Invité
Anonymous
=> Ce sujet est concurrent et parallèle à [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien], incluant l'un de ses joueurs.

Une présence,

Enfin, deux – non, trois : trois étincelles, nouvellement attisées, phares éthérés au cœur de l’obscurité. Dans sa cuisine faiblement éclairée, alors qu’il versait son thé aromatisé dans une tasse primitive, Icare les sentit apparaître, alors qu’ils pénétraient sa zone d’influence. Des forceux, comme ses collègues ombres surnommaient leurs semblables, dans un argot peu ou prou méprisant. Des forceux posés dans les montagnes surplombant sa vallée secrète, sa retraire des vieux jours. Dans ses jeunes années, peut-être se serait-il senti menacé. Peut-être se serait-il inquiété – après tout, si la Force lui donnait la capacité de repérer et de flairer l’approche d’autres utilisateurs, elle ne lui permettait pas de les identifier. Mais, plus maintenant. Pourquoi ? Eh bien, premièrement, malgré la proximité des intrus vis-à-vis du village, ainsi que leur lourde trace, leur forte odeur, la distance n’était pas si négligeable : il allait avoir le temps de les intercepter, si d’aventure ils osaient venir embêter ses voisins, ses protégés. Deuxièmement, l’absence fortuite d’Alanna, sa compagne, occupée à mimer la sagefemme dans une vallée voisine, le rendait seule torche pouvant motiver une intervention de la part des nouveaux arrivants.

Or, ladite torche était pour l’instant éteinte : comme à son habitude, il était dissimulé par ses pouvoirs raciaux ainsi que par un voile des plus sombres. Troisièmement et dernièrement, il les savait Jedi. Non pas grâce à la Force, ou encore son intuition – non. Il le savait, tout simplement. Certes, cette certitude avait été aidée par les informations transmises par ses amis à l’intérieur du gouvernement planétaire. À croire qu’il y avait des avantages, lorsque l’on était Veilleur d’un système. La paie était atroce, pour ne pas dire inexistante, la reconnaissance, minime, mais des avantages subsistaient, malgré tout.

Dont, entre autres, être la première personne contactée et informée si jamais de ses confrères décidaient d’y venir se les geler.

Il ignorait précisément l’identité de ceux qui venaient troubler son exil, pourtant presque tranquille, depuis la dernière visite, plus d’un an plus tôt. Presque. Les paysannes continuaient de s’engrosser, leurs maris de se saouler, pour ensuite se faire bouffer dans les cols, laissant les veuves éplorées élever seules leurs trâlées de marmots – c’était le cycle de la vie en Lorrd rurale, et on finissait par s’y habituer. Le seul élément de trouble avait été la nouvelle avancée impériale, qui laissait la planète dangereusement proche de la frontière. Dangereusement, oui. Auparavant, la discrétion du couple d’ancêtres veillant sur leur tête avait rassuré les membres du gouvernement, leur évitant le statut d’indésirables – mais si les nouveaux venus s’avéraient moins prudents ? Et s’ils attiraient sur le monde les foudres de l’Impératrice ? Sans doute leur visa de séjour, officieux sans être officiel, en serait considérablement écourté. Une planète comme Lorrd n’avait pas les moyens de faire bravade sous le nez de l’Empire. Somnolant au-dessus de ces pensées funèbres, Icare but son thé – à la santé des voyageurs ! Courage, la première nuit était toujours la pire.

Après, heureusement, l’on perdait lentement notre sensibilité au froid.

-*-

La neige avait recommencé à tomber – encore.

C’était un peu comme si chaque matin, la planète s’éveillait avec une seule envie en tête : nuire le plus possible, de la manière la moins subtile qui soit, à Icare. Il devait se rendre à la capitale ? Oh, c’était le temps de neiger. Ses rosiers commençaient à prendre vie ? Oh, quelle belle journée pour un peu de grêle. Ce cycle incessant, dans lequel la nature trébuchait le vieux maître, celui-ci la maudissait, puis lui pardonnait, s’en accommodant, se répétait de jours en jours. À chaque fois que tout se déroulait comme prévu, à chaque fois que ses plans étaient parfaitement synchronisés avec le climat, ce dernier s’amusait à changer – et lorsque Alanna organisait une activité, une action, par contre, tout se déroulait comme prévu. Lorrd, à sa manière toute particulièrement affectueuse, l’avait maudit. Heureusement, il fallait bien plus qu’une malédiction pour venir à bout du vieux briscard.

L’improvisation, ça le connaissait – trop.

Grommelant dans sa barbe, sortant son manteau, pliant l’une de ses bures et la fourrant dans son sac, il alla chercher, dans un placard, une paire de raquettes. Fortuite invention, très pratique sur un monde congelé. Si le froid ne l’inquiétait guère – il pouvait toujours se réchauffer lui-même – la neige, elle, l’agaçait beaucoup plus : il n’avait nulle envie de se retrouver coincé et enfoncé dans une congère. Ce n’était tout simplement pas l’une de ses passions et il laissait volontiers ce loisir aux petits idiots – pardon, aux enfants – qui semblaient follement s’en amuser, jusqu’à ce que leurs mères furieuses n’interviennent. Ah, folle jeunesse ! Il espérait qu’il n’allait pas croiser de ces gamins sur son chemin… Il avait autre chose à faire que répondre à leurs crises d’importance, à leur désir d’attention – il avait quelques cols à traverser, en espérant que lesdits cols ne soient pas infestés de gorgodons. Il dé-tes-tait ces créatures. Leur nombre était bizarrement croissant – étrange, surtout lorsque leur présence sur la planète était en elle-même assez mystérieuse : ils étaient natifs d’Ilum, une planète encore plus perdue à l’autre bout de la galaxie. Comment s'étaient-ils rendus sur Lorrd ? Le vieillard, malgré son désir pour une réponse facile à cette difficile question, ne pouvait tout simplement pas se contenter d’imaginer qu’un richissime collectionneur aurait tout simplement importé ces bêtes pour son plaisir personnel.

Non, ce serait bien trop simple.

Mais Icare ne pouvait s’interroger plus longtemps sur cette énigme, il devait se mettre en route, s’il voulait vraiment pouvoir revenir dans son refuge avant la tombée de la nuit. À peine quelques minutes sur le chemin passées que, déjà, il rencontrait quelqu’un – un de ses « voisins », Larry. Un bûcheron un peu simplet, avec trois gosses à nourrir, en plus d’une mégère passablement désagréable. Pas l’idiot du village, mais tout de même pas un futur Chancelier. Un brave type, comme la Lorrd rurale en produisait beaucoup, qui allait probablement mourir dans les prochaines années. Il n’avait que quelques années lors de l’arrivée d’Alanna et d’Icare et ne gardait qu’un souvenir très flou de l’époque avant « monsieur » et « madame ». Croisant les doigts pour qu’il l’ignore, l’Epicanthix fut déçu – impossible de sortir de cette sordide vallée sans un brin de conversation. Typiquement lorrdien. L’individualisme ondéronien lui manquait, parfois. Parfois.

« Bonjour, M’sieur ! V’la tit pas qu’vous vous rendez dans 'vallée ? », brama l’âne, utilisant le langage non verbal de sa race pour exprimer une foule d’émotions et d’informations, sûrement très pertinentes, qu’Icare ne pouvait toutefois pas comprendre. Brave garçon. Malgré les vingt ans passés en leur compagnie, il n’avait jamais eu l’occasion, ou simplement l’intérêt, d’apprendre leur gestuelle locale. Sérieuse lacune ? Pas forcément, lorsque la Force l’aidait à percevoir les intentions de ses interlocuteurs et qu’Alanna était d’humeur à le dépanner. Mais lorsqu’il était seul, il devait faire sans - misère. « Bon matin, Larry. » Il espérait qu’il s’agissait bien de son nom. Icare avait horreur de les oublier ou de se tromper. Le villageois hocha de la tête, rassurant le vieux Jedi. Ouf, crise évitée. « Effectivement, je me rends en ville, pour des emplettes. Alanna voulait que j’y aille, alors j’irai – on sait tous comment est madame… » Rire nerveux du Lorrdien. Malgré sa douceur et sa gentillesse, aucun habitant leur vallée n’oserait se mettre sur le chemin de sa compagne – elle était bien trop respectée et ses colères, presque autant craintes que celles d’Icare. Presque.

