Le sang gouttait de ses phalanges et d'une ouverture à même la chair au creux du coude. Le feu crépitait dans ses poumons et derrière ses muscles, pompé par un cœur affolé, à la limite de l'implosion. La majorité des poils de son corps massif, envahis par la sueur, s'était hérissé dans une excitation virile qui ressemblait à celle précédant l'agonie. Dans le blanc de ses yeux félins, les murs de la pièce tournaient comme dans une crise épileptique. Dans ses mains, son bokken s'était presque mélangé à sa main, malgré les échardes, malgré ses doigts tremblants, son bras fatigué. L'arme factice était presque entré dans sa patte. Khotemmeli inspira longuement, et cligna des paupières en tentant de garder son équilibre, retrouvant une garde offensive sur ses pieds nus. La fatigue lui tomba dessus comme une chape de plomb mais il l'oublia aussitôt, repoussant l'information dans un coin de sa mémoire. Le goût metallique du sang vint se rappeler à ses sens, lui redonnant l'énergie pour pratiquer un nouveau kata.

Un peu moins de trois heures. Il s'entraînait depuis deux heures et près de quarante-cinq minutes sans compter les longues lectures qu'il avait terminé ce maitn au sujet des connexions et manifestations de la Force. A force de tournoyer, il lui avait semblé avoir dansé la mort toute l'après-midi. En tout cas cela faisait un bon moment que le sang battant à ses oreilles donnait le la musical. De toute manière, le temps n'avait plus aucune importance pour lui. Seul comptait la litanie de son kata que son esprit se répétait, sans le vouloir, inlassablement, comme la pluie tombe et comme le cœur pompe. Ce n'était plus une suite de mots mais une raison de vivre. Un langage propre à son corps qui l'intimait, au delà de sa propre volonté, de bouger, se baisser, frapper à droite, sauter, recommencer, se baisser, se lever, être un guerrier. Son bokken virevoltait, sifflait dans l'air et s'arrêtait soudainement, son mouvement brun vertigineux se reflétant dans la garde argentée du sabrolaser posé dans un coin de la salle d'entrainement. Après avoir respiré un moment, il se remit en route, certain que rien ne pourrait le dévier de son tournoiement tactique. Rien ne pourrait l'interrompre dans sa répétition, rien ne pourrait...

La porte de la salle d'entrainement coulissa toute seule sur le côté avec un glissement quasiment inaudible. Sauf pour un Sith averti, aux sens exacerbés par un long entraînement et les gênes d'un cathar. L'apprenti attendit d'en être arrivé à son quatorzième mouvement, durant lequel il devait faire tourner donner un coup semi-circulaire rapide et sec et donc changer de ligne de vue, pour jeter un coup d'oeil vers l'invité surprise. A première vue, il s'agissait d'un humain à peine plus petit que lui. Un Sith également. Mais Khotemmeli était trop occupé pour projeter une sonde de Force vers l'Autre et avoir une idée de la puissance de sa connexion à la Force. A priori, cette salle d'entraînement servait surtout aux Apprentis mais le maintien de l'homme laissait entendre qu'il était sûr de lui, et le couple formé par son sabrolaser et son masque donnait l'impression d'un combattant Sith des plus classiques. Rien en tout cas n'indiquait qu'il s'agissait d'une menace.

Au terme de son dernier mouvement, le néophyte aux oreilles pointues abattit son poing puissant contre le sol en tentant d'écraser dans son poing une concentration de Force rapidement convoquée. Pour la onzième fois de la journée, et pour la énième fois dans sa vie, ce fut un échec. Pas d'onde de choc destructrice, pas de Force matérialisée balayant autour de lui. Rien. Seulement beaucoup de travail en attente pour continuer sur la Voie.


Levant les yeux en grognant vers l'intrus, Khotemmeli tendit une main droite blessée et sanguinolente vers son sabrolaser, l'appelant entre ses griffes...

