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- Supporter des campagnes extérieures à Sarapin me semble tout de même osé. Sans vouloir vous offenser, Salma, il ne nous appartient pas de dicter à d’autres planètes leur représentant… Comment réagirions-nous si un richard coruscanti se pointait et finançait une présidence corporatiste dans notre propre maison ?
- Il ne s’agit pas de placer l’infrastructure du parti sur une autre planète et de l’implanter pour en prendre définitivement le contrôle, Suu. Il s’agit de moi supportant des candidates alignées sur mon – pardon, notre – idéologie, avec lesquelles j’entretien des liens forts depuis des décennies, des candidates que je souhaite voir me rejoindre au Sénat. Je ne demande pas à ce que le Parti me rejoigne dans cette action – il s’agissait simplement d’un avertissement, d’une alerte pour ne pas que vous soyez surpris.
- Nous n’avons donc pas notre mot à dire, pas de véto sur tes actions ?

Le regard ennuyé de la Sénatrice foudroya son aînée à travers le miroir – Salma Cheung, en robe noire pour l’occasion, le dos penché afin d’approcher suffisamment sa tête de son reflet pour corriger son subtil maquillage, discutait avec la présidente de son parti planétaire dans les toilettes du bâtiment. Une rencontre planifiée, orchestrée, qui, à défaut de se prétendre classe ou luxueuse, avait le mérite d’être inaperçue des journalistes et autres intrigants. Dehors, devant la porte, son entourage l’attendait patiemment, se rongeant les ongles en l’imaginant absente de la réception lorsque son nom serait appelé au podium – une éventualité que la Dame Bleue anticipait suffisamment pour surveiller distraitement l’horloge en remettant les pendules de la vieillarde à l’heure.

- Non, Suu. Jamais. Je vous autorise à utiliser mon nom à des fins électorales, à prostituer ma popularité afin de faire gagner des incapables, alors ne pas trop renifler ce que je cuisine est un simple retour d’ascenseur.

La remarque fut accueillie par l’ancienne ministre avec un reniflement amer. Elle connaissait trop la Huon, était trop habituée à devoir marcher sur des œufs dans ses parages, après huit ans dans son cabinet, pour essayer de débattre la directive. Car, il s’agissait bien d’une directive. Une directive simple, limpide, qu’elle serait furieuse de voir brisée : qu’ils lui foutent la paix. Suu Wèi était trop brillante pour oser encore plus l’importuner – après tout, la fortune populaire du Parti collectiviste-travailliste était bel et bien liée, dans une curieuse causalité, au bon-vouloir de la Sénatrice de Sarapin. Achevant de corriger son apparence, rangeant ses effets, Salma se redressa et se dirigea rapidement vers la sortie, attrapant son sac au passage.

- Un plaisir, Suu, comme toujours.

Immédiatement sortie des toilettes, elle tomba sur deux de ses subordonnés et tendit son sac à son assistant personnel, qui s’empressa de s’en emparer. Sans plus attendre, elle s’engagea dans le couloir, ne vérifiant pas s’ils la suivaient – ils étaient assez habitués à former son escorte pour saisir qu’elle désirait rejoindre la réception le plus rapidement possible.

- Izem, à propos de ce dont l’on parlait dans le speeder..? demanda-t-elle, n’achevant pas sa phrase.
- Les résultats sont préliminaires, répondit l’humain, et pourraient très bien se révéler être des anomalies, mais le rapport demeure assez crédible pour qu’on ait, à mon avis, à s’y attarder.
- Transfère-le à mes collègues de l’OGRE, que l’on tâte leur réaction, et commande un second pour confirmer l’analyse. La même firme que d’habitude. Casimir, les gens présents ce soir, encore..?

Le jeune homme était sur ses talons, et, de mémoire, commença à réciter les titres, les noms l’important peu :

- Le Sénateur de Fondor, la Sénatrice de Balosar, la Procureure générale de Loronar, la Gouverneure de Denon, le Sénateur d’Alsakan, le Sénateur de Carida, de Bilbringi…
- Merci.

