Karm Torr
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Quelques jours plus tôt

— … avoir une telle flotte près de l’espèce Hutt, ce sera idéal, et c’est pourquoi le Conseil souhaiterait que tu y accompagnes un Consulaire.
— Hm.

Aider la République à reprendre contact avec son peuple, ce n’était pas tout à fait la mission dont Karm aurait rêvé. Bien sûr, il avait envie de revoir les siens, de retrouver la Flotte Ark-Ni, de parcourir à nouveau les coursives de ces vaisseaux incroyables faits de bric et de broc, où il avait vu le jour et passé les premières années de sa vie. Mais pour lui, cette société, sa société, était encore l’une des dernières à être épargnée parce ce qu’il avait du mal à ne pas considérer parfois, à l’instar de certains indépendants, comme du colonialisme impérialo-républicain.

— Le Consulaire en question serait le Chevalier Luke Kayan, précisa Maître Wong.
— Hm.
— Tu vois de qui il s’agit ?
— Ouais ouais.
— Il est difficile à manquer.
— C’est le Hutt avec la raie sur le côté.
— Euh… Non.
— Non ?

Maître Wong plissa les yeux. Elle travaillait avec Karm depuis plusieurs années déjà désormais mais l’humour du Chevalier restait difficile à cerner.

— Tu devrais te mêler plus souvent aux autres Chevaliers.
— L’autre jour, j’suis allé à la cantine…
— Non mais je veux dire… Bref, peu importe. Si tu pouvais préparer un rapport préliminaire pour Luke et l’envoyer avant le départ, ce serait parfait. Tu le brieferas à bord du Trépidant, bien sûr, mais c’est toujours mieux d’avoir des archives.

Karm hocha la tête. Il allait sortir du petit bureau de l’Archéologue en Chef, chargée pour l’occasion de transmettre le message du Conseil, quand celle-ci lança négligemment :

— Audio, le rapport. Kayan est aveugle.

*

La foule se pressait dans tous les sens au spatioport d’Ondéron mais on était loin encore de la cohue des mondes du Noyau. Karm s’était frayé un chemin facilement, dans sa tenue de voyageur, qu’il avait préférée comme la plupart du temps aux habits à ses yeux trop peu discrets des Jedis. On l’aurait pris facilement pour un adolescent en transit, venu faire son éducation en voyageant à travers la Galaxie ou à la recherche d’un petit boulot sur l’un des navires en partance.

Le Trépidant était un cargo bakurien a priori sans histoire, qui faisait régulièrement la navette entre la Bordure, le Noyau et Bakura elle-même, pour transporter le bacta. C’était le genre de vaisseaux auxquels les grandes compagnies de la planète sous-traitaient le transport de bacta pour les clients secondaires, afin d’économiser les coûts d’entretien d’une flotte trop importante. Le Trépidant venait d’alimenter les hôpitaux d’Ondéron et il repartait à vide se ravitailler.

Le capitaine avait accepté de prendre les deux Jedis à son bord : c’était un peu d’argent en plus et toujours moins cher pour l’Ordre que les vols commerciaux. Le confort serait spartiate mais les Jedis ne se plaignaient pas de ce genre de choses, pas plus que du manque de distractions sur les vaisseaux de ce genre. Karm ne s’était pas étendu sur les raisons de son voyage auprès de Goban, le capitaine, un Bakurien qui avait raté, vingt ans plus tôt, les examens d’entrée aux académies militaires et qui s’était reconverti dans cette vie apparement moins palpitante.

Il s’était glissé à bord, il avait jeté son sac sur l’une des deux couchettes qui, en haut de la cabine, se faisaient face l’une l’autre, dans quelques mètres carrés sans même une cabine de douche haute-pression, puisque tout l’équipage partageait la même, sauf le capitaine, au bout du pont des quartiers. Habitué à la naissance au silence infini de l’espace, l’Ark-Ni avait gardé son casque d’isolement sur les oreilles, pour ignorer au moins un point tous les bruits de l’astroport. Il ne le fit glisser sur sa nuque qu’en sentant la présence d’un autre Jedi qui grimpait à bord.

Le poing solide du capitaine frappa contre la paroi métallique.

— Yep.

La porte coulissa dans le mur, révélant le Bakurien qui avait accompagné Luke jusqu’à la cabine.

— On est au complet, on va y aller. Premier saut dans trente minutes, le temps de quitter l’orbite, ça durera deux heures, puis on débouche près d’une géante gazeuse, alors faudra recalculer pour un second saut, quatre cinq heures, et on arrive à la station de ravitaillement.

C’était là où ils feraient escales et où les deux Jedis avaient rendez-vous avec un cousin éloigné de Karm, qui serait leur contact pour localiser la flotte ark-ni. Goban considéra les deux Jedis qui, ni l’un ni l’autre, n’en imposait beaucoup. En lui-même, il se dit que ça ne devait pas être une mission bien importante qui avait lieu là, pour qu’on la confie à ces deux spécimens.

Karm, lui, fixait Luke : c’était le premier Hapien qu’il voyait et c’était une sacrée expérience. Il comprenait ce que Wong avait voulu dire par « difficile à manquer ».

— Bref, conclut le capitaine avant de se détourner, pour donner les derniers ordres sur la passerelle de commandement.

Dédaignant l’échelle, Karm sauta souplement au bas du module sur lequel était juchée sa couchette.

Que Luke ne pût le voir ne rendait pas nécessairement l’Ark-Ni plus facile à cerner. Sans aucun doute, bien sûr, sa présence dans la Force révélait beaucoup de ce que son apparence physique cachait : l’aura de Karm trahissait une discipline mystique et martiale implacable, annonçant un danger que ses traits juvéniles dissimulaient toujours. Et pourtant, quelque violence savamment maîtrisée qui dormît là, Karm était aussi détourné du Côté Obscur qu’on aurait pu l’attendre d’un Jdi — et quelque danger bien réel qu’il représentât pour d’éventuels adversaires, il ne s’en mêlait pas moins à son aura beaucoup d’incertitude et de fragilité.

Une incertitude qu’il se chargea d’ailleurs d’illustrer.

— Euh… salut…

Il avait murmuré, d’une voix douce, mais Luke aurait bien fait de s’y habituer : on n’élevait pas la voix, chez les Ark-Ni, et il était quasi impossible d’y distinguer à l’oreille les hommes des femmes. À la vue aussi, du reste.

Karm hésita à tendre la main mais il n’était pas sûr de ce que son acolyte du jour percevait, vraiment, alors à la place, il fourra les siennes dans ses poches. Ça l’empêcherait d’essayer de communiquer en faisant des gestes, qui représentaient les trois quarts du vocabulaire ark-ni.

— J’ai pris la couchette de gauche, ‘fin c’pas comme si on allait dormir, du coup on s’en fout un peu, mais si jamais… ‘fin bref.

Le vaisseau se mit à trembler : on avait allumé les moteurs et le décollage ne tarderait guère. Karm se décida à être vaguement poli, à cesser d’examiner l’Hapien sous toutes les coutures et à s’adosser à une paroi, faute de siège.

— T’as eu mon rapport ?

C’était un peu bizarre de se dire que Luke avait écouté sa voix lui exposer les rudiments de la société ark-ni pendant trois ou quatre heures sans l’avoir jamais rencontré.

— Si y a des questions, j’peux répondre. Ou… j’sais pas. C’toi le chef.

Luke avait beau être moins âgé que lui et Karm avait beau être le spécialiste de ce qu’ils s’apprêtaient à découvrir, ce dernier, fidèle à lui-même, ne se sentait pas de taille à prendre la responsabilité des opérations.
Luke Kayan
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- Bonjour

D'une voix toute aussi douce, Luke avait répondu à son interlocuteur-un certain Karm Torr- quoique son ton soit naturellement un peu plus haut. Le jeune homme avait beau faire des efforts, il lui serait difficile de parler plus bas encore qu'à son habitude. Une personne silencieuse était, pour un aveugle, une véritable plaie, puisque malgré une ouïe bien développé, l'handicapé en question peinait à situer son interlocuteur. Heureusement, le blond avait des affinités avec la Force, et autant dire que ces dernières étaient excellentes. Il put donc tourner son regard vairon, ourlé de longs cils fins-admirablement délicats et jolis mais ne servant guère sa crédibilité de guerrier, ou plus simplement, membre du sexe fort.- vers la silhouette de Karm, balayant son visage d'une façon semblable à celle d'un vivant.

- J'ai écouté votre rapport avec attention- appris par cœur serait plus juste concernant le si sérieux Luke.- et compris la plupart des coutumes Ark-Ni... Société à laquelle vous appartenez par ailleurs.

Souligna le blond, arquant légèrement un sourcil en réponse aux dernières paroles de son interlocuteur. Toutes les précisions apportées par le rapport, l'âge de Karm, sa situation laissaient sous-entendre qu'il devait naturellement diriger les opérations. Lui-même de nature plutôt suiveuse, Luke ne saisissait pas cette offre empoisonnée de chef. Pareillement, la mission l'avait surpris. Pourquoi choisir un aveugle pour évoluer au sein d'une société quasi-silencieuse aux gestes abondants? C'était un non-sens plutôt étrange venant d'un Conseil si avisé. Lorsqu'il avait appris sa destination, le Hapien ne s'était d'abord guère formalisé puisqu'il possédait la surprenante capacité à se mêler dans les foules malgré son physique et son handicap particulier. De là à devoir négocier l'installation d'une flotte-idée qui ne le réjouissait pas spécialement, ni n'adhérait à ses idéaux par ailleurs.-. Lui qui pensait devoir arrêter un criminel réfugier ou mener discrètement une enquête allait rencontrer la crème de la crème de la société ennemie des mots.

- Les Ark-Ni pourraient-ils avoir des requêtes prioritaires? Bien matériels ou traités, nous disposons d'une certaine marge afin de négocier avec eux. L'idée serait de conclure un pacte arrangeant tout le monde, sans léser qui que ce soit. Et ce afin de respecter nos idéaux, mais aussi de le maintenir sur le long terme. Voilà le fond à respecter. Pour la forme, je le sais, adopter certaines coutumes afin de ne pas froisser nos hôtes. Auriez-vous d'autres faits et gestes, salutations spécifiques?

Le blond laissa glisser son sac sur la couchette droite et s'y assit, dégageant doucement les pans de sa toge brune- il se sentait rassuré, membre d'une famille, le corps enlacé par sa tunique beige soigneusement repassée ainsi que son long manteau, simple mais propre.- afin de ne pas l'écraser. Vu la dureté du matelas,
c'était presque comme s'il avait choisi un de ces bancs au milieu du parc, raidi par les vents et refroidis par la pluie.

- Il n'y a pas de chef pour cette mission- Acheva doucement le Jedi qui voulait établir un climat de confiance.- Je préférerais un bon travail d'équipe.

L'aura saine de Karm était un indice rassurant quant à la prévision du déroulement de la mission à venir. Ainsi, bien qu'il soit tendu, le jeune homme sentit ses épaules se relâcher. Il retira de son poignet un élastique quelconque afin de se faire une demi-queue tout en hésitant légèrement. Dans une certaine tribu primitive, la façon de se peigner indiquait un rang, une insulte ou un état d'esprit. Tout devait être soigneusement calculé, et parfois plus encore dans les sociétés urbaines.

Le silence s'installa, Luke n'était pas spécialement loquace, sauf si on ne lançait sur un thème qui le passionnait comme la Force. Un sourire poli effleurant ses lèvres parfaites de Hapien, il attendit,
les mains posées sur les genoux, sagement, que l'appareil ne décolle. Une fois le Trépidant parti,
le blond fouilla dans sa besace pour en ressortir ses notes, près à tout relire-ou plutôt réviser-,
et leva en l'air, une petite pointe qui lui servait à percer le papier.

- Je suis prêt pour une leçon approfondie.

Signala-t-il, heureux de rompre l’étourdissant silence, bien qu'il le fit sur un ton bas normalement réservé aux confidences. Apprendre, il aimait cela et surtout, ça lui réussissait. Luke était une véritable éponge, sa mémoire sans cesse travaillée pour pallier son handicap secondait efficacement un esprit aussi vif que curieux.
Karm Torr
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Un frisson de satisfaction courut dans le dos de Karm quand il sentit le vaisseau se soulever enfin de terre. Des années passées à courir la galaxie, de planète en planète, toute la formation sur Ondéron n’avaient pas suffi à lui ôter cet amour de l’espace que les Ark-Ni avaient chevillé au corps.

Il y avait quelque chose cependant — quelque chose aux frontières de sa conscience — quelque chose…

— Ce vaisseau, souffla-t-il pour lui-même…

Et c’était parti. Une impression fuyante. Dans le silence relatif de la cabine, troublé seulement par les vrombissements de la carlingue et les deux respirations du Jedi, Karm essaya de retrouver le fil de cette intuition, sans succès. Ce n’était rien, peut-être — ou quelque chose à apprendre plus tard.

Philosophe, le Jedi se détacha du mur pour grimper à son tour sur la couchette. Ses yeux étaient revenus se poser sur Luke. Est-ce que les Hapiens étaient humains ? Des humains comme les Ark-Ni, qui ne ressemblaient vraiment pas aux autres humains ? Karm ferma les yeux, se massa l’arrête du nez et chassa les pensées parasites.

— Comme j’le disais, dans le rapport, notre… leur…

Il s’interrompit, à cause du sentiment désagréable et familier d’être ni tout à fait l’un des leurs, ni tout à fait un étranger.

— La société ark-ni, se décida-t-il finalement, c’est pas tellement hiérarchisé. Ni par l’âge, ni par le sang, ni par, comment vous diriez ça ? Le sexe. Ou le genre. Alors faut pas spécialement être plus poli envers telle ou telle personne. C’est genre tout à fait possible qu’on passe plus de temps à négocier avec une gamine de six ans que les autres jugeront maligne et perspicace qu’avec un vieux type qui en a vu d’autre. Et de toute façon les décisions se prendront collectivement. Du coup, le truc, c’est surtout d’être poli envers le groupe.

Dans son rapport, il avait expliqué comment la société était structurée : les lignées, les clans, les vaisseaux. Plusieurs lignées dans un même clan, plusieurs clans dans un même vaisseau. Les astéroïdes, les stations. Les rotations entre les affectations. Les assemblées délibératives. Les fonctions électives ou tirées au hasard.

— Faut pas parler fort. De toute évidence. C’t’une question de… Quand on vit sur un vaisseau, OK, des fois faut réparer des trucs à l’extérieur, des fois les comlinks marchent pas, des fois faut écouter les moteurs. Alors si des gens prennent trop d’place en parlant, ça… Parasite tout le système.

Ça, évidemment, c’était la théorie pragmatique, la genèse de la langue ark-ni, et ensuite, toute la culture s’était ajoutée par dessus.

— Faut laisser les gens parler. Pas se dire qu’on aura pas l’occasion d’en placer une, parce que tout fonctionne pour que chacun puisse parler. Pour que chacun sente qu’il peut décider, que personne ait l’impression d’être prisonnier à bord du vaisseau. Les Ark-Ni jugent les Planétaires à… Deux trois choses. Des trucs qui rebutent d’avance. Et si on fait pas ça, si on fait pas ces trucs qui rebutent…

Le vaisseau venait d’accélérer, après avoir survolé la capitale, pour entamer sa sortie d’atmosphère.

— … on est déjà un peu d’la société. Du coup… D’un, pas classer les gens. Et surtout, disons, pas essayer de les individualiser. Un vaisseau ark-ni, c’est pas une fourmilière, mais révéler son identité à quelqu’un, c’est super personnel. La plupart des gens vont te filer systématiquement le même nom et même si tu les voyais, tu pourrais pas les différencier. Quand tu parles à quelqu’un, c’comme si tu parlais au groupe et puis voilà. De deux, pas donner l’impression qu’il nous… leur manque quelque chose. C’t’évident mais c’est plus difficile à faire qu’à dire parce que… Parce que la vie dans un vaisseau est super différente de celle sur une planète, et c’est facile d’avoir l’impression qu’il manque plein de choses. Mais souvent, c’t’un choix des Ark-Ni de pas avoir ces choses. Du coup, faut pas offrir des biens matériels, comme si c’était quelque chose de désirable. Les Ark-Ni, c’est des commerçants, s’ils ont besoin d’un truc, ils le diront tout seuls.
— À tout l’équipage et aux passagers, préparez-vous pour la sortie d’atmosphère.

Pure précaution de la part du capitaine : à part quelques secousses un peu plus sensibles que les autres, le Trépidant commença sans encombre à se tirer de l’orbite d’Ondéron. Bientôt, il filerait dans l’espace, jusqu’à être suffisamment éloigné des puits de gravitation pour se lancer dans son premier saut hyperspatial.

— Ouais, et donc, de trois, éviter de présenter des… J’sais pas comment dire. Des groupes abstraits. La République, l’Empire, tout ça, ça leur parlera pas. C’est tout petit, comme monde, les Ark-Ni. Tout le monde se connaît. L’idée d’un méga-État sur toute une galaxie avec des gens qui suivent les mêmes règles mais qui se sont jamais vus et qui partagent rien, c’est…

Il haussa les épaules avant de conclure, dans un ton où se mêlait la mélancolie et la gêne :

— … lointain.

Autant dire que rien ne l’avait disposé, lui, Karm Torr, à se sentir attaché à la République. Même après les innombrables leçons des Jedis, elle restait pour lui une notion vague et sans consistance, à laquelle seule la menace des Siths donnait un peu de pertinence. Ce n’était sans doute pas une surprise, dès lors, si le Chevalier passait l’essentiel de son temps à parcourir pour le Corps d’Exploration les planètes inconnues de la Bordure Extérieure.

