Karm Torr
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— On est sûr que y a pas erreur sur la personne ?

L’autre soldat retint un ricanement, alors que la petite corvette républicaine commençait à décélérer pour s’ancrer dans sa trajectoire orbitale, autour de UP-781 ou Centre Péléon, une planète de la Bordure extérieure trop déserte et trop inexplorée pour que qui que ce fût eût pris le temps de lui trouver un autre nom que celui de l’avant-poste scientifique bâtit là par la République, deux ans plus tôt.

— Nan nan, regarde le dossier. Bataille d’Ondéron, d’Argaau, de Makem Te, de Dubrillion.

Le premier militaire jeta un nouveau regard dubitatif au jeune homme qui s’était allongé sur l’une des banquettes à l’arrière de la corvette, son casque d’isolement vissé sur les oreilles. À part les présentations d’usage, au départ de la petite expédition, Karm n’avait pas dit grand-chose. Il s’était effacé, comme il faisait souvent, et on ne pouvait pas dire qu’il en avait beaucoup imposé aux deux troupiers de base affectés à la protection de la mission.

Bom et Caderny avaient exhumé les états de service du Jedi dans les bases de données républicaines, récupérant un dossier laconique, faute d’avoir accès, par leur grade, à des informations plus complètes. La liste élémentaire des combats et des opérations auxquels Karm avait participé cadrait mal avec celui qui paraissait être un gamin timide, réfugié loin du reste de l’équipage.

— Il est humain ou pas, alors ?
— Vous êtes encore là-dessus ?

Les deux soldats se redressèrent instinctivement, quand la professeure Ray’Vlay fit son apparition. La Bothane avait passé le plus clair de son temps dans le poste de pilotage. Elle s’était attendue à ce que le Jedi prenne la direction de la mission mais l’attitude de Torr avait rapidement prouvé que, pour un temps au moins, ce serait à elle de prendre les décisions.

— On pense pas à mal, prof.

L’une des longues oreilles de la scientifique bâtit un peu, signe qu’elle était dubitatif. À son tour, elle considéra le Jedi.

— On arrive en orbite.
— On fait quoi, maintenant ?
— Scanner.

Dans le silence qui avait suivi la question du soldat, on avait pu entendre la réponse de Karm, murmurée comme souvent. Le Jedi se redressa et fit glisser le casque de ses oreilles autour de son cou. Il regarda tour à tour les trois Républicains avant de se lever sans rien ajouter de plus pour gagner le poste de pilotage. Dans un souffle, Caderny demanda :

— Il est pas censé porter une sorte de robe de bure, aussi ? Là, on dirait un ado échappé de…

Foudroyé par le regard de Ray’Vlay, le soldat jugea plus sage de garder le reste de ses réflexions pour lui. La professeure emboîta le pas au Jedi et la fine équipe fut bientôt assemblée autour de la pilote. Assis au second poste d’opération, qui servait surtout aux fonctions annexes de la corvette, Karm manipulait quelques boutons. Bientôt, un hologramme de la planète apparut. C’était une petite sphère assez chaude, qui gravitait pas très loin d’un soleil déjà un peu vieux.

Essentiellement forestière, avec trois océans assez vastes, elle avait été ignorée de tous, faute de civilisation autochtone, d’abord, et ensuite de ressources minières, qui auraient pu soutenir la production de métaux et donc l’installation de colons curieux. Des tempêtes fréquentes et une situation à l’écart des grandes routes commerciales achevaient de la condamner à un anonymat relatif.

Bientôt, sur l’hologramme, des poches rouges apparurent un peu partout.

— Les Simio-Péléoniens. Faute de scanner plus fins, on va avoir du mal à les distinguer des éventuels survivants de la station.
— Des espèces de grands macaques, c’est ça ?

Pour Bom, c’était une remarque pertinente et la preuve que — pour une fois —, il avait lu le briefing de pré-mission. Mais l’agacement de Ray’Vlay était sensible. Apparemment indifférent aux tensions au sein de l’équipe, Karm agrandit la section de l’hologramme qui représentait la base. C’était un complexe de quelques centaines de mètres carrés pour partie creusé dans une colline, dont seuls la plateforme d’atterrissage et le poste d’observation apparaissaient, sortant comme une protubérance de l’un de ces rares monticules dépourvus d’arbres.

Et c’était les arbres que les scientifiques de Péléon étaient venus étudier, dans l’espoir de transformer la résine épaisse que certaines essences sécrétaient là en matériau pour des armures nouvelle génération, plus résistantes aux blasters. Une recherche en génie biologique qui n’appelait guère les ennuis et c’était pourquoi la mission avait été laissée sans protection militaire.  D’un geste du doigt, Karm indiqua la plateforme d’atterrissage à la pilote mais le regard qui l’accompagna tenait plutôt de la suggestion que de l’ordre.

Comme ses semblables ark-ni, Karm parlait souvent par gestes et les ordres étaient rares. Dans sa société, on consultait, on ne commandait pas — une réalité difficile à admettre, pour les soldats de la République. Et la nervosité de Bom et Caderny allaient croissant, à mesure que l’on s’approchait de la base mystérieuse et que leur Chevalier de compagnie, qu’ils avaient espéré découvrir en super-héros capable de les défendre de tout, se révélait bien différent.
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Saani était contente. Depuis son incorporation définitive au sein des troupes régulières de l'Armée Républicaine, elle n'avait pas encore eu la responsabilité d'un Vaisseau. Mais cette fois, son supérieur l'avait directement recommandé, et elle avait donc la possibilité de piloter seule ce vaisseau. Lorsqu'on lui avait demandé si elle pensait pouvoir gérer la situation seule, elle avait tout de suite répondu que oui, sans que ce soit une réelle surprise pour quiconque.

Ce vaisseau, bien qu'un peu imposant, était particulièrement maniable, et tout indiqué pour la mission qui s'offrait à elle. Grosse capacité de stockage, faible capacité de transport en troupes, avec un armement léger suffisant pour un imprévu tout aussi léger. Et alors qu'elle le pilotait, seule dans le cockpit, Saani apprécia réellement ce moment.