Le silence imposé par la Sarapine était justifié : ils approchaient des portes, et, déjà, des oreilles indiscrètes semblaient les guetter. Auparavant trop occupée durant sa présidence pour se déplacer vers son alma mater lors des réceptions de cette dernière, ou trop débordée pour réellement participer aux activités de la Fondation Aegis, son nouvel emploi ne lui donnait plus les excuses requises pour être absente : elle habitait la capitale et était littéralement payée pour forger des liens avec d’autres représentants, afin d’avantager sa planète. Par conséquent, lorsque l’invitation à la réunion de la rentrée lui avait été communiquée via son cabinet, elle n’avait pu refuser ; lorsqu’on lui avait demandé de prononcer une allocution, étant ancienne élève, boursière et professeure de l’établissement, elle n’avait pu refuser. Elle se retrouvait donc forcée de revêtir des vêtements chics, jurant avec sa sobriété usuelle, et regrettait à ce moment précis de ne pas avoir préparé d’avance son discours.

Plus facile, s’était-elle dit, de simplement improviser en fonction de la foule – une erreur, sachant que la foule s’annonçait tristement monotone. Interpellée dès l’ouverture des portes par l’un des organisateurs – monsieur truc de chez chose –, elle fut dirigée vers un podium et placée dans sa périphérie immédiate, un verre de rouge entre les mains. Échangeant avec ses voisins d’attente, bizarrement fournis en boursiers Aegis, un peu comme s’ils s’étaient positionnés pour l’entourer, elle remarqua du coin de l’œil la Sénatrice de Balosar, qui avait démissionné quelques semaines plus tôt du gouvernement avec grand fracas, et qui était, surprise, l’une de ses anciennes étudiantes. Avant de pouvoir aller la rejoindre pour la saluer, elle fut toutefois accostée par une vieille amie, une camarade de dortoirs, Mazie Taravin, la Gouverneure de Denon. Alors que la pièce s’agitait et coalesçait autours de la tribune, elles commencèrent à discuter comme deux jeunes élèves médisant leurs enseignants.

- … aurait dû voir son visage ! Elle était furieuse…
- … le slogan n’est pas encore sélectionné…
- … où est Eeleen..?
- Mesdames et messieurs, bonsoir.

Les deux femmes se retournèrent vers l’estrade, occupée par un vieil homme chauve, le doyen de l’Université.

- Avant toute chose, j’aimerais remercier tous ceux présents, que vous soyez présents ou anciens élèves, présents ou anciens professeurs, donateurs ou autres distingués invités. C’est toujours un réel plaisir de vous recevoir dans ce temple du savoir afin de souligner la rentrée. Sans plus attendre, parce que vous ne vous êtes certainement pas déplacés pour m’écouter m’éterniser, j’aimerais présenter notre oratrice d’ouverture. Boursière de la Fondation Aegis, diplômée de la promotion 21.535, ancienne professeure de notre Université, elle occupa pendant huit ans la présidence de Sarapin, servant aujourd’hui comme Sénatrice de la planète. L’honneur m’appartient d’introduire Salma Cheung.

Sous les applaudissements de la foule, la Reine des Abeilles alla rejoindre son ancien patron, le remerciant et prenant ensuite sa place, déposant son verre sur le lutrin.

- Merci, merci beaucoup. Lors de mon inscription à l’Université de Coruscant, je ne m’attendais à rien de plus que de fréquenter l’une des meilleures universités de la galaxie, commença-t-elle, s’attirant quelques rires. J’imaginais des corridors froids, des classes bondées et un volume d’effectif titanique. Si ces trois prédictions s’avérèrent vraies, elles furent cependant accompagnées de la surprise face à des facettes auparavant insoupçonnées : la chaleur de la communauté, l’enthousiasme et, avant tout, la solidarité unissant tous les élèves en quête d’un avenir meilleur. Une solidarité dont l’étendue n’est réellement perceptible que lorsque l’on est à son plus vulnérable – une solidarité qui pousse de parfaits inconnus, des amis de couloirs, des connaissances éloignées, à se porter à notre secours uniquement au nom d’une alma mater nous unissant.

