Encore un jour à tenir dans cet enfer dans lequel je m’étais volontairement jetée pour m’assurer que j’avais encore le niveau, que le manque d’entrainements avec Isobel ne m’avait pas rendu inefficace. Pratiquer seule n’est pas une mince affaire et j’avais pu en constater les résultats face à Yana ou Yawto. D’abord en grande difficulté, j’avais dû ruser pour m’en sortir. Puis, les habitudes avaient finis par revenir. J’avais en grande partie retrouvée mon adresse au sabre et il ne me manquait plus qu’à retrouver une connexion stable avec la Force pour que je puisse me considérer comme parfaitement soignée des maux que j’avais moi-même instillé en ma personne. Si seulement Isobel avait montré plus d’attention dans ma formation, je n’en serait sans doute pas à piétiner au milieu de cette arène pour un troisième jour. Je n’aurais jamais eu à affronter Yana et je n’aurais sans doute jamais découvert Yawto.

Mais mieux que tout, je n’aurais pas eu à l’affronter elle.

Mon regard dévisageais Ysanne alors que je faisais mon entrée dans l’arène, avançant une jambe devant l’autre, déterminée à mettre un terme rapide à toute cette histoire. Sauf que voilà, ce n’était là qu’une facette. Je ne savais pas encore comment gérer son cas, ce qui risquait de rapidement s’avérer problématique. Ysanne était sans doute la personne avec qui je me sentais le plus en confiance, en qui j’avais placé beaucoup d’espoir dans l’idée de pouvoir créer une véritable amitié, au-delà des conflits séculaires que les Sith veulent insérer dans notre crâne. J’étais suffisamment intelligente pour ne pas être un mouton et me détacher de ce lot. J’espérais qu’Ysanne l’était tout autant.

Hélas, les choses avaient changer. Ysanne s’était faite remarquer par Ynnitach, or j’étais justement la personne qui en savait trop sur la Reine Noire. Je l’avais vu terrassée, sur le point d’être éliminée. Je l’avais sauvé ce jour-là, et peut-être n’aurais-je pas dû. A présent, je vivais avec un sabre-laser de plus au dessus de ma tête. De fait, la question qui taraudait mon esprit était toute naturelle :

Était-elle là, en ce jour, pour mettre fin à ma vie ? Ou bien allons-nous pouvoir nous entendre une fois de plus et ignorer les pensées paranoïaques de sa Maitresse ? Allions-nous rester amie, ou bien les choses allaient-elles se compliquer ?

J’avais puisé dans la Force pour me préparer à cette épreuve. J’avais fais usage du don que je n’avais su utiliser en combat contre Yawto. J’avais puisé une partie de la vie d’un des perdants pour régénérer mes tissus et guérir une bonne partie de mes blessures. Est-ce que la chose allait-être payante, j’allais bien vite le savoir.

Je m’immobilisais, jambes légèrement écartée, la poitrine en opposition, face à elle. Ma main glissait doucement sur mon sabre, prête à s’en saisir. Je voulais laisser Ysanne choisir comment elle comptait débuter pour la simple et bonne raison que je voulais savoir si elle oserait, et si oui, avec quelle détermination.

« En effet, Ysanne. En effet… » lâchais-je simplement en retour à sa remarque. Qu’elle était seulement sa valeur, ici, dans l’Académie ? Flatter les gens leur faisait baisser la garde, et je n’étais pas née de la dernière pluie.

Mais oui, je t’avais aidé à t’en sortir, à te montrer à la hauteur des défis de l’Académie. Je t’avais mené sur Arkania pour retrouver un Noval disparu. Je t’avais expliqué comment attirer les regards des bonnes personnes, et non des mauvaises. Et pourtant, tu ne m’offrais que si peu de reconnaissance ?

« Tâches seulement de ne pas l’oublier… »

Mon sabre glissa dans ma main et la lame alizarine qui le caractérisait en jaillit aussitôt, en simple miroir à l’apparition des sabres de l’apprentie. Elle n’était pas du genre à attaquer la première, mais c’était elle qui avait dégainé en premier. Elle attaquerait, donc, et je me chauffais déjà en dansant doucement sur mes appuis, prête à bondir pour prendre l’initiative si Ysanne décidait de ne pas bouger.
Elle s’élança tout de même avec une véhémence que je ne lui connaissais pas, comme si elle avait un point bien défini à adopter contre ma personne.

