Voyl Clawback
Voyl Clawback
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Orbite de Dantooïne – Frégate du C.B.I – Aucun cadran spécifié

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Dans le couloir qui menait aux appartements privés, deux voix éclataient en échos tonitruants. Le salon qui en constituait l’extrémité semblait à l’origine de ces invectives.

" Mais si.

-Mais non !

-Si !

-Non !

-Si !

-Non.

-Si ! Si !

-NON.

-S… "

Une balle en plastique transparent atterrit dans la figure de l’agent de sécurité avec un bruit sourd. Shfal tira sur son cigare de son autre main, très satisfait.

" Eh non. "

Il adorait avoir le dernier mot, c’était plus fort que lui. Un trait qu’il partageait certainement avec son employeur.

" N’importe quoi, brailla le proche-humain en se massant le nez, c’est déloyal.

-Tout ce qui peut te clouer le bec est parfaitement loyal. Parce que tu as tort et tu le sais.

-Pfff… "

Le karkarodon sourit et arma son bras une seconde fois, tentant de viser son collègue retranché derrière le dossier d’un fauteuil. A cet instant, les portes automatiques de l’un des murs s’ouvrirent d’un claquement sec et l’immense silhouette émaciée du vice-directeur s’y dessina. LEquel n'avait vraiment pas l'air d'apprécier leur petite joute.

" Je peux savoir ce que vous faites ?! s'exclama Clawback d’un ton parfaitement glacial, qu’est-ce que c’est que ce vacarme ?! "

Le garde du corps éteignit précipitamment le cigare dans le seul endroit à sa portée : une plante verte. Son collègue quant à lui, chercha nerveusement un endroit où dissimuler la petite balle. En désespoir de cause, il la fit discrètement rouler sous le fauteuil.

" Euh… Désolé monsieur. On était... On faisait…

-On vérifiait la tenue des portes aux impacts, improvisa Droomos d’un air très sérieux,

-Oui, exactement. "

Le muun soupira lourdement en traversant la pièce. Il ne portait que le bas de son ensemble et une chemise neuve, sa cravate défaite sur les épaules. Signe qu’il venait de s’interrompre exprès pour mettre fin aux jeux puérils de ses deux employés, si désœuvrés à l’intérieur du vaisseau qu’ils ne savaient plus quoi inventer pour lui pourrir l’existence.

" Imbéciles, maugréa-t-il entre ses dents tout en se servant une tasse un peu plus loin. "

Les deux gardes échangèrent un regard atterré. Le muun les fixa d’un air sévère, sa tasse dans une main et l’autre planté sur la hanche.

" Nous serons sur Dantooïne dans moins d’une heure et vous n’avez rien trouvé de mieux à faire que de vérifier la tenues de portes éprouvées depuis plus de mille ans de fabrication en série ?! "

Une question rhétorique pour leur prouver qu'il n'était absolument pas dupe. Coincés, les deux gros bras gardèrent le silence. D'un geste agacé, Clawback les renvoya.

" Allez donc aider Stoeler à préparer notre arrivée, plutôt que de tester la porte de ma salle de bain ! "

Resté seul, il s'installa dans l'un des fauteuils et but en silence. Des pas feutrés gagnèrent la pièce depuis la porte opposée : son secrétaire - qu'il soupçonnait d'avoir attendu patiemment son tour derrière les battants clos - s'avança à son tour dans la pièce, un datapad à la main, égal à lui-même.

" Tout est en ordre monsieur, voici d'ailleurs le planning que j'ai envoyé.

-Excellent. N'oubliez pas de contacter qui de droit via le canal n°5, pour confirmation.

-C'est fait. Leurs services ont répondu, le rendez-vous est fixé à 20h30 heure locale. "

Voyl hocha la tête, satisfait. Il aimait toujours quand les choses étaient aussi claires et carrées. Tout semblait alors parfaitement en accord avec sa manière de penser : l'univers tout entier pouvait entrer dans les lignes et colonnes d'une matrice impeccable. Rien ne pouvait mieux lui convenir, car rien ne mettait les muuns plus à l'aise que les raisonnements logiques et la stabilité dans l'ordre des choses. Ayant fini son café, Voyl jugea qu'il était temps de terminer de se vêtir convenablement pour la journée qui l'attendait. En regagnant la salle d'eau, son pied heurta un objet tombé à terre. Surpris par cet imprévu dans son monde bien ordonné, Clawback baissa le nez, inquisiteur. Il venait de buter contre une balle en plastique, telle qu'on en trouvait chez les marchands de jouets pour enfants. Agacé, il donna un coup de pied dedans.

"Qu'est-ce que c'est que ces gamineries ?! "

Reshord eut envie de rire, mais un seul regard du vieux muun l'en dissuada.

"Aucune idée, monsieur... Je vous ai fait préparer votre nouveau costume, les retouches ont été faites, comme convenu.

-Bien. "

Le mot claqua, sec et plein d'une colère toute contenue. Le fond de la tasse vide avait cogné le bois laqué du buffet en même temps. Voyl lança depuis la porte :

" Il ne s’agit pas d'une simple entrevue, mais bel et bien d'une réunion de la plus haute importance, en présence de la Chancelière en personne. Veillez à ce que tout soit parfait.

-Ne vous en faites pas, tout le sera ! "

Depuis le temps, il commençait à avoir l'habitude. Non pas des entrevues avec la chancellerie, mais des exigences de Clawback et de son caractère se dégradant d'année en année.

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Dantooïne - New Koonda - Banlieue - 20h30

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Une journée entière à arpenter les chantiers au milieu des plaines de Dantooïne avait donné à Clawback le temps de s'acclimater à la chaleur ambiante. On était en plein été sur la planète verte, et son soleil tapait fort en plein après-midi. Ce qui leur avait valu, la plupart du temps de rester à l'intérieur. Les formalités accomplies, ils s'étaient enfin rendu sur les lieux où la véritable partie allait se jouer. La petit village de Koonda, désormais belle ville au visage se transformant peu à peu en capitale interstellaire, accueillait plusieurs lieux d'une relative importance et d'un standing somme toute très correct. L'un d'entre eux en particulier, un petit immeuble à la façade désuète ayant jadis servi d'armurerie, entouré des immenses plaines qui venaient mourir sur les premiers quartiers, avait été loué peu de temps auparavant par une entité anonyme pour un usage privé. Bien petit par rapport aux mastodontes que l'on pouvait trouvé sur Coruscant, l'endroit ne payait pas de mine, mais possédait une surface appréciable en son sein. Un grand salon un peu vieillot avait été réaménagé pour l'occasion, en attente d'invités soucieux que leur petite fête reste loin de toutes oreilles indiscrètes. Une réunion malgré tout sous haute surveillance : hors de question qu'une bombe vienne à nouveau s'immiscer dans les discussions !

C'était ici, à 20h27 très précises, qu'un speeder déposa trois passagers loin des caméras et micros braqués sur les centres d'accueils pour réfugiés et les nouveaux chantiers. Voyl en tête, le trio ne s'était pas attardé à découvert. Son ancien costume favori, mis en pièce lors du désastre de Kuat, avait laissé place à un autre, presque identique - on pouvait difficilement faire plus routinier que lui - à la différence près que les discrets liserés de platine de l'ancien avaient fait place à une broderie géométrique dans la même matière, accrochant plus la lumière, et que le col montant arborait maintenantdes motifs semblables jusque dans l'échancrure à sa base. Sinon, Clawback restait éternellement le même... Difficile de ne pas le reconnaître.

Voyl, son secrétaire et son garde du corps disparurent dans les profondeurs du bâtiment, que la garde avait discrètement bouclé, mine de rien, alors que le soleil déclinait à l'horizon.