Regard et sourire direct en direction des membres de la faculté de droit.

- C’est à l’occasion de soirées comme celles-ci, plus de vingt ans après, que je réalise pleinement à quel point j’ai été chanceuse. Chanceuse, d’avoir eu la chance d’étudier dans un environnement aussi stimulant que celui de l’Université de Coruscant et d’avoir eu le plaisir de considérer cette dernière comme ma maison. Chanceuse, d’avoir eu la chance de contribuer à l’éducation de ceux qui me firent suite – et j’en dénombre quelques-uns dans la salle – et d’être autorisée à allonger mon séjour entre ces murs bien des années après sa fin prévue. Chanceuse, d’avoir eu droit à tant d’opportunités de grandir, de m’épanouir et, surtout, d’espérer. Ces trois privilèges, je les dois à bon nombre d’entre vous : aux donateurs qui contribuent à la démocratisation d’une éducation qui se devrait d’être universelle, aux professeurs qui me lancèrent des défis et ne cessèrent jamais de me pousser vers l’excellence, et, surtout, aux élèves qui aujourd’hui encore gardent le rêve ayant motivé la fondation de cet établissement vivant.

Conviction, conviction, conviction.

- Car, effectivement, l’Université de Coruscant est construire sur un rêve : un rêve d’excellence, un rêve d’équité des opportunités. En ces temps troublés, alors que la guerre menace de nous engloutir, que l'incompétence semble devenir chronique, il appartient à chacun d’entre nous de protéger cette flamme précieuse, si fragile, et de s’assurer que le milieu universitaire soit et demeure la conscience éthique, morale et juridique de cette République. Mais, surtout, il appartient à chacun de nous de travailler afin que les chances qui nous furent offertes soient étendues aux plus défavorisés et à ceux n'y ayant pas autrement accès. Alors, merci. Merci à tous d’oser y croire.
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« J’suis vraiment trop vieux pour ces conneries … »

Bougonnant, emmitouflé sous une épaisse couverture dans son aéro-fauteuil, Andreas Berger venait d’exprimer, du haut de ses quasiment quatre-vingt-dix ans, tout ce que chaque invité à un colloque quelconque s’était dit au moins une fois dans sa vie. La remarque du grabataire, dont les années avaient affadi le corps et aiguisé l’esprit, ne manqua pas de faire sourire Ress qui se tenait à côté de son engin volant à basse altitude, ce qui, vu sa taille, signifiait qu’ils pouvaient clairement se parler de visu.

« Allons professeur … Vous ne résisteriez pas à une séance de flagornerie générale et d’auto-congratulations en bonne et due forme ? »

« A quarante ans, j’aurais pas dit, j’pouvais espérer serrer des jeunettes. A mon âge … Même Cheung a l’air d’une sémillante adolescente. »

Levant les yeux au ciel tout en réprimant à grand peine le fou rire qui montait silencieusement en elle, la balosar abandonna l’idée de raisonner le vieillard et se contenta de l’écouter vitupérer sur à peu près tous les invités, s’étranglant souvent quand le nonagénaire avait la dent particulièrement dure. Clairement, emmener son vieux professeur avec elle à cette réunion était une idée de génie, surtout affublé du titre pompeux de Secrétaire à l’Education pour Balosar, ce qu’il résumait avec acuité en « Ministre de va-me-faire-tourner-ce-bousin-avec-que-dalle », une description éminemment fidèle de la situation scolaire sur la planète polluée et corrompue dont son ancienne élève était chargée depuis bientôt une décennie. Et malgré son âge et sa condition physique vacillante, Ress devait admettre que l’alsakani savait encore y faire, car ses connaissances en droit fiscal et son immense carnet d’adresses permettaient régulièrement de boucler leur budget famélique sans rogner sur un service qui faisait la fierté de la dirigeante, quand bien même il était aussi maigre qu’insuffisant.

