives de l’intégration, c’est bien les dispositifs militaires.

Karm enviait beaucoup la capacité de Maître Selvak à s’affranchir des idées reçues et même du consensus historique pour produire une recherche originale, provocante et fertile, et il essayait aussi souvent que possible de s’inspirer de sa méthode, dans ses propres réflexions mystiques.

La porte de sa chambre s’ouvrit pour les laisser entre, Luke et lui, avant de se refermer derrière eux. Karm laissa tomber son sac à dos à terre, heureux, tout explorateur dans l’âme qu’il fût, de retrouver ce décor familier.

— En tout cas, j’suis fier de toi. Et reconnaissant que tu aies fait cet effort. J’sais que c’est très difficile pour toi et je sais que je te mets la pression. Et on se comprend pas toujours par rapport à ça. Alors c’est d’autant plus méritant de ta part. Merci.

Karm tendit la main pour prendre celle de Luke et la serrer doucement dans la sienne.

— Merci beaucoup.

Toutes les frustrations et les déceptions qu’il avait pu éprouver, à tort ou à raison, au cours de leur mission, avaient été balayées par le retour au Temple et l’entretien avec Selvak. Karm leva la main de Luke pour y déposer un baiser.

— Pas trop courbaturé après la randonnée et tout ça ? T’as fait de sacrés progrès en endurance, quand même. Si tu fais pas attention, tu vas finir chez les Gardiens, à ce rythme-là.
Luke Kayan
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Le désordre Jedi? Luke se prit à sourire. Impossible de faire autrement avec cette femme. Il ressortit de l'entretien paradoxalement apaisé et rendu anxieux par des dizaines de questions, dont il n'oserait pas formuler certaines, y compris par la pensée, pour lui-même. Ces prémisses de changement, du moins la possibilité qu'elles impliquaient avaient mentalement épuisé le jeune Jedi. Toutefois heureux d'avoir rencontré le mystérieux, parfois dénigré AgriCorps, Luke souriait lorsque la porte de la chambre se referma sur eux.

- Existe-t-il en version braille?

S'enquit aussitôt le Hapien, à peine surpris que cette charismatique Consulaire ait édité plusieurs ouvrages. Histoire sociale de la République ne faisait pas partie des livres dormant sur son étagère. C'était, en effet, un thème qu'il évitait en utilisant la fameuse excuse, bien pratique, de la prise de distance Jedi. Quoique peu intéressé par l'Histoire en générale, surtout si elle était intimement liée à un gouvernement comme la République, il était cependant curieux de retrouver le ton de l'Umbaran dans l'intimité d'une chambre comme celle-ci, plongée dans le noir et le silence, si ce n'était le léger frottement de ses doigts courant le papier. Davantage que le sujet, c'était la manière dont le document était rédigé, dont les questions étaient abordées qui permettraient à Luke de faire connaissance avec celle qui avait en partie tracé l'avenir de Karm. Peut-être était-ce d'ailleurs ce facteur qui avait rapproché la femme et par extension son livre des centres d'intérêt du blond. Personne n'étant totalement désintéressé dans cette Galaxie, il était inconsciemment plus attiré par ce qui concernait directement son ami, donc, la première personne à l'avoir accueilli dans les Corps. Bien qu'il prenne aujourd'hui sincèrement partie pour une revalorisation de ces autres branches, méconnues ou mal-connues, de l'Ordre, autant être honnête. Il ne les auraient jamais vu avant, passant devant le problème sans prendre en compte sa gravité. Il n'aurait simplement rien remarqué, ou pas assez pour s'impliquer. Il y avait tant de soucis à régler, y compris au sein de l'Ordre ou du Désordre comme l'avait souligné Natt que même lui reconnaissait certaines imperfections à leur institution. De menues incohérences, certes, mais des incohérences quand même.