Qu'importait réellement la mission, la blonde n'adorait que ça : piloter. Elle était douée pour ça, et elle le savait. Et si ce joli Transporteur de ravitaillement de classe Quartier-Maître faisait une seule grimace, foi d'ancienne Dragonne, elle le bichonnerait et en prendrait le plus grand soin. Pas question de recommencer des manoeuvres extrêmes comme pour Artorias.

Mais le calme fut de courte durée... Très vite, elle fut rejoins par les personnes l'accompagnant dans cette mission. Un Jedi, une scientifique, quelques soldats... La scientifique avait passé plus de temps que les autres dans le cockpit, et pourtant, de par son passé, Saani se sentait plus proche de l'Ark-ni que d'elle.

-"Représentent-ils une menace ?"

Ces grands Macaques, comme les nommait Bom. Il était important de savoir, et surtout de savoir s'ils étaient une menace pour le vaisseau, cette magnifique réalisation Corellienne. Saani écouta la réponse, puis regarda les deux soldats et indiqua :

-"Allez vous préparer..."

Se dirigeant alors vers la plateforme d'atterissage, elle enclencha la manoeuvre d'approche et regarda le Jedi :

-"Ils comptent sur vous deux. Soyez à la hauteur..."
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— Hé bien, ils se déplacent en groupe, ils font à peu près la taille d’un humain, alors il vaut sans doute mieux éviter de les énerver.

Cette analyse pas exactement empreinte de toute la rigueur scientifique souhaitable valut à Ray’Vlay quelques regards dubitatifs. La professeure haussa les épaules et, pour se défendre, fit remarquer :

— C’est une planète essentiellement inexplorée, les informations sur la faune locale ne sont pas exactement des plus développées.

Et d’ailleurs, elle n’était pas zoologue.

— Bref, conclut-elle, je vais préparer le matériel.

À l’invitation de la pilote, elle ne tarda pas à être suivie par les deux soldats. Seul désormais dans le cockpit avec Saani, Karm considérait en silence le complexe républicain qui ne cessait de grandir, enfoncé dans sa colline, sous leurs yeux. Il ne répondit pas à la jeune femme mais les membres de l’expédition avaient rapidement compris que le Jedi n’était pas du genre à faire la conversation.

Quand le vaisseau fut posé, il se leva simplement pour gagner avec elle la rampe de débarquement. L’air frais de Péléon s’était engouffré dans le vaisseau mais ni la Bothane, ni les deux soldats n’avaient quitté la poupe : ils attendaient sagement à côté de la plateforme flottante sur laquelle ils avaient chargé les quelques caissons qui contenaient le matériel d’analyse emporté par la scientifique. C’était, après tout, pour ouvrir la marche que Karm était là et, sans hésiter, le jeune homme descendit à terre.

Quelques secondes plus tard, il fit un signe de tête, après avoir soigneusement concentré les alentours, et ses protégés purent le rejoindre sur la plateforme.

— C’est calme, observa Bom.
— Pas d’oiseaux, répliqua Karm, comme s’il venait de leur annoncer qu’ils avaient tous le cancer.
— Et ?

Bom interrogea les autres du rencontre, alors que le Jedi s’approchait de l’épaisse porte en ferrobéton du complexe et de son panneau de contrôle. Ray’Vlay se porta volontaire pour fournir une explication :

— Une faune silencieuse est généralement mauvaise signe, parce que cela suggère que les animaux se cachent pour éviter d’attirer l’attention d’un super-prédateur.
— Ah.

Pas très rassuré, Bom se mit à examiner à son tour les arbres qui entouraient la forêt, pendant que Karm rentrait les codes fournis par les services scientifiques de la République et qui étaient censés ouvrir le complexe.

— Peut-être qu’ils ont juste eu peur de notre vaisseau…
— Peut-être, répliqua distraitement Ray’Vlay, avant de s’approcher de la porte à son tour, suivie par la plateforme flottante. Un problème ?
— Les codes marchent pas.

Karm était déjà en train de démonter le panneau de contrôle. ll tira un peu la plaque pour révéler les fils et les cristaux de l’autre côté.

— Tout est intact.
— Ça veut dire que quelqu’un de la mission à changer les codes d’accès.
— Sans en avertir la République…

Instinctivement, Caderny dégaina son blaster.

— Vous pouvez découper ça au sabre ?
— Hmm hmm.

Karm était plutôt en train de créer quelques courts-circuits bien placés qui ne tarderaient pas à débloquer les portes, en tout cas suffisamment pour les ouvrir ensuite manuellement. C’était qu’il se disait que mieux valait ne pas ouvrir un trou béant, pour le cas où, peut-être, à leur tour, ils auraient bientôt besoin de les fermer à double tour.
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Il ne répondit pas, et se leva finalement pour sortir alors que Saani terminait les actions post-atterrissage. Un caractère bien particulier pour un Jedi. Cependant, la jeune pilote ne s'en offusqua pas et se concentra sur ses tâches : s'assurer que les défenses du vaisseau étaient actives et activer le profil de ces "macaques" dans la data-base du transport. Ainsi, s'ils s'approchaient, le système de tir automatique feraient son travail.

Ensuite, elle se leva et traversa le vaisseau, s'assurant que ses pistoblasters étaient armés et s'emparant d'un fusil blaster pour compléter le tout. Elle avait reçue l'ordre de se joindre à la mission, et exécuterait les ordres même si ça signifiait laissé le transport.

-"T4, je te confie le vaisseau."

T4, magnifique modèle de droïde astromécano. l'engin bipa, siffla, puis se dirigea vers le poste de pilotage alors qu'elle plaçait à son cou un collier qui lui permettrait de garder le contact.

-"Tu m'entends ?"

A nouveau, un son s'échappa du robot, et la pilote l'entendit de part le comlink à son cou. Sortant dès lors par la rampe, elle rejoignit le groupe pour entendre Caderny demander si Karm pouvait utiliser son sabre pour ouvrir la porte. Ses yeux se plissèrent, et Saani sentit la Force s'activer dans la zone.