Emalia Kira
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- … lière Emalia Kira en personne a visité ce matin les locaux flambants neufs dantooïniens où quelques réfugiés dubrillionais subsistent encore, ayant refusé l’offre républicaine d’asile vers Naboo. S’ils sont relativement peu nombreux au regard du nombre de déportés…

La souveraine éteignit l’holodiffuseur devant elle et se renfonça dans le fauteuil de la petite pièce où on lui permettait quelques minutes de repos. Officiellement, sa navette s’élevait déjà pour quitter Dantooïne pour un retour rapide vers Coruscant. Les familles, les enfants, massés à l’astroport, devait la regarder s’élever dans le ciel en pensant peut-être que la majestueuse Chancelière apercevrait leurs signes par un hublot. Ce que la population pouvait être naïve ! En réalité, on ne signalait jamais dans quel transport elle se trouvait réellement, pour des questions évidentes de sécurité. D’ailleurs, tandis qu’on la croyait déjà dans l’espace, elle était toujours sur la planète. La chaleur était oppressante. Elle passa une lingette fraîche sur son front.
Il n’y avait rien de plus aux holonews qu’elle ne savait déjà, et son service se chargerait bien de lui faire une revue de presse mettant en phase à quel point ses actions étaient perçues favorablement par les populations et les médias. Ou pas. Ces jours-ci, les qu’en dira-t-on l’intéressaient de moins en moins. Aux premières heures de son mandat, elle avait adoré les commentaires de présentateurs louant sa bonne volonté d’unir la République, les couvertures de magazines encensant sa tenue à telle ou telle cérémonie. Mais elle s’était vite lassée. Finalement, ça ne la changeait pas de sa popularité habituelle sur Ondéron, sauf que le terrain de diffusion était désormais étendu à la République. Etait-ce pour son physique et ses bonnes œuvres qu’elle souhaiterait qu’on se souvînt d’elle, dans quelques années ? Quelques décennies ? Quelques siècles ? Elle pouvait être tellement plus. Elle pouvait être une dirigeante ayant terrassé un Empire malfaisant, par exemple. Et alors, dans les livres d’histoire…

- Madame la Chancelière ? lui parvint une voix de l’autre côté d’un panneau coulissant en métal.
- Quoi ? geignit-elle, de mauvaise humeur.
- Votre transport est arrivé.
- Je viens.

Emalia s’extirpa de son fauteuil avant de quitter la pièce à pas vifs. Elle avait troqué sa robe de cérémonie du jour pour une tenue plus passe-partout : bottes blanches par-dessus un legging blanc, robe droite et fluide couleur crème par-dessus, sans ornement. Seuls son maquillage et sa coiffure rappelaient ses activités communicantes du jour, mais elle les fit disparaître sous un manteau et un capuchon vert pâle. Tout le monde savait bien que le noir vous faisait cuire au soleil, d’où le choix des couleurs claires, dont elle se félicitait. Escortée de près par des militaires veillant à sa sécurité, elle quitta l’annexe d’un bâtiment gouvernemental pour s’engouffrer dans un speeder – toit couvert, vitres teintées – qui démarra en trombe dans la capitale, direction la banlieue de New Koonda.

Le voyage fut rapide. Emalia regarda à peine les rues qui défilaient, absorbée par son datapad. Elle supprimait un mail, répondait à un autre, annotait un document, lisait en diagonale un rapport sur les dernières conclusions de la sécurité intérieure du Noyau. Et puis soudain, le speeder s’immobilisa, et des soldats sortirent les premiers. Deux d’entre eux allèrent examiner la porte du bâtiment tandis que d’autres se postaient dans la rue pour vérifier que rien de suspect ne s’y déroulait. Un signal fut donné dans une radio, et on permit à la Chancelière de sortir à son tour.
Ce petit manège était rassurant. Emalia s’y était habitué. Elle avait confiance en l’armée et Vanesta Holdoll le lui rendait bien. Elle avait assigné à la garde personnelle de la Chancelière les meilleurs soldats qui existassent dans la République. Du moins était-ce ce qu’on lui avait dit.

Le bâtiment qui l’accueillit ne payait pas de mine. Il était vieillot, y compris à l’intérieur, où elle fut conduite à un petit salon. Elle se plaignit à haute voix de l’absence de climatisation, qui allait faire scintiller ses joues et son front, et un droïde s’empressa de se positionner non loin, un mini-ventilateur tendu à hauteur de son visage. Il la suivait en lévitant. Après un soupir d’aise, Emalia retira enfin son capuchon et fit signe à sa garde de se retirer. Celle-ci obéit mais l’un des soldats resta posté à l’entrée de la pièce, tandis que les autres se lancèrent dans une fouille des lieux, en concertation avec la garde tatillonne du Muun lui-même.

L’homme d’affaires était donc déjà là. Il était fidèle à lui-même, costume et masque d’impassibilité ennuyeux. Emalia s’avança, tendit la main pour le saluer.

- Nous y revoilà ! s’exclama-t-elle avec un sourire engageant. Je vous remercie d’avoir organisé cette rencontre monsieur Clawback. Comment allez-vous depuis le Star Home ?

Elle posait la question pour la forme. Elle se fichait pas mal qu’il fût frappé d’une grippe ou que ses affaires se dégradassent. Quoique.

- Je suis navrée que nous n’ayons pu nous rencontrer plus tôt. Vous savez ce que c’est, l’agenda bien rempli, les rendez-vous interminables, les conférences de presse… Sans compter les procédures de sécurité.

La Chancelière fit mine de s’essuyer le front, mimant le désarroi. Puis elle s’installa dans un fauteuil, ressortit son datapad, prête à entrer dans le vif du sujet.

- Je ne vous cache pas que je n’ai guère le temps de tourner autour du pot, monsieur Clawback. Avez-vous convaincu vos confrères du CBI de faire confiance à la République pour un soutien au développement commercial de la bordure des mondes neutres ?

Elle releva les yeux de son datapad et évalua le Muun du regard. Sa face était tellement plate... Qui oserait jamais embrasser un mur pareillement hideux ?

Voyl Clawback
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Les lieux étaient parfaitement silencieux, vidés de tout habitant, exception faite de la garde républicaine et des services de sécurité, dont le silence n'enlevait rien au calme. Clawback se fit guider dans les couloirs déserts, jusqu'au salon où allait se dérouler le rendez-vous. Celle qui était attendue n'était ni plus ni moins que la Chancelière Suprême de la République. Clawback ne la connaissait guère que de vue, n'ayant rarement échangé plus que des banalités avec celle qui était aussi reine d'Ondéron. Mais depuis le Star Home, un changement subtil s'était opéré dans son rapport au monde politique. Lui qui avait toujours maintenu une certaine distance avec ces eaux troubles s'y trouvait désormais enfoncé jusqu'à la taille. De plus, c'était une position qu'il avait sciemment cherchée, pour laquelle il s'était battu... dans l'espoir d'en retirer un grand bénéfice personnel. Ce qui jusque-là lui avait plutôt bien réussi. Mais 'était un jeu dangereux, car e moindre faux pas le désignerait comme coupable idéal, et Clawback était trop aguerri en la matière pour penser que quiconque lui porterait secours si l'affaire tournait mal. Il serait lâché à la première occasion, et par les siens, et par la République, Kira la première. Cela, il en était parfaitement conscient. C'était le risque à prendre, le prix à payer pour se voir confier la mise en place d'un tel projet. La nouvelle tête pensante de la République irait-elle jusqu'à nier l'avoir rencontré ? Une question très intéressante que l'esprit de Clawback ne cessait de retourner, traçant des plans pour tous les cas de figure.

C'est pourquoi ses pensées à l'égard de l'ondéronienne était toute en dégradé de gris : certes, elle s'avérait une interlocutrice agréable et avisée. Mais elle restait d'une part une personnalité peu fiable, ayant démontré toute son habileté politique, et une adversaire du FLR... qui plus est versée dans l'art de brosser le poil aux revendicateurs sociaux et autres profiteurs du système. On pouvait légitimement pensé qu'elle faisait cela pour rentrer dans son rôle et se faire des alliés. Mais elle le faisait si bien que quelqu'un comme Voyl en venait à croire qu'elle pensait réellement ce qu'elle disait ! Comme s'ils avaient besoin de donner du grain à moudre à tous les excités de la pancarte en ces temps troublés...

Lorsqu'elle entra, accompagnée de sa garde, Clawback était prêt, planté devant la porte comme un majordome attendant l'hôte des lieux. Elle était plus petite que dans son souvenir, ou peut-être était-ce juste parce que ses talons étaient moins hauts ? Sa tenue était plus sobre, faite pour passer inaperçue. Elle trotta vers lui avec un sourire commercial, en bonne politique qu'elle était. De son côté, il tenta de l'imiter, même si le résultat ne boxait pas exactement dans la même catégorie. Elle avait à son avantage cette touche de féminité précieuse qui la rendait toujours plus attirante et moins intimidante aux yeux de ses interlocuteurs, que toutes les femmes ou presque utilisaient pour prendre l'avantage sans en avoir l'air. Une stratégie redoutable que peu d'hommes cherchaient à contrecarrer, peut-être parce qu'ils aimaient souvent, inconsciemment ou non, se faire avoir de cette manière.