Soit. Je me pliais légèrement et je venais en opposition, ramenant ma lame de haut en bas pour s’opposer à la sienne. Hélas, mon sabre ripa de trop vers l’arrière et sa lame porta que très légèrement sur ma peau, de quoi arracher une partie de ma chair et me brûler la peau.

Je retenais un léger hoquet, mon regard observant du coin les appuis de la métisse pour anticiper sa manœuvre et contre-attaquer. N’ayant pas prit beaucoup d’élan pour la contrer, son déplacement de côté m’offrit l’opportunité de pivoter sur moi-même dans sa direction, offrant mon dos un bref instant avant que ma lame ne revienne au contact, face à elle, pour s’abattre avec vivacité mais sans force contre elle.

Dans le mouvement, je retombais sur mes appuis mais je ne m'écartais pas. Ainsi positionnée face à elle, je pourrais toujours contrer une riposte si nécessaire.

Elle m’avait touché et était ensuite parvenue à bloquer ma contre-attaque. J’étais réellement surprise par les progrès qu’avait fait Ysanne, car une riposte de la sorte était souvent inattendue puisqu’il était plus simple de se laisser entraîner par son élan que de partir à l’opposé, comme je l’avais fais. La métisse semblait à l’aise, concentrée, et ne semblait avoir perdu la naïveté qu’elle avait à l’époque où nous étions allées ensemble sur Arkania. Elle avait grandi et je la découvrais enfin capable de mettre en œuvre les qualités que j’avais pu discerner en elle. Mais elle reste encore plus jeune que moi, elle est moins expérimentée. Je devrais normalement être capable de la vaincre, de lui montrer que malgré qu’elle soit désormais l’apprentie de Darth Ynnitach, cela ne lui offrait pas tout les pouvoirs.

Elle ne devait pas devenir trop arrogante, suffisante ou bien elle finirait par être défaite malgré toute la force de ses convictions. Je savais de quoi je parlais, j’en avais fais les frais et je devais bien admettre que certaines astuces Jedi étaient utiles pour se connaître et savoir quelles limites à ne pas dépasser. Je ne voulais pas qu’elle devienne comme Ynnitach, à savoir aussi paranoïaque. J’avais vu les capacités de la Reine Noire à l’œuvre et je me soumettais volontairement à son autorité. Pourtant, je l’avais également vu à genoux. Et depuis lors, j’avais l’impression qu’elle se méfiait, qu’elle me voyait comme une menace, une nuisance capable de déstabiliser son pouvoir alors que j’étais venu la sauver ! Si j’avais voulu saper son autorité, je l’aurais laissé pourrir sur ce monde.

Le fait est que si Ysanne se sentait incapable de me tuer, je ne me sentais pas non plus apte à mettre fin à sa vie. Elle comptait beaucoup pour moi. Plus qu’une alliée, c’était une amie. Je ne voulais pas m’en prendre à elle mais ce tournoi m’y contraignait. J’allais donc donner le meilleur de moi-même pour mettre en avant m’écart qu’il y avait entre nous concernant nos compétences, nos facultés. Lui montrer qu’elle n’avait pas besoin de chercher à me dépasser pour gagner ma confiance, tout simplement parce qu’elle l’avait déjà. J’aurais pu profiter de sa naïveté pour la tromper et même pour la tuer. Pourtant je n’avais rien fais. Au contraire, je l’avais protégé.

« Oh mais je l’espère bien, Ysanne… »

Mon regard se glissa dans le sien alors que nos lames ripèrent l’une contre l’autre dans un fracas assourdissant, et je laissais mon corps s’incliner en arrière pour éviter de justesse le retour de sabre dont la lame vînt réchauffer mon visage par sa proximité. La tentative était habile mais peut-être trop précipité. Je n’avais eu qu’à me pencher en réponse à mes instincts pour l’éviter. Sans hésiter, je me décidais donc à riposter rapidement, pour garder une dynamique et imposer un rythme à mon amie mais adversaire. Je ne devais pas lui laisser le temps de souffler et l’acculer et ainsi empêcher toute riposte de sa part.

