C'est entre les rayonnages de la bibliothèque de l'académie que Saclès, un humanoïde de haute stature, attendait, en silence. Ce Sith, que l'on disait déjà âgé, jouissait d'une réputation de philosophe et de chercheur. Rares en effet étaient ceux qui l'avaient vu user de la Force, et plus rare encore, ceux qui l'avait vu tirer le sabre. Maître sans disciple connu, il chercherait un apprenti,et observerait de loin la plupart des nouvelles recrues en vue de prendre disciple, d'après une rumeur qu'il dément catégoriquement.

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A ses côtés se tenait un individu de taille inférieure, une humaine vêtue d'une bure sith et portant le sabre à la ceinture : Sharann Nassad. La jeune femme n'était autre que le bras droit du maître, sans pour autant s'être vue gratifiée du rang de disciple attitré de Saclès, rang qu'elle comptait cependant bien décrocher au plus vite.


Tandis que celui qu'elle nommait son maître demeurait plongé dans la contemplation silencieuse d'une statue à l'effigie d'un seigneur Sith des temps anciens ornant l'allée principale de la bibliothèque, la jeune femme faisait les cents pas entre les hautes étagères.

« Cesse de remuer ainsi, Sharann. » murmura l'humanoïde longiligne.

La jeune femme s'immobilisa en soupirant bruyamment.

« Pardon maître. » s'excusa-t-elle simplement avant de porter prestement ses pas à l'entrée de la bibliothèque.

Elle scruta un instant le couloir avant de s'installer dos au mur dudit couloir, attendant les bras croisés que se présente un novice qu'elle conduirait en silence jusqu'à son maître toujours en contemplation devant le buste dans l'allée principale.

Le couloir n'était guère fréquenté en ce début d'après midi grisâtre. Près d'un luminaire pâle, rasant le sol, murmuraient bruyamment deux rodiens à la peau terne et vêtus d'une tunique noire. Il ne faisait nul doute qu'un fâcheux désaccord les animait, à en juger par les gestes qui accompagnaient leurs chuchotements et postillons.

« Pchhh chhhhchhhpchhh chchhphhtchpchhhh !
_ Chhh ?! Tchhhpchhphh sspschhth ss ? Sss chhh !
_ Tschhh pchhp...»

De l'autre côté du couloir, marchait tranquillement un céréen plongé dans la lecture, en toge noire et rouge surmontée d'une veste richement ornée dont les pans inférieurs affichaient une série de motifs géométriques. A sa large ceinture rigide claquait la poignée d'un sabre laser argenté...

* clap... clap... clap... clap... *

Oui, les lieux étaient plutôt calmes en cet après midi pluvieux...

Kell avait passé toute sa matinée à étudier les inscriptions présentes sur les tombeaux de la vallée des seigneurs sith et avait désiré poursuivre son inspection durant l’après midi. Mais alors qu’il était plongé dans l’analyse d’un des pilonnes présent devant le tombeau du seigneur Ajunta Pall, la pluie s’était mise à tomber. Le temps pour lui de ranger son matériel et de retourner à l’académie, il avait été trempé par l’averse.

A l’abri entre les murs épais, le jeune homme reprenait son souffle, tentant d’essorer ces longs cheveux tant bien que mal. Mettant de l’ordre dans tout ses carnets de notes et blocs de donnés, il lança la Force aux alentours pour surveiller ce qui pouvait l'approcher. Malgré l’environnement hostile de Korriban, il avait la sensation de se sentir plus menacé au sein de l’académie qu’à l’extérieur. Peut-être était-ce dut à la présence de tous ces apprentis cherchant à plaire aux maîtres dans l’espoir que ceux-ci les acceptent en tant qu’élève. Ils étaient alors prêts aux pires bassesses. En un sens, Kell ne pouvait pas le leur reprocher. Lui aussi cherchait un maître pour apprendre les secrets du côté obscur de la Force et se comportait comme dans une cruelle compétition, quoique de manière plus dissimulée car il ne faisait physiquement pas le poids face à ses rivaux. Ainsi, il préférait apparaître comme ne représentant pas une menace avec sa frêle silhouette trempée par la pluie éternuant dans les couloirs.