— ‘Fin bref. Les Ark-Ni sauront pas c’que c’est qu’un traité. Un contrat commercial, pour un truc particulier, précis, dans le temps, livraison et paiement, ça oui. Mais un traité, non. C’qui les intéressera ce sera, probablement, genre, de la technologie pour des vaisseaux. L’accès à des stations de ravitaillement militaire. Des concessions sur des astéroïdes miniers. Ce genre de trucs.

Il était rare que Karm parle autant mais évoquer les vaisseaux de son enfance, penser à cette famille qu’il reverrait bientôt, invitait à une nostalgie qui lui déliait la langue.

— Après, bon, j’pense t’as pas tellement besoin de mes conseils. T’as dû faire ça souvent, pas vrai, prendre contact avec des sociétés différentes et tout ? Moi, en général, mes missions, c’est moi et des milliers de kilomètres de solitude.

Des milliers de kilomètres plein de volcans non-référencés, de prédateurs inconnus, de sables mouvants et d’artefacts obscurs abandonnés depuis la nuit des temps, mais Karm ne s’en plaignait pas.
Luke Kayan
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[HJ: J'essaye le style du 2tu" qu'en penses-tu?]

Virevoltent tes doigts, habitués à percer habilement des centaines de petits trous qu'un droïd diligent traduira ensuite au Conseil, voyant. Ton nez légèrement en trompette se fronce, gâchant comiquement la beauté peut-être trop parfaite de tes traits. Toutes ces informations sont difficiles à enregistrer et, malgré ta capacité d'acceptation liée à celle d'adaptation, elles te sont étrangères. à vrai dire, rarement tu as eu à faire face à des coutumes aussi délicates. Sur Coruscant, y compris au Temple, tout est extraordinairement bien défini. Les garçons résident dans le dortoir des garçons, les filles en tombent amoureuses, et vice-versa. Dans ta propre communauté, les rangs sont établis de manière stricte, un Padawan doit respecter un chevalier, même injuste-heureusement cela n'arrive pas, le Conseil veillant sagement au grain.- et ces dits chevaliers sont divisés. Les Gardiens et les Consulaires, lesquels parfois ne s'apprécient pas vraiment, les premiers reprochant aux seconds leur faiblesse, tandis que ceux-ci déplorent leur brutalité. Dans ce monde complexe, aveugle et docile, tu t'es creusé ton petit trou, remarquable de part le statut exceptionnel de ton maître et ta maîtrise de la Force, aussi bien que pour ton manque de don évident à manier le sabre-laser. Tu sais où tu dois te ranger et ne déroge guère de ta place, confortablement installé. En somme, un petit administratif, diplomate, appréciant sa routine quotidienne faite d'exercices physiques puis de recherches entre deux repas frugaux. Seule ta cécité bouscule légèrement les barrières, donnant moins d'importance au sexe que tu ne distingue pas toujours de prime abord. Pour toi, les deux genres sont plus ou moins mêlés, formant une aura, une présence plus qu'une paire de seins plats ou montagnards. La seule chose que tu sais en ce qui concerne les hommes et les femmes, c'est que tu ne rentres pas, malgré toi, dans le rang. Au début cela te gênais, discret apprenti, désormais, tu as réglé le problème. Le matériel ne t'intéresse plus, voici plus d'un an que tu t'en es totalement détaché, oubliant les besoins vicieux d'un corps abandonné.

- Laisser les gens parler, il n'y aura aucun souci de ce côté là. Au contraire, cela nous facilitera la tâche.

Peu bavard, paradoxal pour un diplomate? Pas tant que ça en réalité, surtout quand on adopte ta méthode: se taire, écouter les confidences, trier. Tu mènes les gens à parler, à se confier et en cela ton handicap aide curieusement beaucoup. Les autres ont confiance en tes grands yeux disparates, légèrement fixes, manquant de vie, certes, mais purs et brillants d'une neutralité aussi douce que l'eau cristalline des lacs les plus sauvages. Ton propre corps les a laissé partir, il y a longtemps, dans une contrée connue d'eux seuls. Car ils voient encore, c'est ce que t'as dis le médecin, seulement, ils ne communiquent plus avec ton cerveau. Les nerfs ont été irrémédiablement touchés, et les gens semblent s'en rendre compte, ce qui les pousse à interpréter que ceux de tes oreilles également. Tu ne parleras pas de leurs malheurs, tu seras sourd aux tentations de divulgation. Alors ils se confient, ils expliquent et toi, tu écoutes avec cet intérêt poli, tu apprends et retiens. C'est ta façon de négocier et par chance, elle semble convenir aux Ark-Ni.

- Bien- Tu reprends d'une voix basse qui te semble inaudible.- Alors sous quel "nom" pourrions-nous nous présenter? Jedi suffirait pour nous deux?

Tu proposes, un peu étonné par cette petite société qui ne semble pas vouloir plus d'explications, alors que toi, tu dévores des livres entiers sur les communautés, les villes, et même les paysages. Tu aimes tant apprendre, parfois trop. Chercherais-tu à noyer ton chagrin?

- Je n'ai pas si souvent négocié- Avoues-tu sans complexe, avec une simplicité digne de celle que recherchent les Ark-Ni, du moins de ce que tu as pu saisir.- et je ne maîtrise pas suffisamment le concept de cette société-Ce n'est jamais suffisant à ton goût de toutes manières, amoureux de la perfection.- Mais je pense que les éléments que vous... -Ah oui, ne pas classer les gens.- tu me donnes sont aussi précieux qu'encourageant. Nous fermerons ce dossier avec succès, pourvu que nous jouons proprement, certes, mais aussi avec finesse. D'ailleurs, étant donné que tu fais partie de cette société, je pense qu'il serait judicieux que tu nous présente. Puis, la conversation pourrait verser sur le "traité commercial".

Confiant, tu examines du bout des doigts tes dernières notes. Ce qui intéresse le gouvernement Ark-Ni n'est pas difficile à obtenir, peut-être même que tu pourras t'octroyer l'initiative de le leur offrir sans passer par la bureaucratie complexe afin d'avoir les permis. Faciliter les négociations, rendre le résultat plus immédiat devrait avoir un effet positif sur cette société simple. Voilà qui te réjouis car même si la mission n'est pas prioritaire, tu comptes la boucler en tant que tel, lui accordant une attention presque exagérée, comme toujours. Ce trait de caractère finit toujours par t'épuiser, il te rend plus lent, moins prolifique que d'autres mais tes rapports sont certainement des plus parfaits qui soient, rendus en temps et en heures. Ton travail est celui d'une fourmi, à l'ombre des grands qui s'illustrent au sabre. Pour un aveugle, normal.

- Je ne te connaissais pas, malgré notre âge proche, es-tu rattaché au Temple d'Ondéron ou de Coruscant?

Les mots du Capitaine semblent t'avoir inspiré. Vous venez juste d'accélérer. Il reste encore de nombreuses heures. Tu fais un effort pour exprimer une curiosité, certes sincère, mais timide.
Toujours cette peur d'ennuyer, d'être rejeté. De ce côté, petit chevalier, tu n'as jamais réellement grandi.
Karm Torr
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— Tu peux te présenter avec le nom qui te convient. Les Ark-Ni savent que les autres ont leur propre coutume et puis… Ce serait perçu, comment dire ? Pas, genre, comme une insulte, mais bizarre, si tu cherchais à te fondre dans le moule, alors que de toute évidence, t’es pas du pays. Un peu comme si tu venais avec un déguisement folklorique, quoi.

Il avait failli rajouter « tu vois ? » mais s’était habilement retenu.

— Moi, les gens m’appelleront Karm. Comme dans l’Ordre, quoi. C’est le prénom de lignée. Tous les enfants de ma mère s’appellent comme ça. C’est c’qu’on utilise pour les autres qui sont pas de la même lignée. Torr c’est le nom de mon clan, c’est c’qu’on utilise pour les étrangers. Et hm… Les gens qui sont de la même lignée que moi, ils m’appellent Abd. C’est mon prénom personnel. J’ai d’autres prénoms mais après ça devient compliqué.

Oui parce que, jusqu’à présent, tout cela était d’une simplicité sans reproche. Il suffisait de se dire que chaque membre d’une lignée était susceptible de fonder sa propre lignée et de transmettre son propre prénom pour comprendre que les généalogies ark-ni ressemblaient probablement à des calculs hyperspatiaux pour passer les systèmes à trous noirs.

Karm finit par s’allonger sur sa couchette, croiser les mains sous la nuque, fermer les yeux et écouter les bruits du vaisseau — à le sentir s’enfoncer dans l’espace, là où la vie était moins nombreuse, la Force différente, plus discrète ou plus concentrée. Il sentait Luke, surtout, à moins de deux mètres de lui, sur l’autre couchette, son souffle, les battements de son cœur, sa présence.

— Ondéron. Théoriquement.

D’ordinaire, il se serait contenté de cette réponse lapidaire mais il avait bien conscience que s’il devait collaborer avec Luke sur une mission diplomatique, il lui faudrait se faire violence et livrer un peu plus qu’il n’en avait l’habitude. Et puis Luke était différent. Aveugle, bien sûr, mais pas seulement. À part. Et les gens à part, Karm supposait qu’ils le comprendraient mieux. Le jugeraient moins.

— J’suis rattaché au Corps d’Exploration Jedi, j’sers d’éclaireur pour les planètes désertes ou dangereuses. Repérer les sites archéologiques, cartographier les endroits pour installer des avant-postes militaires, ou scientifiques, ou des camps de réfugiés, des colonies. Ce genre de trucs.

C’était une existence très différente de celle que menaient les Jedis plus engagés dans les affaires de la Galaxie et les membres du Corps d’Exploration, essentiellement composés de Jedis qui avaient échoué aux épreuves de la Chevalerie, vivaient parfois à part du reste de l’Ordre, sauf lorsqu’ils participaient à la formation théorique des Padawans, par des leçons de géographie, de cartographie et d’histoire.

— Avant j’étais plutôt, genre… Dans les interventions militaires. Le combat, c’est ma première spécialité.

D’autres que son Jedi d’interlocuteurs auraient eu du mal à le croire mais Luke pouvait sans doute sentir sans peine l’aura martiale qui se dégageait de Karm. Il y eut un moment d’hésitation et puis ce dernier avoua :

— J’suis l’ancien Padawan de Tavaï.

Tavaï s’était forgée une petite réputation au sein de l’Ordre et cette réputation n’avait plus rien de riant. L’Amarane était une Maîtresse d’Armes réputé, qui s’était illustrée dans d’innombrables batailles. Elle avait formé un Padawan et un seul, Karm, en concentrant tout son entraînement sur les arts martiaux, avec une intensité presque maniaque que le Conseil aurait probablement condamné à plus d’une reprise si Karm n’avait paru s’en accommoder à merveille. Mais depuis quelques années, Tavaï multipliait les prises de position contre la République et on racontait même qu’elle était sous la surveillance étroite des Sentinelles.

— Passagers et membres de l’équipage, premier saut dans 10… 9… 8… 7… 6… 5… 4… 3… 2… 1… Saut.

Le cargo fut parcouru par une violente vibration, ordinaire dans les vaisseaux de cette taille, surtout à vide, et puis l’obscurité d’au-delà le petit hublot de la cabine fut remplacée par les stries lumineuses de l’hyperespace. Une nouvelle fois, l’Ark-Ni descendit souplement de sa couchette, pour s’approcher du hublot et observer un phénomène dont il ne se lassait pas.

— T’es déjà rentré chez toi ? Tu viens de Hapès, c’est ça ? J’veux dire, t’es tellement, euh…

Tout un tas de qualificatifs défilèrent dans l’esprit de Karm, qui cherchait désespérément quelque chose de plus poli que « canon », « sexy » ou « hot ».

— ‘Fin, ça se voit, quoi.

Un peu trop tard, il se dit que c’était probablement une question indiscrète et qu’un Jedi plus perspicace que lui se serait abstenu de la poser. Mais maintenant qu’il avait mis les pieds dans le plat…

— Parce que c’est pas que je stresse d’y retourner, mais un peu, quand même.
Luke Kayan
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- J'ai aussi voyagé, pour étudier les interactions entre la Force et les êtres vivants de diverses planètes, ainsi que les conséquences de son absence. Sur Myrkr par exemple.

Karm est un voyageur, comme lui. D'instinct Luke te raccrocherais à lui, un jeune homme intellectuel et solitaire qui aime apprendre, c'est son créneau. Pour autant l'expérience l'assagit, il connais le résultat d'invasion de l'espace d'autrui: finir à la porte. Et c'est tout un art de mener le blond au seuil. Certains l'ont fait avec brutalité, tandis que d'autres le guidaient habilement, toutefois, quelque soit la manière, il finissait dehors, sous la pluie battante de l'ennui et de la solitude. Heureusement Saï a toujours un peu de son temps à consacrer à son fragile Padawan. Une Padawan qui l'aime tant. Que ferais-il sans lui, gamin asocial de 24 ans. Si au moins il le faisais exprès, s'il était de ces mystérieuses ombres qui se promènent, affublées de leur style qui attire d'avantage, chaque fois qu'ils rejettent autrui. Mais non, Luke, il essayes sans succès. Triste tableau noir d'un gosse qui veut mais ne sait pas.

Plus chagrine cependant, est la situation de Karm, lequel a eu un maître à la réputation déjà grisée à l'époque, aujourd'hui sombre. Le Consulaire le plaint silencieusement. Sans la lumière de Saï- si brûlante soit-elle parfois, chargée de devoirs pour lui, le plus connu de ses Padawans.- il se serait déjà pris un mur en pleine figure. Un de ces murs qui laissent K.O dès le premier choc, une fine silhouette comme la sienne.

- C'est bien, ce que tu fais, maintenant. J'étais assez célèbre pour ma nullité au sabre, quant à moi.

C'est tout. Un constat et une touche d'humour. Ça résume son soutien, ce qu'il pense des prouesses de son interlocuteur, car on peut parler d'exploit lorsqu'il s'agit de quitter le manteau dont un tel Maître peut vous affliger. L'idée d'avoir cette Tavaï en guise de professeur révulse le délicat Jedi mais il ne juges pas. Il essaye du moins. Car après tout, le faible c'est lui. Saï l'a d'abord traité comme tel, avant d'introduire plus de normalité dans sa vie. Adieu pitié pour le pauvre petit aveugle, adieu compassion pour le traumatisé. Il a réussi dans la mesure du possible et Tavaï, dans un autre style, aussi. Malgré son aura martiale, Karm semble équilibré.

Mystérieusement plus à l'aise que prévu, Luke s'allonge aussi sur ta couchette et cache son regard vairon au monde, reposant ses pupilles inutiles. Il ne rouvre les paupières que lorsque le Chevalier t’interroge sur un détail outrageusement personnel. Aussi étranger pour Luke en fin de compte que pour le curieux. Jason disait aussi que ça se voyait, ses origines, qu' il était "plus beau". Mais pour le concerné, à part une vanité incompréhensible, cette description ne veut rien dire. Du bout de ses doigts fins, inconsciemment, il tripote une mèche de tes cheveux d'or étalés autour de son visage, tel un soleil. Évidemment, il n'en sait rien, mais ce geste accentue son charme, ironiquement, il illustre les pensées de Karm dont il ignore la teneur à la perfection.

- Oui.

Luke consent à souligner ses propos en levant sa main droite pour signaler nonchalamment les deux cicatrices, aussi fines, lisses, "parfaites" que lui, dessinées par un maniaque de la beauté au scalpel. Sa planète nl'a "mieux" accueillie que prévu puisqu'il s'en est sorti vivant. Cela risque de décourager un peu Karm, cependant le Chevalier ne souhaites ni mentir, ni enjoliver la réalité. Il ne mérite pas ça, ce garçon que tu connais à peine mais auquel petit à petit, le Hapien déchu s'attache, même un peu. C'est inexorable, vous partagez une conversation personnelle, déjà. C'est un miracle pour lui, en si peu de temps, après le saut dans l'espace d'un vaisseau médical. C'est aussi effrayant que... Trépidant. Oui Trépidant justement, c'est le nom, c'est le mot.

- Mais Hapès est tout le contraire de ta planète. Les coutumes y sont aussi grotesques que complexes, basées sur un concept qui m'échappe, je l'admets. La beauté. Moi ne n'y ai vu que de la laideur. Plus que nulle part ailleurs.

Elle s'est bien moquée de Luke, la vie, rendant aveugle un descendant de la beauté. Une beauté cruelle, issue des plus belles femmes de l'espace, violées sans vergogne, puis de l'éprouvette. Superficielle et sans concession. Sa cécité est au final, peut-être un cadeau, car il a échappé à cette vanité, préférant la simplicité, tout comme les Ark-Ni, au final.

- Très bien je me présenterai là-bas en tant que Luke, simplement. Est-ce bien ainsi ?

Le jeune homme une onde de Force à Karm, rassurante. Elle flotte au-dessus des couchettes puis se glisse contre le corps de son interlocuteur, attendant d'être reçue ou rejetée. Elle semble dire "Ne t'inquiète pas Chevalier aux mèches argentées. La beauté de ton amour pour les tiens se voit, elle est intacte et solide. Ce ne sera pas pareil. C'est juste une mission mineure. Juste, ça."

- Est-ce que tu parles encore avec Tavaï?

Après tout le curieux lui a demandé pour Hapès, donc le blond peut bien lui poser la question pour son maître? Et de toutes manières sa curiosité de chercheur le ronge. Il ne saisit pas ce type de relations et admire Karm d'avoir tenu le coup. Tavaï n'est pas à juger mais quand bien même, elle l'effraie.

Le temps s'égraine, la conversation concernant la mission aussi. Cela devient... Personnel. Presque trop proche pour des gens comme Karm et Luke, habitués aux confidences muettes, étranglées, victimes de la solitude et de la timidité de leur propriétaire.
Karm Torr
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D’un hochement de tête suivi d’un « hmm hmm », Karm avait approuvé le nom choisi par Luke, avant que ce dernier ne l’encourage par la Force.