L’un de ses sabres dans le vent, je profite du balancier offert par mon esquive pour poser un pied d’appui en arrière et ainsi reculer, mon bras venant s’armer vers l’extérieur pour venir rabattre mon sabre-laser dans une tranche horizontale violente visant plus à la faire reculer elle aussi plutôt qu’à la neutraliser. Sans même constater le résultat de mon attaque, le laissant s’échoir dans mon esprit grâce à la Force, je laissais mon esprit vaquer vers celle-ci pour y puiser la capacité de frapper à nouveau.

Je n’avais pas parfaitement récupéré entre les deux combats et j’avais besoin d’être à mon maximum contre Ysanne. La Force réagit presque immédiatement, s’arquant autour de mon bras ainsi que tout le reste de mon corps alors que je faisais appel à elle pour venir puiser ce dont j’avais besoin dans l’énergie vitale de la métisse.

Là encore, il était hors de question de l’affaiblir de trop, ou même de la tuer. Je comptais trop sur elle pour me le permettre.

Ysanne était vraiment impressionnante, ou bien ma maîtrise de l’absorption de vie était devenue ridicule. J’avais été incapable de la placer en plein combat, alors que l’adrénaline faisait bouillir mon sang et m’excitait. J’avais seulement été capable d’en faire l’usage entre deux affrontements, pour me ressourcer. C’était totalement inacceptable, mais Ysanne n’y était pour rien. Elle avait beaucoup apprit, peut-être un peu trop. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit capable de m’offrir autant de résistance que Yana, mais elle était bien au dessus de Yawto. Darth Ynnitach avait bien choisi, et cela même si je trouvais leur rapprochement de mauvais augure. J’avais vu comment Zora Shaar-lâ avait finit par tourner, quand bien même elle était déjà bien sadique sur les bords – ce qui n’était pas le cas d’Ysanne, fort heureusement. En réalité, je pense que la métisse était encore un peu trop naïve, mais ce défaut finirait bien par disparaître.

Et ce jour là, les choses pourraient changer drastiquement. Elle pourrait devenir comme moi, voir bien pire. J’avais déjà beaucoup dévier, mais je vivais bien, je pouvais faire ce que je souhaitais. J’étais libre. Enfin, presque. Mais là encore, les choses finiraient par changer. Mais en attendant, j’avais effleuré Ysanne. Je n’étais pas satisfaite non plus de ma frappe. Trop hasardeuse et molle, elle avait pu la contrer avec simplicité.

Je reculais donc presque immédiatement, encore surprise de l’avoir vu bloquer mon absorption de vie avec une telle facilité alors que je ne l’avais jamais vu agir, ni même entendu parler de cette chose auparavant. Peut-être l’apprenait-elle en secret, dans ce cas ? C’était une possibilité, et je pourrais même l’aider à développer cette capacité. Évidemment, ce serait également un moyen de venir tâter le terrain quand à l’opinion que pouvais avoir Ynnitach de moi maintenant que je l’avais vu dans une position de faiblesse. Ou alors, peut-être pourrait-on discuter d’un futur commun, d’une entente commune pour s’assurer que personne ne pourrait venir revendiquer nos places.
Il y avait tant de sujets de discussion possible avec Ysanne, et c’était une des choses qui m’avait rapidement plu chez elle.

Je laissais mes talons s’enfoncer dans le sol alors que je marquais volontairement la pause. J’avais l’avantage de l’initiative de part ma fulgurante contre-attaque mais je décidais de ne pas en faire l’usage. J’avais besoin de réfléchir à une autre méthode, un autre moyen de la frapper. Ma première intention n’était pas la bonne, et forcer encore et encore ne ferait que m’épuiser. Le problème était que je ne pouvais pas vraiment compter sur ma colère ou ma haine car je n’en ressentais aucune à son égard, et la créer maintenant risquait d’être bien trop long.

C’était peut-être ça la raison de mon échec lors de mon utilisation de l’absorption de vie. Le fait que je ne ressentais aucune mauvaise émotion à son égard m’avait peut-être empêché d’utiliser ma pleine puissance dans la Force.

Quoi qu’il en fut, je préférais attendre et récupérer. Ma dernière tentative m’avait demandé une plus grande concentration et j’avais besoin de me ressourcer. J’offrais peut-être l’opportunité à Ysanne de me frapper fortement, mais je montrais également ma volonté de temporiser, d’analyser. Un sourire se dessinait sur mes lèvres, alors que je cherchais à découvrir naturellement ce qu’elle ressentait, ce qu’elle pensait. Je ne lui ferais jamais l’offense de pénétrer violement son esprit. Elle méritait mieux que ça.