" Nous y revoilà ! Je vous remercie d’avoir organisé cette rencontre monsieur Clawback. Comment allez-vous depuis le Star Home ? "

La bonne humeur apparente de la chancelière le surpris de prime abord : il ne s'était pas attendu à la voir si primesautière, elle qui s'était avérée si froide et inflexible face à Espara. Il s'inclina légèrement à sa question, habitué à éluder rapidement ce genre de propos génériques. Il jeta un rapide coup d’œil au petit gadget qui lui faisait de l'air et reporta son regard sur son visage au teint parfait, dont les yeux maquillés le détaillaient avec une certaine indifférence.

" Très bien, merci. Je suis ravi que tout se soit déroulé conformément à vos attentes, Excellence. "

Il n'essaya pas même de lui demander en retour si son voyage s'était bien passé. Son visage parlait pour elle : la chaleur de l'été Dantoïnnien avait eu raison de sa paleur. Malgré tout, elle gardait cette dignité propre aux têtes couronnées, droite et fière en toutes circonstances, même au milieu d'un désert balayé par le vent. Voyl releva son regard vers leur destination : un carré de fauteuils entourant une table basse au centre de la pièce. Il l'invita à le suivre d'un ample geste du bras. Ce qu'elle fit sans attendre.

" Je suis navrée que nous n’ayons pu nous rencontrer plus tôt. Vous savez ce que c’est, l’agenda bien rempli, les rendez-vous interminables, les conférences de presse… Sans compter les procédures de sécurité. "

Elle lui avait parlé avec cette pointe d'affliction de celle qui a souffert de la chaleur. Tous les mêmes, soupira Clawback sans rien montrer de sentiment blasé face à cette démonstration propre aux gens de pouvoir. Désormais, sa Majesté Kira était la personne la plus demandée de toute la République et elle tenait à le faire savoir. Comme si son agenda à lui n'avait pas été surchargé non plus...

" Je comprends parfaitement, Excellence. Sachez que nous sommes très honoré de votre confiance, nous ne la gâcherons pas. "

Son ton froid et monocorde sonnait bizarrement avec le sourire poli qui était le sien. Ce n'était pas ironique, ni même cynique, même si l'on pouvait être tenté de le croire. Juste tout à fait correct, même beaucoup trop. On ne pouvait jamais lui reprocher un manque de sérieux. Il pêchait plutôt par l'excès inverse. Il ne cilla pas quand elle enchaîna, appuyant davantage sur le fait qu'elle ne s'attarderait pas en sa compagnie. De marbre, Clawback s'assit en face d'elle et plaça ses effets sur la table sans la quitter des yeux.

" Je ne vous cache pas que je n’ai guère le temps de tourner autour du pot, monsieur Clawback. Avez-vous convaincu vos confrères du CBI de faire confiance à la République pour un soutien au développement commercial de la bordure des mondes neutres ? "

Il devait avouer qu'il appréciait sa manière de couper court aux bavardages et de rentrer dans le vif du sujet. Enfin un politicien qui prenait les choses au sérieux, qui ne posait pas le temps qu'il faisait dehors ou ses propres problèmes comme centre de la galaxie ! Sa satisfaction se résuma dans sa manière d'empoigner souplement son datapad et dans l'éclat vif de son regard, plein d'intérêt. Lui non plus, n'avait pas le temps de tourner autour du pot, ne l'avait jamais eu et ne l'aurait jamais. Efficacité et rentabilité étaient ses maître-mots. Seulement, ici, cet empressement aurait pu être vexant tant il était exagéré. Voyl ne s'en étonna guère : les femmes et leurs caprices... Il avait affaire à une véritable princesse, dans tous les sens du terme. Ce faisant, il savait qu'elle se devait d'en rajouter une bonne couche, histoire de bien faire sentir à autrui sa supériorité. Le muun se contenta donc de faire son travail, ni plus, ni moins.

" Nous soutenons la République depuis toujours, votre altesse ! Notre statut d'agent neutre garantit notre impartialité vis à vis de nos clients, mais nous restons des acteurs basés sur monde majeur de la République ! Convaincre le Conseil n'a pas été bien compliqué, je vous l'assure. Chacun ici a parfaitement conscience des enjeux de ce projet. D'une part, de l'urgence de la situation concernant la sécurité des frontières et leur stabilité, ensuite, de l'opportunité de développement de ces régions trop longtemps délaissées. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Nous avons d'ailleurs déjà établi le contact avec plusieurs des représentants de mondes neutres présents lors du SGP1, qui s'étaient alors montrés favorables à ce projet. Bien entendu... Nous restons ici un interlocuteur neutre : il s'agit bien de nous placer en tant que prestataire de service et non en tant que décideur. Nous attendons donc les résultats de ces premières entrevues avec nos partenaires neutres pour dresser un portrait robot du système à mettre en place.
"

Tout en parlant, il fit afficher le contenu de ses fichiers sur l'holoprojecteur entre la Chancelière et lui. Des tableaux de valeurs concernant les flux commerciaux en cours, la carte galactique annotée et les tracés des implantations prévues, entre autre, s'étalèrent docilement sur l'écran immatériel. Il remarqua alors le regard appuyé qu'elle lui jetait au travers de l'écran. Comme si l'humaine avait soudainement été happée par une longue réflexion sur son compte. La scène ne dura qu'une seconde de silence, le temps qu'elle quitte son nez du regard et qu'il reprenne le fil de son propos. Mais Clawback ne put s'empêcher de la dévisager bizarrement à son tour, suspicieux. Quoi, il avait une tâche quelque part ? Il avait pourtant vérifié son reflet avant d'entrer !

" Nous avons donc commencé à envisager plusieurs configurations pour les futures installations. Bien entendu, ceci n'est encore qu'au stade prévisionnel. Mais les résultats sont plutôt encourageants. Si la majorité des mondes concernés ratifient un accord commun, nous pourrons sans doute assurer une transition vers un état économique plus stable avec des retours sur investissement plus qu'acceptable. Nous tablons pour l'heure sur une dizaine d'années standards si les prévisions initiales se révèlent justes. Sinon, il convient d'explorer de nouvelles options, mais il est encore trop tôt pour s’atteler à cette tâche. Le reste étant à votre entière discrétion, nous sommes dans l'expectative de votre avis sur ce premier aperçu et de vos propres sources d'information. "

Le muun ramena ses mains à lui et les croisa nonchalamment sur ses genoux.

" Par ailleurs, qu'en est-il des positions respectives de la République... et de Hapès, concernant ce projet ? Les déclarations de l'Ereneda ne sont pas passées inaperçues dans la presse... Je ne vous cache pas mes inquiétudes à ce sujet."

Il n'avait pas oublié la rage toute contenue de la monarque hapan lorsque ses interlocuteurs avaient coupé court à sa tentative de mainmise sur les mondes neutres... Et il savait que tôt ou tard, son ombre de prédatrice avide referait surface. Surtout lorsque la République devrait défendre ses intérêts. Voyl ne doutait pas qu'Emalia, désormais Chancelière, devait avoir considéré le cas de l'araignée dorée depuis leur dernière rencontre. Elle était maintenant l'interlocuteur numéro un pour les puissances étrangères, et Clawback était vivement intéressé par sa réponse : le fond autant que la forme allaient rapidement le renseigner sur l'atmosphère en haut lieu, et déterminer en grande partie sa marge de manœuvre.
Emalia Kira
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Même le ton de cet être longiligne était monocorde. Emalia plaignait intérieurement sa femme. Les soirées passées à ses côtés devaient être d’un ennui ! Enfin, elle ne savait pas même s’il était marié, et cela importait peu. Il n’en restait pas moins que le muun avait l’air de réciter un discours écrit à l’avance. Soutenir la République, garantie de l’impartialité… Bon, s’il voulait lui faire l’article, grand bien lui fît, cela laisserait à la chancelière le temps de préparer ses propres paroles. Elle regardait les tableaux sans les voir. Tous ces chiffres ne lui disaient pas grand-chose : ils constituaient des détails techniques dont elle déléguerait l’analyse à une personne compétente qui lui prémâcherait les conclusions à tirer. Elle hocha toutefois la tête avec intérêt, détaillant le muun à travers l’holo – il avait la face si plate, quel âge avait-il ? C’était toujours l’ennui avec les aliens, on ne savait leur donner un âge et même lorsqu’on le pouvait, cela ne présageait en rien de leur maturité réelle.