« Je ne pense pas rentrer aujourd’hui. Les cols sont bien trop traîtres, une fois la nuit tombée. Tu veux bien veiller sur mes rosiers en mon absence ? » Sans laisser lui laisser le temps de répondre, il lui tapota l’épaule. « Je savais que je pouvais compter sur toi ! Brave homme, va ! Bonne journée, et bien le bonjour à ta femme ! » Plantant là son interlocuteur, Icare poursuivit sa promenade vers Lorrd City. Une fois assez éloigné, convaincu de ne rencontrer personne, ses sens en alerte, prêt à s’interrompre à la moindre approche vivante, il se laissa aller, libérant son baryton intérieur, qui le démangeait depuis plusieurs minutes :

A long time ago, in a pub far away,
I sat on a barstool, just drinking awaaaay…


-*-

Bâtiment Triskelion, siège du gouvernement central lorrdien, Lorrd City.

Lorsqu’il pénétra dans la salle bétonnée, au mur extérieur vitré, Icare demeura un instant interdit. Il ignorait depuis combien de temps son invité Jedi l’attendait, sans doute convaincu qu’il patientait pour rencontrer un haut dignitaire, mais un détail de la scène qui se présentait à lui le choqua tout particulièrement : le thé était froid. Insupportables fonctionnaires, incapables d’attendre que tous les convoqués soient présents avant de se débarrasser de cette corvée ! Ce n’est qu’après-coup qu’il réalisa qui précisément lui faisait face… « Saïen-Diethor. » Il devait avouer qu’il ne s’y attendait pas vraiment. Certes, les responsables lui avaient mentionné un vieux, mais il ne pensait pas qu’il allait s’agir du vieux. Enfin, il n’était pas si âgé, lorsque comparé à Icare – même s’il semblait l’être plus que lui, d’après sa décrépitude. « Bienvenue. Tu me pardonneras le délai, j’espère, j’ai été retardé. » Ce n’était pas de sa faute si le marchand avait dû fouiller son inventaire pour trouver des kumquats.

« Évidemment, j’arrive trop tard pour le thé. Aimerais-tu néanmoins une autre tasse ? » Il étendit sa main, agitant les molécules pour réchauffer la boisson froide. Encore quelques secondes et elle allait être de nouveau buvable – à moins que la saveur n'avait été remplacée depuis la dernière fois. Si c’était le cas, elle était irrécupérable. « J’admets être surpris. Pour quelle raison le Grand Maître de l’Ordre Jedi est-il aujourd’hui sur Lorrd, occupé à rencontrer son Veilleur, emmenant dans sa suite promesse et écho d’un désastre lointain ? » De sa hauteur, ses cheveux ramenés traditionnellement en chignon, vêtu de l'une de ses bures rouges typiques, Icare l'observa d'un regard inquisiteur.

Pas pour s’y installer, tout de même ?

Saï Don
Saï Don
Messages : 6736
Eclats Kyber : 31
Dès le premier pied posé à la surface de Lorrd, le vieil homme avait su que la mission serait plus laborieuse et plus inattendue que le paysage paisible leur laisserait présager. Il ne s’y était pas trompé. Ils avaient découvert une zone potentielle d’exploitation beaucoup plus rapidement que prévu, mais il avait essuyé cette attaque qu’ils auraient dû, peut-être, mieux gérer. Yun avait été trop prompt à attaquer, et leur groupe n’avait su se coordonner convenablement. En y réfléchissant, au-dessus d’une tasse de thé dans les locaux du siège du gouvernement, à Lorrd City, Maître Don se dit que ce n’était que logique : peu ou prou, la même erreur avait été commise lorsqu’ils avaient dû se débarrasser des esclavagistes thalassiens : Yun avait agi sans concertation, Evengellyne avait elle aussi foncé tête baissée dans l’action, et lui-même avait suivi pour faire tenir leur petit groupe. Ça avait plus ressemblé à du rafistolage qu’à un véritable travail d’équipe rôdé… Avec justesse, ils s’en étaient sortis. Saï aurait certainement dû considérer avec plus de sérieux la faille du groupe qu’ils formaient avant de s’aventurer plus loin dans leur mission. Cette imprudence avait résulté en une blessure pour Yun, dont il mettrait certainement plusieurs jours à se remettre malgré sa constitution solide.

Ce n’était pas la faute du padawan : il était là pour apprendre. Il fallait donc que le Maître réorientât leur coopération pour que ce genre de problèmes ne réapparût plus. Il en parlerait avec son élève, le lendemain, lorsqu’ils seraient seuls à seuls après leur maigre petit déjeuner. Pour le moment, il fallait se concentrer sur sa mission ici : rencontrer un représentant du gouvernement afin d’obtenir une audience privée lui permettant de présenter son inattendue requête.

Même cela n’allait pas comme il l’aurait fallu. En général, un Maître du Conseil Jedi était reçu relativement rapidement. Par forcément par les plus hautes instances, mais on était en général assez curieux de savoir le pourquoi du comment l’Ordre Jedi voulait fourrer son nez dans des affaires politiques, surtout extérieures à la République.
Or, il avait presque attendu toute la journée dans ce petit salon certes mignonnet, mais dont les sièges étroits et rigides ne convenaient pas du tout à ses vieux os fatigués. Du thé lui avait été resservi deux fois, la troisième tasse avait refroidi, il s’était lassé d’attendre. Il aurait bien fermé l’œil pour un petit somme, mais son esprit aux aguets le lui interdisait : cette attente signifiait-elle que l’Empire était déjà passé par ici ? Que le gouvernement se pressait de se réunir pour savoir ce qu’il convenait de dire aux Jedi ? Ou qu’on le fît patienter le temps qu’un émissaire impérial ne pointât le bout de son nez ? Finalement, heureusement que Yun et Evengellyne n’étaient pas revenus. Ils auraient certainement l’intelligence de filer à la corellienne ou d’informer discrètement le Conseil si Maître Don était mystérieusement porté disparu.

Toutefois, les courants de la Force ne lui apportaient nulle trace du côté obscur. Il y avait des remous, pourtant, que le vieux maître attribuait à la planète elle-même, singulière par bien des facettes.
Vêtu de sa bure décolorée et usée par les ans, de sa chaude écharpe ainsi que de bottes fourrées, le vieil homme s’était finalement décidé à utiliser ces minutes de solitude pour se plonger dans une méditation qui l’apaiserait peut-être.

Saïen-Diethor.


Son nom prononcé dans son intégralité, la voix gutturale et surgie d’entre les morts, la présence inattendue d’une ombre qui se dévoilait. Autant de griffes acérées qui écorchèrent Saï avec une soudaineté qui le figea dans la stupéfaction. Comme un animal sauvage vous attaque après vous avoir paisiblement ignoré, la Force avait brutalement plongé une main glacée dans les tréfonds de son âme, pour en extirper sans ménagement les souvenirs les plus douloureux.

Par réflexe, pourtant, il se leva, un masque d’impassibilité sur le visage, et se tourna pour faire face à celui qui se tenait sur le pas de la porte. C’était surréaliste, mais il était bien là.

- Maître Manteer,
constata le vieil homme, sans cacher au moins son étonnement.