Ça, il comprenait bien : la conversation qui se faisait en silence. Chez les Ark-Ni, on signait, on touchait. Chez les Jedis, parfois, une impression était communiquée sans mot à travers la Force. C’était au moins un point commun et une familiarité, qui rassurait Karm. Il laissa l’onde courir sur sa peau, et le pénétrer, même, les yeux mi-clos.

La question sur son Maître le ramena cependant à une réalité plus brutale. Il rouvrit les yeux, cligna plusieurs fois des paupières et haussa les épaules, avant de se souvenir que Luke ne pouvait pas le voir.

— Des fois.

Il savait bien que ses liens avec Tavaï étaient compliqués à comprendre pour beaucoup de Jedis. Généralement, les jeunes Chevaliers se rangeaient en deux catégories : ceux qui gardaient un étroit contact avec leurs Maîtres, peut-être les plus nombreux, et ceux qui coupaient les ponts, non par ressentiment, mais par besoin de franchir symboliquement le seuil de l’indépendance, quitte à renouer contact, plus tard, une fois leur premier Padawan à eux trouvé.

Karm, lui, était dans l’entre-deux.

— Déjà pour l’entraînement. C’est pas toujours facile de trouver quelqu’un qui comprenne comment…

Il leva la main pour faire les signes qui pouvaient terminer sa phrase mais se ravisa.

— … je fonctionne.

C’était un peu vague, comme formule, et elle recouvrait bien des choses : difficile de trouver des partenaires à sa hauteur qui aient du temps à lui consacrer, difficile de trouver des gens pour qui le combat ne se résumait pas au sabre, difficile de ne pas être jugé sur ce que son style avait d’agressif — trop proche des techniques siths, selon certains.

— Possible Tavaï être…

Karm s’interrompit. Comme parfois quand des pensées un peu confuses se pressaient aux portes de ses lèvres, il avait mélangé le vocabulaire du Basic avec la grammaire ark-ni.

— Désolé. On reprend.

Après une profonde inspiration, il expliqua dans un basic plus intelligible :

— C’est possible que Tavaï soit dans cette période de, euh... l’âge moyen ? Là où les gens qui sont doués et qui ont des idées sont déçus par les résultats que donnent leur engagement. Là où il leur faut du temps pour accepter que le monde résiste à ce qu’on veut lui donner. La transition entre la foi et la sagesse. Quelque chose comme ça.

C’était une analyse singulièrement fine pour un garçon de vingt-six ans mais il fallait dire que Karm avait beaucoup médité le cas de son Maître. Il s’était souvent demandé s’il lui emboiterait le pas, s’il était très différent d’elle, s’il aurait dû se méfier de tout ce qu’il avait appris à ses côtés. Comprendre Tavaï, c’était aussi pour lui une forme d’introspection salvatrice.

Le jeune homme laissa échapper un soupir, mi-résigné, mi-philosophe, avant de se détourner du hublot pour considérer Luke à nouveau.

— C’est jamais perdu. Pour le sabre, j’veux dire. Après, bon, on va pas se leurrer, j’y passe des heures par jour depuis presque vingt ans, alors forcément, ça aide, y a pas d’secret.

Karm était toujours réticent à concéder qu’il disposait aussi d’un talent inné et il préférait insister sur ce que sa maîtrise devait au travail acharné.

— Mais y a pas que le sabre dans les arts martiaux jedis. Même si c’est d’venu vraiment le truc essentiel, à mesure que les blasters se sont répandus, et miniaturisés, et qu’il fallait parer et tout. Mais y a quand même tout le reste, à la marge entre le combat à mains nues et, j’sais pas, la méditation active, disons ? C’t’une manière de découvrir la Force par ses contradictions et ses conflits, pour arriver à être en paix avec ça. L’Obscur et le Lumineux, la mort et la vie, l’immobile et le mouvant, l’écosystème et l’espace infini. La violence et le combat sont pas toujours des conséquences de la haine, ça peut être la recherche de l’équilibre et de l’harmonie.

Il était passionné, c’était évident. Il était même en train d’écrire un livre sur le sujet, pour les générations futures, même s’il ne l’avait encore dit à personne. C’était compliqué d’écrire. Ça exigeait plus de clarté et de poésie qu’il ne s’en sentait capable.

— ‘Fin bon, tout ça, c’est pas des opinions super populaires dans l’Ordre, j’sais bien. Juste pour dire que le sabre c’est une chose, et que y a tout le reste. Si jamais un jour ça t’intéresse, j’peux… Essayer de te montrer. Genre là pour passer l’temps. Mais… Mais généralement, les gens comprennent rien quand j’explique mais toi…

La phrase resta en suspend. Lui, il se reposait sur la Force autant que Karm le faisait lui-même, alors peut-être les choses seraient-elles différentes.
Luke Kayan
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Luke patient, ce n'est pas toujours simple de s'exprimer. Surtout quand il s'agit de thèmes personnels. Il croit saisir, en faisant preuve d'empathie, le problème de Tavaï. Lui aussi se sent parfois déçu, fatigué de voir combien ses efforts sont vains. Au long terme surtout. C'est douloureux, plus encore à la quarantaine, certainement.

Le Hapien observe une seconde de silence, longue et respectueuse. Que peut-il ajouter? Ah oui, un d'accord voguant à travers la Force jusqu'à Karm, doux et docile. Il comprend ou du moins imagine, en effet. Tavaï est un ''monstre'' humain et son ancien apprenti ne lui en tient pas rigueur.

- Elle ne devrait pas être déçue par ce que tu es devenu. Si elle l'est je prendrai le risque de la traiter d'insatisfaite. Cela dit je comprends la difficulté qu'une formation représente. J'ai failli prendre une élève avant de renoncer. Trop obscure. Je ne pense pas encore être prêt. J'ai encore tant à apprendre.

Conclut-il, sûr de lui, une fois n'est pas coutumes. Sûr de ses propres indécisions. Toutoup, le regard de Luke s'illumine, aussi étonné que joyeux. Il y a autre chose que le sabre. Le blond toujours farouchement défendu. Saï bien eu raison de ne pas le laisser s'embourber dans un entraînement unilatéral mais il est vrai que le pauvre Hapien n'a guère de possibilité. Il ne possède au sabre, que le don de la volonté. Cela lui a servi à atteindre le niveau d'un padawan en fin de formation. Inespéré quand on s'appelle Luke Kayan.

En parlant de spécificités inhérentes au personnage, la retenue semble aussi s'apprêter à partir en voyage. Le Hapien laisse en effet danser une onde heureuse autour de lui. Elle envahit l'habitacle et délivre à Karm le message, avant même que ses lèvres ne le fassent.

- Montre-moi

C'est une exigence douce et presque langoureuse, née de l'urgence de comprendre, d'apprendre, de s'unir d'avantage encore à la Force, mère, sœur et amante.

-Les sentiments négatifs me rendent malades. Curieusement. Une puissance incroyable tentatrice m'envahit, mais mon corps trop faible réceptacle brûle de l'intérieur. Avant de sombrer, je pourrais. Mis à part une taux de midicholiriens très élevé il n'y a aucune explication au phénomène. Mais depuis que je suis en âge de le faire,
je fais des recherches sur la Force en général et ses diverses incidences.


Pudique, Luke tait le mémoire publié et celui en cours, perdant ainsi l'occasion de partager quelque chose de plus avec Karm. Sa plume aussi précise que poétique à trouvé quelques regards curieux et studieux déjà. Sans être une sommité, doucement, l'aveugle se forge un nom dont il n'a rien à faire. Il écrit pour la Force, pour les Jedis, pour les siens.

En ce qui concerne la première, il ne craint rien. Ni les règles du Temple, ni les limites d'une décence imposée par de pauvres mortels. Si la Force doit le bloquer pour lui éviter d'aller trop loin, elle le fera. Aimante. C'est sûrement pour ça d'ailleurs que le jeune homme perd ses moyens dès que l'ombre frôle son âme.


-Montre-moi

La supplique presque sensuelle malgré lui s'étale sur ses lèvres légèrement rougies par le chauffages et l'excitation à l'idée d'en découvrir plus sur la Force, sa chère Force. Il veut savoir. Et précisément de la bouche de Karm, ce sera parfait.
Karm Torr
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C’était à peine s’il ne regrettait pas déjà sa proposition, en sentant l’enthousiasme de Luke. Et s’il n’était pas à la hauteur ? Et s’il se lançait dans l’une de ces explications labyrinthiques dont il avait le secret et que l’autre Chevalier, découragé, se détournait d’une voie qu’il jugeait, lui, essentielle et précieuse ? D’un ton mal assuré, Karm souffla :

— OK…

Le jeune Chevalier considéra la cabine exiguë d’un regard circulaire avant de suggérer :

— Allons dans un hangar, y aura plus de place et c’est pas comme si on dérangera.

Il abandonna sa veste sur sa couchette et, quand Luke fut descendu de la sienne, les deux hommes quittèrent la cabine. Dans les coursives, il régnait un silence parfait troublé seulement par la rumeur lointaine des engins. L’équipage devait être à la passerelle de commandement ou dans les salles communes : pendant les sauts, le vaisseau n’exigeait sans doute pas beaucoup d’entretien. Au bout du compte, les carrières dans la marine marchande n’avaient rien de bien palpitant.

Karm n’eut aucun mal à s’orienter dans le vaisseau. C’était pour lui plus naturel que de trouver son chemin dans les rues d’une ville. Il n’aurait pas su comment bien expliquer ce qu’il comprenait des vibrations, de l’agencement des échelles, de la succession des câbles, mais il avait pour ce genre de choses la même intuition qu’un paysan pour le vol des oiseaux ou l’odeur de la terre, avant et après la pluie.

Pendant le trajet il ne dit rien, mais il jetait des regards à Luke. Ce n’était pas souvent qu’un Consulaire montrait de l’enthousiasme pour les arts martiaux, au-delà de ce qui se relevait du strict nécessaire. Ce n’était pas souvent non plus que Karm croisait quelqu’un d’aussi beau. Considération futile sans doute, mais insistante, qui lui laissait la gorge un peu sèche et l’estomac un peu noué.

Ils descendirent une dernière échelle, passèrent une dernière double porte, gigantesque, pour se retrouver dans un hangar qui avait dû abriter avant les livraisons plusieurs tonnes de marchandise. Quelques droïdes mécaniciens procédaient à des contrôles d’usage et il flottait encore dans les airs l’odeur caractéristique du bacta.

Karm s’arrêta au milieu du hangar.

— Donc.

Il se tourna vers Luke.

— Il y a un holocron d’art martial jedi qui dit quelque chose comme, hm…

Il ferma les yeux pour tenter de se souvenir précisément et récita, en traduisant à la volée la langue désormais disparue :

— Pour chacun, il est deux batailles : celle de l’intérieur et celle de l’extérieur, celle de soi et celle du monde. Celui qui cherche la paix partout ne trouvera que l’incertitude qui nait de l’ignorance, celui qui connait sa guerre intérieure, celui-là abattra le glaive de justice.

Certes.

— Bon, j’avoue, c’est pas super clair, concéda le Chevalier. Ferme les… Euh, ouais, nan, rien, pardon. Concentre toi. Sur moi. Sur mon aura.

Lui en fit de même et, à mesure qu’il entrait dans cette transe légère qui accompagnait ses batailles, ce que sa présence dans la Force avait de dangereux fut exacerbé : c’était un peu comme si Luke avait affaire à un prédateur alpha. Mais, dans le même temps, et à la différence d’un Sith, la violence que son aura promettait s’accompagnait d’un silence serein, et plus Karm semblait dangereux, plus il paraissait calme.

— L’Obscur et le Lumineux, c’est pas la distinction entre la violence et la paix mais entre le chaos et l’équilibre. Dans le chaos, y a aussi bien l’inaction que le déchaînement. Mais dans la paix, il y a autant la douceur qui réconforte que la puissance qui protège.

Voilà qui n’était pas très orthodoxe, certes.

— ‘Fin bref.

Karm rouvrit les yeux.

— Ça, c’est très théorique. Un truc plus pratique.

Il s’approcha de Luke.

— Le désavantage du sabre, c’est que ça coupe du côté vital. Euh… Physique. Physiologique.

De fait, le discours pédagogique de Karm était loin d’être bien rôdé et la nervosité de sa voix, qui trahissait le professeur incertain d’être compris de son auditoire, contrastait avec l’aura dominante qu’il continuait de déployer.

— Le combat à mains nues, c’est beaucoup plus…La compréhension de la Force vivante. Fais voir ta main.

Il ne songea pas que prendre la main de Luke pouvait être mal pris : chez les Ark-Ni, on montrait les choses, on les faisait sentir, chaque enfant apprenait à manier les pièces des vaisseaux, et toucher était essentiel. Karm pressa l’index et le majeur de Luke contre sa propre jugulaire.

— Concentre-toi sur le toucher. Et du toucher à la Force. Comme si tes doigts pouvaient sentir mes midichloriens. Les sentir courir dans mon sang, dans tout mon corps, dans mon cœur, dans mes muscles. Comme pour une guérison. Sens l’électricité dans mon dos, au creux de mes rangs. Sens comment tout mon corps fonctionne. Comment la Force le maintient en vie. Comprends-le comme on comprend une musique, un morceau, avec ses notes, ses structures, ses rythmes. Jusqu’à pouvoir prédire la note qui va venir. Jusqu’au moment où je vais décider de bouger et, pendant une fraction de seconde, entre ma décision et mon geste, ton corps anticipera le mien, et bougera, pour parer mon coup.

Bon, d’accord : ça, c’était ce qui se passait quand on avait beaucoup de pratique. Généralement, celui qui apprenait se faisait frapper plus souvent que du coutume. Histoire que les idées rentrent.

— Se battre, c’est pas un choc froid. C’est deux corps qui se comprennent. Et qui tentent d’établir un ordre nouveau. Concentre-toi.

À nouveau, Karm ferma les yeux. Contre les doigts de Luke, son sang battait avec une lenteur régulière qui trahissait un entraînement physique rigoureux. Pour un Ark-Ni, Karm était musculeux, pour un humain, ce n’était pas flagrant, mais à mesure que Luke se concentrait sur la physiologie de l’Ark-Ni, il pouvait découvrir sans peine les muscles légers mais forgés par des efforts incessants, les réflexes poussés à la limite de leur humanité par l’entraînement jedi, le souffle maîtrisé.

Et puis soudain, sorti apparemment de nulle part, l’index de Karm s’enfonça légèrement dans les côtes du Consulaire.

— T’inquiètes. Question de pratique. On recommence jusqu’à c’que tu y arrives.

Pas comme s’ils avaient autre chose à faire.
Luke Kayan
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Le trajet est difficile pour Luke, il se souvient de la bombe placée dans un vaisseau et de leur cheminement dans les cursives, un marathon pendant lequel il avait laissé son ADN sur les parois en duracier. Ses bras, ses coudes avaient été bien écorchés, à défaut de son coeur, heureusement, aux vues du résultat positif. Tous les enfants pris en otage avaient été sauvé. Par orgueil, peut-être, Luke ne dit rien à son guide actuel, suivant le rythme en froissant légèrement le nez lorsque son bras rencontre un câble, et utilisant ses réflexes pour retenir un faux pas. Par crainte, sûrement, il continue de marcher derrière celui qui veut prendre la peine de lui enseigner, à la façon de Saï Don. Bien plus qu'il ne l'imagine par ailleurs.

- Accepter la colère, la caresser pour l'apaiser tel un enfant malade. Je comprends l'idée, je connais le concept.

Il l'a côtoyé cette manière si pure de pardonner à des sentiments violents. La guerre n'a pas choisi de s'appeler ainsi. On lui a donné sa nature, et elle a dû l'accepter pour vivre, exister. C'est sa place, mais on peut, selon Karm, la rendre sereine. Curieux, Luke l'observe et l'écoute avec la même attention qu'un élève appliqué la veille de ses examens. Il ferme les yeux, comme son interlocuteur lui l'a plus ou moins demandé, faisant fi de ses excuses. Y compris pour un non-voyant, la concentration passe par un regard hermétiquement clos, du moins le sien, encore sensible aux picotements ou à la fatigue, sans parler de réactions naturelles à un bruit ou un flash. Même si son cerveau ne reçoit pas les messages, les yeux vairons continuent de vivre leur vie, dans une moindre mesure. Moins vifs mais toujours sensibles.

Le toucher? Ça le connaît. Aveugle depuis ses 7 ans, le jeune homme n'a pas de mal à situer le corps de son adversaire, ni à saisir ses proportions. Ses doigts agiles, guidés par la main de Karm, suivent parfaitement la courbe de ses veines. Presque aussitôt les informations affluent. Une peau douce donnant une fausse impression de fragilité, naturelle, sans crème pour l'améliorer, pas de défauts cutanés extravagants, des veines au rythme lent, prouvant combien ce coeur-là sait se ménager après des années de travail. Comme le sien qui bat doucement aux rythmes de sa respiration peu profonde, presque silencieuse.

Curieux, légèrement inquiet pour la forme, Luke frôle l'aura guerrière si extraordinairement contenue de son aîné. Il n'a jamais eu l'occasion de sentir une dualité si maîtrisée. On lui aurait dit sans démonstration que la guerre peut apporter la paix, jamais il n'y aurait cru, pas plus que cette idéologie habituellement grossière et arrogante de l'existence d'un chaos lumineux. Une excuse pour les esprits peu combatifs qui ne veulent pas prendre la peine de chasser la noirceur de leur âme et qui lui trouvent une place, une utilité litigieuse afin de justifier leur fainéantise. Karm c'est autre chose, il a ses propres enseignements et l'ensemble est peut-être moins "pur" que celui de Luke, mais autrement plus savoureux et méritant. Le premier s'est contrôlé tandis que le second a choisi la "facilité" d'éliminer, de renoncer.