Il parut se rendre compte qu’elle le dévisageait. Plutôt que de détourner le regard, Emalia le maintint, faisant celle qui était simplement attentive à ses propos. Il ne parut guère s’en formaliser et poursuivit. Enfin, il en venait à des choses plus pragmatiques, et plus essentielles à leur échange. Hapès. Une belle épine dans le pied de la Chancelière. Mais finalement, depuis leur rencontre sur le Star Home, elle avait moins hanté les nuits d’Emalia. Il fallait dire qu’en tant que Chancelière, elle savait pouvoir imposer beaucoup à l’Ereneda, que celle-ci en convînt ou non. Elle se demanda un bref instant ce qu’elle pouvait révéler de tout cela au muun : que gagnait-elle à ce qu’il crût qu’elle et Espara étaient en bons ou mauvais termes ? Il pouvait adapter son comportement. Prendre plus ou moins de risques en fonction des chances de réussite. Voir… Eventuellement utiliser ce qu’Emalia pouvait prévoir de néfaste pour obtenir quelque chose de l’Ereneda. Revendre cette information, s’en servir pour piéger l’une ou l’autre. Bref : tout devait être envisagé. La Chancelière avait déjà été piégé plus d’une fois dans la Rotonde. Ces souvenirs cuisants étaient autant de rappels à la prudence. Néanmoins, il fallait aussi qu’elle s’assurât de l’implication du CBI dans ses projets. Ainsi il aurait un peu d’elle, elle aurait un peu de lui, et leur interdépendance les enchaînerait pour une efficacité future qui dissuaderait tout désir de trahison. Emalia sourit.

- Vous devancez ma pensée, fit-elle avec un double battement de cils malicieux. Les discussions et négociations avec la Reine-Mère d’Hapès se poursuivent, mais je dois vous avouer qu’elles sont longues et fastidieuses. Nous avons toutes deux de grandes énergies internes à nos gouvernements qu’il nous faut ménager tout en gardant un œil sur les mouvements externes des uns et des autres, en particulier de l’Empire. Beaucoup de précautions doivent être prises, et beaucoup de sujets sont à traiter : non seulement d’un point de vue économique, mais aussi géopolitique, militaire, en termes de stratégie de développement, de communication, d’information… Bref, le projet se fera très certainement, mais rien qu’en définir les modalités est un travail de longue haleine.

Emalia ne quittait pas un seul instant du regard les yeux du muun. Plus elle les regardait, plus ils paraissaient s’enfoncer dans leurs orbites étriquées. Cela ne devait pas laisser beaucoup de place pour le cerveau. A moins qu’il fût réparti autrement dans son crâne que chez les humains ? De toute façon, c’était bien connu, ce n’était pas la taille qui définissait la performance. Et celui-là était du genre assez malin, il ne fallait pas s’y tromper.

- Bien évidemment, nous n’attendrons pas le terme de ces négociations pour vous impliquer monsieur Clawback, cela va de soi. Ne serait-ce que parce que Consortium d’Hapès ou pas, je désire instiller un fort développement économique de la République près des frontières des mondes neutres… Ainsi qu’au sein de ces mondes neutres. Je sais que le volet militaire ne doit pas être votre spécialité, mais pour moi il est tout à fait imbriqué avec les questions économiques et politiques : si nous voulons que les mondes neutres ne soient pas rapidement absorbés par l’Empire, il nous faut employer tous les moyens à notre disposition.

Et mettre le plus de barrières possibles entre les Sith et Ondéron, au passage.

- Un développement économique des mondes neutres attribué en bonne partie à la République nous fournirait un sentiment d’appartenance assez fort pour que les mondes neutres ne désirent pas s’allier à l’Empire… Voire même qu’ils adhèrent à notre rassemblement démocratique.

De plus, en s’assurant la loyauté politique des mondes neutres par l’économie, elle pourrait leur imposer des bases militaires vitales pour se défendre de l’Empire. Le prétexte de les protéger et l’apport économique les empêcheraient certainement de refuser son offre généreuse. Sauf que… Insuffler de la croissance dans ces économies ne pouvait être réalisé par la République elle-même. D’une part parce que tous ses moyens étaient alloués ailleurs, et qu’elle ne se voyait retirer de l’argent à personne, d’autre part parce que cela serait bien mal vu d’arroser ainsi publiquement des mondes neutres sans raison apparente. On aurait tôt fait de lui attribuer des intentions peu louables. Et pourtant, elle ne voulait que le bien de tous !

- C’est dans ce développement économique, bien sûr, que nous attendons la contribution du CBI,
annonça-t-elle avec un nouveau sourire courtois. Je suis donc ravie d’apprendre que les vôtres ont si favorablement estimé ces projets à notre égard. Vos infrastructures semblent être largement à la hauteur du défi qui est le nôtre. Mais comme vous l’avez souligné sur le Star Home, leur installation auprès des mondes neutres va nécessiter d’importants investissements financiers, et c’est là que je vais avoir besoin de vos astuces techniques.

Sur ce point, elle ne pouvait qu’être honnête : elle n’avait jamais eu aucun notion de la comptabilité, peu importe le nombre de zéro que comportaient les sommes de crédits. Mais le CBI avait cette expertise.

- Si je résume, voici où nous en sommes : en attendant une union politique par le Consortium de Hapès, la République investit dans un projet du CBI pour développer l’infrastructure économique des mondes neutres. Le CBI étant un organe nationalisé, nous allons faire face à deux types de critiques : ceux qui y verront une trahison de ma part en finançant le « patronat », mais je me charge de ceux-là. Et ceux qui me critiqueront peut-être pour utiliser cet argent alors qu’il serait attendu ailleurs de manière plus générale. Le seul moyen de limiter les pots cassés… Sera donc de conserver un dimensionnement de ces financements relativement limités.

Autrement dit, la République ne pourrait tout financer. Mais vu l’opportunité donnée au CBI, ils mettraient bien la main au portefeuille, non ?

- Et, second obstacle, poursuivit-elle sur sa lancée, des critiques venues de l’extérieur : il est attendu une zone libre, neutre… Si la République, par le CBI détient les infrastructures des mondes neutres, ils seront enchaînés à elle d’une manière ou d’une autre. Il nous faut donc concocter un système permettant une indépendance de l’infrastructure de cette zone de libre-échange… Sans perdre, bien sûr, les bénéfices de notre influence.

Emalia posa son datapad et se leva. Elle avait toujours du mal à réfléchir en restant assise. Il fallait qu’elle marchât, et elle se mit à faire les cent pas devant le petit salon où se tenait toujours le muun.

- Imaginons que le CBI et la République financent donc ces infrastructures. Et qu’une fois bâties, elles soient données ou vendues à une société indépendante, à la tête de laquelle… Des personnes des mondes neutres. Triées sur le volet, bien sûr, afin de s’assurer leur fidélité et qu’ils ne puissent être corrompus par l’Empire.

Elle jeta à Voyl Clawback un regard en biais, se demandant s’il voyait où elle voulait en venir. Avec un alien de rigueur tel que celui-ci, il valait mieux être claire. Elle n’était pas sûre qu’il fût à l’aise avec les sous-entendus des politiciens. Par certains points, il lui rappelait le Sénateur de Neimoidia, sauf que ce dernier parlait un langage moins technique, plus adapté à celui de la Chancelière.

- Ce que je veux dire, précisa-t-elle donc, c’est que l’entreprise pourrait être contrôlée par la République officieusement, par votre biais : ils nous renseignent et agissent à notre guise, vous encaissez les dividendes puisqu’en ayant financé la société, vous en serez le principal actionnaire.

Elle se demandait ce qu’il pensait d’un tel projet. Aux yeux de la Chancelière, tout le monde y avait son intérêt. Le seul risque important qu’elle prenait là, c’était qu’elle informait Voyl Clawback de sa capacité à élaborer des stratagèmes qui, révélés au public, ne plairaient guère. Mais elle n’avait pas choisi cet interlocuteur pour rien. Elle s’immobilisa pour lui faire face, croisant les bras.

- Le CBI est réputé pour sa discrétion quant aux actifs et affaires de ses clients. Considérez donc la République comme l’un d’entre eux. Un gros client, si j’ose dire.

Un nouveau sourire espiègle se dessina sur ses lèvres.
Voyl Clawback
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Elle a ces mêmes petites minauderies que Shiney, pensa Voyl en enregistrant les cils en aile de papillon, à croire que toutes les femmes partagent les mêmes codes dont nous sommes sensés connaître les secrets ! Autant dire que ce n'était absolument pas son cas. Les codes informatiques n'avaient aucun secret pour lui. Ceux des femmes, en revanche... c'était une toute autre histoire !