— "Faune silencieuse et codes inopérants" déclara Bom lorsqu'il constata l'étonnement de la pilote.

-"T4... Les senseurs indiquent des organiques dans le coin ?" questionna Saani. Le droide ne tarda pas à répondre, à la négative, par le biais du communicateur. La blonde garda quand même la main sur la gâchette du blaster qu'elle avait, car finalement, quelque chose n'était pas normal.
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— Je croyais que tout était intact.

La porte s’était bien ouverte mais de quelques centimètres, seulement, et les deux lourds battants de ferrobéton n’étaient pas assez écartés pour laisser passer qui que ce soit.

— La batterie du panneau d’ouverture est intacte mais les générateurs principaux de la base ne doivent pas fonctionner. Professeure ?

La Bothane hocha la tête, ouvrit l’une de ses caisses de matériel et s’empara d’une toute petite sphère argentée et d’une tablette de contrôle. Quelques secondes plus tard, la sphère se mettait à léviter avant de se glisser dans l’entrebâillement de la porte. La scientifique parcourut les données que la sonde affichait sur son écran.

— Pas de contamination bactériologique ni de radiation particulière.
— Ça nous évitera d’enfiler les pyjamas, murmura Caverny, en faisant référence aux combinaisons d’isolation.
—  Je pense que nous pouvons ouvrir les portes.

« Nous », en l’occurrence, ça désignait surtout Bom et Caverny, parce que personne ne s’attendait à ce que Torr puisse y faire quoi que ce soit, sauf peut-être à force de télékinésie. Les deux soldats s’activèrent et, bientôt, l’équipe pénétra dans les couloirs obscurs de la base, éclairés par des sondes flottantes, qui diffusaient leur petit halo de lumière.

Au bout de quelques mètres, ils avaient atteint la cage d’escalier centrale, à partir de laquelle on accédait aux différenties parties du petit complexe. Le couloir qu’ils venaient d’emprunter longeaient la rampe d’accès pour les speeders et les vaisseaux, toujours fermée, qui se finissaient sur un ascenseur à navires. Le hangar principal devait donc être plus bas. La baie d’observation — et donc le poste de commande — se situaient, eux, aux étages supérieurs, avec les quartiers de vie.

— Bom, Caverny, vous pouvez escorter la professeure pour récupérer manuellement les données des serveurs. Ennada, je suggère que vous m’accompagniez au hangar à vaisseaux, qu’on voit si quelqu’un en ait pris un pour partir quelque part.

Malgré des formulations qui ne ressemblaient guère à des ordres, c’était la première fois où le Jedi paraissait décidé à assumer son rôle à la tête de l’expédition. Ses directives cependant avaient été murmurées, comme toujours, et avec la même voix calme et douce, de sorte qu’elles tranchaient trop avec le ton autoritaire auxquels les soldats républicains étaient habitués pour susciter une réaction immédiate. Ray’Vlay dut insister :

— Allons-y.

Les deux hommes hochèrent la tête : l’un pris les devants, l’autre couvrit les arrières de la scientifique. Karm, lui, désigna d’un geste de tête à Saani les escaliers qui descendaient. Le catalogue des véhicules encore présents étaient une étape cruciale de l’exploration et il comptait sur la pilote pour remarquer le moindre détail étrange dans de pareilles circonstances.

Quand ils furent assez éloignés des trois autres pour ne pas être entendus, Karm remarqua tranquillement :

— Vous êtes sensible à la Force… ?

Comme souvent chez les Ark-Ni, le ton était entre la question et l’affirmation. Détecter les êtres sensibles à la Force faisait partie des routines des Chevaliers et des Maîtres qui supervisaient le Corps d’Exploration Jedi, cela dit : c’était une manière de déterminer si une planète nouvellement découverte offrait un environnement propice à l’installation d’un temple ou de sites d’entraînement ou bien si une race jusque là inconnue devait être surveillée par les Recruteurs, en vue d’y découvrir de futurs Padawans.

— Qu’est-ce que vous sentez, ici ?

Ce n’était pas un test mais une question sincère : fidèle à ses habitudes, Karm cherchait à recueillir l’avis de celles et ceux qui l’entouraient, persuadé que l’intelligence collective l’emportait sur les expertises isolées. Il savait ce qu’il sentait, lui : un lieu abandonné, probablement depuis un moment, froid et silencieux, qui n’avait pas subi d’attaque mais qui avait été déserté volontairement. Une impression peut-être trompeuse mais c’était là tout l’art d’un Jedi : savoir se fier à ses intuitions, sans les prendre pour des vérités révélées.
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Saani suivit le groupe, entrant en dernière dans le complexe et fermant ensuite la marche. Elle savait qu'en cas de coup dur, elle pourrait compter sur Bom et Caverny, et en même temps, ouvrir la marche n'était pas son rôle. Le sien, c'était plutôt... d'être Taxi finalement.

Le Complexe était important, beaucoup plus que le laissait présumer sa plateforme d’atterrissage. C'est en tout cas ce que Saani ressentait à la vue de ces couloirs, des quelques détails qui lui sautaient de prime abords aux yeux. Mais le lieu était froid... Et lorsque "l'ordre" fut donné de se sépara, Saani pris la suite de Karm sans aucun problème. En même temps, l'inviter à se rendre aux hangars, ce n'était pas forcer son talent pour la convaincre. Tout ce qui se pilote, de près ou de loin, la jeune Militaire adorait. Systématiquement...

Mais ce qui surprendrait le plus Saani ne serait visiblement pas un vaisseau du complexe, mais bien l'Ark-Ni. Ainsi, il avait ressenti ça. Non pas que la blonde tentait de cacher d'une manière ou d'une autre ce lien, mais elle ne s'attendait pas forcément à la question, et d'ailleurs pas sur ce ton. Un ton d'ailleurs calme, qui amena étrangement la chose beaucoup plus facilement.