« Et c’est parti pour le défilé. »

Salma Cheung venait d’être introduite par le doyen, tandis que Ress et son vénérable comparse prenaient place non loin de l’estrade d’honneur, pour écouter le discours de la Sénatrice de Sarapin et ancienne professeure de l’université. Ecoutant distraitement son laius, qu’elle aurait pu écrire au mot près tant les artifices oratoires de l’auguste femme politique lui était familière, la renvoyant à une époque où elle-même n’était qu’une gamine révoltée et en guerre contre le monde entier – encore que ce point n’avait pas nécessairement changé, la balosar en profita pour balayer rapidement la salle. Elle reconnut quelques têtes, s’attardant sur le profil agréable du Sénateur d’Alsakan qu’elle salua d’un bref signe de tête et d’un micro-sourire, avant de reporter son attention sur l’oratrice qui terminait son introduction. Déjà, d’autres prenaient la parole pour louer à leur tour l’Université ou telle ou telle fondation … Bref, il n’y avait plus qu’à prendre son mal en patience. Enfin, ce fut son nom qu’on annonça. L’avocate se leva de son siège avant de prendre finalement la parole :

« Contrairement à bien d’autres … Quand j’ai débarqué sur Coruscant, à peine une adulte pour mon espèce, une enfant pour les autres, je ne désirais pas étudier dans des sphères brillantes. Ni même à bâtir un futur. Je voulais tout simplement avoir une chance d’échapper à la misère, à la rue et au banditisme qui m’avait déjà pris un frère. Et si je suis venue ici, c’est parce que j’ai eu la chance infinie d’avoir un professeur qui a cru en moi, qui a cru que je pouvais devenir quelqu’un.

Mais je me souviens encore des paroles du recteur quand ma demande de bourse fédérale a été acceptée : n’espérez aucun laisser-passer. Au moindre faux pas, à la moindre plainte, vous serez renvoyée. »


Quelques murmures parcoururent la salle, tant ce début paraissait éloigné des standards du discours de remerciement. Ress continua pourtant sans s’en préoccuper :

« La vérité, c’est que même les plus grandes institutions ne sont pas à l’abri du jugement et des préjugés. Et que notre travail consiste à le rappeler sans relâche, pour que des jeunes de toute la galaxie puisse un jour accéder au savoir sans devoir se battre contre l’impossible afin d’y parvenir.

J’ai bénéficié d’un temps où la République finançait encore l’éducation. Où elle proposait des bourses pour ceux désireux d’étudier son système dans son ensemble. Comme vous le savez, ce temps est révolu … Et je ne peux que le déplorer.

L’accès au savoir est un droit, et non un privilège. Je rêve d’un temps où tant d’entre nous n’auraient pas à remercier la générosité de quelques-uns, mais pourraient assumer fièrement le fait d’avoir reçu ce pour quoi leurs parents payent des impôts, ce en quoi ils ont cru en étant citoyens républicains : à l’égalité.

Et ce n’est pas seulement le vœu pieu d’une femme qui a conscience de sa chance. En concentrant les dons pour couvrir des besoins proprement colossaux, la République se prive d’investissement dans d’autres secteurs qui en auraient grand besoin, notamment la recherche, parent pauvre du budget fédéral à l’heure où nous avons plus besoin que jamais de nos penseurs, de nos chercheurs.

Alors … Réjouissons-nous de notre chance passée, et de celle accordée à d’autres jeunes. Et gardons à l’esprit que d’autres, tout aussi méritants pourtant, sont condamnés à ne jamais pouvoir donner la pleine étendue de leur potentiel, tant que l’iniquité de ce système demeurera. La solidarité doit croître, s’organiser, démontrer toute son efficience.

