Karm Torr
Karm Torr
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— Trrrriiiip, trip bip bip bip.
— Ouais, je sais.
— BIP.
— Reste poli, suggéra le Jedi, en refermant la trappe d’alimentation de son chasseur.

Un droïde caractériel l’avait accompagné sur Tatooine et se plaignait déjà de la chaleur, et du froid à venir, et du sable, et du désert, et de l’indélicatesse des employés de l’astroport local. Karm baissa les yeux vers la silhouette métallique du petit mécanicien.

— Déjà, dis toi que tu vas pas avoir à te taper la tournée des tavernes louches du coin.
— Biiip…, répliqua sarcastiquement le robot, en faisant pivoter sa coupole d’un ton entendu.
— N’importe quoi.

L’Ark-Ni releva la fermeture éclair de sa combinaison, s’assurant que son sabre laser était bien dissimulé. Il ne faisait pas bon se présenter comme Jedi, dans l’Espace Hutt, et il préférait être prudent. Se fondre dans la population interlope de Mos Eisley lui paraissait plus sage et, comme à son habitude, il avait remisé sa tenue de jedi pour préférer celle de voyageur, dans le genre pilote peu recommandable, ce qui paradoxalement, sur Tatooine, permettait d’avoir l’air relativement innocent.

La nuit n’allait pas tarder à tomber. Avant de quitter l’astroport, il eut malgré tout une dernière recommandation :

— Fais gaffe qu’on te refile pas du carburant frelaté.

Le droïde sortit son fer à souder et lui fit un geste plus explicite. Karm haussa des épaules, se détourna et traversa les coursives à moitié couvertes à grands pas. Nuit et jour, Mos Eisley était vibrante d’activité, très littéralement, même, si l’on considérait le nombre de vibrolames au mètre carré. Les couloirs de l’astroport étaient pleins à craquer : c’était tout le monde bigarré de l’Espace Hutt qui s’agitait là, chacun vaquant à des affaires plus ou moins légales.

Karm quitta le grand complexe pour s’engager dans les rues de la capitale. Il était à la recherche de quelqu’un en particulier, d’un trafiquant d’œuvres d’art et d’antiquités, qui trainait dans tous les bouges de la Bordure Extérieure pour récupérer des marchandises de seconde zone qu’il larguait en gros dans les bazars à touristes, où les revendeurs comptaient sur le côté peu soupçonneux des clients du Noyau.

Gamaï, qu’il s’appelait, un Rodien croisé avec on-ne-savait-pas-trop-quoi, du genre difficile à rater. Karm avait entendu dire que Gamaï avait mis la main récemment sur des fragments de cartes assez anciens. De temps en temps, même les escrocs tombaient sur de l’authentique et les archéologues jedis veillaient à cultiver quelques contacts dans le milieu des trafiquants pour être avertis quand un objet digne d’intérêt faisait surface. En tant que Chevalier affecté au Corps d’Exploration et grand habitué du danger et de la bagarre, Karm avait été affecté à l’opération de récupération.

On racontait que Gamaï trainerait pour quelques jours dans les tavernes de Mos Eisley, histoire de voir si les Hutts ne seraient pas intéressés par quelques babioles récupérées ici ou là. Des temps en temps, les limaces payaient un prix correct pour une ou deux curiosités et c’était toujours préférable de leur offrir l’occasion d’en acheter, pour entretenir les bonnes relations. Karm s’était donc préparé à enchaîner les tripots poisseux à la recherche du Rodien.

— Pour les habitués seulement, grommela un garde d’un ton las alors que l’Ark-Ni essayait de se frayer un chemin à l’intérieur d’une taverne qui l’inspirait peu et qui, par conséquent, avait toutes les chances d’être la bonne.
— Je suis un habitué, assura le Jedi, avec un léger geste de la main, le regard rivé dans celui de M. Muscle, appuyant son assertion de la Force.
— Euh…
— Je suis un habitué.

Il avait un peu honte de devoir s’y reprendre à deux fois mais ce n’était pas son exercice préféré. L’air toujours pas très convaincu, le videur fit néanmoins un pas de côté pour laisser passer le jeune homme. De l’autre côté de la lourde porte métallique, quelques marches descendaient jusqu’à la salle principale. Au fond, sur une estrade, un groupe hétéroclite jouait des cuivres pour les habitués, couvrant avec peine le bruit des conversations. À gauche, une Twi’Lek qui avait connu des jours meilleurs alignaient pour les clients déjà bien avinés des liqueurs à décrasser les moteurs.

Karm se dirigea vers le bar et se percha sur un tabouret. Après avoir commandé un verre d’alcool auquel il ne toucherait certainement pas, il pivota sur le tabouret et, accoudé au bar, se mit à fouiller la foule du regard, à la recherche du fameux Rodien-mais-pas-trop, peu convaincu de le trouver dans le premier bar qu’il essayait.
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Soudainement dominé par une pulsion irrépressible qu'il m'est impossible de contrôler, je me redresse d'un bond, et lance à la cantonade, hurlant à m'en décrocher les cordes vocales pour couvrir la rumeur ambiante :

« TOURNEE GENERALE ! »

Ma voix éraillée trahit aisément l'état dans lequel je me trouve : complètement défoncé. En une fraction de seconde, des regards chargés d'espoirs se tourne vers ma silhouette chancelante. J'esquisse alors le plus magnifique de mes sourires, révélant ma dentition négligée par bien des années de maltraitance. Mais alors que, déjà, mon esprit surexcité par la drogue euphorisante se disperse déjà dans de multiples directions, une terrible vérité me noue les tripes... Ce sourire un instant franc se mue en un rictus crispé, forcé.