"  Vous devancez ma pensée.

-Disons qu'après toutes ces années, je connais mon métier, conclut-il avec un sourire en écho à son regard. "

Les yeux maquillés de l'ondéronnienne ne déviaient pas. Voyl, d'abord quelque peu mal à l'aise face à tant d'insistance, finit par y trouver une sorte de rassurante régularité. Même s'il clignait des yeux, elle le regardait encore, de la même manière. Faisait-elle ce que tous ceux qui voulait juste donner l'illusion qu'ils l'écoutaient faisaient toujours ? Voyl avait encore le souvenir du regard étrange d'Antana. Mais le parallèle était osé.
Contrairement à l'umbarane, l'humaine Elle paraissait à la fois sûre d'elle et un peu nerveuse. Pas de l'inquiétude : plutôt de l'empressement. Mais Voyl n'avait jamais été doué pour interpréter les mimiques des humains et autres espèces prompte à afficher leurs émotions, qu'elles soient vraies ou fausses.

" Tant que mes services vous satisfont, mon rôle est rempli. Vous êtes assurée de ma pleine et entière collaboration Excellence : j'ai travaillé en tant que représentant sur bien des planètes et ce depuis plus de trente ans. Je mets mon expérience à profit - après tout, vous n'êtes guère que la troisième personnalité à occuper ce siège en l'espace de deux ans ! Un record. L'adaptabilité est donc de mise. Et je ne vous apprendrai rien en disant que c'est une qualité plutôt prisée ces temps-ci. "

Avec attention, Clawback lista chacun de ses arguments en silence. Son raisonnement se tenait, c'était indéniable. Elle avait déjà réfléchi murement à la question, et il lui en était gré. Il n'était jamais très agréable de se retrouver en face de personnalité qui traitaient les sujets à la légère, en pensant que le temps des collaborateurs était une ressource gaspillable à l'envie. Emalia n'avait pas cette tendance - ou était bien trop intéressée par la partie pour tomber si bas. Au moins, quelque soit les avancées qu'ils feraient ce soir, le muun n'avait pas l'impression de perdre son temps, comme cela avait si souvent été le cas par le passé. Il écouta donc la chancelière décrire son plan. Elle avait de la suite dans les idées, et certainement en savait-elle plus long que lui sur la situation aux frontières. Ils payaient bien des services secrets pour ça, chez les républicains ?

"  Un développement économique des mondes neutres attribué en bonne partie à la République nous fournirait un sentiment d’appartenance assez fort pour que les mondes neutres ne désirent pas s’allier à l’Empire… Voire même qu’ils adhèrent à notre rassemblement démocratique. "

Voyl acquiesça. Les desseins de la République n'étaient jamais bien complexes à démasquer, ni ceux de l'Empire d'ailleurs. Les grandes puissances avaient toujours en ligne de mire peu ou prou les mêmes cibles. Pas étonnant que les mondes neutres qui séparaient encore les deux mastodontes se soient fait si ardemment courtiser ces dernières semaines. Cependant, Clawback préférait encore parier sur les méthodes républicaines, plus que par les moyens impériaux, beaucoup plus... radicaux... et néfastes pour les affaires.

" Et, second obstacle, des critiques venues de l’extérieur : il est attendu une zone libre, neutre… Si la République, par le CBI détient les infrastructures des mondes neutres, ils seront enchaînés à elle d’une manière ou d’une autre. Il nous faut donc concocter un système permettant une indépendance de l’infrastructure de cette zone de libre-échange… Sans perdre, bien sûr, les bénéfices de notre influence.

Les nationalisations ? Mais non voyons, rien à voir... Une seconde, il prit un air détaché.

" C'est assez évident, en effet. Malgré cela, je me dois aussi de vous mettre en garde : si certains mondes sont d'ores et déjà favorables à un rapprochement, du fait de leur ligne politique... D'autres y sont plus que farouchement opposés. Pas seulement aux idéaux républicains : à la simple idée de voir un intrus débarquer sur leur sol. Plaider notre cause de manière directe n'est peut-être pas la meilleure approche. Nous devrons pour cela mettre des avantages concrets sur la table... et appuyer notre "candidature" par des biais bien connus dans ce genre de cas : après tout, nous avons un ennemi à nos portes. La peur est un levier puissant. "

S'il ne pouvait faire grand chose sur le plan politique - du moins pas ouvertement - le reste demeurait tout à fait dans ses compétences, et le défi l'intéressait grandement. Depuis le temps qu'il travaillait à l'extension de leurs zones d'influences, l'opportunité était trop belle. Trop, peut-être ? Rien n'était joué, surtout avec les hapans dans les parages. Au final, Kira avait plus ou moins éludée sa question à propos de la reine hapan. Il lui faudrait éclaircir cela tôt ou tard : l'ondéronienne ne pourrait pas jouer double jeu éternellement. même s'il comprenait très bien son point de vue. Il la vit se lever, montée sur ressort, presque en transe devant une vision de l'avenir qu'il ne pouvait que vaguement deviner. Il joignit ses doigts sur ses genoux et l'observa déambuler de droite à gauche avec une certaine satisfaction. Il aimait l'enthousiasme quand il pouvait lui être bénéfique. Son discours était des plus doux à son oreille d'opportuniste, et l'ambition faisait partie des plus grandes vertus sur son monde natal. Il n'allait donc pas la blâmer, au contraire !

" Ce que je veux dire, c’est que l’entreprise pourrait être contrôlée par la République officieusement, par votre biais : ils nous renseignent et agissent à notre guise, vous encaissez les dividendes puisqu’en ayant financé la société, vous en serez le principal actionnaire. "

La franchise soudaine de l'humaine le fit sourire. Un sourire bref mais aussi inquiétant que son faciès. Elle en voulait, la jeune chancelière ! Rien à voir avec la sage pruderie de celle qui l'avait précédé, ni de la mollesse teintée de mépris de celui encore avant.

" Je vois que vous êtes fort bien avisée en la matière, Excellence. En effet, c'est une option envisageable. "

Il n'avait pas fait mine de la suivre, et en réalité n'en avait pas l'intention : avec son dos plus enclin que jamais à faire des siennes, il trouvait son fauteuil actuel très confortable.

" Je me charge de vous fournir les arguments, dit-il en la fixant à son tour, ne laissant que peu de place à l'interprétation, vous n'aurez plus qu'à les utiliser à votre convenance. Tout le brio politique républicain, appuyé par notre savoir-faire en matière, je pense que nous pouvons rapidement peser de manière non négligeable face à un Empire qui, soyons honnête, n'a pas vraiment le même acabit. "

Tailler l'adversaire, surtout dans de telles circonstances, ne coûtait rien et faisait plaisir. Il servit ainsi un léger rictus plein de sous-entendu avant de reprendre son masque de marbre :

" Les représentants de Lorrd et Gravlex Med étaient parmi les plus enthousiastes. Ceux de , en revanche, Saleucami, Generis et Sarka n'ont montré qu'un intérêt plus que modéré pour ce projet. Certains de leurs ressortissants restent franchement hostiles. Je pense donc que nos efforts devront se porter par-là en priorité. Par ailleurs, nous avons déjà envoyé une délégation sur Gravlex Med il y a peu. Nous devrions pouvoir vous communiquer nos avancées dans un délais raisonnable. "

La lumière naturelle parait la robe claire de petits reflets aux couleurs chaudes qui n'étaient pas sans rappeler le plumage de certains oiseaux exotiques. Tandis qu'elle tournait et retournait devant lui, Clawback se souvint de l'oiseau auquel il rattachait cette image : Piou-piou. Un stupide volatile dont s'était entiché le sénateur S'orn, et dont il ne parlait qu'en terme élogieux. Une lubie qui n'avait tiré qu'un regard atterré de Voyl. Kira avait tout d'un oiseau en cage. A ceci près que les oiseaux n'étaient ni poudrés ni maquillés.