Je crois en la République. Il est temps que cette dernière croit aussi dans la plus belle force qui la compose : sa jeunesse composite et qui sait oser, encore et toujours, pour espérer changer la galaxie dans laquelle elle vit. »


Se rasseyant sous les applaudissements, Ress manqua s’étouffer dans son verre d’eau avalé pour soigner sa gorge sèche d’avoir ainsi parlé quand Andreas Berger lui souffla :

« Excellent discours de campagne. La foule n’est pas tellement en délire, mais ça va venir … »

Oui. Bon. Elle n’avait pas vraiment mâché ses mots et avait préféré souligner ses convictions plutôt que de s’appesantir sur d’énièmes remerciements sans saveur. En même temps, demander à Ress de faire un discours pour chérir les gros bonnets … C’était s’exposer à quelques menus changements de programme. Et encore, de son avis, elle avait été particulièrement mesurée. La soirée se poursuivait, et après d’autres discours vint enfin le moment tant attendu par les estomacs vides : celui de l’ouverture du cocktail.

« Pas trop tôt ! »

Suivie par un aéro-fauteuil fonçant vers le buffet, Ress se demanda un instant où aller, avant d’apercevoir Salma Cheung dans un coin. N’hésitant plus, elle marcha vers cette dernière d’un pas déterminé et souffla une fois à sa hauteur :

« Gagnerait parfois à des avis moins tranchés face au jury … Je crois que je suis incapable de suivre vos conseils même après toutes ces années, Professeure … »

Sourire malicieux et antennes se penchant vers elle de façon complice, Ress ajouta :

« Joli discours, au passage. »

Ses yeux se perdirent un instant dans la foule, suffisamment pour voir le Sénateur Fylesan aux prises avec une vieille rombière qui ne semblait manifestement pas vouloir le lâcher. Pauvre homme.

« Que diriez-vous de faire œuvre charitable en sauvant Monsieur Fylesan des griffes de la Professeure Irma Gandren ? Ses cours d’éthique politique suffiraient à donner des frissons à n’importe qui. »

Vu l’âge de l’auguste grand-mère, elle était à deux doigts de parier que Salma Cheung avait subi ses cours exactement comme elle. Hélant d’un signe de tête Andreas Berger, la balosar se dirigea vers les deux, qu’elle interrompit aussi élégamment que possible :

« Professeure Gandren, c’est une joie de vous revoir … »

« Irma, ma chèèèèèèère, comment allez-vous ! »

En voyant rosir les joues de la vieille femme, Ress ne put s’empêcher de sourire intérieurement en se disant que ce grand charmeur d’Andreas Berger n’était peut-être pas totalement hors course. Les deux vieillards entamaient à présent une conversation à bâtons rompus, aussi la balosar glissa à l’humain, à voix sufissament basse pour que seul lui l’entende.

« Si vous voulez fuir … C’est maintenant. Laissez le charme alsakani agir. Il paraît qu’il fait des merveilles. »

Et avec un clin d’œil, elle tourna les talons, le ramenant vers Salma Cheung.
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« Je ne savais pas que vous et votre maison participiez à ce genre de choses, Sire. »

« Il y a beaucoup de choses que vous ignorez encore, Ishale. Mais c’est tout à fait compréhensible, vous ne venez pas du même milieu. Mais vous apprendrez. »

« Qu'est-ce que vous voulez dire ? Vous savez, Sire, ce n’est pas parce qu’aucun sang noble coule dans mes veines que je vous suis inférieure, et… »

« Vous m’avez mal compris, Ishale. Vous êtes l’une des premières à pouvoir prétendre à pareil poste, même en qualité de stagiaire, sur Alsakan. Vous êtes la preuve que les choses changent, que les traditions évoluent. Il fut un temps où vous n’auriez même pas pu prétendre à intégrer ce genre d’école, généralement exclusive. Si j’ai accepté votre demande, je le répète encore une fois, c’est parce que j’estime que vous possédez les mêmes compétences que les autres. Ce n’est pas parce que vous ne faites pas partie de l’élite que vous n’êtes pas intelligente et compétente. Bien au contraire... » Le regard de l’Alsakani dériva vers la jeune femme, laquelle avait manqué de piquer un fard face aux compliments sincères du sénateur. « Ah, et cessez donc de me donner du Sire à tout bout de champ. La situation, pour l’instant, ne le nécessite pas. »