Sous ses doigts portés à la gorge de son interlocuteur, le Jedi sent pulser la vie, ses yeux se closent avec d'avantage de force encore. Il retient une respiration, refusant la moindre interruption dans l'exercice. trois secondes trop tard, le jeune homme réagit. Conséquence: sa chair se rétracta contre ses côtés déjà légèrement saillantes. à l'instar de Karm, peu puissant, Luke possède un corps fibreux, des muscles légers et longs recouverts par une peau fine, si légèrement dorée qu'on se pose la question de savoir si elle l'est vraiment, ou si les rayons du soleil avaient décidé de s'y reposer un instant.

Le chant du ruisseau capte la mémoire du Consulaire, l'envahit même, jalouse. Cette scène appartient normalement à Saï et à son apprenti. C'était il y a 14 ans. Le vieil homme avait enseigné à son apprenti pas même désigné comme tel encore, à anticiper les mouvements.

L'exercice aujourd'hui est autrement plus difficile, cela dit, et le professeur plus exigeant. Heureux de ce constat mais désenchanté quant à sa performance, le Hapien persévère. Le prochain coup arrive deux secondes avant qu'il n'ait même songé à réagir, et le suivant encore un quart de seconde. Pendant un bon moment, le blond stagne à ce niveau frustrant. À l'oeil nu ils sont aussi rapides l'un que l'autre mais au final, Luke a toujours cette modique somme de temps de retard et il perd, inexorablement, jusqu'à ce qu'enfin, sa main bloque celle de son adversaire. Peu sûr de réussir l'exploit à nouveau, le Jedi reste sur ses gardes mais aborde désormais un sourire presque enfantin, pure moment de joie de celui qui aime apprendre et vient d'être récompensée par une minime victoire.

- J'aime cette harmonie.

Luke plisse les yeux, penche légèrement la tête, illuminant le hangar de ses cheveux couleur miel, mais surtout de son aura resplendissante, sûre et libérée. Chaude aussi, comme un appel dont il ignore la véritable teneur. Il laisse à nu ce corps que Karm souhaite comprendre, offrant son aura sans retenue. Ce n'est pas quelque chose qui arrive souvent au jeune homme, surpris de sa propre réaction. Il en a peur mais apprécie également cette manière naturelle de se mouvoir, cette proximité que les autres rejettent en l'appelant indécence. Qu'on laisse un aveugle amoureux de la Force s'approcher de la sorte, sentir le pouls, l'essence de vie même est un cadeau. Normalement les gens sont engoncés dans leur carcan, lui le premier. On ne touche pas si on ne connait pas. On garde ses secrets et on ne montre rien. C'est l'art Ancien qu'il a toujours suivi mais refuse pour l'instant. Juste pour cet instant.

Bravache, joueur, Luke prétend désormais attaquer Karm. Ses doigts cherchent la faille, avant que l'Ark-Ni ne découvre son geste à venir, trahi par ses propres veines.
Karm Torr
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— Tu vois…

Il fallait tout l’optimisme de la réussite de Luke pour ne pas trouver désespérant la facilité avec laquelle Karm évitait désormais les attaques, sans paraître avoir besoin de se concentrer. Il avait passé des heures, et des heures, et des heures avec Tavaï, dans des exercices de ce genre, parfois désespéré d’en voir jamais la fin. Il s’était demandé en quoi éviter un index l’aiderait à être un guerrier et c’était bien plus tard, en mûrissant, qu’il avait compris.

— … être mal à l’aise avec un sabre…

Il était maintenant tout prêt de Luke, pour laisser plus de chance à son élève de parvenir à le toucher, mais toujours d’un tout petit pas de côté ou d’un revers de main, il déviait l’attaque.

— … ça empêche pas de progresser vite aux…

De nouvelles vibrations agitèrent la carlingue et le Trépidant sortit de l’hyperespace.

— … arts martiaux.

Ses doigts se refermèrent sur le poignet de la main que Luke avait lancée vers lui et il arrêta de bouger. Pendant une seconde, son pouce en caressa l’intérieur. Luke avait la peau douce. Plus douce sans doute que celle d’un humain ordinaire. Karm n’était pas trop sûr. Il ne souvenait pas. Il y avait trop longtemps…

— Y a un problème avec le vaisseau.

Pour la première fois depuis qu’ils s’étaient rencontrés, sa voix avait perdu le ton calme qui était si  souvent celui des Jedis, pour gagner une pointe de nervosité. L’aura de Karm changea encore, alors qu’il sortait de sa transe de combat, pour tendre l’oreille et écouter le bruit des moteurs, celui du métal qui réagissait au vide interstellaire retrouvé, celui de l’électricité dans les câbles.

L’impression fugace qui l’avait traversé sur Ondéron était revenu, un murmure de la Force, persistant désormais. Il avait toujours le poignet de Luke entre ses doigts, son souffle se ralentit, encore, et encore, à mesure qu’il se concentrait sur la détection de Force, à la recherche du problème, de l’avarie, du piège peut-être. Ses doigts se resserrèrent un peu et puis d’un coup, d’une voix pressante, il souffla :

— Accroche-toi à moi.

Presque aussitôt, une explosion retentit, plusieurs ponts au-dessus d’eux, des alarmes se mirent à hurler, le vaisseau fut agité par une violente secousse. Il y eut un long cri de métal alors que le Trépidant se fendait en deux — Karm lança son deuxième bras autour de la taille de Luke et le serra contre lui — des portes coupe-feu se fermaient avec un fracas brutal un peu partout. Sous la carlingue, les simulateurs de gravité lâchèrent prise : les droïdes, les caisses vides, les deux Jedis se mirent à flotter dans le hangar.

Tout l’équipage était mort. C’était difficile à ignorer : comme un grand vide, soudain, dans la Force, au moment où ils avaient été aspirés par la baie pulvérisée de la passerelle de commandement. Les alarmes continuaient, en boucle. Pour se faire attendre, Karm approcha ses lèvres de l’oreille de Luke et annonça :

— J’vais lâcher ta taille, j’garde ta main. On doit trouver une capsule d’évacuation. L’vaisseau s’est déchiré en deux, ça veut dire qu’y a eu de la résistance pendant l’explosion, les différentes pièces de débris vont avoir une énergie cinétique différente, elles pourraient se percuter, on peut pas perdre de temps pour évacuer.

Le sang-froid dont il faisait preuve désormais, c’était celui des Ark-Ni comme celui des Jedis. La première chose qu’un Ark-Ni apprenait, c’était que l’espace était cruel, que le vide ne pardonnait pas et que les vaisseaux étaient fragiles. Toute leur société était d’abord organisée pour minimiser les risques d’abord et pour réagir ensuite, quand la catastrophe survenait.

En réalité, Karm était presque plus à l’aise, en plein milieu du cataclysme, que lorsqu’il avait dû faire la conversation. Là, il était dans son élément.

— On est dans… dans un cargo B223 des chantiers navals de Bakura, devrait y avoir trois… quatre capsules, deux à l’avant, deux à l’arrière. La plus proche…

Karm ne finit pas sa phrase. Son bras se rouvrit, libérant la taille de Luke mais ses doigts glissèrent lentement sur le poignet du jeune homme, pour se mêler aux siens et souder leurs deux mains. Depuis l’invention des générateurs de gravité, l’apesanteur n’était plus une expérience fréquente et même pour Karm, ce n’était jamais que la deuxième fois — la première, à quatre ans, cinq ans peut-être, avait eu lieu pendant un entraînement, sur un croiseur ark-ni.

S’il en jugeait par les soubresauts de la carcasse dans laquelle ils se trouvaient, des explosions secondaires devaient se produire un peu partout. Ce qui ne le rassurait guère, c’était qu’ils se trouvaient dans la partie du vaisseau qui abritait les moteurs et même si ceux-là s’étaient coupés quand le navire s’était déchiré en deux, la réserve de carburant promettait une détonation formidable.

En somme, le temps était compté. Karm laissa ses pensées se mêler à celles de Luke. Des pensées déterminées, méthodiques, où il laissait affleurer ses intentions, pour être certain que le Consulaire et lui agiraient de concert. C’était un lien fragile et sommaire, parce qu’ils ne se connaissaient encore que peu, mais c’était toujours ça de pris. Étape suivante : utiliser la Force pour flotter jusqu’à l’échelle de la coursive qui mènerait à leur nacelle d’évacuation. En espérant qu’elle ne serait pas trop endommagée.
Luke Kayan
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La douceur qui se brise fait un bruit assourdissant,
Celui d'un silence enveloppé d'un manteau de tristesse infinie.

Le souffle de Luke se coupe brutalement, tandis que l'oxygène quittait son corps, au point que des fourmis voraces commencent à envahir tous son corps. L'intérieur de son poignet précédemment caressé par Karm est le seul point encore tiède auquel le blond se raccroche. La mort de l'équipage est comme une vague de mazout qui le transperce et l'englue. Sur le moment le Chevalier est tout bonnement incapable de réagir. Il sent son corps flotter et ignore si cela signifie une perte de gravité ou de vie, tout simplement. Un instant, il se laisse bercer par la sensation, horriblement doucereuse. Un bras entoure sa taille, Luke retrouve son souffle, brûlant, terrible, et une larme glisse le long de sa joue. Une seule. Il vient d'accepter cette fin mais pas les raisons, certainement pas.

- Que... S'est-il passé?


Murmure le jeune homme comme si sa voix pouvait briser d'avantage encore le vaisseau. Pourquoi sont-ils passés d'un calme presque sensuel à une situation d'urgence? Est-ce de leur faute? De la sienne? Pour s'être laissé allé aux abords de ce qu'il reconnaît désormais comme de l'attirance? Ce serait une punition à la hauteur de son crime, mais injuste pour les innocents morts. La mission est-elle perdue?

La main presse la sienne, ses doigts se soudent d'avantage encore si possible. Le blond a appris, en théorie, à réagir en cas d'accident de vaisseau mais il a si peu voyagé, et jamais dans de tels appareils. Sa cécité l'a en quelques sortes protégés de cette partie de son apprentissage, on lui a laissé faire l'impasse sur des termes que son imagination ou sa volonté ne lui permettraient pas de saisir. Maintenant, sans repère, il est perdu, encore à demi-plongé dans leur entraînement particulier.

- D'accord!

D'un coup, Luke reprend ses esprits. Il doit le faire, respirer, ciller des yeux une fois pour chasser tout ce qui pourrait perturber leur avancée. Est-ce le nom du cargo, la description sommaire, l'urgence qui l'ont permis? En tout cas l'amoureux du protocole retrouve partiellement ses capacités, et tendant la main vers l'avant, le Jedi lance un appel de Force en guise de radar. C'est un exercice heureusement souvent effectué par l'aveugle qui sait interpréter les distances de cette façon. De ce côté là, elle ne revient pas, ou met trop de temps, il n'y a pas d'espoir mais en face... Luke reçoit vite son onde de retour, à peine endommagée. Le bord doit être proche. Le blond joue les aimants, appelant à lui l'échelle sans trop forcer histoire de ne pas la détacher du bord brinquebalant. Il faut être ferme tout en restant délicat. L'impulsion les emmène vers l'endroit désiré et le Hapien croche une première fois dans le vide, puis sur un barreau froid qui lui semble pourtant palpitant de vie. Leur promesse de vie. D'une main fine mais à la poigne décidée, le jeune homme entraîne Karm avec lui. Il monte les échelons puis se laisse glisser à quatre pattes sur la coursive, fragile.

*Pourquoi?*

Peu importe, ce n'est pas le moment. Le blond reprend son souffle, inspirant profondément et retrouvant un rythme aussi normal que possible. Il se redresse et s'appuie sur les parois grondantes, encore chaudes suite aux explosions. Ses doigts s'accrochent et il entreprend de marcher, collé au mur, vacillant mais courageux et décidé. Ils n'ont pas le choix. La courte distance parait être un sentier inexploré, sauvage et entrelacé de lianes mortelles, pourtant Luke parvient à l'embouchure, plus large, qui contient la nacelle encore sagement accrochée.

- On peut monter? Il... N'y a pas d'autres survivants?

C'est sûr, avec une telle explosion, mais son coeur de Jedi espère. La douce ignorance le berce quelques secondes. Il n'est pas sensé savoir, lui, qu'un tel accident tue tout le monde. Tout le monde sauf eux. Serait-ce grâce à leur position dans le hangar? Et si lui et Karm n'avaient pas décidé de se connaître? Luke, le souffle à nouveau coupé tourne vaguement la tête vers son interlocuteur. Pourquoi tout cela s'est-il produit? Pourquoi ont-ils survécu, eux? Ce n'est pas de leur faute, n'est-ce pas?
Karm Torr
Karm Torr
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Pour toute réponse à la dernière question de Luke, Karm laissa s’exprimer une vague de tristesse qui courut entre eux — un instant, à peine, et puis le guerrier en lui reprit le dessus. Le sas de la nacelle fut promptement refermé, Luke et lui installés sur les sièges de pilotage, les contrôles activés et, quelques secondes plus tard, le petit véhicule se détachait du gros ensemble à la dérive.

Il y eut un silence que Karm, concentré, occupa à consulter les données qui défilaient sur les écrans et à jauger de la situation à l’extérieur. Il y avait un dicton parmi les siens qui disait qu’un Ark-Ni pouvait faire voler n’importe quoi et, ce jour-là, Karm espérait de tout cœur que ce soit vrai. Finalement, il murmura :

— OK, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. ‘Fin, une mauvaise, une moins pire, une vaguement bonne et une pire.

Encourageant.

Le jeune homme se mit à enfoncer des boutons à droite et à gauche, sur la console relativement sommaire qui servait aux manœuvres de la nacelle. Les cargos n’étaient pas des véhicules de guerre et ils n’étaient pas destinés à exploser au rythme des combats, alors les modules d’évacuation n’étaient pas exactement à la pointe de la technologie.

— La mauvaise, c’est que les réserves de carburant du cargo vont bientôt exploser et avec ça, le cœur des moteurs. La moins pire, c’est qu’en poussant à fond la nacelle, on va échapper au rayon de l’explosion.

Et d’ailleurs, leurs deux corps venaient de se coller chacun à leur siège sous l’effet de l’accélération que Karm avait mis en branle.

— La vaguement bonne, c’est qu’il y a une lune respirable en orbite aux alentours de cette géante gazeuse, une ancienne base hutt désertée si j’en crois l’ordi de bord.

Autrement dit, ils n’allaient pas mourir dans leur froide nacelle à la dérive, après avoir espéré en vain que quelqu’un vienne les chercher.

— La pire, c’est que fuir la zone d’explosion et arriver jusqu’à la lune va nous coûter l’essentiel du carburant, y compris les rétrofusées d’atterrissage, du coup, pour la rentrée dans l’atmosphère, j’vais d’voir faire ça un peu à, euh… L’ancienne.

Karm se retint de dire que ce serait comme faire une série de ricochets parfaits sur un lac, parce qu’il se doutait que cette comparaison n’était pas très réjouissante. Un dernier regard sur l’écran où la caméra arrière retransmettait les images de l’immense poupe du cargo à la dérive lui confirma que l’explosion ne tarderait pas et, en effet, quelques instants plus tard, dans le silence le plus complet de l’espace, un flash violent éclaira le noir profond.

Mais la nacelle avait survécu, et eux avec.

— Dans vingt, trente minutes, on s’ra sur la lune. Vanghaï.

Évidemment, ce qu’il ne soulignait pas, c’était que si la base avait été abandonnée, là-bas, ils n’y trouveraient peut-être rien. Pas de vaisseau pour s’enfuir. Qu’il était hors de question, d’ailleurs, si près de l’Espace Hutt, et après avoir été victimes d’un attentat, d’émettre le moindre signal de détresse. Qu’en somme, alunir serait un problème mais peut-être pas le pire qu’ils auraient à affronter.

Karm poussa un soupir. L’adrénaline commençait à retomber un peu, lui laissant prendre la mesure de la situation. S’il avait été seul, paradoxalement, il aurait été moins effrayé, sans doute, mais avec Luke, il se sentait investi de responsabilités nouvelles. Bien sûr, le Consulaire était un Jedi, aussi, capable et bien entraîné, mais il était aveugle, et puis il avait l’air si fragile, et puis…

Karm tendit la main entre leurs deux sièges et serra celle de Luke. Les discours de réconfort, il n’était pas très doué pour ça, alors il se replia sur ce que lui trouvait de rassurant, ou en tout cas d’utile : se concentrer sur un problème pratique. Un à la fois.

— J’vais nous faire rentrer autant à l’horizontal que possible et plus ou moins dans la direction de la base proprement dite, pour qu’on ait pas trop à marcher après.

S’ils survivaient, bien sûr.

— Mais faut que… Qu’un de nous pilote la nacelle et que l’autre essaie d’amortir l’impact. Pour nous. Soit… Avec un bouclier de Force, ou de la télékinésie, ou une vague répulsive. Pas besoin que ça touche toute la nacelle, elle redécollera jamais de toute façon, peu importe si elle est réduite en miette. Juste pour nous, quoi. Ça te parait, disons, gérable ?
Luke Kayan
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- Ça me paraît nécessaire.

Luke serre les doigts entrelaces dans les siens, oubliant toutes les mauvaises ou les ''bonnes" nouvelles énumérées. Pour la situation il fait confiance à Karm qui n'a pas eu la délicatesse de lui cacher les problèmes. Tant mieux, le blond préfère la sincérité, ainsi il peut se concentrer sur le rôle qui lui revient automatiquement.

D'ailleurs, le moment vient, Luke lâche les doigts salvateurs, concentré. C'est un Jedi entraîné, pas un gosse effrayé, du moins il ne doit pas le paraître. Il appelle la Force, la réunit avec tendresse, faisant fi d'un stress inhérent à cette situation. Sa crinière blonde repose sur le siège vibrant d'un appareil qui survit de toutes évidences, par miracle. Lorsque le sol approche, le jeune Jedi lance une grande vague de Force, pareille à celle accompagnant son enlèvement sur Korriban il y avait des années. Aussitôt l'engourdissement le prend, tandis que son empreinte si particulière s'exprime, s'étend. C'est trop pour son corps, fragile et mortel réceptacle mais il doit tenir le coup.