-"Oui. J'ai grandi au Temple d'Ondéron jusqu'à environ mes douze ans."

Devait-elle en dire plus ? Non, probablement pas. Elle y avait été amené il y a longtemps par une navette, avait tût ses origines, et avait été élevée comme tout enfant sensible à la Force, intégrée à un clan et menant une vie tout ce qu'il y avait de plus classique. Ce n'est qu'à l'époque d'un tournoi que sa vie avait basculé vers un avenir souhaité, par la présence d'esprit d'une Chevalière et la grâce des Maitres Don et Caldin.

S'approchant d'un tableau des commandes, elle chercha le registre et examina ceux-ci, n'écoutant qu'à peine la seconde question de son partenaire...

-"Départs, arrivée, transits, ..." se murmurait-elle en consultant avant de réagir finalement. "Hein ?! Ce que je ressens... ?"

Saani afficha une moue plus soucieuse. Elle n'avait pas pratiquer ce genre d'exercice depuis longtemps, très longtemps. Le regardant après quelques secondes, elle ajouta :

-"Je... ne sais pas comment décrire ça..."

Etait-ce réel ou le fruit de son imagination ? Etait-ce présent, ou n'était-ce que parce qu'il avait posé la question et qu'elle y cherchait une réponse... ? Reprenant ses consultations, fuyant le regard de l'Ark-Ni, elle continua tout de même sa réponse :

-"Je ne ressens rien. Comme si ce lieu était abandonné. Et en même temps..."

Posant ses mains sur chacun des bords de la console, s'appuyant ainsi dessus, elle termina :

-"... Et en même temps, c'est comme si cet endroit, ce lieu... ces murs... l'ensemble de ce complexe hurlait au loin..."

Une courte pause, et elle rajouta en selectionnant plusieurs lignes sur l'écran de la console :

-"Là. Cette signature numérique... Elle revient régulièrement, et l'appareil est souvent en entretien dans le planning..."

Rien d'anormal en soi, sauf que Saani savait une chose : ce genre de transport n'était soumis qu'à un examen annuel. Alors soit son pilote faisait de l’excès de zèle, soit ce vaisseau cachait quelque chose.
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Karm s'était contenté de hocher lentement la tête en écoutant les observations de la jeune femme. Quelque part, il aurait préféré que le complexe eût été attaqué : des traces de tirs de blaster partout, des portes défoncées, un ou deux cadavres et tout aurait été plus simple. Mais ces couloirs déserts et intacts, ces consoles de contrôle qui ne survivaient que par leurs batteries internes, toutes les autres lumières coupées, tout éteint, tout forcé dans le silence, voilà qui cachait un mystère autrement plus sournois.

Les yeux turquoises de l’Ark-Ni brillaient dans l’obscurité, réfléchissant la lumière de l’écran de la tablette et des lampes torches, achevant de lui donner une allure étrange, alors qu’ils considéraient les véhicules. Il avisa le speeder dont la signature avait été repérée la pilote et ils se dirigèrent vers l’appareil, longeant les cinq ou six autres véhicules qui composaient la petite flotte de l’expédition.

— Torr, Ennada, vous nous recevez ?
— Cinq sur cinq, professeure.
— Nous sommes arrivés dans la salle principale sans encombre, après avoir forcé une ou deux portes, et j’ai rétabli les codes de sécurité. La progression devrait être plus simple désormais. L’endroit est toujours aussi désert et les serveurs internes n’indiquent aucun problème technique particulier. Les générateurs de la base ont dû être coupés volontairement. Ils se situent trois étages en-dessous du hangar, si jamais vous voulez aller faire un tour.

Arrivés près du speeder, Karm désigna d’un geste du doigt des traces sur la carlingue du vaisseau : la peinture avait été abimée de manière uniforme, signe assez classique que l’engin, prévu pour la terre, avait été exposé trop fréquemment à l’eau salée. Le Jedi tira un datapad de l’une des nombreuses poches de son pantalon et afficha une carte rudimentaire de la planète.

— Les expériences ?

Tout en parlant avec Ray’Vlay, Karm tendit le datapad à Saani pour qu’elle puisse constater que l’océan le plus proche se trouvait à plusieurs centaines de kilomètres. Pour s’y rendre, un autre véhicule qu’un landspeeder aurait été plus approprié, parmi ceux qu’abritaient le hangar. Aux yeux de Karm, une conclusion s’imposait : la personne qui avait tenu aux bains de mer avait voulu cacher sa destination, en empruntant plutôt un speeder de proximité.

— Rien de spectaculaire. J’ai commencé à lire les rapports par la fin, bien sûr. C’était à peu près ce qu’on peut prévoir dans le domaine. La résine commençait à donner des résultats satisfaisants sans être révolutionnaires, les scientifiques préconisent de la modifier génétiquement pour obtenir quelque chose de plus fiable mais il ne parait pas qu’ils aient fait des découvertes sensationnelles susceptibles d’expliquer la situation.
— Les évaluations psy ?

Un silence perplexe répondit d’abord au Jedi puis l’un des deux soldats intervint :

— Vous pensez que l’un d’entre eux à péter les plombs et liquider tout le reste dans la forêt ?
— Tu regardes trop d’holodrames d’horreur…
— Ce n’est pas entièrement impossible. L’isolement, une personnalité fragile…

Karm coupa un instant son comlink pour suggérer à sa partenaire d’exploration.

— Essayons de récupérer dans l’ordinateur de bord les trajets suivis.

Faute de satellites planétaires pour assurer une localisation précise du véhicule à chaque instant, ils n’auraient sans doute que des données approximatives mais une direction générale serait déjà précieuse.

— Je vais consulter les rapports d’évaluation psychologique faits par le chef d’expédition et je vous tiens au courant.
— J’vais rétablir le courant.

La conversation s’arrêta là et Karm se tourna vers Saani.

— On se rejoint tous dans la salle de contrôle.