L’humaine acquiesça, suivant de près l’Alsakani qui venait de reprendre sa marche quasi forcée. Il n’avait pas le temps de s’attarder sur le pourquoi et le comment de sa présence. Il avait estimé qu’elle était sans doute plus compétente mais surtout bien plus méritante que certains élevés avec une cuillère dans la bouche et qui n’attendait que l’occasion de se faire parachuter dans une administration pour y creuser son nid. Dans ses yeux, il avait vu le même regard qu’il avait pu porter à son âge, lorsqu’il avait décidé d’effectuer le processus inverse : là où elle, cherchait à s’élever, lui avait au contraire cherché à se noyer dans la populace. C’était justement en se plaçant au même niveau que la majorité des citoyens de la République qu’il avait pu se forger un esprit critique et bien plus ancré dans la réalité que la plupart de ses semblables.

« … vous avez reçu les premiers rapports du Conseil Secondaire concernant les ajustements commerciaux sous-jacents à la formation de l’Union, lors de notre vol vers Coruscant. »

« Et que disent-ils ? »

« Que certains accords seront plus difficiles à renégocier que d’autres. Mais la commission reste particulièrement confiante et suggère même de ne pas tarder à approcher certains chantiers. »

Leurs pas claquaient le long du couloir qui devait les mener aux portes de la réception. Bientôt, ils devraient endosser leurs rôles. Il avait accepté de prononcer une allocution devant l’assemblée, elle d’assister à un groupe de travail avec différents assistants sénatoriaux aux côtés de Jon, pour qu’elle puisse se confronter pleinement au monde qu’elle allait désormais côtoyer. Comme à son habitude, Jeresen avait opté pour le style Alsakani classique, sans pour autant tomber dans les excès parfois ridicule de l’Archaïad. Il connaissait son discours sur le bout des doigts, tout comme il avait prit soin de se tenir informé sur la foule dans laquelle il allait bientôt se mêler.

« C’était à prévoir. Les documents ont-ils déjà été soumis au Conseil Principal ? »

« Ils ont donné leur bénédiction pour la phase de prospection. Cependant, ils demandent à… »

« Parfait. Préparez-nous une note sur le sujet, nous y reviendrons plus tard. »

L’interruption et le changement de tonalité dans la voix de l’Alsakani concordait avec leur entrée dans la salle, attirant les regards indiscrets, voire interrogateurs. Ishale Teroalaas était encore une inconnue pour la grande majorité de la foule, ce qui pouvait susciter bien des questions. L’Alsakani coupa court à toute réflexion de leur part en congédiant l’humaine et en faisant marche à part. Ignorant volontairement les discussions pour ne pas finir intercepté, il vînt prendre place à proximité du podium. Il était visiblement légèrement en retard, puisque le doyen de l’Université avait déjà prit la parole. Glissant sa main le long du pli de sa veste, son regard glissa sur son entourage, principalement constitué de donateurs, pour finalement s’arrêter sur l’allure de la sénatrice de Balosar. Il lui rendit son micro sourire, alors que venait une fois de plus à son esprit les souvenirs d’une nuit bilbringie. Mais son attention revînt vers le podium pour absorber le discours de la sénatrice Cheung, ainsi que ceux qui vantèrent à leur tour la fondation et l’Université de Coruscant.