C'est comme lorsqu'il était enfant, terrorisé, dans l'urgence. Ce doit être pareil. Il ferme les yeux, s'abandonne totalement, efface jusqu'à Karm de son esprit. Il n'est désormais qu'une boule d'énergie qui se nourrit de la Force. Sa source, c'est elle. Sa mère matrice. L'aura lumineuse dépasse le niveau moyen d'émission comme des décibels de radio que l'on aurait trop poussées. Le choc de l'onde se répercute dans les corps, et les deux Jedis s'écrasent, moins violemment que s'ils n'avaient pas agit, mais cela reste brutal.

Projeté, le Hapien tend les mains en avant pour rouler bouler sur le sol de la lune. Il se redresse, maladroit, épuisé. Jusqu'à maintenant, lors de ces étranges interventions, le blond s'évanouissait, s'endormait tout simplement, tel ce jour où il a essayé d'aider Maître Caldin à sortir de son coma. Il avait alors chu dans les bras de son Maître. Seulement aujourd'hui le blond n'a personne, et certainement pas Karm qui doit lui aussi être en train d'essayer de survivre avec le moins de dégâts possibles.

Après plusieurs vaines tentatives, Luke parvient à se mettre à 4 pattes, il butte contre un morceau de carcasse fumante qui lui brûle partiellement un bout de la main. Une chose est claire, il n'a pas sauvé la navette. Avec un grognement de douleur, le jeune homme remet ses idées en place. La Force réapparaît et il en soupire de soulagement. Un moment il a craint qu'elle ne se fatigue définitivement de lui et le délaisse comme elle l'a fait pour Qune. En ajustant ses sens, le Consulaire parvient à localiser son compagnon de voyage. Il se traîne vers lui et pose sa main sur un morceau de tissu. Il ne sait même pas s'il touche le bras, la poitrine ou l'épaule de Karm ni son état.

- Humf... Ça va ? Est-ce qu'il y a des secours ici? Ou faut être discret?

Évidemment, Luke ne sait pas si le vaisseau a eu une panne malencontreuse ou si on leur a offert le joli feu d'artifices. Si c'est le second cas, ils vont avoir intérêt de déguerpir rapidement, d'autant que si la navette n'est pas détruite, les ennemis auront tôt fait de comprendre qu'une ou deux personnes se sont échappées. Tout de même, un attentat pour une mission aussi bénigne qui a fait si peu de bruit. Ceux qui sont infiltrés, s'il y en a, doivent être bien engoncés dans les machineries du système. Il est mort, le temps ou Luke croyait que la République était formée par des gens aussi passionnés qu'incorruptibles.


[HJ: Désolé c'est court, et je ne fais pas avancer le truc mais bon c'est la chute quoi xD]
Karm Torr
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La respiration sifflante de Karm répondit seule d’abord à Luke. L’Ark-Ni avait piloté la nacelle comme il avait pu mas il avait eu l’impression de tenter de manœuvrer un parpaing en plein océan. Objectivement, il aurait pu être fier de leur alunissage, étant donné les circonstances ; subjectivement, il avait été trop occupé à cracher du sang, au milieu des décombres, pour se laisser aller à de pareilles considérations.

Il se concentra. La Force se fit plus dense et plus chaude, quelque part entre ses poumons et sa cage thoracique, et sa respiration plus facile, ou en tout cas moins douloureuse. Ça ne suffirait sans doute pas mais, pour l’heure, ça ferait l’affaire. Il s’inquiéterait plus tard de sa survie à long terme.

— Dé… désert.

Un Ark-Ni, c’était fragile, très fragile, et le crash, de toute évidence, avait affecté Karm. Il n’avait pas perdu sa détermination ni son esprit méthodique mais il était facile de sentir sa douleur et sa faiblesse.

Déserte, Vonghaï, la lune, ne l’était que parce qu’elle était dépeuplée. Pour le reste, elle rappelait un peu Ondéron : les deux Jedis avaient déboulé dans une jungle luxuriante, à la chaleur moite et oppressante. Karm s’assit sur ses talons et examina Luke comme il le pouvait, pour s’assurer que le Chevalier survivait à la marche qui les attendait.

Ses méthodes d’explorateur ne tardèrent pas à lui revenir comme des réflexes solidement ancrés.

— Faut aller vers… la base. Par l… là.

Il prit la main de Luke et dirigea le bras du jeune homme vers la direction à emprunter.

— Se soigner plus tard. On doit… Trouver l’ordinateur central. Les données sur la lune. Les données mé… météo.

Ce n’était peut-être pas intuitif mais Karm savait que le premier des dangers, sur un monde inconnu, ce n’était pas les prédateurs, ce n’était pas les locaux mais les ouragans, les tempêtes de sable, les volcans et tout ce que la nature pouvait réserver. C’était en fonction de ces événements que l’on savait quand sortir, quand se mettre à l’abri, qu’on pouvait s’établir un calendrier pour l’exploration et l’évacuation.

Le Jedi prit une profonde inspiration et puis se releva, en serrant les dents. Il était à peu près certain d’avoir une hémorragie interne. Elle ne le foudroierait pas sur place et c’était tout ce qu’il demandait, pour l’heure. Ils se mirent en marche. Karm progressait dans la végétation épaisse et pleine d’embûches dans un silence et avec une facilité déconcertante, malgré ses blessures, mais il veillait toujours à ce que Luke soit à ses côtés.

Tout autour d’eux, la jungle bruissait de vie — les animaux, ils ne les voyaient pas, ou rarement, mais ils les entendaient. De temps en temps, Karm avait la vague impression qu’un prédateur les considérait, comme il fallait s’y attendre, mais ils devaient paraître trop exotiques, parce que l’intention s’effaçait rapidement et l’animal, quel qu’il fût, se détournait d’eux pour trouver des proies plus familières et sans doute moins dangereuses.

Au bout d’un quart d’heure qu’ils avaient passé en silence, parce que Karm, pour sa part, se concentrait sur cet environnement nouveau qu’il fallait assimiler aussi vite que possible, ils virent une petite éminence se détacher au milieu de la jungle, une sorte de falaise. Le Jedi s’arrêta, plissa les yeux et laissa la Force donner plus d’acuité à ses sens. Il perçut des plateformes de décollage, des poulies, tout un appareillage.

— C’est la base. De fait, ça a l’air abandonné.

L’ordinateur de la nacelle de sauvetage n’avait pas été très précis et Karm n’était pas assez versé dans les méandres de la politique hutt pour deviner ce qui s’était passé là. Il savait simplement que les bases avancées ne tenaient jamais que quand leur propriétaire était assez puissant pour songer à l’expansion et que, en cas de problèmes au cœur de l’empire criminel, elles étaient rapidement abandonnées, pour que les ressources soient concentrées ailleurs. Le Hutt s’était-il fait assassiner ? Renverser ? Avait-il choisi de s’étendre dans une autre partie de la Galaxie ?

Bien sûr, en marchant, il réfléchissait aussi à la bombe. Mais les enquêtes, ce n’était pas sa spécialité. Pas ce genre d’enquêtes là, en tout cas. Il sentait bien qu’il y avait des choses peut-être simples à déduire, de la manière dont ça avait explosé, du moment choisi, de leur situation, mais son esprit était trop concentré sur leur progression, la sienne et celle de Luke surtout, et sur la douleur à contenir, pour pouvoir librement se consacrer à un problème de ce genre.

— Quand on… quand on sera arrivé. Là-haut. Après les données. On pourra pas… Envoyer un signal. S’il est intercepté… Par les Hutts ou… N’importe…

Il ne finit pas sa phrase, pour s’économiser et parce que les conséquences paraissaient évidentes.

— Par la Force peut-être…

Mais communiquer à travers la Galaxie relevait de l’exploit. Un exploit qu’ils auraient cela dit tout le temps d’accomplir, s’ils se retrouvaient prisonniers de cette lune.

— … ou trouver… un vaisseau à réparer. N’importe comment. Se reposer d’abord. Pour pas f… pas f… faire d’erreur.

Ne jamais se précipiter, c’était une règle d’or de l’exploration. Parfois, il fallait accepter de parcourir quelques mètres en plusieurs heures. De se reposer à chaque pallier d’une montagne où l’air était rare. Les explorateurs morts ne ramenaient jamais leurs connaissances.

Ils parvinrent finalement au pied de la falaise. Des ascenseurs à la peinture rouillée avaient été fixés au flanc rocheux. Projetée à l’intérieur de la base, la Force revenait silencieuse : des rongeurs, quelques animaux nocturnes, deux ou trois droïdes désœuvrés peut-être mais certainement aucune autre activité. Karm avait du mal à savoir s’il aurait préféré trouver quelqu’un là, mais des criminels, plutôt qu’un complexe désert. C’était un peu la peste et le choléra mais ils n’avaient pas choisir.

Il pénétra dans l’un des ascenseurs avec Luke, ferma les doubles portes, pressa l’unique gros bouton rouge et s’appuya contre la paroi.

— Tu… tu gères la guérison… par la Force… ? Parce que sinon… j’crois que tu vas devoir… p-perforer mon poumon… manuellement… pour relâcher la p-pression… Ou alors… ils ont laissé… du bacta derrière eux…

Mais s’ils voulaient bien croire que lors d’une évacuation précipitée, tout n’avait pas été méthodiquement emporté, il doutait de découvrir là-haut un coûteux matériel médical prêt à l’emploi.
Luke Kayan
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- Nous verrons après.

Luke se veut rassurant. Difficile. Au moins, il est un bon compagnon de galère, silencieux, il marche sans se plaindre derrière son guide improvisé. Sa longue toge de Jedi le dérange un peu dans le luxuriant environnement mais elle a l'avantage, épaisse, de le protéger des éraflures de plantes inconnues. Pendant une marche qui semble durer des heures, les deux jeunes hommes comptent leurs efforts ainsi que leurs mots. Le Hapien enregistre tant bien que mal la direction indiquée, il la perd dès qu'ils se remettent en mouvement d'ailleurs. Si Karm s'évanouit, il est probable que le blond ne pourra pas les sortir de là. Heureusement moins blessé que son comparse-c'est un miracle étant donné que les Hapiens sont aussi fragiles- Luke va pouvoir le soigner, du moins, si la plaie n'atteint pas un niveau plus haut que le sien.

Le jeune Jedi touche du bout des doigts un des droïds inutiles posés contre le flanc de la paroi. Il note de son mieux son emplacement puis s'installe contre Karm, autant pour le réchauffer que pour prendre ses constantes.

- Je peux t'anesthésier un peu pour procéder à la perforation et te protéger des infections, ou retarder l'opération. Pour la première solution, je n'ai pas été formé à la pratique... Je ne connais que les cours théoriques pour les avoir lus en avance sur mon cycle.

Luke a commencé l'art de la guérison très tard, normal, avec sa cécité, personne ne l'y pensait apte, surtout pas lui, ça s'est fait au fil du hasard. D'abord une intervention, deux cours, une urgence, notamment un accouchement en plein espace, puis de nouvelles classes en rentrant sur Coruscant.

- Plus on attend, plus ce sera difficile après. Si on parle de long terme, il vaut mieux... Agir.

Le Hapien se redresse pour caresser l'un des droïds abîmés, malheureusement, ils ont égaré leur trousse médicale dans l'explosion et Luke ne dispose que de bandages exagérément comprimés autour de ce qui ressemble à un rouleau de laine pour couture, d'un fil de suture pressé contre une aiguille et d'un flacon de désinfectant ultra-puissant. Pas de scalpel, aucun couteau fin. Il faut trouver autre chose. Sa paume, soudain, se rétracte, lorsqu'elle rencontre un pic qui lui sert de doigt. Voilà qui fera l'affaire. Plongeant ensuite sa main dans sa ceinture utilitaire, il en retire du désinfectant. Ce n'est pas fameux, heureusement, il y a la Force. Le Bacta, il n'y songe même pas. Premièrement, explorer lui prendrait suffisamment de temps pour que Karm meurt deux fois, ensuite, un bien aussi précieux n'aurait pas été laissé derrière.

- Allonge-toi.

Lorsqu'il revient près du Chevalier, le médecin improvisé le plaque doucement dans un des ascenseurs et referme les portes. C'est une protection risible contre les infections mais au moins, ils sont à l'abri du vent, et ce n'est pas l'obscurité qui va déranger le Hapien. Il glisse ses doigts fins sous les vêtements de ce dernier qu'il dégage pour faire courir son index et son majeur sur la peau blanche. Il n'avait pas fait le rapprochement jusque là, mais sa méthode ressemble à celle de Karm, puisqu'il se dirige, comme on lui l'a enseigné, avec le flux de sang qui circule, cogne contre les obstacles naturels. Le rythme naturel est clairement altéré au niveau du poumon, formant une dissonance inquiétante.

- Je peux former une bulle avec la Force, elle maintiendra l'hémorragie à l'intérieur sans envahir tout le poumon. Cela dit, c'est reculer pour mieux sauter... Et si la bulle explose...

L'idée est celle d'un torrent retenu contre son gré et celui de la gravité par une digue. Lorsque la protection artificielle cède, l'eau déferle et englouti tout avec la faim qui caractérise le monstre prisonnier de longue date. Encore une fois, Luke dirige Karm vers le choix de l'opération.

Après avoir reçu le tacite accord, le blond envoie une onde de Force spécifique qui, comme une seconde peau, épouse les courbes du blessé. Elle endort un tant soit peu les nerfs qui transmettent la douleur, et ralenti légèrement le rythme cardiaque. Luke envahit aussi l'intérieur via cette vague chaleureuse, presque tendre, afin d'atteindre le poumon et contenir l'hémorragie en attendant d'offrir une sortie à la pression qui pourrait tuer Karm. Ensuite, il dispose les outils à portée de main. Le long doigt du droïd semblable à un sclapel ainsi que son flocon de désinfectant qu'il vide de moitié sur celui-ci ainsi que sur ses mains, non sans s'être délesté de sa toge au début.

Les doigts du Hapien se pressent contre la poitrine de son compagnon d'infortune et il palpe plusieurs fois les alentours de sa cage thoracique, devenant plus précis au fur et à mesure. Lorsque le point exact est trouvé, il respire un grand coup, brandit son "couteau" et perfore la peau d'un coup sec et plutôt habile. Le doigt de droïd est juste assez long pour atteindre le poumon et permettre à la pression de fuir sa cage. Luke use de la Force pour nettoyer de son mieux la plaie, sans avoir à ouvrir d'avantage le patient. Il fait ressortit un caillot de sang et bouche aussi bien que possible l'endroit par lequel ce dernier s'accumulait.

Les points de suture ne sont pas très beaux, de quoi garder une cicatrice un peu boursouflée si ce n'est pas réparé par la suite, mais pour un aveugle c'est un travail tout à fait honorable, et au moins, l'air n'entrera pas dans la blessure. Toujours avec la Force, Luke maintient l'infection en-dehors, il essaye de rendre son travail le moins douloureux possible alors qu'il est, lui, bien fatigué Ses bras sont brisés par la fatigue. Il continue pourtant, remerciant cette caractéristique si étrange qui l'empêche de transpirer comme tout être normal, de ce fait il ne contamine pas son patient outre mesure. En contrepartie, les toxines s'accumulent dans son corps et le blond ressent chaque fois plus l'épuisement qui contracte ses muscles.

Une fois terminée l'opération, Le Hapien finit le travail avec la même onde qu'au début, chaleureuse, tendre, une barrière contre les infections et une aide énergétique pour le corps, afin que Karm reprenne des forces. Lui par contre n'en a plus aucune, et il se laisse glisser sur sa toge pour se reposer un peu.

- Ça devrait aller. Même si un hôpital devra t'examiner. Enfin si... On trouve comment sortir.

Croasse-t-il lorsqu'il pense percevoir que Karm retrouve ses esprits... Si seulement il les a perdus. Ça, Luke, concentré sur son travail n'en sait rien.

- J'irai explorer un peu après. Voir si nous pouvons trouver un truc qui vole...


Oui. Voir, c'est un bien grand mot.



Karm Torr
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— N’aie pas… peur… La Force… La Force est… av…

C’était les derniers mots que Karm avait prononcés. La fatigue d’abord, la douleur surtout, la Force enfin l’avaient plongé dans une torpeur salvatrice. Son corps ne devait pas ignorer tout de la douleur de l’opération, parce que sous les doigts de Luke, ses muscles se crispèrent souvent. Malgré tout, l’Hapien put accomplir son travail de fortune et, quand il eut finit, Karm avait définitivement perdu conscience.

Ils restèrent ainsi deux heures, peut-être trois, dans l’ascenseur fixé contre la paroi. Derrière les portes, d’un côté, la falaise et la jungle, qu’aucune tempête heureusement n’agitait, et de l’autre, un hangar et tout un complexe désert. Seul un vent calme troublait dans la cabine la quiétude de cette base qui, quelques mois auparavant encore, bruissaient de l’activité des pirates, des contrebandiers, des trafiquants d’esclaves et des chasseurs de primes.

— Hmpf, finit par protester Karm.

Ses paupières se soulevèrent lentement, pour ne pas voir grand-chose, mais il y avait encore assez de lumières qui filtraient par les interstices entre les tôles boulonnées les unes aux autres pour faire briller dans l’obscurité ses yeux turquoises — un spectacle saisissant que Luke était hélas condamné à ignorer.

— Franchement, j’ai connu des promenades plus vivifiantes.

Il fit courir ses doigts sur son torse nu pour sentir les points de suture. Pas trop mal. Son autre main se posa sur l’avant-bras de Luke et une vague de reconnaissance passa de l’Ark-Ni à son chirurgien d’un jour. Puis l’esprit pratique de Karm reprit le dessus. Le sang-froid était l’une de ses premières qualités et, au bout du compte, leur situation présente n’était la pire qu’il eût connue, sur une planète déserte.