Avec quoi vais-je bien pouvoir payer cette tournée au juste ?! Qu'est ce qui vient de me prendre ?! Plusieurs grognement de satisfactions m'arrivent aux oreilles, tandis que je distingue des haussements d'épaules, de sourcils, d'un peu tout et n'importe quoi compte tenu de l'incroyable biodiversité ayant trouvé refuge dans la taverne la plus miteuse de la planète la plus miteuse de la galaxie. Ce qui m'inquiète réellement, ce n'est pas le fait de briser dans quelques minutes le fol espoir de ces clients louches qui s'imaginent déjà tremper leurs orifices buccaux dans cette pinte gratuite de pisse nommée bière pour de sombres raisons commerciales. Mais plutôt le barman Twi'lek qui s'affaire déjà derrière son comptoir. Celui-ci, avec une célérité déconcertante, commence déjà à remplir des plateaux entiers de choppes crasseuses, qu'il tente, sans conviction, de nettoyer à grand coup de torchon jauni par les années de mauvais traitement. Au dessus de sa tête, bien en évidence, un panneau, ou plutôt devrais-je dire un morceau informe d'épave spatiale, affiche en lettres rouge-sang, comme annonciatrice d'un carnage imminent : « Bouasson comandé, Bouasson payé ! On fé pas crédit ! ».

Je déglutis bruyamment, la mine toujours un peu plus grave à mesure que s'égrènent les secondes, et que j'observe, transis, frissonnant, paralysé, le Twi'lek tirer les premières bières. J'ai comme un goût amer dans la bouche... Je ne parle pas de celui laissé par l'espèce de dépôt pâteux que j'ai découvert au fond de mon verre, non. Plutôt de celui que me procure l'idée de la dérouillée qui s'annonce inévitable, administrée sans retenue par quelques videurs aussi large que des... que des... Que des je ne sais pas vraiment quoi ! La boulette. La grosse boulette.

Premier réflexe : j'ouvre la bouche, essaye de hurler les premiers mots qui me viennent à l'esprit, quelque chose du genre : c'est une blague ! Mais ma gorge asséchée par le stress se refuse à retranscrire la moindre de mes pensées confuses. Au moins dix milles idées fusent à la seconde, mes neurones totalement désinhibés par le drogue. Je tente alors d'énumérer mes options toutes plus désespérées les unes que les autres : Sauter par une fenêtre pour m'enfuir ? Ca pourrait être une idée s'il y en avait une seule... Hmmm... Foncer en direction des escaliers ? Pour tomber nez à nez avec un videur, non, peut mieux faire... Feindre la rupture d'anévrisme ? Très mauvaise idée... Heu... Je suis déjà à sec. Enfin pratiquement à sec. Car au sommet de tout ce chaos cérébral trône une dernière option. La pire de toute : y aller au culot. Je grimace, conscient que je n'ai plus le choix...

Alors, je me précipite en direction du bar. Je n'ai pas fait deux pas, que je me prends les pieds dans une chaise qui, par je ne sais quel miracle, est parvenue à me faire un croc-en-jambe alors que je tentais de l'écarter d'un coup de coude. Alors que je chute avec une lenteur improbable - ou alors c'est encore l'un des effets secondaires du « Desert Speed » dont on m'a vanté tant de mérites – je réalise un truc : les chaises sont solidement fixées au sol... Quel idiot ! L'atterrisage, ou plutôt devrais-je dire le crash, est rude. Je me serais certainement brisé le nez si la cantina n'avait pas été creusée à même le sable. Un sable rendu poisseux par l'accumulation de bien des années de régurgitations en tout genre.

La vue, ainsi que l'odeur et le touché, de cette substance me redonne comme un second souffle. Je me redresse aussitôt. Mais cet effort soudain n'est pas sans conséquences. Une chaleur insoutenable me monte aux joues, tandis que de grosse gouttes de sueurs perlent de mon front rougit. Mon cœur s'emballe, je le sens qui frappe avec force comme pour me rompre les côtes de l'intérieur à la manière d'un holofilm d’horreur.

Enfin, au prix d'efforts inimaginables pour conserver une attitude décontractée, je parviens à m'approcher du bar. Ultime rempart entre moi et le barman : un petit gars pas bien épais. Je lui décoche un sourire plein d'assurance, et lance quelque chose comme « Salut, tout roule ? Si tu me permets deux secondes... J'ai un truc à dire au patron, j'en ai pas pour longtemps. Enfin pas trop, je crois. Et... Heu... Un conseil, tu devrais pas boire ce truc. Il t'as surement refilé la bouteille de pisse. C'est... Heu... Une sorte de tradition dans le coin. Je t'explique après, j'ai comme qui dirait une urgence là. Héhé. » Je laisse mes coudes tomber lourdement sur le comptoir, juste à coté de lui, m'y accrochant comme à ma propre vie. Le barman me fusille déjà du regard. Ce n'est certainement pas la première fois qu'on lui fait le coup. Surtout dans un trou pareil. Alors je tente une entrée en matière maîtrisée par bien des années de débrouille : « Alors, voilà. Comment dire... C'est que... J'ai comme un petit problème, vous allez rire, c'est vraiment pas grand chose, même si c'est un peu gênant... D'un certain point de vue. Enfin, pas tant que ça, on fait vite tout un plat de pas grand chose... » Sauf qu'il ne rigole pas, mais alors pas du tout. Ici, où la lumière artificielle est plus puissante, je distingue à quel point ses traits sont patibulaires. Des rides profondes sillonnent son faciès des plus disgracieux. Et cerise sur le chapeau... Heu... Non, gâteau : ses lèvres desséchées par l'aridité laissent entrevoir une dentition carnassière plutôt... Intimidante. A nouveau, je me crispe, mais reste bien décidé à tenter le tout pour le tout faute d'autres options. « C'est que... Oui... Je viens juste de m'en rendre compte... Là, tout de suite à l'instant... » Quelle excuse vais-je bien pouvoir sortir ?! L'avantage des drogues euphorisantes, c'est qu'elles dopent les facultés mentales au point ou l'on en vient même à parler avant d'avoir fini de penser ! « On m'a volé mon porte-monnaie ! Oui, c'est ça ! Si, si, je le jure ! Hop, on se lève pour annoncer la tournée générale, et sans que personne ne s'en rendre compte, une petite main s'est glissée dans votre poche ! Franchement, y'a plus aucun respect... » Je désigne du pouce la clientèle dans mon dos. « A croire qu'il y a un type louche dans le coin, si vous voyez ce que je veux dire... Loin de moi tout jugement hâtif, hein ! Mais je parierais sur un petit gabarit. Du genre un petit gars, pas bien épais, capable de se faufiler un peu partout. Pas comme le gros là-bas » De l'index, je désigne un énorme Wookie posé au bar deux clients plus loin, tandis que mon autre bras s'écrase alors sur les épaules du jeune homme juste à coté. Du coin de la bouche, je lui demande dans un murmure emprunt de désespoir : « Joue le jeu... Pitié... Joue le jeu... » Puis reprend : « Mais plutôt de celui-là ! Exactement comme celui-là même ! Oui, ça ne peut être que lui ! Il est louche, vous ne trouvez pas ? Trop propre pour être honnête ! Haha, j'ai trouvé LE coupable ! » Je me laisse emporter par une improvisation des plus totales. « Alors, voilà, moi je dis ça je dis rien... Mais franchement, c'est pas le genre de truc qui fait bonne pub. Moi à votre place, je crois bien que... Etant patron d'un établissement de cette... heu... Ce standing. Le coté pittoresque, c'est vachement important à notre époque ou tout vient si... Standardisé, oui c'est ça. Froid, standard. Ici c'est vraiment le top dans le coté... Oui pittoresque, je l'ai déjà dit, mais c'est ça l'idée. Enfin bref. Alors, je... Voilà, ne bougez pas ! Je vais de ce pas moi-même remettre ce fauteur de troubles aux autorités compétentes ! Et quand il m'aura rendu ma bourse, je reviens pour régler la note... Et... heu... Alors la sortie... Ah oui, c'est par là ! Héhé... » Je tente subrepticement de donner force à mes parles au travers de la Force, comme je le fais usuellement pour me tirer des mauvais pas... Mais mon état m'empêche d'en faire un usage convenablement.