Des louanges qu’il ne pouvait pas tenir lui-même, à moins de vouloir passer pour un vulgaire hypocrite. Lui, n’avait jamais mit les pieds dans une université. Ses seules écoles furent principalement militaires. Cela n’avait rien à voir avec le vécu de ces gens. Et pourtant, il était là. Présent. L’attention de l’Alsakani s’était renforcée alors que Ress Laz’ziark montait à son tour à la tribune, son regard s’attardant un instant supplémentaire sur ce profil qu’il avait parcouru dans les moindres détails. Mais ce qui l’intéressait le plus à cet instant n’était pas de suivre les courbes de la Balosar, mais bien d’écouter son discours avec attention. Jeresen commençait à bien la connaitre, et la fondation récente de l’Union Galactique des Systèmes Solidaires les avaient d’autant plus rapprochés. Il s‘attendait de fait à un discours bien différent des précédents, et qui serait sans doute plus ancré dans l’actualité politique sans pour autant se détacher du thème principal de l’éducation.

Il ne fut pas déçu. Une fois encore, il aurait pu s’étonner de partager tant de convictions avec la sénatrice de Balosar, mais ce temps voué à la surprise et à la découverte était désormais révolu. Pourtant, le fait d’y penser le faisait encore sourire. Lui, élément de la noblesse d’Alsakan, réputée pour son fort conservatisme, partageait plus de convictions avec elle, avocate et représentante des idées des syndicats ouvriers et de la plèbe, qu’avec la plupart des aristocrates.

Lorsque la Balosar eut terminé, il applaudit comme les autres avant d’être annoncé à son tour, avec une certaine surprise. Il s’était attendu à devoir patienter encore. L’Alsakani se leva sans attendre, sa main glissant furtivement le long de sa veste. Il s’avança, grimpa les quelques marches avant de venir s’installer derrière le pupitre élevé. Une fois installé, il se racla la gorge avant de prendre la parole :

« Il serait assez hypocrite de notre part de remercier l’Université de Coruscant ou une quelconque fondation pour l’aide qu’elle aurait pu nous apporter à l’époque où nous aurions pu y étudier. Nous avons vécu dans les privilèges au cours de ces nombreuses années ; Nous avons eu l’immense chance de pouvoir disposer d’enseignements spécifiques et dispensés pour notre seule personne. Pendant toutes ces années, nous avons été insouciant des difficultés rencontrées, de la malchance d’une grande majorité. »

C’était là un fait, inscrit à l’encre indélébile dans son histoire. Le nier ne serait que lâcheté.

« Vous nous direz donc, pourquoi donner ? Pourquoi ne pas profiter de ces privilèges et continuer d’ignorer ces gens qui nous sont si éloignés ? Ces questions nous ont déjà été posé il n’y a pas plus tard que tout à l’heure, avant notre entrée dans cette salle. Le fait est que nous n’avons pas choisi de nous reposer sur ces privilèges qui nous éloignaient tant de la société. Nous voulions au contraire nous y confronter, pour mieux la comprendre et nous imprégner de ses valeurs. Nous avons réalisé que ce que nous considérions comme la normalité n’était rien d’autre que des privilèges dus à nos origines. »

Il en avait prit conscience à son entrée à l’académie militaire, lorsque ses camarades de promotions n’avait d’abord vu qu’en lui ses origines et les privilèges qu’ils auraient dû lui fournir. Des privilèges qu’il avait alors laissé derrière-lui.

« Lorsque notre monde a participé à la fondation de la République ; lorsque nos ancêtres se sont battus pour faire vivre le projet Républicain, c’était avant tout dans une volonté de justice et d’égalité des peuples. La Sénatrice Laz’ziark a bien eu raison d‘affirmer que l’accès au savoir est un droit, et non un privilège, et ce peu importe la manière dont il est dispensé, et il est désespérant de constater que la République se refuse à respecter cette obligation, et ce pour répartir son budget sur des ministères déjà bien, voir trop pourvus.

SI nous donnons, c’est parce que nous croyions en vous. Nous croyions en la jeunesse de la République, en votre capacité à renouveler et embellir notre société, en votre volonté de poursuivre ce rêve porté depuis des milliers d’années. Parce que nous sommes fiers de pouvoir y participer, à notre manière.