" Le CBI est réputé pour sa discrétion quant aux actifs et affaires de ses clients. Considérez donc la République comme l’un d’entre eux. Un gros client, si j’ose dire. "

Voyl sourit au sous-entendu à peine déguisé sous cette aimable remarque. On ne savait jamais trop que penser de ce drôle de petit jeu de suspicion-séduction auxquels se livraient depuis toujours les financiers et les politiques. Ils étaient tous dépendants les uns des autres, de part la constitution même de leurs systèmes, et si certains copinaient sans vergogne, d'autres aimaient les jeux plus subtils. Emalia semblait être de ceux-là. Il s'adapterait donc en conséquence. Il changea sa jambe de place tout en jetant un regard aux bijoux qui agrémentaient sa tenue. Sobres mais

" C'est ce qui fait une grande partie de notre réputation, entre autre. En tant que chargé de la direction du département des Communications, j'ai toute latitude pour travailler sur les réseaux qui verront transiter tous ces flux d'informations. Nous avons envisagé, en partenariat avec mon confrère du département des Collectes, de fournir, avec les premières infrastructures planétaires, quelques-uns de nos appareils de convoyage. Ceci afin de tester - et donc de leur prouver - l'efficacité de nos méthodes et moyens techniques. Sur le papier, ces nouveaux moyens pourraient être entièrement laissés sous la gouverne des autorités locales. Dans les faits, ce sont des protocoles informatiques connus de nos services et maintenus par eux - je doute que leurs instances aient les moyens de le faire quand bien même ce serait techniquement faisable. L'accord serait donc le suivant : nous n'interviendrions à leurs côtés que lors des phases d'installation et celles de maintenance des installations. Quant à la possible implication de personnalités à notre solde, je peux déjà vous assurer que certains collaborateurs ont compris tout l'intérêt d'être du côté du manche. Si je puis dire. "

Avait-il besoin d'en dire plus ? Voyl pariait que non. Elle venait de démontrer qu'elle n'était pas née de la dernière brume sur Coruscant. Il pouvait tout aussi bien parier qu'elle connaissait le véritable sens du mot "lobbying". Il consulta son datapad tout en parlant, avec l'air préoccupé de celui qui cherche quelque chose.

" En soit, le financement ne sera pas vraiment un problème si les investisseurs ne peuvent pas être directement affiliés à la République. Encore moins si les instances de la chancellerie et du gouvernement n'apparaissent nulle part : après tout, l'appel d'offre pourrait bien être ouvert à la galaxie entière, aucune firme impériale n'a jamais été en mesure d'y répondre. Créer des filiales co-gérées est une voie parmi d'autres, et je serais d'avis de croire qu'il ne nous faudrait pas mettre tous nos crédits dans le même coffre. Après tout, un projet de cette envergure nécessite de prendre des précautions... Pour cela, nous pouvons nous charger de trouver des investisseurs intéressés... Nous avons des partenaires potentiels dans l'Espace Hutt, ou sur certains mondes neutres, justement. Des industriels cherchant de nouvelles opportunités, et peu regardant. "

Sauf que Voyl n'était pas dupe : c'était un pari osé. Les risques et les muuns ne faisaient bon ménages qu'en de très rares circonstances. En l’occurrence, il n'avait pas de garantie de succès. De tels investissements, s'ils tombaient à l'eau, lui porterait forcément préjudice. Il ne vendit donc pas sa parole aussi vite, se contentant à son tour de botter en touche.

" La question mérite d'être étudiée, je ne manquerai pas de contacter certains de mes associés pour envisager tous les cas de figure. Je possède un cabinet, sur Harnaidan, qui se chargera très bien d'un cas semblable. "

Puis, relevant la tête avec le plus grand naturel, il demanda d'un ton égal, comme si la chose faisait intégralement partie de la conversation :

" Souhaitez-vous quelque chose à boire ? "

Pour appuyer son propos, il se tourne vers le premier de ses gardes postés en retrait.

" Pour moi, ce sera une tasse de café, je vous prie. Sans sucre. "

Bien serré, si possible. Travailler dur au destin de tout un morceau de galaxie valait bien ça !
Emalia Kira
Emalia Kira
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Emalia s’était plantée devant le muun sagement assis. Elle était suspendue à ses lèvres, car la réaction du vice-directeur du CBI lui donnerait rapidement une idée de la faisabilité de son projet. En effet, elle avait beau être une politicienne qui commençait à avoir roulé sa bosse, elle n’avait jamais rien saisi des lois complexes qui régissaient l’économie et la finance intergalactique. Ce n’était que les enjeux géopolitiques qui l’avaient forcée à se tourner vers ces sujets pour y trouver des solutions potentielles – mais son ardeur à travailler à ces questions récemment ne suffiraient peut-être pas à combler ses lacunes de profane. Aussi attendait-elle beaucoup des objections et des critiques du muun, qui serviraient à peaufiner le projet.

Il évoqua d’abord la problématique des mondes farouchement opposés à un rapprochement avec la République. Son visage, fermé sous la concentration, se détendit brièvement.

- Ceux qui sont réfractaires prendront le risque de voir leurs voisins se développer plus rapidement qu’eux d’un point de vue économique et de se retrouver des zones fantômes, sans intérêt économique. C’est peut-être ce que certains veulent, et grand bien leur fasse. Mais pour la plupart, qu’ils soient pour ou contre la République, si nous savons leur montrer qu’il s’agit d’une opportunité à saisir…


Par nous, elle entendait le CBI et le gouvernement républicain. Mais surtout le CBI. Il ne faisait nul doute qu’ils étaient certainement très doués pour vendre de l’infrastructure.

- … je ne doute pas qu’ils suivront le mouvement. L’utilisation d’une société privée devrait en outre les aider à oublier où sont frappés les crédits avec lesquels ils vont s’engraisser.

Elle dévoila des dents blanches et carnassières. Elle connaissait trop bien les aristocrates, les technocrates des démocraties et autres patrons versés dans la politique : deux choses les intéressaient : leur réputation, et l’argent. Et comme l’argent contribuait ouvrait de grandes voies pour s’offrir une réputation… Bref, Emalia ne doutait pas que la perspective des crédits allait faciliter à convaincre les plus réfractaires. Quant aux incorruptibles antirépublicains… Que l’Impératrice les emportât, et que la Chancelière rît d’eux ensuite !

Emalia accueillit le sourire du muun – une grimace hideuse – avec force d’excitation : si son plan le séduisait, cela voulait dire qu’il était viable ! Que d’une part elle était capable de maîtriser ce volet de la gestion d’une République avec intelligence, et d’autre part qu’Erenada ou pas, la République serait dominante dans le secteur. L’euphorie lui monta brièvement à la tête. Elle avait envie de trépigner mais se retint, contenant toute son excitation dans son buste gonflé d’orgueil à trois pas de son interlocuteur.
Ce dernier la rassura quant à sa discrétion, ce qui acheva de convaincre la Chancelière qu’elle jouait un coup de maître. Il embraya avec des explications techniques. Elle acquiesça avec assurance sans en comprendre la moitié. Savoir qu’un cabinet étudierait le cas et que le CBI se chargerait de dresser la liste des investisseurs lui suffisait amplement. Tout d’un coup, le soulagement la débarrassa du trop plein d’émotion, et elle soupira avant de rejoindre son siège.
Elle s’y laissa tomber un peu lourdement.

- Pas de café, merci, juste un jus de fruit.


Si elle reprenait du café, son thorax allait exploser ce soir, lorsqu’elle se pencherait de nouveau sur ses plans militaires et qu’elle aurait alors droit à une nouvelle dose d’adrénaline telle que celle qu’elle venait de subir.
Emalia regarda de nouveau le muun, que l’excitation avait seulement fait sourire – ah la la, ces aliens manquaient d’âme, mais ils étaient là pour avancer ses pions, pas pour lui offrir un spectacle.

- J’imagine que l’installation de telles infrastructures nécessitent d’importants services de sécurité, ce qui représente certainement un coût négligeable au regard de l’entreprise, mais un coût tout de même. Tant pour la surveillance de l’installation physique que la cyber-sécurité… Que penserait le CBI si la République lui proposait l’aide de ses services secrets ? Puisque nous sommes voués à travailler ensemble dans le temps dans cette zone neutre, pourquoi ne pas collaborer immédiatement ? Cela nous servirait à commencer à maîtriser le secteur pour servir le volet militaire, dans quelques années.