C’était toujours la même armoire à glace affublée d’une barbe peut-être un peu plus longue que la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Le même regard de glace sous ces sourcils broussailleux. Le même silence dans la Force – par ses talents tout particuliers comme par son esprit emmuré d’Epicanthix.

Quelle coïncidence. En prenant Yun sous son aile, Saï n’avait pas pensé le moins du monde à Icare. Pourtant, c’était le seul Epicanthix qui avait marqué sa vie à tout jamais. Sa conscience ne lui avait-elle épargne un tel souvenir que pour le lui resservir aujourd’hui, fumant d’évidence au point d’en être carbonisé ?

Le vieil homme acquiesça puis se rassit, avant de reprendre entre ses mains une tasse réchauffée par les soins de l’Epicanthix tel un micro-ondes barbu.

- Merci bien.


Icare s’exprimait comme s’ils s’étaient quittés hier, alors que vingt années, peut-être plus, s’étaient écoulées depuis leur dernière rencontre. Vingt ans… Saï avait pris son siège au Conseil cinq ans à peine après le départ de l’Epicanthix, plus par nécessité que par conviction personnelle : les Sith refaisaient surface, et l’on ne savait à qui refiler la tâche de s’en débarrasser. Triste constat que de voir que quinze années plus tard, les Sith s’étaient bâtis un Empire. Pourtant, il ne ressentait pas de culpabilité. Lui au moins était resté aux côtés des siens. Il avait fait tout ce qu’il avait pu, et le faisait encore malgré la réprobation de certains de ses confrères, la Force lui en était témoin.

- J’avoue que je ne m’attendais pas à vous rencontrer… Surtout après une longue journée d’attente. J’ai presque pensé que l’on était en train de me tendre un piège. Ah… Je n’avais peut-être pas tout à fait tort, en fait.


Le vieil homme sourit. Son cœur n’était pourtant pas rempli ni d’une joie ensoleillée, ni d’une sérénité confiante, à cet instant. Mais l’humour avait des effets dédramatisants. L’un des points communs de leurs deux vies, après six décennies, en avait peut-être besoin.
Vingt ans auparavant, il n’aurait jamais même ironisé face à l’austère Epicanthix, mais les temps avaient changé. Il n’était plus soumis à son Conseil lorsqu’il faisait face à Icare. Ses réflexes de déférence, pourtant, étaient bien là ; comme ce vouvoiement de respect alors que l’Epicanthix le tutoyait. Comme un adulte à un enfant. Toutes perspectives gardées, il en était un au regard de la sagesse que devait avoir acquis Maître Manteer après tant d’années de vie. Saï reconnaissait et respectait tout cela, quand bien même s’entendre appeler par son prénom d’origine n’avait rien qui pût le réconforter.

Maître Don avala une gorgée de thé, la mine songeuse, tout à ses pensées sur les raisons de sa présence ici. Comment formuler cela ? La présence d’Icare pouvait être un formidable catalyseur… mais pouvait tout autant signifier la fin de sa mission sur Lorrd.

- Une mission de reconnaissance,
résuma-t-il sur un ton léger. Je venais juste vérifier si avec une longue-vue, on voyait quelque chose de la frontière impériale, d’ici.

Saï reposa la tasse encore fumante, et se décontracta pour laisser reposer son dos sur le dossier de son fauteuil.
Même assis, Icare faisait une demi-tête de plus que lui. Le vieil homme se demanda ce que l’Epicanthix trouvait d’intéressant à sa vie de guetteur – il avait l’air en bonne forme, une forme suffisant pour œuvre encore pour les Jedi, s’il l’avait voulu. Mais visiblement, ce n’était plus sa volonté. Pourquoi ? Avait-il laissé tomber, par dépit ?

- Alanna va bien, j’espère ?
s’enquit-il.

Il avait entendu dire que Maître Bastine avait accompagné Icare lorsqu’il était parti. Etrangement, il avait beaucoup plus d’affection pour cette vieille sephi, alors même qu’il ne la connaissait que peu. Mais ses rares entrevues avec elle et les quelques missions qu’ils avaient partagées quand il n’était rien d’autre qu’un chevalier naïf lui avaient laissé une douce trace, comme le souvenir d’une tante prodigue en sucreries, alors même qu’Alanna n’avait pas été particulièrement attentionnée envers lui. Toutefois, ses conseils de diplomates avaient été des plus utiles, et sa bienveillance autour d’elle une inspiration comme aucune autre.

Maître Don se redressa, le visage plus grave, cette fois. Il avait des questions à poser au vieux briscard. Mais il le laisserait mener le début de la conversation, puisqu'il devait d'abord se justifier sur sa propre présence. Mais ensuite...

Répondrait ? Répondrait pas ? Il n’avait plus peur de poser des questions, depuis quelques décennies. Plus peur de passer pour un imbécile, plus peur de se prendre des réponses cinglantes. Plus peur de se faire des ennemis au sein même de son Ordre.
Plus peur de grand-chose, à part peut-être de trouver la mort au bout du chemin sans avoir accompli ce pourquoi on l’avait nommé maître du Conseil : préparer les Jedi à être, comme son interlocuteur aujourd’hui, des survivants.
Invité
Anonymous


Regret,

Ce mot, autrefois impie et chassé de son vocabulaire, était pourtant celui qui venait à l’esprit de l’Epicanthix en observant son visiteur. Des erreurs avaient été commises, de mauvaises décisions avaient été prises – un entrelacs complexe de fausses présomptions, de parti pris, d’émotions contradictoires – et avaient culminé dans ce qui fut l’une des plus grandes débâcles de la carrière du maître. Saïen l’ignorait – des décennies écoulées depuis, aucune ne les avait vus aborder le sujet sans retenue, sans faux-semblants –, mais, du haut de sa superbe, du haut de son ancien siège, du haut de son ancienne autorité, Icare regrettait – beaucoup. Sauf qu’en même temps, par un curieux paradoxe, il ne regrettait rien. La nostalgie frappait bon nombre de ses contemporains – la contemplation de ce qui aurait pu être en séduisait encore plus. Comme affaiblis par l’âge, par la vieillesse, par la démence, ils s’amusaient à imaginer un monde dans lequel les revers tragiques ponctuant leur réalité ne se seraient jamais matérialisés. Icare rejettait un tel comportement. Si l’épreuve qui avait conduit Saïen-Diethor à mettre fin aux jours de Kaïen-Diethor était dramatique et aurait pu être évitée, probablement que l’humain rabougri par les ans ne serait pas sur Lorrd – probablement que le Dragon n’y serait pas plus présent.

Le passé était le passé pour une raison – s’escrimer à le changer était perte de temps. Seul l’avenir comptait réellement.

Et ce futur, celui promis aux innocent, semblait de plus en plus noir, obscur – comme gâté par l’influence néfaste d’une corruption pourtant indétectable quelques années plus tôt. À la manière d’une mauvaise herbe, cette corruption s’était renforcée, reproduite, multipliée dans un coin reculé, pour ensuite déferler d’une seule poussée, menaçant maintenant d’englober la galaxie toute entière. Une lourdeur, une odeur de soufre, s’était comme introduite dans la Force – une souillure qui dégoûtait et affectait l’Epicanthix, qui habitait à la frontière de l'empire ténébreux qu’était le royaume des Sith. Des milliers d’années à monter la garde, à endiguer le progrès d’un mal bien plus grand, bien plus vicieux qu’eux – des milliers d’années à être vigilants, et pourtant, aucun Jedi n’avait entraperçu cette soudaine épidémie. Ils avaient été aveugles – aveuglés par leur arrogance, aveuglés par leur indolence, aveuglés par leur folle croyance d’avoir vaincu. Icare, en se retirant sur Lorrd, était aussi coupable que tous les autres.