Pour autant, nous ne pouvons ignorer que nos dons sont biens insuffisants pour compenser ce qui devrait être un droit pour tous. Ce n’est pas avec quelques centaines de milliers de crédits, quelques millions, que nous parviendront à faire tourner correctement un système qui en nécessite bien plus. Beaucoup plus.

Si nous agissons, donc, c’est parce que nous espérons voir notre république s’illuminer par votre savoir plutôt que de sombrer dans un siècle d’obscurantisme.

A l’image des propos de la Sénatrice Laz’ziark, soyons solidaires. C’est seulement de cette manière que nous parviendrons à surmonter ces obstacles. Nous vous aiderons, comme nous n’avons cessé de le faire depuis des années. »


L’Alsakani marqua une pause, brève, suffisante pour se racler discrètement une nouvelle fois la gorge. Il était temps de conclure simplement, et sobrement. Il desserra l’étreinte qu’avait sa senestre sur le lutrin, pour mieux se redresser.

« C’est, en quelque sorte notre devoir.

Merci. Merci à vous.»


Et il retourna s’asseoir sous les applaudissements, comme les autres l’avaient fait avant lui, et comme le feront ceux qui allaient suivre. La soirée se poursuivit, et Jeresen laissa couler les différents discours sans prêter une attention plus particulière à l’un comme aux autres. Puis, vînt enfin l’heure tant attendue de l’ouverture du buffet. Assi depuis trop longtemps, l’Alsakani fut soulagé de pouvoir enfin réveiller ses jambes et marcher.

Enfin, il n’alla pas bien loin. A peine eut-il quitté les premiers rangs et osé s’éloigner du podium qu’il se retrouva happé par une discussion qu’il aurait trouvé fort intéressante il y a de ça quelques années, ou même encore quelques semaines. Mais débattre d’éthique et de politique de façon aussi théorique et philosophique à cette heure et dans cette ambiance, il trouvait la chose quelque peu décalée. Surtout que cette soit disant Gandren ne lui laissait pas le temps d’en placer une, à croire qu’elle savait tout sur tout. Il se serait crû dans un de ces holofilms caricaturaux mettant en lumière le coup d’éclat d’un certain ministre de la République, véritable moulant à parole ambulant aux citations philosophiques douteuses.

L’opportunité de fuite lui fut soudainement offerte par l’arrivée de la Sénatrice Laz’ziark et d’un vieil homme assagi sur un fauteuil volant, lequel sembla étrangement faire de l’effet à la professeure. Entendant l’invitation de la Balosar, l’Alsakani n’hésita pas une seconde et se glissa loin du duo de vieux penseurs.

Il se porta à la hauteur de Ress en deux enjambées, pour lui lancer avec un certain amusement :

« Vous avez décidé de faire de mon sauvetage une spécialité ? Tout d’abord Bilbringi, maintenant la Professeure Gandren... »

Il laissa échapper un très léger rire, avant de lui glisser à voix basse :

« Très beau discours, au passage. Je dois bien vous admettre que le fond ne m’a pas surprit. Venant de toi, ce n’était même peut-être pas suffisamment… explosif ? »

Il lui offrit un léger sourire puis reprit contenance alors qu’ils arrivaient à proximité de la sénatrice de Sarapin. Il la connaissait de réputation, mais il ne savait pas vraiment à quoi s’attendre de sa part. Devait-il être sur ses gardes ? Ou bien pouvait-il s’ouvrir un peu plus qu’à l’accoutumée ? A regarder Ress, les deux femmes devaient bien se connaitre. Devait-il s’en inquiéter ? Ou bien était-ce l’inverse ?

Bref, il était trop tard pour faire machine arrière.

« Sénatrice Cheung, c’est un plaisir de vous rencontrer. Jolie introduction, si vous nous le permettez. Notre cabinet n’a eu de cesse que de nous recommander une entrevue suite à votre prise de position au Sénat. Hélas, nous n’avons pas eu la possibilité de nous libérer. »
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