Le baiser de princesse sur le dos de la main, très élégant au passage valait toutes façons la peine de lire tous les livres de Flotte Républicaine, coulée ou... Flottante d'ailleurs. Un sourire amusé se dessina sur les lèvres du jeune homme. Depuis quand le Gardien adoptait-il ces manières aristocratiques? Selon le protocole de courtoisie encore conservé dans les branches les plus hautes de la société -des sénateurs, des rois ou des nobles.- c'était à l'épouse, l'hôte donc, de recevoir ce genre d'attentions mais autant ne pas vilipender ce pauvre Karm, lequel faisait des efforts.

- Baiser aristocratique. Compliments tous aussi aristocratiques et donc, j'en suis désolé, un peu frauduleux. Que vous est-il arrivé, mon cher?

Non parce qu'aller jusqu'à lui signaler une amélioration physique significative était légèrement disproportionné, même s'il était vrai que Luke avait reprit quelques kilos. Aussi incroyable qu'inconcevable le concernant.

*** Trois semaines avant ***

- Vous pouvez être fier! 3 kilos mon petit. Enfin! Mais attention, c'est pas d'la graisse... Il en faut un peu pour nourrir ces nouveaux muscles. Vous les maltraitez là, ils sont affamés.

- Madame Kalynsky, nous abordions si sereinement cette visite, pourquoi recommencer avec ce sujet? Je suis venue en rapport avec les blessures de l'explosion sur Dubrillion. L'épaule. Souvenez-vous en.

Luke était resté sur ses deux jambes lorsque le bâtiment s'était effondré. Il avait même eu le temps et l'énergie nécessaires pour se confronter au têtu Voyl Clawback qui voulait récupérer un il-ne-savait-quoi et il-ne-le-saurait-jamais dans les décombres. Seulement, après quelques efforts, il s'était mystérieusement évanoui. C'était Glurba Lugliiamo, l'unique Padawan -et Jedi tout court- Hutt qui l'avait sauvé. Solona avait la conviction que les troubles alimentaires de Luke avaient précipité son affaiblissement suite à une blessure assez grave à l'épaule. De fait, elle était convaincue, pour commencer, que le Hapien avait des troubles alimentaires, ce avec quoi il n'était pas du tout d'accord.

- Si c'est votre silhouette qui vous préoccupe, vous inquiétez pas, vous êtes un vrai modèle. Un mannequin. Ligne parfaite.

- N'importe quoi.

Et dans ce cas, c'était totalement vrai. Ce que le jeune homme avait toujours cherché, c'était le contrôle. Tout avait débuté ainsi, dans son adolescence. Après divers cours sur la maîtrise de soi, il avait inconsciemment cherché à appliquer, comme toujours à la lettre, un protocole qui lui semblait plus facile dans certains domaines que d'autres. Alors aux prises avec les affres de l'Amour. Un amour singulier, "déviant" non assumé, il s'était vengé sur la nourriture. Là ou ses camarades en pleine croissance dévoraient leur portion, il avait été fier de renoncer à des douceurs inutiles- fait encore plus difficile pour lui qui avait souffert de la faim dans sa prime enfance. Son cerveau lui commandait donc de s'empiffrer.-. Le chocolat était un luxe dont un Jedi cherchant l'austérité pouvait se passer. Après cette étape, étaient venus au fil du temps, une tolérance frôlant le tout juste passable pour la viande ou les sauces, voir les épices. Il avait perdu l’appétence des aliments au profit de celui de la maîtrise d'un corps, puni pour ses désirs trop matériels, sensuels, dégoûtants. Peu nombreux certes, parce que Luke n'avait jamais été désespéré à ce niveau, mais toutefois inacceptables pour lui. Malgré un mieux, il restait encore dans le contrôle de l'alimentation, son intolérance mentale était devenue quasiment physique concernant certains produits, et il avait trouvé la parade : son handicap. Pas question de manger de la sauce tomate si c'était pour avoir l'air de revenir de Dubrillion une seconde fois.

- Humpf. je constate quand même un mieux -accepta de céder la porcine infirmière.- plus de protéines et de l'exercice, je me trompe?