Ainsi, a moitié conscient que je ne vais pas m'en tirer à si bon compte, je fais volte face, et me dirige d'un pas décidé vers la sortie, emportant avec moi celui dont je ne sais rien, surtout pas qu'il s'agit en réalité d'un membre de l'Ordre Jedi. J'ai un mauvais pressentiment diraient certains... « J'espère pour toi que tu sais courir vite... » Mais à peine ai-je eu le temps de formuler de murmure qu'une silhouette impressionnante s'interpose entre nous et l'issue rimant avec Salut.
Karm Torr
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— Salut beauté…

Karm jeta un coup d’œil en travers au contrebandier ventripotent qui s’était approché de lui avec un sourire de gruyère.

— Tu veux pas que je te paie quelque chose de mieux ? Et on ensuite on va faire un tour au motel. Faut pas qu’une demoiselle comme toi reste toute seule dans un endroit pareil.

Le Chevalier androgyne ouvrit la bouche pour répliquer quelque chose de cinglant, question de réputation, mais il eut un sauveur inespéré en la personne du type qui avait offert la tournée. Le contrebandier dut flairer l’embrouille, parce qu’après avoir pesé le pour et le contre quelques secondes, il jugea que mieux valait s’éloigner de Flint, au risque de perdre la beauté exotique aux yeux turquoises pas aussi féminine qu’il ne le croyait.

En un rien de temps, Karm se vit transformé de respectable consommateur en voleur à la tire. Avec un flegme de granit, l’Ark-Ni suivit les explications fleuves de sa prétendue victime. Au milieu du flot de paroles, il décida de se prêter au jeu. L’homme qu’il recherchait n’était pas là, il en était à peu près sûr, alors s’il pouvait, avant de quitter la taverne pour passer à la suivante, aider un pauvre type à ne pas se faire tabasser par les videurs des Hutts, c’était toujours ça de pris.

Non qu'il fût très confiant, au demeurant, dans le succès du plan de génie où il venait d’être embarqué. À mi-chemin de la sortie, devant la montagne de muscles qui leur barrait la route, le Jedi laissa échapper un soupir résigné, avant de suggérer à son acolyte du jour :

— Faut essayer la sophrologie, mec, sérieux.
— J’sais pas à quoi vous jouer tous les deux mais vous allez pas vous en tirer si facilement.

Déjà, l’esprit de Karm s’étendait dans la taverne pour repérer les issues, les gens, les objets, sans chercher rien de particulier, mais plutôt pour donner prise à son intuition de guerrier et préparer le terrain à l’inévitable combat qui commençait à poindre.

— Aboulez les crédits.
— Elle arrive cette tournée, beugla un client à l’autre bout du bar, aussitôt soutenu par un grognement approbatif et légèrement menaçant du Wookie accoudé au bar.
— Elle arrive quand les deux abrutis auront payé.
— Hé, j’ai rien à v…
— Ta gueule.
— Comment j’explique si je parle pas ?

Le videur médita avec une moue pensive ce délicat problème.

— Comment ça, ils ont pas payé ?

Une rumeur mécontente se répandit dans le bar. Karm y entrevit le début d’une solution. Un moyen un peu radical et vaguement dangereux de libérer la voie de la sortie. Il se racla la gorge et, pour la première fois depuis des semaines, il éleva la voix et lança :

— Faut dire qu’ils veulent nous doubler le prix, comme par hasard !
— Hein ?
— De quoi ?!
— Scandaleux !
— Il est quelle heure ?
— Toi…

Le videur tendit la main pour attraper Karm par le col. D’un pas de côté, le Jedi esquiva. Le videur finit par gifler mollement un Bothan hirsute qui se tenait juste derrière. Un geste malheureux qui lui valut un coup de genou dans l’entrejambe. Le cri que poussa le videur fut apparemment interprété comme le signal donné aux projectiles : trois verres et une bouteille fusèrent à différents endroits de la taverne et, bientôt, on distribuait les coups de poing avec une magnanime générosité.