Le Jedi se détourna en silence et quelques secondes plus tard, il avait disparu dans l’obscurité. En descendant vers les niveaux souterrains réservés aux installations de support de la base, il ne put s’empêcher de méditer l’hypothèse de Caverny. Si un membre de l’équipe avait cherché à dissimuler ses voyages en speeder et si aucune cause extérieure à la désertion de la base ne se présentait dans leurs examens préliminaires, il fallait bien reconnaître que le soldat avait toutes les chances d’avoir raison, au moins en partie.

Ce qu'il découvrit dans la salle des générateurs ne fit que le confirmer.

— Les générateurs sont HS.
— Il leur est arrivé quoi ?
— Courts-circuités. Volontairement, avec des branchements impropres.
— Ça ne peut pas être une erreur ?

Karm considéra les câbles devant lui, qui avaient été soigneusement connectés pour créer des dysfonctionnements.

— Aucune chance.
— Puisque c’est pas reporté dans le registre des avaries des serveurs centraux, ça veut dire que c’est arrivé peu avant que tout le monde disparaisse.
— En tout cas, je crois que j’ai trouvé quelque chose d’intéressant dans les évaluations psychologiques. Hélas.
— J’arrive.
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Saani s'était installée à bord du landspeeder et suivait l'indication du Jedi. Allumant l'appareil, elle activa l'ordinateur de bord et chercha l'information alors que Karm allait enquêter et rétablir le courant. Sachant qu'elle ne devait pas trainer, la soldate regarda les itinéraires, et tous se dirigeaient vers le nord, pour terminer en plein dans la mer.

-"C'est impossible..."

Elle avait beau zoomer sur les cartes, il n'y avait rien. Rien de rien. Juste de l'eau à cet endroit. S'adossant au siège où elle était assis, elle réfléchissait. Elle n'imaginait pas quelqu'un se rendre en plein milieu d'un océan et ensuite revenir pour le simple plaisir de piloter. C'était absurde.

-"T4. Lance un scan planétaire autant que possible sur la zone B39-05. Dis-moi ce que tu trouves..."

Mais les sifflements du droïdes n'annoncèrent rien de plus que ce qu'elle savait déjà : de l'eau. Il n'y avait que de l'eau. Et un landspeeder n'était pas l'engin du siècle pour une virée sous-marine.

-"C'est à devenir dingue. Une vraie histoire de..."

Mais la blonde ne termina pas sa phrase. Son regard fut attiré par une imperfection au niveau inférieur du poste de pilotage. Et se contorsionnant, la pilote entendit d'une oreille la voix de Karm dans son comlink indiquer le sabotage et regarda elle-même une confection artisanale faite sur le speeder.

Plissant le regard, allumant une petite torche d'appoint, l'ex-jedi examina soigneusement ce qui avait été adapté pour tenter de comprendre ce qui lui semblait une effroyable idée.

-"Il... faut être malade pour faire un truc pareil !" se murmura-t-elle à elle-même. "Malade ou..."

A nouveau, elle ne termina pas sa phrase. Elle n'en avait jamais eu l'idée, car n'en avait eu besoin, mais elle se savait capable -par orgueil peut-être- de piloter un engin modifié ainsi, mais ce n'était que parce qu'elle ressentait les choses légèrement à l'avance.

Activant son comlink pour Karm et pour Karm seul, elle l'appella :

-"Karm... Le speeder a été modifié. La personne qui a fait ça à inverser la boussole. Le Nord au sud, ect... pour masquer sa véritable destination. Il va me falloir encore un peu de temps..."

Elle respira profondément, puis ajouta :

-"La personne qui a fait ça... Elle est comme moi... comme nous... Enfin, je veux dire : elle a des pouvoirs..."

Inverser boussole, ce n'était pas inverser une carte. Les scanners du speeder seraient detraquer, et ce modèle possédait une certaine vitesse. Piloter ce bijou dans de telles conditions, c'était risqué. Mais comme une nouvelle n'arrive jamais seule, un sifflement se fit entendre dans les comlink, typique de T4.

-"Comment ça des macaques sont rentrés ?!"

Ce genre de nouvelles ne l'enchantaient guère. Se pouvait-il qu'en rallumant les générateurs, Ray’Vlay est perturbée une jungle avoisinante qui s'était alors montré calme ?
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— On y va.
— Zen.

Localiser les intrus n’avait rien de compliqué : Karm sentait la présence de Saani, la plus distincte, dans le hangar, et celle de Bom, Caderny et Ray’Vlay, plus haut, dans la salle de commande. L’aura des Péléosimiens, sensiblement différentes, se dégageait de l’autre côté de la base, ce qui expliquait qu’ils aient échappé aux tirs automatiques du vaisseau. Ils avaient dû pénétrer en brisant une fenêtre.

— On va éviter de se faire un safari injustifié, ils sont sans doute juste curieux.

Karm n’avait pas pour habitude de décimer la faune locale à la première alerte : les animaux évolués étaient le plus souvent intrigués par les intrus et menaient l’enquête à leur façon. Il s’agissait simplement de les apaiser. Le Jedi avait donc commencé à grimper les échelles et les escaliers qui, de coursive en coursive, le mèneraient à bon port.

Pour distraire les deux soldats, il suggéra :

— Professeure, dites-nous donc ce que vous avez trouvé.
— Hm. Oui. Donc, le chef d’expédition a mené un suivi psychologique régulier de son équipe, suivant le protocole standard. Pendant les deux premiers mois, rien d’étrange, mais à partir d’un moment, le comportement de l’ingénieur en chef a commencé à se modifier. Absences inexpliquées, rêves éveillés, propos incohérents. Les analyses sanguines et les scans n’ont rien révélé, le chef d’expédition a préconisé un rapatriement et un internement temporaire dans une institution psychiatrique.
— Les Simiens se sont séparés, interrompit Karm. Ennada, il y en a deux qui viennent de votre côté. Pas d’raison de supposer qu’ils soient particulièrement agressifs mais bouclez ce que vous faites dès que possible et gagnez le centre de contrôle. Bom, Caderny, allez à sa rencontre. Professeure, enfermez-vous dans le centre en attendant leur retour.