Le Vagabond savait pourquoi le Grand Maître de l’Ordre était devant lui – et il savait pertinemment ce qu’il lui incombait de faire.

- Alanna se porte très bien – bien mieux que moi, à vrai dire. Le temps qui s’écoule a bien moins d’emprise sur elle que sur le commun des vivants. Elle regrette ne pouvoir être présente, mais un accouchement dans un village l’a retenue dans les montagnes. À l’origine, elle devait être celle présente pour te rencontrer; mais, avec son imprévu, les plans ont changé, le gouvernement Lorrdien décidant tout de même qu’il était plus convenable que la planète soit représentée dans des discussions avec un envoyé de l’Ordre par l’un de ses Veilleurs en titre.

Son investiture à ce poste avait été bien entendu scellée par le secret, par le désir conjoint de la Sephi et de l’Epicanthix de presque complètement disparaître. Une information archivée, donc, que Saï Don n’aurait probablement jamais pensé nécessaire de rechercher.

- Ils semblaient, bizarrement, s’imaginer qu’il s’agirait de « négociations internes » au Temple.

Il haussa ses sourcils, signifiant son incompréhension devant une telle présomption.

- Quant à ton sous-entendu, je te confirme qu’il n’y a aucune présence impériale sur Lorrd – je le saurais si c’était le cas. Mais… Ce ne devrait pas tarder.

Son faciès exprimait une sorte d’ennui, mêlée à une pincée de dégoût. Il avait ignoré l’ironie de l’humain; il frôlait la vérité bien plus près qu’il ne le pensait. Bien plus près qu’Icare lui-même l’avait naguère pensé. Si aucun envoyé de l’Impératrice n’avait pour l’instant mis les pieds sur la planète glacée, une telle tendance ne pouvait se maintenir – le monde était trop près, trop stratégique, pour ne pas attiser la convoitise des serviteurs de l’Obscur.

- Lorrd est à une distance idéale des frontières impériales, enfin, à une distance trop idéale. Et pourtant… Vingt ans passées à guetter, vingt ans passées à veiller, et, comme n’importe lequel d’entre nous, je n’ai jamais vu l’Empire arriver avant qu’il ne déboule dans mon vestibule. J’ai été aveugle – nous avons tous été aveugles.

Une profonde lassitude ridait son visage – une lassitude pourtant contrebalancée par une détermination toujours intacte, un désir manifeste de compenser pour leurs échecs.

- Le pire, l’affreux, c’est que les rapports des Ombres déployés dans la Bordure, que nous convoyions jusqu’à Krava depuis Lorrd, n’avaient jamais laissé présager une telle éventualité. Certes, les ténèbres s’agitaient, des créatures depuis longtemps oubliées se réveillaient et commençaient à ramper… Mais nous pensions tous avoir plus de temps – beaucoup plus.

Un échec commun à tous les Jedi était incarné par la présence d’un Empire Sith à leurs frontières, survivant et tyrannisant en toute impunité.

- Enfin… murmura-t-il.

Il s’arrêta un instant, fixant de nouveau son interlocuteur. Des deux, Saï Don était vraisemblablement celui qui avait été le plus marqué par les décennies passées. Il n’était plus le maître en santé, encore fringuant, qu’il avait laissé derrière lui, s’imaginant le voir prendre son siège au Conseil avant longtemps – il avait grandi depuis. Il avait été aux premières lignes du combat, aux premières loges de la catastrophe.

- Je ne pense pas que tu te sois déplacé simplement pour m’entendre monologuer quant aux problèmes auxquels fait face notre obédience, continua-t-il d’une voix plus normale, énergique. Ton statut, ta position, te permettent de les apprécier dans toute leur complexité. Survivre est désormais notre objectif commun. Et à cette fin…

Il étendit ses bras sur ses côtés, semblant désigner toute la pièce dans laquelle ils se trouvaient – non, toute la planète qu’ils parcouraient.

- L’Ordre a besoin de Lorrd.

Son regard glacé fixa l’humain, dans une sorte d’inquisition improvisée. Inutile de lui cacher l’objet de sa visite, de sa « mission de reconnaissance ». Icare n’était pas idiot – il pouvait voir l’intérêt stratégique de Lorrd, tous les avantages qu’elle offrait. S’il était encore au Conseil, sans doute aurait-il supporté ce projet, sans doute l’aurait-il poussé de toutes ses forces pour qu’il se concrétise. Mais il n’était plus au Conseil et, à quelque part, Lorrd était devenu comme une maison pour lui. Une deuxième famille, l’Ordre demeurant sa première. Une cousine vulnérable. Une population devant être protégée. Quoi de mieux, pour exciter les velléités conquérantes des Sith, que la découverte d’une base Jedi chez leur voisine ? Larry méritait-il de voir ses gosses asservis par de nouveaux esclavagistes, par de nouveaux tortionnaires ? Lorrd n’avait-elle pas assez souffert ?

- Afin de surveiller son ennemi, avant de se préparer et d’anticiper les mouvements de ses troupes, l’Ordre a besoin d’une base de surveillance à proximité des frontières – cela, je le conçois aisément. Mais… Saïen, qu’arrivera-t-il aux Lorrdiens, si ce projet est découvert ? s’enquit-il, curieux de savoir si le vieillard percevait les implications de sa visite.

Il était aisé d’imaginer un plan d’action, mais il était difficile d’en assumer toutes les conséquences.

- Si l’Empire décide de s’étendre d’avantage, Lorrd sera l’une des premières planètes à tomber, sinon la première. Ses défenses sont maigres, son peuple, aucunement guerrier. Des gens simples, des gens normaux, qui devront tous souffrir sous le règne des Sith. Mais… Si les Sith découvrent que les Lorrdiens étaient en ligue avec l’Ordre ?

Le maître Manteer s’approcha de la fenêtre, faisant dos au visiteur. Il tourna légèrement sa tête vers la droite, avant de continuer :

- Tu sais pertinemment que leur sort sera bien pire que l’esclavage. Ils souhaiteront instaurer un exemple de ce qui arrive aux mondes indépendants s’alliant aux Jedi, à la République.

Il baissa la tête, fermant les yeux, puis se redressa et refit face à Saï Don.

- Le maigre avantage procuré par l’établissement d’une telle base est-il à la hauteur de la mise en jeu de tant d’existences ? demanda-t-il.

La réponse du vieillard allait lui permettre de rendre deux jugements différents : son projet en valait-il vraiment la peine, et était-il devenu sénile avant son âge.

Saï Don
Saï Don
Messages : 6736
Eclats Kyber : 31
Les nouvelles d’Alanna replongèrent un bref instant le vieillard dans des souvenirs de sa jeunesse. Il était heureux qu’elle se portât bien. Il aurait aimé la voir – il s’avoua d’ailleurs qu’il aurait préféré converser avec elle qu’avec l’Epicanthix. Non qu’il n’estimât pas la sagesse de Maître Manteer… Bien au contraire. Il la redoutait presque. Icare lui apporterait certainement un jugement extérieur plus impartial que toutes les critiques et tous les compliments qu’il avait essuyés ces dernières années.

Le visage grave, le vieil homme observait la surface de l’eau infusée dans sa tasse, qui vibrait parfois de manière à peine perceptible, tandis qu’Icare relevait leurs erreurs. Saï acquiesça douloureusement. L’Epicanthix ne faisait que formuler des constats qu’il avait lui-même déjà faits bien des fois depuis cinq années : ils avaient échoué. Il avait échoué. Et maintenant, il se comportait comme un clandestin quémandant de l’aide dans l’espoir de rebâtir un abri moins exposé, dans l’espoir de se régénérer, dans l’espoir de vaincre un ennemi devenu mille fois plus imposant qu’eux. Dans l’espoir de lui administrer un poison mortel, peut-être, ou de fâcher un monstre plus gros encore pour s’en débarrasser à leur place.