Mais en attendait, je me contentais de me décaler, entamant un mouvement circulaire autour d’elle, dans une volonté purement prédatrice. Aucun mot, aucune parole. Simplement le silence, stressant, de l’attente.

[ Rien à ce tour, je récupère mes PFs ! A toi l'honneur, Ysanne ]

Elle me surprenait, encore et encore. Ysanne faisait preuve de ressources ; des capacités, des réserves que j’avais bien senti en elle lorsque je l’avais rencontré la première fois. Elle les utilisait contre moi, comme pour me montrer qu’elle avait effectivement évolué, que la foi que j’avais eu en elle n’avait pas été une erreur. Oui, Ysanne était bien aussi puissante que je l’avais pensé, mais je n’avais pas imaginé qu’elle ait pu développer toutes ces capacités aussi rapidement. Elle venait du Temple Jedi, tout comme moi, mais était ici dans l’académie que depuis bien moins de temps que moi. Darth Ynnitach avait dû se montrer des plus efficaces dans sa formation, là où j’estimais qu’Isobel avait un peu péché me concernant.

Mais soit ! Ysanne voulait montrer tout ses talents, toutes ses capacités ? Elle allait être servie ! Elle avait le droit à son « indépendance », elle pouvait vouloir me montrer que je n’avais pas eu tort, mais elle ne devait pas oublier qu’en plus d’une amie, j’étais bien meilleure qu’elle ! Oui, oui, vous direz que mon ego et arrogance sont toujours aussi puissants, mais j’étais certaine d’être au dessus de tous ces apprentis qui avaient participé à ce tournoi ! Après tout, n’étais-je pas en finale ? N’étais-je pas à deux doigts de prouver que j’avais raison ?

Oh mais je vous venir ! Non, ce n’était pas un coup de chance ! J’ai juste parfaitement joué mes cartes : j’avais battu Yana en cherchant sa compassion, en cherchant à faire vibrer le lien d’amitié qu’il y avait entre nous, et le fait qu’elle ne voudrait en aucun cas le rompre. Oui, elle m’avait mit en rogne, et oui je l’aurais sans doute eu très mauvaise si elle avait continué. Chose qu’elle n’a pas faite. Pour Yawto, je l’avais simplement écrasé à l’usure, en le forçant à ramper par terre, à cracher ses tripes alors que je me montrais victorieuse. Désormais, il ne restait plus qu’Ysanne. De pareilles situations n’étaient pas envisageables avec elle : je ne voulais surtout pas mettre notre amitié en péril, mais aussi ne pas avoir à la faire mordre la poussière pour la voir me supplier de l’épargner.

Non, je voulais un combat simple, classique, qui départagerait la plus forte de nous deux. Un combat qu’ils trouveront peut-être ennuyeux, qui les laissera peut-être sur leur faim. Peu m’importais ! Seul le caractère d’Ysanne et ses actions dans notre combat pourrait venir ébranler cet état de fait comme sa télékinésie venait me perturber, me faire basculer en arrière, me faire perdre l’équilibre.

Je la voyais s’élancer presque aussitôt dans ma direction, dans une attaque facilement identifiable, classique, puisqu’il s’agissait d’une de mes tactiques d’engagement favorite. Autant dire que l’esquive fut aisée, puisque j’eu juste à donner une impulsion sur mon pied encore campé au sol pour me décaler et observer la lame rougeâtre fendre l’air à proximité de mon visage. Mon deuxième pied venait s’apposer dans le sable, la botte s’affaissant un peu alors que je donnais une nouvelle impulsion pour pivoter, dans une rotation Su Ma classique de l’Ataru, horizontale. Je voulais tourner pour revenir au contact.

Mais si ma rotation fut effectuée à la perfection, ma riposte fut elle bien imprécise ! Ma lame fendit l’air, mais ne rencontra pas l’opposition attendue, à savoir la chair de la peau blanche de ma comparse Arkanienne.