Inutile de servir au muun qu’elle lui prêterait des services secrets par pure bonté. Il n’était certainement pas idiot. Mais elle avait besoin de placer ses pions au plus vite là-bas – avant l’arrivée des Sith eux-mêmes, et avant l’arrivée de l’Erenada. Quiconque irait mettre la main sur ces secteurs… Elle y serait déjà implantée.
Elle n’avait cependant aucune idée de la façon dont fonctionnait le CBI quant à la sécurité de ses installations tant du point de vue physique que numérique. L’entreprise n’accepterait certainement pas de vendre ses petits secrets, mais pour être honnête, Emalia se fichait pas mal de savoir quel gros bonnet républicain utiliserait un monde neutre comme paradis fiscal. Non, ce qu’elle voulait, c’était installer durablement les militaires dans le réseau, au moins physiquement.

Emalia respira longuement lorsqu’on lui servit son jus de fruit, puis en but plusieurs gorgées en tâchant de ne pas boire trop vite – l’étiquette ne lui permettait pas de le vider d’un trait. Puis elle le posa sur la table devant elle, avant de sourire de nouveau au muun.

- J’avais un bon pressentiment sur vous, monsieur Clawback. Hé bien je ne me suis pas trompée : le CBI est à la hauteur de sa réputation, et j’ai hâte de vous voir en action !

Enfin, façon de parler. Elle viendrait seulement constater le produit fini, elle avait autre chose à faire que de vérifier si le CBI était si performant que cela, tant que son plan fonctionnait.


Voyl Clawback
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Depuis son siège, Voyl avait toute latitude d'observer les faits et gestes de la nouvelle chancelière, qui allait et venait devant lui en tirant des plans à haute voix. Elle paraissait enthousiaste, mais était-ce une feinte ? Clawback se retenait d'avoir le moindre avis sur la question. Il rangea sa réflexion avec quelques autres dans un coin, quand elle revint se planter devant lui.

" Ceux qui sont réfractaires prendront le risque de voir leurs voisins se développer plus rapidement qu’eux d’un point de vue économique et de se retrouver des zones fantômes, sans intérêt économique. C’est peut-être ce que certains veulent, et grand bien leur fasse. Mais pour la plupart, qu’ils soient pour ou contre la République, si nous savons leur montrer qu’il s’agit d’une opportunité à saisir… je ne doute pas qu’ils suivront le mouvement. L’utilisation d’une société privée devrait en outre les aider à oublier où sont frappés les crédits avec lesquels ils vont s’engraisser. "

L'allusion tira un sourire rapace à Clawback. Sa commissure revint vite en place, même si l'idée, elle, continuait son bout de chemin dans son crâne. Jamais il ne lui était venu à l'esprit qu'ils auraient pu jouir d'un pouvoir très malsain à manipuler les monnaies pour manipuler les planètes : son éducation avait été bien trop stricte et intransigeante à ce sujet. Il n'y avait rien de plus sérieux et de plus grave chez les muun que l'argent. Mais le sourire d'Emalia, soudain si contrasté avec son visage d'innocente poupée, lui fit comprendre à quel point il avait été tenu éloigné de ce genre de tentations déviantes toutes ces années. Désormais coincé sur le fil qui liait économie et politique, Clawback prenait à sa juste mesure l'attirance que pouvait exercer une certaine idée du pouvoir. Était-ce ça, au fond, le Mal ? Un point d'interrogation s'était dessiné quelque part dans sa réflexion.

" Pas de café, merci, juste un jus de fruit. "

Un jus de fruit... La réponse, donnée sur un ton tout aristocratique, laissa Voyl rêveur. Quel politicien demanderait un "jus de fruit" ? Une ondéronnienne, visiblement ! Un verre d'alcool rare ou une boisson exotique, à la rigueur... Il songea brièvement à l'erguesh et le feu qui accompagnait irrémédiablement une seule gorgée de cet alcool raffiné.

"Je ne doute pas une seconde que la République saura faire valoir ses atouts avec efficacité, comme cela l'a été fait par le passé. En analysant correctement chaque situation, nous pourrons choisir les meilleurs arguments à présenter à chacun des gouvernements. "

Autrement dit, tout le monde a son prix. Y compris les dirigeants les plus réticents, si l'on étudiait la question d'une manière pragmatique, voire quasi scientifique dans le cas de Voyl. Il avait toujours bien du mal à appréhender toutes ces histoires de sociologie et de politique par lesquels devaient passer leurs accords commerciaux avec les planètes. Si cela n'avait tenu qu'à lui, Clawback s'en serait tenu à un échange parfaitement cordial de tablatures résumant les gains de chaque partie. Bien plus simple et bien plus rapide que tous ces ronds de jambes inutiles et hypocrites. Mais outre le fait que la plupart des langues n'étaient pas, et de loin, aussi synthétique que le muun, chaque peuple avait ses propres coutumes, auxquelles il ne fallait surtout pas déroger.

Il laissa les mots de l'humaine s'égrener dans le silence de plomb qui les entourait, tandis qu'il goûtait à son tour au breuvage brûlant qui se trouvait au fond de la tasse en porcelaine. Toujours du bout des lèvres, plus par réflexe que par réelle précaution. Devant eux, le soleil mourait sur l'horizon de Dantooïne, les parant de reflets sanguins forts à propos.

" J’imagine que l’installation de telles infrastructures nécessitent d’importants services de sécurité, ce qui représente certainement un coût négligeable au regard de l’entreprise, mais un coût tout de même. Tant pour la surveillance de l’installation physique que la cyber-sécurité… Que penserait le CBI si la République lui proposait l’aide de ses services secrets ? Puisque nous sommes voués à travailler ensemble dans le temps dans cette zone neutre, pourquoi ne pas collaborer immédiatement ? Cela nous servirait à commencer à maîtriser le secteur pour servir le volet militaire, dans quelques années.

-En tant que responsable du département des communications au sein de notre réseau, je peux vous dire que cette problématique fait entièrement partie de notre coeur de métier. Vous n'êtes pas sans savoir que nos communications ne transitent pas par l'Holonet. Notre firme a mis des milliers d'années à perfectionner son propre encodage de données, et nous continuons de l'implémenter en temps réel. Nous sommes donc tout à fait aptes à assurer la cyber-sécurité des flux sur place, à la condition que nous puissions nous-même installer et configurer nos plateformes. Dans le cas contraire, nous devrons installer des verrous et des portes d'accès sécurisées entre notre réseau et celui de la zone neutre, qui interdiront tout échange d'informations non-validés par nos services... "

Il voyait à son regard - ce très célèbre regard à moitié flou mais volontairement appréciateur que portaient tous les gens extérieurs au métier - qu'elle ne cherchait pas véritablement à comprendre sa tirade dans les détails. Elle souhaitait uniquement avoir une assurance : elle l'avait.

" Faire de la zone neutre une extension directe des réseaux d'informations républicains est la seule manière de nous y assurer la sécurité de nos agents et des installations informatiques que nous fournirons. J'ignore comment réagiront les concernés - certainement les réactions seront-elles très diverse. Mais nous ne transigerons pas sur ces conditions : il en va de la sécurité du réseau entier. Je n'hésiterai d'ailleurs pas à me déplacer en personne avec nos équipes de contrôle pour m'assurer que tout est en ordre à ce niveau. Mais pour ce qui est de la préparation du terrain, des vérifications quant aux possibles failles dans les installations autochtones et des contrôles externes, il va sans dire que nous acceptons tout à fait l'aide offerte par vos services. Je serais même d'avis de dire que les services républicains sont les plus aptes pour ce travail. Nous ne nous occupons que de nos propres systèmes. "

Tant qu'il serait à la tête des Communications, Clawback prendrait personnellement les choses en main. Un choix qui avait jusque-là été payant. Tout du moins, sur un plan strictement professionnel. Sa santé et son humeur s'en ressentaient chaque jour, mais pour Voyl, c'était le cadet de ses soucis. La chancelière accueillit l'arrivée de son jus avec une satisfaction visible. Elle prit le soin de le goûter avant d'ajouter, prenant le muun au dépourvu :

" J’avais un bon pressentiment sur vous, monsieur Clawback. Hé bien je ne me suis pas trompée : le CBI est à la hauteur de sa réputation, et j’ai hâte de vous voir en action ! "

Voyl hausse légèrement une arcade.

" Vraiment ? Je ne peux que me sentir flatté par votre engouement, Excellence. D'autres ne sont pas nécessairement de cet avis : le CBI fait rarement l'unanimité dans la Rotonde. Mais je vous suis gré de votre considération. J'en suis honnoré. "

Il répondit à son sourire par un autre. Il savait bien qu'elle cherchait à l’amadouer, le charmer avec quelques compliments choisis. Les négociations, qu'elles soient politiques ou commerciales, n'était au final qu'un jeu de charmes plus qu'un jeu de convictions. Raison pour laquelle il avait été un outsider presque toute sa vie : personne ne l'imaginait en train de charmer la clientèle. Mais on sous-estimait souvent sa capacité à donner des arguments auxquels tout un chacun pouvait s'avérer sensible.