Cette fois-ci, il n’y eut pas d’hésitation à suivre les ordres du Jedi.

— Bien reçu. On y va.

Quelques secondes plus tard, Ray’Vlay déclarait :

— Portes scellées. Donc, je poursuis. Le lendemain de la dernière évaluation, Vascon, l’ingénieur, disparait mystérieusement. Comme il n’avait pas été dangereux jusque là, on n’avait pas pris de mesure particulière pour sécuriser l’infirmerie. Les autres membres ne paraissent pas avoir été affectés.
— Je les vois.

Karm était arrivé dans la cantine de la base. Trois Péléosimiens fouillaient les placards métalliques : des créatures d’un mètre quatre-vingt à peu près, velues sur le dos, le bras et les jambes, avec des narines étroites et des yeux sombres. Ils communiquaient par des grognements assez variés pour que Karm suppose qu’il y avait là un début de langage et, par conséquent, un début de raison.

Pour signaler sa présence, le Jedi lança un petit sifflement. Les trois Simiens se retournèrent d’un coup et le considèrent avec circonspection, ce qui était plutôt bien signe : leur premier réflexe n’était pas d’attaquer. Karm s’approcha donc encore un peu, laissant son esprit gagner petit à petit celui des créatures, grâce à la Force. Il poussa un faible grognement, se frappa doucement le torse et inclina la tête, appuyant ce qu’il estimait être des signes pacifiques d’une onde de Force.

Les pupilles de Karm se dilatèrent alors que l’esprit du Jedi plongeait plus profondément dans celui des animaux, cherchant à démêler leurs impressions, leurs émotions et leurs intentions. Chercher de la nourriture. Se protéger. De quoi ? Du vent, du froid, de la pluie ? Du mal. Quelque chose d’inexplicable. Une souffrance mais pas une blessure. Une souffrance de l’intérieur. Une maladie ?

Karm tendit la main. L’un des singes y posa une patte velue. De l’index, le Jedi suivit les veines sur l’avant-bras de l’animal, jusqu’au creux de son coude, où il reconnut sans peine des marques d’injection. Ses yeux se plongèrent dans ceux du Simien mais les pouvoirs du Chevalier n’étaient pas assez développés pour qu’il pût lire clairement dans les souvenirs et les pensées de l’animal. Il dut se résigner à ne lui apporter qu’une vague d’apaisement, avant de se reculer de quelques pas.

L’Ark-Ni pressa son comlink.

— Quelqu’un a fait des expériences sur les Péléosimiens.
— Rien là dessus dans les rapports de la base de données. Et c’est certainement contraire au protocole scientifique. Sans parler du but originel de la mission.
— Une théorie ?
— Hé bien, la consommation d’une substance exotique pourrait expliquer des changements psychologiques et développer une sorte de drogue à partir de quelque chose trouvé sur cette planète justifierait une expérimentation improvisée sur des créatures qui paraissent se rapprocher des humains, même si biologiquement parlant, ça n’a rien de très sérieux. D’un autre côté, notre suspect n’a rien d’un médecin ni d’un biologiste.
— Et il pourrait avoir voulu tester sur de vrais humains, finalement…

Ses collègues disparus, donc.

— Bom, Caderny, Ennada, vous en êtes où ?
Karm Torr
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N.B. : Ce message est destiné à clôturer un sujet laissé inachevé par la disparition de l'autre jouer-se.



Ils étaient tous rassemblés dans le garage désormais, pour examiner la projection en trois dimensions du trajet du speeder, reconstruit par Ennada après avoir rétabli les coordonnées exactes. Le travail avait été pénible et le trajet que l’holoprojecteur affichait désormais demeurait approximatif. Mais il montrait la course de la machine jusque dans la forêt de la planète.

Bordel, comment quelqu’un a pu piloter un speeder dans une forêt aussi dense ? C’est à coup à s’encastrer dans les arbres.

Le Jedi échangea un regard avec la pilote de l’expédition. Des pouvoirs, avait-elle dit, et il commençait à penser qu’elle n’avait pas tort, même s’il n’était pas certain que la Force fût nécessairement responsable des prouesses de l’ingénieur disparu.

Caderny ?

Le soldat, qui avait profité du retour des générateurs pour rétablir les dispositifs de surveillance de la base scientifique, releva les yeux de son datapad, avant de secouer la tête.

Les seules signatures que j’ai, ça correspond à des Simiens en vadrouille. Toutes les caméras sont pas fonctionnelles, vaudrait aller jeter un œil pour en être sûr, mais…

Le Jedi secoua la tête, le regard fixé sur le plan tridimensionnel.

Born, Ennada, vous gardez la base et vous surveillez attentivement. Des fois que notre suspect refasse son apparition. Professeure, Caderny, on va aller jeter un œil en forêt.

La perspective de s’enfoncer dans ces bois mystérieux et inquiétants n’inspira à la scientifique qu’un hochement de tête professionnel, tandis que le soldat, lui, avait l’air bien moins rassuré. Karm ne put s’empêcher de jauger la Bothane. Quelque chose lui disait que cette universitaire n’en était pas à sa première expédition dangereuse. Rien de surprenant, puisque le corps d’expédition républicain lui avait demandé de se joindre à cette mission.

Les paquetages furent répartis à nouveaux frais, pour alléger les sacs à dos des explorateurs arboricoles, et Karm, Caderny et Ray’Vlay quittèrent la base, pour entamer une longue marche dans les bois de Centre Péléon. Jamais défriché depuis les origines de la planète, ou tout du moins c’était que ce que supposait l’ExploCorps, ceux-ci n’offraient pas un terrain facile et la randonnée se transforma rapidement en épreuve, sans qu’aucun d’eux trois ne songeât à se plaindre.

Après quatre heures de marche cependant, le jour commençait à baisser et Karm jugea plus sage d’établir un campement pour la nuit. Alors que Ray’Vlay faisait le tour des environs à la recherche de vivres pour ménager leurs rations, Caderny tentait d’établir une communication avec la base scientifique, tandis que Karm montait les tentes.