Je me reculais donc aussitôt d’un pas, pour chercher à me placer hors de portée d’une riposte. Mon regard glissa vers son visage, un air amusé se dessinant sur mon visage alors que mes lèvres s’articulaient pour lâcher un bien maigre compliment. Enfin, pas que :

« Pas mal du tout. Mais peux-tu mieux faire ? »

Oh Ysanne, voyons… Tu sais très bien que je ne t’ai jamais sous-estimée. Le passé entre nous le prouvait suffisamment. Comment pouvais-tu penser qu’à cet instant les choses auraient pu changer ? Non Ysanne, je ne te connaissais trop bien, et je savais que tu étais pleine de ressources. Je dirais plutôt, au contraire, que je pourrais plus facilement te surestimer que l’inverse ! Je t’ai vu te battre, je t’ai vu te démener dans les rues d’Arkania. Je t’ai vu évoluer et grandir, bien que je ne pus malheureusement pas être régulièrement à tes côtés. La Dame Noire t’avait choisi comme apprentie suite à la désertion de Zora, ce qui voulait dire que tu étais bien l’une des apprenties les plus prometteuses de cette académie. Comment voudrais-tu que je te sous-estime après avoir assistée à ton ascension ? Je te connaissais aussi bien que toi tu me connaissais, si bien que je ne fus guère surprise par tes paroles. Tu savais très bien que dans un combat à la régulière, nos niveaux pouvaient au mieux se valoir, ce qui signifiait un combat long et rude, un affrontement poussif et éreintant. De fait, tout comme moi, tu allais devoir ruser, te montrer plus manipulatrice ou bien plus maline. Tu avais des qualités que je n’avais pas, mais l’inverse était tout aussi vrai. J’avais déjà fais œuvre de certains de mes avantages lors de nos derniers affrontements, ce qui voulait dire que je ne pourrais pas les réitérer pour te faire plier.

Tout comme toi, tu aurais dû songer au fait que ta première ruse ne fonctionnerait pas comme tu l’aurais idéalement souhaité. Yana t’avais déjà pris de cours sur la question et j’avais été capable de discerner ses phéromones. Comment pouvais-tu imaginer que je ne pus pas m’en rendre compte cette fois-ci, alors que ces phéromones venaient de toi ? Certes, je fis preuve d’un moment de doute alors que tes phéromones m’atteignaient, sans doute le temps que je me rende compte du problème. Ce temps de réaction, de latence, t’avais effectivement permis de t’approcher rapidement pour me frapper, mais ma réaction fut bien plus rapide et efficace que sa prédécesseur. Sans doute était-ce là l’habitude, l’expérience, mais aussi ma capacité à détecter et résister aux phéromones d’Ysanne. J’avais réagis à sa feinte, me décalant d’un pas de côté tout en ramenant ma lame pour me préparer à me protéger d’un coup qui ne vînt pas. J’avais de fait ouvert la voie à Ysanne, qui s’était évidemment engouffrée, prise dans son élan, dans une attaque plus mesquine que je ne l’avais pensé. C’était là une technique que j’avais déjà utilisé, mais qui me surprenait malgré tout. Peut-être que ses phéromones se révélaient au final plus efficaces, ralentissant de fait mes réactions. Voyant la deuxième frappe, je venais bondir sur moi-même, dans un petit saut aérien qui devait seulement me protéger de la double attaque –et feinte.

Je réalisais alors le réel danger, alors qu’Ysanne adoptais une manœuvre que je n’avais jamais vu, ou alors si rarement qu’elle ne m’avait jamais marquée. Je venais m’interposer dans un mouvement réflexe, mon pied d’appui pivotant mais se tordant légèrement pour encaisser l’attaque d’Ysanne. Dans une position peu appréciable et instable, ma défense se révéla imparfaite et sa lame jaunâtre ripa contre la mienne avant de venir lécher légèrement mon torse, sur un des flancs.

Je laissais échapper un juron alors que je perdais l’équilibre, me rattrapant in-extremis de chuter grâce à l’aide de ma vassale : la Force. Je laissais mon genou plier, m’offrant ainsi l’occasion d’utiliser mon pied pour me propulser dans un mouvement évasif des plus incontrôlés. Chutant en arrière, je courbais le dos pour encaisser le choc et enchainer sur une roulade devant me mettre hors de portée d’Ysanne. Lorsque je retombais sur mes pieds, je donnais une nouvelle impulsion pour me redresser, mon regard fixant la métisse alors que les traits de mon visage venaient trahir ma surprise l’espace de quelques secondes.

Le temps suffisant pour retrouver ma contenance.

« Je n’en attendais pas moins de toi, Ysanne. Tu as toujours le don de me surprendre, mais ta petite tactique ne pourra tenir sur la durée. Tu sais très bien que je peux m’adapter… »

A présent Ysanne, que me réservais-tu ? Allais-tu continuer de maintenir ton don, ou bien allais-tu revenir à une stratégie plus… agressive ?