L’académie était plutôt calme aujourd’hui, même la salle de torture ne transmettait aucune plainte. Cette tranquillité n’était cependant pas suffisante pour retirer l’atmosphère inquiétante qui planait en ces lieux. Les chuchotements se faisaient murmures et les regards, perçant d’ordinaire, vous mettaient mal à l’aise même lorsque vous ne les aperceviez pas.

Kell se dirigea vers la bibliothèque dans l’espoir de pouvoir travailler sur ses notes. Attentif, par le biais de la Force, à ne pas croiser de trop près un confrère apprenti dans les couloirs, il atteignit le lieu de savoir sans peine. Ce fut à l’entrée qu’il sentit que quelque chose clochait dans son environnement. Le céréan qu’il avait croisé plus tôt lisait, tout comme lui. Les deux êtres proche chuchotaient entre eux dérangeant légèrement le calme ambiant. Mais en levant les yeux sur elle, il remarqua que la femme adossée au mur n’avait aucune activité particulière. Elle semblait attendre quelqu’un, ou quelque chose... une proie peut être.

Il s’arrêta doucement et croisa son regard. N’osant pas perturber la tranquillité du lieux, Kell se contenta d’adresser un agréable sourire à cette menace potentielle. Peut-être que cela la dissuaderait d’engager les hostilités et de perdre son temps avec lui, mais il préféra observer sa réaction avant de décider s’il allait passer devant elle comme si de rien était.

Dans un bruissement discret, une main fiévreuse vint s'abattre sur le cou du frêle individu qui se trouva violemment plaqué au mur avec ses yeux globuleux de rodien exorbités et ses petites mains agrippant avec frénésie le poignet de fer de son bourreau, rodien lui aussi.

« Gnnn gnnn ! Gnnngnn... » glapissait la victime, au plus grand plaisir de son taré de congénère.

Le céréen, quant à lui, passa son chemin sans accorder plus d'une demi seconde à cette empoignade de foire.

A plusieurs mètres de cette grotesque scène d'une violence toute relative, se jouait une pièce d'une toute autre nature. Le sourire esquissé par la jeune recrue Kell fut accueilli par le regard évaluateur de celle qui lui faisait face. Les deux êtres s'observèrent mutuellement un instant avant que la jeune femme n'esquisse à son tour un sourire mielleux. A l'intérieur de la bibliothèque un bruissement très léger se fit entendre, puis un murmure, presque inaudible. Le regard de la jeune femme, souligné d'un trait de crayon noir, se tourna l'espace d'un instant vers l'intérieur de la bibliothèque et revint très vite à la recrue :

« Toi ! Suis-moi, maître Saclès désire te voir. » aboya-t-elle à Kell avant de s'arracher au mur pour s'engouffrer en silence à l'intérieur de la bibliothèque où Saclès attendait.

Ledit maître ne tarda pas à quitter la contemplation des sculptures disposées le long de l'allée principale, pour se tourner vers la jeune femme qui approchait à grands pas en faisant claquer ses sombres bottes sur les dalles de la vaste salle. Abrité par une large capuche, le regard de l'humanoïde longiligne scruta l'allée jusqu'à ce qu'il croise finalement la silhouette du jeune homme. Dans un bruissement feutré, l'une de ses manche glissa contre les plis de sa longue et traditionnelle bure noire, et une main blafarde invita Kell à approcher :

« Approchez jeune homme, approchez. » fit une voix calme au timbre brisé par l'âge, émanant de l'être au visage aussi laiteux que ses mains.

Légèrement en retrait, la femme s'était immobilisée, les fesses appuyées contre un pupitre, les bras croisés, observant la scène avec attention. Derrière un nez aquilin, le regard à l'éclat doré du maître Sith jaugeaient la recrue, sa tenue, son allure. Ce n'est que lorsque ladite recrue se présenta face à lui qu'il engagea le dialogue :

« Mon nom est Saclès... » Commença-t-il, avant que ses yeux ne tombent sur les carnets et blocs de données que son interlocuteur portait avec lui.

« Oui... »

Sa main pointa un instant les documents avant de revenir à sa place.