— On est fatigués. Faut qu’on se repose, mais pour de vrai, correctement. Viens.

Le jeune homme se releva péniblement et il ne put retenir un gémissement de douleur. Il porta la main à son flanc et se concentra pour s’assurer que les tissus ne se déchirent pas. Heureusement, l’incision n’était pas très large. Plus tard, il prendrait le temps de se guérir plus en profondeur. Il aida Luke à se relever et puis, abandonnant le haut de sa tunique ensanglantée derrière lui, il ouvrit les portes qui menaient au hangar.

Un peu de tâtonnement sur le mur permit de trouver le levier pour l’électricité. Les néons s’allumèrent les uns après les autres, révélant une architecture spacieuse où le duracier se mêlait à la roche nue. Des droïdes sans énergie gisaient ça et là, au milieu de caisses abandonnées, dont Karm espérait qu’elles contiendraient des choses utiles.

— Bon, y a un p’tit vaisseau corellien mais c’est à moitié une épave, il volera pas tout seul…

Le problème, c’est que, tout Ark-Ni et bon pilote qu’il était, il n’était pas ingénieur. Il fallait espérer que les réparations ne toucheraient pas au cœur des systèmes de l’appareil. Mais ça, c’était pour plus tard.

— Y a… OK, attends.

Karm fit quelques pas pour se placer derrière Luke, mesurant ses foulées pour ne pas contraindre ses muscles. Un fois dans le dos de l’autre Chevalier, tout près de lui, il glissa son bras contre le sien et leva la main de Luke dans la sienne, pour désigner successivement, avec leurs deux corps ainsi joints, ce qu’il voyait.

— Là… et là…, poursuivit-il en murmurant comme à son habitude, mais cette fois-ci contre la nuque de l’Hapien. Des escaliers. Là-haut, baie d’observation sur le hangar, elle monte comme ça, jusqu’au sommet de la falaise, et tout en haut, des panneaux, probablement retractables, pour les décollages à la verticale. Alors l’escalier de droite, celui-là… Doit mener aux parties fonctionnelles. Et celui de gauche, là… Aux quartiers. On va s’trouver une douche. Des couchettes. Et des fringues.

Pas pour le confort, même si ce n’était pas négligeable, mais pour se désinfecter, dormir, et avoir une tenue appropriée à leur nouvel environnement. Karm ne libéra le bras de Luke que le temps de venir à côté de lui et de lui reprendre la main. Il supposait que d’ordinaire, le Consulaire s’orientait sans peine, mais fatigué par l’opération, il pouvait peut-être moins aisément faire appel à la Force pour se guider dans un lieu peu familier.

Et puis, au fond, ça le rassurait, lui, de sentir cette paume contre la sienne. Ils traversèrent le hangar — le bruit de leurs pas résonnaient dans le silence — et trouvèrent un ascenseur près des escaliers. Une fois dans la cabine qui montait lentement, Karm observa :

— Énergie solaire pr…

Le jeune homme s’interrompit, étouffa à peu près un nouveau gémissement de douleur, serra un peu plus fort la main de Luke et puis reprit sans commenter cet interlude :

— … probablement. Vu la température, on est proche du soleil, plus la géante gazeuse doit refléter même quand on est pas exposés, ça fait tout fonctionner à moindre coût. Faut vraiment que le Hutt ait été dans la merde pour abandonner un endroit pareil.

Ce qui, en soi, n’était pas surprenant : les aléas des guerres de cartels. Les doubles portes de l’ascenseur s’ouvrirent et ils furent inondés par la lumière du soleil. Les quartiers des cabines longeaient la falaise, d’un côté qu’ils n’avaient pas pu apercevoir en arrivant, et tout une partie d’entre elles étaient exposées au soleil et offraient probablement une vue imprenable sur la jungle. On pouvait sans peine supposer que les premières cabines, à flanc de falaise, étaient réservées aux chefs sur place et aux invités de marque, et que celles qui étaient enfoncées dans la roche, privées de lumière naturelle, avaient jadis été occupées par le tout venant.

Karm avança à pas lents avec Luke dans la coursive lumineuse, étudiant les noms inscrits sur les portes, dont certaines étaient encore ouvertes, à la recherche de consonances typiques qui auraient indiqué que la cabine avait appartenu au moins à un humanoïde. Ce serait là où ils auraient le plus de chance de trouver des meubles, des sanitaires et des vêtements adaptés à leur morphologie.

— Là. Pur nom de Twi’Lek, ça f…

Nouvelle interruption. Inspirer. Expirer. Continuer.

— … fera l’affaire.

Il pénétra dans le vestibule de ce qui était en fait un petit appartement. Quelques marches menaient au lieu de vie à proprement parler, une sorte de deux pièces qui, en effet, comme il l’avait supposé, dominait la falaise. Un rapide coup d’œil ne lui apprit pas grand-chose sur les fonctions qu’avait pu occuper le Twi’Lek en question.

— OK. L-là… Juste derrière. Ouais. Une sorte de canapé.

Il s’y assit avec Luke et, sans vraiment réfléchir, il garda sa main dans celle du Jedi. Appuyant sa tête contre le dossier, il se lança à voix basse dans une description des lieux.

— ‘face de nous, y a une table basse. Deux genres de fauteuil d’l’autre côté. Deux mètres, une porte ouverte, j’vois en bout d’lit. Pas une couchette, hein, un vrai lit. Hm. Derrière nous, c’est la salle de bain. ‘Fin, une cabine de douche, quoi, puis un lavabo et des ch… toilettes. Y a pas d’cuisine, j’pense tout le monde devait aller au mess. Y a des objets qui trainent, rien d’captivant. Et c’est tout longé par une grosse baie vitrée.
Luke Kayan
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Habituellement le jeune Consulaire n'aime pas ça, d'être touché de la sorte, de sentir le souffle d'un presque-inconnu dans sa nuque, mais Karm n'est plus si anonyme. C'est comme s'ils s'étaient beaucoup côtoyé déjà, et même si ce n'était pas le cas, autant ses indications sommaires que sa main sont agréables. Les grognements de douleur de son coéquipier le bercent d'illusion. Il reste auprès de ce dernier par pure sécurité.

- Une douche?

Un sourcil fin, le droit, se arque, démontrant discrètement la surprise du Jedi. Sérieusement, l'idée semble saugrenue, placée hors-du-temps comme pour leur faire miroiter un espoir de normalité. Au moins s'ils sont incapables de réparer le vaisseau Corrélien, les deux Jedis pourront se consoler en ayant une bonne hygiène et en dormant bien. Le ventre vide? Cela reste à voir, pour l'instant, ce n'est pas ce qui inquiète Luke. C'est avec une certaine solennité que le Hapien se lève du canapé, retardant le moment où ses doigts se détachent de ceux de l'Ark-Ni.

Il pénètre dans la cabine de douche. Les règles sont les mêmes que dans un vaisseau, avant de songer à aider autrui, il faut plaquer son propre masque à oxygène sur son visage. Présentement, le Hapien doit être dans de bonnes conditions pour éventuellement aider Karm à se déplacer jusqu'à la douche.

Méthodique, le jeune homme sa toge sur le sol, fouille les alentours avec les gestes précis, habiles, de quelqu'un qui a l'habitude d'égarer ses affaires dans l'obscurité. Il trouve quelque chose qui sent bon-et ça lui suffit.- `pour frotter ses habits. Cela paraît aussi trivial que stupide mais le blond tient à sa toge et à sa tunique. Par chance, ce qu'il a attrapé au vol se révèle être du shampoing, une bouteille quasiment vide qui fera l'affaire pour décrotter ses vêtements ainsi que ses cheveux. Non sans grimacer, il les peigne avec ses doigts, sous le jet d'eau difficilement tiédi par les plaques solaires, qui si puissantes soient-elles, n'en demeurent pas moins abandonnées depuis un certain temps.

C'est tout bête mais la douche qui lui avait paru d'abord saugrenue lui semble désormais être un morceau de paradis, mieux, un bain de bacta, tandis qu'il se dégage de la crasse, des toxines,
de la fatigue accumulée. Lorsqu'il ressort de la cabine, ne demeurent plus que l'impression d'un épuisement sain couplée à des courbatures importantes quoique supportables. Il se saisit d'habits légèrement trop grands pour lui, ayant appartenu à un Twi´´lek peu musculeux mais gourmand.
Une sorte de tunique grise claire semblable à celle des Jedis-moins ample et au tissu plus fin.- marque désormais ses hanches. Luke cherche à attacher sa ceinture utilitaire mais renonce. L'épaisseur de son haut lui permet tout juste de la maintenir, cependant il est trop mince pour que ce tissu là, précisément, l'y aide. Le Hapien utilise donc une sorte de ruban anthracite à cet effet.
Les deux bouts retombent négligemment sur sa hanche droite, côtoyant un pantalon de soie clair. L'ensemble est un peu fade, mais respecte le style que se doit d'arborer un secrétaire de haute gamme, discret et chic. De toutes façons, ce détail importe peu à Luke qui lâche sa chevelure blonde sur ses épaules, le temps qu'elle sèche. Le Jedi réapparaît -non sans avoir tâtonné et buté- dans le "salon". Il dispose sa toge et sa tunique, fleurant bon le propre mais encore mouillés sur le dossier d'une chaise et s'approche de Karm.

- On peut emmener une chaise dans la cabine de douche, et je peux t'aider.

Suggère le médecin improvisé, d'abord naturel puis un peu gêné. Il y a entre l'Ark-Ni et lui quelque chose qui fait agir Luke autrement. En temps normal, il n'aurait pas proposé à Karm l'idée, sinon qu'il l'aurait imposé afin de ne prendre aucun risque par rapport aux points de suture sommairement posés. Toutefois, là, maintenant, même l'excuse médicale ne suffit pas à prendre les devants, il aurait l'impression de violer l'intimité de son camarade. D'autant plus qu'il ne sait pas si Karm a déjà pris sa douche pendant sa propre absence.

- Y a-t-il des ordinateurs par ici ? Si je pouvais me connecter aux serveurs, nous pourrions avoir une idée de ce qui s'est passé. Y compris s'il y a un système de vidéos surveillances. Je ne suis pas doué en informatique.

Luke possède une clé de Hackage des plus basiques, il ne sait pas si cela suffira, mais un ordinateur pourrait leur indiquer pourquoi les pirates ont fui, et surtout, comment. Une piste de décollage camouflé, des vaisseaux dormant dans une base au beau milieu de la zone forestière seraient leur salut. De toutes façons, avoir une idée de la cartographie des lieux, ainsi que des dangers les composant constitue déjà un début et vaut la peine de l'effort. Oubliant sa fatigue,
le jeune Jedi s'approche d'une des baies vitrées. Il ferme les yeux et lève la tète vers le soleil,
son astre tant aimé qu'il guettait des heures étant enfant. Il déploie sa crinière blonde en passant ses mains sous la base, pour l'étaler sur ses épaules minces, juste assez musclées pour témoigner de son entraînement quotidien.

- Ensuite, il faudrait aller voir ce vaisseau Corrélien, j'espère que ce n'est pas un monoplace.

Luke soupire puis se retourne, il se dirige vers le canapé et cherche automatiquement la main de son camarade.

- On va y arriver.

Il se rappelle du lit, tentant, vraiment tentant car tous deux sont fatigués. Cependant, Luke préfère explorer un peu, voir quelles sont leurs possibilités avant de songer à se reposer, du moins en ce qui le concerne.

- Tu pourrais concentrer ton énergie pour guérir plus rapidement ou simplement te reposer pendant ce temps. Je serai un peu plus lent mais j'y parviendrai.

Le Chevalier prend la voix la plus sûre possible, protecteur comme un médecin envers son patient un peu trop trimbalé de partout. Une chose est certaine: Si Karm n'avait pas été Jedi, il serait mort depuis un temps déjà.

- Je dois rétablir la protection.

Murmure Luke pour terminer, étendant sa main devant la poitrine de Karm sans oser faire quoique ce soit encore. Le "bouclier" de Force légèrement anesthésiant et surtout la barrière contre les infections s'effrite, la Force volatile s'enfuit, s'éparpille. Il est temps de reformer le bandage mystique, même si cela risque de lui coûter beaucoup d'énergie.
Karm Torr
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Sur le canapé, les yeux fermés, Karm avait commencé à méditer. La méditation était au moins une chose qu’il partageait avec les autres Jedis, malgré la formation peu orthodoxe qu’il avait reçue. Ce jour-là, il trouva cependant l’exercice plus difficile que d’ordinaire. Pas à cause de la douleur. Après avoir enchaîné les batailles et les explorations, il était habitué aux blessures, tout talentueux fût-il. C’était l’eau de la douche qui résonnait dans son esprit. Et Luke, sous l’eau. Les cheveux blonds comme un soleil vénérable.

Karm essaya de chasser le Hapien de ses pensées. Et puis, ce n’était pas sa faute, pas vrai ? La beauté exceptionnelle, ça faisait un choc, il fallait s’habituer. Sans parler des circonstances. En somme, sa réaction était parfaitement normale. Mécanique. Comme un réflexe dont on pouvait faire abstraction. L’abstraction allait bon train jusqu’à ce que Luke sorte de la douche et que Karm l’imagine en train de s’habiller.

On inspire.
On expire.
On pense aux glaces de Hoth.

— Eeeeuh…

Une chaise dans la douche et de l’aide pour se laver ? Karm fixa Luke comme un porg pris entre les phares d’un landspeeder et la cécité du Consulaire le priva d’un spectacle très rare dans la Galaxie : la peau pâle d’un Ark-Ni en train de rougir.

— N-non. Je gère. T’inquiètes. Totalement.

Et il enchaîna aussitôt sur les ordinateurs, un sujet beaucoup moins perturbant :

— Contre la baie vitrée, direction du soleil, y a un bureau, avec une station. On aura p’têt pas accès à tous les dossiers des opérations mais genre, un plan d’la base, l’inventaire des rations, des pièces détachées, les données météo, c’genre de trucs.

Comme ils n’étaient pas là pour mener l’enquête, ce serait sans doute bien suffisant à leurs projets immédiats. Ils n’avaient pas besoin d’apprendre les secrets les plus interdits des anciens propriétaires : la localisation de leurs marteaux suffirait amplement. Quand Luke revint sur le canapé, Karm partageait donc sa détermination et son espoir.

Il avait beaucoup moins de détermination devant la main que Luke tendait vers lui. Il devait vraiment être trop fatigué à se laisser impressionner par le charisme du Hapien. Karm prit le poignet de Luke et le rabaissa doucement.

— J’peux m’guérir moi-même. ‘Fin, pour l’instant, ça ira. C’est pas prudent que tu dépenses toute ton énergie. J’propose : j’vais me doucher, je trouve un truc pour m’habiller, pendant c’temps tu localises le mess, on descend, on trouve à manger, on dîne… ou déjeune… en passant le reste des données en revue. Je doute qu’ils aient, genre, embarquer la moindre trousse de premiers secours, par exemple. Bref, on guérira tous les deux beaucoup mieux avec un apport nutritionnel.

L’explorateur avait repris le dessus.

— Franchement, j’ai connu pire niveau planète déserte, alors ça ira.

Une onde de confiance quitta le Chevalier pour envelopper son interlocuteur et puis Karm lâcha le poignet de Luke pour se lever avec des gestes mesurés et gagner la salle de bain, repoussant la porte derrière lui, geste bien inutile au demeurant, puisque Luke ne pouvait pas l’épier. Là, il se débarrassa du reste de sa combinaison ensanglantée et inspecta la blessure dans le miroir. Il survivrait.

La douche activée, Karm régla comme à son habitude l’eau glacée. Meilleure pour le cœur, pour les muscles, pour la peau. Une saine habitude qui épousait les préceptes de discipline physique de Tavaï — des préceptes que d’autres Jedis auraient considéré comme de la maltraitance à peine déguisée, sans doute. Mais la froideur permettait à Karm de se concentrer sur ses sensations, sur son corps, sur ses réactions, puis sur sa blessure en particulier, sur sa douleur, sur le sens de sa douleur, ses causes et ses conséquences. Karm pratiquait la guérison, comme beaucoup de disciplines jedis, d’une manière toute particulière qui naissait de son entraînement : elle était une discipline martiale, aussi, une connaissance de la douleur et de la violence, plutôt qu’un apaisement par la douceur.

En tout cas, ça fonctionnait. Il n’allait pas faire des sauts périlleux dans la minute qui suivait mais pour ce qu’ils avaient à faire, ça conviendrait. Il se sécha, fourra les restes de sa combinaison dans l’incinérateur de la salle de bain, bien conscient que le sang séché ne partirait jamais. Le placard ouvert, faute de trouver un sous-vêtement à sa taille, il se contenta d’enfiler un pantalon en toile légère et ample, probablement quelque chose de cérémoniel, de traditionnel sur Ryloth, s’il en jugeait par le cordon tressé qui servait de ceinture.

La chaleur de la lune était assez pesante pour s’épargner un haut et il préféra laisser sa blessure respirer. Il sortit donc de la salle de bain, plus calme et moins souffrant, et sensiblement rafraîchi, pour venir se poster derrière Luke et jeter un coup d’œil aux données qui défilaient sur l’écran de la station.

— ‘Tends, j’jette juste un œil sur la météo, histoire qu’on se prenne pas une mousson par surprise ou je sais pas quoi.

Il effleura l’écran de l’index et la synthèse vocale se chargea d’exprimer les données.

— Minimale : 34°C. Maximale : 40°C. Demain, minimale : 33°C, maximale : 39°C. Humidité : 40%. Vent : calme. Précipitations : non-exist…
— Cycles saisonniers.
— Saison principale : 12 mois. Saison des pluies : 3 mois. Nous sommes au… troisième mois de la… Saison principale.
— Bien. Très bien.