Mais dans sa quête pour vaincre le côté obscur, ses alliés s’étaient faits de plus en plus rares, instillant en lui les premiers doutes sur ses propres choix. Et aujourd’hui, Maître Manteer, comme un aîné demande des comptes à un élève assidu, lui demandait d’exposer ce qu’il avait à offrir.
Le vieillard eut une grimace peinée.

- J’aimerais pouvoir promettre une protection solide aux Lorrdiens,
expliqua-t-il, sincèrement navré, malheureusement, mes efforts pour militariser une potentielle base d’observation, de manière à pouvoir défendre la planète d’une attaque le temps d’évacuer ou d’attendre des renforts, sont restés vains.

Un problème exposé en surface, mais qui assombrissait largement le tableau dans le cœur du maître du Conseil : le temps était fini où il orchestrait les opérations des Jedi à sa manière. Le Conseil actuel n’était plus consensuel. La dernière fois qu’ils avaient évoqué ces questions en audience, ses membres s’étaient presque littéralement affrontés, ce qui en disait long sur la fragilité de l’Ordre, et son impuissance face à l’Empire.
Et pourtant, il y avait tant de Jedi prêts à lui prêter main forte : il les croisait chaque jour au Temple, conversait chaque matin et chaque soir avec cette sagesse naturelle qui émanait de la jeunesse, et qui avait déserté l’organe délibérant de l’Ordre, qui se contraignait à obéir fidèlement à la République. Saï savait cependant que ses opinions n’étaient guère partagées, et qu’il n’y avait aucune raison qu’Icare fût sur la même longueur d’onde que lui. Cela importait-il ? Il était venu chercher de quoi construire une base, non un allié. Et Icare était la dernière personne qu’il s’était attendu à rencontrer ici.
Il devait donc passer par d’autres arguments ; ceux-là même qu’il avait préparé pour le gouvernement Lorrdiens.

- Jedi ou non, Lorrd se trouve sur le chemin de l’Empire. Tôt ou tard, elle sera attaquée, et peut-être conquise. L’Impératrice prend son temps, mais je ne doute pas qu’elle passera à l’action. Elle ne s’attaquera probablement pas à la République, mais bien à ces mondes neutres, dont Lorrd fait partie.

Et alors, que ferait les Jedi ? Au vu de la dernière entrevue du Conseil, ils attendraient sagement que la République réagît. Saï serra imperceptiblement ses poings autour de sa tasse encore fumante. Que pouvait-il promettre, si l’Ordre s’enfermait comme une armée républicaine ?

- Le Conseil ne souhaite pas agir indépendamment de la République, s’ouvrit-il finalement à Icare, le ton grave tandis que ce dernier quittait son fauteuil. Il ne défendra donc pas ouvertement Lorrd… A priori.

Il pensait pouvoir faire confiance à Maître Manteer, lui révéler ce qu’un jeune Jedi n’aurait pu accepter sans souci : le Conseil frôlait le conflit. Cela, l’Epicanthix avait les épaules bien assez larges pour le surmonter. Et la distance nécessaire pour y donner de la perspective, ce dont n’était pas doté Saï. Il se sentait redevenu jeune Chevalier, s’ouvrant à un ancien pour recevoir un conseil, une opinion salvatrice… Depuis combien d’années n’avait-il pu s’ouvrir à quelqu’un sans jugement ? Il était depuis bien longtemps celui qui devait avoir des réponses, et non des questions. Mais avait-il réellement représenté fidèlement la sagesse Jedi ? Il lui était permis d’en douter, ne serait-ce qu’à cause de ses actes et ses logiques pas toujours orthodoxes. Devait-il passer le flambeau aux plus dogmatiques du Conseil ? Peut-être, peut-être pas… Pas tant qu’il n’aurait pas tout tenté pour permettre aux Jedi de se dresser contre l’Empire.

- Je dis a priori, car en ayant autorisé l’existence même de ce projet, le Conseil s’est déjà mêlé de géopolitique extérieure à la République. Dans ce cadre, on peut m’empêcher de positionner les Jedi en faveur ou non des mondes neutres dans le cas d’une attaque, mais pas de protéger une base qui est la nôtre.

Il eut un regard sous-entendu à l’Epicanthix. Il était assez malin pour savoir où Saï voulait en venir. Le vieil homme reposa sa tasse et se leva lui aussi. Marcher un peu, après une longue journée à attendre sur ce fauteuil, l’aidait à mettre de l’ordre dans ses propos. Il se mit à faire doucement les cent pas dans le dos d’Icare, qui s’était tourné vers la fenêtre de la pièce étroite qui les accueillait.

- Nous disposons de beaucoup d’âmes qui souhaitent agir face à l’Empire, dans nos rangs. J’envisage d’employer des Jedi volontaires pour aider à la sécurité de cette base. Dans l’idéal, nous construirions une connexion à la capitale, de manière à pouvoir dissimuler les populations et les protéger dans l’attente de renforts extérieurs. En attendant une telle construction et le positionnement républicain en faveur des mondes neutres dans le cas d’une attaque, ce qui peut être long à se mettre en place, si cela arrive jamais… En attendant, nous pourrions prendre discrètement d’assauts les vaisseaux d’esclavagistes thalassiens, nombreux dans le secteur Kanz. Ils font des allers-retours sur Lorrd. Si nous parvenons à stocker un bon nombre de leurs vaisseaux, et à les dissimuler avec l’aide du gouvernement, alors les Jedi pourront aider la planète à évacuer le maximum de civils dès le déclenchement d’une attaque.

Ils feraient d’une pierre deux coups, en outre, en soulageant le gouvernement local de la plaie que représentaient les esclavagistes, qui harcelaient les régions les plus pauvres de Lorrd. Cela représentait toutefois un risque : si des esclavagistes s’échappaient, ils pourraient révéler à l’Empire la présence des Jedi… Il faudrait donc organiser tout cela avec beaucoup de minutie, éventuellement attaquer en se faisant passer pour d’autres pirates. Bref, il y aurait dans tous les cas beaucoup à faire, mais l’Ordre disposait de la ressource nécessaire.

Le vieil homme interrompit sa marche pour faire face à Icare, dont le regard se perdait vers l’extérieur. Il écarta les bras.

- J’aimerais pouvoir offrir de meilleures garanties, admit-il à mi-voix. Je regrette de ne pouvoir faire plus. Sincèrement.

Il devinait que l’Epicanthix, après tant d’années passées ici, devait être sensible à leur destin. Mais il leur fallait être également sensible au destin du reste de la galaxie, que l’Empire n’épargnerait aucunement. L’échéance était tout simplement plus lointaine. Mais il en avait déjà raté une avec l’avènement de l’Empire, et Maître Don n’était pas prêt à attendre sagement que la prochaine se déclarât à eux aussi sournoisement que la précédente. Oui, Icare avait raison. Ils avaient tous été aveugles.

Invité
Anonymous



Vains.