« La connaissance... Un jeune homme d'esprit. Bien... »

Un silence s'installa. La bibliothèque était presque déserte. Ses hautes étagères illuminaient de leur lueur sanguine la vaste salle souterraine dont le plafond se perdait dans la pénombre. Les bustes sculptés dans la pierre, disposées le long de l'allée principale, et surmontant des pupitres électroniques, recevaient un éclairage qui semblait leur donner vie, et qui paraissait laisser s'échapper de leurs lèvres pétrifiées l'écho d'un message antique toujours ayant traversé les âges.

« La puissance des mots... La puissance des mots peut renverser des empires et ériger des armées, mais elle n'est jamais que celle qu'on leur accorde. » remarqua Saclès.

Un nouveau silence se fit avant qu'il ne reprenne, avec une voix laissant transparaître une attention particulière :

« On entend dire que la paix est un mensonge, et qu'il n'y a que passion. Ce sont des mots qui peuvent résonner différemment en chacun de nous. Qu'évoquent-ils pour vous jeune homme ? » questionna-t-il, un discret sourire aux lèvres.

De son côté, la jeune femme roulait des yeux en soupirant. Elle remua doucement, déporta le poids de son corps d'une jambe à l'autre et se mura dans le silence, attendant que le rideau tombe sur l'affligeant spectacle qui s'amorçait sous ses yeux...

Même lorsque les deux abrutis commencèrent à ce battre, Kell ne changea pas l’expression joyeuse qu’il adressait à la jeune femme. En temps normal, même s’il avait été obligé de la suivre de force, il l’aurait harcelé de question pour tenter de déterminer ses intentions. Mais la seule mention de maître Saclès, jouissant de la réputation du plus sage des maîtres Siths, avait suffit à le faire obtempéré dans le plus strict silence.

Le maître se tenait dans l’entrée, rivalisant de charisme avec la statue qu’il contemplait. Lorsqu’il se tourna vers eux et pris la parole, le jeune sith nota que, même si son corps et sa voix semblait marqués par le passage du temps, le maître n’en dégageait pas moins une aura intimidante. Kell s’exécuta lorsqu’on lui demanda d’approcher, et s’inclina respectueusement face à cette source de pouvoir. Il aurait voulu accompagner sa révérence d’une quelconque salutation, mais n’osait pas interrompre son interlocuteur. Il n’osait d’ailleurs pas adresser son faux sourire face à cette personne qui n’était certainement pas dupe.

Kell se contenta d’écouter les paroles du sage. Etant entièrement en accord sur le pouvoir des mots, il fut cependant légèrement troublé par la question du maître sith et prit son temps pour y répondre, choisissant prudemment les mots à présenter à cet être supérieur.

Comme l’enseignait le code sith, la paix était effectivement un mensonge. Il avait accepté cet état de fait tant au niveau de la maîtrise de la Force qu’au niveau des lois qui régissaient la galaxie. C’était de la confrontation que sortaient les individus qui faisaient avancer l’ensemble. Les émotions les plus fortes, issues des passions les plus puissantes enfouies dans chaque être, étaient le meilleur moyen d’en sortir victorieux, et donc d’évoluer.
Mais l’ensemble des apprentis qui avaient rejoint l’ordre par le passé et ceux qui le ferait dans le futur, possédaient tous leur propre passion qui les animaient et motivaient ce choix.
Etait-cela que désirait entendre le maître sith par la tournure intrigante de sa question ? Quelles étaient les passions qui faisaient avancer Kell ? Lui même n’était pas sûr de ses réelles intentions bien qu’il fut certain de son désir de pouvoir, mais dans quel but ? La vengeance sur les jedis qui n’avaient pas voulu lui enseigner leur secret sur la Force, ou sur tous les autres individus qui avaient toujours été plus fort que lui ? Ou encore simplement un désir de plonger la galaxie dans le chaos ? Il devait bien se rendre à l’évidence… il ne connaissait pas la réponse à l’éternelle question du pourquoi.

Il brisa ce trop long silence d’une voix qu’il voulait assurée, mais dont les légers tremblements trahissaient le vide laissé par sa réponse.

"Cette partie du code sith, maître Saclès, fait ressortir mon désir de puissance, par lequel j’avancerai dans une optique de domination."

Kell fit une courte pause, peu sûr de ce qu’il venait de dire. Il reprit pour clarifier.

"Il ne s’agit pas uniquement d’une domination de la vie. Cela, même un être non sensible à la Force peut y parvenir. Mais une domination de ce que l’ensemble de la galaxie nome abusivement la vérité, qui n’est rien d’autre qu’une interprétation des faits réels. Et par ce vecteur, m’imposer à tous."