Karm leva les yeux vers Flint.

— C’t’assez pittoresque pour vous, là, ou bien… ?

Le Jedi s’inclina légèrement sur la gauche pour éviter un plateau de service qui fusait comme un Frisbee derrière lui et qu’il n’avait certainement pas pu voir. Le chaos qui s’était abattu en quelques instants sur la taverne semblait le laisser de marbre, alors même que les cris, les grognements plaintifs, les hurlements de rage, et le fracas des meubles et de la vaisselle, s’étaient substitués à la musique, notamment parce que les musiciens se servaient désormais de leurs instruments comme de nécessaires massues.

Le chemin vers les escaliers et la liberté était néanmoins encombré de belligérants en tout genre, de morceaux de tables et, à l’occasion, de tirs de blaster qui fusaient un peu au hasard mais dont le responsable était en général rapidement maîtrisé par des gens qui eux-mêmes ne se maitrisaient pas.

— Par là, souffla Karm, qui avait tout de même des scrupules à laisser le junkie déboussolé en plein milieu de la rixe.

Il commença à se frayer un passage à travers les coups, évitant l’essentiel de ceux qu’on lui destinait — mais, à l’occasion, il attrapait avec une vivacité suspecte un bras, le tordait, tout en technique et en précision, et écrasait un adversaire infortuné au sol, un de ces types qui avaient oublié l’une des lois fondamentales de la Galaxie : les gens apparemment sans défense qui trainent dans les lieux douteux sont souvent plus dangereux que les gros bras du coin.
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Je tente d’ouvrir la bouche pour rétorquer une nouvelle phrase improvisée. Mais avant même d’esquisser le moindre mouvement de langue, mon compagnon d’infortune « slash » otage plus ou moins consentant (rayer la mention inutile), intervient.  L’espace de quelques secondes je reste médusé face à sa soudaine prise en main des événements, tandis que mon esprit toujours malmené par les psychotropes trime pour comprendre et réagir en conséquence. Mais déjà une petite voix sous mon crâne au fond à gauche, s’insurge, me chuchotant des mots imaginaires… 
  
La Sophroquoi ?! Je suis encore tombé sur un sacré numéro…  Pourquoi est-ce qu’il ne se contente pas de me suivre hein !! Lorsqu'on est élevé par un inconnu, la moindre des choses c’est de se laisser faire non ?! Ca c'est-ce que j'appelle un manque flagrant de respect d'autrui ! Et pas qu'un peu ! Ca faire genre... J'sais pas, il me prend pour quoi ? Un gros naze qui ne contrôle rien ?! Je maîtrise PARFAITEMENT la situation ! Tout ce qu’il va faire, c’est ruiner mes plans… heu… Enfin ceux que je pensais avoir jusqu’à ce que je réalise que je n’en avais pas vraiment en fait. J'avoue que là, tout de suite, maintenant à l'instant présent, à la seconde même ou je formule cette pensée somme toute peu cohérente : bah, j'suis à sec. Zéro idée. Mais c'est pas une raison ! Je gère mes problèmes comme bon me semble ! Et j’en assume les conséquences ! Je n’ai besoin de…

Mais rapidement tout dégénère. L'ambiance s'envenime. Je tourne la tête, juste à temps pour voir divers objets plus ou moins tranchants prendre leur envol dans plusieurs directions rendues incertaines par l’état d’ivresse avancé de leurs ex-propriétaires. Ma réaction est immédiatement, mes muscles se souvenant encore des entraînements imposés par la discipline Jedi. Je bondis en arrière. Mon otage se montre tout aussi vivace pour esquiver les coups. La cantina sombre dans le chaos d’une rixe parfaitement provoquée. Mon regard se pose à nouveau sur le petit gars qui ne paye de prime abord pas de mine... 
  
Déclencher une baston ! Mais quelle excellente idée ! Pourquoi je n’y ai pas pensé plus tôt ?! Je ne suis qu’une triple buse ! UNE TRIPLE BUSE ! Pourquoi est-ce que je cherche toujours les plans compliqués quand on peut faire aussi simple ?! Raaaah ! Faut que je le note quelque part… On ne sait jamais, pour la prochaine fois… Enfin si y a… 
  
Parce qu’il faut être franc : nous sommes loin d’être tirés d’affaires malgré tout ce chaos qui nous ouvre soudain des opportunités jusque-là seulement fantasmées. Une ombre me frôle, s'impose mon champ de vision périphérique. Une fois encore, mes réflexes agissent bien avant que mon esprit ne calcule quoi que ce soit. Je déporte tout mon poids sur la jambe gauche, tandis que je pivote, envoyant la droite dans le visage de mon adversaire. Un coup de pied rotatif parfaitement exécuté. Enfin, de mon point de vue. Certainement que de l’extérieur j’ai l’air bien moins alerte et agile que dans ma tête. Toutefois le résultat est bien là : la pointe de ma botte s’écrase sur le maxillaire gauche d’un individu patibulaire que je ne connais absolument pas. Certainement un ivrogne vexé par mon stratagème ! Mon petit doigt (de pied) me dit qu’il ne risque pas de m’oublier de sitôt celui-là. Surpris, sonné, le visage gonflant à vue d' œil, il tombe lourdement, fesses au sol, mains crispées sur les tissus endoloris. Adieu les belliqueux élans. « En fait, je vais être franc… Je n’ai jamais été très fan du pittoresque… »  Je réplique sans même me retourner, fonçant tête baissée en direction de l’unique sortie qui me vient à l’esprit. Sauf que celle-ci se trouve à l’exact opposé du tas d’ivrognes déchaînés… Je m’arrête aussitôt, hésite… La panique me monte aux narines, arrière-goût amer dans le fond de la gorge. Je commence à croire que je suis mal barré… Que faire ? Je suis perdu. Mais mon compagnon d’infortune m’interpelle, je fais volte-face et lui emboîte le pas sans même réfléchir. S'en suit une fuite éclair digne d'un holofilm d'action. Clairement dépassé par les événements, je me fais l'égal de son ombre, lui emboîtant le pas comme si nous n'étions qu'un seul et unique individu. Nos bottes martèlent le sol crasseux de la taverne à l'unissons, tandis que je reproduis à l'identique ses mouvements pour ne pas me laisser distancer par la bande de dégénérés bien décidé à étriper tout ce qui bouge encore. Mon regard ne parvient à se détacher de cette fine silhouette... Mon otage... Enfin, mon ex-otage vu les circonstances, se déplace avec une grace et une célérité qu'il ne m'a plus été donné de voir depuis... Depuis des années... Soudain un frisson me traverse l'échine, du haut vers le bas, m'hérissonnant les poils.