Agacé, Luke hocha la tête, cherchant à tâtons sa tunique que la femme lui subtilisa avec une vivacité inattendue, aussi venant d'une personne avec son tour de taille que son âge. Le Hapien ayant déjà parfois frôlé son bras boudiné avait bien failli lui répliquer de réviser ses propres conseils alimentaires pour finalement choisir de se taire. Il était beaucoup trop docile pour ça.

- N'empêche que vous vous rendez compte? Vous imposez un rythme beaucoup plus élevé à votre corps, sans avoir proportionnellement augmenté l'ingestion de calories. Vous avez certains jours, d'après ce que j'ai lu dans votre dossier, l'activité d'un athlète de haut niveau, et vous vous nourrissez moins qu'une personne sédentaire. Je ne sais pas comment vous tenez encore debout!

- Vous avez vos trois kilos, non? Bien. Merci.


- Faites ce que vous voulez, tête de Bantha, mais moi je constate quand même que votre blessure à l'épaule là, elle a pris un sacré temps pour guérir.


- Au revoir et merci!

*******

- Quel optimiste! Dans le sabre comme dans nos petites randonnées, je touche à mes limites, je le sens. Mais tu seras ravis de savoir que Solona Kalynksy a déclaré officiellement ma blessure à l'épaule guérie, enfin, elle en a pris du temps! Mais je ne voulais pas en appeler à la Force pour un détail si menu, sachant qu'elle doit être invoquée avec parcimonie. -du moins pour ce genre de "fait" où Luke ne voulait plus trop dépendre de ses dons depuis sa rencontre avec un certain Ysalamari- car il abusait beaucoup dans d'autres domaines. La communication avec Karm Torr par exemple.- Et tu m'as fait prendre trois kilos. Tu abuses.

Luke feignit une minauderie de mannequin s'admirant dans le miroir- bien qu'il ne sache pas vraiment comment faire. - avant de s'effondrer sans gêne sur le lit de Karm.

- Néanmoins, je suis effectivement fatigué. Des courbatures? Pas autant que ce à quoi je m'y attendais, j'en suis d'ailleurs soulagé, mais la fatigue, je ne vais pas te cacher qu'elle me rappelle que je ne serai jamais Explorateur. Toi, en revanche tu pourrais devenir polyvalent. Tu excelles partout. Ça pourrait commencer à m'inquiéter et me désespérer d'ailleurs.

Faux. Il rayonnait de savoir que Karm avançait vers son objectif. À 30 ans, il le voyait bel et bien maître. Pour autant, sa pudeur autant que la fameuse humilité Jedi l'obligeaient à taire de telles convictions.

- Que préfères-tu dans nos missions?

Les yeux mi-clos, il se mit à rêver à sa propre réponse. Depuis qu'ils se côtoyaient assidûment chacun découvrait l'autre, y compris sous son mauvais jour. Luke avait bien fini par noter des sautes d'humeur chez l'Ark-Ni. Elles venaient et allaient -heureusement- à la façon d'une bourrasque. C'était vif, surprenant, parfois un peu blessant mais surtout vivant. Il ne voyait donc pas cela comme un vrai souci bien que quelque part, ses conversations avec le concerné alliées à ses observations lui fassent soupçonner un "il-ne-savait-quoi".

Ce qu'il ne soupçonnait pas du tout en revanche, c'était la pensée qu'avait [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien] en cet instant, dans son bureau. La Gamoréenne songeait que les Jedis étaient des patients difficiles, et que beaucoup -elle avait réuni pas mal de dossiers en plus de dix ans.- présentaient des troubles du comportement. Leur mode de vie ou la Force elle-même était-elle à l'origine de ces maux qui se dessinaient chez bon nombre, croyait-elle de ses patients?
Karm Torr
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— Trois kilos, c’est un bon début.

Est-ce que c’était le moment ? Karm fixa Luke, plein d’hésitation. Les habitudes alimentaires de l’Hapien l’obsédaient de plus en plus. Quelque chose clochait là-dedans, mais il savait pertinemment que ces problèmes-là étaient difficiles à régler et qu’une intervention mal placée pouvait causer plus de mal que de bien. Comment aborder un sujet aussi délicat ?