Karm décrocha l’un des petits datapads de la station de son encoche, pour consulter les données plus tard.

— T’as trouvé le mess ? On y va ? Tu veux que, hm… ‘Fin c’est mieux si je te…

Guide.
Prends la main.

Karm détourna les yeux sans finir sa phrase et considéra l’opportunité d’une seconde douche froide.
Luke Kayan
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- Ce n'est pas rais...

Non ça ne l'était pas, raisonnable, de faire une douche, sans aide, en risquant de tirer sur ses blessures, mais Luke ne trouva pas le courage de contredire Karm. Sa solution, aussi folle lui semblât-elle d'un point de vue médical, lui parut étrangement satisfaisante. D'un côté, évidemment, de l'autre, son corps, ce traître rebelle rechignait. Le Hapien le fit sévèrement taire d'une onde de Force ressemblant d'avantage à une bourrasque qu'à une caresse. Il s'assit devant les ordinateurs et débuta ses recherches. Par chance, le clavier était universel et il put se guider grâce à la fameuse touche en relief. Luke trouva rapidement les configurations, il sortit une mini clé de sa ceinture utilitaire-après être retourné chercher, non sans mal, ses habits qui séchaient.- afin de l'insérer. En quelques clics, le package de synthèse vocale en Basic s'installa et le Hapien put commander l'engin avec la voix, plus important encore, une voix féminine agréable quoique robotique lui lisait le contenu de l'écran.

Luke fit ouvrir plusieurs onglets, il en laissa deux au repos qu'il souhaitait montrer à son aîné et fouina sur l'autre pour obtenir d'avantage d'informations. Évidemment, la base était coupée d'Holonet mais il aurait essayé. L'écran bleuté se reflétait sur le visage concentré de l'insensible aux effets de l'Ordinateur sur la vue. Une lueur pâlotte irradiait la salle, plongée dans une semi-obscurité. Tout était calme, plus encore lorsque l'eau s'arrêta de couler, sans que Luke n'y prêtât attention.

Surpris de sentir la présence de Karm, il retint un petit cri mais ne put empêcher ses épaules de tressaillir un peu. L'idée de son camarade lui parut si logique qu'il s'en voulut de ne pas y avoir songé avant. Bien sûr, la météo était primordiale, car qui devait affronter une tempête n'avait même plus à s'inquiéter d'un éventuel vaisseau à réparer.

- Le mess est proche mais difficile d'accès, car enfoncé dans la jungle. C'est à 10 minutes. Sinon il y a un autre hangar, selon l'ordinateur 2 des vaisseaux sont restés sur place, j'ignore par contre depuis combien de temps ils y sont et dans quel état ni même s'ils s'y trouvent réellement. Les connexions Holonet ne fonctionnent plus, donc les données du hangar et celles spécifiées ici peuvent ne plus correspondre.

Le jeune homme se tourna vers son collègue, il leva les yeux vers lui par automatisme et soupira en repoussant sa chaise à roulettes.

- Il est possible qu'ils aient laissé à manger quelque chose, vu la précipitation avec laquelle ils sont partis. Je me demande vraiment ce qui a pu se passer et si nous devons nous en inquiéter.

Se demanda le blond à mi-voix, légèrement préoccupé par la situation, sans oublier leur mission, simple de base, qui prenait un sacré retard.

- Le vaisseau était encore dans l'espace Républicain lorsque nous avons... Eu... L'accident? Les répercussions pourraient être inquiétantes si c'était présenté comme un attentat.

Les relations étaient tendues en ce moment, alors évidemment un vaisseau transportant des produits médicaux qui explosait avec tout son équipage et deux Jedis à son bord, il y avait de quoi aviver les tensions. Si l'accident avait eu lieu sur le territoire Républicain, les informations en parlaient peut-être, dans un entrefilet certes, mais il y aurait bien des oreilles attentives pour le capter et gonfler d'avantage l'importance, envenimer.

- En ce qui concerne la réunion, je crains que nous n'arrivions pas à temps. Ce serait déjà beau de pouvoir s'expliquer. Enfin, gardons espoir.

Luke esquissa un sourire, au moins il n'était pas seul, et son compagnon d'infortune n'était pas dans un état aussi lamentable que prévu. Ils avaient finalement de la chance. Quel optimisme!
Le Hapien quoique tranquille de nature ne s'expliquait pas sa capacité à tant relativiser. Serait-ce la Force? Les compétences évidentes de Karm pour la survie ou...?

- Nous pouvons y aller. Euh je peux...

Il retira sa main automatiquement, d'une façon abrupte mais surtout gênée, trop pour que son geste puisse être identifié à du dégoût, au contraire. D'ailleurs quelques instants plus tard,
après avoir attrapé son sabre-laser pour le mettre dans une sacoche en cuir découverte sur les lieux, sa main traînait. Il ne l'avait pas offerte mais elle était là, libre, facile à saisir.

Ce n'était pas bien, mais ça devenait nécessaire
Difficile d'ignorer l'appel d'une âme qui vous frôle et à laquelle vous êtes favorable.
Impossible?
Karm Torr
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— … désolé…

Tout évident que le geste de Luke aurait paru à n’importe qui doué d’un tant soit peu de perspicacité sociale ou d’une familiarité même élémentaire avec les holofeuilletons pour adolescentes, Karm, lui, qui ne regardait pas Romance à Naboo, se sentit maladroit et idiot. Et peut-être aussi un peu laid. Même si Luke ne pouvait pas le voir.

— Si, hm… Si y a encore des vaisseaux, y aura sans doute des rations de survie. Ce sera pas le repas du siècle mais ça nous évitera de nous aventurer dans la jungle tant qu’on est pas reposés. Et soignés. Allons voir. Avec un crochet par là.

Il pointa du doigt un carré sur la carte holographique avant de se souvenir que le geste était inutile.

— L’infirmerie, j’veux dire. Désolé.

Encore désolé, toujours désolé.

— C’est parti…

Karm se détacha du bureau, étrangement plus préoccupé par Luke et ses mains que par le sort de la République, les attentats, les jungles, le bacta ou même la Flotte Ark-Ni. Il y avait des sections des manuels de formation des explorateurs consacrées à des sujets de ce genre : le poids émotionnel de l’isolement et des naufrages galactiques, les sentiments qui se développaient rapidement chez les gens que le hasard jetait à la dérive, avec de minces espoirs de retourner à la civilisation, l’attention que l’on devait porter à maintenir des limites claires et à ne pas se laisser distraire par ce qui n’était, somme toute, que le produit de beaucoup d’hormones et d’un peu d’inquiétude.

Ces pages, Karm les avait toujours trouvées pleines de bon sens. Désormais, il se demandait si elles n’étaient pas un peu idiotes, le genre de trucs écrits par de vieux Calamariens sur le retour qui n’aimaient rien tant que brider les jeunes et courageux aventuriers de l’impossible dans leurs élans fraternels. Enfin, « fraternels », c’était une façon de parler.

Ils étaient de retour dans l’ascenseur et Karm regardait alternativement ses pieds et Luke. L’ascenseur s’arrêta à un nouveau niveau, les portes s’ouvrirent, Karm s’y engagea le premier. Le passage était encombré par un gros droïde protocolaire tombé de travers quand ses batteries s’étaient épuisées. Il n’avait pas pris l’initiative de se recharger lui-même. Étrange.

— ‘Tention, te cogne pas. Attends.

Karm tendit la main pour prendre celle de Luke, s’interrompit au moment où ses doigts effleuraient la peau du Jedi, lorsqu’il se souvint de la manière dont celui-ci avait retiré la sienne. Maladroitement, il prit plutôt son avant-bras pour le guider, lui montrer comment se pencher pour passer sous le droïde, coincé entre le mur et la balustrade, afin de le lâcher aussitôt de l’autre côté, et de répéter :

— Désolé.

Le Gardien pressa un bouton sur le mur près d’eux et la porte de l’infirmerie s’ouvrit. Karm, une nouvelle fois, se lança dans une description des lieux.

— Quatre lits, sur notre droite, séparé par une espèce de cloison en plastique pas tout à fait transparente. Pas de droïdes médicaux, ils devaient pas cumuler les urgences. Une cuve à bacta mais vide. Un bureau, droit devant nous. Et à gauche, des armoires, puis une… T’sais, le lit en métal. Table d’auscultation, voilà. Pas tout à fait vides, les armoires, elles.

Karm traversa la petite pièce pour faire l’inventaire du contenu.

— Ils ont pris tous les trucs un peu sérieux, on dirait. Reste quand même deux paquets de compresses de bacta, du désinfectant et du bandage. Deux, euh… J’sais pas. Des sortes de fil, jamais vu de ma vie, probablement pas pour les humanoïdes. Et une crème pour euh… Réguler la sécrétion de mucus. J’vais m’faire un bandage.

Le Chevalier attrapa les compresses, le désinfectant, le bandage et une paire de ciseaux, avant d’aller s’asseoir sur la table. D’abord, le désinfectant. Il serra les dents en sentant la brûlure du liquide, tamponna la suture, appliqua une compresse et entreprit de réaliser le bandage lui-même, un exercice compliqué quand on était seul mais, à vrai dire, il ne manqua pas de pratique dans le domaine.

— Pour les vaisseaux. Faut voir que j’suis pas ingénieur alors… C’est possible que les réparations dépassent mes compétences. Auquel cas, on balancera un signal de détresse, quitte à ce qu’un vaisseau de mercenaires hutts rappliquent. On pourra toujours voler le leur. Ce serait plus sportif et moins discret mais ça reste un plan C valide.

Si le plan A était de réparer un vaisseau et le plan C de voler celui de ceux qui viendraient les capturer, quel était donc le plan B ? Karm commença à se contorsionner pour fermer le bandage et son soupir de douleur se fit entendre dans l’infirmerie — c’est souvent bête, les garçons.
Luke Kayan
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Luke secoua la tète pour signifier qu'il ne se sentait pas outragé. Fait curieux, il conservait quelques mimiques non-verbales réservées aux voyants, signe discret qu'un jour, lui aussi avait profité des couleurs. Les gens se trompaient souvent en lui désignant des choses, de temps en temps ils s'en rendaient compte, s'excusaient et recommençaient, mais la majorité des fois, le Hapien perdait un bout précieux de la conversation. Il était habitué et trouvait un autre chemin pour avoir accès aux informations. La manière dont le traitait Karm, protectrice sans être étouffante apportait un certain repos au jeune Jedi, égaré sur une planète inconnue et souffrant bel et bien de blessures, légères mais éreintantes. Il se laissa donc guider, sans rechigner, jusqu'à ladite infirmerie, déplorant et bénissant à la fois le moment où son comparse retira ses doigts de son avant-bras.

Un bruissement attira l'attention du jeune homme, d'autant plus que celui-ci fut accompagné par un soupir de douleur. L'air fut envahi par une odeur de désinfectant, précédemment appliqué par Luke sur les blessures de son patient qui manipulait visiblement seul, ses blessures. Concerné, le médecin improvisé s'approcha, guidé par l'aura de Karm. Il posa ses doigts sur ce qu'il devina être-au touché rêche- une bandelette et prit d'autorité l'opération en main.

- Le plan B est de se soigner correctement, te souviens-tu? Reprendre des forces avant de songer à quoique ce soit, y compris au dit plan A d'ailleurs.

Fit le jeune homme en souriant. Il serra avec justesse le bandage, pour chercher ensuite à le ceindre grâce à sa bande autocollante. Ses gestes étaient remplis d'une douceur attentionné mâtinée de fermeté. Savoir de base pour un guérisseur: comprimer la blessure tout en la laissant respirer.

Luke se détacha de l'Ark-Ni pour se diriger vers le bureau. D'une main sûre il balaya la surface lisse avant de s'attaquer aux tiroirs. Sans réelle crainte malgré la possibilité de trouver un objet coupant, le Hapien les ouvrit un à un, enfonçant ses doigts jusqu'au bout. Ceux-ci, habitués à servir d'yeux fouillèrent méthodiquement le tout, avant de s'attaquer à l'armoire qui donnait plus d'espoir au Jedi. Et en effet, un petit obstacle fit reculer ses ongles, qui se rapprochèrent à nouveau, la surprise passée. Il connaissait parfaitement les dimensions et le touché de cet objet. Pour s'en assurer, le Hapien l'approcha de son nez avant d'esquisser une petite grimace.

- Capsule de nourriture déshydratée: saveur chou-fleurs et steak de Rancor, ça ne m'étonne pas qu'ils l'aient laissée.


Luke n'était pas difficile mais il avait toujours voué une certaine "haine" aux choux, et de fait, était presque végétarien, peu adepte de la viande, alors un steak rose, bien gras. Il en mangerait pour reprendre des forces mais non sans grimacer un peu. Même les Jedis avaient leur petit caprice. Par chance, sa prochaine trouvaille fut plus concluante.

- Deux autres: Poisson et... Riz? Pas sûr de la garniture. L'autre semble être un genre de salade de fruits.


Les caisses encore présentes indiquaient en réalité Semoule et Poisson de Naboo et Salade de fruits et légumes récoltés sur Alderaan. Luxe extrème, le Hapien découvrit également une capsule qui avait possédait une forte odeur chocolatée, ainsi ils auraient un dessert magnifique. Avec joie, sa main toucha une matière plastique flexible qui rebondit à son contact: une bouteille d'eau. Parfait pour réhydrater leur repas, ils n'auraient même pas à quitter les lieux.

- Si aucun des vaisseaux ne décolle, nous pourrions éventuellement envoyer un signal de détresse, mais sans dire qui nous sommes, histoire de voir à quoi s'attendre. Si le système est lié à ceux qui ont délaissé tout ça, il y a une chance qu'ils reviennent, étonné qu'il y ait encore une trace de vie intelligente sur cette planète. Si nous tombons sur les autorités Républicaines, ce sera notre chance. Faudrait voir s'il y a moyen de découvrir comment le système de communication est connecté... Directement aux secours? Cela m'étonnerait... Ou direct chez les pirates. J'essayerai même si je suis aussi informaticien que toi.

En revanche le concerné était assez bon acteur. Il serait bien capable de faire croire, en sachant à qui il faisait face, d'adopter une autre identité, y compris celle d'un pirate. À voir donc s'ils pouvaient déterminer qui seraient leurs interlocuteurs potentiels. Des autorités ou des pirates désireux d'effacer toute trace, cette fois définitivement, de leur passage ici. Luke se rendit vers l'un des vaisseaux, il eut bien du mal à trouver le bouton pour ouvrir le cockpit et se laissant surprendre par la profondeur de ce dernier, disparut presque en entier dedans. En remontant péniblement en arrière, le jeune homme se souvint à ce moment de son camarade droïd Bip qui lui manquait. Enfin, ils étaient des Jedis et ne devaient pas s’appesantir sur une crainte toute civile, de mourir isolés. Il fouina un peu les lieux tout en demeurant un peu plus prudent. Les nombreuses "choses" piquantes que pouvaient contenir un vaisseau entre manivelles et leviers lui donna raison. Malgré tout, le Chevalier trouva deux ou trois autres rations de survie plus modestes mais aussi pratiques que les premières, celles-ci sans saveur. Au fur et à mesure qu'il prenait conscience de la taille du "hangar" et de la disposition des objets, le jeune homme prenait de l'assurance. Il enregistrait rapidement la localisation du vaisseau ou de l'infirmerie, se montrant plutôt actif pour un récent naufragé aveugle et Consulaire. Cette voie d'ailleurs, il l'avait d'abord refusé, ne saisissant pas l'intérêt des palabres. Judicieusement, Saï l'avait poussé sur ce chemin, d'abord par défaut, Luke l'avait acceptée puis avait appris à l'apprécier. Cela dit, il restait assez "aventurier" quand la situation le lui permettait. Ça lui rappelait un peu son adolescence, lorsqu'il avait enfin commencé à contredire les aînés, juste un peu pour prouver à Saï, que non il n'était pas un insipide perdu, un passif condamné.

Désormais que Karm était blessé plus sérieusement, c'était à lui de prendre les devants. Fort convaincu de son rôle de protecteur, le Hapien revint près de l'infirmerie et retrouva les cartons des capsules dans l'armoire. En les déchirant, il forma deux "assiettes" et les installa devant eux à une table proche. Question modestie, les deux jeunes hommes atteignaient des sommets. Là au moins question austérité Jedi, ils étaient servis.

- Choisis. -Commença le Hapien avec un sourire de circonstances en déposant les capsules nutritives.- Après nous verrons pour les vaisseaux, je crois m'être légèrement blessé sur un tournevis. Il doit y avoir une boite d'outils par là-bas... Mais après...

Un silence s'installa, que Luke combla d'une voix douce.

- Pourquoi explorateur?

Demanda-t-il, curieux, entamant l'une de ces fameuses conversations entre deux personnes réunies par des circonstances dans un restaurant de fortune. Si la situation n'avait pas été tragique, le Hapien s'en serait presque amusé. Étrange pour lui qui, habituellement n'aimait pas voir des imprévus démonter ses missions. Cela dit, son instinct d'aventurier semblait bel et bien réveillé.
Karm Torr
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Pendant que Luke inspectait les vaisseaux, Karm, enfin docile, était resté à l’infirmerie et il se concentrait sur la Force pour accélérer sa guérison. Creusée dans la falaise, il y avait peu de chance que la base les exposât au moindre danger sérieux et il n’aurait sans doute pas besoin de se battre de sitôt mais s’il devait réparer un vaisseau, il faudra se contorsionner, ramper, grimper, et ce serait une épreuve comme une autre.