L’adjectif résonne, caverneux, illustration grotesque d’une réalité aussi déplaisante que prévisible. Le gorge sèche, sa main droite tapotant les jointures de la gauche, l’ancêtre analysait, calculait, comprenait. Les rouages intérieurs du Conseil ne lui étaient pas plus étrangers qu’une mangeoire l’était à son oiseau – si les efforts du Saïen, du Grand Maître de l’Ordre, s’était révélés vains, c’était qu’il avait dû faire face à une sévère opposition de la part de ses collègues. Deux conclusions s’imposaient donc, fruits d’un raisonnement logique…

Primo, les maîtres du Conseil étaient une bande de vieux cons. Initier la construction d’une base secrète, à un poil des sourcils de l’Impératrice, sans autoriser la moindre infrastructure défensive, sans débloquer le plus petit des budgets militaires ? Une erreur tragiquement débutante, qui montrait bien au vieux briscard que les sofas devaient être meublés par une joyeuse bande de colombes idéalistes. Titiller les moustaches du lion sans pour autant revêtir une armure, en se plaçant directement près des deux-trois clodos les plus vulnérables de la savane, c’en relevait du criminellement idiot. Secundo, Saï jouait avec le feu – presque littéralement. Ses sous-entendus étaient aisés à comprendre; ses regards, faciles à interpréter. En sautillant à la limite des instructions de ses collègues, il enfreignait l’esprit même de leur décision, dévoilant ainsi que non, finalement, il n’était pas sot. Il savait ses égaux dans l’erreur; il savait emprunter le bon chemin. À quelque part, l’octogénaire rappelait à l’Épicanthix ce qu’il était jadis au sein de la même instance, trois-quatre rides en plus.

Peut-être plus cinq rides en plus.

Hochant de la tête, continuant à écouter les révélations et propositions de l’humain, Icare se rendit rapidement à l’évidence – qu’il le veuille ou non, les risques inhérents aux agissements de l’Ordre sur Lorrd étaient acceptables, même, nécessaires. Se terrer n’était plus une option. Prétendre que l’Empire n’était pas à un éternuement de les écraser n’était plus une option.

Son indexe gauche tapotait sa jointure droite, ses mains s’étant jointes à son insu. Grande inspiration, petit hochement de tête – la dernière dodelinait un peu sur le côté. Icare réfléchissait.

- Je te crois, Saïen.

Comment ne pourrait-il pas ? L’humain s’était ouvert à lui, n’essayant point de lui cacher la précarité de la situation – qu’il le veuille ou non, Lorrd allait devoir mettre son cou dans la guillotine, et espérer que la lame se révèle n'être qu’une leurre.

- Je… Pause. Si tu promets de t’efforcer à convaincre les autres maîtres du Conseil d’augmenter les ressources allouées à cette entreprise, dès que possible, et que tu t’engages à t’assurer que les mesures que tu proposes soient en effet exécutées…

Le regard du vieillard s’alluma, comme soudain habité d’une certaine motivation – d’un sens de devoir, de service, qui l’avait depuis longtemps déserté, abandonné. Une inspiration soudaine, impromptue, imprévue, qui arrêta l’Epicanthix dans son élan. La cassure était momentanée, mais perceptible.

- Je parlerai aux membres du gouvernement lorrdien et m’assurerai de leur entière collaboration. Ma présence sur cette planète est antérieure à leur arrivée au pouvoir – ils m’écouteront, principalement parce qu’ils me font confiance et savent que je suis leur allié, que j’ai leurs intérêts et ceux de leur peuple à coeur… Passe vingt ans à souffler de la neige sur le terrain et tous les clodos du coin s’imaginent ton ami proche. Il haussa des épaules – sacrés Lorrdiens, ils allaient lui manquer. Mais, nous devrons œuvrer de manière prudente… Très prudente. Les Chevaliers que tu déploieras dans la proximité immédiate de la planète devront être ceux en lesquels tu places une absolue confiance en leur discrétion… La moindre erreur nous serait fatale. Dans un premier temps, je pourrai servir de soutien…

Enfin, déploiras... Le sous-entendu était évident. Trois secondes de silence. Sa décision était prise, pour le meilleur et pour le pire.

- Cependant, je ne compte pas m’éterniser, indiqua-t-il. J’ai passé vingt ans sur cette planète parce que j’y étais nécessaire, parce que la Force m’y appelait – ce n’est plus le cas. J’ai passé les quatre dernières années à me terrer dans une congère, en dépit des besoins de l’Ordre, parce que la Force me soufflait que Lorrd devait être priorisée, que j’y étais plus nécessaire – ce n’est plus le cas. Ceux qui opéreront ta base de surveillance devront reprendre le flambeau, puisque je compte retourner au Temple. Je suis las d'attendre dans la fourrées.

Épouvante – quelque part, une centaine de Jedi horrifiés pleuraient leur quiétude tant chérie des vingt dernières années.

- Nous savons tous deux qu’à terme, j’y serai bien plus utile que si je continuais à cultiver des rosiers morts dans les montagnes. L’Ordre en entier doit s’activer et mettre du sien, y compris ceux qui se croyaient retraités.

Petite pensée pour les pauvres arbrisseaux. Fixant son cadet dans les yeux, Icare soupira toutefois une énième fois.

- Je perçois le doute dans ta voix, Saïen – l’interrogation, l’hésitation. Le regret, même. Probablement es-tu trop âgé pour que je te tienne ce genre de discours - certainement es-tu trop âgé pour que je te tienne ce genre de discours. Certains iraient jusqu’à crier condescendance. Mais, je suis probablement l’un des derniers à pouvoir le faire, et il semblerait que tu aies besoin de l’entendre, dit-il doucement. Ne te laisse pas troubler ou ralentir par le poids d’échecs inventés ou avérés. Comptabilises-les, corriges-les, mais ne les laisse pas t’étouffer. L’Ordre a besoin de détermination, de stabilité, si les Jedi réussiront à survivre et à accomplir leur mission. Plus tard, si la ruine annoncée est évitée, peut-être auras-tu le temps de songer à la retraite, de méditer sur ta propre vieillesse et ta possible expiration… Mais, si même le vieux Maître Manteer doit sortir du trou glacé dans lequel il est allé se cacher deux décennies plus tôt, le Grand Maître Don, lui, doit continuer, termina-t-il, haussant ses sourcils pour souligner l’importance de ses propos.

Un discours d’encouragement qui, quoique sombre de velours, était autant adressé à l’humain qu’à celui qui l’énonçait. Icare, dans son « trou glacé », avait connu la paix, la quiétude. Une sorte de méditation perpétuelle, la joie de vivre avec l’être aimé. Mais, ce bonheur qui était si longtemps leur, malgré leurs tristesses, malgré leurs regrets, se devait d’être éphémère – ils étaient Jedi, qu’ils ne le veuillent ou non, et leur premier devoir demeurait envers la galaxie.

- Ceci étant ditet enregistré, j’espère, songea-t-il – nous avons beaucoup à faire, et relativement peu de temps devant nous; tes deux camarades doivent attendre ton retour avec impatience.

Non point qu’il n’appréciait pas donner des paroles d’encouragement, mais la chose lui avait toujours semblée plus productive lorsque dispensée à des padawans plutôt qu’à des maîtres octogénaires. Enfin, le Saïen, vieux comme il était, devait avoir été soulagé – ou passablement insulté. Les deux s'équivalaient. Lorsqu’on est celui vers lequel autrui se tourne pour des réponses, il était parfois réconfortant de voir un autre endosser le rôle l’espace d’un bref instant.

- Pourrais-tu me décrire plus en détail les lieux choisis pour votre installation ? Si tu as fait tout ce trajet, j’imagine qu’il s’agit d’un détail déjà réglé. Si tu pouvais aussi me faire une liste de ce que vous avez besoin dans l’immédiat, ce serait absolument charmant.

Son masque, des secondes plus tôt compatissant, était redevenu glacé – le Dragon était de retour, et il comptait bien être productif pour sa dernière valse.
Saï Don
Saï Don
Messages : 6736
Eclats Kyber : 31
Soulagement, doutes et certitudes.

Il était résolument tourné vers l’avenir de l’Ordre et de la galaxie mais… Saïen. Ce prénom le renvoyait si loin dans le passé. A son évocation, comme un vieillard se sent toujours un enfant face à sa mère, Maître Don se sentait toujours un jeune fougueux et inexpérimenté face à Icare. Il avait beau s’être aguerri et assagi depuis le temps de l’échec de l’épreuve commune réalisée avec Kaïen, était-il un autre homme ? Certainement pas. Face au vieux dragon de l’Ordre, il ne faisait pas illusion, pas plus que les autres membres du Conseil. Il en avait conscience.