" J'imagine que vous avez déjà une idée des investissements républicains prioritaires... J'avais pour ma part pensé à une fragmentation, dans un premier temps. Investir dans les domaines industriels et médicaux de manière progressive et non centralisée peut être un biais sûr et efficace. Cela servirait les intérêts politiques de la république tout en garantissant une discrétion plus qu’appréciable. Se pose maintenant la question de l'armement. Les mondes neutres y sont d'ores et déjà très sensibles, et je ne peux que les comprendre. Leur proximité avec l'Empire en font une première ligne très exposée. D'où la frilosité de certains, qui craignent d'être découvert et de s'attirer ses foudres."

Il s’interrompit pour boire, profitant de cette courte pause pour peser les mots qui allaient suivre.

" Ce qui, au vu du sort réservé aux mondes rétrocédés, n'est pas injustifié. Les impériaux ne semblent pas très au fait des méthodes de gestion économique ! Je conçois cette opportunité comme une véritable mission de salut public, en vérité. L'Empire ne fera que raser sans reconstruire. Nous devons agir pour sauver ce qui peut l'être. "

Maintenant, de nombreuses journées allaient s'avérer nécessaire à la mise en place de ce plan d'action. Tout d'abord, des réunions interminables sur un nombre impressionnant de planètes, à la Rotonde, dans les restaurants et autres palaces où les dirigeants aimaient se réunir. Ensuite, la communication avec le cabinet de Kira, qui ne manquerait pas de vouloir être tenu au fait de l'avancée. La coordination avec les propres avancées de la chancellerie sur le terrain et bien sûr, le plus gros du travail : la conception des infrastructures et des réseaux en eux-mêmes, la formation d'équipes sur place et la réalisation des transactions financières associées.

" Je ne doute pas qu'après de telles négociations, et tous les avantages que les mondes en retireront, nos frontières ne se trouvent plus consolidées que jamais. Bien sûr, nous ne sommes pas à l'abri d'une attaque de la part des impériaux. Mais faire basculer un maximum de systèmes neutres en notre faveur ne peut que nous être bénéfique. "

Bénéfique, aussi à l'économie, comme il l'entendait avant tout. Il laissait le soin à d'autres d'y voir ce qu'ils voulaient y voir. Il reposa la tasse sur la coupelle et fixa Emalia droit dans les yeux.

" Maintenant, pour pouvoir vous présenter une proposition concrète de déploiement, il me faudrait connaître plus avant les dispositions de la Chancellerie quant à la marge de manœuvre financière, aux possibles investissements de firme annexes, à l'échéancier envisagé, ainsi que de plus amples informations sur les contextes spatio-politiques actuels des régions concernées. "

Il ne la lâchait pas, impassible, attentif à sa réaction. Elle était toujours fuyante dans ses mots, laissant entrevoir à quel point elle n'aimait pas partager ce qu'elle savait. Il ne pouvait pas lui en vouloir, mais il ne pourrait pas aller bien loin, ni même convertir l'ensemble du Conseil à sa cause s'il ne ramenait pas avec lui l'assurance que le gouvernement galactique savait où il allait, et si possible quelques chiffres. Les chiffres étaient la clef de tout. Hors de question par ailleurs de laisser une hapan aigrie apparaître au plus mauvais moment, là où on ne l'attendait pas.

" Nous engager financièrement et activement au-delà des frontières républicaines comportent des risques qu'il est de notre devoir de quantifier, voir de chiffrer. C'est impératif, je ne doute pas que vous le compreniez. "

Le ton laissait clairement apparaître l'intransigeance de la demande : on ne badinait pas avec les questions d'argent.
Emalia Kira
Emalia Kira
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Emalia tirait des réponses du muun une satisfaction intense. Il était laid comme un phasme, il fallait l’admettre, mais à toutes les idées de la chancelière, il répondait par sa capacité à imaginer l’infrastructure technique et réglementaire adéquate pour une mise en œuvre quasi-immédiate. Pourquoi les membres de son gouvernement n’étaient-ils pas si efficaces ? Ils se perdaient toujours en objections et en débats futiles, quand il suffisait de trouver un moyen d’appliquer ! C’était peut-être dû à cette race hideuse. La souveraine considéra sérieusement d’éplucher quelques CV de muuns dans les jours à venir, afin d’étoffer son équipe de gens un peu plus pragmatiques que les jolis penseurs dont elle s’était affublée.

Bon, il fallait admettre qu’elle ne saisissait pas toutes ses explications. Mais il avait l’air de s’y connaître, et cela lui suffisait amplement. Elle acquiesça vivement pour approuver le projet de faire collaborer les équipes républicaines et celles du CBI pour travailler à la sécurité du réseau. Son service de renseignement allait avoir un sacré programme à se mettre sous la dent.

La conversation prit une direction plus politique à mesure que le muun d’affaires s’interrogeait sur les secteurs prioritaires dans lesquels investir. Emalia l’écouta patiemment. Elle fit une brève grimace malgré elle lorsqu’il évoqua l’armement. Elle se demanda ce qui arriverait lorsqu’elle reviendrait de Dubrillion après l’attaque qu’elle projetait : le Sénat serait probablement si occupé par le triomphe de l’opération qu’on ne se poserait peut-être pas trop de questions pour faire le lien entre les investissements de la zone neutre et leur armement. Au pire, on la dirait prévoyante, n’était-ce pas ?
Elle se reconcentra sur les propos de son interlocuteur. Ses considérations sur l’Empire étaient communes. Mais ses questions techniques lui firent l’impression que le muun était déjà tout prêt à signer un contrat. Ce qui allait très bien à la Chancelière. Sauf qu’elle était loin d’être en mesure de lui donner des chiffres précis, ce qu’il semblait attendre. Elle ne s’était pas attendue à ce que la réunion rentrât si vite dans le détail. Elle avait plutôt prévu que le CBI prît son temps pour accepter ou non la proposition… Mais visiblement, monsieur Clawback avait la main sur ces choses-là. Elle lui accorda un sourire, plus naturel pour une fois.

- Bien entendu. Je vais demander à mon cabinet de préparer un plan de financement et de vous le transmettre au plus tôt. Les nationalisations ont au moins cela de bon qu’elles constituent désormais une source de trésorerie non négligeable. Le Ministère de la Défense contribuera lui aussi puisque les services de renseignement disposent de budgets d’investissement annuels relativement souples. Je ne vous cache pas, cependant, que plus tôt nous agirons, mieux cela vaudra. Le contexte géopolitique étant incertain, je préfère mettre toutes les chances de notre côté. Si nous parvenions à terminer la phase d’étude du projet ce mois-ci, une mise en œuvre dès le mois suivant serait l’idéal. Combien de temps vous faudra-t-il pour bâtir une telle infrastructure ?

Autant dire que réaliser entièrement la phase d’étude en un mois va faire suer à grosses gouttes quelques-uns des individus placés en haute fonction au gouvernement. On ne pourrait pas critiquer son mandat de laisser-aller, tout au moins. Le CBI, lui, devait sûrement, en revanche, devoir plus facilement trouver des ressources pour réaliser ce dossier à temps en collaboration avec la République.

- Si vous souhaitez des garanties en termes de risques, enchaîna-t-elle, nous pouvons si vous le souhaitez doubler l’analyse des risques pour que chacun en fasse une de manière indépendante. En confrontant les deux études, nous circonscririons avec davantage de précaution les risques existants et cela nous procurerait une mesure des écarts propre à nous éclairer lors de la négociation finale.

La Chancelière termina son jus de fruit. Elle reposa le verre sur la table avec un bruit sec, comme un juge à la fin d’une audience, avant d’adresser à Monsieur Clawback un regard calculateur.
Oui, elle ne connaissait rien aux chiffres. Mais elle avait arpenté les couloirs et bureaux du Sénat depuis suffisamment longtemps pour parler le jargon bureaucratique permettant d’initier concrètement un projet. Pire : elle commençait à en comprendre les obscures manœuvres, suffisamment bien pour pouvoir jouer avec. La pensée qu’elle devenait peu à peu une technocrate la fit sourire : elle serait la technocrate la plus redoutée de l’Empire d’ici peu de temps.
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