Sur le terrain, pendant les explorations, il profitait de son autorité de spécialiste pour forcer Luke à avaler les rations de survie protéinées confectionnées pour les explorateurs de l’Ordre. C’était mieux que rien. Mais si un tel expédient avait quelque chose de salvateur, il ne pouvait pas remplacer, et Karm en avait bien conscience, un vrai régime soigneusement construit.

— Si tu veux continuer tes progrès physiques, de tout façon, il faudra encore en prendre quelques-uns de plus, poursuivit Karm, d’un ton aussi dégagé que possible, pour rendre le problème aussi objectif et pragmatique que possible.

En même temps, il commença à ranger le contenu de son sac à dos dans le placard de sa chambre, pour s’occuper les mains et se donner une contenance.

— J’ai des plans nutritifs si tu veux. J’ai appris à faire ça quand j’étais tout gamin, Tavaï surveillait mon alimentation constamment. Pour le coup, faut bien avouer que ça a porté ses fruits.

Karm était indubitablement beaucoup plus athlétique que tous les autres Ark-Ni, et c’était autant à cause de son régime alimentaire que de ses entraînements. Il restait plutôt petit, pour un mâle humain, mais ses muscles bien dessinés et énergiques contrastaient avec les silhouettes uniformément graciles que Luke et lui avaient croisé lors de leur mission diplomatique auprès de la Flotte.

— Après, c’est pas super fun, j’avoue.

Faux désavantage qui constituait en réalité son argument-massue : Luke pouvait sans crainte adopter son régime alimentaire, puisqu’il était fondé sur des règles et sur l’efficacité énergétique, mais en aucune manière sur le plaisir que l’on trouvait à la nourriture. Les repas de Karm étaient en général parfaitement austères et fonctionnels et les plats n’y avaient d’autre rôle que de servir à son métabolisme.

Une fois son sac rangé, il s’assit au bord du lit où Luke s’était laissé tomber. Peut-être qu’il irait voir cette infirmière. Parler des problèmes de Luke dans le dos de l’Hapien le gênait un peu, mais il se rendait bien compte qu’il avait besoin d’aide pour comprendre la situation.

— Et j’excelle pas partout. Juste qu’on fait souvent des missions dans mon domaine de spécialité, alors c’est normal si je m’en sors plutôt bien. Notre expérience diplomatique, c’était au sein de mon propre peuple, alors ça va encore, mais je parierais pas sur mes compétences de négociateur dans n’importe quel autre contexte.

Karm s’étendit à son tour à côté de Luke, pour glissa un bras sous les reins de son compagnon et l’attirer contre son torse.

— C’que j’aime dans nos missions… Plein de choses. Le sentiment du devoir accompli. La découverte. Faire une différence. Affiner mes aptitudes, dans la Force, mais aussi en général. Passer du temps avec toi, bien sûr. On est un peu plus libres au dehors. Mais aussi… J’sais pas comment expliquer, mais disons que ça restaure ma confiance dans le travail entre deux Jedis. ‘Fin, pas que j’ai perdu confiance, mais…

Le jeune homme s’interrompit pour se laisser quelques instants de réflexion, avant de tenter de formuler son sentiment plus clairement.

— Ma seule vraie expérience de partenariat jedi sur le long terme, avant toi, c’était Tavaï. Même si j’ai été témoin de plein de partenariats épanouissants autour de moi, entre Maître et Padawane, mais aussi entre collaborateurs jedis proches, j’ai jamais eu cette expérience forte de complicité et de sécurité sur une mission. La complicité avec Tavaï, oui, c’est sûr, je mentirais si je disais qu’on bossait pas bien ensemble. Mais la sécurité, le sentiment de confiance, ça, non, jamais. Les missions avec toi soignent cette blessure-là. Elles contribuent beaucoup à nourrir ma confiance en notre Ordre et notre communauté, malgré tous leurs défauts.

Et il espérait pouvoir construire un jour une vraie relation avec un Padawan, parce qu’il avait bien conscience de devoir faire son deuil de Soruan, trop embourbée dans ses problèmes pour pouvoir envisager de construire la suite de sa formation auprès d’un maître.