Alors… ?
Pour la voix et l’image, c’est trop difficile, répondit le soldat. Mais on arrive à faire passer des textes. Rien à signaler de leur côté. Ils sont allés voir quand même chaque signal pour vérifier que c’était bien des Simiens.

Karm hocha la tête. La Bothane refit son apparition, ils dînèrent sobrement, organisèrent les tours de garde et puis les deux autres allèrent se coucher. Perché sur une racine, le Jedi écoutait les bruits de la nuit, les rapaces de l’ombre qui hululaient doucement, les courses précipitées des rongeurs au milieu des feuilles mortes. Ne pas à rien. Écouter la nature. S’imprégner de sa présence.

Ses deux heures de garde se passèrent sans incident. La faune nocturne de Centre Péléon était essentiellement composée de créatures de petites tailles. Born le relaya. Quand ils se retrouvèrent tous les trois, ce matin-là, personne n’avait d’événement extraordinaire à rapporter.

J’me disais, débuta le soldat, alors qu’ils reprenaient leur marche, en tendant de rester tant bien que mal dans la direction indiquée par la projection d’Ennada, s’il est arrivé à piloter le speeder jusque dans la forêt, pourquoi le ramener à la base pour repartir ?
P’têt qu’il est pas reparti.
Mais il est pas dans la base.
Nous n’en savons rien, intervint la scientifique.
Mais Born a dit…
Born a dit que tous les signaux vivants étaient des Simiens, mais nous n’avons pas eu le temps de fouiller méthodiquement les lieux. Il est fort possible que notre homme soit mort quelque part et que son cadavre attend d’être découvert, mais pour comprendre ce qui s’est passé, il est important d’aller à cet endroit où il tentait de cacher ses visites.

Un frisson parcourut l’échine du soldat. Toute cette mission était beaucoup trop lugubre. Karm, lui, s’abstint de tout commentaire, plus attentif à la nature qui les entourait, et les dangers qu’elle recelait peut-être, qu’à la conversation dont il jugeait en l’état les spéculations inutiles. Après quatre heures de marche, ils se reposèrent pour déjeuner et reprirent leur route.

On est plus très loin, souffla l’explorateur. Soyons prudents.
Ah parce qu’on était pas prudents jusque là ?
J’me comprends, répondit le Jedi d’un ton distrait. Les capteurs ?
Trop d’arbres, trop d’animaux, répondit la scientifique en jetant par acquis de conscience un coup d’oeil à son écran, je crains que nous n’en tirerions rien.

Pour toute réponse, Karm reprit sa marche.

Au bout d’une demi-heure, il fit le signe de s’arrêter. Un spectacle sinistre et singulier s’offrait en effet à eux. Là, les arbres étaient un peu plus espacés, mais reliés les uns aux autres par une immense toile dont la substance gluante suintait jusqu’au sol. Ses fils, ou ses câbles, ou ses tentacules s’enroulaient les uns sur les autres pour former une sorte de tumeur à quelques centimètres du sol, comme un bubon gigantesque, dont se dégageait une puissante odeur de sens et de viscère.

Quel horreur…, murmura le soldat qui eut de la peine à se retenir de vomir.
C’est magnifique, s’exclama la professeure.

La Bothane fit un mouvement pour pénétrer dans cette éclaircie mais Karm l’arrêta d’un bras tendu, avant de désigner d’un geste de la tête le sol. Il était couvert d’ossements, d’animaux morts et, surtout, du cadavre en voie de décomposition d’un homme dont on distinguait encore l’uniforme au blason de l’expédition scientifique.

Notre ingénieur en chef, souffla Ray’Vlay ?
Difficile à dire, dans son état, murmura Karm.

Tout ce spectacle avait l’air de laisser l’Ark-Ni de marbre, mais il avait grandi sur les champs de bataille d’une guerre contre les Siths, où les horreurs de l’alchimie se joignaient parfois aux explosions modernes, et son esprit était déjà rempli de tableaux sinistres.

C’est un cocon ?
Il s’agit définitivement d’une structure vivante, répondit la scientifique, regardez comme elle est animée de pulsations. Soit une créature indépendante, un prédateur immobile qui attend que l’on passe à sa portée, soit…
Soit ?
Une matrice. Un organe de gestation extérieure, qui se nourrit des arbres et parfois de proies animales. Dans certaines espèces, le dimorphisme sexuel est si fort que les femelles sont réduites à l’état de pure matrice. Les mâles viennent y déverser régulièrement leur semence, lui fournissent des matières organiques pour se sustenter et elle fonctionne ainsi comme une sorte… d’usine.

Caderny se sentait de plus en plus mal à l’aise.

S’il est venu là précisément, c’est qu’il devait avoir une idée de ce que ça pouvait être.
Vu le danger manifeste que représente la proximité de la créature, on peut même supposer qu’il s’est volontairement sacrifié. Et qu’il ne s’est pas sacrifié seul.
C’est-à-dire ?
Regardez ces ossements, Chevalier. Là, vous voyez, c’est un fémur humain. Et ici, de toute évidence, une hanche de Rodien. Je crains que toute l’équipe scientifique ne soit éparpillée là.
Bon ben voilà, mystère résolu, on s’en va.
Il nous reste à comprendre ses motivations.
Là comme ça, a priori, j’suis tenté de dire qu’il était bien cinglé, répondit le soldat.

Cette remarque lui valut un regard réprobateur de la scientifique.
Pendant ce temps, Karm s’était accroupi et tendait la main.

Qu’est-ce que vous fab…
Chut, fit la Bothane, qui avait assez fréquenté de Jedis pour comprendre de quoi il retournait.

À quelques mètres de là, sur le cadavre de celui qu’ils supposaient être l’ingénieur en chef, le datapad s’était mis à trembler. Il finit par se décrocher de la ceinture de l’homme et commença à flotter lentement dans les airs, dans leur direction.

La créature réagit pas, murmura tout bas Caderny.
Probablement parce qu’il s’agit de matière inorganique et donc inutile à son développement.