Il fini, enfin, sur un ton d’excuse.

"Cependant, je pense ne pas me connaître suffisamment moi-même pour déterminer le réel désir qui se cache derrière cette volonté."

Le jeune apprenti s’inclina une nouvelle fois, attendant tête baissé la réaction du maître sith.

Kell se redressa pour écouter la réponse du maître sith, immobile et droit, respirant le plus doucement possible pour capter les paroles du sage. A l’entendre, le jeune apprenti ne put s’empêcher de penser que cet homme aurait mérité une place d’honneur au Sénat de la République, tant sa façon de parler semblait faire ressortir une vérité brute, évidente pour tous.

"Halaryn maître, Halaryn Kell", répondit-il simplement à sa dernière question.

Lorsque la jeune femme pris la parole pour exposer la situation, de son ton arrogant et hautin qui lui semblait naturel, Kell repris le sourire qu’il lui avait adressé quelques minutes auparavant. Bien qu’agréable, cette expression puait l’hypocrisie dans une situation pareil. Il profita du long monologue pour décortiquer les informations qu’elle étalait.

Nar Shaddaa était un coupe gorge réputé dans toute la galaxie, rien d’étonnant à ce que les affaires des jedis noirs passèrent par là. Cette planète, sous domination Hutt, offrait l’avantage d’être une zone neutre, vis-à-vis de la République et des Siths, réduisant ainsi la possibilité de rencontrer ces gêneurs de jedi. Enfin… rien qu’en écoutant le funeste destin du précédent fournisseur, Kell songea que bien des mauvaises surprises pourraient l’y attendre.

Il ne put s’empêcher de sourciller à la mention d’une prétendue incompétence. Si cette trainée cherchait à le vexer, elle avait réussi. Le jeune homme garda néanmoins son calme et son sourire, elle le paierait plus tard... Lorsqu’elle eut fini de parler, Kell pris la parole d’un ton aussi mielleux que possible.

"Je vous rassure tout de suite, ma chère, cette offre sera bel et bien un moyen de prouver ma valeur. Quant aux questions, j’en ai effectivement mais je ne souhaite pas retarder maître Saclès dans ses travaux à l’académie et vous les réserve pour le voyage. Cela nous fera un excellent sujet de conversation."

*Autre que de nous envoyer des pics* songea-t-il un instant.

Des questions, oui il en avait. Quelle était la nature de cette transaction, sous quel pseudonyme avait pris contact maître Saclès, qui était le contact sur la lune des contrebandiers, et il en viendrait d’autre au fur et à mesure que la Sith y répondrait. Mais pour le moment, il devait songer à se parer pour cette toute première mission au sein de l’ordre sith.

"Si maître Saclès veut bien m’accorder le privilège de participer à ce travail, je souhaiterais me retirer pour aller me préparer."

Il s’inclina une nouvelle fois – à l’intention du maître – et se dirigerait vers ses appartements au premier accord de celui-ci. La traduction des notes récupérées dans la matinée pourrait bien attendre son retour de mission.

Le cliquetis d'un droïde utilitaire résonna dans le couloir avant de se figer devant l'entrée de la bibliothèque dans laquelle il finit par pénétrer dans un sifflement continu, faisait fit de la quiétude des lieux, pour se diriger vers l'archiviste ayant précédemment fait irruption dans les lieux.

Sur le visage de la jeune femme, suite aux propos de Kell, le faux sourire avait progressivement disparu, remplacé par une expression plus naturelle. Il ne lui avait pas échappé le fait que la courbette ait été destinée au maître et à lui seul, mais elle ne laissa rien paraître des ses pensées à cet instant. Tandis que Saclès, d'un geste de la main, invitait Kell à se redresser, et lui permettait donc de se retirer, Sharann tira de l'une de ses poches de ceinture un comlink qu'elle vint présenter à la recrue :

« Prends ça. » fit-elle avec en le toisant un instant des pieds à la tête avant de reprendre finalement sa place près du pupitre.

Kell pouvait à présent se retirer, laissant derrière lui les deux individus qui retourneraient bientôt à leurs affaires. Les lieux étaient bien calmes, en cet après midi pluvieux...