De l’eau avait coulé sous les ponts, cependant, et Maître Manteer semblait prêt à soutenir Maître Don dans ses choix considérés subversifs par les siens. Non qu’Icare et lui eussent jamais eu une relation conflictuelle, mais leur passé commun n’avait pas été jusqu’ici un facteur de rapprochement.

- Je ferai tout mon possible, promit Maître Don avec sincérité.

Le destin de Lorrd le minait lui aussi. Si la planète subissait le même massacre qu’Artorias par la faute des Jedi, il n’était pas sûr d’être en mesure de se pardonner. Cependant, il comptait pouvoir donner bientôt de nouvelles garanties, à Icare ainsi qu’au gouvernement Lorrdien, qui lui permettrait de mettre en œuvre ce projet de manière plus stable et sûre pour chacune des parties concernées.

Les propos d’Icare, en outre, le galvanisaient plus que ce qu’il ne s’y était attendu. Le vieil Epicanthix lui apportait un soutien inattendu. C’était bien plus que ce que Saï était venu chercher ici. La confirmation qu’il n’était pas le seul à penser ainsi rendait son fardeau plus léger, et la perspective d’une figure renommée qui irait dans son sens galvaniserait tout autant les Jedi souhaitant lutter plus activement contre l’Empire.

Le vieillard hocha doucement la tête, ses sourcils blancs et broussailleux se défronçant tout au long du discours de son aîné, jusqu’à se lever d’étonnement. Puis il sourit, provoquant l’accentuation des multitudes de rides qui s’enfuyaient au coin de ses yeux.

- En voilà une nouvelle. Je sens qu’on va me reprocher d’être allé réveiller un vieil hibou à dessein…

… Ce qui n’était pas pour lui déplaire. Ses actuels opposants au Conseil, jeunes idéalistes, allaient tirer une tête de deux pieds de long lorsqu’ils réaliseraient qu’un deuxième ancêtre allait débarquer pour les tourmenter. La perspective amusait beaucoup le vieux Maître. Il se demanda lequel d’entre eux deux serait jugé le plus pénible pour ses rengaines prédicatrices, et lequel le plus fou pour ses velléités guerrières.

Le sermon ramena Saï au sérieux de leur conversation. Bien sûr, Icare avait raison. Ne l’avait-il pas toujours su, qu’il devait tenir bon ? Le doute l’avait poursuivi comme son ombre ces dernières années, toujours plus étendue et menaçante, toujours susceptible de l’engloutir un jour. A son âge, à son statut, il n’y avait plus d’astre solaire pour éclairer sa voie personnelle, plus personne pour l’accompagner d’un flambeau bienveillant, pour éloigner les monstres dissimulés dans les recoins sombres de l’existence. Et pourtant, il avait persisté, il avait marché dans l’inconnu, exploré des solutions périlleuses, et rarement il avait été récompensé pour ses efforts. Une fois n’était pas coutume, cela avait été le cas aujourd’hui.
Oui, il avait réveillé un vieux dragon. Mais un dragon du côté de la raison et des Jedi.

- Merci pour votre soutien, Maître Manteer, il m’est d’un précieux usage. A moins que je sois assez vieux pour t’appeler Icare et te tutoyer, maintenant ?

Maître Don retourna s’asseoir dans le fauteuil qui était le sien, avant d’ouvrir la besace qu’il avait laissé de côté. Sur son datapad personnel, il appela les dernières données récoltées lors de leur visite de la surface de Lorrd. Un rapport détaillé contenait des images, des données chiffrées, des résultats topographiques effectués par des radars, des descriptions rédigées faisant état des lieux. Il tendit l’appareil à l’Epicanthix.

- Voici la zone visée, commenta-t-il. Un réseau caverneux au cœur du quadrant D8 de la planète, sur un territoire excessivement peu peuplée, à part de quelques gorgodons peu accueillants. Les massifs rocheux rendent les lieux peu habitables, et il ne s’y trouve apparemment pas de matière précieuse à exploiter, d’où le faible intérêt que tout le monde leur a témoigné jusqu’ici. Les tempêtes de neige y sont courantes, ce qui nous procurera les turbulences régulières nécessaires pour faire transiter du matériel en toute discrétion, même si les manœuvres seront difficiles. L’idée est d’installer rapidement la technologie nécessaire à une surveillance spatiale et des ressources suffisantes pour constituer une garnison de Jedi en faction, de manière à ce qu’ils puissent intervenir à proximité très rapidement. Le recensement des moyens nécessaires se trouve aussi dans ces documents… Mais l’Ordre Jedi a de quoi pourvoir la plupart d’entre eux. Cela reste une base légère, en tout cas pour le moment. Toute aide militaire, sous forme vivante ou matérielle serait bien évidemment la bienvenue, mais cela se fera dans le cadre d’une coopération avancée avec les autorités lorrdiennes, une fois qu’ils auront accepté le principe de notre collaboration.

Le vieillard se tût, laissant toute latitude à l’Epicanthix pour consulter les documents qui l’intéressaient. Il connaissait la planète bien mieux qu’Evengellyne, Yun ou lui ; peut-être verrait-il quelque défaut ou opportunité dans leur plan qui leur aurait échappé.

Et soudain l’évidence lui vint. La Force ne l’avait-elle pas amené ici, à ce moment précis, pour cette idée saugrenue ? Le vieil homme sourit dans sa barbe et se leva de nouveau. Il réajusta sa bure pour se protéger du froid, s’harnacha de la besace qui contenait ses maigres possessions. En effet, il allait devoir bientôt s’en aller. Mais pas avant d’avoir planté un dernier germe dans la tête du vieux dragon.

- Tu as raison, dit-il, mes compagnons vont m’attendre si je m’éternise. Nous nous recontacterons dès que nous aurons avancé, chacun de notre côté. En attendant… C’est un véritable réconfort de te savoir de nouveau parmi nous. Sais-tu que nous arrivons dans quelques mois au terme des trois années réglementaires pour les membres non titulaires du Conseil ? Cela signifie que nous allons devoir bientôt désigner de nouveaux membres pour siéger à nos côtés.

Les yeux azur du vieil humain s'animèrent d'une malice scintillante, antiques étincelles héritées de sa jeunesse.

- Si je dois gâcher ma retraite, autant que je sabote celle des autres en même temps, non ?

Allez, viens donc t’encanailler avec notre joyeuse bande d’idéalistes.
Invité
Anonymous



Vieil hibou.

L’épithète était crue, honnête – ridiculement exact.

Des années auparavant, il était membre du Conseil, senior même parmi ses collègues – des années auparavant, il était Dragon. Mais, maintenant ? Dénué de son prestige d’antan, oublié, considéré comme trépassé, il n’était qu’ombre, la pâle imitation d’un reptile cracheur de feu; lointaine était l’époque où les maîtres, chevaliers et apprentis tremblaient à son approche; lointaine était l’époque où les politicards écoutaient religieusement ses conseils, lorsqu’il consentait à les dispenser. Longtemps – une vie d’homme ! – il avait œuvré en presque impunité, offrant sa lumière pourtant défaillante à ses subordonnés. Longtemps – plusieurs générations ! – les uns et les unes avaient été forcés d’ouïr ses sermons, de les respecter, de les enregistrer. Longtemps – presque un siècle ! –, dans ce qui lui semblait être désormais un mirage, nul n’aurait osé le comparer à un volatile aussi peu dangereux et tous anticipaient ses décisions pragmatiques, ses jugements désintéressés ainsi que ses verdicts impitoyables.