— Mais en tout cas, tu sais, si tu veux que moi je t’accompagne sur une de tes missions à toi, même si c’est protocolaire, même si c’est administratif, je peux le faire. J’veux pas, genre… Tirer toute la couverture à moi. Je râle sur les formulaires et tout ça, sur la politique et sur la diplomatie, mais en vrai, je suis prêt à faire des efforts. Ce que tu fais est aussi important que ce que je fais. Et ça me fera du bien de me mettre plus en position d’incertitude, sur des terrains pas du tout familiers pour moi.
Luke Kayan
Luke Kayan
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Derrière le sourire affiché par Luke, se cachait une réelle inquiétude, ni viscérale, ni grave mais toutefois présente. S'il visait inconsciemment la plus grande austérité possible dans la diversité des produits, le jeune homme contemplait également la quantité et là résidait le noeud du problème. Était-ce la réponse presque impuissante et décalée à sa mère qui le contrôlait en partie par le biais de la nourriture? Possible. Quelque soit l'origine de son trouble, le Hapien aimait sentir cette légère faim. Il estimait que l'esprit ne s'endormait pas, alors bêtement satisfait, pleinement repus. L'estomac en partie vide, y compris après s'être nourri stimulait un corps et le poussait à se surpasser y compris dans une situation non-optimale. C'était le symbole suprême de sa capacité à contrôler cet artefact matériel, ce réceptacle de la Force, cet outil sophistiqué, pratique quoique problématique. L'esprit était comme un enfant capricieux, il ne fallait pas sans cesse le contenter. Certes, cela ne viendrait jamais à l'idée du Jedi d'affamer un gosse, mais il n'estimait pas non plus agir ainsi sur ses propres cellules, simplement content de savoir parfaitement dominer ce type d'envie primaire. De fait, il pensait se priver de façon toute à fait mesurée, d'autant plus qu'en mission, Karm le gavait.

- Je pourrais essayer, mais tu le sais, je suis naturellement d'une constitution fine.

C'était en partie vrai. Affublé d'un retard considérable accumulé dans sa prime enfance, à cause de nombreuses privations ayant mené à une manultrition et sous-nutrition chronique, le jeune homme conserverait toujours une silhouette menue. Il pouvait déjà s'estimer heureux que le manque d'aliments n'ait pas davantage creusé dans ses os, fragilisé son organisme ou troué de façon irrémédiable ses muscles. Après avoir survécu à sa mère, il tirait une certaine fierté inconsciente de continuer à supérer ce problème basique de la nourriture. Sans se rendre compte de quoique ce soit, il acceptait facilement la proposition de Karm. Après tout, manger beaucoup de protéines le dérangeait peu -si on lui les offrait sous forme de capsules plutôt que de viande qu'il peinait à avaler.- seule la quantité, dans le régime de son ami, pouvait le déranger jusque là. Mais aujourd'hui, le blond n'avait aucune envie de discuter, buter sur ce qui lui semblait être des détails. Il percevait à peine les préoccupations du Chevalier Turquoise à propos de son alimentation d'ailleurs, attribuant le peu qu'il voyait à un instinct de protection né de leur relation. En fait, l'idée lui paraissait aussi amusante que charmante. Pauvre, cher Ark-Ni adoré qui s'en faisait tout le temps pour lui.

Une main passa sous ses reins, l'invitant à fermer les yeux complètement et à se laisser aller à un petit soupir. Le sujet changea enfin, ce qui réjouissait Luke qui ne comprenait vraiment pas pourquoi Solona ou son ami passaient autant de temps à discuter de nourriture. Comme si c'était important... Les missions, oui, ça l'était. Ainsi que leur couple, bien sûr. Les deux allant dans la même direction, le Chevalier se sentait heureux. Il ne pouvait pas demander plus ni mieux. De quoi craindre une dégringolade soudaine du sommet après toutes ces réussites. Un duo qui fonctionnait bien, un amoureux compréhensif et pour terminer en beauté, une maître Jedi qui les acceptaient ensemble. Vraiment, hormis une descente, rien ne pouvait arriver de plus satisfaisant. Optimiste, le Hapien décida qu'ils pourraient au moins rester un temps à ce sommet, ou s'il le fallait, descendre de niveau sans en arriver en bas, réduits à contempler ce que leur tendresse leur avait un jour apportée. Ce ne serait pas comme avec Jason. Tout différait par rapport à son ancienne relation. Heureux de songer à ce passé assombri qui n'était plus, le Chevalier se réjouit un instant de la comparaison, savourant son présent dans les bras de Karm avant de répondre lui aussi.