Quand le datapad se fut logé dans sa main, Karm souffla :

Replions-nous de quelques mètres.

Un quart d’heure plus tard, après avoir connecté son propre appareil à celui récupéré sur le corps de l’ingénieur, Ray’Vlay était parvenue à forcer le code de sécurité.

Il y a des enregistrements sonores.

Elle interrogea le Chevalier du regard, qui se contenta de hocher la tête. Bientôt, la voix de l’homme désormais défunt, rendue artificielle par le synthétiseur vocal, s’élevait entre eux.

Mon esprit s’est ouvert à des réalités qui… qui dépassent le langage. Il y a quelque chose de plus profond, de plus compliqué, de plus véritable, que nos mots et notre syntaxe. Je sens tout ce qui se passe autour de moi, à… à l’intérieur de moi. Personne ne comprendrait. Raïkki continua à… Je ne peux pas le laisser faire plus longtemps.

Karm fit signe à Ray’Vlay d’enchaîner les enregistrements.

Je suis retourné m’abreuver à la source, le grand coeur, l’esprit de la forêt. Boire sa substance. Plonger au plus profond de moi-même. Mes réflexes sont devenus… Toutes mes idées… Mais j’ai encore surpris Raïkki dans le laboratoire. Il injecte la sève des fleurs que nous avons trouvé dans la clairière du sud aux Simiens. Comment ne voit-il pas que le monde… le monde tout entier, le monde qui nous entoure…

L’enregistrement grésilla et ils furent obligés de passer au suivant. Le datapad avait été endommagé et il ne restait plus que des bribes de données.

… l’ai livré au Coeur de la Forêt. Pour qu’il puisse s’en repaître. Ce n’est que justice, et les Simiens ne seront plus en danger. Mais désormais les autres me soupçonnent. Ils ne voient que leur propre intérêt, notre propre intérêt, comme si la recherche, comme si la Galaxie… tout cela n’a pas de sens… ce qui compte, c’est l’ici et le maintenant… si seulement je pouvais leur faire boire le sang, le lait, la sève de…

Silence.

C’est tout, conclut Ray’Vlay d’une voix un peu lointaine, quand elle osa enfin rompre leur mutisme à tous les trois.
Donc… Une sorte de substance hallucinogène.
De toute évidence. Secrétée par la créature et qui l’a poussé dans un délire psychotique maniant des thèmes somme toute ordinaires : persécution, paranoïa, culpabilité mal sublimée, mystique de la nature. La substance a développé certaines de ses facultés, comme il arrive parfois avec les psychotropes. J’imagine qu’elle fait partie du mécanisme de défense de la créature : les visiteurs qu’elle ne dévore pas ou bien qu’on ne lui fait pas dévorer sont… manipulés. Enfin se manipulent eux-mêmes.
C’est possible, ça, demanda Caverny, évidemment dubitatif ?
Je ne l’ai jamais vu sur un organisme de cette taille, mais c’est courant chez certaines espèces de champignons, par exemple. Des spores qui désorientent. Des animaux sécrètent parfois des phéromones avec le même effet. Le mécanisme n’a rien d’exceptionnel.
Alors quoi… ? On va… Tuer ce truc… ?

Caverny n’avait pas l’air enthousiaste à l’idée de s’en approcher. Karm secoua lentement la tête.

Plus de notre ressort.
En effet, approuva la scientifique.
Comment ça ?
On sait pas si c’est conscient, répondit laconiquement le Jedi.
Vous voyez, Caverny, si la créature est consciente, elle s’est développée en totale indépendance de notre système juridique et de notre morale. On ne peut pas la condamner au regard d’un pacte social qu’elle n’a jamais été en situation d’approuver, et au demeurant, la peine de mort n’est pas dans l’usage de la république. Si elle n’est pas consciente, alors il s’agit d’évaluer sa dangerosité pour d’autres et comme elle ne se déplace pas, qu’elle est prise dans son écosystème, ça… Disons qu’on ne fait pas des battues dans toutes les jungles de la Galaxie pour les purger de prédateurs.
Je vois…, fit le soldat d’une voix blanche.
Rentrons, décréta Karm.

Il se leva pour reprendre la marche. Étudier la créature était totalement exclu, bien entendu : ses effets étaient si surprenants que sans préparation particulière pour l’aborder, il était hors de question de courir des risques d’ailleurs impossibles à évaluer. Le chemin du retour fut silencieux, et méditatif, pour chacun d’eux. Caverny craignait de trouver à chaque détour une tumeur semblable, palpitante, nauséabonde, prête à le dévorer ou, pire peut-être, à lui faire perdre l’esprit. Karm, lui, se demandait si l’ingénieur avait véritablement sombré dans la folie, ou si au contraire il avait été frappé d’une soudaine quoique meurtrière lucidité.

Le lendemain, quand ils eurent retrouvé les deux autres membres de l’expédition, qui avaient occupé leur temps à la collecte méthodique des données renfermées par les appareils de la base, ils firent leur récit de leur étrange découverte. Karm avait laissé les deux autres parler, le regard perdu vers l’immensité de la forêt, qui couvrait la plus grande partie du continent. Bientôt, une autre expédition, mieux équipée, mieux préparée, viendrait sans doute sur Centre Péléon pour étudier le phénomène de près.

Trois heures plus tard, les réacteurs de leur navette les propulsaient dans l’atmosphère. Harnaché sur son siège, à côté de Ray’Vlay, Karm murmura de sorte à n’être entendu que d’elle.

Dites, prof’… ?
Chevalier ?
Ça vous travaille, vous aussi ?

Elle lui adressa un regard entendu.

Comment il a pu lui venir à l’idée de consommer la substance de la créature ?
Ouais.
Vraisemblablement, c’était un homme avec des problèmes psychologiques à l’origine.
Les tests psys pour pouvoir participer à ce genre d’expéditions, c’est pas facile à berner.
Je sais, Chevalier, je sais.

Silence.

C’est néanmoins l’explication la plus vraisemblable.
Oui, murmura Karm, la plus vraisemblable…
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