Les yeux fermés, assis en tailleur sur la table métallique, nimbé encore par l’odeur du désinfectant, le jeune homme parvint à faire le vide dans ses pensées. Il prit pleinement conscience de son corps, comme Tavaï le lui avait appris, de sa douleur, du bacta, du pansement, de la peau et de la cicatrice, des muscles et de sa respiration. Ce n’était pas une leçon d’anatomie : c’était la connaissance intime de la Force vitale, qui s’équilibrait, petit à petit, et finirait par le guider vers la guérison. Ce n’était pas très utile pour soigner les autres mais sur soi-même, les résultats étaient éprouvés.

Il rouvrit les yeux au retour de Luke et, un peu plus calme, observa l’Hapien qui préparait le repas. Les goûts de Karm en la matière étaient sobres et il fallait bien reconnaître que la cuisine ark-ni ne s’était de toute façon jamais élevée au rang de gastronomie. Le jeune homme finit par descendre de son perchoir et par s’asseoir à table, en face de Luke.

— Pas doué avec les gens, répondit Karm d’un ton embarrassé à la question de Luke.

Et à nouveau, le silence. Poussant sans conviction sa nourriture de droite et de gauche, le Chevalier jeta un regard incertain à Luke. Il avait envie de lui parler — de l’entendre parler, aussi. Être soigné et protégé avait un charme dont Karm n’était guère familier et le Consulaire était si attentif avec lui qu’il se demandait si, pour une fois, quelqu’un ne pourrait pas adoucir ses propres souvenirs.

— En fait, euh…

Il n’avait pas l’habitude de parler de lui — de son parcours, de ses sentiments, de ses impressions — et ce qu’il avait à dire se bousculait confusément dans son esprit. Il y eut encore du silence et puis il se jeta à l’eau :

— Ma première bataille, c’était Ondéron, l’invasion du Temple, j’avais quatorze ans. C’était… J’sais pas, j’me suis pas trop mal débrouillé, tu sais ? J’pensais que ce serait ça, ma vie. C’était ce à quoi me formait Tavaï, tout tournait autour de ça, les arts martiaux, le sabre, le combat, la douleur, tout ça. Après Ondéron y a eu les dernières escarmouches sur Artorias, puis Argaau, Makem Te et Dubrillion.

En somme, les dernières années de son apprentissage, les premières de sa Chevalerie, avaient été une succession quasi ininterrompue de combats.

— Y a eu beaucoup de… Morts.

Et un certain nombre de sa propre main. Des ennemis, bien sûr, des gens qui n’auraient pas hésité à le tuer, lui, et c’était ainsi que se passaient les guerres, mais des morts malgré tout.

— J’ai pas eu l’impression que c’était vraiment, que c’était… C’que j’devais faire. J’aime bien me battre, j’veux dire, c’est pas non plus… Mais pas comme ça. Avant, quand Tavaï avait le dos tourné, ‘fin pas le dos tourné, mais quand même, occupée ailleurs, disons, j’avais commencé à me former avec le Corps d’Exploration. Et ils avaient besoin de gens comme moi, quoi, avec mes… talents. ‘Fin, c’est beaucoup dire. Compétences.

À savoir, des guerriers chevronnés avec un sens de l’improvisation considérable.

— Et comme j’suis pas… Un génie ou… J’dis pas que j’suis con ni rien mais plutôt, genre malin, ‘fin bon, j’vais pas résoudre les crises politiques ni inventer le vaccin contre je sais pas quoi. Ou démanteler des Cartels. Et j’suis pas non plus vachement doué avec les gens. Pas très populaire et tout. Alors être plus ou moins tout seul et résoudre des problématiques pratiques sur des planètes désertes et super dangereuses, ça me paraissait pas mal.

En vérité, cette vie-là était moins solitaire qu’il ne l’avait cru d’abord : il y avait les équipes républicaines à seconder, les missions d’exploration à encadrer, les réfugiés à installer, et petit à petit, Karm apprenait tout autre chose que ce qu’il avait cru d’abord trouver. Mais à l’entendre, alors que d’autres auraient su donner à la vie aventureuse de l’explorateur toute la romance épique digne des meilleurs drames de l’Holonet, on aurait presque cru qu’il avait choisi une voie de garage pour éviter d’être un troupier de base et c’était à peine s’il ne suggérait pas qu’il était un rebut de l’Ordre.

— ‘Fin voilà, désolé, c’est pas super excitant, conclut Karm dans un murmure en avalant sa dernière bouchée de chou. Mais réparer les vaisseaux et les faire voler, j’suis pas trop mauvais à ça, alors c’est toujours ça de pris. Puis t’as l’air de plutôt gérer la situation toi-même, du coup…

Pour être honnête, Karm considérait que l’improvisation exploratoire était une compétence largement partagée. C’était aussi ce qui faisait de lui, pour l’heure encore, un piètre enseignant : sa propension à ne pas reconnaître ce que ses spécialités propres avaient d’exigeant, de difficile et même d’exceptionnel.

— D’ailleurs, t’as raison, avant de crapahuter dans tous les vaisseaux pour déboulonner des hyperdrives, faut qu’on soit d’attaque. Quand t’auras fini c’te super expérience gastronomique, j’désinfecterai tes blessures et on profitera des compresses de bacta. Tant qu’on est dans l’infirmerie, au moins, ce s’ra fait.
Luke Kayan
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- Humpf

Luke choisit une capsule sans saveur et, tout en écoutant Karm conter sa trajectoire, s'en délecta doucement. Ce n'était pas un met exquis, ni même comparable au plus basique des plats de la cantine du Temple, mais le Jedi était déjà reconnaissant d'avoir quelque chose à se mettre sous la dent. Il hocha la tête pensivement, adoptant un réflexe de voyant, une fois de plus. Il comprenait la situation de l'Ark-Ni pour l'avoir expérimenté. Un sourire triste se posa sur ses lèvres, puis il détourna son regard, afin de cacher la honte que l'on pouvait encore lire dans ses prunelles certes fixes, mais bien vivantes et aussi traîtresses que dans sa prime jeunesse.

- L'invasion du Temple. C'était ma faute. J'étais le Padawan de Saï Don. J'ai été capturé par les Siths... Et j'ai appelé mon Maìtre. J'étais si désespéré que l'Onde a apparemment traversé l'espace-nous venions de décoller- pour arriver jusqu'au Temple. C'était un piège. Dans leur académie, j'essayais de m'en tenir à nos préceptes, me montrer fort, accepter le sacrifice mais je n'étais qu'un enfant, j'ai appelé. Je ne sais pas si les Siths m'y ont aidé, mais la Force a passé les frontières du néant pour rejoindre mon Maître qui, pour me sauver, à laissé le Temple sans chef du Conseil.

Évidemment, Saï lui avait fait comprendre que ce n'était guère sa faute à l'époque au vu de son âge, de fait sur Hapès, plus vieux et de nouveau captif, il avait été capable de renoncer à cet appel de détresse. Luke avait en grande partie dépassé le sentiment de culpabilité lié au traumatisme de l'événement et tout ce qu'avait pu impliquer ses mois d'enfermement au sein de l'Académie, non pas dans une cage mais à portée de sabre de tous leurs apprentis. Toutefois, lorsque des histoires coïncidaient avec cet événement, que des destins s'en trouvaient changé, le Hapien ne pouvait s'empêcher de se sentir comme le dernier des couards. Il poussa un léger soupir. Tant de vies gâchées. Qu'en aurait-il été s'il était mort, lui, et que Saï avait pu demeurer au Temple pour défendre les siens?

- J'ai aussi effectué quelques recherches sur diverses planètes- dont Myrkr que je ne te conseille vraiment pas.- pour étudier l'influence de la présence de la Force-et celle de son absence- sur son environnement et les êtres vivants. Malheureusement, mes problèmes de vue m'ont quelque peut... Limités dans cette voie.

Le jeune Jedi sourit, il n'avait pas poussé sa carrière de chercheur-explorateur aussi loin que voulu, mais assez pour savoir combien ils étaient importants. C'était eux qui déclenchaient les prémisses de nouvelles ères, l'avancée psychologique, technologique, physique et parfois spirituelle des Jedis. Il suffisait de voir la taille de la bibliothèque d'Ondéron ainsi que la formation des Padawans qui devaient lire de très nombreux ouvrages pour s'en rendre compte. Si les Gardiens avaient pour habituer de mépriser les Consulaires ou les Chercheurs voir les Medcorps, Luke les admirait. Il peinait d'avantage à trouver un intérêt à sa propre "caste". Du moins en ce qui le concernait, car s'il n'était pas mauvais, il n'avait pas encore brillé au point d'éviter une bataille Intergalactique. Son meilleur coup avait été en compagnie de Yun qui avait alors, malgré son statut, largement dirigé les négociations avec les Arkaniens en colère, manipulés par une présumé Sith.

En réalité depuis quelques années, étrangement, c'était l'infiltration qui semblait lui réussir. Il peinait à interagir avec les autres en tant que Luke, mais ses personnages avec un but précis, un comportement prévu par avance parvenait à le faire sortir de ses difficultés. Sans doute parce que de base, le Hapien n'était pas asocial, seulement décalé, pourvu de carences dures à compenser. Il n'avait appris aucun de ces codes, enfermé et maltraité, dans sa prime jeunesse. À l'image de Karm, il n'avait fait qu’enchaîner les combats en quelque sorte.

- Je ne suis pas très doué non plus avec les gens.

Confessa le jeune homme d'un air contrit.

- Je suis peut-être aveugle, mais pas sourd contrairement à ce que semblent croire de nombreux pairs ou Padawans. Ainsi je les ai entendu me surnommer "le somnifère".

L’Ego déjà mis à mal du Chevalier avait souffert lorsqu'il avait appris cela, même si aujourd'hui il se rendait compte de la futilité de cette douleur, perdu sur une planète déserte à laquelle il ne savait pas encore comment échapper.

- Je vois, ton maître ne t'aurais pas laissé devenir explorateur... À cause du manque de prestige de ce Corps? Je pense que ceux qui le dénigrent ont tort. Par définition, les Jedis sont des intellectuels plus que des guerriers. C'est le monde moderne qui les a forcé à mettre l'accent sur le second rôle. Finalement comment Tavaï a-t-elle découvert ta vocation?
Par hasard ou par confession? Et quelle fut sa réaction?


Le jeune homme attrapa son gobelet d'eau- non sans avoir renversé quelques gouttes sur le carton et sur ses mains- et but une petite gorgée, la savourant comme s'il savait risquer de ne plus en avoir pendant un bon moment. C'était peut-être ça qui les attendaient au final.

- Tu sais... Au final. Je ne trouve pas que tu débrouilles si mal avec les gens. Et puis... Ce que tu as dis était loin d'être inintéressant.

D'une voix étrangement basse, Luke sentit son souffle lui manquer, il rougit délicatement. Non, "le somnifère" ne s'était pas ennuyé. Bravant cette fois le regard de son comparse, le Hapien avala ce qui lui restait de repas, mais il demeura sur place au lieu d'aller fouiner les ordinateurs, implicitement à la merci de son aîné. Il acceptait ses soins silencieusement- notamment pour une entaille sérieuse quoique non létale à l'épaule et des griffures dans le coup.-. Rien de plus, n'est-ce pas?
Karm Torr
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— Après Dubrillion, Tavaï et moi, on se parlait déjà plus beaucoup. Elle a pas vraiment commenté mon choix. J’sais pas, j’ai interprété son silence comme de la déception, j’pense mais au fond, c’est pas un truc qui me travaille. Y a beaucoup de choses qui me travaillent à cause d’elle mais ce choix-là, je le regrette pas.

Le moins que l’on puisse dire en tout cas, c’était que Karm n’avait pas avec son ancienne Maître la relation idéale que les textes canoniques des Jedis décrivaient — et il n’avait pas révélé à Luke le quart de ce qui s’était passé entre Tavaï et lui. D’ailleurs, les blessures du Consulaire furent une bonne occasion de changer de sujet et, après avoir avalé un dernier verre d’eau, Karm se leva et guida Luke jusqu’à la table d’examen.

— J’vais juste, euh… Enlever ça, murmura-t-il plus bas encore que d’habitude, en tirant sur le bas de la tunique de Luke. Pour l’épaule.

Karm fit passer le haut du Jedi par-dessus sa tête pour découvrir son torse nu et son regard courut bien malgré lui sur la peau de Luke. Le désir qu’il en éprouva rendit son aura plus brûlante — pendant quelques secondes, la puissance guerrière dont elle témoignait d’ordinaire se mua en esprit de conquête charnelle, avant que le jeune homme ne parvienne à reprendre un semblant de contrôle sur ses yeux et ses pensées.

La sexualité ne faisait pas partie des grands enseignements jedis, sauf à prôner la chasteté, et Karm n’y avait jamais beaucoup réfléchi. Intuitivement, il lui semblait qu’on n’aurait eu tort d’interpréter le Code trop strictement et qu’une complète chasteté était contraire à la Force vivante mais c’était aussi un héritage de la société ark-ni, où les relations se nouaient et se dénouaient plus librement qu’ailleurs.

Les désirs de Karm étaient vastes mais il les ignorait aussi beaucoup. Il y avait toutes sortes de personnes qu’il trouvait belles — des mâles, des femelles, des humains, d’autres — mais elles n’étaient jamais que des passantes lointaines et pour toujours inaccessibles, des rêves à demi-compris, et qui s’évanouissaient quand il prenait la pleine mesure de sa situation. Luke était différent. Luke était là. Luke était…

— C’est… c’est… c’est pas très grave, parvint-il finalement à articuler. Mais y a quelques petits débris à enlever. T’inquiètes, la médecine improvisée, je gère, quand c’est superficiel.

Il posa sa main sur l’épaule nue de Luke et une vague de chaleur se répandit dans les muscles du jeune homme, pour les engourdir. L’opération n’aurait de toute façon pas été très douloureuse mais, comme ils étaient fatigués, Karm ne voyait pas l’intérêt de jouer aux grands stoïques juste pour la beauté du geste. Quand il jugea que l’épaule était suffisamment endormie, il se saisit d’une petite pince pour extraire les brindilles qui s’étaient logées dans la plaie.

Concentré sur sa tâche, il n’en reprit pas moins la parole :

— T’sais… C’est deux choses super différentes d’être la cause de quelque chose et le responsable de quelque chose. Si tu pilotes un chasseur, puis qu’un autre chasseur sortit vraiment de nulle part, genre qu’était en mode furtif, il t’explose une aile et tu pars en vrille et tu percutes un chasseur allié, t’es la cause de l’accident mais pas le responsable. Et donc, euh…

Il commençait à s’embrouiller dans sa comparaison, comme souvent.

— C’que j’veux dire, c’est que, les Siths, ils auraient attaqué le Temple n’importe comment. Maître Don a tellement de responsabilités que y a bien des manières de le forcer à quitter Ondéron. T’as été la cause accidentelle mas pas le responsable.

Les débris nettoyés, Karm entreprit d’appliquer le désinfectant, avec des trésors de délicatesse — une dextérité qui venait de l’habitude à réparer de petits composants électroniques. Et à recoudre ses propres plaies.

— J’ai été dans bien des batailles, t’sais, et même mes adversaires, souvent, j’me dis que c’est des gens qui sont là un peu par hasard, par un concours de circonstance, tout ça. Le guerrier sith de base, j’suis pas sûr qu’il soit entièrement responsable de ce qui lui arrive et de ce qu’il fait arriver aux autres.

La sagesse de Karm ne sautait pas toujours aux yeux, parce qu’elle s’exprimait rarement dans ces sentences élégantes, concises et bien tournées dont les Maîtres Jedis avaient le secret, mais elle était considérable, pour un garçon de son âge. Il réfléchissait, beaucoup : sur ce qui lui arrivait, sur ce qui arrivait aux autres. Avoir le sentiment de ne jamais tout à fait appartenir aux deux mondes qui devaient le définir, celui de l’Ordre et celui des Ark-Ni, avait cet avantage qu’il disposait à méditer sa situation.

— Quant à être un somnifère, sérieux…

Le Chevalier commença à appliquer les pansements.

— … si y a bien un truc que tu m’donnes pas envie de faire, c’est de dormir.

Une seconde.
Deux secondes.
Trois secondes.

Et Karm se rendit compte de ce qu’il venait de dire. Ses mains se suspendirent en plein geste, son cœur s’accéléra et il s’engagea à toute vitesse sur la pente savonneuse des explications :

— Nan, ‘fin, j’veux dire, c’est pas c’que j’ai voulu dire, hein, j’dis pas ça, rapport au fait que, tu vois, désolé, j’veux dire, tu sais, t’es vachement, euh, canon, mais bon, on s’en fiche, ‘fin c’est pas qu’on s’en fiche, juste que… eeeuh… ‘Fin t’es… tu… OK.

Limpide.

Fichu pour fichu, Karm s’interrompit, prit une profonde inspiration et reprit d’un ton plus calme :

— T’es intéressant. T’as vécu beaucoup de choses, j’ai l’impression, et t’es intelligent, et t’as une perspective unique sur l’existence et sur ce qui arrive. Les gens qui trouvent que t’es un somnifère parce que… Je sais pas, t’es studieux, je suppose ? P’têt que tu respectes les règles ou un truc comme ça. Ben ils sont juste un peu limités et ils ont tort de pas te laisser le temps de t’exprimer. J’préfère largement être coincé ici avec toi qu’avec n’importe quelle tête brûlée qui raconte à qui veut l’entendre qu’il faisait le mur tout le temps quand il était Padawan pour des duels interdits au sabre laser au clair de lune.

Le dernier pansement posé, Karm remit la tunique dans la main de Luke et s’éloigna d’un pas.

— L’épaule, c’est un peu profond, j’pense tu peux te passer de point de suture mais faudra laisser la Force faire son œuvre. Le cou, c’est trois fois rien. Mais sérieux, les vaisseaux, tout ça, le reste de l’exploration, ce sera pour demain. On va se reposer, à chaque jour suffit sa peine. Le temps qu’on va passer à guérir, ce s’ra du temps en moins perdu à l’infirmerie dans les jours à venir.
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