- Je peux imaginer plus que comprendre parce que j'ai toujours eu de la chance avec Maître Don. Il fut si bon. Il m'a tant appris. Nous nous entendions à merveille, sauf à une époque. Celle ou j'ai découvert les joies de l'adolescence et des hormones va-t-on dire. - Cet épisode avait desservi une quelconque tolérance pour sa propre orientation sexuelle ou même le fait d'être capable d'éprouver du désir physique. Très fusionnel avec le vieillard, le Hapien avait entièrement culpabilisé les bassesses matérielle de leur éloignement. De fait, c'était ses aveux qui lui avaient également fait perdre Elora Faren, son unique mais très proche amie alors amoureuse de lui. À cette époque, Luke avait "redressé" la barre, du moins en apparence, grâce à une abstraction totale de ses envies physiques.- Notre relation était si bonne que je ne croyais pas possible de retrouver un tel partenaire. Avec toi, j'ai appris que je peux, du moins en partie, m'éloigner des papiers ou de la négociation pour explorer. Malgré mon handicap, à mon rythme, j'avance et je ne fais pas tant que ça reculer mon coéquipier. D'ailleurs, c'est ça que j'apprécie. Qu'on soit ensemble, qu'on discute et qu'on apprenne l'un de l'autre, sur des domaines qui diffèrent des nôtres.

Quoiqu'en dise Karm, le Consulaire était persuadé que celui-ci avait un don. Il apprenait à une vitesse incroyable et déjà fait ses preuves, par exemple dans l'affaire Far'Sic.

- Bien sûr que si, tu es doué. Les enfants... Te souviens-tu de cette petite fille au nom imprononçable à la cité des Deux Soleils ? C'est toi qui l'a fait parlé. Et oui, je serai ravi que tu participes à une de mes missions. Re-oui tu es apte à le faire, évidemment.

Attendri par la volonté de son amant à l'aider, y compris s'il s'agissait de faire de la paperasse, le Chevalier compara volontiers l'aversion de Karm avec la sienne concernant le sabre-laser. Soulagé d'autre part d'entendre son ami indiquer une plus grande confiance envers leur Ordre -et un peu étonné de savoir que ce manque de confiance était si fort.- Luke se rapprocha de lui. Ainsi collé, les paupières toujours closes, le jeune homme continua doucement. Cette dernière révélation lui faisait de la peine. Avec du décalage, des années donc, il essaya de lui apporter son soutien, sa consolation par le biais d'une caresse dans la Force mais aussi avec sa main.

- Je ne sais pas si être vraiment pressé qu'elle refasse surface celle-là.

Frissonna-t-il, ayant appris à craindre l'étrange figure de l’implacable guerrière. Redoutable car persuadée d'avoir raison, donc sincère dans chacun des traitements choquants sur Karm. Elle était comme un fantôme qui flottait autour de l'Ordre, icone de la traîtrise et oui, de l'extrémisme.

- En tout cas, pour en revenir aux missions; J'aime tout d'elles, même nos différends. Enfin légèrement moins que le reste.- Petit sourire complice quoi qu’imbibé d'une certaine timidité.- Mais il n'empêche, nos échanges tendant souvent à la philosophie. Nos entraînements, physiques et via la Force.- Leur lien, celui qui grandissait. Oui.- J'espère que nous pourrons continuer. C'est tout ce que je demande.

Était-ce trop demandé d'ailleurs?
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