Le cathar ne répondit rien.
Rivant ses yeux légérement plissés sur l'arme d'entraînement de ce qui était nécessairement un supérieur hiérarchique, il s'agenouilla très lentement, réfléchissant à toute vitesse à la condition que lui avait posé le masqué, il descendit au sol comme un félin qui se ramasse sur ses pattes arrière avant de bondir. Sauf qu'au lieu de sauter en avant en faisant tournoyer son sabre, malgré la traction apportée par ses jambes, l'apprenti s'agenouilla tout à fait et ferma les yeux. Lorsque ses paupières coupèrent le dernier rayon de la faible lumière qui régnait dans la salle, il entra tout à fait dans la réflexion, son esprit jouant avec les dernières images qu'il avait gardé de son environnement. La Force était proscrite. En d'autres termes, le cathar était cuit. Si rien ne lui indiquait le niveau de bretteur de son adversaire, il gardait le souvenir immédiat d'une garde offensive parfaite, et d'une main sûre d'elle, dont la seule prise sur la garde montrait une expérience de combat réelle.Il n'avait pas le droit à la Force. Dans sa tête, il s'imagina un scénario possible.

Soudain il bondit, comme prévu, mais pas directement vers le guerrier Sith. Après une roulade à quelques mètres du possible Maître, il abattit son bokken vers les jambes du Sith en profitant de sa position basse puis sauta vers le haut pour retomber sur l'homme légérement plus petit de tout son poids, tentant de poser une patte sur la main armée tout en assénant son autre poing sur le visage du bretteur. Ce dernier fit tournoyer son sabre en réponse, blessant la main du cathar au poignet, puis frappa d'estoc vers le torse de l'humanoîde poilu. Parant l'affront au dernier moment, le cathar se recula d'un pas puis frappa le bokken adverse pour le repousser avant de tenter de le tailler à l'épaule, seulement pour rencontrer l'instrument adverse pour une parade parfaite. En tentant de se dégager et de tourner autour de sa cible pour trouver une ouverture, le cathar comprit trop tard qu'il avait fait une erreur de calcul et sentit le poing de son adversaire enfoncer sa trachée, puis la lame de Gaysot Noanes s'abattre sur son crâne....

La Force était proscrite. Respirant lentement, le Cathar tenta d'imaginer un second scénario après avoir jeté un regard qui se voulait le plus calme possible sur le reste de la pièce.

Laissant le Sith s'avancer vers lui, Khotemmeli para un premier coup, concentré, puis fit tourner son poignet tout en commençant une danse de mort autour du Masque de la Mort Noire.Certes il faisait attention à s'avancer en modifiant constamment ses appuis pour obliger l'adversaire à reculer et à changer sa garde, se pliant aux positions défensives que le cathar tendait de rendre de plus en plus ouvertes. Certes, son sabre d'entraîement voltigeait en l'air le plus rapidement possible tentant d'imposer son rythme … mais tout cela était vain. Alors qu'il allait abattre la tranche du sabre d'entraînement obliquement au niveau du flanc gauche de l'homme masqué, croyant avoir ouvert la voie, le cathar tomba dans un piège et sentit à quel point la vélocité de son adversaire le surpassait. Alors qu'il armait sa frappe, le bout du sabre ennemi enfonça son torse, le transperçant symoliquement dans une explosion de sang invisible....

Le Cathar rouvrit les yeux, toujours agenouillé au sol à quelques mètres du Guerrier des Siths. Non seulement son corps était intact mais il avait de plus trouvé la clef. Un grognement neutre, es griffes légérement relâchées, une nouvelle étincelle dans le regard et l'Apprenti noir se mit à suivre des yeux l'homme au masque, regrettant légérement de ne pas pouvoir sentir ses émotions à cause de cette barrière physique et des barrières psychiques qu'imposaient sa Force bien supérieure. Quoi qu'il en soit, le vingtenaire avait dans ses manches un atout majeur : l'élement de surprise. Bondissant soudain sur ses pieds comme tous deux s'y attendaient, il abattit un coup descendant vers le probable humain d'une main et... fit appel à la Télékinésie de Force pour soumettre une caisse de matériel d'entraînement sous son contrôle et l'envoya lourdement sur son adversaire, lequel devait ainsi encaisser deux attaques simultanées d'une nature très différente et digérer l'insubordination de Khotemmeli.

On lui avait prescrit la Force mais un Sith ne se bat pas avec les règles des autres. Il crée son propre monde, trace sa propre voie, joue avec ses propres règles. En utilisant la Force malgré l'interdiction de son supérieur hierarchique, le Cathar montrait qu'il avait conscience de cela et pouvait prendre la main dans un combat auquel l'adversaire ne s'attendait pas...