Ysanne avait grandement progressé, et bien plus vite que j’avais pu l’imaginer. Elle devait avoir eu de l’aide, ou bien la Dame Noire avait préféré délaisser certaines de ses occupations pour se concentrer uniquement sur sa formation. Cette idée là me rendait quelque peu jalouse, car Isobel n’avait jamais réellement prit le temps de délaisser certaines de ses affaires pour se concentrer sur mon instruction. La Zeltronne préférait m’envoyer en mission et me laisser me débrouiller, chose qui fonctionnait mais qui ne permettait pas de développer mes compétences martiales ou encore mon usage de la Force. J’apprenais plutôt la débrouillardise, la discrétion, l’assassinat. Au final, les débouchés étaient assez différents. De fait, je devais bien admettre qu’Ysanne semblait me surpasser en termes de précision, ou même d’initiative, et ne pas en connaître les raisons me déconcentrait.

J’avais abandonné l’idée de la manipuler, de chercher à gagner ce combat en jouant sur ses sentiments, ou encore sur des points qui pourraient la déstabiliser. Je ne voulais pas mettre en péril notre amitié pour un simple tournoi, mais je ne voulais pas non plus perdre toute crédibilité ! J’avais une certaine réputation, une certaine aura ! J’avais tué un membre du Conseil Noir, et j’avais abordé le vaisseau de l’ancien chancelier de la République ! Je ne pouvais pas perdre contre Ysanne, quand bien même elle était l’apprentie de la Dame Noire ! D’ailleurs, que ferait-elle de son apprentie, si elle venait à perdre ce tournoi ?

Mon regard glissa instinctivement vers les tribunes, dans une vaine recherche. L’ensemble était plongé dans la pénombre, et les seuls éclairages étaient focalisés sur l’arène. La Dame Noire se débarrasserait-elle d’Ysanne ? La forcerait-elle à l’exil, comme avait pu le faire Zora ?

A force de penser, j’en avais oublié ce combat, je m’étais déconcentrée. Je n’avais pas senti le danger, je n’étais plus focalisée sur Ysanne. SI bien que lorsqu’elle bondit dans direction, c’était déjà trop tard. Je cherchais à prendre appui sur le sol, alors que je sentais l’appel d’air et que je voyais la métisse fondre sur moi sabres au clair.

Je ramenais mon sabre en avant, prêt à parer, mais son élan était trop important. Ma lame ripa contre les siennes alors que je chutais en arrière. Mon dos heurta le sol, mon sabre s’écarta et sa lame vînt mordre la chair de mon épaule. Je poussais un cri de douleur, alors que sa lame quittait mon corps meurtri et qu’Ysanne terminait sa course, prise dans son élan. Je clignais des yeux, les paupières humidifiées par des larmes de douleurs. Ysanne s’était montré extrêmement habile, et j’aurais pu me retrouver hors de combat si elle avait pu aligner son deuxième sabre.

Mais je ne pouvais pas perdre. Pas comme ça, pas aussi rapidement. Pas aussi facilement !

Serrant les dents, je me redressais d’un bond. Je faisais appel à la Force, tout comme à ma colère. Une colère dirigée contre ma propre personne, contre mon incompétence, contre mon incapacité à aligner deux katas avec réussite. Je pivotais pour faire face à Ysanne, alors que mes yeux devenus noirs venaient fondre sur elle. Elle n’y était pour rien, ce n’était qu’un tournoi, mais elle allait devoir souffrir à son tour. Moi ? Dépassée ? Débordée ?

« C’est ce que l’on va voir ! »

Sans attendre, me confiant uniquement à mes instincts, je fonce sur elle, ma lame décrivant un arc de cercle vers l’extérieur avant de revenir vers l’intérieur pour une frappe devant s’abattra sur sa garde. Feinte ! Piège ! Au dernier moment, je donnais une impulsion dans la Force pour m’élancer au dessus d’elle, ma lame imitant une frappe pour finalement suivre ma trajectoire. Alors que j’atteignais le zénith de mon salto, je donnais un coup de poignet pour frapper son épaule, dans l’espoir d’avoir déjà passé sa défense, sa garde.

Elle voulait un combat, elle allait l’avoir !