Ce ne serait quand même pas un... Mais non... Impossible... Peu probable... Que ferait un... Ici. Non. Il y a forcément une explication ! C'est sûrement les drogues qui me jouent des tours ! Oui c'est ça ! Faut vraiment que j'arrête ! Promis, demain, je fonce dans le premier centre de désintox que je trouve ! Enfin s'il en existe un sur cette planète.

Ce sont les terribles rayons des soleils jumeaux qui m'arrachent à mes pensées frénétiques. Un vent sec et chaud, chargé de grains de sables, me fouette le visage. L'air est étouffant, lourd, surchauffé. Je m'arrête, à bout de souffle, peinant à recouvrer un rythme respiratoire normal. Nous sommes enfin sortie de ce guêpier malodorant !

« Sacrée... Course... » Je prends de profonde inspiration, tout en usant d'une caisse éventrée par on sait quoi comme d'un appui branlant pour me reposer les jambes. « T'es... Pas... Mal... Dans ton genre ! » Je secoue la tête. Une pensée me traverse l'esprit. Je ne sais rien de ce type. Rien ne me prouve que ses intentions sont bonnes... Et s'il désirait me faire payer pour l'avoir entraîné contre son gré dans cette aventure foireuse ? Je me redresse d'un bond, comme piqué par une mauvaise mouche, avant de lui décocher mon plus large sourire. « Franchement, je t'en dois une ! Écoute... Je te propose un truc... Tu vois... En fait, je ne sais pas qui tu es, ni d'ou tu viens... Ouais, je sais même pas pourquoi t'es ici, ni ce que tu viens y faire. Comment t'es venu, avec qui, dans quelles conditions... Je connais rien de ta vie, de ton nom... En fait... Je... Heu... Je suis même pas sur que tu sois un mec en fait. T'en est bien un, hein ? Non ? » Alors que ces mots sortent tout seuls de ma bouche, mes yeux ne parviennent toujours à se détacher de cette silhouette un peu trop efféminée pour m'inspirer une quelconque certitude. Dans la cantina, je me suis fié à mon instinct. Je me fie toujours à mon instinct. Même s'il me troupe parfois. Pour ne pas dire souvent. Ou presque toujours. « Bref je ne connais rien de toi. Mais y'a un truc dont je suis sûr ! C'est que t'es pas du coin ! Et les types pas du coin, ils ne viennent pas dans le coin sans avoir une bonne raison d'y venir.... Heu... Attends, je crois que je m'embroui... »

Un haut-le-cœur me tord soudain en deux. Je tombe à genou, et dans un gémissement écœurant, je libère le contenu de mon estomac sur le sable, qui en absorbe aussitôt toute l'humidité. La mine déconfite, je me redresse, m'essuie les lèvres d'un revers de manche.

« Désolé. Je crois que je viens de me rappeler que je ne supportais pas l'alcool. A moins que ce ne soit autre chose. Faut dire que la bière n'était pas fameuse... J'me dis que dans un sens tu m'en dois une aussi, vu que grâce à moi t'as pas touché à ton verre. » Excellente réflexion ! Il ne reste plus qu'à la jouer magnanime. « Mais je suis un bon gars. Je le sais, ça ne saute pas aux yeux. Mais comme on le dit souvent, l'habit ne fait pas le Jedi hein ! » Je déteste cette expression. « Écoute. Pour qu'on soit complètement quitte, je te propose de t'aider ! Je connais un type... Robert la ferraille qu'on l'appelle. C'est un vieux gars qui n'a plus que des prothèses datant de la dernière guerre Sith à la place des membres. Parfois on se demande aussi s'il n'a pas un bout de ferraille à la place du cerveau, si tu vois ce que je veux dire... Bref. Il est un peu rustre, mais quand on le connaît, il est plutôt... » Pour être franc, je manque de qualificatif élogieux pour le décrire. « En fait, il m'en doit une... » A moins que ce soit moi qui lui en doive une ? Ou des crédits ? Mince, je ne sais plus... Mais comme on dit : dans le doute ne t'abstient pas ! Ou alors c'est l'inverse ? « C'est le genre de gars qui connaît tout sur ce qui se passe dans le coin. Vraiment tout. Je t'amène à lui et on est quitte ? »

Je fais immédiatement volte-face !

« C'est par là ! »

Enfin, je crois... La dernière fois que j'y suis allé, je n'étais pas vraiment en état de me repérer. J'était même, pour être exact, en était de ne rien faire du tout. A peu de choses près.
Karm Torr
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La paume ouverte, les doigts repliés, d’un coup dans le plexus, Karm venait d’envoyer un type trop insistant voler à travers la cantina, dans l’indifférence générale. Comme le Jedi ne brandissait pas de bouteille éventrée, de blaster, de chaise ou de vibrolame, il ne se hissait pas en haut dans la liste confuse de priorités de la plupart des belligérants et ceux qui songeaient à s’attaquer à lui cherchaient surtout à se frayer un chemin vers une cible plus intéressante ou bien, dans le pire des cas, à tomber sur plus faible qu’eux. Mal leur en prenait.