Pourtant, il était bel et bien un vieil hibou. Ses heures de gloire étaient dépassées – ses danses macabres étaient trop lointaines pour réellement définir son être. Son corps vieillissait, sa force s’amenuisait – le filon de jouvence qui lui avait été accordé par la Force touchait à sa fin. Le vivait-il bien, l’acceptait-il ? Absolument; vieillir ne voulait pas dire dépérir, disparaître – peut-être n’allait-il plus pouvoir tâter le Sith comme d’antan, mais il recelait toujours un nombre appréciable de tours dans son sac… De quoi rendre fou autant leurs ennemis que leurs amis. L’Ordre s’était débrouillé en son absence, bon an, mal an – à voir comment son concours pourrait bien améliorer la situation. Si les jeunes ignoraient sa simple existence, son simple nom, les plus âgés, eux, n’auraient jamais oublié qui était réellement le Veilleur de Lorrd. Bien que diminué, miné, l’Epicanthix se savait un redoutable atout dans la lutte contre l’Obscur – sans quoi, jamais il n’aurait songé à quitter sa planète d’adoption.

La demande du Saï Don lui arracha un demi-sourire, rare expression d’émotion sur un visage souvent figé. Pouvait-il le tutoyer ? Aux yeux du Vagabond, le simple fait que l’humain se sentait légitime dans son questionnement rendait la réponse positive. Les padawans, les chevaliers, les maîtres – tous le vouvoyaient, sans distinction, craignant son courroux vis-à-vis d’un irrespect perçu ou véritable. Toutefois, Icare n’était pas si intransigeant; le Saïen d’autrefois n’était plus, et face à lui se dressait un égal, non un enfant nécessitant correction.

- Le privilège a depuis longtemps été gagné, quoique jusqu’alors jamais réclamé.

La remarque était évidemment pince-sans-rire. Observant le vieillard qui retournait sur son siège, Icare fut frappé par l’évolution de leur relation. Soixante ans plus, jamais n’aurait-il pensé se retrouver sur une planète glaciale à échanger d’amènes plaisanteries tout en discutant du sort de millions de Lorrdiens… Décidemment, la vie d’un Jedi demeurait pleine de surprises, pleine d’imprévus, et particulièrement pleine de retournements. Un brin de nostalgie, de tristesse cachée, subsistait tout de même encore – la pensée amèrement entretenue de ce qu’aurait pu être l’autre jumeau, Kaïen, sans ses erreurs de jugement. Rapidement, l’absence fut chassée par le datapad qui lui était tendu. S’emparant de l’appareil et commençant à lire quelques données, tout en écoutant le discours de son comparse, l’Epicanthix hocha de la tête. Les montagnes étaient un endroit rêvé pour installer une base secrète – pas pour rien qu’il habitait dans les vallées adjacentes.

- Les gorgodons sont un problème mineur, quoique préoccupant. À mon arrivée, ils n’étaient aucunement présents sur la planète; ils furent introduits dans l’écosystème accidenté à mon insu, par un individu dont j’ignore l’identité. Je n’ai jamais vraiment eu l’intérêt suffisant pour réellement enquêter – comme je disais, il s’agit pour moi d’un problème mineur –, mais il pourrait être souhaitable pour nos collègues qui occuperont ces lieux de se pencher sur la chose, ne serait-ce que par prudence.

Parcourant plus en détail les informations qui lui étaient offertes, il laissa l’humain terminer son exposé. Ses affirmations étaient raisonnables – le gouvernement lorrdien pourrait vraisemblablement lui offrir un minimum d’assistance, ne serait-ce que pour transporter du matériel. Pour les besoins financiers, par contre… Mhm.

- Les montagnes sont un lieu idéal, et c’est en partie la raison pour laquelle je me suis établi dans l’un des vallons; peu de gens, discrétion absolue, tant d’attraits pour des Jedi ne cherchant pas à se faire remarquer. De janvier à mars, les cols sont cependant impraticables, et les tempêtes légèrement trop violentes pour des manœuvres un minimum sécuritaires, à mon avis. La base devra donc être approvisionnée suffisamment pour opérer avec autonomie sur quelques mois, et ceux de faction prêts à ne pas souvent pouvoir sortir…

En d’autres mots : n’y envoyez pas le premier dépressif venu.

- Des communautés sont présentes dans les environs. Elles pourront peut-être fournir quelques vivres, mais seulement en cas de dernière extrémité – un dernier coussin, disons. Pour le reste, le gouvernement lorrdien pourrait vous aider pour le transport, et au-delà de cela… Il pourra peut-être vous fournir des équipements usagers, ainsi que de l’aide ponctuelle, peut-être même des transports, mais… Les capacités financières de la planète sont limitées, et il me semble que tu as peut-être vu une fraction du pourquoi.

Icare suivait de loin les progrès entrepris par ses protégés dans leurs efforts visant à préparer une résistance; une démarche qu’il avait encouragée, mais pensait peut-être inutile – enfin, seul l’avenir pouvait en juger. Le secret de l’initiative rendait cependant la chose extrêmement onéreuse à camoufler, et ainsi limitait les ressources d’une planète déjà peu fortunée.

- Je…

Le Dragon s’arrêta brusquement, fixant avec intensité les coordonnées. Se pouvait-il que… Oh. Une étincelle d’alerte – des souvenirs peu agréables en résurgence.

- Saïen, si je ne me trompe pas, le complexe de cavernes que vous comptez utiliser est n’est pas seulement abandonné de par son manque de ressources… Lorsque je suis arrivé sur Lorrd, j’ai visité ces grottes – rapidement, hâtivement, sans pour autant m’y attarder. Ils sont attenants à une sorte de puit. Je vais être clair : n’y pénétrez jamais – jamais, ou encore avec la plus extrême des prudences. Dans l’ombre du puit, à une profondeur telle que la lumière elle-même y est absente, sévit une créature de l’abîme – une, ou plusieurs. L’air y est lourd, et l’obscur, terrifiant. La haine des millions morts pour creuser ce puit habite et anime ce monstre, Saïen, et son engeance ne peut qu’être contenue. Prudence, donc. Vous pourrez recevoir l’aide des individus habitant les environs, qui cherchent à contenir ce mal, mais…

L’Epicanthix secoua négativement sa tête, bien qu’inflexible dans son regard de glace.

- Je n’ai pas la puissance de vaincre ce mal – je ne l’ai jamais eue. Peut-être peut-il être vaincu pour un certain temps, mais ce ne sera toujours qu’une victoire temporaire. Les ténèbres y sont trop puissantes pour être totalement anéanties. Au mieux, si vous l’affrontez, vous le renverrez se tapir dans son nid – mais sans plus. J'ai bien peur que le pouvoir nécessaire pour abattre cette bête soit ou perdu, ou encore à découvrir.

Le Maître Manteer n’avait que rarement peur – pourtant, le souvenir du malaise sourd qui l’habitait durant son exploration des profondeurs le hantait toujours, une sorte d’astérisque perpétuel lui rappelant pourquoi la surface sera toujours plus sûre sur Lorrd que les grottes les mieux camouflées.

La suggestion du vieux Saï Don avait le mérite d’être directe – Icare souhaitait-il retourner au Conseil, si l’occasion se présentait ?

- Je servirai l’Ordre, Saïen, peu importe comment. Si le Conseil juge l’idée pertinente, alors je m’inclinerai, et dirai adieu à ma refonte prévue des jardins qui allait occuper le plus clair de mon temps.

Il allait servir – oh oui. Mais, selon ses conditions.

- Une grande besogne se dresse devant nous, et j'espère que la Force nous accordera l'endurance de résister à l'ouragan qui s'annonce.

Il le fallait... Sans quoi, ç'allait être la Galaxie qui raflerait l'addition.

Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
skin made by
© jawn