Après avoir mis en péril la descendance de quelques ivrognes d’un coup de genou bien placé et déboité une ou deux épaules sur son chemin, Karm trouva le chemin de l’air libre, qui était pesant et poussiéreux. Les deux hommes bifurquèrent dans une ruelle pour faire une pause, tandis qu’un peu plus loin, quelques types censés assurer la sécurité de la capitale regardaient la taverne bien bruyante avec une circonspection qui ne présageait pas vraiment la volonté d’intervenir pour mettre un terme à l’échauffourée.

Pendant que Bernard reprenait son souffle, Karm épousseta de dessus son épaule des débris de verre et ce qu’il supposait être une dent. Il fit un pas de côté pour éviter les éclaboussures de vomi, placide devant l’éternel. Il allait devoir aider ce pauvre drogué, c’était évident, au moins lui trouver un motel pas trop douteux pour décuver, à défaut de l’inscrire directement en cure de désintoxication. C’était le sens du devoir plutôt que la compassion qui le poussait à rester près de Flint : de par lui-même, l’Ark-Ni n’était guère compréhensif face à la dépendance, qu’il interprétait toujours, et parfois à tort, comme un pur manque de volonté.

— J’suis pas mal mais j’suis déjà maqué, répliqua Karm du tac-au-tac, d’un ton distrait, les yeux fixés sur la rue principale, à l’autre bout de la ruelle, d’où il s’attendait à moitié à voire débouler d’un moment à l’autre une horde avinée et hostile.

Le reste du flot de paroles de Bernard fut ininterrompu, sauf le haussement d’épaules indifférent qui constitua l’unique réponse de Karm, comme toujours, aux interrogations perplexes sur son genre. Le Jedi commença cependant à prêter une oreille plus attentive à son acolyte quand celui-ci se mit à parler de l’un de ses contacts. En bon mystique, Karm croyait que la Force se manifestait par des signes subtils — et d’autres qui l’étaient moins, comme les toxicomanes et les petites émeutes.

Peut-être qu’il y avait une bonne raison à cette rencontre qui d’abord lui avait paru un obstacle désagréable.

— OK, finit-il donc par lâcher laconiquement, avant d’emboîter le pas à Bernard.

À la décharge de son guide plus ou moins assurée, les rues de Mos Eisley devenaient rapidement labyrinthiques et le plan d’urbanisme local n’avait certainement jamais été la préoccupation principale de la municipalité. La plupart des maisons défiait la saine raison orthogonale, et les rues serpentines débouchaient parfois inopinément sur des cours fermées. Il y avait des escaliers qui ne menaient nulle part, des halls privés qu’on était censé traverser et partout, on était suivi par les regards inquisiteurs d’une population bigarrée, qui hésitait toujours entre le larcin et l’escroquerie.

— J’crois qu’je frôle l’impatience, finit par euphémiser le Chevalier, après beaucoup d’errances.

Il s’approcha du stand d’épices et de champignons d’une vieille femme qui était peut-être humaine.

— On cherche Robert la ferraille.
— J’ai du bon piment des sables.
— Un type tout en métal. J’veux dire, littéralement.
— J’ai du bon piment dans ma pimentière.
— Pas super frais, il parait.
— J’ai du bon piment et t’en auras p…
— Bon, OK, à combien de piments j’ai une info sur Robert ?

La vieille lui adressa un sourire presque dent qui pourtant évoquait bien celui d’un requin.

— Cinq.
— Trois.
— Cinq.
— Quatre.
— Cinq.
— Cinq, se résigna le Chevalier, manifestement peu doué aux négociations.

Karm tendit quelques crédits à la vendeuse mais refusa de les lâcher tant que celle-ci ne consentit pas à son tour à livrer plus que des piments d’un marron douteux.

— Tout droit, la quatrième sur la gauche, à côté de la maison en forme de cul.
— Pardon ?
— J’suis pas architecte, mon petit, je connais pas les termes techniques.
— Merci.
— Oublie pas les piments.

Elle désigna Bernard d’un geste de la tête.

— C’est bon pour ce qu’il a.

Après un moment de réflexion, elle concéda :

— Enfin, bon, c’est beaucoup dire, mais efficace, ça, oui.

Karm lâcha les crédits, prit le sac de piments, le fourra dans les mains de Bernard et se remit en route.
Karm Torr
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Karm était adossé à la façade poussiéreuse d’un immeuble, dans une rue poussiéreuse, à attendre que son poussiéreux compagnon d’aventures finisse de vomir la moitié de ses intestins. C’était la troisième fois qu’ils avaient dû s’arrêter et quand Bernard se redressa, le Jedi fit la démonstration de son légendaire manque de tact.


Écoute, mec, j’crois qu’j’vais gérer ça tout seul, hein, t’es clairement pas en état.


Les protestations de son acolyte lui parurent plus avinées que sincères et, patiemment, Karm le prit par les épaules, en tout cas ce qu’il pouvait atteindre de ses épaules, avant de le faire pivoter en direction de l’auberge la plus proche.


Décuve, ça ira mieux pour tout le monde. Et essaie d’pas déclencher de bagarres ni rien sur ton chemin.


Pris de scrupules, le Jedi poussa le zèle jusqu’à le raccompagner à l’auberge, vérifier qu’une chambre était libre et refermer la porte de celle-ci derrière lui. Un peu plus et il le bordait, mais même la bienveillance cultivée en lui par son Ordre avait ses limites. L’explorateur dévala les escaliers, en se demandant s’il ne venait pas malgré tout de se priver d’une aide précieuse. S’orienter dans les rues des Mos Esley relevait du défi même pour les plus chevronnés des explorateurs.


Le Gardien emprunta à nouveau la direction donnée par Bernard et la marchande de piments, à la recherche du ferrailleur, hasardant des questions quand un stand de marchand lui paraissait moins suspect que d’autres. Il n’avait pas l’habitude de ces villes surpeuplées où l’attention des ombres était éveillé par les passants à l’air trop perdu et trop curieux et, sans s’en rendre compte, il avait mis sur ses traces deux voyous bien décidés à profiter de sa faiblesse.


Une marchande lui avait indiqué d’un battement d’aile nerveux un immeuble tordu au bout d’un cul de sac, et Karm s’était engagé dans la ruelle obscurcie par les silhouettes des bâtiments qui au-dessus de lui se penchaient comme pour se rencontrer. Les bras des deux hommes qui le suivaient avaient été étouffés par la poussière de la ville, mais il avait fini par sentir le canon d’un blaster contre ses reins.


La bourse ou la vie, déclara une voix nasillarde. Et encore, c’est généreux, la plupart du temps, c’est la bourse et la vie.
Les mecs, fit Karm calmement, croyez moi c’est pas votre jour de chance.
Ouais, ouais, fais pas le guignol. Mon pote va te détrousser et tu vas rester calme, OK ?


Le pote en question était un Noehon qui contourna sa victime. Il tendit l’une de ses pattes velues et, après avoir rencontré dans les replis du manteau du Jedi la forme oblongue d’un sabre laser, qu’il tâta quelques secondes en tentant de comprendre ce dont il s’agissait, grésilla un :


Oh oh.
Quoi oh oh ?


La Force commençait à affluer en Karm. Soudain, à une vitesse fulgurante, il fit un pas de côté en se retournant et la lame bleue jaillie du sabre désormais logé dans sa main trancha le canon laser, laissant l’arme coupée en deux, fumante et inutilisable. Le Noehon avait bondi en arrière, ses réflexes plus rapides que ceux de l’humain, que la rapidité surnaturelle du Jedi avait pris de cours.


Alors que Karm désactivait sa lame, le bandit de grand chemin, un gamin qui ne devait pas avoir beaucoup plus de seize ans, balbutia de vagues excuses paniquées. Un Jedi ! C’était bien sa veine.


Relax, on peut oublier ça.
On… on peut, fit l’adolescent, qui se voyait déjà croupir dans les prisons de la République pour son horrible forfait ?
J’cherche un mec qui s’appelle Gamaï. Moitié Rodien, moitié… Franchement, j’sais pas trop. Il trempe dans toutes sortes de petits trafics. On m’a dit que le ferrailleur savait où il était…

D’un geste de la tête, Karm indiqua l’immeuble biscornu, au bout du cul-de-sac.


… mais j’aimerais m’épargner toute une promenade touristique dans la ville, quoi.


L’humain échangea un regard incertain avec son comparse.


Mais, hm… Il est dangereux, ce Gamaï ?


C’était qu’échapper à la prison pour mettre en colère un baron du crime ou quelque chose dans le genre ne lui paraissait pas non plus un très bon calcul. Karm secoua la tête.


P’tit trafiquant. J’le cherche pour avoir des infos. Promis, c’qu’on s’dit là, c’est probablement ta conversation la moins dangereuse de la journée.


Le gamin se mordait l’intérieur de la joue en réfléchissant. Mais l’honnêteté des Jedis était légendaire, et puisque celui-là avait promis…


Ben ma meuf, sa mère elle tient une pension au-dessus du bordel de l’astroport…


Elle tenait le bordel aussi, mais ce fut un point qu’il s’abstint de préciser.


… et l’autre jour, elle rigolait parce que y a un Rodien vachement chelou, genre, difforme qu’est venu pour crécher la semaine.
L’autre jour, c’était y a longtemps ?
Avant hier.


Karm plissa les yeux d’un air soupçonneux.


Fais gaffe, si tu me baratines, j’te retrouve. Je peux suivre ton esprit à la trace, maintenant.


Il s’en voulait un peu de jouer des superstitions d’un gamin mal informé sur les aptitudes réelles d’un Jedi, mais l’effet recherché fut immédiat : le voyou bafouilla toutes les promesses qui lui vinrent à l’esprit que ces informations étaient exactes et, après l’avoir écouté patauger pendant quelques secondes, Karm hocha la tête et le laissa déguerpir avec son complice.

Direction l’astroport, donc. Cette fois-ci, le Jedi marchait d’un pas décidé : c’était l’une des rares destinations qu’il connaissait, dans cette ville dont l’urbanisme relevait de l’anarchie la plus totale. Après une bonne demi-heure, un néon holographique prometteur l’accueillait en grosses lettres rouges :


CHEAP DANCING


Tout un programme, songea l’Ark-Ni, avant de pénétrer dans l’établissement. À l’intérieur, sur des podiums, des femmes au sens du rythme approximatif et aux courbes plus que généreuses ondulaient vaguement sous les regards presque indifférents des clients. La danse n’était qu’un prétexte à payer pour un quart d’heure dans les alcôves, où se soulageaient les instincts les plus primitifs. Un droïde essuyait le bar avec des grincements rouillés.


Pour la pension, demanda le Jedi, sans prêter attention aux danseuses, qui elles-mêmes avait l’air dans un état second ?
Krrkrrszzzztr, répondit le droïde.
Pardon ?
Faut lui mettre un coup sur le crâne, intervint un client accoudé au bar, le dos tourné aux danseuses, plus absorbé par sa boisson que par leurs flasques révolutions autour des barres des podiums.


L’homme se pencha au-dessus du zinc et frappa le côté du droïde d’un plat de la main.


Pre. Nez l’esc. Alier. À gau. Cheucheucheucheu.
Merci, fit Karm plutôt au client qu’au robot.


L’escalier était recouvert d’un vieux tapis rouge qu’on avait dû installer en pensant donner à l’endroit une touche de luxe décadent mais que l’âge et un liquide dont Karm préférait ignorer la nature exacte avaient rendu spongieux. Le Gardien gravit les marches deux à deux, pour avoir à y poser les pieds le moins possible.


Au bout de l’escalier, une femme avec une prothèse de bras hors d’âge tirait des bouffées d’une cigarette de mauvaise qualité.


Ma p’tite, déclara-t-elle en voyant Karm approcher, si tu cherches du boulot ici, il te faudra plus de poitrine. J’peux te conseiller un chirurgien Gand pas trop cher qui te fera ça au rabais si t’es prête à donner un peu de ta personne.
J’viens pas pour ça, coupa la petite en question pour s’épargner tout l’argumentaire de vente. J’cherche un Rodien. Gamaï.
J’ai l’air d’être l’office du tourisme ?
Moi j’ai pas l’air d’être une Jedi, répliqua Karm en posant son sabre laser éteint sur le comptoir, et pourtant…
Oh là, doucement, la p’tite demoiselle, j’ai tous les permis qui faut pour le club et…
J’m’en fous du club, j’suis là pour le Rodien.
Y a une récompense à la clé, demanda la patronne avec un regard soudain brillant d’intérêt ?
Ouais, fit Karm, le fait qu’la visite s’en tienne à moi et soit pas suivie par celle d’enquêteurs républicains.


La tenancière se renfrogna.


C’est bon, on peut demander. Chambre 23. Mais moi j’ai rien à voir avec ses trafics, hein, je croyais que c’était un client comme un autre.


Karm s’abstint de répondre, mais la femme lança derrière lui dans le couloir :


Et j’ai toutes les licences !


Quelques secondes plus tard, Karm frappait à la porte de ce qu’on appelait une chambre et uqi portait le numéro 23.


Occupé, répondit une voix de fausset de l’autre côté !
Ben ouais, c’t’un peu pour ça que je frappe, répliqua le Jedi.


Silence.


J’ai pas toute la journée.


Nouveau silence.
Et puis la porte s’entrebâilla lentement et les yeux globuleux et rougis d’un mi-Rodien y firent leur apparition.


Salut.
Quoi ?
Parait q’v’z’avez mis les mains sur des fragments de cartes des industries Tangan qui datent du début de l’installation sur Iol.
P’têt bien. Intéressé ?
Carrément.


Avec des gestes précautionneux, Gamaï ouvrit sa porte et laissa Karm pénétra dans le taudis qui lui servait de repaire temporaire. Sa valise n’était pas même ouverte et le Jedi le soupçonnait d’attendre un vol en partance pour une autre planète et de réduire ses contacts sur Tatooine, pendant une escale forcée, au strict minimum.


Ça coûtera…
J’représente l’Ordre Jedi.


À ces mots magiques, Gamaï commença à rouvrir la porte. Karm tendit la main et une projection télékinésique maintint le panneau métallique en place.


Zen, y a que la carte qui m’intéresse, le reste, c’est pas mon problème.
Je l’ai achetée légalement !
J’ai du mal à le croire, mais admettons. Tout c’que j’veux, c’est faire une copie. Pour les archives de l’Ordre.
Si je me mets à distribuer des copies à tout le monde, elle va plus valoir grand-chose, ma carte.
Si tu finis en taule, elle va plus valoir grand-chose non plus.


Le visage difforme de Gamaï se congestionna encore un peu plus. Karm n’aimait guère recourir aux menaces, mais il se consolait en se disant qu’il était probablement beaucoup plus coulant avec le trafiquant que ne l’aurait été une Sentinelle dépêchée pour récupérer ces informations manu militari.


Et vous allez en faire quoi, de ces copies ?
Archivage.
Ça vous fait une sacrée trotte, pour agrandir des archives, fit Gamaï d’un ton méfiant.
On sait jamais à quoi ressemblera la guerre demain, où elle se passera, on aime bien avoir des infos de qualité.
Vous pouvez pas vous contenter d’envoyer des satellites ?
Les vieilles cartes, c’est parfois plein de chemins oubliés.


Il n’était pas impossible que cette carte-là finisse par trouver son chemin dans les mains des Siths aussi, mais sans moyen de déterminer son origine, et donc le nombre de ses copies, l’ExploCorps avait jugé qu’empêcher la circulation de l’information exigerait des efforts trop considérables, et peut-être vains.


Et si je coopère, demanda Gamaï qui essayait de se dire qu’il avait encore le choix ?
On saura s’en souvenir, hasarda Karm, qu’on n’avait pas autorisé à faire le moindre pacte.
Ça veut dire quoi, ça ?
Rien de plus que ce que ça dit, j’vais pas te filer une immunité sous prétexte que t’as quinze données éparpillées sur un vieil holodisk.


Le Rodien soupira. La rude réalité, c’était qu’il ne voyait guère d’alternative. Il ne savait pas si le Jedi pouvait techniquement l’arrêter, mais il était hors de question de courir le risque. Et tant que ça ne l’empêchait pas de revendre l’original derrière, après tout… Le trafiquant se détourna donc de Karm pour fouiller dans les infimes compartiments secrets de sa valise, avant d’en tirer un datapad sur lequel était monté un lecteur bricolé par ses soins, capable de lire des holodisks hors d’âge.


Karm connecta son datapad et la transmission des données prit une bonne demi-heure, l’une des plus embarrassantes de sa vie, pendant laquelle Gamaï et lui entretinrent un long silence, après avoir essayé, sans succès, de parler de la pluie et du beau temps, c’est-à-dire, sur Tatooine, de la sécheresse et des tempêtes de sable.


Bon, ben, merci.
J’vais pas dire que tout le plaisir était pour moi, hein.
Certes.


Le Jedi resta un moment planté au milieu de la chambre, à la recherche d’une phrase d’adieu philosophique, encourageante et spirituelle, à la hauteur de la situation, mais il finit par hausser les épaules et quitter la pièce. Retour au couloir…


Toutes les licences, vous entendez !


…, retour à l’escalier beaucoup trop moite pour être honnête, et retour aux rues presque irrespirables de Mos Eisley.


Heureusement l’astroport était tout près : Karm avait besoin d’une longue, d’une très longue, d’une très, très longue douche.
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